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[RP] Au bout de la route ... à droite.

Pluie

Tout d’abord, la présentation de l’équipage. Quelques mots, hein, pas du blabla, pas les dates de naissance ni les mensurations des donzelles, juste l’essentiel … quoique les mensurations fassent partie de l’essentiel, mais nous y reviendrons un peu plus tard.

En premier lieu, l’invitée inattendue, la terreur des tavernes, Azhanna. Souvent rebaptisée « Ananas » par les esprits facétieux qui l’entourent. Surnommée aussi « Poil-de-carotte », en raison de la couleur de son plumage, d’un bel acajou étincelant, vous l’aurez deviné. Fille et petite-fille de brigands, elle a grandi sur les genoux des plus féroces gibiers de potence de France et de Navarre. Elle maîtrise dès lors parfaitement l’art de l’escrime et celui du coup de pied dans les bijoux de famille. Oui, elle est capable de vous fendre un cheveu dans le sens de la longueur, et cela sans vous trancher une oreille par la même occasion. Même les yeux fermés. Si, si, je vous assure.

L’autre beauté farouche, la blondinette, c’est Cori, ma doudou d’amour. La créature la plus fascinante jamais créée par Aristote, qui a eu l’idée géniale, dans son infinie générosité, de la placer un jour sur mon chemin, et d’assembler ainsi deux êtres remarquables pour composer un couple exceptionnel. Ceci dit sans fausse modestie, bien-sûr. Donc, voyageur de tout acabit, ceci est un avertissement solennel que je ne répèterai point ! Tu peux poser les yeux sur ma mignonne, tu peux saliver dans ta barbichette, tu peux t’extasier devant ses courbes adorables, son sourire exquis, mais bas les pattes, maraud, on ne touche pas !

Et le charmant trio se termine par Pluie, votre serviteur. Que dire de lui sans se lancer dans un interminable éloge dithyrambique ? Non, j’ai beau me torturer les méninges, ce n’est pas possible de faire preuve de retenue et d’humilité en vous le décrivant. Je préfère donc m’abstenir, vous le découvrirez assez tôt et vous vous forgerez votre propre opinion.

Bon. Je vous épargne les quatre molosses qui les accompagnent, l’énorme matou aussi féroce qu’un tigre, ainsi que Béébéé, le dernier mouton rescapé de la bergerie, celui que doudou n’a pas eu le cœur de transformer en gigot ou en ragoût à la paysanne. Comment ? Vous désirez la recette ? Une autre fois, peut-être.

Voilà. A présent plantons le décor.

Au bout de l’allée, un minuscule plan d’eau. Mare aux canards pour certains, lac romantique et joliment arboré pour les plus prétentieux ou les plus imaginatifs. Quoiqu’il en soit, les crapauds en pyjama de pustules verdâtres se dandinent du lotus au nénuphar, qui s’épanouissent et fleurissent côte à côte au-dessus de l’onde tranquille.

Et derrière cet étang, juste derrière, une roulotte ancienne, aménagée avec amour, et à grands coups de marteaux sur son plancher vermoulu. L’engin stationne devant une large bâtisse de pierre, une auberge, baptisée « la plume et l’encrier ». Sur la porte, une affichette. Quelques mots y sont tracés d’une écriture laborieuse. Fermé pour une période indéterminée, Cori, Azhanna et Pluie partant en voyage. Sur le marchepied de la roulotte, Pluie, le blondinet, tente de diriger la manœuvre, joignant le geste à la parole.

Doudou trésor, tu es bien certaine qu’on met le mouton dans la carriole ? Tu peux me croire, il va manger tes coussins …

Il hoche la tête de gauche à droite, puis hausse les épaules. Il n’ignore pas que doudou d’amour fera ce qui lui plait. Bah, il aura essayé.

Il risque un : Je t’aurai prévenue, mon roudoudou, mais fais comme tu veux …

Observant Azhanna, brave petit soldat aux bras encombrés de trois épées et d’autant de boucliers neufs : Mouais, mets tout ça à l’avant, derrière la banquette, Poil de Carotte. En cas de danger, on les aura sous la main.

Peu à peu le véhicule, à la couleur écaillée, se remplit d’objets hétéroclites et parfaitement inutiles, chacun des membres du joyeux trio tenant absolument à en emporter un maximum. C’est le souk. Dans l’entrée, près de la grille, les chiens jappent à qui mieux mieux, gagnés par l’énervement du départ. Et voilà. Tout est enfin prêt. Patience et méthode. Il reste même de la place pour s’asseoir à l’intérieur. Comme prévu avec les voisines, le blondinet glisse la clef dans un interstice étroit entre deux pierres de la façade. Bien. Les trois chevaux de l’attelage piaffent d’impatience, puis s’ébrouent, répondant vaillamment à un commandement sec de l’échalas blond. Les roues de la roulotte grincent pitoyablement, après de longs mois de sommeil. Destination Conflans, puis Tonnerre, puis enfin cette mystérieuse Carmeen que nous devons rencontrer en chemin.

Carmeen
Quelque part dans la cambrousse.

Alors que le trio voyage tranquille, pénard, dans la joie et la bonne humeur en descendant dans le royaume, y a une fille, qui, elle au contraire, voyage en solitaire et tout en le remontant. Cette fille là, c'est pas n'importe qui. Non non, pas quelqu'un d'important, de noble, de riche, connu ou quoi que ce soit d'autre. Non, juste une petite gitane, peu ordinaire, très extravagante et carrément de mauvaise humeur (pour l'instant).

D'ailleurs, à ce moment même, elle enchaine les jurons, comme un alcoolique enchainerait les bières, sur sa vieille bique de cheval. Des insultes presque inventées tellement elles sont incompréhensibles, parfois même drôles. Mais faut dire que par ce froid de canard, ce vent qui vous soulève les cheveux -chose assez pratique pour protéger le cou et les oreilles, en passant- et la cape, et puis même par cette pluie qui est tellement forte que vous avez l'impression qu'à chaque goutte qui tombe c'est un grêlon énorme et piquant qui vous transperce la peau, bah vous n'avez pas vraiment envie d'être aimable et gai.


Huuuuuu Chanabis, huuuuu ! Allez bouge ton derrière de vieux cheval affamé ! C'est pas si compliqué quand même, corne de bique de corne de bren ! AVANCE ! OUAIS ! UNE PATTE DEVANT, PI L'AUTRE ! BRAVO ! SPECE DE CROUTON DE ... @!$.1%§@£^ù:,,z<:>(les mots qui suivent sont beaucoup trop choquants pour être écrits ici, ils peuvent nuire à votre vision de cette gueuse par la suite!)

Cette p'tite damoiselle, c'est Carmeen. Ne vous inquiétez pas, sous ses traits froncés et colériques, au fond d'elle se trouve une gentille jeune fille aristotélicienne, qui ne veut que le bonheur de son prochain. Mais bon, faut avoir une bonne pelle et creuser loin, très loin.
Non pas qu'elle soit la méchante de l'histoire ou même le diable en personne. Elle a juste un caractère bien trempé -surtout par ce temps pénible- que chacun peut savoir dompter. Avec le temps. Ou pas.

Plusieurs fois, elle se demande pourquoi elle a accepté de faire ce voyage. Après tout, c'est bientôt l'hiver, les gens hibernent, il faut être fou pour sortir à cette période. Mais c'était comme un défi pour elle, celui de traverser plusieurs duchés pour rejoindre un groupe de personnes qu'elle n'avait jamais vu, ni même connu, avec qui elle n'avait échangé que deux lettres, décisives. Et il faut l'avouer, Carmeen est une très mauvaise perdante. Dotée d'un orgueil et d'une fierté sans limite, c'est ce qui pousse souvent les gens à lui parler ou au contraire, à la fuir. Non, l'est pas prétentieuse, du tout! D'ailleurs si elle savait la définition exacte de ce mot, jamais, Ô grand jamais elle ne se conduirait comme ça. Sauf que, depuis toute petite, personne ne lui a imposé de limites. Maintenant, il est trop tard pour quoi que ce soit, son éducation est forgée, cela fait partie d'elle.

Ses yeux, d'un noir de jais, se plissent à la vue de remparts, bien que très peu visibles car le soleil se lève seulement. Mais il n'en faut pas plus à la jeune femme. Enfin, fini la cambrousse, enfin la ville ! Ne pouvant retenir sa joie de trouver une taverne où pouvoir se reposer et prendre enfin soin d'elle, elle pousse un petit cri et éperonne sa jument. Au galop, Chanabis, Montbrisson nous attend...

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Pluie

Le blondinet s’installe au centre de la banquette, juste derrière les postérieurs musculeux des trois puissants chevaux de trait. Vision fugace de l’énorme paire de miches de sa tante Berthe, perchée au-dessus de la margelle du puits pour y remplir son seau. Courbée vers l’avant avec la grâce qui la caractérisait. A mi-chemin entre le bœuf charolais et l' hippopotame d’Afrique. Bon sang, quelle horreur …

C’est parti. D’un coup de pied magistral, que lui envieraient les meilleurs joueurs de soule du duché, il repousse la lourde barrière de fer forgé, qui couine, gémit puis claque en se refermant. Elle restera fermée jusqu’au passage des gentilles voisines qui viendront arroser les plantes vertes de doudou.

Oui, c’est parti. Les chevaux trottent, la roulotte cahote, les deux filles papotent, Béébéé sanglote, le chat complote, les chiens tournicotent, et Pluie pilote.

Bref, un départ classique, pour de nouvelles aventures, avec l’immense avantage de ne pas user ses bottes sur les pavés qui bringuebalent comme par plaisir, ni de s’abîmer le coccyx sur une selle de mauvais cuir aussi dure que les bancs de l’école, dont il se rappelle mais qu’il a pourtant peu fréquentés, ne désirant nullement imposer sa présence à ses instituteurs qui l'appréciaient fort peu.

Au premier croisement, Pluie déplie la carte de l’Orléanais. La moitié supérieure, celle qui n’a pas été rongée par les souris occupant les vieux murs de l’auberge. Il connaît pourtant ces chemins par cœur, mais une petite vérification n’est jamais inutile. En cas d’erreur, il imagine déjà les remarques gentiment perfides des deux adorables donzelles assises dans la roulotte. Et d’ailleurs, que font-elles nos deux grâces ? Un coup d’œil par-dessus l’épaule, dans l’obscurité de l’habitacle. Et ça caquète, et ça cancane. Les deux pauvres filles seront rapidement épuisées si elles conservent ce rythme d’un ragot à la minute.

Doudou, mon inestimable trésor, rends toi utile. Rappelle-moi. On doit la récupérer où, cette Carmeen ?

Corisande

Perchée dans le chariot, les manches retroussées, les cheveux en bataille, Cori essaie de tirer un maximum de confort de la carriole en y installant les derniers coussins bien rembourrés de plumes pour amortir les chocs dus aux ornières et à la carriole bringuebalante.
Elle tapote de ci de là, plie les couvertures. Azhanna est toujours bien faible, elle pourra rester allongée et reprendre des forces.
Elle fait tenir les gamelles empilées les unes sur les autres.
Pendus à la ridelle du chariot, de la saucisse et un magnifique jambon se balancent sous le regard intéressé du chat

Bas les pattes matou!

Accrochés à l’arrière, deux tonneaux. Le premier rempli d’un bon vin blanc de Sancerre. L’autre d’un Bordeaux gentiment fruité. Et Cori a trouvé une place pour quelques bouteilles de bière. C’est que son Doudou est un boit sans soif, et elles ? Eh bien elles ne boivent pas que de l’eau, faudrait pas tomber malade. C’est pas toujours facile de trouver un puits ou une rivière de bonne eau fraîche ! De plus, on ignore si une bête crevée n’est pas en décomposition un peu plus loin.

La voix de son doudou retentit.

Doudou trésor, tu es bien certaine qu’on met le mouton dans la carriole ? Tu peux me croire, il va manger tes coussins …

Oui Doudou il reste dans la carriole. Béébéé, c’est un bébé encore, il ne pourrait pas marcher longtemps « Pas vrai mon bébé ? »

Bééééééébééééééé ! Elle se tourne, victorieuse, vers Pluie qui la regarde d’un air narquois.
Ah ! Tu vois il a répondu, veut pas marcher mon tit bébé !

Azhanna dépose les armes dans le coffre sous le siège. Pluie a raison, en ces temps troublés il vaut mieux que l’accès en soit facile.

Voilà c’est le départ, Pluie s’installe sur le banc de bois, fait claquer son fouet, les chiens jappent comme des fous en faisant des allées et venues. A ce rythme là ils seront fatigués, il faudra aussi les mettre dans le chariot.

Viens t’allonger Azhanna, tu es toute pâlotte, tu as assez participé comme ça ! Je voudrais te parler de quelque chose aussi !

Profitant d’une question de son blondinet d’amour, elle explique pour les deux cocos à la fois.

Tu sais que nous allons à la rencontre d’une jeune fille, Carmeen. Nous ne la connaissons pas, mais c’est une petite protégée d’un client qui est passé à l’auberge. Il était contrarié de ne pouvoir s’occuper d’elle et l’accompagner dans son déplacement. Il avait reçu une missive portée par un pigeon, qui est reparti vers sa propriétaire en lui confirmant que nous descendions vers le Sud.

Voilà, tu en sais autant que nous maintenant . Comme Pluie a l’habitude de se plier en quatre pour faire plaisir à tout le monde, mais qu’il a le don de se mettre dans des situations pas possibles, je m’inquiète un peu. Nous ne savons vraiment que peu de choses au sujet de cette fille.


--Caracole


Lorsqu'on est un clown sans nez, il est difficile d'avoir du flair. Pourtant, par on ne sait quel prodige métaphysique, Caracole pouvait sentir dans cette carriole les effluves de bonne boustifaille. De quoi se faire une belle soupe en clair et un ragoût avec le matou.

A moi le chariot, mes rigolos !

Flûte. Il avait pensé trop fort.

Ce que je désire, brave gens, ce n'est pas vos richesses, ni même le loisir de vos fesses ! Mais de quoi manger tout mon soûl et enfin faire partie du monde des gens heureux: ceux qui mangent ! Caracole est vieux, Caracole est grand, Caracole marche loin sous la pluie et contre le vent ! Et cela, tous le savent et le chantent gaiement ! Yuhu !

Il resta immobile et abattu sur le chemin du chariot, arborant une mine triste et déconfite, propice à faire naître l'émoi chez les braves gens.

Et Caracole aimerait bien poursuivre son chemin ...
... si possible le ventre plein !


En vérité ça faisait bien quelques jours qu'il en glandait pas une le Caracole. Il détestait d'ailleurs la notion même de l'effort. Rien que d'en parler, ça lui collait la nausée. Alors si on pouvait lui offrir gîte et couvert en dépit de sa sale gueule, il est clair qu'il ne le refuserait pas.

Mais Caracole sait aussi se taire, et se montrer discret, si nécessaire.

Encore un mensonge. Quoi qu'il pouvait être silencieux, à la condition que ceux qui se trouvaient autour de lui consentent à l'être également. Ce qui, avouons le, était assez rare. Mais qu'importe, Caracole n'est pas amateur de la foule, un simple interlocuteur lui suffit, dans bien des cas.

Même si ce serait fort dommage, car au delà des âges et bien qu'il soit fou, Caracole sait déjà tout de vous !
Pluie

Elle est marrante, doudou. C’est vaste, le Sud. Et ces saletés de musaraignes qui ont grignoté la carte, depuis Valence jusqu’aux contours de la Méditerranée, ne facilitent pas l’excursion. Lentement, du bout du doigt, Pluie emprunte les routes sinueuses menant vers le midi, à la recherche d’un indice, de l’étincelle qui éveillerait un déclic dans sa petite tête de piaf. Hop, son index enjambe la Bourgogne, contourne Dijon et Lyon, traverse le Rhône sans se mouiller, et … et … la lumière jaillit. Pluie s’en rappelle soudain, ce brave gaillard qui leur a parlé de Carmeen a cité Polignac. Quelle chance que les souris n’aient pas eu le temps de ronger l’Auvergne et ses environs. C’est parfait ! C’est tout droit, Polignac ! Impossible de se tromper !

Un cri d’encouragement pour le fringuant attelage, qui reprend la route de son pas cadencé. Pas pour longtemps. Quelques aboiements brefs des molosses qui précèdent la roulotte font sursauter le blondinet. Une silhouette est sortie d’on ne sait où, et occupe le centre du chemin. Pluie calme les chiens d’un « Couchés, les monstres » et retient les rênes. Les chevaux s’arrêtent aussitôt.

Sapristi, mais c’est un clown ! Cette apparition est inattendue. Pluie sent dans son dos que Cori et Azhanna s’approchent pour écouter le zigoto. C’est cependant un regard soupçonneux que l’échalas jette à l’inconnu, tout en prêtant l’oreille à ses propos. En effet, un masque de clown peut dissimuler d’étranges individus. Artiste ou filou ? Coupe-jarret ou voyageur affamé ?

Le blondinet réfléchit quelques instants. Il a lui-même utilisé autrefois un déguisement de saltimbanque pour gagner la confiance d’un riche bourgeois et le soulager gentiment de ses économies. Ruse, ruse, sous combien d’accoutrements peux-tu te dissimuler ? Ses yeux détaillent à présent le quémandeur. Le danger semble restreint. Pluie ne distingue aucune arme. C’est fou cette tendance de se méfier du monde entier. Bon, quitte à le regretter amèrement un jour...

Allez, grimpe, polichinelle. Cori et Azhanna vont s’occuper de toi. Nous te déposerons au prochain village, quand tu auras rempli ta bedaine. Un avertissement, cependant. Je suppose que tu as remarqué nos quatre chiens. Le dernier brigand qui s’est montré menaçant ne pourra plus jamais s’asseoir. Ses fesses sont dans le fossé, au nord de Montargis. Et je pense bien qu’il n’aura jamais d’enfants … Tu saisis ?

Fadaises que tout cela. Mais le blondinet ment avec un aplomb remarquable.

Carmeen
Pendant ce temps...

Montbrisson défile puis c'est au tour de Lyon, petite ville sympathique. Mais sûrement pas assez pour Carmeen, éternelle insatisfaite.
Voilà qu'elle exécute son rituel habituel : elle attache son crouton de cheval à la rambarde de l'entrée d'une auberge, y pénètre, b'soir, ça serait pour une nuit, p'tit coup d'oeil dans la pièce, soupir en constant la navrante clientèle, puis aussitôt, là voilà dans sa minuscule chambre tout juste assez grande pour y passer. Quand on a pas d'argent, c'est le minimum question confort. Une paillasse de fortune, un miroir fissuré, un seau d'eau et un espèce de meuble en bois qui ne se ressemble sûrement pas à une armoire.

Se laissant écrouler sur sa couche, elle pousse un petit gémissement en ressentant une légère douleur au niveau du dos et de la tête. Pas très moelleux tout ça. Tout en fixant le plafond -où une jolie araignée fait son tissage, d'ailleurs-, la gitane essaie de faire le cumul des sous gagnés ces derniers jours. 11 écus pour le jeunot paysan, 16 pour le noble et 20 pour le curé qui l'a convoqué en toute discrétion dans une petite cabane à l'arrière de sa chapelle. Et faut l'avouer, Carmeen se serait donné à coeur joie de le crier sur tous les toits, "Ehhh vot' curton c'est un pervers!!". Mais secret professionnel, dommage.

Abandonnant son lit, aussi confortable et douillet soit-il, elle se dirige vers la petite bassine. Elle s'y asperge le visage d'eau, se débarbouillant de son mieux, enlevant la crasse accumulée au fil du voyage. Un coup pour la pluie, un autre pour le vent, encore un autre pour la boue, un quatrième pour les branches que j'me suis pris dans la tronche. Le compte est bon. Avec une habilité infantile, elle renoue une petite tresse qui s'est défaite. Puis, elle fait mine d'envoyer un baiser au miroir qui lui déforme totalement la figure avant de retourner près de sa couche.

Posé à terre, y a son sac de voyage. Un peu plus grand qu'un baluchon, un peu plus petit qu'une valise. Elle met celui-ci à côté d'elle et l'ouvre, avec les yeux pétillants, comme à chaque fois. C'est sa boîte magique, sa 7ème merveille, la récompense de plusieurs années de boulot, d'effort, de sueur versée à ce but. Et on peut dire qu'à la vue de son contenu, dans les yeux de Carmeen, c'est comme si la pièce sombre et froide reprenait un peu de couleurs, perdait de sa tristesse.

A l'intérieur, c'est la caverne d'Ali Baba mais en 100 fois plus petit. Ou en compressé. Des costumes, des voiles, des tissus, le tout multicolore, et qu'est ce que ça brille ! De l'or, de l'argent, des diamants (tout est faux bien sûr, mais faut pas le dire). Des paillettes, des bagues, des colliers, des bracelets, tous les bijoux les plus inimaginables sont dedans. Des cordes, des lacets, des laines, des ceintures, mais aussi une aiguille, des perles, du maquillage, de la dentelle, des gants, des foulards,...
Et encore, je n'ai pas fini ! Alors voyez, ça, c'est pas de la valisette de mauviette.

Une fois touché ses petites merveilles, senti leur odeur rassurante qui lui inspire de la motivation, imaginé des nouveaux pas de danses et les yeux éberlués des spectateurs, Carmeen les remet à sa place en souriant, telle une gamine qui a eu le droit à un dessert en plus à la fin du repas.
Puis, malgré l'incommodité de sa paillasse, elle tente de dormir, ne serait-ce qu'un peu, en attente de cette rencontre étrange qui doit s'effectuer nulle ne sait où. D'ailleurs, juste avant de s'endormir, elle se rend compte qu'elle ne sait même pas pourquoi ils doivent se rejoindre, les lettres étaient tout de même floues et très implicites. Mais, se promettant de remettre ses interrogations à plus tard, elle se laisse complétement enfermer dans les bras de Morphée...

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Azhanna
Azhanna, dicte Ananas, dicte Poil-de-carotte, dicte la Rouquine parfois aussi et sûrement d'autres noms encore, sa chevelure est assez rare et flamboyante pour susciter bien des surnoms et des quolibets, mais Azhanna en fait fi de tout cela, elle garde les plus amicaux, ceux qui viennent du cœur une fois que les gens la connaissent.
Azhanna, la brigande par héritage et par conviction sillonne les routes depuis aussi loin qu'elle peut s'en rappeler. C'est le hasard qui l'a mise sur le chemin des deux blondinets et elle a traversé tout le Royaume pour venir les rejoindre à Montargis.
Par malchance, elle est tombé malade et n'a pas pu profiter de Montargis pendant ses 6 mois de présence, et lorsqu'elle reprend enfin du poil de la bête et qu'elle retourne voir la famille Blondy dans son auberge, ils lui annoncent leur départ imminent et leur désir qu'elle les accompagne. Malgré sa fébrilité, elle ne réfléchit pas plus d'un quart de dixième de seconde et accepte immédiatement avant même de savoir le but de ce voyage. De toute façon, 6 mois dans un lit sont bien suffisants pour une rouquine à la bougeotte ! Elle allait de toute façon reprendre la route avec ou sans eux, tôt ou tard. Grâce à eux et la fameuse chariotte de Pluie, c'est bien plus tôt qu'elle ne l'aurait cru.

Ca y est, tout le monde s'installe dans la roulotte, les chevaux sont attelés, les chiens suivent le rythme et le mouton trouve sa place entre le sac d'Azhanna, la garde robe de Cori et le chat qui gigote au rythme du jambon.

Citation:
Mouais, mets tout ça à l’avant, derrière la banquette, Poil de Carotte. En cas de danger, on les aura sous la main.


Azhanna regarde Pluie d'un œil suspicieux , et si jamais ils se faisaient attaquer ? Dans son état, le temps qu'elle réussisse à soulever le coffre, son scalp sera déjà au bout de l'épée de son assaillant... Mais bon, si Pluie pense que c'est le mieux... Elle soulève le couvercle du pied, tombe à la renverse, heureusement, une roulotte n'a pas trop d'espace, elle tombe de quelques centimètres et son dos heurte déjà une paroi.

Oups ! Eh bah ! Encore un peu et j'finissais en brochette ! L'coffre est ouvert, j'ai pas tout râté^^.

Azhanna dépose finalement les armes dans le fameux coffre, courbe légèrement l'échine et pose ses mains sur ses cuisses pour reprendre son souffle.

Citation:
Viens t’allonger Azhanna, tu es toute pâlotte, tu as assez participé comme ça ! Je voudrais te parler de quelque chose aussi !


Azhanna ne demande pas son reste et se pose sur le siège, retire ses bottes les entrelace et les suspend au plafond pour qu'elles ne subissent pas le mâchonnage de Béébéé. Une fois bien installée, Cori lui explique les raisons de ce voyage énigmatique, et elle reconnaît bien là l'habitude de Pluie de prendre la route sans vraiment savoir ce qui l'attend.

Azhanna rassure Cori en lui disant que de toute façon ils sauront bien se défendre en cas de problèmes, qu'à eux-trois ils en ont déjà vu d'autres et que le temps qu'ils rejoignent cette inconnue, elle sera sûrement remise sur pieds et pourra en découdre si besoin puisque de toute façon ça lui manque "si ce n'est pas avec cette fille, ce sera avec quelqu'un d'autre, j'ai besoin de me défouler !"

A peine ces mots prononcés que Pluie arrête la roulotte et se met à converser avec quelqu'un à l'extérieur. Cori sort la tête et Azhanna, après quelques manœuvres, fait de même en oubliant de se rechausser. Et voilà que Pluie invite à monter l'inconnu grimé à faire peur aux enfants.

Si tu fais le clown pour gagner ta vie, j'comprends qu't'aies faim ! Encore un peu et tu pourrais même me faire peur, et j'peux t'dire qu'il faut s'lever très tôt pour ça !
Allez, entres donc, fais gaffe à Béébéé qu'a tendance à mâchouiller c'qui dépasse. On va sans doute t'trouver un truc à t'met' sous la dent, hein Cori ? C'est pas moi qui gère les victuailles^^.


Azhanna, malgré son air tranquille, se rapproche nonchalamment du coffre et fait en sorte d'avoir la possibilité de l'ouvrir facilement en cas de besoin.

_________________



















Pluie

Le visage de craie reste imperturbable. Bien-sûr la menace proférée par le blondinet est assaisonnée d’une large pincée de fanfaronnade, et d’une demi-mesure de cet humour dévastateur qui le caractérise, mais l’avertissement est bien réel. Tout le monde en est conscient, sans aucun doute.

Cependant, blondinette et rouquine, curieuses comme des pipelettes en mal de commérages, viennent pointer le bout de leur ravissant nez rose derrière lui, et promettent à Guignol de trouver de quoi le restaurer. Il n’en faut pas plus pour le convaincre, et d’ailleurs a t-il réellement hésité ? Notre Caracole au faciès enfariné grimpe prestement sur le marche-pied de la roulotte et rejoint dans l’habitacle Poil-de-carotte, Boucles d’or, Béébéé le gigot ambulant et le matou-léopard.

La halte prend fin. Un grognement bref du blondinet, inspiré par les plus élégants cochers parisiens, et l’attelage reprend son trot régulier. Les fers martèlent le pavé bancal, soulevant poussière fine et caillasse épaisse. Bien que lourdement chargée, la roulotte tressaute de caillou en ornière.

Au loin, soudain, un clocher d’église, auquel s’accroche un soleil pâle, se tend vers le ciel sans nuages. Quelques maisonnettes se recroquevillent frileusement les unes contre les autres. Déjà un village ?

Pour aller loin, ménage ta monture, répétait l’oncle Fernand, toujours de bon conseil et surtout d’une intelligence rare. Dommage qu’il soit mort en tombant du haut d’un arbre, après avoir scié par mégarde la branche sur laquelle il était assis. Allez, encore quelques foulées, un pont de bois dominant un ruisseau tumultueux, et le bourg sera atteint. Les trois chevaux méritent bien une petite pause, un seau d’eau fraîche, et une inspection de leurs sabots ferrés. La route est encore longue. Merci du précieux conseil, oncle Fernand.

Corisande


Cori accueille le nouvel arrivant avec un petit sourire que l’on pourrait qualifier de contraint.
Mais quand Pluie offre l’hospitalité , elle n’a plus qu’à faire corps avec lui et puis on ne laisse pas quelqu’un sur le bord de la route par les temps qui courent ,un peu de solidarité n’est pas malvenue. Bien qu’il faille se méfier de rencontres aussi bizarres !

Impossible en effet de déchiffrer si le sourire de ces grosses lippes rouges est amical ou retors.
Après un échange de coups d’œil complices, Azhanna se déplace prudemment vers le coffre où les armes sont rangées. Cori a une confiance absolue en son amie, pour l’avoir déjà vue à l’œuvre lors de leur rencontre dans les bois. La rouquine n’est pas bâtie en hercule, mais elle a du répondant, et sa lame n’a aucun pardon.

Cori tend du pain et une tranche de lard à la caricature d’homme, accompagnant le tout d’un gobelet de picrate. Pas le meilleur, hein, mais bien celui qui troue les chaussures lorsqu’on en renverse quelques gouttes.

Hé oui, bonhomme, c’est moi qui m’occupe de la distribution de victuailles pour les hommes et les chevaux ! Assieds toi là, au fond, tu pourras même dormir si tu veux, quand tu auras mangé.
Le dict Caracole ne se le fait pas dire deux fois, il engloutit la pitance et s’installe contre deux sacs de farine, les yeux clos.

Cori se rassied aux côtés d’Azhanna. Dehors, le fouet claque. Ils ont repris la route et écoutent les histoires abracadabrantes de son blondinet d’amour. Elle glisse tendrement la main sous la chemise de son doudou, et lui caresse le dos. Il adore ça, le bougre. De plus, elle se sent en sécurité au contact de l’homme de sa vie, et tout près de son amie Poil-de-Carotte.

Au détour du chemin, quelques bosquets apparaissent, au bord d’une rivière, après la traversée d’un petit pont de bois qui tremblote sous les sabots des chevaux et les roues de la roulotte. Pluie décide d’une courte pause à l’entrée d’un hameau. Chouette ! Cori adore s’occuper de ses chevaux, et ,tout en glissant trois pommes dans sa poche, elle saute de la carriole.

Elle enlève les sangles, les mors, et passe un licol autour de leur cou afin de les attacher un peu plus loin, à l’ombre des grands hêtres, et pour leur permettre de brouter l’herbe fraîche. Plus tard ils barboteront en liberté au bord du ruisseau. Les chiens y pataugent déjà, infatigables et curieux. Cori prend une grosse poignée de paille pour bouchonner les trois montures, dont la robe est luisante de sueur.
Elle commence par sa jument, Licorne, lui parle avec beaucoup de tendresse, dans le creux de l’oreille, lui caressant le chanfrein, entre les naseaux, là où le poil est de velours. Mmmmm ! C’est bon hein ma cocotte ? Ca gratte ? Et qui c’est qui va manger une bonne pomme? …

Elle entend soudain un grand éclat de rire. Pluie est assis sur une branche basse, les jambes pendant dans le vide, et il est en train de se moquer d’elle, comme d’habitude. Il est en train de la mimer avec forces grimaces et des gnagnagna et gnagna … Rhooo l’infâme voyou !

Elle lui jette un regard furibond, mais en voyant le grand sourire qui lui éclaire la face, elle s’attendrit aussitôt, se rapproche de lui, et se blottit entre ses jambes, posant doucement le front contre sa poitrine. Non, elle ne parviendra jamais à en vouloir plus de deux secondes à son tendre enquiquineur.

Pluie

Eh oui, voici encore le coquin de service en train de se gausser gentiment de sa doudou, perturbant la conversation entre l’amazone et son équidé préféré. Et patati, et patata, une pomme par ci, une gratouille par là. Ah, j’vous jure. Et Licorne écoute, attentive, les esgourdes bien dressées, hochant le front de haut en bas comme si elle approuvait les propos de sa mignonne maîtresse, tambourinant du sabot sur la berge du ruisseau pour réclamer un supplément de gâteries et de confidences. Mouais, c’est vraiment cul et chemise, ces deux-là. La belle et la bête. Charmant tableau.

Oui, le blondinet adore chambrer sa doudou. Et plutôt deux fois qu’une. C’est un sport dans lequel il excelle. Un sport à risques, toutefois, et il n’est pas surpris le moins du monde lorsqu’elle lui lance une œillade assassine. Pas de panique, le filou connaît la parade. Soit il choisit de lui offrir son sourire le plus irrésistible, soit il adopte le regard malheureux et pitoyable d’un jeune cocker martyrisé. Capable ainsi d’émouvoir jusqu’aux sanglots le plus cruel des bourreaux.

Le choix dépend de la gravité de la situation. En l’occurrence, le plan A est estimé suffisant par notre rusé comédien. Le crime ne méritait pas l’échafaud. Et sa blondinette vient se lover dans ses bras, toute trace de rancune volatilisée comme par enchantement. Le faucon est devenu colombe.

Séquence tendresse. Ames sensibles, tournez chastement les yeux. Perché sur sa branche, l’échalas glisse les mains sous les bras de sa dulcinée, soulève sans mal son petit corps de rêve, hisse son adorable frimousse à portée de ses lèvres gourmandes et l’inonde de baisers brûlants jusqu’à ce qu’elle lui demande grâce en riant de bon cœur. Hop, ils se laissent ensuite glisser jusqu’au plancher des vaches, où il est quand-même moins périlleux de se bécoter que parmi les branchages.

Un coup d’œil vers la roulotte. Tout est calme. Azhanna se repose sans doute, la nuque posée sur le pelage soyeux de Béébéé. Polichinelle doit dormir itou. Par curiosité, les tourtereaux prennent la direction de l’église, entourés de la meute qui batifole à l’unisson de troncs en bosquets, les marquant de leur empreinte odorante. Un parchemin fixé à la porte du saint lieu indique « Paroisse de Tonnerre ». Adieu Orléanais, adieu Champagne, Bourgogne nous voici.

Ecoute, amour, murmure le blondinet à l’oreille de sa compagne … On entend déjà la mer …

Carmeen
Arrivée à Chalon

Les premières maisons apparaissent, tout comme le soleil, doux et plutôt froid. Carmeen laisse échapper un bâillement. Son cheval, qui ne galope plus mais rampe à moitié sur la terre battue, ne grogne pas, ne hennit pas. Non, trop peur d'entendre encore la voix stridente de sa maîtresse qui râle ou encore ses éperons sans âme s'enfoncer dans son flanc graisseux. Pour une fois que c'est le silence complet autour de la pauvre bête, ce serait dommage de perturber cette atmosphère presque sereine! Quelle sans cœur cette femme, oh oui !

La voilà enfin qui pénètre dans Chalon. Les volets s'ouvrent, les gens sortent de chez eux, les premiers cris retentissent, les voix se multiplient. Le village se réveille. Carmeen enfonce sa capuche un peu plus sur sa tête, ralentissant la cadence de sa jument -de vraiment beaucoup hein, vu la vitesse de départ-, faisant en sorte de ne pas écraser l'un des mioches qui joue en plein milieu de la route, ou encore les p'tits vieux qui traversent sans vraiment faire attention, ou tout simplement les gens qui se fichent de tout et veulent la faire rager jusqu'au bout.

Mais soudain, alors que Chanabis était sur le point de poser son gros sabot sur une appétissante crotte de nulle-ne-sait-qui, les pupilles de la gitane tombent sur le marché du village -où se concentrait tout doucement la population-, ou plutôt un stand en particulier. Aussitôt, elle descend de sa monture qu'elle laisse plantée là avec ses bagages attachés de chaque côté de son flanc.

Elle marche vite, la brunette, elle en fait même tomber sa capuche qui laisse découvrir de longs cheveux noirs tressés et colorés par ci et là, pour se diriger vers le marchand en question qui la regarde, intrigué. Devant elle, des tissus colorés, magnifiques, splendides! Des voiles sortis d'Orient, des voiles parfaits, parfaits, ceux qu'elle a toujours voulus ! Elle les touche avec délicatesse, comme si entre ses doigts se trouvaient des pierres précieuses dont la valeur est inestimable. Mais, à peine a t-elle eu le temps de regarder les premiers tissus que ses yeux sombres s'attardent sur des bijoux. Sur la table, ils sont en désordre le plus total, alors Carmeen, avec les mains d'une experte, essaie d'abord les bagues, puis les bracelets, le tout en poussant des exclamations comme "Oh!" ou "Ahh!". Et puis, derrière ces parures, il y a des robes, qui n'en attendent pas moins de la part de la gitane pour être examinés. La rouge ? Ou la bleue ? Ou peut être celle-ci... MMhhh... elle pose les toilettes sur elle, faisant mine de les essayer, avant de regarder le marchand avec une moue déconcertante, LA moue à faire craquer le plus grand des camelots pour baisser ne serait-ce qu'un peu le prix de ses affaires.

_________________
Thorvald_
[Chalon]

A cette époque de la vie de Thorvald, rien ne le retenait en quelque endroit particulier, ni le mauvais, ni le bon. Libre, de ne rien faire, de s'ennuyer, d'arpenter la Bourgogne, ou n'importe quel duché qui tombait sous ses pas.
Des pas de géant.
Souvent, le soir, à l'auberge, il s'amusait à suivre du doigt sur la carte les arabesques folles qui constituaient son parcours ; à se souvenir des rencontres, des amours, des ivresses, des amitiés.

Une amitié particulière restait accrochée à sa mémoire. Ils ne s'étaient rencontrés que deux fois, pourtant. Mais parfois il relisait les nombreuses lettres de cette femme. L'alliance de la fragilité et du tempérament qui la caractérisaient s'y mêlaient à chaque ligne, à chaque hésitation, à chaque questionnement sur l'existence. Et les lettres, avec le temps, montraient de plus en plus de détermination. Si jeune, et une vie si remplie ... qu'était-elle devenue ? Les missives de Thorvald restaient sans réponse depuis un certain temps maintenant ...

Il chassa cette idée en refermant la porte, passa sa main dans ses soyeux cheveux bruns, et affronta le soleil qui lui agressait l'œil. C'est que la nuit avait été courte avec cette ... cette ... comment s'appelait-elle, déjà ? La bourgeoise avait payé, c'était tout ce qui comptait, une bourse pleine d'écus qui bombait légèrement la poche intérieur de sa veste noire. Il se dirigea donc au marché, où l'on trouve de quoi satisfaire les besoins de première nécessité. Comme ... cette bague, qu'il essayait, bras tendu, main levée à hauteur des yeux, petit doigt légèrement relevé, faisant miroiter ses facettes parmes dans la lumière, et penchant un peu la tête pour se faire une impression. Améthyste montée sur or, ouvrage soigné.

Derrière sa main, plus loin, une beauté faisait des moues de dépit devant la marchandise. La vue de Thorvald s'ajusta, il la détailla un instant. Contre son gré, il la singea, et à sa grande surprise, le bijoutier lui proposa un bon prix.

Le visage du colosse s'éclaira. Marché conclu.
Galaad__vf
- C’est quand qu’on arrive ?

Deux silhouettes. Un gamin juché sur un canasson accompagné d’un homme tout en armes… aux armes d’une baronnie provençale. L’homme, impassible, posait parfois un regard amical sur le môme, qui impatient, espérait apercevoir bientôt sa Provence natale. Le nord, il n’avait pas aimé. Il avait fallu l’y mener pourtant, de toute urgence. Felipe, c’est le nom de l’homme de confiance, avait fait le trajet dès l’enterrement terminé. On avait extrait le gamin d’une maison en flammes où sa mère était restée. Nul ne doutait qu’il ne s’agissait en rien d’un accident. Bref, fils d’une incendiaire incendiée, mis en sécurité un temps en Lorraine, le petit était sur le retour.

Le môme, pas très grand – mais ne valait mieux pas lui dire qu’il était petit - avait un visage encore rond de la prime enfance, un corps qui commençait à bien s’élancer, de grands yeux sombres qui semblaient sonder chaque personne sur qui ils se posaient, le tout encadré de cheveux noirs. Il avait les yeux de sa mère, parait-il, ce à quoi il répliquait que, non, c’étaient bien les siens à lui. À son cou, maintenu par un lien de cuir trônait ce qui fut une boucle d’oreille en or, orné d’une pierre noire. Les fils d’ors entrelacés avaient fondu sur la pierre qui, malgré l’incendie dont elle était rescapée, avait conservé ses reflets. La chaleur l’avait transformée naturellement en un pendentif que le gamin arborait fièrement. Souvenir de maman.

Bientôt, il reverrait la Pas Reyne de sa mère. Eavan. La Baronne à qui Felipe était tout dévoué. Il reverrait Spada aussi, enfin, plein de gens qui lui manquaient, des personnes qu’il aurait aimé avoir à ses côtés pour surmonter les épreuves, ce qui, en langage enfantin, se traduisait par une propension à être foncièrement moins sage. L’image du Galaad immobile et silencieux… ça, c’était quand tout allait bien, ou presque. Il avait désormais besoin de s’exprimer. De l’assassinat de sa mère, il avait retenu une chose. Elle était morte pour lui et ses idéaux. Il n’avait pas bien compris ce qu’étaient les idées hautes, mais il se doutait que c’était important. Alors, il en aurait. D’abord, d’abord, il serait comte, comme ça on l’écouterait quand il donnerait ses idées. Hautes, les idées.

Le voyage s’était bien passé, ils cheminaient aux heures les plus chaudes maintenant que le temps commençait à sérieusement se dégrader. Le matin, aux aurores, Felipe enseignait à l’enfant, les lettres. Galaad adorait cela, il lui tardait de bientôt pouvoir dévorer les ouvrages qu’il avait aperçus dans le bureau de son arrière grand père. Lui aussi, il était pressé de le revoir. Ce bout d’homme de cinq années avait pour beaucoup de choses dépassé le stade de la compréhension enfantine. Et puis, Spada lui avait dit qu’il était un homme… alors…


[ Chalon ]

La veille, à Dijon, des gardes avaient voulu enfermer le môme parce que, disaient-ils, il vagabondait. Felipe était intervenu à temps. Tenant pour prétexte qu’ils l’avaient pris pour tel à cause de la crasse du voyage, il lui offrit un bain forcé qui, loin de déplaire au môme, lui rappela un temps révolu. Bref, Chalon. Après les leçons journalières, les doigts tâchés d’encre, le gamin sur le cheval et l’homme à côté, ils flânaient un peu parmi les étals du marché de la ville. Ou plutôt, Felipe maintenait le canasson à une allure lente tandis que Galaad emplissait ses yeux de tout ce qu’il voyait, interrogeant l’homme sur tout ce qu’il ignorait. Ce qui faisait beaucoup.

Apercevant un étal qui semblait intéresser maintes personnes, il descendit de cheval… Non, il se fit aider de Felipe pour descendre de cheval et s’en approcha. Là, apercevant les lourdes pièces de tissus, les bijoux précieux, il se fraya un chemin et se retrouva près d'un géant. Il souhaitait ne pas rentrer les mains vides. Lui, ce ne fut pas au camelot qu’il réserva ses moues, ce fut à l’homme de mains. C’est qu’il était amoureux, le chiard, même qu’il épouserait Spada. Bon, elle n’avait trop rien dit quand il en avait parlé, mais c’était sans doute l’émotion. Imaginez, elle lui disait qu’il était un homme ! Bientôt… Mais que devait-il lui rapporter ? Voilages ? Tissus ? Bijoux ? Il aurait bien opté pour les trois… Une moue, encore, de grands yeux noirs posés sur l’homme.
Corisande

Mais qu’il est craquant et romantique, son grand blond aux bottes rouges, et surtout, quelle imagination fertile !
Main dans la main, ils traversent le village de Tonnerre. Ils font lentement le tour du marché, qui résonne des cris des margoulins et des vendeurs de breloques et de pacotilles.

Bien-sûr, leur chariot regorge de marchandises, et ils n’ont besoin de rien, mais une femme reste une femme, non ? Et Cori ne peut s’empêcher d’acheter un grand châle d’un beau vert émeraude pour Azhanna, persuadée que le vert s’harmonisera parfaitement avec ses cheveux flamboyants, même si elle ne l’a jamais vu autrement qu’avec des braies et des bottes. Pour elle-même, la blondinette choisit un foulard rouge écarlate, la couleur préférée de son doudou, la couleur de la passion. De leur passion.

Coquette, elle le jette sur ses épaules, et prend tout-à-coup des poses aguicheuses pour amuser son doudou, creusant les reins, agitant ses petits seins, puis effectuant quelques pas d’une danse lascive autour de son amoureux. Elle le capture en riant, utilisant son foulard comme un lasso. Belle prise, non ? Puis elle le tire vers lui, presse sa poitrine contre le torse robuste de son blondinet. Sourire canaille …

Mon cœur, j’ai oublié mon escarcelle, tu peux payer ce brave homme ?


Comment pourrait-il résister à son regard clair et à son sourire plein de promesses ? Pluie jette quelques piécettes sur l’étal du marchand de colifichets, puis il l’enlace, pose son bras sur ses épaules tandis qu’elle entoure sa taille, et ils partent découvrir d’autres échoppes sous les platanes de la place du village.

Ils flânent longtemps, ravis par les odeurs et les parfums qui viennent leur titiller les narines. Ils ne sont pas aubergistes pour rien, nos blondinets, tout ce qui se croque et se gobe pique leur curiosité et les enthousiasme. Là, sous une tente, un charcutier présente des terrines fort appétissantes. Plus loin, des tréteaux sont couverts de légumes colorés, et quelques volailles échappées de leurs cages courent par-ci par-là en caquetant et en battant des ailes.

Une bonne odeur de pain frais les attire vers un autre étal, où se côtoient des miches de pain croquantes, des tartes brillantes et sirupeuses, des bugnes dorées recouvertes de sucre.
Se tournant vers la corpulente boulangère, aussi ronde que ses brioches, Cori lui tend deux piécettes d’argent, et nos gourmands gourmets s’éloignent en dévorant des beignets chauds et sucrés.

Au clocher, retentit soudain l’Angélus de midi. Une folle envolée de tourterelles s’élève vers le ciel d’azur, dans des roucoulades et de doux bruissements d’ailes. Cori, le sourire aux lèvres, lève son charmant petit nez plein de sucre pour les regarder s’envoler.

Ohh, c’est déjà l’heure de partir … Viens mon cœur, nous terminerons nos beignets dans la roulotte avec Ananas et le clown. J'espère qu'elle va aimer son châle.


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