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[RP] Et ce fut un arlequin-ragoût

Saens
"Ermenfroid l'Lourd Couillu !"

"Ah, ça c'est un joli nom monsieur ! Tu sais, tu devrais mettre des aspho... asphophodèles dans, dans ta moustache... Attends, mimi... j... je peux t'appeler mimi ? Je... je vais aller te cueillir des a... asphodèles, mimi l'couillu."


Mais le brun se cassa la figue mûre avant d'avoir pu ébaucher un pas vers les asphodèles bégayées. Deux rires gras retentirent jusque dans la rue narbonnaise. Des rires épicés, ventrus, ceux qui viennent après une bonne heure de dégustation en comité choisi. Ici, un slave et un tenancier, Mimi, qui, ne se contentant pas d'avoir une paire de valseuses légendaires, savait tenir un langage de miel au brun; tiens, un ptit canon de rouquin, goûte c'est mon fillot qui l'a fait, comment ça l'est vert ? J't'en foutrai du verdouillet, attends on va pas s'bigorner, me reste des boutanches de vitriol... le vin c'est pour les ménesses d'toute manière, c'est du caresse-gosier, moi j'tape dans l'riquiqui, même que c'est mon oncle qui l'a fait, va goûte, goûte, maintenant l'est calanché mais il me reste assez de bouteilles pour abreuver une armée de curaillons du Rouergue... alors, c'est-y du bon ?

C'est-y, c'est-y, criaient les joues vermeils du brun. Vermeil de jouvencelle. Plus tôt dans la matinée, quand sa barbe noire trouait encore une peau exsangue, l'était entré voir l'aubergiste. Lorsque l'on est vagabond et amoureux d'une sauterelle en attente de capitonnage, l'ingrédient le plus dur à dénicher, c'est pas le safran des Îles Seuillé ou le paprika de Berettyóújfalu, c'est les fourneaux, c'est les gamelles. Surtout que ces deux-ci voyageaient léger, faisait de temps à autre claquer une haridelle sur la route ou grogner un vieux mulet, mais rien qui permettait de se déplacer avec sa petite cuisine. Ainsi donc, quand une envie de gueuleton les prenait, Saens se plantait devant l'aubergiste du jour et y allait de sa petite musique ; c'était la cavatine de Saroline.

- à sa brune, il lui inventait amoureusement des maladies biscornues, des intestins qui se tordaient, des artères qui s'emberlificotaient, de la chair nasale qui se nécrosait comme une fleur qui fâne, des ripatons concassés, des lésions larges de trois doigts dans le lobe pariétal d'où grouillaient de petits vers, et autres douceurs de son cru, ça dépendait du moment, et du temps. Et il composait toujours à voix basse, futur veuf oblige. C'est qu'il ne fallait pas dévier du point de mire, arracher à son allocutaire la petite larme cruciale, celle qui tremblote au coin de la mirette et qu'on retient en renâclant du tasseau, en somme, la clé du paradis, du feu, et d'une batterie de casseroles.

Et puis il y avait les impondérables, comme des Ermenfroids qui le prenait de vitesse, avec leurs propositions sucrées de rince-la-dalle. A présent il suait des oreilles. Il avait parlé d'une affaire de bas noirs. Ils s'étaient tus, le nez chacun dans leur verre. Ne restait qu'un grincement d'été revenu de loin. Dans la tête de Saens des lézards étaient apparus, fugaces, sur des pierres moussues. Dans celle de l'aubergiste, on n'en savait rien. Le brun avait levé le coude une énième fois, le regard chatoyant, s'était tenu sévèrement droit en fixant une chaise. Autant dire qu'il était mûr. C'est un des deux qui avait proposé,


"Une sale mie, qu'on dit ?"
"Une sale mie qu'... hein ?"
"Un salmigondis ? Pour ta brune ?"
"Oh... un salmigondis pour la sale Roline, bien dit, mimi.


A peine plus tard, il était midi, deux pochards, les manches relevées, débattaient sur la question élémentaire de l'assaisonnement : les câpres, ou les baies ?
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Saorii
La brune était perdue dans la contemplation d'une plaine insondable. Étendue terreuse et aride dont le relief lisse n'était parsemé que de légères irrégularités granuleuses, de quelques adventices ambrées et quasi invisibles, ça et là. Le soleil venait y tracer un étrange quadrillage, adoucir les contours, lécher de ses rayons ardents la surface fine et délicate, comme pour faire la promesse que ce désert blond ne serait bientôt plus si infertile. Et d'ailleurs, comme un signe, si le regard se projetait un peu plus loin, il tombait sur une brèche creusée dans la steppe ensoleillée, une sorte de terrier circulaire qui aurait pu se changer en puits de fortune si le ciel narbonnais s'en était donné la peine. Las, pour le moment, il s'était surtout donné pour mission de cuire toute la ville, et ses habitants avec.

Saorii était comme ces chats insouciants qu'on voit dans les villes du sud, couchés nonchalamment sous une chape de plomb. Aux heures les plus chaudes, ce sont les seules âmes visibles des villages, gardiens de la méridienne en veilleurs aux fenêtres, statues ancestrales figées sur les murets blanchis, et leur sereine et imperturbable solennité laisse à croire qu'ils sont là depuis plus longtemps que l'astre lui-même, si bien qu'il n'ose point les déranger. Seul le chant des cigalous fait écho à cette silencieuse présence, et les deux se mêlent dans ce duende indicible et mystérieux qui intimide le moindre pas incongru venant fouler les pavés brûlants.

Un pusillanime visiteur qui se serait malgré tout aventuré dans les venelles assoupies, aurait assisté à un curieux spectacle en débouchant sur l'une des places de Narbonne. Car là, allongé sur ce banc de pierre mangé par le liseron, ce n'était pas un chat qui se dorait au soleil. C'était une vagabonde. Brune. Jolie. Un peu trop grande - à son goût -, et un peu trop maigre - au goût du trimardeur qui l'accompagnait. Elle avait relevé sa chemise, et ses yeux fauves toisaient son ventre nu comme s'ils le découvraient pour la première fois.

Dans sa besace, une paire de bas noirs. Offerts par un homme qui ne savait pas offrir, ce qui revenait à dire, posés sur un comptoir de taverne avant un repli stratégique. Elle les avait tout de même glissés dans son sac, mais ne les portait pas. Attendant elle ne savait quoi, quelque chose qui ne viendrait sans doute jamais. Pourtant pas son genre à la brune, d'attendre. Faut croire qu'elle était en train de changer - elle, elle aurait dit vieillir. Ce fut un gargouillement sauvage qui arracha l'oisive alanguie à sa méditation rêveuse. La panse dorée, soumise à la question depuis de longues minutes, entendait bien rappeler à sa propriétaire qu'elle ne servait pas qu'à l'enfantement, et qu'elle avait d'autres prérogatives. Râle si tu veux, qu'elle lui disait, mets moi tout sur le dos - ce qui pour un ventre, est un comble -, n'empêche, la brune, c'est bien toi qui trouves que Saule, c'est un joli nom pour une fille, et c'est bien toi qui as l'ardeur oublieuse sous les draps. Râle donc, j'ai l'habitude. Mais en attendant, j'ai faim.

Long soupir saorien, tout en rabattant la chainse blanche. C'était donc une conspiration. Déjà que les tripes l'avaient trahie depuis bien longtemps, c'était le reste qui s'y mettait. La bedaine opiniâtre, la gorge qui se nouait sans crier gare, et même les guiboles qui frémissaient d'avance, rien qu'à l'idée que peut-être, le brun viendrait de ses mains glisser sur elles les fameux bas. Toutes acquises à sa cause. Garces.

Ayant fini d'insulter les divers éléments de son anatomie - les féminins, cela va de soi -, la brune se leva et se rendit à l'évidence. Elle n'aurait rien contre une petite graine à casser, en effet. La traversée du désert, ça creuse. Et puis, les agapes concoctées par le brun, ça vous donnait vite de mauvaises habitudes. D'ailleurs, elle avait une sacrée fringale, ces derniers temps...

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SAO.
Saens
Ce qui s'offrait à la vue et à l'ouïe saorienne était pour l'heure, assez navrant :

"Des baies ? Des baies ! Des baies rouges ! Arrête-toi milord, l'est pas cané comme le pâpe mézigues, j'en ponds pas tous les matins des billes rouges, j'pondrais même aut'chose... j'va t'dire, des câpres, c'est des câpres qu'il faut, ça fond dans la gourmande."

Regard entêté d'un brun branlant, qui lève un auguste index.

"Des baies, mimi.

Du poivre rouge,
du poivrot ou je,
du poids, rouvre-je
du pois, ivre roux jeu,
dupe oie, vrou ! geai,

J'ai le jet d'un vertueux pois rouge.
Mâture, ture-ture, pois-sculpture."


C'était imparable, et mimi-les-belles-valseuses en convint. Ce serait un improbable fond de poivre rouge, et à bas les câ-câpres. Vint pour les viandes l'heure d'entrer en scène dans la grande partouze des barbaques, et phare en dol, tenez-vous la main. On passera la liste de travers de porcs rances, d'andouillettes mouchetées et de fonds de carcasses moutonnières, pour épargner l'arrivante nausée du lectorat. Reste que cet odieux mélange de pièces mi-faisandées, entre les mains de nos deux sacs à vin maintenant devenus silencieux -la cuisson, affaire sérieuse- exprimait un remugle tout ce qu'il y a de plus délicat, de parfumé, car madame, ce qui compte n'est pas tant ce que tu mets dans la cassolette que l'amour que t'emploies à le concocter. Hormis pour les anguilles avariées, mais ça c'est une autre histoire.

Il aperçut la brune. Celle qu'il tromperait outrageusement dans cinq petits jours avec un jupon maritime, dans un réveil hoquetant, mais pour l'instant il n'en savait rien, et elle non plus. Les salauds candides n'anticipent pas. Pour l'instant donc, c'était les retrouvailles fraiches d'un couple encore boitant, à coups de bas noirs mal offerts et de perspective de semis dans un brun d'utérus. Oui, Saule, c'était beau. Il glissa un bras, fier on peut le dire, autour de sa taille. Et le discours était tout autre qu'à l'habitude.


"Regarde mimi.
Libre comme un oiseau d'eau,
Dorée comme du cuivre de Seuillanvillard,
Harpiesque à la langue d'écorce,
Corsée, vers en terre. Erre."


Il nicha son visage près de la nuque de l'aimée.

"Lui c'est mimi, il a, parait-il force roubignoles et de grandes vasques d'alcool. Mais mon vers s'étiole, et avant qu'il totalement ne dégringole, ou n'attrape la variole veux-tu, veux-tu goûter à ce petit ragoût... aux baies ?"
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