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[RP] Tonnerre ! Ruelle ! Truelle !

Saens
Des cheveux noirs en bataille, des yeux gris, hyalins et une barbe mal rasée, ronflaient copieusement sur un muret de Cosne. C'était un muret de Bourgogne, posé près de l'église et des tombes molles. Pas un de ces murets du Sud tracés de briques sèches et vermeilles, entassées les unes sur les autres, chicots d'une vioque assoifée. Un muret mouillé. Un muret des terres vertes. Un muret où murmuraient les furets mutins mangeurs de mûres.

Amas ordonné d'os et de chair, le brun était le profil même de l'abandon. Un front de bâtard vénitien où s'alignaient des boucles brunes, méandres capillaires et rétives, se prolongeait jusqu'au nez s'lave, un poil à Quilin, deux poils dans la narine, qui surplombait un menton - dans quelques années, il serait aussi nivéen qu'un sommet hélvète - lequel à son tour dominait une chemise, régulièrement soulevée au rythme de la respiration qui tenait pour vivant le corps planté là.

Matéine, la respiration. Encore un mot du trimardeur. Ôtez le gracieux suffixe, gardez le rat des cales. Matéine : qui a la propriété du matou. Mais le brun, il créait des jolis mots en dormant qu'il semait dans les charmilles de ces rêves et les trous puants, au fur et à mesure qu'il marchait, et matéin à l'éveil, ça ne lui reviendrait guère pas. Matéin ? Qu'est-ce que donc ? Pour l'heure, le brun matéin ronflait sur son muret.

Car il était sien ; les dormeurs s'approprient le temps de l'inconscience, les draps ou les cailloux trempés sur lesquels ils posent leurs fesses. Ce dormeur-ci avait passé l'après-midi à lanterner avant de sombrer. Depuis, sa gorge chantait à quelques toises à la ronde, diffusant dans l'air du crépuscule de septembre ses vocables abscons et boisés, n'en déplaise aux passants.

Et qu'il est bon,
D'en écraser,
Dans les rues de Cosne,
Qu'il est rond,
Le bel allongé,
Au ronron monotone.

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Helvine
Clair-obscur d'une fraîche soirée automnale. Helvine était vide. Elle marchait, d'un pas lent et inaudible. Surtout ne pas attirer les regards. Elle haïssait cela... L'être, qu'elle s'était forgée au fil des années, avait préféré l'insignifiante absolue à l'exubérance suprême. Les ruelles défilaient et la pénombre devenait chaque seconde un peu plus oppressante et malsaine. C'est à cette heure que sortait cette population, dite marginale. Celle qu'on regardait en coin, qu'on dénigrait sans même savoir pourquoi.

En quelque sort, elle était de ceux-là. Elle ne recherchait aucunement la déconvenance mais plutôt le calme de la nuit, son étrangeté. Ainsi, munie d'un fouloir noir autour de la tête, elle continuait son errance. Elle entendait parfois la foule s'éviscérer : Regardez, c'est la jeune veuve ! Quel chagrin. Cela la faisait sourire, elle plaignait les pauvres gens qui se fourvoyaient à la vue de simples apparences. Helvine passait son chemin...

Tout d'un coup, elle trébucha sur un caillou. Genoux écrasés à terre et main gauche légèrement ensanglantée. La jeune brune eut un mouvement de crispation et ravala sa douleur, en se mordant la lèvre inférieure. Elle serra le poing, se releva péniblement et prêta l'oreille aux bruits coutumiers qui l'entouraient. Un son, fort désagréable de surcroît, venait de troubler l'harmonie nocturne...

Quelques mètres plus loin. Une ombre, un corps étendu. Elle s'approcha, à la fois curieuse et intriguée devant l'attitude de cet être, qui semblait être un homme. Saens. Helvine le scruta longtemps et décida de s'asseoir sur le muret en attendant son réveil. Les jambes repliées contre elle, Helvine enfouit son nez dedans et guetta un signe de vie...

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Helvine du Coüedic de Kergoualer.
Kentoc'h mervel evet bezañ saotret.
Saens
Et l'allure ? Mauvaise, ça gîte, répondait un matelot assis sur un radeau. La mer était pourpre, et le vent hagard. Le radeau avait un mât, ligoté de cordages écrus, et les sirènes babillaient au loin. Hissez, hissez ! hurlait le capitaine. Mais hisser quoi capitaine, rétorquait le matelot, on a les bouts sans voiles, Vent ne sera pas dupe. Hissez les poires, crétin à braies ! Et le matelot hissait les poires, et les poires chantaient dans l'air et la muscade. Et les sirènes leur répondaient en babillant encore, et le radeau médusé frayait son chemin dans les flôts purpurins, des grelots de poires qui tremblaient sur la balancine. Ainsi rêvait Saens.

Et ainsi le songe le retint. Même à côté d'une jeune femme qui avait un peu de sang séché sur le poing, il ronflait. Ne se souciait de rien. Les vocalises saensiennes perdurèrent donc, après avoir pesé sur le crépuscule, elles habitèrent la nuit venant. Du muret on pouvait voir les premières coruscations des tavernes qui s'éclairaient, amères lucioles qui se tiraient les ailes, se défroissaient la loupiote, voltigeantes dans les embruns épicés qui jaillissaient du front rêveur, pour se perdre dans un monde ancré dans des algues par trop réelles. La patience du varech ayant ses limites,

la rue le rappela chez les vivants, avec sa rumeur du soir, et ses passants attentifs. Quand il ouvrit les yeux, tard, sa conscience avait encore les pieds dans l'eau rouge. C'est la veuve du matelot qui le cueillit. Un pan de ciel d'abord, et une présence derrière. Renversant la tête, il tombe sur deux billes sombres noyées dans la peau claire. Une Helvine à l'envers. Il fait fi, de l'hypothétique trogne d'ours décérébré qu'il doit tenir, de son dos que les pierres ont réduit en bouillie marseillaise, et la creuse un temps du regard. Vient un sourire, qui passait par là, auquel s'ajoute un semblant de voix.


"Saens. Obnubilé."
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Helvine
La légère brise nocturne fouettait le visage de la jeune fille et s'engouffrait, impunément, dans ses guenilles, ses entrailles. Il était indéniablement de constater que l'effort qu'elle produisait pour réprimer ses frissons la tenait éveillée. Les cloches de l'église, par delà leur cacophonie incessante, laissaient entendre que les heures défilaient sans que personne n'y prête attention. Elles demeuraient là mais ne signifiaient rien.

Et tandis que le carillon se répétait, les ronflements de Saens se faisaient quant à eux plus confus et clairsemés. Quand ces derniers eurent totalement cessé, Helvine releva la tête, intriguée. La bête, l'homme se réveillait. Elle le regarda un instant et ne put réprimer un sourire devant son attitude indolente.

Il était curieux de voir quelqu'un à l'envers.


Helvine. Captivée.
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Helvine du Coüedic de Kergoualer.
Kentoc'h mervel evet bezañ saotret.
Saens
Un claquement de bottes lui fit tourner la tête. C'est un gars qui passait, juste, et Saens se demandait comment des bottes pouvaient faire autant de bruit sur quelques petits pavés. Des semelles d'airain peut-être. Il leva les yeux brièvement les yeux sur l'homme en question, estima que les bottes portait bien deux-cent vingt livres en plus d'une paire d'yeux évidés. Le bacchanal se définissait plus nettement.

La vie lui revenait brusquement en tête maintenant, les odeurs de graille et de terre, son échine foutue en l'air, le cailletage léger des donzelles qui sortaient de chez leur mère, la poulaine haute et le menton menu, les lettres auxquelles il avait oublié de répondre, sa toque posée sur sa besace comme une poule sur un nid, et lui, qui posait un regard grave sur tout ça. Pas parce qu'il était sérieux, mais des quinquets gris madame, c'est souvent grave par nature.

Il se redressa, avisa de nouveau une Helvine, à l'endroit cette fois. Elle n'avait plus des sourcils en bouche, ni un front trop étroit.
Des fins fonds gutturaux, la voix revenait,
Conquérante, la langue en drapeau.


"Mais mon enfant, que faistes-vous à cette heure tardive esseulée, sur un muret, près d'un brun d'automne ? Les loups à bottes d'airain vont vous manger les petits os."
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Helvine
Helvina sursauta au passage du jeune homme. Il faut dire que la nuit tombée, elle devenait bien plus réceptive aux bruits qui l'entouraient. Au point même qu'étant parfois tellement à l'affût, elle en devenait paranoïaque. Elle suivit ses pas, d'une façon pragmatique. Etrange démarche bruyante, sûrement la cosnéquence d'un surplus de bière. Elle soupira doucement et reporta son attention sur l'homme qui se tenait à ses côtés.

Saens l'intriguait, la fascinait, l'égarait. La jeune demoiselle sourit à la réflexion qui lui était adressée. Il n'y avait pas de doute, le barbu s'évertuait à lui rappeler son jeune âge la nommant enfant, ou même gamine à l'occasion. Elle le toisait avec insistance afin de lui montrer son mécontentement et lui répondit d'un air malicieux :


Je me suis perdue. Je vous ai trouvé. Je me suis crue sauvée.

Mirant ce qui les entourait, elle continua avec ironie :

Des loups? Où ça? Seriez-vous des leurs?
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Helvine du Coüedic de Kergoualer.
Kentoc'h mervel evet bezañ saotret.
Saens
"Non pas. Je ne suis qu'un homme. C'est encore pire, me direz-vous."

Et l'homme d'ignorer avec peine le regard noir, de ramasser sa besace au sol, lourde de trop d'écus. Qu'allait-il en faire, de toute cette quincaille ? Un souci à la fois. Il la posa sur le muret, à présent ils étaient trois. Une fausse veuve, un barbu, et une vieille de cuir. Sa toque il la fourra dans le gosier de la vieille, las parfois, de suivre les obscures traditions chapeautées des françois. C'était un franc rebelle, qui parfois, se baladait tête nue. ça s'arrêtait là.

"Les loups se terrent dans les ruelles que vous voyez naître en face, derrière les huis entrebâillés, qu'ils rongent, en attendant le passage des jeunes femmes en noir. Comme elles sont rares, beaucoup de portes à Cosne, et vous pourrez le constater si vous êtes un peu curieuse, sont bien usées."

Âneries d'éveil. Il passa une main encore endormie sur sa nuque talée comme une mauvaise pomme, regarda de nouveau Helvine.

"Voulez-vous dialoguer sur un muret ? Ou nous pourrions nous cacher derrière une tombe, au cimetière, j'ai entendu une rombière crier tout à l'heure, qu'on y voyait des feux follets."
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Helvine
Helvine écouta, attentivement, les propos de Saens à propos des loups. Elle n'avait jamais réellement prêté attention à l'usure des portes cosnaises, ni même le danger qu'elle pouvaient cacher derrière. Peut-être était-ce l'inconscience de son jeunesse, ou sa naïveté naturelle.

J'éviterai donc de m'aventurer par là-bas, si je ne veux pas avoir d'ennuis malencontreux. Sait-on jamais. Mais, il est vrai que je ne m'étais jamais souciée, auparavant, de tels détails...

Devant l'idée saugrenue de l'homme, la jeune brune haussa un sourcil un peu éberluée. Dialoguer sur un muret était commun et se cacher derrière une tombe était morbide mais peu courant. Elle choisit donc, spontanément, la seconde solution et le fit savoir à son interlocuteur.

Je suis d'accord pour la tombe, cependant au premier effroi, je quitte en vitesse les lieux. Et ne me dites pas que je suis peureuse, car j'aurai tôt fait de me perdre dedans le cimetière et vous seriez bien embêté...

Helvine le regarda en coin, pleine de persuasion afin de lui faire bien comprendre qu'elle en serait capable et dit promptement :

Je vous suis.
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Helvine du Coüedic de Kergoualer.
Kentoc'h mervel evet bezañ saotret.
Saens
"Enfin... les loups n'habitent pas les pierres, et les feux follets ne sont que... des mauvais esprits qui apparaissent sous forme fugace et totalement imprévue. Mais venez, venez, il nous faut de la lumière, il nous faut un sac de jute."

[Au cimetière. -d'automne, petit et broussailleux, en somme, aussi mort que ses hôtes. Des tombes, que borde une fosse, et de toute manière, dans la nuit on y voit presque rien. Et le brun, qui a cette science d'embobiner les aubergistes, a emprunté au sien une bougie recluse dans une petite cage de fer, afin de ne pas se prendre les pieds dans le pâturage d'un macchabée. La flamme vacille à leur place.]

Un brun en chainse blanche, et une jeune femme vêtue pour l'occasion, progressaient parmi les tombes comme deux limaces dans un champ de salade. En lenteur. Lui il murmurait, Helvine, accrochez-vous si vous vous sentez choir, mais point ne choyez, vous les feriez fuir, les feux, follets. Ils gagnaient du terrain, et lorsqu'ils approchèrent une tombe qu'il jugeait être au mitan du domaine des charognes, s'arrêtèrent pour se cacher derrière.

C'était la tombe d'Octavius Marivielle, humble cosnais. Né en 1403, forgeron de son état, marié tôt, et mal, mais patient époux, il donna à sa femme trois rejetons avant de perdre tous leurs biens à la tarentelle. Deux rejetons moururent, le troisième devint forgeron à son tour et la femme tapina gracieusement, pour que le ménage puisse grignoter un chou chaque jour, et, les dimanches, une tranche de lard. Il mourut à trente-deux ans, d'une crasse aux poumons.

Mais Saens s'en fichait divinement, d'Octavius Marivielle. Saens scrutait la terre. Piquetée d'herbes sèches, d'où sortiraient, fluettes, les flammes dansantes des âmes pouacres. Il murmurait encore, gardez l'œil ouvert Helvine, gardez votre bel œil noir grand ouvert, c'est ainsi qu'on les débusque.

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Helvine
Helvine acquiesça. Ils se mirent alors en marche afin de quérir les objets qui seraient nécessaires à leur expédition nocturne.

[Au cimetière]

Après l'acquisition d'une source de lumière, les deux étrangers s'engouffrèrent dans le lieu un peu funeste. La jeune femme prenait garde de ne pas se prendre dans les ronces qui jonchaient de ci de là le sol, ou les pans de tombes fissurés et tombés de leurs édifices. Tout en essayant de garder l'équilibre, elle suivait du regard Saens afin de ne pas se perdre. Toujours rester à une distance proche mais respectable. Quand le signal d'arrêt fut donné, tous deux s'assirent derrière ce muret d'un autre genre.

Assise en tailleur, Helvine imitait piètrement son voisin. Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle devait espérer voir, chercher ou trouver. La signification du feu follet restait confuse.

La brune garda les yeux grands ouverts comme Saens le préconisait.


Et, pensez-vous qu'ils vont tarder? Qu'en est-il au juste de ces créatures?
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Helvine du Coüedic de Kergoualer.
Kentoc'h mervel evet bezañ saotret.
Saens
"Petites flammèches bleues, lueurs volantes Helvine, fugaces comme la mort et flageolantes. C'est du furtif. Enfin... c'est ce que raconte Einius le Valmordu dans son ouvrage majeur, Des feux grégoires et des feux des catacombes nocturnes. Je l'ai dégoté chez un petit notable mort, avant le passage de l'huissier."

Allongé sur le ventre, à côté de la jeune femme, le brun a le menton posé sur ses mains jointes et guette la terre avec assiduité. Y a des brins d'herbe rieurs qui lui chatouillent le menton, et lui il sourit. La présence d'Helvine, c'est quelque chose. C'est besaigre, mais la robe est chatoyante, ça vous mord un chouïa le fond du gosier, mais la gorgée est douce. Apaisante Helvine, ah, plaisante Helvine.

Rien ne se passe pourtant. C'était prévisible.


"Capricieuses aussi.
Ne viennent chanter,
Près des beaux enterrés,
Que lorsqu'il leur en dit."


La Nohain glougloute sagement, non loin, dans son lit glacé elle aussi. S'ils relèvent les yeux, les lueurs de la Place du Marché éclairent encore les toits des rues là-bas, et le ronronnement des marchants nocturnes se propage jusqu'à leurs aiguisés tympans ; en tendant l'oreille on entendrait même l'un qui crie pour vendre ses tapisseries brodées de fil de soie, l'autre pour ses jambons neufs, tout frais, tout roses.

Quousque tandem abutere, fuego fatuo, patientia nostra. Mais il est armé de petits bouts de patience, le brun, tel le ragondin des eaux couvert de petites écailles jusqu'au museau, et si le ragondin est poilu, alors telle la rascasse vermillon des bas-fonds. Immobile, il attend, avec des yeux de gosse qui poireaute devant un sac d'oranges.

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Helvine
Hum. La description est précise mais elle n'est en rien concrète. J'espère donc que nous verrons ces petites lueurs du soir...

Helvine, se remémorant l'énoncé de Saens, tentait tant bien que mal de se faire une vague idée du feu follet. Vraiment trop abstrait et trop dur à imaginer. La jeune femme pose son regard tantôt sur la terre humide, tantôt sur le brun allongé. Sa position de rôdeur lui décocha un sourire aux lèvres, elle le réprima rapidement pour se concentrer à nouveau sur leur quête commune. Quand soudain, les quelques vers de Saens l'interpelèrent.

Vous essayez de les attirer d'un ton élégiaque...

Attendant toujours, ad vitam aeternam, Helvine décida de s'allonger à côté de Saens. Elle se demandait s'il y avait un changement fondamental sous cet angle de vue.

Je ne vois rien de plus intéressant à hauteur de pied, ma foi... C'est décevant.
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Helvine du Coüedic de Kergoualer.
Kentoc'h mervel evet bezañ saotret.
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