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[RP] Quand la vie tente d'emplir encore des veines lasses

Yunette
RP fermé.


L’entretien avec l’évêque terminé, les deux cavalières avaient repris la route. Direction la Provence. Retour au bercail. Elles cheminaient de front, l’une, le port altier, fière, militaire, l’autre qui ne semblait suivre que parce que le cheval le voulait. Son esprit était torturé, son corps aussi d’ailleurs. Après, le corps ce n’était qu’accessoire. Ses mains brulées et coupées à maints endroits étaient cicatrisées, ses côtes ne se faisaient douloureuses que lors d’efforts ou de rires, choses rares, les rires. Sa jambe par contre ne se faisait discrète que lorsqu’elle était assise, ou à cheval. Elle avait désormais une démarche bancale qu’elle ne tentait pas d’améliorer.

Dans sa besace, quelques courriers, qu’elle relisait, parfois, souvent. Trop souvent pour une demoiselle tout juste veuve avant d’être épousée. Ces courriers qui s’échangeaient bien avant qu’elle le soit, veuve, d’ailleurs. Son correspondant l’ignorait… Elle aimait ces échanges, bien que celui qui lui écrivait tenait parfois des propos qui la faisaient rougir, elle le reprenait d’ailleurs, ce qui ne l’empêchait pas de recommencer. Et puis, il n’y avait nul mal, se disait-elle, seuls quelques mots échangés entre deux être qui ne se reverraient sans doute pas. Et ça meublait le temps, tandis que son fiancé broyait du noir à être immobilisé. Jusqu’au jour où la douleur qu’il avait tue se fit sentir et que Yunette se rendit compte qu’il était condamné. Il avait voulu conserver sa jambe… Elle avait cru à une simple brisure. Raté. Et il en était mort, malgré ses soins. Elle se sentait coupable de ne l’avoir pas su soigner. Longtemps elle avait trempé ses joues, leur donnant un gout salé que personne n’était là pour gouter. Puis elle s’était remise à boire, chose qu’elle avait cessée lorsqu’ils s’étaient retrouvés. A croire que comme il le disait si bien, Aristote se plaisait à les empêcher d’être heureux.

C’est dans cet état que sa marraine l’avait retrouvée. Mettant de la mauvaise volonté à guérir, empestant le mauvais vin, hagarde. Retrouvailles difficiles s’il en est, négation du plaisir qu’elle avait de revoir enfin un visage connu et aimé. Honte de ce qu’elle lui avait fait, l’ayant un jour lâchement assommée et laissée dans la poussière d’un chemin. Il lui avait fallu partir. L’alcool avait bon dos, mais elle s’en souvenait parfaitement. Malheureusement. Enfin, elle l’avait envoyé tenter de retrouver sa foi auprès d’un évêque, il fallait se rendre à l’évidence, cela prendrait du temps. Elles s’étaient mises en route quand son état l’avait permis, et, la veille de son arrivée sur Vienne, son correspondant avait redonné signe de vie. Elle en fut étonnée, surprise, agréablement, et ses mots glissèrent sur ses maux, lui arrachant un maigre sourire. Elle tenta de lire les mots raturés sans succès, songeant qu’elle le lui demanderait.

Coïncidence ou non, elle arrivait à Vienne. Là où il était. Sa marraine et elles prirent chambres, elle hésita, longtemps. Après s’être rafraichie du voyage, elle rédigea un courrier, court.

      Citation:
      Cher ami,

      Vous flagornez en parlant de mes écrits.
      Ce ne sont que lettres qui s'acoquinent et tendent à former des mots, mots qui s'alliant en phrases, décrivant mes maux.
      J’ai envie de vous écrire que je suis là. Bientôt.
      Ou plutôt, déjà.
      Plein de choses à vous conter. Ouvrez vos volets.

      Yunette.

Confiant le pli à un gamin, elle s’alla installer non loin de l’auberge où ledit môme lui avait dit qu’il résidait, en bonne compagnie, sans doute. Un géant brun, ça ne court pas les rues. Elle s’installa en face, pour être précise, assise au bord d’une fontaine, enveloppée dans sa cape, patiente.
_________________
Thorvald_
Comment tout avait-il commencé ? Le géant brun de ne savait plus vraiment. Yunette avait d'abord été une rumeur dans la Provence, l'évocation de la protégée d'une grande dame, le murmure d'un doux prénom secret. Protégée ... rien que cet interdit avait déjà mis la puce à l'oreille de Thorvald. Puis le temps avait passé, avant qu'il ne la rencontre enfin, la délicate princesse qu'il avait cru élevée dans du coton.

Certes, elle était discrète et prude. Mais des ecchymoses du Berry aux blessures de Provence, il s'était aperçu peu à peu qu'en fait de petit pois c'était un fouillis de ronces qui tenait lieu d'inconfort à la délicieuse princesse. Et puisqu'il n'avait pu lui tendre sa main, ce jour où ils s'étaient croisés tandis qu'elle quittait sa province l'esprit envolé et les mains écorchées, ils n'avaient entretenu qu'une relation épistolaire. Relation des plus insolites. Lui, se voulait réconfortant comme auprès d'une enfant que la vie a malmenée, il retenait sa plume, choisissait ses mots et domptait son élan. Elle, évoquait ses déboires et son incertitude, et le reprenait gentiment sur les formules échappées.

Jamais ils ne se verraient, jamais ils ne se rencontreraient vraiment, il le savait. Trop d'entraves, trop de chaperons à contourner, trop jeune, et puis ce compagnon aimé dont elle parlait souvent. C'était ainsi, il ne le regrettait ni ne s'en réjouissait. Et la vie avait coulé. Jusqu'à ce que cette missive anormalement courte lui parvienne.

Mes ... "volets" ?

Était-ce là une métaphore ?
Sur quoi lui demandait-elle d'ouvrir les yeux ?

Ou bien ...

Torse nu dans la pénombre de sa chambre, la mine encore endormie et le cheveu en épis, il poussa donc ses volets, incrédule. Le soleil déjà haut inonda la pièce et réchauffa ses muscles encore zébrés de la morsure des draps. La fenêtre étant au premier étage, il se pencha pour vérifier. Métaphore ou non ...
Une demoiselle à la fontaine.
C'était fréquent, cela dit.
Il cligna des yeux dans la lumière. La reconnaîtrait-il seulement, même si on la lui mettait sous le nez ?


Yunette ?

Que faisait-elle là, seule, emmitouflée dans sa cape ?
Yunette
Que faisait-elle là, la demoiselle abîmée ? Elle s’interrogeait tandis que ses yeux parcouraient la surface ondulante de l’eau. Elle songeait à la fois où elle était passée, rapidement traversant la ville sans s’arrêter, c’était il y a peu. A l’époque, elle n’avait pour seul but que de retrouver son fiancé, de, si possible respirer à nouveau. Vivre, enfin. De pansements en pensées, ils avaient vécu intensément. Et il n’était plus. Nulle larme ne vient troubler ses yeux, cela faisait bien longtemps qu’elle n’en avait plus versé. Acceptant le sort que la vie lui faisait, tel qu’il était. Elle avait perdu le goût de lutter, l’envie d’aller de l’avant, le besoin de se lamenter sur son sort. C’était ainsi, un point c’est tout.

Mais tout de même. Que faisait-elle là ? A attendre un homme qu’elle avait envie de voir, d’entendre plutôt que de lire ses mots panseurs de maux ? Perdus dans les ridules aqueuses, ses billes sombres ne regardaient rien, cheminant en elle, cherchant à voir ce qu’elle semblait se cacher. Oui, la jeune incendiaire avait envie de le voir, mais non, elle n’en avait pas envie. Enfin, si, peut être, un peu, beaucoup, mais ce n’était guère ni sérieux, ni correct. Et puis, et puis rien en fait, elle n’aurait jamais dû écrire ce dernier courrier, encore moins venir ici.

Mauvaise idée… Elle en était là, de ses tergiversations, s’apprêtait à se lever pour partir. Dégonflée. Peut être. Sans doute. Aucune incertitude là-dessus. Elle avait peur de celui qui se voulait rassurant. Ou peur d’elle. Surtout. Elle n’eut pas le temps d’esquisser le moindre geste pour se lever qu’elle entendit des volets s’ouvrir… Elle se tourna, lentement et aperçut le géant brun, à peine éveillé, qui l’observait. Trop tard. Il n’était plus temps de fuir, il l’avait reconnue, et puis, même si elle l’avait voulu, ses jambes le lui auraient refusé. Malgré elle, ou pas d’ailleurs, un sourire se dessina sur ses lèvres.


    - Partir ? Fuir ?
    - Mes jambes ne veulent pas.
    - Rester alors ?
    - Pas le choix.
    - Mais tu veux quoi ?
    - J’en sais rien… advienne que pourra.
    - Mauvaise foi…
    - Oui, c'est moi.
    - Tais-toi, et laisse-moi vivre.


On la disait folle. Les deux voix qui s’affrontaient, lucidité et mauvaise foi, se turent enfin, la laissant apprécier seule le moment présent. Un sourire, déjà, ça ne commençait pas si mal.
_________________
Thorvald_
[Plus tard. Ou bien était-ce avant ?]

Il l'avait appelé, incertain, incrédule, et s'attendait à voir se tourner vers lui une étrangère, qui peut-être le toiserait avec surprise et dédain. La silhouette lentement vrilla vers lui, alors il reconnut son visage enfantin, ses traits délicats. C'était elle, à n'en point douter. Un sourire flotta dans l'air, alentissant les secondes, imprégnant la lumière déjà vive. Yunette ... Il étira ses lèvres en retour, ravi de la voir, inquiet cependant de cette présence imprévue.

Entre.

Il la tutoyait, d'office, comme dans leur correspondance, malgré la persistance de Yunette à le vouvoyer. La différence d'age peut-être ... Un geste d'invitation accompagna ses dires tandis qu'il reculait de l'encadrement de la fenêtre, mesurant l'étendue de la situation. La petite demoiselle, qu'il connaissait prude et délicate, (il ne connaissait qu'une seule face de ce joyau) allait débarquer d'une minute à l'autre et la chambre était un champ de bataille. Les draps épars avaient certes été délaissés de leur présence féminine, mais en retenaient une puissante odeur de rose. Il fit un peu d'ordre rapidement et chercha en vain une chemise.
Yunette
Niché en ses lèvres, ce petit sourire semblait s’être installé. Ça faisait un moment, sa marraine elle-même n’en acquérait que peu, des sourires. La demoiselle se faisait avare. Eperdument perdue dans le brouillard quotidien. Elle avait cru trouver sa vie, l’avait trouvée même. Mais sans lui, cette vie de brigand, osons prononcer le mot, n’avait plus de saveur. Depuis qu’il l’avait lâchement abandonnée pour aller rejoindre les morts qu’ils avaient semés, elle ne se sentait plus à sa place là bas. Elle s’y était fait quelques connaissances, une amie même dans sa vraie fausse belle sœur, mais ce n’était pas sa vie. Ça l’aurait été s’il était resté. Mais là…

Ça ne l’empêchait pas, la damoiselle, de retourner tout de même en une grotte, parfois, par nostalgie. L’endroit de leurs retrouvailles. Chaleureuses. Ses pensées étaient chaque fois interrompues par la même personne. Celui là même qui avait juré tuer Galuche un jour. Raté, il avait trouvé plus fort pour ce faire. De toute façon, comme le disait Yunette, il n’aurait jamais réussi. Et là bas, elle se défoulait, laissant sortir sa rage parfois, entre deux phrases polies. Elle aimait jouer des mots, cela contrastant avec le lieu.

Entrer ? Ma foi, ou plutôt sa foi… Pourquoi pas ? Son ami aurait sans doute les mots pour la rassurer, comme il savait si bien le faire sur ses plis. Une petite inclinaison de la tête pour lui dire qu’elle arrivait et il disparut de l’encadrement fenêtrier. Il lui fallait se lever tout d’abord, les jambes ayant retrouvé leur consistance, elle le fit et sans tenter le moins du monde de masquer son boitement. Elle s’avança vers la porte de l’auberge, y pénétra et se dirigea vers la porte de la chambre du géant sans un regard pour les éventuels occupants de la salle commune ou l’aubergiste lui-même.

Elle toqua à la porte et, lorsqu’elle s’ouvrit, la demoiselle sourit. Un sourire tout d’abord hésitant, du bout des lèvres, comme s’il était interdit, puis il s’étira, emplissant bonne partie de son visage, allant même, un instant, se lier à ses yeux. Elle souriait quoi. Et, avec ce petit accent provençal qui ne l’avait pas quittée, elle le salua d’un simple :


- Bonjorn.

_________________
Thorvald_
La chemise était demeurée introuvable. Thorvald avait rejeté sur sa couche les draps épars et s'était recoiffé rapidement de la main, quand déjà de timides coups retentissaient à la porte. Yunette. Pourquoi n'avait-elle pas prévenu ? Quelque chose de grave s'était-il passé ? Il tenta de se remémorer ses dernières missives, mais il était fort tôt, pour lui du moins, et son esprit encore embrouillé de la nuit peinait à réunir les détails.

Et n'était-il pas étrange qu'elle fût seule ?

Il ouvrit et resta un instant dans l'encadrement de la porte qu'il encombrait de toute sa masse. Peu à peu, le visage de la jeune femme s'éclairait. Toutes les questions qu'ils s'était posées s'évanouirent, et il répondit à son sourire, à la fois étonné et émerveillé de la revoir ici et en pareilles circonstances. Ce regard, cet accent, elle était là, c'était bien elle ! Un petit rire sonna dans l'air, un énorme bras s'appuya sur sa taille fluette pour la happer vers l'intérieur.

La porte se referma dans leur dos.


Yunette, quel bonheur de te voir ! Faisons monter quelque chose à manger, tu veux bien ? As-tu mangé ? Puis nous irons en ville, je te ferai visiter et nous irons où tu voudras. Tisserands, bijoutiers, étuves : la ville regorge de merveilles. Ôte donc ce manteau de voyage. Et raconte-moi ...

La chambre était petite et pourvue d'un seul fauteuil, calé contre une petite table. D'un geste il l'invita donc à s'assoir sur le lit et pencha doucement la tête, signe qu'il était prêt à écouter le récit de ses aventures, dont il ne doutait pas qu'elles fussent nombreuses et extraordinaires.

Sa boucle d'oreille scintillait dans le soleil matinal.
Yunette
Elle se fit happer à l’intérieur des lieux, installer sans réagir vraiment, enveloppe encore bien vide, marionnette aux mains d’un artiste attentif. Son regard fut attiré par le petit scintillement, glissa sur le géant, son visage, son sourire, écoutant ses paroles et souriant en retour. Manger ? Pourquoi pas. Elle n’avait pas spécialement faim, mais promesse était faite à sa marraine de se nourrir à nouveau. Et pour la promenade… c’était une idée également, mais pour l’heure, il était temps de coucher au creux de son oreille, sagement installés sur sa couche, ses maux.

Elle lui conta son voyage, âme peinée qui voguait sur un océan d’espérances… Les déceptions à chaque nouveau lieu qu’elle visitait et qu’elle apprenait qu’il en était parti il y avait longtemps déjà. Elle lui conta les retrouvailles, les yeux brillants, le regard perdu en un passé qui n’était plus. Ces chaleureuses retrouvailles, où, arrivant là où elle savait qu’elle le trouverait elle avait perdu connaissance et s’était éveillée dans un coin de grotte grossièrement aménagé, apprenant que l’homme en face d’elle l’avait achetée. Son tendre avait finit par occire l’homme et la libérer, sans cheval blanc. Longues furent les journées ensuite, avant qu’ils ne se réapprivoisent et n’osent se parler. Elle ne lui conta pas leurs étreintes, ses premières consenties, désirées même. Non, ça elle le garda pour elle.

Elle décrivit ensuite leur départ pour la Bourgogne, l’envie qu’il avait de prendre part à un pique nique… Un mariage à fêter ! Elle en était, bien évidemment. Ses mains se mouvaient, l’aidant à donner vie à son récit, les nuits d’attentes, ne sachant si l’attaque serait donnée ou non, les moments où il fallait soigner, les déplacements où les voyageurs tombaient juste parce qu’ils croisaient leur chemin. Aucune pitié. Aucune question d’ailleurs. C’était ainsi, ça lui semblait normal. A l’époque. L’ardeur des batailles, la chaleur de la proximité des cœurs enragés, là furent ses mots qu’elle lui glissait à l’oreille, comme il l’avait suggéré.

L’horreur, enfin, quand la frénésie passée, elle observa le résultat. Qu’elle ouvrit les prunelles sur ce qu’elle avait accompli. Frémissante, sa voix avait baissé. Elle parlait honte alors. Une dernière bataille, là qu’elle est tombée. Parait qu’il est tombé que le lendemain. Ils ne se sont retrouvés que quelques jours plus tard. Amochés tous deux, lui était tombé le lendemain. Elle passa sur la convalescence qu’elle lui avait déjà contée dans ses lettres, lui parla de sa marraine qui l’avait retrouvée, et, le regard dans le vide, accrochant une lézarde du mur, elle conclut :


- Il n’est plus. D’où mon acceptation de revenir en Provence, accompagnée de Marraine.


Elle se tut. Les yeux brûlants d’où aucune larme ne voulait sortir ni n’était sortie depuis des lustres. La jeune femme avait réussi à lui conter son histoire d’une voix relativement sereine, elle fit en sorte de le rester encore. Relevant la tête, elle lui fit un petit sourire qui ne demandait qu’à gagner en force.


- Alors, qu’allons-nous faire maintenant que je vous ai tout conté ?
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Thorvald_
Elle entra, telle un fantôme aérien et délicat, une ombre blanche. Ils s’installèrent côte à côte et elle lui conta tout, vidant sa vie à leurs pieds. Triste vie dans laquelle elle fut entraînée, passagère plus qu’actrice, ballotée par les désirs des uns et des autres. Patient, il l’écouta silencieusement, hochant parfois la tête, serrant sa main aux passages douloureux, souriant aux rares évocations d’un futur lumineux.

Thorvald, le consolateur de ces dames. Comme si lui n’éprouvait guère de douleur, comme si la vie coulait sur lui dans la plus parfaite indifférence. Touché parfois, mais jamais blessé. Une montagne de muscles ne peut éprouver. La vie ne peut meurtrir un tel monstre. Tous en étaient persuadé, même lui, peu à peu, s’était enfermé dans cette colossale apparence. Les souffrances d’autrui le fascinaient et l’intriguaient à la fois. Ne pouvant épanouir les siennes, il façonnait celles des autres, sans cruauté, par simple volonté d’être, à travers eux. A travers elles. Apaisant souvent. Tourmentant, parfois.

Quand elle leva enfin les yeux vers lui, pétrie de tristesse, il ne put s’empêcher de l’attirer contre son énorme torse, et de la serrer doucement, veillant bien à ne rien démettre sous son bras puissant. Une épaule féminine est si fragile.

D’une voix profonde, il reprit ses paroles précédentes :


Ton « acceptation » …

La vie n’est pas faite d’acceptations, Yunette. C’est à toi qu’appartiennent tes choix. Tu es à un nouveau croisement. Que tu fasses le choix de vivre au château d’Eavan ou de rejoindre la grotte, ou autre chose, importe peu finalement. L’essentiel est de t’y épanouir.


Il caressa ses cheveux.

Qu’allons-nous faire … Profiter de notre journée ? Et en profiter pleinement, car je pars demain. Je retourne à Paris au service de ma Reine.
Yunette
Demain… Si tôt.

Blottie contre le géant, tout d’abord un brin gênée de la position, mais profitant finalement du réconfort offert, la demoiselle sourit. Elle était à l’heure des choix, il avait raison mais elle ne voulait pas en faire de catégorique. Vivre, déjà, c’était pas mal, si en plus il fallait s’imposer la façon, cela serait sans doute trop pour elle. Elle vivrait comme la vie s’offrirait à elle, sans réfléchir.

La grotte ou Eavan… Je crois que je vais choisir les deux. Au risque de décevoir encore ma marraine, mais une partie de moi est là bas que je ne peux abandonner. Je ne parle pas de commettre larcins, simplement, d’y retourner, parfois.

Profiter de cette journée… Oui, mais comment ? La demoiselle n’avait guère envie de se promener, envie de rien en fait. Rester là simplement, à discuter, à connaitre mieux son ami lui paraissait bien bonne idée. Quoiqu’ils auraient pu discuter dehors aussi. En bref, elle n’en savait rien. Un petit sourire aux lèvres elle le regarda.

Je parle depuis tout à l’heure, je vous conte ma vie, mes ennuis, mes doutes, vous m’écoutez patiemment, mais… car il y a un mais… vous ne dites rien de vous. C’est bien gentil de me demander ce que je veux faire, mais… et vous ?

Le repas commandé leur fut apporté à ce moment, mais Yunette était bien décidée à en apprendre plus sur lui avant d’ouvrir à nouveau la bouche. Picorant sur le plateau déposé, elle le regardait, attendant qu’il parle.
_________________
Thorvald_
Choisir de ne pas choisir ...

Thorvald, toujours torse-nu*, vola un grain de raisin sur le plateau et s'accouda dans l'alcôve. Tourné vers Yunette, son verre de vin en main, il sembla réfléchir un instant. De la fenêtre ouverte montaient les bruits de la place. Le soleil d'automne réchauffait les lames de plancher, donnant à la pièce une douceur orangée, courant sur les étoffes éparses et sur le lit défait. Il leva les yeux :

Finalement, nos vies se ressemblent. Envie d'ailleurs, besoin d'un port.
Et inversement.

Que te dire, Yunette, qui ne t'ennuierait pas ? Ma vie est ordinaire. Pas d'incendie, pas de guerre. Je côtoie les plus belles femmes de Paris, du LD et ... de Provence. Je suis le plus heureux des hommes. Et plus heureux encore de ta visite.


Il but une gorgée de vin. Il lui en faudrait un peu plus pour se confier vraiment. Et puis, d'abord, confier quoi ? Qu'il avait quitté l'Artois où on le trouvait efféminé ? Qu'il avait gagné sa vie, gigolo à Paris ? Qu'il était embauché dans le plus éminent des bordels des Royaumes ? Finalement, était-il tout cela ? Est-on ce que l'on fait ?

Étrange petit-déjeuner de vins et de fruits ... Thorvald se passa sa main libre dans les cheveux pour se réveiller. Il devait bien être midi.


Est-on ce que l'on fait ?


*et non, il n'avait pas acheté de pull, lui non plus
Yunette
Oui, choisir de ne pas choisir. Pourquoi devrait-elle choisir alors que les deux lui plaisent ? Avoir déjà l'envie de ne pas choisir est un début sur le chemin de la volonté. Elle acquiesça à ses dires, empêchant sa main tremblante de prendre un verre de vin. Plusieurs jours sans alcool, elle en souffrait, se sentant plus libre, mais vacillait chaque fois qu'elle en voyait, humait, si par malheur elle y goutait, il lui en fallait plus, jusqu'à être ivre. Et elle ne voulait pas se montrer ainsi ce jour.

Votre vie ne m'ennuierait pas, vu qu'elle est votre. Quel genre d'amie serais je si je ne savais écouter le récit d'une vie ? Aussi morne soit elle. Je me serais bien passée des incendies et des guerres. Des morts environnants également. J'aurais peut être pu me complaire au pays des petits lapins et des jolies fleurs. Mais...


Elle haussa les épaules... Les chemins n'étaient pas tout tracés, contrairement à ce que de nombreuses personnes disaient. Les choses évoluaient de jour en jour et chacun était maitre de les faire changer. D'une façon ou d'une autre.


Bénis soient ceux qui sont heureux de leur sort.

Picorant à nouveau, elle s'alla accouder à la fenêtre, laissant vagabonder son regard sur l'extérieur bien ensoleillé.


Être ce que l'on fait.. Voici une question qui mérite réflexion.

Nos actes nous façonnent, ou plutôt, le résultat de nos actes. J'ai mis le feu, je suis une incendiaire... Mais pour autant, ne suis je que cela ? Vous même, n'êtes vous que l'amant de ces dames avant d'être Thorvald l'ami ? Pour beaucoup, sans doute, pour moi, non. En cela, vous êtes ce que vous faites. Et puis...


Ses billes sombres se posèrent alors à l'endroit où elle était assise un peu plus tôt dans la mâtinée, y découvrant une silhouette fort connue.
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Eavan
Sa filleule lui avait encore fait le coup de la poudre d'escampette. Enfin, malgré sa volonté de la protéger, elle ne pouvait, et ne devait surtout pas, l'entraver. Yunette était son amie, sa filleule ...

Après un certain temps d'absence, et une certaine volonté de reprendre la route, Eavan avait parcourut la ville. Interrogeant ça et là des passants, une jeune femme boiteuse à la mine renfrognée, cela ne courant pas les rue.
Un garçon finit par lui indiquer une auberge, lui précisant que la jeune femme recherchait un géant brun. Eavan rechercha brièvement dans sa mémoire un homme correspondant à cette description et il lui revint un homme lors de joutes ... Thorvald, oui c'était bien cela.
Enfin Yunette avait sans doute rencontré pleins de gens depuis son .. départ de Provence. La baronne prit le parti d'attendre avec patience.

Une fontaine se trouvait là, voilà qui ravivait des souvenirs. Elle s'assit sur le bord et lorsque sa filleule apparut à une fenêtre, Eavan se contenta de lui sourire.
Cela suffirait.
Yunette comprendrait sans doute le message.

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Thorvald_
Je suis cela, et tout un tas d'autres choses ...

Il posa son verre, attrapa quelque chose dans sa besace, et se glissa hors du lit. Pieds nus, il s'approcha silencieusement de la frêle silhouette qui se découpait, de dos, dans la lumière.

Au terme de ce long voyage, je serai mes pas, je serai mes haltes, mais je serai aussi tous ceux rencontrés, je serai toi, je serai les âmes vagabondes. Ou même les petits lapins, les bondissants, les monstrueux. L'oubli a des bienfaits insoupçonnés quand on porte en soi ces dons.

Sans doute est-ce déjà orgueil que de prétendre à l’humilité ...


D'un doigt, il repoussa doucement ses cheveux qui balayaient sa joue droite, et vint frôler son oreille. Yunette s'était arrêtée de parler, immobile. Toujours derrière elle, Thorvald y fit pénétrer une boucle jumelle à la sienne. Elle pendait avec délicatesse et, à son extrémité, prisonnière d’un entrelacs de fils d’or en forme de boule, scintillait une pierre noire aux reflets bleutés. "Qu’elle te porte chance", murmura-t-il en baisant la naissance de son cou, juste sous l'éclat du bijou, avant de, machinalement, regarder dans la même direction que la belle.

Par tous les saints ! la protectrice baronne, la sublime Eavan, la droite chaperonne. L’homme se redressa lentement, et resta un instant coi. Certes, ils n’avaient rien fait d’autre que parler, mais il imaginait aisément l’ambigu tableau, vu de la rue. Lui, torse nu, le cheveu en bataille, penché sur la délicate jeune fille.


Ma douce amie, il semble que tu sois attendue …
Yunette
Elle l'entendait sans écouter, ou l'écoutait sans l'entendre. Sa voix glissait sur elle, l'enveloppait. Si fait, elle l'entendait, l'écoutait, ses paroles l'emplissaient. Un sourcil s'arqua quand il parla de lapin, décidément, il avait parfois d'étranges propos. Mais elle aimait ça. Ses mots déjà s'étaient faits panseurs de maux. Son regard restait accroché à celui de sa marraine. La jeune fille, interdite, sentait le géant s'approcher derrière elle, les mots lui manquant tout à coup, elle resta coite.

Elle avait faussé compagnie à la baronne. S'était éloignée sans la prévenir. Elle aurait pu, pourtant, mais l'indépendance avait tel goût qu'elle avait su l'apprécier. Le léger contact de la main de Thorvald sur son cou, son oreille, lui arracha un frisson. Elle sentit le poids qui pesait à son lobe qui n'avait porté bijou depuis longtemps. Elle clôt les yeux, rien qu'un instant quand les lèvres hérissèrent son épiderme frémissant, rompant par là même le contact avec sa marraine. La voix, si proche la laissait partagée entre l'envie de fuir et celle de se blottir entre les bras du brun. Un moment intemporel.

Elle prit une profonde inspiration, leva ses paupières de ses sombres billes et sourit à la silhouette assise sur le rebord de la fontaine. Son amie était arrivée à point nommé, qui sait ce qui aurait pu se passer sinon ? Elle acquiesça au dire de son ami et referma la fenêtre sur leurs deux silhouettes, n'osant imaginer ce qui pouvait traverser l'esprit de sa marraine.


J'y vais. Oui.

Se retournant, elle déposa une tendre bise sur la joue du géant. Sa main se portant à son oreille, identifia l'objet. Elle lui sourit. Ce moment passé avec lui, bref, trop sans doute, mais ô combien appréciable lui avait fait du bien. Pourtant, elle n'était toujours pas remise, ou satisfaite, selon qui narrait... Ce soir, elle retournerait se défouler. A la grotte. D'ailleurs quelques nuits plus tard, elle ne rentrerait pas et se ferait ensuite enfermer quelques temps. Chez les nonnes.

Écrivez-moi, voulez vous ?

Elle lui sourit, encore. Peut être un jour viendrait elle lui rendre visite. Mais, ça, c'était encore une des choses dont elle était le moins sûre. Passant sa cape, elle s'arrêta près de la porte, le regardant.
_________________
Eavan
Le sourire connu un léger crispement.
Très bref.
Et pourtant, quelle tempête se déchaina en cet instant précis en la Baronne.

Femme habituée à avoir une image, très vite le masque d'impassibilité s'était calqué sur la peau, le cuir, du sanglier. Fichtrement dur à percer celui là ... Bref, ce masque lui servait malheureusement tant dans le domaine professionnel que dans le domaine personnel. Aussi la jeune femme avait à la fois un mal fou à montrer ce qu'elle ressentait, quand bien même elle le voulait, et de même, il était cyniquement amusant de voir à quel point la provençale se retrouvait seule.
Revenons à la tempête intracranienne.

Tant de sensations, de souvenirs, de sentiments, ... se mélèrent en une seconde. Le geste était doux, tendre sans doute aucun.
Cette envie de protéger la jeune femme, ce besoin même, avec le souvenir de l'état dans lequel elle l'avait retrouvé après qu'elle ait suivie son fiancé. Ce bonheur de la voir sensiblement mieux aussi, en cet instant. Et malgré elle, la mémoire de ce qu'elle avait fait, elle, la Baronne, au chien d'une maquerelle. Des histoires d'animaux et de bêtes sauvages ... Et puis une réfléxion silencieuse qui jaillit, c'était bien Thorvald. Thorvald ...
Confiance ou défiance ?
Et voilà que la tempête se calmait. Une fois toutes les pensées condensées, le résumé n'était que cette simple question. Son esprit logique fut surpris de pouvoir y répondre simplement.
Malgré tout elle avait pleine confiance en sa filleule, dans ce domaine là en tout cas. Et plus surprenant, le géant Thorvald, avec ses mots charmeurs, avait aussi quelquepart, sa confiance.
Confiance ...
Le mot résonna plusieurs fois dans son esprit pour qu'elle s'en imprègne tout à fait. C'est qu'elle ne faisait que peu confiance dans sa vie.

Confiance.
Main légèrement crispée.
Sourire qui marque un très léger amusement.

La détente du sourire mit quelques secondes à se répandre dans son corps. Les réflèxes ont la vie dure. Finalement la main se décrispa. Eavan se leva de sa fontaine, sa filleule avait refermée la fenêtre.
Elle alla se caler, dos contre le mur de l'auberge, juste à coté de la porte. Peut être pourrait elle surprendre son amie ?

Peut être un peu trop détendue et amusée ? Bah ! Elle chassa les sombres pensées et les préoccupations de son esprit, il fallait savoir saisir les brefs instants d'insouciance.
Tant qu'ils n'arrivaient pas en pleine bataille ...

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