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[RP] Carnet de voyage...

Ewaele
[Limoges]

Le retour dans la Capitale, attendre les résultats des Comtales, éviter soigneusement certaines personnes, et finir son mandat aussi bien qu’elle le pouvait dans les dédales de sa vie. Elle suffoquait dans cette ville, mais si jamais elle était élue elle remplirait au mieux son poste de conseillère. En attendant peut être serait–il plus simple de s’occuper en imaginant au mieux son futur proche… Et si elle était libre, si elle arrivait à lâcher enfin du leste, à reprendre un peu de liberté et laisser le Limousin et son devenir à eux à ceux qui se croyaient mieux et plus forts, qui se disaient être les têtes pensantes de tout temps et surtout qui hurlaient plus fort que tout le monde arriverait-elle enfin à vivre? Ceux-là même que personne n’osait faire taire de peur de voir s’abattre sur eux le courroux des vieux sans âge, qui à part brailler et fuir en laissant tout le monde se dépatouiller des éclaboussures qu’ils avaient fait, ne savaient rien faire de mieux.

Lassitude quand tu nous tiens. Oh pas lasse du travail et de ses responsabilités mais des despotes. Pas de nouvelles d’un Comte depuis belle lurette à se demander si là aussi il y avait un avenir. Paris, moines ou disparition, elle n’en savait fichtre rien… Etait-ce si dur d’écrire ? Elle haussa les épaules, vidée de tout cela, déjà la mort de son demi-frère l’avait fait partir de la Capitale pour se rendre à Bourganeuf une dizaine de jour à la fin de son mandat pour arranger quelques affaires les concernant. La seule famille de sang à sa connaissance qui lui restait. Elle n’avait rien dit à personne de la missive reçue, mais tout lui pesait ces derniers temps, elle avait besoin de liberté, de respirer de vivre simplement loin des turpitudes de la politique.

Tout était allé très vite en fait, les résultats, les places des conseillers. On lui proposait d’être Capitaine mais elle ne pouvait prendre ce poste. Licorneuse, le cumul des fonctions lui était interdit, à part la démission elle n’avait pas eu le choix. Bref, rendre ses clefs avait été d’une simplicité enfantine, comme si la nouvelle Comtesse n’attendait que cela, comme si cela arrangeait bien les affaires de certains. Pas de rouquine dans les pattes à les faire suer sur telle ou telle choses. Elle avait débarrassé le Château de Limoges, tout ramené dans son hostel particulier, rangé, classé, et sans réfléchir avait sortie une carte du royaume.

Marie devait partir, pourquoi ne pas en profiter? Mais serait-elle seulement prête à temps? Non cela n’avait pas été le cas… Elles étaient parties avec une journée de différence et Ewa avait des obligations sur la route. Déjà elle avait récupéré Gabrielle, la fille de Gaborn, qui avait fait une poussé de fièvre la vieille. Les deux femmes avaient décidé de ne pas la faire voyager dans cet état et, du coup, Ewaële l’avait prise sous son aile et avait fait préparer le coche des Brassac pour la conduire. Mais elles ne furent pas seules pour ce départ un peu précipité. Son escorte bourganiaude, Sieur Balmir, faisait le voyage retour, ainsi que deux autres personnes, la Comtesse Zoléalie et le Sieur Klésiange qui rejoignaient les Flandres et profitaient du groupe pour voyager ensemble.

Dernière soirée à Limoges, dernière soirée dans sa taverne avec quelques amis et connaissances, puis les paroles des autres étaient devenu un brouhahaha, elle avait quitté « Bombarde et Châtaignes », son établissement, précipitamment, évitant de se retourner, évitant de regarder Flaiche, un ami de toujours, pour ne pas douter de ce qu’elle avait décidé de faire… Les rues de Limoges en compagnie de Balmir, quelques pas au clair de lune, pour rejoindre les autres, sa monture, et prendre la direction de Bourganeuf où Breccan, son frère Licorneux, les attendait pour se joindre a eux.

Bizarre les sentiments qui nous habitaient des fois, durs même à expliquer… Mais là, entrain de chevaucher, elle était dans un ailleurs, un monde qu’elle avait déjà dû frôler du bout des doigts, mais oublier depuis fort longtemps… Sentir le vent s’engouffrer dans ses cheveux, sous sa cape de la Licorne, sentir sa peau frissonner à nouveau alors que l’air s’immisçait simplement sous le tissu… Depuis combien de temps n’avait-elle pas eu cette impression? Ces sensations ? Mais qu’était-ce donc ? Avait-elle donc tant oublié de choses à rester cloisonner dans la capitale? Et son cheval galopait devant, escortant un coche avec une enfant et une femme enceinte, laissant aux deux hommes la charge de l’encadrer du moins un temps.

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Ewaele
[Bourganeuf]

Le jour se levait à peine quand les remparts de la ville firent leur apparition. Passer le poste de garde avait été aisé, après tout, elle était relativement connue en dépit du fait qu’elle avait quitté la bourgade depuis presque un an…

Passage obligatoire devant un lieu qui lui tenaillait le cœur, sa forge… En ruine! Le plan d'ensemble, bien organisé, en faisait une des plus importantes de la ville, reliée à celle de son compagnon de l’époque, un site favorable à une très forte retenue d'eau. Cette dernière actionnait, à l’époque, des roues à augets et à aubes développées chacune de moult chevaux : des roues pour les soufflets du haut-fourneau double, d’autres pour l'atelier d'affinerie (pour les soufflets, le foyer et le marteau) et d’autres encore allant de pair pour le train d'aplatissoir et taillants de la fenderie.

Retour en arrière Zlly et elle, l’ours comme il se faisait appeler, tant de souvenirs aussi bons que mauvais. Que lui était-il passé par la tête le jour où elle l’avait rejoint? Pourquoi n’avait-elle pas écouté ses amis?Peut être car l’amour l’avait prise en son sein, car elle avait cru… Oui seulement cru car la chute fut dure… Elle balaya ces souvenirs d’un geste de la main alors qu’elle marchait maintenant au pas sur les pavés afin de rejoindre avec ses compagnons, sa demeure qu’elle avait gardé. PsyK s’y était installé un temps. PsyK, son frère, celui qu’elle avait tant et tant recherché, sa moitié… Et ce duel à l’épée sur la place de Limoges, jusqu’au premier sang se souvenait-elle. Oui premier sang, c'était elle qui l’avait fait couler. Juste la pointe de son épée, là, logée dans son dos, alors qu’elle lui faisait la dite botte de son père, de leur père. Et cette tâche de naissance en bas des reins, cette petite dague était apparut là comme par enchantement. Lui, son frère d’armes, qu’elle avait sauvé d’un mauvais pas sur les remparts de Rieux, lui pour qui elle avait reçu cette flèche dans le cou et connu les geôles et bien d’autre choses qui lui avait définitivement enlevé son innocence et une part de ce qu’elle était : une femme…

Décidément Bourganeuf la mettait d’un coup mal à l’aise, trop de souvenirs affluaient… Il fallait qu’elle fasse abstraction de tout cela. Une fois l’installation de l’enfant et la Comtesse dans sa demeure faite, elle s’échappa, laissant ses gens s’occuper du coche des Brassac et des chevaux. Elle partit en direction de la ville avec sieur Balmir pour se rafraichir le gosier et surtout oublier. Oublier tout ça, en souhaitant repartir vite, plus vite qu’elle ne l'aurait voulu en fait. S’installer dans une taverne et au milieu de la discussion, simple mais au combien reposante, elle écrivit une missive à son frère licorneux, afin de lui donner les modalités du voyage à venir et le rendez-vous pour le départ. Décidément elle ne voulait pas s’attarder. Elle avait profité de leur détour par le marché pour passer une grosse commande de pain pour elle et ses compagnons, et avait fait livrer le tout là ou elle avait coulé des jours heureux quand même avec Gri.zzly.

L’heure de prendre du repos était venu, elle avait quitté son escorte pour trouver un coin calme et retiré, s’allonger dans les herbes folles, retirer ses cuissardes, fermer les yeux un instant, s’évader et se dire que le Limousin serait bientôt loin dans son dos… Sans doute reviendrait-elle oui, elle y reviendrait cela ne pouvait être autrement. Ce Comté faisait partie intégrante de ce qu’elle était, il l’avait, à sa façon, construite et façonnée. Le sommeil la gagna, mais il fut agité comme elle aurait pu le prévoir, des visages faisaient leur apparition, des fantômes, ses fantômes. Elle se réveilla en sueur, et avec un gout amer dans la bouche, pâle sans doute. Le soleil commençait sa lente descente revêtant le ciel de couleurs flamboyantes comme ses cheveux.

Elle regagna la maison où tout le monde l’attendait, sauf le sieur Balmir qui, pourtant, avait prévu de venir jusqu'à Guéret. La rouquine attendit un peu, mais ne voulant se mettre en retard et faire poireauter la petite troupe, elle mit un pied à l’étrier et se hissa sur sa monture, coup d’œil à Breccan, hochement de tête sans parole, cela n’était pas nécessaire. Elle prit la tête et tranquillement sortit de la ville avec ses compagnons. Enfin elle retrouvait les grands espaces, quittant Bourganeuf et ses souvenirs entêtants comme un parfum trop longtemps inhalé? Coup de genoux pour accélérer la cadence, elle s’échappa à nouveau, rejointe très vite par le Seigneur de Sarran qui, silencieux, devait comprendre les sentiments éparses qui l’habitaient…

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Ewaele
[Guéret]

Arrivée dans la dernière ville Limousine de leur voyage. Arrivée matinale, Gabrielle dormait encore dans le coche. Ewaele s’arrêta devant une taverne de la ville, tenue par des amis, et alla installer l’enfant dans une chambre afin qu’elle puisse continuer à se reposer. Elle repasserait plus tard. Zakuro la tavernière ne devait pas être loin, la rouquine lui laissa un parchemin sur le comptoir afin qu’elle prit soin de l’enfant tandis qu’elle irait s’occuper de son équidé. Celui-ci devait être pansé et nourri après cette course folle. Il lui fallait également trouver un forgeron pour faire vérifier le fil de son épée, cette dernière n’avait pas servit depuis longtemps et n’ayant plus de forge elle ne pouvait faire le travail. Mais elle préférait éviter d’en avoir besoin en l’état et de déchiqueter son adversaire plutôt que de trancher dans le vif.

La journée était calme, elle alla s’installer dans une chambre voisine alors que Gabrielle, réveillée, se trouvait maintenant à ses côtés en train de déguster un déjeuner frugal préparé par l’ancienne Porte Parole du Limousin. Elle la regarda un temps puis se replongea dans ses écrits. Un dossier à monter, se souvenir, relater, ne rien oublier, essayer de faire cela au mieux. N'était-ce pas son avenir qu’elle préparait ainsi? Oui mais voilà elle manquait d’originalité à son goût, mais être original dans ce qu’elle avait pu faire n’était pas chose aisée. Difficile d'inventer, ses écrits devaient relater ce qui fut et était et non des affabulations sinon elle serait refusée ad vitam aeternam pour le coup.

Mais Gabrielle, alors que la Comtesse posait sa plume, avait décidé qu’il était l’heure de passer à autre chose. Ewa ne savait pas vraiment s'occuper des enfants, elle avait eu un temps s’occuper de son filleul, Arthur, qu’elle porterait toujours dans son cœur. Lui si vif, si réactif, si ironique aussi, et chenapan, la vie lui fut courte et elle regretterait toujours son absence… Les anges devaient être son futur…

Journée qui passait, journée banale comme bien d’autre. La soirée se profilait et déjà il fallait apprêter les bêtes, et le coche. Ewa s’en chargea personnellement et alla rejoindre la taverne où ils s’étaient installés. Ses compagnons s’organisaient individuellement, elle ne s’occupa pas d’eux et s’installa à une table dans le fond de la salle. Les chaises se vidaient petit à petit, elle se retrouva seule en tête à tête avec Klésiange. Elle ne se souvenait que vaguement de la discussion qui prit tournure, elle se souvenait surtout du mal être qui l’envahissait en se disant que d’ici peu elle quitterait le Comté. Une boule s’était formée au creux de son ventre et elle espérait que les questions sur ce sujet ne pointeraient pas le bout de leur nez, mais voilà c’était peu faire confiance au destin.

Allez savoir pourquoi quand les gens rentraient dans une taverne ils avaient toujours l’impression de déranger. Il suffisait pour cela qu’il y ait un geste, un mot, un regard et dans leur tête tout un scénario se montait sur ce qui n’était pas. Ce fut ainsi que la Comtesse Léalie fit irruption trouvant Ewa à genoux, le front reposant sur la cuisse du jeune homme. Alors vous diriez quoi vous? Aventure passagère? Réconfort amical? Scène sortie tout droit d’une pièce de théâtre? Quoi qu’il en soit, apparemment ce geste fut plus que louche à l’arrivante puisqu’elle eut du mal à s’en remettre, et ce pendant quelques jours. Jalousie ou autre chose? Qui savait? Mais ce n’était pas la rouquine qui aurait pu répondre. Ewa se releva et essaya d’expliquer son ressenti simplement à une Comtesse en proie au doute et qui l’agaçait légèrement.

Hé bien oui, elle souffrait notre rousse, elle souffrait de quitter ainsi le Limousin, elle avait des craintes, des interrogations, elle se demandait ce qu’elle trouverait de mieux ailleurs, et au lieu de s’épancher sur l’épaule du jeune homme elle avait préférer la cuisse, elle n’avait pas vu en son geste ce qui pouvait être choquant! Il avait juste posé une main sur son épaule essayant de la réconforter aussi bien qu’il le pouvait dans cette situation. Oh les doutes et les questionnements firent vite place à une colère contenue, elle se releva rapidement sur ses deux pieds, faisant même claquer les talons de ses cuissardes. Elle prit de la distance, et essaya de faire abstraction des regards de la jeune femme qui la chagrinait plus qu’autre chose à vrai dire. Décidément l’être humain avait facilité a voir ce qui n’était pas, à imaginer des situations scabreuses là ou il n’y avait que… Ce que vous voudrez après tout…

Le reste elle ne s’en souvenait guère ou alors préférait le garder pour elle, sa mémoire revenant encore plus tard dans la soirée, la Comtesse Léalie partie depuis longtemps, Klesiange et Breccan en sa compagnie alors qu’elle était assise sur le comptoir, les cuissardes retirées. Elle avoua qu’elle craignait fortement qu’on lui touche la voute plantaire. Oh malheureux ce qu’elle n’avait pas dit! Elle jeta des regards furibonds et remonta ses pieds pour les cacher. Klesiange partit à un moment donné et elle se retrouva seule avec son frère licorneux aux genoux boudeurs. Discussion entre deux amis de longue date, regards complices et sourires en coin aux différentes remarques, il fut l’heure de retrouver le groupe et de prendre la route.

Pincement au cœur quand elle laissa le coche passer devant, s’arrêtant sur les hauteurs surplombant la ville pour scruter l’horizon éclairé par les astres. Regard circulaire sur ses terres, sur le Limousin, sur ce qu’elle laissait derrière elle. Des souvenirs à la pelle venaient percuter violemment son esprit, elle s’accrocha à ses rênes et se remémora…

Guéret et des jours d’attentes en tant que Gouverneur de Bourganeuf, sous les ordres de feu Rochegarde.

Guéret et encore l’armée qu’elle avait ramenée un an plus tôt de la guerre de Bretagne après la reprise d’Orléans.

Guéret, mais au delà de la ville, de cette ville il y avait aussi, Ventadour, Tulle, Rochechouart, Bourganeuf et Limoges… Des souvenirs par milliers qui, en elle, ce soir faisait écho déjà d’un passé.

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Ewaele
[Châteauroux]

Voilà ils étaient ailleurs, dans un duché voisin au Limousin, le Berry… Que dire, que raconter?

Toujours le même scénario, s’occuper du coche, des chevaux, et trouver une taverne où se poser en attendant le nouveau départ pour un ailleurs.

Des rencontres en taverne, des discussions… Muad, celui là même qui avait fait son nouveau blason, vassal lui aussi de Marie-Alice, et sa compagne. Elle ne pensait pas le croiser là. Puis d’autres, elle se perdait dans les gens qu’elle avait pu voir ou avec qui elle avait pu parler. Sauf peut-être un ou deux. Un Duc duveteux et sa plus ancienne opposante, soirée mouvementée et très juteuse, enfin façon de parler.

Mais reprenons le fil de l’histoire. Apparemment entre la Comtesse Léalie et Klesiange, le beau fixe n’était plus de mise. Il devait l’escorter jusqu'à Tournai mais n’était plus désiré à ses côtés. Ewa n’avait pas essayé de s’immiscer dans leur discussion, bien assez affairée avec les siennes mais apparemment il y avait eu des mots échangés qui pesaient lourds. Et ce fut ainsi qu’elle se retrouva en taverne pour la soirée avec ces deux là, Muad et sa compagne sans oublier le Poilu et Dame_Floryne. Quelques verres offerts pour leur faire découvrir les alcools de la région, une discussion lourde, chargée, orageuse. Un Klesiange qui ne voulait pas en démordre, il irait jusqu'à Joinville pour des affaires diplomatiques apparemment et comptait retrouver la Comtesse Léalie sur la route pour finir le voyage.

Des chuchotements à ne plus en finir, que ça soit entre la Duc et Muad_dib ou le Duc et la Dame de Clairambault. Des regards qui en disaient long sur les propos tenus. Ewa ne se sentait pas forcément à sa place, surtout qu’elle venait d’essuyer par le Duc de Berry, deux trois moqueries bien placées dont il était friand. Des pics, des caps… Bref entre parler de l’ADC en disant que c’était l’Alliance des Clowns, ou mettre à mal la Licorne, Ordre Royal dont faisait parti Ewa en tant qu’Ecuyère, il n’avait rien trouvé de mieux pour baver. Jusqu’au moment où la discussion prit une nouvelle tournure et où la rouquine sentit une vague d’énervement, de colère monter aussi bien dans ses tripes que dans sa tête.

Accrochage à nouveau, Klesiange quitta la taverne suite à des remarques mal a propos, et une invitation à laisser la Comtesse en paix. A peine le jeune homme parti, que le Poussin proposa de s’occuper lui-même du sort de l’escorteur devenu indésirable en l’abattant. Il n’en fallait pas plus à la rouquine pour voir rouge et menacer à sa façon le personnage, tout Duc qu’il fut. Elle lui fit bien comprendre que son statut n’y changerait rien et que si lui ou un de ses sbires approchaient de trop près son groupe de voyage, il gouûterait la pointe de son épée. Heureusement la dame de Clairambault fit aussi opposition à cette offre fortement déplacée. Elle quitta la taverne ne sachant pas ce que ferait la Comtesse de Valenciennes qui apparemment s'était trouver un allié auprès du Duc, il faut dire aussi que c’était l’avocat de son mari dans diverses affaires en cour. Malheureusement pour elle, elle n’eut pas vraiment le choix et dût continuer le voyage puisque ces affaires étaient chargées et qu’il était hors de question de tout défaire à cette heure tardive.

La licorneuse alla donc rejoindre la taverne où elle avait prit une chambre et retrouva Klesiange et Breccan comme pratiquement tous les soirs. Installée sur le comptoir, elle discuta un moment avec eux, les habitants de Châteauroux rentrant et sortant. Un autre voyageur vint les rejoindre, drôle de personnage à l’esprit assez réactif sur les propos tenus, les déformant au grée de ses envie pour les tourner de façon cocasse. Il ne savait pas à qui il avait à faire avec les trois compagnons de route qui s’amusèrent tout autant que ce dernier. Départ du Seigneur de Sarran qui devait ce soir là s’occuper d’emmener l’équipage aux portes de la ville. Ewa resta seule avec Klesiange et un habitant dont le nom lui avait échappé encore une fois, sergent ou douanier de la ville lui semblait-il. Le bougre qui demanda s’il dérangeait et qui ajouta, sans laisser le temps de répondre, que de toute façon, même si c’était le cas, il attendait quelqu’un et ne bougerait pas. Klesiange, déjà passablement énervé, alla de nouveau prendre l’air, demandant à la rousse de l’accompagner, mais ce ne fut pas sans compter sur l’individu qui fit tout pour la retenir. Beaucoup de blabla. Se trouvait-il donc irrésistible pour sortir son numéro de charme à une Ewa plus qu’indifférente et qui ne savait plus comment sortir de ses griffes sauf en étant impolie? Heureusement pour elle, Klésiange revint et l’aida à sortir de se mauvais pas, ils retrouvèrent Breccan et le coche avec enfant et femme enceinte et quittèrent la ville sans demander leur reste.



[Entre le Berry et la Bourgogne un coin de campagne tranquille]

Point de taverne icelieu. Pour écrire ses souvenirs, elle s’installa sous sa tente, afin de faire les annotations sur son carnet et ne rien oublier des tribulations de la veille. Tout le monde était installé au mieux de ce qu’ils pouvaient dans la cambrousse du Royaume. A qui ferait le feu, à qui irait trouver de quoi se mettre quelque chose sous la dent, histoire de changer un peu du pain de voyage. A qui finirait d’installer le campement. Gabrielle riait dehors en compagnie de Léalie, apparemment la jeune femme faisait bonne figure en dépit du fait qu'elle continuait de voyager avec eux. Même si, au demeurant, elle évitait soigneusement de se retrouver en présence de Klesiange. La journée fut calme, Ewa la passa à se reposer, visiter les alentours proches et écrire. Elle avait reçu quelques nouvelles du Limousin, du Conseil, de ce qu’il se passait, un bal masqué avait eu lieu, et à en croire les récits fait, ça avait du être fort amusant d’y assister et la situation avait dû être piquante.

Avait-elle des regrets d’être partie? Non, elle ne pensait pas non, même si certaines choses lui manquaient, si certaines personnes n’étaient plus à ses côtés, elle commençait à regarder tout ça d’un œil extérieur, à lâcher prise et à se dire qui vivrait, verrait. De toute façon, il ne pouvait en être autrement, à quoi cela servait-il de s’encombrer l’esprit inutilement? Et puis, si besoin elle était sur qu’on saurait toujours où la trouver. Perdue dans ses ailleurs, elle ne vit pas la journée passer.

Elle décida de mettre à profit la cuisson du repas pour faire ses ablutions nocturnes dans une source située derrière un promontoire rocheux. Avant de s'y rendre, elle prit dans ses sacoches des braies, un bustier et une pièce de lin propres. L'endroit se présentait comme une cuvette naturelle bordée de fougères. Elle se déshabilla en prenant soin de garder à porter de main son épée et sa dague. Elle se glissa dans les eaux délicieusement fraîches qui détendirent ses muscles rendus douloureux par deux jours de chevauchée intensive.

Elle se laissa aller à rêver tout en contemplant la voûte céleste et ses étoiles, elle avait toujours été fascinée par le ciel et son infinie étendue et aimait à contempler le ballet des oiseaux qu'ils fussent diurnes ou nocturnes. Elle enviait la facilité apparente de leurs évolutions dans les airs, leur intelligence pour se laisser porter par les courants ascendants, leur grâce, leur fragilité. Elle poussa un soupir et fut tiré de sa rêverie par le fumet de la viande qui grillait. Elle s'extirpa de son bain naturel et saisit le drap de lin pour s'essuyer, son corps luisait à la lumière de l'astre de la nuit. La rouquine enfila ses vêtements propres et le contact lui fut agréable, puis jeta pêle-mêle ceux qu'elle avait portés depuis son départ pour les faire tremper dans le bain. Ayant ramassé ses armes, Ewa regagna leur campement de fortune, les autres étaient installés près du feu dans un silence éloquent. Elle s’accroupit pour faire sécher sa longue chevelure et entama son repas cuit à point, tout en scrutant d'un air songeur l'orée des sous bois, laissant ses compagnons dans leurs pensées.

Elle finit son repas et s’excusa pour se retirer à nouveau, elle fut suivit de près par Klésiange. Ses pas la guidèrent à nouveau vers l’eau, où elle trempa ses pieds ayant pris soin de retirer ses cuissardes. Dans sa tête tout se bousculait un peu, passant du coq à l’âne. Des buissons, une couverture de soie, des champignons, qui lui extirpèrent un sourire malicieux. Si Abby avait été à côté d’elle, elles auraient surement pouffé de rire à cette évocation, mais hélas ce n’était pas le cas. Elle espérait seulement que ses pas seraient guidés au bon endroit, il était si facile de se tromper, de commettre une bévue sans pourtant l’avoir chercher. Sa tente, à elle Comtesse de Laroche-Aymon et pas une autre. Bref dans ce brouillard elle se comprenait et peut-être que d’autres aussi, qui savait. Pour l’heure elle n'était plus seule, et les deux jeunes gens passèrent leur soirée au bord de l’eau. Avec ou sans parole le temps s’écoula, au creux de la nuit juste les astres pour compagnie mais les étoiles aussi bougeaient, annonçant bientôt le départ pour Cosne, il fallut rejoindre le campement, abandonner la tranquillité de ce moment. Tout plier, ranger et le faire avec son frère d’arme. Une discussion des plus étranges et loufoques eut lieu, c’était bon de se laisser aller à divaguer. Mais ne dit on pas qu’il y a toujours une part de vérité dans nos dire ?

Le départ fut donné, Ewa en tête comme bien souvent, laissant le coche loin derrière. Voir les armoiries peintes dessus la rendait nostalgique d’un temps qui aurait du être son avenir, mais les doutes l’envahissaient de plus en plus, l’absence, l’éloignement, les silences, tout cela faisait mal et traçait un fossé aux larges et profonds sillons. Le Seigneur de Sarran l’avait rejoint rapidement, afin de continuer leur folle discussion sans queue ni tête, ou peut être que si en fait, seulement il fallait être capable de comprendre les sous entendus. Elle souriait et se sentait sereine, que demander de plus pour l’heure. Juste le flottement d’un parfum : miel et fruits d’été bien mûrs

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Ewaele
[Cosne]

Première ville de Bourgogne, enfin un pied dans le Duché prévu. Installation du petit monde, discussion avec la Comtesse Léalie, qui quittait ce jour le groupe pour voyager seule. Bref le quotidien du voyage, trouver une chambre dans une taverne de la ville, installer Gabrielle et être sure qu’elle ne manqua de rien. Encore une journée puis une autre et encore une. Elle avait le fessier endolori de chevaucher comme cela, depuis le temps que cela ne lui était pas arrivé il faut dire aussi.

Elle s'avançait vers sa petite malle, venant passer son index droit sur les tranches de vieux livres, s'arrêta brusquement sur un ouvrage aux couleurs délavées et serti de fil d'argent. Elle l'extirpa délicatement de son carcan, les yeux ébahis, l'intitulé en gaëlique lui rappelèrent des souvenirs enfouis : son enfance, assise sur les genoux de son père. Ewa se dirigea vers le rebord d'une fenêtre, assez large pour lui permettre de s'asseoir. Glissant un œil vers le dehors pluvieux et gris, elle réajusta sa position et cala son dos sur le mur. Mais c’était sans compter sur l’arrivée de Gabrielle, qui, pimpante, voulait qu’on lui accorde un peu de temps, ce qui pour son âge était compréhensible. Elle invita l’enfant à s’asseoir sur ses genoux sur un siège à bascule et ouvrit par son milieu les parchemins reliés entre eux.

Une voix douce et mélodieuse s’éleva dans la chambre alors que, du bout de ses cuissardes, Ewa actionnait le siège, l’enfant tout contre elle, attentive à ce qui allait suivre. Sa langue natale reprenait le dessus et elle traduisait sans mal les écrits.


Citation:
Les femmes Cygnes de la mer

A Rinn-Culuisge, à l’ouest du comté de Cork, la mer pénètre profondément dans les terres, comme un fleuve, et les garçons qui demeurent dans le voisinage ont l’habitude de se réunir pour jouer, sur le bord, pendant les beaux jours.

Un jour, un garçon d’environ quatorze ans était seul sur le rivage et regardait sans crainte sur la mer où il y avait des lueurs vertes produites par l’éclat du soleil, et pas un souffle de vent dans l’air. Il s’était assis souvent avant ce jour au bas du flot qui battait maintenant contre les pierres au-dessous de lui, mais il pensa qu’il n’avait jamais vu l’eau plus belle et plus séduisante, et il se dit à lui-même que s’il avait un bateau, il aimerait à aller faire une promenade ; mais il n’y avait pas de bateau en vue. Après avoir regardé quelque temps aux alentours, il aperçut une planche de bois tout prêt de lui, et en même temps il vit trois cygnes nager à la surface du golfe et venir vers lui. Ils tournèrent de-ci delà, mais au bout de peu de temps ils arrivèrent devant lui.

Le garçon fut pris d’une grande joie en voyant la forme des oiseaux. Il rassembla toutes les miettes de pain qu’il avait dans sa poche et les leur donna à manger. Il pensa qu’ils n’étaient pas sauvages ; ils semblaient si doux et si familiers! Ils s’avancèrent tout près de lui, mais chaque fois qu’il essayait de les prendre, il ne réussissait pas à les toucher. Ils n’étaient pas depuis longtemps auprès de lui qu’ils semblèrent devenir encore plus beaux et plus brillants, et son désir de les prendre s’accrut.

Pour satisfaire son désir, il prit la planche de bois, s’assit dessus et suivit les cygnes. Il dirigea la planche à sa volonté en plongeant rapidement les mains dans l’eau, comme on fait d’ordinaire avec les rames. Les cygnes continuèrent à aller devant lui, mais il ne pût les atteindre. En peu de temps, il se trouva au milieu de la mer. Il était fatigué et il s’arrêta de ramer ; alors il changea de couleur, de crainte de ne pouvoir regagner la terre. Mais les oiseaux s’approchèrent et se rassemblèrent autour de lui comme s’ils cherchaient à le remettre de son trouble, et ils firent en sorte qu’il oublia le danger où il était. Plein d’affection pour eux, il étendit rapidement la main pour prendre le plus beau de la bande, mais il porta trop lourdement sur le bord de la planche, il manqua son coup et il tomba dans les vagues.

Quand il s’éveilla du saisissement qu’il avait éprouvé, il était étendu sur un lit de plumes, dans le château le plus beau qu’eût jamais vu œil humain et trois dames se tenaient au pied de son lit. L’une d’entre elles prit la main du jeune garçon et lui demanda aimablement comment il se faisait qu’il fût là.

- Je n’en sais rien, dit le jeune garçon, et il leur raconta le malheur qui lui était arrivé en route.

- Consens-tu à rester auprès de nous, enfin? dit la plus jeune, nous te souhaitons la bienvenue. Mais si tu restes ici pendant trois jours, tu ne pourras jamais plus demeurer dans ton pays, car le vent et le soleil te gêneraient.

Il était si charmé dans son cœur par la beauté du lieu qu’il promit de ne pas se séparer d’elles. Elles le conduisirent de chambre en chambre dans la maison ; chaque chambre l’emportait sur l’autre en beauté et en richesse ; elles étaient pleines de monceaux d’or et de riches soieries. Il avait souvent lu des descriptions du Paradis et il se demanda à lui-même si c’était là l’endroit qu’on appelait de ce nom.

Il resta avec un grand plaisir dans son nouveau pays pendant cinq ans, mais au bout de ce temps il fut pris du désir de retourner voir ses parents et les gens de sa famille. Il craignait qu’il ne lui fût pas possible de le faire, et son cœur se remplit de tristesse et de trouble sans que les dames en eussent connaissance. Un jour qu’il était couché au pied d’un arbre et que des larmes coulaient sur ses joues, une vieille sans dent vint à lui et lui dit:

- Si tu me promets de m’épouser, je te conduirai chez toi demain.

- Je ne t’épouserai pas, dit-il, quand même tu aurais la moitie des richesses du monde.

Elle ne l’eut pas plus tôt entendu dire ces mots qu’elle bondit hors de sa vue. En même temps, les trois dames, qui étaient à l’ombre d’une tour près de lui à écouter sa conversation, 1’abordèrent: elles le remercièrent de la réponse qu’il avait donnée à la vieille femme, et lui dirent qu’en récompense, elles le feraient remonter chez lui.

Au moment où le soleil se leva, le jour d’après, en s’éveillant, il se trouva assis sur un monticule, au bord de la mer, à peu de distance de la maison de son père. Lorsqu’il regarda devant lui, il vit les trois cygnes qui nageaient dans le même bas-fond ou ils étaient cinq ans auparavant. Ils lui faisaient signe de la tête, comme s’ils lui disaient : — Adieu, ami de notre cœur.

Ce faisant, ils plongèrent sous l’eau et ils partirent sans qu’on sût ce qu’ils étaient devenus.
II se rendit chez lui, et il raconta l’histoire qui est rapportée ici. Comme son père et sa mère n’avaient pas d’autre enfant que lui, on peut s’imaginer comme ils furent joyeux de son retour, qu’ils n’espéraient pas. Les gens qui entendirent son histoire s’émerveillèrent mais ne le crurent pas, bien que ce fût la pure vérité.

Au bout de peu de temps, il fut pris du désir d’aller au beau pays qu’il avait quitté pour revoir l’endroit où il avait demeuré, et ses amies, mais il ne savait comment accomplir son projet. Son père et sa mère se désolèrent qu’il voulut les quitter, eux qui n’avaient que lui, mais il ne voulut pas suivre leur conseil. II alla au bord du golfe et se mit à pleurer, mais ce fut en vain, car il n’avait ni connaissance, ni information, ni secret sur l’endroit ou étaient allés les cygnes. On ne put le forcer à s’éloigner de là et à n’y pas retourner, jusqu’à ce qu’il mourut à cette place même.


Après ce moment particulier Ewa vivait dans un ailleurs, rendu encore plus sensible par l’évocation de ce conte, par tout ce que ce simple geste représentait et faisait remonter à la surface…

La journée passa tant bien que mal, perdue dans les méandres d’une autre époque, d’un ailleurs qu’elle n’avait pas connu, et qui avait tout peine effleuré son esprit à travers les récits de son défunt père. La taverne à nouveau, Klesiange à ses côtés, la scrutant, essayant de comprendre, puis une arrivée, pas des moindre qui finir de mettre la rouquine à côté des ses cuissardes : Alethea! Jeune Ecuyère de la Licorne elles se connaissaient déjà avant, cette dernière avait en effet voyagé avec PsyK. Nouveau coup de grâce, une plaie béante voilà ce qu’était devenu son corps, son cœur et son âme. Evoquer rapidement des moments douloureux, la Comtesse de Laroche-Aymon avait dû pâlir. Elle balaya ses souvenirs, ne voulant même plus les écrire et pourtant cela ne s’arrêta pas là. La Dame de Clairambault fit son entrée et les paroles jaillirent du cœur de la rouquine, elle devait se libérer de tout cela, faire place nette si seulement cela lui était permis, vider simplement son sac, sa douleur et sa peine.

Nouveau saut en avant de la main de la narratrice, ne voulant garder en mémoire pour ses vieux jours que l’essentiel ou presque. Soirée en taverne très spécial, un ectoplasme! Vous ne me croyez pas, et bien véridique, bien que des gens aient l’air de lui parler, Ewa, elle, se contenta de penser qu’on ne pouvait voir et donc ne pouvait discourir avec une telle personne. L’ignorance fut son maitre mot.

Le clapotis de la pluie se fit à nouveau entendre et la jeune femme se couvrant de sa cape de licorneuse partie en courant, abandonnant Breccan et Klésiange, pour aller mettre sa monture à l’abri. Retour trempée jusqu’aux os, un feu allumé par le Seigneur de Sarran pour faire sécher la dite cape et permettre à Ewa de se réchauffer un peu. Discussion pour savoir comment ils allaient s’organiser pour le voyage vu que la Comtesse Léalie qui le faisait dans le coche, confiant son cheval à Klesiange, avait récupéré sa monture. Décision fut prise de lui faire faire la route avec Gabrielle dans le véhicule, Breccan et elle-même espérant que la pluie cessât d’ici l’heure du départ.

La route à nouveau sous un ciel chargé mais calme, direction Sémur, enfin, Marie les attendait avec d’autres pour continuer le voyage. Début de parcours à chevaucher tranquillement juste devant le coche, discussion allant de tout à rien, des sourires fugaces, l’amitié de longue date entre les deux licorneux se resserrait de plus en plus, créant un lien particulier et indéfinissable.

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Mariealice
[Sémur]

Arrivés depuis avant-hier, elle avait retrouvé sa demeure, leur demeure, calme, vide à part quelques serviteurs. Le temps d'en faire le tour, de poser les malles et de se poser elle, pour finir par se rendre compte que le maitre des lieux n'était dans aucune pièce. Un soupir, à peine en Bourgogne, ce n'était plus en une chambre ou sous la tente qu'il se tenait enfermé, à l'écart, mais sans doute sur ses terres. Lasse, si lasse... Comment le dire autrement. Ils ne voyaient plus qu'entre deux portes, le soir ou le matin si bien qu'elle avait pris l'habitude de lui écrire, comme s'il était loin au lien d'être si proche. Si proche. Et c'était sans nul doute là le plus douloureux.

Dans sa dernière lettre, elle avait fini par glisser son bracelet, cadeau qu'il lui avait fait, portant deux pierres qui étaient le symbole du surnom qu'il lui avait donné. Emeraude et améthyste, émeraude violette. Elle lui laissait le choix, soit il venait lui remettre au poignet et acceptait alors de lui parler, d'être là, d'accepter qu'elle le fut également, soit, comme elle le craignait, les ombres qui lui étaient chères avaient gagné la partie contre celle qu'il disait lui avoir apporté de cette lumière qu'il lui manquait, et dans ce cas, elle ne lutterait plus. Elle allait se lever pour donner des ordres pour leur nouveau prochain départ lorsqu'un garde, affecté à la protection du Duc, entra, regardant le bout de ses bottes, visiblement gêné. Sans savoir pourquoi, son coeur se mit à battre plus fort. Non, elle savait pourquoi. Depuis quelques mois elle craignait toute nouvelle, craignant qu'on lui annonça un nouveau décès, toute retraite aussi, le père des jumeaux, son fils, son frère, tous les trois y étaient entrés sans jamais en ressortir. Quelques mots. Il allait bien oui mais avait filé tout droit derrière les murs épais d'un couvent. Elle se laissa retomber dans son siège, pâle, défaite. Certes il lui avait répondu voici peu qu'il y songeait mais sans préciser quand ni où. Choses qu'elle lui avait d'ailleurs demandé sans avoir une réponse. Un geste de la main pour remercier l'homme, le coeur trop sec pour qu'une larme puisse avoir l'idée d'en sortir.

Plus tard ce même jour, un noeud à l'estomac, elle expliquerait à Gaspard qu'il ne pouvait venir avec eux. Les rapports qu'elle avait eu en mains mentionnaient l'état grave d'Eikorc et pour une première rencontre avec son 'oncle', Marie n'était pas du tout sûr que ce soit le moment idéal. Elle l'envoya donc rejoindre Gaborn, avec la recommandation que le Duc puisse veiller sur l'enfant.

Préparatifs en cours, elle traina en ville, se rendant en taverne, discutant avec de nouveaux habitants de la ville, avec d'autres qu'elle connaissait. Elle écouta les récits des batailles, rencontra deux victimes des armées, assista à la mort d'un homme qu'elle connaissait, tué dans un duel par Eusaias, tout cela pour une histoire de noms de moutons. Et surtout elle eut de longues discussions avec Arthur.

Arthur, dernier amour d'Apolonie, mère de Gaspard, amie de la brune vicomtesse, rencontré à son enterrement puis mieux connu à Moulins, alors qu'elle venait chercher l'enfant qui faisait désormais partie de sa famille. Comme Gabrielle la fille de Gaborn. Arthur qui avait été chercher Aleanore en Normandie et lui avait ramené, qui, n'étant pas prêt à rentrer en sa ville les avait suivis en Limousin puis était revenu avec eux en Bourgogne. Arthur tout aussi têtu qu'elle qui voulait lui rendre le sourire qu'elle avait perdu alors que lui le retrouvait. Arthur à qui elle avait promis de venir à Moulins, librement, mais qui refusait de comprendre que s'occuper d'elle, et que d'elle, elle ne savait point faire, et que même pire, cela risquait de la tuer à petit feu.

Ewaele, Breccan, Klesiange arrivèrent le surlendemain de leur retour à Sémur, amenant Gabrielle qui avait fait une petite poussée de fièvre à Limoges, avant leur départ. Le soir même ils repartaient tous ensemble pour Joinville, accompagnée par Maeve et Sunie. Combien de temps ils y resteraient? Aucune idée. Après? Et bien d'abord un tour à Moulins comme promis. Le reste, elle n'en savait rien, ne contrôlait rien, avançait jour après jour, comme elle le faisait depuis déjà quelques mois.

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Ewaele
[Sémur]

Arrivée matinale dans la ville où résidait maintenant Marie Alice. Dans le coche, tout était calme apparemment, les deux voyageurs s’étaient assoupis. Devaient-ils les réveiller? Se rendre chez sa suzeraine? Ewa hésita un moment et échangea quelques mots avec Breccan pour prendre une décision. Trouver un lieu pour dormir ne fut pas chose aisée, le jour ne pointant toujours pas le bout de son nez. Une seule chambre de disponible! Ils durent se résoudre et firent au mieux avec ce qu’ils avaient. La Comtesse quitta le lieu la première et prit le temps de visiter un peu la ville avant d’apercevoir son amie avec d’autres personne dans une taverne. Elle y fit son entrée allant embrasser la jeune femme et saluant les autres d’un signe de tête.

Bizarrement les villes se suivaient et se ressemblaient pour certaines choses. Pas le temps de s’asseoir que déjà des yeux se posaient sur elle, attentifs au moindre de ses mouvements. Interdite dans un premier temps, elle reprit le dessus, voilà qu’on parlait d’elle à voix basse comme si elle n’existait pas… Regard en coin, langue prête à agir, nez qui se tortillait. Le dernier geste fut sans doute de trop pour le jeune homme qui se perdait dans sa contemplation. La prose jaillit d’entre ses lèvres alors que la rouquine venait tout peine de poser son fessier. Oh le bougre, ne lui avait-on jamais apprit à se contenir ? Il était bien mal tombé, et la répartie de la rousse ne tarda pas a poindre. Marie et Arthur Dayne semblaient s’amuser à compter les points, ne doutant pas du résultat final. Elle avait réussit à vexer un sémurois, mais ne l’avait-il point cherché après tout ?

Discussion entre la Vicomtesse et son ami, Ewa ne faisait guère attention à ce qu’il se disait, Klesiange rentra, Ewa lui déposa un baiser sur la joue qui, apparemment, ne satisfit pas le jeune homme, restant plus ou moins boudeur jusqu'à l’arrivée de Maeve, la fille des Altérac. Marie s’en alla sur un échange plus ou moins houleux avec Arthur, elle resta là, à observer sans rien dire ce qu’il se passait. Son vis-à-vis, plus que silencieux, Klesiange et Maeve à leurs jeux et discussions, Ewa se retira sans demander son reste.

Plus tard, le début de soirée, nouvelle taverne, il est là, le vexé… Ewa tenait, non pas forcément à s’excuser quoique si peut-être en fait, ou lui faire comprendre qu’il y avait des façons de faire, bref ils étaient là tout les deux, il avait l’air de comprendre, l’air seulement hein, car la rouquine avoua qu’elle partait le jour même. Il prit un ton ironique pour lui balancer au visage qu’elle était venue pour soulager sa conscience. Trop, c’était trop, elle se leva et claqua la porte comme elle savait si bien le faire.

Nouvelle taverne et Marie, une Marie, avec un visage voilé, sombre, triste… Ses propos sur les hommes étaient bien catégoriques. Elle l’écouta, lui répondit, dialogue de femmes blessées chacune à leur façon, elles brassaient leurs échecs, se demandant qui était responsable de tout ça… Marie se renfermait-elle définitivement? Ewa se perdit dans ce qui fut et sera, dans ce que l’avenir pourrait réellement leur apporter de concret. Qui avait dit que « la vie était un long fleuve tranquille ? »

Soirée mouvementée, où la taverne se remplit doucement, discussions éparses. Klesiange fit son entrée, et annonça qu’il partait devant à pieds, vu qu’il n’avait plus de cheval. Ewa resta froide et stoïque à cette annonce, la veille il avait pourtant voyagé dans le coche non? Elle ne chercha pas à comprendre, s’il voulait marcher et bien, grand bien lui fasse après tout. Il était grand et savait ce qu’il faisait. La soirée poursuivit son cours, puis voilà pas qu’une coutume étrange se mit en place… Le tavernier se renversa de la bière sur le torse et les femmes devaient venir la lécher. Ewa sortit pour aller voir ailleurs ce qu’il s'y passait. Marie et Breccan ne tardèrent pas à la rejoindre. Souvenirs souvenirs quand tu nous tiens, avec cette coutume semuroise, ils se rappellèrent ceux du Limousin, Guéret et les tabourets qui volaient, Bourganeuf et son abreuvoir, la mare de Rochechouart, les deux femmes se mirent à chuchoter et, ni une ni deux, les voilà en train d’attraper le Brec et de l’amener directement au lac pour un bon bain.

Le reste lui échappait un peu. Des mots, une épée qui sortait souvent de la part de Marie, Breccan et Ewa s’en étonnérent mais ne dirent rien. Un feu s’alluma dans la taverne, Marie les quitta pour faire les derniers préparatifs. Le seigneur de Sarran retira sa chemise pour la faire sécher plus rapidement, Ewa s’installa sur le comptoir comme elle aimait le faire, parlant de tout et de rien. Le jeune homme s’installa à son tour devant la cheminée, afin que ses braies fussent plus confortables que l’humidité dégoulinante qu’elles lui procuraient suite à son magnifique plongeon. La rouquine retira ses cuissardes pour se mettre à l’aise. Le séchage fini Breccan s’approcha et Ewa descendit de ses hauteurs, une main se tendit, qu’elle accepta sans hésitation aucune, une chaise les accueillant. Nouveau dialogue quand une jeune femme dans un état précaire fit son entrée, Linon. La Comtesse la connaissait, déjà croisée, que cela soit à un mariage ou au banquet de réception du Roy à Limoges. Et le but du voyage d’Ewa tomba enfin sur la table, elle n’avait rien dit avant, le pourquoi de Joinville! Elle apprit de nouveau faits, s’inquiéta mais essaya de ne pas le laisser voir. Puis la dame partie, laissant les deux à nouveau seuls au monde. Fin de soirée douce et tranquille, toujours ces regards et ces sourires, différents? Peut être… Le plaisir de n’être qu’eux dans les silences de la nuit, avec pour seul fond, le crépitement d’un feu…

L’heure arriva enfin... L'heure du départ et donc de se lever et quitter ce lieu confortable, certains moments ne s’effaceraient jamais, imprégnés dans les abîmes de leurs âmes… Mains qui se rejoignirent pour sortir de concert, pas qui résonnèrent sur les pavés de la ville pour récupérer leur montures, pieds à l’étrier et genoux sur les flancs des bêtes pour rejoindre les autres qui les attendaient au poste de garde : direction la campagne verdoyante au-dessus de Dijon pour un campement de fortune avant de rejoindre Joinville, enfin!

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Ewaele
[Entre Dijon et Joinville]

Marcher, marcher, toujours marcher... Ewa marchait. Dans un désert, désert de vie, elle marchait, sans ne rien penser d'autre qu'au mouvement qu'elle imprimait à ses muscles des cuisses et des mollets. Lever, avancer, poser. Ses pensées actuelles se résumaient en ces trois mots. Elle s'était mise en veille une dizaine de lieux auparavant. Breccan marchait, sur ses talons, sans un bruit, sans un mot, sans plus la déranger, lui-même tentait d'économiser ses forces. Tout deux chevauchaient depuis bien longtemps déjà. Que faire d'autre, après tout ? Marcher est une noble action. En rien elle ne détériorait la nature. En rien elle n'était nuisible à quiconque. Ils étaient descendus de leur monture au moment où Marie avait annoncé qu’ils allaient bientôt s’arrêter pour monter le campement en prévision de la nuit à venir. Un regard échangé ils avaient laissés les autres filer.

Finir de monter les tentes, s’installer succinctement, et prévoir le feu pour la soirée, voilà ce qu’il s'était passé, rien de passionnant, des gestes répétitifs, une vie de bohème, mais c’était ce qu’ils avaient décidé d’avoir en quittant le Limousin… Suivre leur instinct sur les routes du Royaume là où leurs pas les guideraient.

Soirée autour du feu, flasque et bouteille qui tournaient de mains en mains, palais qui s’abreuvaient de violette ou prune… Quelques mots échangés, puis des départs. Klesiange avec son arc pensant pouvoir attraper quelque chose de nuit pour le lendemain. Excuse ou non, personne ne le saurait. Suivi par Arthur au bout d’un moment, étrange coutume qu’avaient les hommes, certaines fois, de partir avec de fausses excuses pour simplement se retirer. Bref Puis Marie partie à son tour, les filles, Gabrielle et Maeve, dormaient déjà depuis un moment.

Il devait être dit qu’ils passeraient leurs soirées souvent ensemble mais après tout mieux valait être deux que seul. Elle sentit une onde la parcourir, ses jambes semblaient prises dans un étau confortable et étrange, elle se trouvait envahie par une envie extraordinaire de dormir, elle ne sut pas pourquoi mais elle ne suivit pas cet appel à fermer les yeux et à laisser le sommeil prendre le pouvoir. Sans doute était-ce pour prolonger se sentiment de bien-être et de sérénité qui enflait en elle au fur et à mesure de leur discussion. Le carcan de sa peau disparut, cette prison qui lui était si douloureuse parfois. Elle eut l’impression d’être sans contenant, libre enfin. Le sentiment de quitter un vêtement trop étroit dont l’étoffe blessante jusqu’au plus profond de soi empêchait tout mouvement naturel, spontané… L’impression de nudité. Et ils s’écoutaient, immobiles, assis là, quelque part on ne sait où. Compagnons d'évasion, ils étaient partis plus loin, avec pour tout bagage ce qu’ils ne voulaient plus.



[Joinville - Quand les certitudes s’envolent]

N’être que son ombre et la suivre sans qu'elle le sut, ne rien dire, être là derrière à marcher dans son pas, cape et capuchon qui la cachent presque en totalité, elle déambulait derrière la brune. Regard perdu, ses plus vieux réflexes qui faisaient qu’elle ne perdait pas son guide. Joinville, leur destination. Etait-ce une idée saugrenue de s’être lancée dans ce voyage pour en arriver là? Elle ne savait pas à quoi s’attendre et ne voulait même pas y penser, de peur de faire demi-tour plus vite qu’il n'aurait fallu de temps pour le dire. En même temps, au vu des pigeons échangés la veille avec la citadelle de Ryes, cela serait peut-être le cas.

La prison. Ewaële ne perçut tout d’abord que l’obscurité qui régnait dans les lieux. Puis ses yeux s’habituèrent peu à peu à la pénombre jusqu’à déceler, bien qu’encore vaguement, ce qui l’entourait. Elle passa sa main sur son visage afin d’effacer les restes de fatigue. Les pas de Marie qui résonnaient faisant écho dans sa tête, elle était là derrière elle, mais avançait presque à reculons… Regardant, cherchant à chaque passage de cellule à mieux identifier qui jonchait les sols. Quand elle arriva enfin vers sa suzeraine, ce fut une grille qui se ferma sur son nez. Juste un sursaut, elle recula d’un pas restant interdite un moment. La vie se jouait d’elle à nouveau, elle regarda qui Marie avait pu reconnaitre, car à part un corps, rien ne lui indiquait qu’elle puisse connaitre le blessé. Elle s’approcha pour mieux visualiser, mais la Vicomtesse, maintenant accroupie, cachait l’inconnu. Les pas d’Ewa continuèrent à glisser lentement, scrutant chaque geôle attentivement, des noms tournicotant sans sa tête sans fin : Maleus, Eikorc…

Elle avait eu, dès qu’elle avait fait connaissance avec eux, un avis positif à leurs égards, mais savait aussi que cela pouvait changer à tout moment, elle en était consciente. Et être attachée d’une façon quelconque envers quelqu’un en ces lieux ne pouvait que lui attirer des ennuis… Mieux valait qu’elle joua son jeu seule, sans l’aide de personne, même si à l’heure d’aujourd’hui, cela lui semblait plutôt difficile. Toutefois, elle savait en son fort intérieur, qu’avec les derniers évènements rien ne serait plus pareil, la roue avait tourné sans qu’elle ne put rien y faire. Deux mondes très différents étaient les leurs, et elle ne pouvait se permettre le moindre faux pas. Visage impassible, regard froid, la seule note qui pouvait faire remarquer un semblant d’inquiétude chez la rouquine : ses mains qui tremblaient.

Pincement au cœur et fourmillement dans les bras lui apprirent qu’elle était devant l’un des deux. Mais ce ne fut pas pour autant qu’elle réagit. Le monde extérieur était devenu pour elle une multitude de fantômes, de spectres semblables à ceux qu’elle affrontait dans ses cauchemars. Sauf que cette fois, tout cela n’avait pas plus d’importance à ses yeux. Seule une question demeura ancrée dans son esprit : qui était-elle ? Voilà une bonne question. A laquelle elle aurait aimé pouvoir trouver une réponse qui la satisfasse. Hélas, rien ne venait. C’était comme si son cerveau, sous le choc après pareilles découvertes, refusait de formuler la moindre pensée censée, la laissant dans le brouillard. Pourtant la question obsédante revenait sans cesse. Qui était-elle ?

"- Qui es-tu, Ewaële ? Quelles valeurs prônent tu ?"

En fait, le brouillard lui convenait très bien. C’est alors qu’une petite voix vint susurrer à son oreille. Sa conscience ? En avait-elle seulement une ?

"- Quelle belle preuve de faiblesse, tu fais pitié à voir, deviendrais tu égoïstes ma chère", railla-t-elle, désagréable.

Elle fronça lentement les sourcils, dubitative. D’où venait cette voix dans sa tête ?

"- Ta conscience, espèce d’idiote! Et oui, bonne nouvelle, tu en as une !"

Décidément, le brouillard était mille fois préférable à cette satanée conscience qui venait la déranger. Ne pouvait-elle pas la chasser pour qu’on la laissa tranquille? Non, elle ne pouvait pas. Et elle ne pouvait pas ignorer cette voix qui se disait être sa conscience. Ses mots résonnaient encore dans son esprit embrumé. Pitié, faiblesse, égoïsme. Ces paroles la répugnèrent, l’horrifièrent. Non, ce n’était pas elle Et toujours cette même question qui repassait en boucle. Qui es-tu ?

Un frémissement parcouru tout le corps de la jeune femme, comme si elle revenait à la vie. Oui, elle savait qui elle était, et savait aussi ce qu’elle devait faire, arrêter de se poser trop de questions. Le choix elle ne l’avait pas ou plus, en agissant ainsi, c’est eux qui avait choisi ce que serait leur relation, et elle n’y pouvait rien. Elle fit un pas en avant, sure d'elle, sure de ce qu’il en serait dorénavant, même si intérieurement cette décision la rendait fébrile, dans sa tête tout était clair, elle ferait en sorte d’aider Marie dans les soins si elle en avait besoin, mais cela s’arrêterait là. Elle espérait juste être assez forte pour maintenir cet état de fait…

Elle fit demi tour et retourna là où elle avait laissé sa suzeraine un peu plus tôt, elle demanda à entrer, et vint la rejoindre, s’abaissant à ses côtés, découvrant enfin l’homme sur le sol avec des yeux horrifiés.

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Ewaele
[De maux en Mal’ : la fuite]

Un frémissement parcourut tout le corps de la jeune femme, comme si elle revenait à la vie.
Ewa bondit sur ses pieds et en deux enjambées fut au dessus de Maleus, son visage à seulement quelques centimètres du sien. Elle demeura immobile telle une statue de glace pendant une seconde puis s’anima soudainement. Ses moindres gestes étaient devenus d’une rapidité vive et effrayante. Ses grands yeux verts, indéfinissables puits de ténèbres, se braquèrent dans ceux de l’homme. Protégée par son armure, les émotions ressenties par les personnes proches d’elle devenaient moins puissantes mais cela ne voulait pas dire qu’elle ne pouvait plus les sentir. Il n’en demeurait pas moins qu’elle renifla sans peine la peur et le trouble.

Ewaële fit volte-face brusquement et se mit à courir à toute allure, si vite que ses mouvements devinrent flous. Elle venait de prendre une décision, peut-être la décision la plus importante de sa vie. Elle courait sans ralentir vers la sortie de la prison. Elle se retrouva dehors et prit une inspiration, elle aurait voulu sauter dans le vide, jambes serrées et bras écartés comme pour embrasser l’abîme qui s’ouvrait sous elle. Elle aurait voulu s’élancer pareil à un ange déchu, les yeux fermés. L’air s’engouffra sous ses cheveux, vint caresser sa peau. Elle replia les pans de sa cape aussitôt contre son corps fuselé et musclé et partit à toute jambe vers un ailleurs.

Ewa refusait de laisser sa conscience émerger, s’était plongée dans une sorte d’état léthargique, d’où elle ne voulait pas sortir. Si elle faisait cela, c’était pour le bien de tout le monde. Mais qui pouvait la comprendre? Elle risquait de changer le cours des choses en restant. Avec un léger frisson glacé coulant le long de sa colonne vertébrale, elle se dit qu’elle avait peut-être déjà changé le cours des choses.

L’ecuyère tâcha de contrôler ses muscles pour garder l’immobilité. Elle maîtrisa son souffle précipité et entreprit de le ralentir petit à petit. Bientôt, tout serait fini. Des mots haineux empreints de désespoir furent hurlés sous son crâne et brouillèrent son calme. Malgré tous ses efforts, sa concentration baissa.

- « Tu ne peux pas agir comme cela! Pas maintenant! Tu n’as pas le droit de l’abandonner! Monstre d’égoïsme! Tu ne penses qu’à toi! Tu pourrais aider les autres, ta suzeraine au lieu de vouloir t’enfuir ainsi! Quelle belle preuve de faiblesse vraiment! »

La jeune fille perdit encore de sa concentration mais parvint de justesse à conserver son calme. Elle lutta farouchement pour rester inconsciente à cette voix qui la martelait. Ses paupières frémirent. Ewa commença à trembler, un tremblement imperceptible au début. Mais qui devint de plus en présent. Ses membres refusaient de demeurer inertes. Son cœur ralentissait. Son corps, faisant fi de tous ses efforts tandis qu’elle aspirait à autre chose, tremblait de plus en plus violemment. Ses frissonnements convulsifs prirent de l’ampleur alors que quelque chose d’humide inondait son visage tourné vers le ciel. Un gémissement de souffrance lui échappa. Un spasme violent la secoua et elle ouvrit les yeux brusquement. C’était des larmes qui roulaient sur ses joues. Toute entière ébranlée par ces frissons convulsifs, elle ne parvenait plus à atteindre la sérénité ni la léthargie qu’elle voulait si ardemment.

L’amour et la haine sont deux sentiments très proches et pourtant si différends. Il n’y a qu’un pas à franchir pour passer de l’un à l’autre. La rouquine n’en revenait pas. Elle baissa les yeux, comme en proie à la honte mais la seule chose qu’elle ressentait pour l’instant, c’était… Rien. Un abîme de silence et de solitude. Elle avait l’impression de n’être plus qu’une coquille creuse, vide de tout.

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Ewaele
[Joinville]

Trop de choses, trop de rien et de tout, un trop plein, elle n’aurait jamais dû venir ici. Elle aurait mieux fait de s’abstenir et, en même temps, ce voyage avait quelque chose de particulier, une saveur nouvelle. Mais elle aurait pu trouver la même chose en se rendant ailleurs sans doute. Ce n’était pas la destination qui importait, mais plus le fait de partir, partir loin, chevaucher des heures durant, dans des paysages si différents, si énigmatiques. Et puis il y avait lui, celui qu’elle connaissait depuis toujours, lié par une amitié sans nom, peut être particulière, sans doute même. Il avait toujours été là, dans son sillage, prêt à lui tendre la main au moindre souci, répondant présent sans hésiter des que la rouquine l’appelait à l’aide. Il était l’heure de quitter la ville, de suivre leur route. Arthur Dayne lui retournait en Bourbonnais Auvergne, Marie restait à Joinville pour porter les soins nécessaires aux membres de la Zoko qu’Ewa n’était pas retournée voir dans les geôles. Les filles, Maeve et Gabrielle resteraient avec la Vicomtesse, logique. Klesiange, quant à lui, reprendrait la route pour les Flandres en se trouvant sans nul doute de la compagnie. Voilà, tout avait un début et une fin… Derniers au revoir en taverne à son amie. Promesses échangées de se retrouver pour continuer plus tard la route ensemble pour Moulins, et la brune quitta la rousse sans un regard en arrière. Il était l’heure de rejoindre leur monture et de s’évader à nouveau vers un nouvel ailleurs.


[Langres]

Elle aurait aimé le remercier de ce qu’il faisait, d’ailleurs, il avait réussit à la faire sourire, un sourire plutôt discret, mais présent. Depuis leur départ de Bourganeuf, il avait été un confident, plus que l’ami, plus que quiconque ne pourrait sans doute le comprendre un jour. Il avait été là, simplement là, à ses côtés, chaque jour durant, de chevauchée en marche, de campements en villes, de tavernes en tavernes… Ils parlaient de tout, de rien, d’eux, du Limousin, de la Licorne, de leurs désirs, du passé…

Elle s’était arrêtée juste à l’entrée de la ville, découvrant une vieille grange apparemment abandonnée, le jour pointait à peine et la fatigue se faisait ressentir depuis déjà un petit moment. Ewa n’avait pas osé le dire, mais elle avait les cuisses vermoulues. Dans ses tempes résonnaient encore les bruits des sabots de leurs chevaux au galop. Elle s’arrêta sans même réfléchir, mais en était-elle encore seulement capable, elle en doutait fort. Plus que tout, ce qu’elle voulait pour le moment c’était dormir et oublier ses muscles qui lui faisaient mal. Il avait continué sans s’apercevoir qu’elle ne le suivait plus. Il ne lui fallut guère de temps pour se rendre compte de son absence à ses côté et fit demi-tour rapidement pour la rejoindre, alors qu’elle se laissait glisser de son équidé tant bien que mal, ses pieds ayant même du mal à la réceptionner sur la terre ferme. Breccan fut plus rapide qu’elle et l’aida dans sa descente lente et presque craintive.

Pour une fois même si une ville leur ouvrait les bras, ils n’iraient pas dans une taverne trouver le réconfort d’une chambre accueillante, la paille serait amplement suffisante pour trouver le repos plus que nécessaire. Il l’aida à se rendre dans la vieille bâtisse, elle fit glisser ses cuissardes lentement le long de ses cuisses, ses mollets et se laissa tomber sur des ballots qui n’attendaient qu’elle pour rejoindre le monde des rêves ou des cauchemars.

Elle se réveilla alors que le soleil était déjà haut dans le ciel, la grange était vide. Elle mit le museau dehors, les pieds nus pour voir si son compagnon était dans les parages, mais rien! Les chevaux avaient eux aussi disparu… Pas d’inquiétude pour la rousse, elle avait une confiance aveugle dans le seigneur de Sarran, et elle ne douta pas un seul instant qu’il avait prit en main l’organisation pour la suite de leur voyage, la laissant se reposer à son gré. Et ce fut une Ewa tout peine les yeux ouverts qui prit la route pour rentrer dans la ville.

Premier objectif, retrouver son frère licorneux et, comme toujours, passer leur temps ensemble, à deviser de tout et de rien, à échanger regards, repas, sourires, flasque, laissant la journée s’égrainer sans se soucier du reste.

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Ewaele
[Dijon]

Thème musical

Etait-elle morte ou encore en vie? Le flou du monde tournait autour d’elle. Etait-ce des cauchemars dans lesquels les démons attrapaient et corrompaient les rêveurs pour leur dévorer leur âme? Subitement, une violente douleur explosa en elle, et l'obscurité emplit à nouveau tout son être. Elle fut soudain au centre d'un gigantesque océan aux vagues gonflées par une violente tempête qui noircissait les nuages d'un point à l'autre de l'horizon. Elle flottait au-dessus des flots déchaînés, mais elle n'était pas là, elle n'était pas tangible, elle ne se voyait pas. Quelle étrange sensation que de ne pas avoir de corps. Une incroyable souffrance rayonna alors dans tout son non-être et elle plongea ou plutôt elle coula dans une infinité de mers différentes, toujours plus sombres, vers des profondeurs abyssales, sans aucune autre forme de vie que sa seule présence.

Elle émergea aussi soudainement dans un nouveau décor, un vide immense. L'envers fusionna avec l'endroit et elle explosa en un millier de fragments puis elle fut à nouveau. Le soleil passa à travers des nuages qui n'étaient pas là quelques instants auparavant. Un visage titanesque se posa alors sur elle, elle eut l'impression qu'il trifouillait son âme, ou alors était-ce son corps sur lequel ce visage était penché? La douleur revint, lancinante, et explosa en un feu d'artifice de souffrance. Elle tomba vers le haut, vers les nuages, et elle brûla alors qu'elle pénétrait dans une énorme boule de feu jaune, puis rouge puis bleue. La lumière se volatilisa aussi soudainement qu'elle était apparue et l'ombre reprit sa place de reine de son univers. Des points commencèrent à clignoter tout autour d’elle, puis, dans un déluge de lumière, le visage - ou plutôt la forme de visage car elle n'arrivait pas à distinguer les traits de celui-ci - revint, de même que la douleur.

Son esprit voyagea à travers un million d'années, un million de lieux et un million de couleurs, il erra entre l'espace et le temps pour finir jeté dans un monde où des boules lumineuses explosaient violemment en entrant en collision les unes avec les autres. Un nombre incalculable de points lumineux réapparûrent et elle se rendit compte qu’elle était en train de tomber, encore, elle tombait de plus en plus vite, elle n'arrêtait pas de chuter à travers un terrifiant voile de ténèbres. Elle baissa ce qui pouvait être ses yeux vers le bas et elle vit un point blanc qui se rapprochait de plus en plus, jusqu'à devenir un tout, et, alors qu'elle le heurtait de plein fouet, son être profond vola en éclat.

Les brumes du sommeil s'effacèrent subitement de son esprit et elle ouvrit finalement les yeux en sursautant, se remettant avec peine de ce qui venait de lui arriver. Alors que son souffle reprenait peu à peu un rythme régulier, elle put observer l'endroit où elle se trouvait. Devant elle s'étendait une chambre plongée dans la pénombre, mais au-delà de tout ça au dessus d’elle un visage inquiet la scrutait… Elle s’appuya sur ses coudes pour se redresser. Elle était en nage, et un mal être la tenaillait. Avait-elle réussit à dormir seulement… Dormir de ce sommeil reposant, celui salvateur qui nous permet de continuer à avancer. Non loin s’en fallait.

Elle accrocha les yeux au sien, silencieuse cherchant un quelconque réconfort et surtout des réponses à ce qu’il venait de se produire. Apparemment elle avait passé la journée ainsi, engloutie dans un néant agité, perdue dans les méandres d’un ailleurs sans pouvoir s’en extirper. Une main vint rejoindre une des sienne pour l’aider à s’asseoir. Soudain, elle fut tirée de son engourdissement par une sensation étrange. Tout n’était que silence autour d’eux. En dépit des sifflements persistants du vent et des grondements de l’orage qui approchait. Elle secouait déjà la tête, persuadée que son imagination lui jouait des tours.

Quel était donc ce lien entre eux, cette chose indéfinissable ? Où allaient ces destins qui se nouaient, pour rendre les personnes inséparables ? Ils avançaient, au fil du temps, au gré du vent... ainsi... Ils vivaient au jour le jour. Sans se poser de questions.

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Ewaele
[Dijon]

Qui disait que le Royaume pouvait être petit? Une rencontre fortuite en taverne, une connaissance de Marie apparemment: Mazière, Max de Mazière. Un Franc-Comtois, avec qui Ewa allait deviser un moment en taverne. Prise de repère ou comment apprendre à se connaitre? Qui savait. Dans tous les cas, voici un nouveau compagnon de route pour les deux licorneux. Souvenir d’un comptoir où il fallait boire, l’un était perché, l’autre accoudé… Le jeu du chat et de la souris, mais qui était qui? Sourire fugace, fuite passagère pour une rouquine pleine de ressources. Propos et sous entendu, amusement, jeu et légèreté, le temps de s’organiser pour la chevauchée à venir. Le temps passait, les personnes défilaient, une question sans cesse posée par une jeune femme lui revenait : « qu’elle est votre passion? ». Le Gallois fit enfin son apparition, et prit connaissance des dernières nouvelles. Les discussions continuaient, Ewa répondait de front aux deux jeunes hommes qui entretenait deux conversations différentes. Mais l’un se sentit frustré de ne plus avoir toute l’attention de la rousse alors que l’autre se demandait ce que voulait le premier, sans doute, au vu de son attitude. Courtois? Plaisant Intéressé? La Comtesse s’amusait en son fort intérieur.

Et le temps passa, une rencontre tardive et pas anodine, fit plonger Ewa dans le passé. Un sénéchal Franc-Comtois lui aussi. Pour la seconde fois de la journée, elle parla de Bralic. Qui ne le connaissait pas? Une figure, autant pour le Limousin que pour la Franche-Comté, qu'on aimait ou pas, mais le peu qu’Ewa avait pu connaitre de lui avait suffit pour se faire une idée positive de l’homme. Des souvenirs d’allégeances que lui seul savaient rendre différentes. Ah Bralic! Il fut question aussi un peu de son fils Adrian, qu’apparemment l’homme avait connu enfant. Puis l’heure du départ arriva vite, les montures prêtes à l’arrière de la taverne les attendaient ainsi que leur nouveau compagnon aux portes de la ville pour se rendre à Chalon.



[Chalon]

Après une nuit humide et venteuse, après des lieues et des lieues parcourues à essayer de maintenir cape et capuchon pour se protéger, allant bon train, suivie par ses compagnons, ils virent devant eux la ville. Ralentissant le pas, ils finirent au trot pour laisser les bêtes souffler. Seule comptait pour elle la vie paisible qu’elle menait depuis son départ du Limousin. Elle resserra son mantel bleu autour de son cou, pour éviter que le vent glacial ne s’engouffra dedans, et se laissa aller à sa rêverie, un peu engourdie par le lent balancement du pas de son équidé. Bizarrement, et sans savoir comment cela était arrivé, elle perdit les deux hommes qui avaient fait route avec elle en rentrant dans Chalon. Personne ne traînait dans les rues qu’elle traversait, pas âme qui vive. Mais quiconque l’aurait aperçu par la fenêtre de son logis aurait cru voir passer un de ces chevaliers fantômes qui erraient au hasard des villes. Elle avançait lentement, sa cape volant et claquant dans le vent. Sa silhouette était obscure et lumineuse à la fois, sans doute à cause de sa chevelure de feu.

Elle sauta au sol et allongeant le pas, finit par tourner à l'embranchement de la dernière rue qui la séparait de sa destination. Un premier éclair illumina la rue d’une violente lumière et la fit s’arrêter. Une ombre humaine tourna la tête dans sa direction et se rapprocha d'elle à toute vitesse, sans aucun bruit, semblant flotter au-dessus du sol. Ewaële secoua la tête. De là où elle se trouvait, elle pouvait distinguer une taverne. Seconde éclair. L'ombre,franchit les derniers pas qui la séparait de la jeune femme et tendit soudain vers elle une main. Bien qu'il n'y ait personne dans la rue, Ewa réprima un mouvement de recul, en même temps que son cheval commençait doucement, mais fermement, à tirer sur ses rênes, poussant même un petit hennissement. Que venait-il de voir à l’instant? Troisième éclair. Les doigts s’accrochèrent au sien, pour la guider vers l’arrière et laisser là sa monture avant que le ciel se déchaina définitivement.

L'orage était à son comble et, alors que les pavés défilaient devant eux en un mélange de boue et de pierre, les éclairs illuminaient la nuit en une infernale sarabande de traits lumineux reliant la terre aux cieux déchaînés. Que s'était-il passé ? Pourquoi couraient-ils ainsi ? Elle ne s'en souvenait pas. Tout ce qui lui restait dans sa tête était un intense sentiment de terreur, la volonté de fuir le plus loin possible jusqu’au moment où elle avait reconnu la main qui s’accrochait à la sienne. Ils arrêtèrent progressivement leur course et s'abritèrent sous le perron d'une petite échoppe. La poitrine de la jeune femme se soulevait rapidement, au rythme syncopé de sa respiration haletante et sifflante. Elle avait blêmi, ses beaux cheveux encore si soyeux quelques minutes auparavant se tordaient maintenant autour de son visage, libérés de leur capuche, fouettant l’air sous la violence des bourrasques de la tempête qui battait maintenant son plein autour d’eux. Son compagnon décida de l’emmener à l’abri. Celui-ci l’apaisa de sa voix et, la prenant dans ses bras, fit demi-tour et entreprit de la conduire dans la taverne d’à côté.

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Klesiange
Déracinement…
Limoges lui avait appris qu’il était de ces arbres qui s’adaptent à tout climat. Mais le départ de la capitale ne s’était pas décidé sans regrets. Il s’y était senti bien, plus que chez lui peut être. Certes, il avait bénéficié d’un coup de chance, mais il n’avait pas été peu fier qu’on lui ait confié des fonctions officielles durant la seconde moitié de son séjour.
Le nouvel état de la Comtesse avait sonné la fin. Il fallait faire vite. Il avait été décidé qu’ils profiteraient du départ d’Ewaele

Dégringolade…
Léalie d’abord. Elle souffre, il faut dire que tout lui est tombé dessus. Et lui se transforme en parfait bouc émissaire sur qui l’on peut se défouler. Elle lui reproche tout, insatisfaite de la manière dont il la soutient. Mais quand en plus elle laisser penser qu’il peut rendre service sans qu’elle ait à lui demander…
Arrivés à Sémur, l’ambiance se dégrade. Marie Alice, Arthur, Maeve et une certaine Sunie sont là. Mais les tronches se tirent, le passé se rappelle à eux, même à Maeve, pourtant trop jeune pour être personnellement affectée. Il n’est pas à sa place, se sent décalé. Ses interventions sonnent mal, il a même l’impression de provoquer. Plus ils se rapprochent de Joinville, plus il les voit graviter… autour d’un soleil noir, celui de la défunte Apolonie.
Il choisit de quitter l’orbite au moins quelques temps, les devançant sur la route, se détachant du rang.

Contradiction…
Ewaele lui fait part de ce qu’elle a entendu sur lui, de son comportement. Et pourtant… quelques semaines plus tôt, ne s’était elle pas plaint de souffrir des mêmes rumeurs, des mêmes interprétations hâtives ? Fondées ou infondées, lui n’avait jamais cherché…
Mais surtout qu’attend elle de lui ? Ils ne s’étaient rien promis, dès le départ ils avaient été clairs. A demi mot, elle semble vouloir changer la donne…
Douce Ewaele, elle est encore fragile, il choisit de lui tendre la main, voire de serrer la sienne, de lui expliquer que leur histoire a été importante… malgré tout. Car il ne peut pas lui donner ce qu’elle semble attendre. Il ne peut pas lui donner ce qui déjà est pris. Il ne peut pas lui donner ce qu’il ne veut en aucun cas voir une autre posséder. Ils se souhaitent bonne route, sans doute un jour ils se reverront.

Prolongement…
Nouvelle rencontre avec Sunie, petite jeune femme pleine d’espièglerie. Elle va jusqu’à trouver amusante l’idée d’accompagner un grand blond qu’elle sait faire bougonner. Mais leur périple reste en suspens. Bloqués à Joinville à cause d’un fichu laisser passer qui ne vient pas : les frontières de la Champagne semblent durablement fermées. Un mal pour un bien ? Réponse mitigée. A attendre, il reprend ses activités de bûcheronnage et s’entaille profondément la main. Mais dans le même temps, rester le conduit à trouver ce qu’il était venu chercher dans cette ville. Enfin…

Infection...
...
Ewaele
[Chalon]

A l’abri d’une chambre, elle prit le temps de relire ce qu’elle avait tracé sur le vélin…

Songeuse, la plume entre ses lèvres, elle essayait de faire un premier bilan de ce voyage. Ceux qui imaginaient que tout était possible alors que rien ne l’était, ceux qui pensaient qu’elle était fragile et avait besoin de plus qu’elle n’avait déjà… Ceux qui imaginaient pouvoir lui apporter ce qui lui manquait réellement mais ne faisaient que passer dans sa vie car c’était ainsi, rien n’était écrit, tout venait et repartait, c’était un cercle… Cercle que l’on ne visualisait pas tous de la même façon sans nul doute, mais la rouquine pouvait donner beaucoup sans pour autant se vendre aux plus offrants.

Des rencontres elle en avait faites, et elle en ferait encore. Etait-ce pour cela qu’elle devait minimiser ou encore accentuer ce qui était ou pas. Décidément la vie était compliqué et là où certains voyait sans doute sentiments, elle ne pouvait elle, parler que de compagnies charmantes et affectueuses, des relations au gré du vent et des rencontres qui apportaient leur lot de plaisir ou encore de souffrance.

Elle laissa tomber sa plume, essayant d’apercevoir une lueur positive dans tout cela, essayant de capter l’essence même de ce qu’elle était, mais que les autres ne percevaient pas forcément, s’imaginant trop, bien trop de choses dans ses regards, ses gestes ou encore ses paroles.

Lasse de l’incompréhension de certains, elle préféra passer à autre chose. De toute façon, elle se moquait éperdument de tout ceci, elle avait bien d’autres soucis en tête.

La journée passa, et elle chassa les nuages que des personnes avaient pu inscrire sans même le vouloir sans doute, dans son esprit. Elle prit la route d’une taverne pour se délasser et rencontrer des habitant de la ville qu’elle et ses compagnons ne faisaient à nouveau que traverser. Juste le temps de prendre repos et continuer ainsi leur chemin qui n’avait jamais été réellement tracé.

Taverne donc, rencontre de quelques personnes, puis l’arrivée de son Gallois et ami, Breccan… Comme toujours entre eux moult discussions s’enchainaient, ce qui en soi était un peu logique, vu qu’ils s’étaient toujours suivis dans leur parcours. Ils se connaissaient bien, et partageaient souvent les mêmes choses. Puis le Comte pointa le bout de son nez, et là, la soirée prit une toute autre dimension. Larbin… Comte… Comte… Larbin. La rouquine comptait les points maintenant, regard souvent de travers, à l’un ou l’autre des deux coqs qui s’envoyaient subtilement des fleurs. Elle aurait pu, si ses jambes n’avaient pas été posées sur l’asisse d’à côté, mettre des coups de pieds, mais cela n’aurait certes pas été discret. Elle ne compta pas le nombre de fois où elle se leva et se rassit, prête à claquer la porte de la taverne pour ne plus avoir à assister à cette échange si aimable. Toutefois, il y eut une petite accalmie où chacun essaya d’ignorer l’autre, du moins elle voulait s’en persuader, donc une discussion prit le pas, sur les joutes verbales de ses accompagnateurs.

Le temps passa et la rousse se retira de bonne heure pour une fois. Cette dernière n’avait pas pris le temps de préparer ses affaires, toute à ses écrits qu’elle était. Le voyage n’était pas fini et la route les attendait encore et encore. Dans tous les cas, ce fut vite fait et avant de prendre monture pour se diriger vers Mâcon, elle se dirigea hors de la ville, histoire de trouver un peu de quiétude suite à tout ce qu’elle venait de vivre. Une bâtisse, une roue sur le côté, un sous bois avec une petite rivière, et un espace dégagé, où elle s’installa pour profiter de la simplicité du moment, sous un ciel calme et étoilé, elle profita de la nuit. Rêve ou réalité, la suite restera nichée en son sein, comme un moment unique et merveilleux, elle ne se souviendra pour le coup même pas du voyage qui s’ensuivit tellement l’instant vécu auprès de cette eau qui la berçait de son clapotis musical l’avait enivrée et rendue légère de bien des choses.

Mâcon était là sous ses yeux…

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Ewaele
[Lyon : Voyage d'une rouquine dans le passé...]

La nuit accueillit la rousse et son compagnon dans la capitale Lyonnaise. Lyon, la belle, Lyon la grande. Enfin ils arrivaient, enfin ils allaient pouvoir souffler un peu avant, sans doute, de continuer leur voyage.

Depuis quelques jours sa buse volait à tout va pour porter missive afin de prévenir de son arrivée, de leur arrivée… Homologue, chambellan, prévôt, licorneux et elle en passait. Ce fut le visage sombre que la rouquine investit les rues de la ville. Elle avait dans cette région un passé, mais peu le connaissait, cela remontait à un temps que les moins de… Elle s’égarait, mais comment ne pas se perdre dans des souvenirs qui lui revenaient en pleine face. Elle était silencieuse, alors que leurs chevaux marchaient au pas, suivant les arcanes de la ville sans trop savoir ou ils se rendaient réellement. Que recherchait-elle vraiment en venant ici, quel était son but? Le savait-elle seulement? Des faux semblants? Trouver une excuse pour revenir icelieu, pour… Se serait-elle mentie à elle-même sur la raison de leur venue? Elle se perdait en conjonctures.

Plus elle avançait, plus sa mémoire se moquait d’elle en lui rejetant par image perfide ce qui avait été, ce qu’elle avait vécu, et des noms vinrent sur ses lèvres, murmure inconscient ou résonance dans sa tête? Elle avait cru parler. Elle tourna la tête vers le Seigneur de Sarran afin de se persuader qu’elle ne vivait pas un de ces fameux cauchemars qui la rendaient malade souvent du lever du jour à son coucher… Elle chassa une mèche de cheveu qui vint la titiller et s’enfonça encore plus dans le passé. Ewaele avait toujours en tête le courrier qu’elle avait fait à cet homme, celui qu’elle devait prévenir, mais comment annoncer la mort de l’être aimé et de son enfant. Qui était-elle donc pour avoir le droit de détruire une vie malgré elle. Et aujourd’hui qui se souvenait de son amie, qui se souvenait qu’elle avait vécu à Briançon et l’avait fuit ne se rendant sans doute pas compte de la chance qu’elle avait.

Un sourire fugace illumina les traits de la jeune femme : l’agneau… Mais les nuages dans sa tête revinrent aussi rapidement que ses traits s’étaient détendus. Faire abstraction de tout cela pour le moment. Elle n’avait pas forcément le choix, ou alors elle se perdrait dans les méandres d’une vie passée ou elle n’avait été qu’un pion de mauvais augure… Noir!

Pour l’heure, il fallait trouver de quoi se reposer, auberge ou autre peu lui importait, pourvu qu’elle put enfin fermer les yeux et oublier. Breccan, son ami de toujours, son complice dans tout ce qu’elle faisait, voilà celui à qui elle devait se raccrocher et faire confiance. Ils étaient proches, de cette proximité que les gens avaient du mal à comprendre, car pour eux entre un homme et une femme il ne pouvait en être autrement que la formation d’un couple. En ce qui les concernait, dans les pas de l’un de l’autre depuis belle lurette, tout cela leur échappait. L’un marié, mais abandonné par sa douce pour un autre, l’autre fiancée… Que dire? Ils avaient toujours vécu comme des frères d’armes, leurs épées promises à l’autre sans qu’un seul mot ne fut dit. La vie les avaient rassemblés à nouveau pour ce voyage. Se dégourdir les jambes, s’aérer la tête, promesse faite d’oublier un temps le Limousin et son despotisme… Promesse aussi de vivre, enfin, sans penser à hier ou à demain, profiter et oublier, s’oublier.

Franchissant la porte de l'auberge-relais, les deux compagnons furent assaillis par un flot d'odeurs de cuisine, mais aussi d'alcool. "Déjà", pensa Ewaële avec dépit. Le patron, un gros homme au front bien dégarni, était en train d'essuyer un verre, regardant l'estrade où un duo d'artiste jouait conjointement de la harpe et de la flûte. D'ailleurs ces deux musiciens retenaient l'attention de l'ensemble des occupants de la salle principale de l'auberge. Elle qui pensait qu’à cette heure ils trouveraient tranquillité et quiétude. Ewa s'accouda au comptoir et demanda à boire au tavernier qui visiblement n'avait d'attention que pour les deux musiciens car la jeune femme dut passer sa main devant le visage de l'homme pour que celui-ci lui prêta enfin attention. Se retenant de l'égorger, la licorneuse se contenta d'essayer de glaner quelques informations sur la situation actuelle dans les environs. Elle ne pouvait guère attendre plus de la pauvre loque qu'elle avait en face d'elle après tout. Passablement énervée, elle préféra ne pas relever les quelques mots peu affables que l’homme lui cracha pratiquement au visage. Peu lui importait en fait, elle regarda le gallois en coin et l’invita à sortir de ce bouge, ils ne devaient pas se trouver dans le bon quartier de la Capitale.

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