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De surprises en surprises...

[RP] La coutume de Lauzières

Cristòl
De Lauzières était arrivée une lettre qui méritait, plus que d'ordinaire, toute l'attention du Héraut. Il n'était plus consulté en sa seule qualité de parrain... C'était en tout cas une lettre à laquelle il n'imaginait pas répondre par voie postale. Ce serait trop long, de régler toutes les nuances, les virgules, les subtilités, et de cerner les attentes de la Dame de Lauzières, par échange de courriers.
Et cela coûterait en messagers, la monture, le vivre et l'auberge, de Montpellier à Lauzières.

Il résolut donc d'inviter sa filleule dans son bureau, pour qu'ils puissent discuter ensemble de cela. Peut-être y aurait-il sa poursuivante, Paula-Estèva d'Alanha, et, chose qui n'était pas impossible, la petite Catalina de Volpilhat, qui traînait souvent près de lui au bureau du héraut. Elle devait s'ennuyer, la petite, quoiqu'il s'affairât le soir à lui donner des leçons. Le cousin Kamharley était pour l'heure trop occupé à sa charge comtale, pour prendre en charge le devenir de sa pupille cousine.

Il y avait dans le bureau de quoi s'asseoir, de quoi boire et manger, et plusieurs ouvrages de référence en matière juridique.

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[Je finis les affaires en cours et je tire ma révérence. Ce fut un plaisir de jouer avec vous tous.]
Maelie
Maëlie, venue à Montpellier déposer son... ou plutôt ses rapports, reçut en mâtinée une invitation qu'elle ne pouvait refuser. Elle glissa la lettre dans un pan de son veston de cuir, n'ayant pas eu ni le temps ni l'envie de quitter sa tenue de combat : elle s'y rendrait, sitôt ses devoirs accomplis.

Rapport de douane, rapport militaire, sans oublier les courriers promis à Sa Grandeur Enduril, ou encore les diverses réponses diplomatiques...
Elle grimaça, se rappelant qu'un exercice noté de plaidoierie l'attendait, auprès des avocats du dragon, ainsi qu'un devoir dans sa cellule du séminaire de Narbonne. Soufflant négligemment sur une mèche noire qui lui pendait en travers du front, s'échappant sans façon de son chignon non coopérant, elle vint finalement frapper à la porte du Héraut.

Dès qu'il l'autorisa à pénétrer, elle s'avança. Le tableau pouvait paraître étrange : une jeune femme, en armure de cuir et armée, marchant avec la même légèreté dansante que si elle était dans une habituelle robe; il n'y avait rien de raide ou de militaire dans sa démarche, rendue au contraire féline par ses atours.

Elle entra, s'inclina respectueusement, quoique maladroitement, encombrée par son épée, et sourit avec la chaleur qui la caractérisait.


Adisssiatz. Veuillez me pardonner ma mise, mais elle est malheureusement de rigueur, ces temps-ci et je manque de temps pour en changer à ma guise.
Cristòl
[De concert avec LJD Maëlie, il a été convenu que ce RP se tenait, finalement, après le retour de retraite de Maëlie (cf. RP Dum Spiro Spero, en gargote). A fortiori, ce RP se déroule après l'enterrement de Marguerite.
Désolé pour les quelques petites incohérences que ces révisions de contexte entraîneront entre les précédents posts et ceux qui suivent.]


L'entrée de Maëlie, quoique prévue, quoiqu'attendue, marqua Cristòl. D'une évidence, d'une fulgurance. A qui lui faisait-elle penser ? Ces femmes, ces femmes qui le hantaient ! Ainsi harnachée comme parée au combat, ainsi virile, ainsi mâle fagotée...
C'était la puissance du sexe faible, la même puissance qu'au fond des yeux de Margot, en fin de compte.

Il en fut désorienté un instant.
Et puis il se leva pour accueillir la Dòna, sa filleule...


-« Adissiatz, meuna filhòla. Vous êtes toute pardonnée, vraiment... Vous...
Asseyez-vous, voyons ! Voulez-vous boire quelque chose, vous... vous voulez des olives, des... des cornouilles séchées ? »


Il prit lui-même quelques grains de raisin, et s'assit derrière son bureau. La coutume de Lauzières, oui. Adieu, folles réminiscences ! Adieu, l'armure de l'Ascalon, si cruelle, si fourbe...

Non, c'était trop lui demander qu'exiger de lui qu'il se concentrât. C'était cette épée, c'était cette armure...

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[Je finis les affaires en cours et je tire ma révérence. Ce fut un plaisir de jouer avec vous tous.]
Maelie
Maëlie fut parcourue d'un frisson sous le regard de Cristòl. Sans le vouloir, il venait de transformer une tenue de combat en une tenue des plus impudiques, faisant monter le rouge aux joues à la jeune femme qui, quelques minutes plus tôt, n'y voyait pourtant aucun mal.
Pire, il lui semblait que son parrain n'était pas lui-même : qu'étaient cette gêne, ces hésitations dans sa voix? Surprise, elle hésita un instant avant de s'avancer, avec un sourire timide.


Mercè, meu pairin, j'avoue que je grignoterai bien quelque chose, je n'en ai encore guère pris le temps...
Ah! Mais quelle étourdie... J'ai oublié mes biscuits à Lodève! Moi qui me faisait un devoir de ne jamais vous en priver !


Elle laissa échapper un petit rire désolé, qui s'étouffa dans sa gorge lorsqu'elle croisa le regard de Cristòl.
Cristòl
Ce regard était froid. Un froid d'outre-tombe, un froid mordant, un froid triste et lointain. Un froid qui ne riait pas, qui ne rirait plus. L'œil bleu supplantait l'œil brun.

Il mangea quelques noix et quelques grains de raisins secs ensemble, et puis condescendit en un sourire.


-« Il viendra bien un jour où j'en manquerai, quand je mourrai, seul, dans l'admiration de mon troupeau... »

Et de se ressaisir :

-« La vida a pas dich seuna darrièra paraula. Vous... Asseyez-vous, oui, mangez, n'hésitez pas... »

Il feuilleta quelques papiers, il cherchait cette lettre, ce début de coutumier. Il l'avait préparé, il était là, pourtant ! Il était perdu. Cristòl, le jeune Sìarr, retombait en enfance. L'illettrisme, l'ingénuité, la béate ignorance.
Il se retrouvait face à cette femme armée, cette femme engoncée dans des plaques de métal bien plus que dans toutes les convenances du monde. Cette femme après laquelle il avait juré de ne plus aimer.

C'était avant Margot... Avant que de la peur ne naquît l'admiration, puis l'amour. L'amour dévorant, la passion, et l'échec.


-« Il y a du vin des Fenouillèdes aussi... »

Et il trouva le document qu'il cherchait. Enfin ! Mais posant ses yeux dessus, il se trouva bien désemparé. La coutume, oui... Comme il avait juré qu'il y en aurait une à Saint-Félix, et finalement ? Aux prises du félon Delfin Blausac, et sans aucune envie de reprendre ce qui fut le bien de son père - ce père chéri, d'abord, puis honni pour son hérésie.
Un jour...

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[Je finis les affaires en cours et je tire ma révérence. Ce fut un plaisir de jouer avec vous tous.]
Maelie
Maëlie réprima un nouveau frisson, cette fois terrifié. La froideur dans le regard, l'attitude et les paroles de Cristòl avait quelque chose de soudain, mais surtout d'acéré... comme une lame plongée dans son coeur ouvert. Elle se sentait soudain dépossédée de quelque chose qu'elle n'avait pas eu conscience d'avoir...

Déglutissant avec difficulté, elle ferma les yeux, brièvement, juste le temps d'un battement de coeur, le temps de se rappeler comment verrouiller le monde derrière une paroie protectrice... Ne plus souffrir, ne plus se blesser. Cette espèce d'armure intérieure, qu'elle s'était forgée durant ces quelques jours de repos, venait en refort de son tiroir à sentiments, qui commençait à déborder un peu ces temps-ci...

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle se servit quelques grains de raisin, toute faim envolée, n'ayant aucune envie de commenter ce qu'il venait de dire.
Sa voix, lorsqu'elle parla, était étonnamment ferme, et pourtant atone.

Mercè.

Mieux valait entrer dans le vif du sujet, oublier le plaisir qu'elle prenait toujours à revoir son parain, et qu'il venait de grandement saper. Comment pouvait-il encore avoir tant d'influence sur elle ?

Si vous cherchez une copie du document que je vous ai transmis, j'en ai une avec moi.
J'espère que vous disposez aussi de l'ébauche déposée à l'Assemblée nobiliaire*.


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* je l'ai déposé HRP, mais vu que c'est le même projet...
Cristòl
Une vague de reconnaissance envahit le jeune Sìarr, de cette manière qu'elle avait de l'aider, de faciliter le recouvrement de sa raison, de sa pondération, de la mesure de ses propos.
Tout avait été si décousu, jusque là ! Vague de chaleur, vague de miséricorde... Qui était-il, en fin de compte ? Qu'étaient ces sentiments luttant avec fracas dans ses tripes ?

Lentement le chemin se traçait dans son esprit. Les femmes... Sa mère... Oh, petite mère ! Savait-elle l'hérésie de son père ? En était-elle, elle aussi, coupable ? Elle-même, certes non, ou elle n'aurait pas été se reclure à Saint-Félix de Montceau. Mais de complicité ? Oui, le temps était venu de savoir, d'affronter...

Le temps était venu de savoir sur qui l'on pouvait compter. Affronter les choix les plus durs de sa vie : détruire tout ce qu'il avait fait, lui, au motif que chaque acte était mû par son père ? Assumer la marionnette qu'il avait été, ou dénouer, un à un, les nœuds que les Moires avaient noué sur sa vie ?
Loreleï... Le seul nœud qui n'eût pas encore été achevé. Le plus simple à défaire !
Il regarda à nouveau Maëlie.


-« Òc, j'ai tout cela... Òc. »

Ses doigts étaient pliés sur le document, qu'il contempla un instant sans comprendre. Etait-il fou ?
Il n'avait pas du tout envie de discuter de ce document, en fin de compte. Sa filleule... Elle avait dans ces atours martiaux un tour nouveau, elle n'était pas celle qu'il attendait. Elle était irrésistiblement autre.

Son regard brilla plus fort, et il sentait ses yeux âcres et piquants.


-« Voulez-vous... »

Oui, c'était évident. Dans ce labyrinthe de doutes, c'était la plus grande évidence qui eût frappé Cristòl depuis de longs mois. La première décision qu'il eût prise de son propre chef.
Ses yeux ordonnaient à Maëlie de se taire. Il n'avait pas fini.


-« Voudriez-vous régner... pour moi... sur les Fenouillèdes ? »

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[Je finis les affaires en cours et je tire ma révérence. Ce fut un plaisir de jouer avec vous tous.]
Maelie
Maëlie fixa Cristòl, bouche bée, les yeux battant tels ceux d'une chouette surprise en plein jour. Si sa gorge eut accepté de fonctionner, l'on eut pu entendre quelque chose proche de "Hueuh?" s'en échapper.
Le lecteur aura compri combien grande fut sa stupéfaction. Il lui fallut quelques instants pour reprendre son souffle et démêler l'écheveau de ses pensées erratiques. Comment diable était-on passé de Lauzières à Fenouillèdes ?
Elle toussota, finalement, avant de répondre, d'une voix un peu moins assurée, cette fois.


Vous... vous voudriez que j'en assure l'intendance, c'est cela, meu Pairin? L'homme que je vous ai envoyé ne vous convient-il point ?

Une trace d'inquiétude sincère perçait dans ses propos. Son père leur avait-il fait défaut ? Etait-il souffrant ? Ou pire encore, y avait-il eut une quelconque inimitié entre les deux hommes ? Elle frémit d'angoisse à cette idée. Se maurigénant en silence, elle tâcha de trouver une explication à ce qu'elle venait d'entendre.

Ah! Mais bien sûr, quelle idiote !


A moins que vous ne pensiez que cela m'aiderait à mieux apprendre à régner sur Lauzières? Il est certain qu'avec votre appui, j'apprendrai bien plus vite et bien mieux à veiller sur ceux que vous m'avez confié.

Elle acheva son petit discours d'un sourire interrogateur et inquiet. Confusément, il lui semblait que Cristòl n'était vraiment pas lui-même...
Elle s'en voulait, intérieurement : elle qui avait juré de ne jamais quitter l'ombre de son parain ignorait totalement ce qu'il vivait. Certes, elle savait son deuil et sa fatigue, sa fragilité et sa nostalgie... Mais ses propres douleurs l'avaient fait se renfermer comme un coquillage, la privant de la chaleur de l'affection de Cristòl, et l'éloignant de son devoir le plus précieux.

Elle se jura de rattraper son erreur.
Cristòl
Cristòl s'enfonça dans son vieux siège un peu râpé. Il n'en avait pas demandé d'autre au Comté, c'était son humilité et sa simplicité. Un vieux siège confident de ses doutes et de ses exaltations. Un vieux siège, ce matin-là, témoin du revirement de Cristòl, d'un revirement qui marquait le reflux de sa vie.

Son regard était encore sévère et froid, mais son sourire s'affirma, lorsque Maëlie chercha une issue honorable à la question. Bien sûr... Ils le croyaient tous fiancé à Loreleï, et ça l'était, en vérité ! Mais qu'importait désormais. C'était l'œuvre de son père, et Cristòl, enfin, cessait de vivre à travers lui.

Cette demande, c'était son œuvre, et il ne la laisserait pas passer. Margot... Margot ! Qu'en penserais-tu, dis-moi, ô toi que je n'ai jamais tutoyé, dis-moi ! Fais-je le bon choix ?
L'embarras de la Dame de Lauzières était palpable, mais Cristòl n'en avait aucun remords. Ses mots étaient venus soudainement, et pourtant ils n'auraient pu être mieux choisis.


-« Vous m'avez mal compris, Maëlie... »

Et ce n'était plus là le parrain qui lui parlait avec sa bienveillance coutumière ; il n'y avait plus, en cet instant, ce genre de lien entre eux, dans l'esprit du jeune Sìarr.

-« Il y aurait certes beaucoup à apprendre à Saint-Paul des Fenouillèdes pour vous et pour la grandeur de Lauzières... Mais je vous y veux pour toujours, je... »

Les mots manquèrent. Que voulait-il exactement ?

-« Le temps viendra où je ne pourrai plus gouverner les Fenouillèdes. Alors, je veux laisser cette terre en de bonnes et légitimes mains. Légitimes, Maëlie... Comme le seraient celles de... de la Vicomtesse des Fenouillèdes. »

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[Je finis les affaires en cours et je tire ma révérence. Ce fut un plaisir de jouer avec vous tous.]
Maelie
Le ciel était en train de lui tomber sur la tête... Oui, c'était surement ça, cette douleur sourde aux tempes et son coeur affolé qui tentait une évasion désespérée en cognant aussi fort que possible contre sa poitrine.
A nouveau, elle battit des paupières, donnant l'impression de s'être figée, terrassée par l'incompréhension... ou peut-être par la compréhension de ce qui était en train de lui arriver. Ses yeux verts écarquillés étaient fixés sur Cristòl, vrillés par son regard froid et déterminé comme une proie hypnotisée par un prédateur.

Il avait dit "régner". Il avait dit "pour toujours". Il avait dit "légitime". Il avait dit "Vicomtesse de Fenouillèdes".
Mais surtout, il avait dit "ne pourrai plus gouverner".

Cristòl... Etait-il devenu fou ? Il ne pouvait pas être en train de la demander en mariage. A cette idée, Maëlie sentit les sentiments qu'elle avait sévèrement refoulé depuis tant de temps venir étreindre son estomac, au point de lui donner la nausée. Il ne pouvait pas lui faire ça, n'est-ce pas ? Pas son parrain. Pas celui qui, un jour, lui avait dit qu'elle devrait épouser un homme qu'elle aimait et qui l'aimerait. Comment pouvait-il y songer alors que son coeur appartenait à un fantôme ? Comment pouvait-il lui faire ça, alors qu'elle avait tellement lutté, tellement... Ne savait-il pas combien elle avait déjà souffert pour ne pas quitter son ombre ? Non bien sûr, il ne savait pas : elle avait tout fait pour ça, et y avait visiblement trop bien réussi.

Elle se mit à trembler, brisant légèrement son immobilité.
Tout ça commençait à lui échapper. Peut-être était-ce elle qui devenait folle. Pourquoi se sentait-elle trahie alors qu'il lui demandait de l'aider ? Alors qu'il lui offrait son honneur, sa maison, son nom, tout ce qu'une femme pouvait désirer avoir. Plus que ce qu'une femme comme elle pouvait désirer avoir.
Car au final, c'était cela, n'est-ce pas ? Il voulait lui confier Fenouillèdes et pouvoir se retirer : elle était sa filleule, elle ne lui ferait pas défaut et il le savait.

Elle baissa les yeux pour fixer ses mains, incapable de supporter plus longtemps le regard sans compromis de Cristòl. Se retirer. A l'idée d'être l'instrument qui façonnerait son propre malheur, Maëlie se mit à frissonner encore plus fort. Cristòl allait-il l'abandonner ? Ses poings se crispèrent sur ses genoux.

Finalement, sa voix brisa le lourd silence, douce et tremblante, à peine audible, sans qu'elle ne relève les yeux.


Vous allez partir...

Ce n'était pas une question.
Elle reprit, cette fois un peu plus ferme.


Vous savez que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous venir en aide et vous plaire, meu p... Cristòl. Mais en êtes-vous bien certain ?
Cristòl
« Vous allez partir... »
Oui, il partirait.
Mais était-ce pour cela qu'il voulait une épouse ? Il lui semblait bien que ce sentiment avait mû sa demande ; mais était-ce son motif le plus profond ? Qu'il parte, qu'il reste, le plus important, c'était cette femme de volonté, de feu, de flammes et de détermination.
C'était cette Motarde, c'était cette Margot, cette Kirah, cette...
C'était Maëlie. Aussi lointaine qu'elles, mais en sa faveur cette proximité, ce lien d'Aristote ; cette confiance absolue, née avant qu'elle ne lui fît peur.

Car Cristòl avait eu peur de Margot. Ces femmes effrayantes, parce qu'il les aimait, et les hissait jusqu'aux cieux, tandis que lui restait figé dans sa banalité rurale.
Maëlie... Il l'avait connue avant qu'elle ne revêtisse cette terreur qui donnait ce jour-là au jeune Sìarr des raisons de fraîchir ses regards. Par elle, il savait que tout n'était que mouvement. Une semaine plus tôt, l'idée de l'épouser n'aurait pas trouvé son cheminement dans l'esprit du jeune homme. Tout était changé désormais.

Il se leva. Il contourna la table.


-« Òc-ben. »

C'était sa filleule. Mais c'était la femme qu'il voulait désormais. Il avait besoin d'elle, pour conjurer le passé et régir l'avenir.

Il s'agenouilla devant elle, lui prit les mains. Les siennes, qui avaient toujours été rugueuses de son passé rural, avaient la fièvre.


-« Ne le faites pas pour me plaire, Maëlie. Mesurez ce que cela implique.
J'étais promis à la fille du Grand Maître de France. J'aurais été Duc, ou plus, me promettait-on. Je... J'avais noué cette alliance pour mon père.
Ce n'était pas mon choix... »


Il chercha son regard, pour continuer :

-« Vous... Vous êtes... vous êtes mon choix. Je... Je ne veux pas... 'sceller pour la vie une erreur'. L'erreur de suivre le vœu de mon père, au détriment de mon bonheur.
S'il est en ce monde une femme qui corresponde mieux que vous, Dòna, à ce que j'espère d'une épouse, je ne l'ai pas encore trouvée...

Si... Si vous aviez à faire un choix, comme je le dois aujourd'hui... Me choisiriez-vous, moi, votre humble ami, avec tant de tourments et de si lourdes obligations à partager ? »

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[Je finis les affaires en cours et je tire ma révérence. Ce fut un plaisir de jouer avec vous tous.]
Maelie
Lorsque Cristòl s'était levée, Maëlie avait spontanément relevé les yeux pour l'observer, comprendre. Puis il s'était agenouillé devant elle et lui avait prit les mains : ce geste, ce contact lui fit à nouveau s'emballer le coeur au-delà de toute raison; le rouge lui monta aux joues tandis qu'elle détournait pudiquement les yeux.

Il parlait du choix de son père, et Maëlie ressentit un profond soulagement, presque physique, lorsqu'il évoqua ses fiancailles... au passé. Ainsi s'en était fini de cet engagement qui détruisait son parrain à petit feu... mais à quel prix ? Il était devenu fou !

Une pression sur ses doigts tremblants lui fit relever les yeux, et croiser ceux de Cristòl, ce bleu et ce marron, si chaud et si froid à la fois... Il lui disait des mots incompréhensibles... Il lui disait qu'il renonçait à des liens qui ne feraient pas son bonheur et qu'il la choisissait elle, qu'elle était ce qu'il attendait d'une épouse. Il croyait... il croyait qu'elle ferait son bonheur ?

Une violente chaleur afflua au visage de la jeune femme, comme ébouillantée. Elle fouillait ses yeux pour y lire un signe, quelque chose, pour la ramener à la réalité... Il y avait toujours un élément qui venait prouver qu'on était dans un rêve ou un cauchemar et qu'on échappait à la réalité; si elle cherchait bien, il allait venir, ce signe, forcément.

"Si... Si vous aviez à faire un choix, comme je le dois aujourd'hui... Me choisiriez-vous, moi, votre humble ami, avec tant de tourments et de si lourdes obligations à partager ?"


La jeune femme se figea. Sans prévenir, un visage masculin, barbu et burriné par la vie au plein air lui apparut : souriant, fort, rassurant. Elle frémit sans parvenir à se maîtriser, transpercée par le regard verron qui lui faisait face. Elle baissa à nouveau les yeux, ses pensées bousculées par une situation dont elle ne mesurait que maintenant toutes les implications.

Si elle épousait Cristòl, elle savait qu'il ne serait jamais véritablement son époux, son coeur perdu avec la mort de la Fleur d'Oc. Elle savait aussi qu'elle le perdrait, tissant elle-même son propre destin en le laissant partir. Si elle l'épousait, elle devrait oublier... oublier tout ce qui n'était pas lui.

Mais si elle ne l'épousait pas...

La douleur qui la traversa fut si intense qu'elle retint son souffle. Elle ne pouvait pas.

Au bout d'un long silence, inconsciente de tout ce qui n'était pas elle et cet homme, qu'elle s'était interdit d'aimer, elle prit la parole.

Oc. Oc, lo voli.

Elle fut elle-même étonnée par la fermeté douce de sa voix, que les tremblements d'émotions rendait presque tendre. Elle releva la tête, fixant Cristòl avant de lui sourire, d'abord hésitante puis avec cette chaleur qui lui était si naturelle.
S'il était fou, elle serait folle aussi.

Lo voli.
Cristòl
C'était lorsqu'elle rougissait que Maëlie était la plus belle, la plus désirable, et la plus contrastée. Ferait-il son bonheur ? C'est une question qu'il ne s'était pas posée. Ferait-elle son bonheur ?
C'était possible... Elle ferait sa fierté et comblerait, dans ce cœur malade, la vacuité des autres. Il lui serait dévoué comme à son âme ; il la chérirait comme il aurait voulu chérir Margot.
Le verdict de Maëlie ne le surprit pas ; non qu'il considérât cela comme acquit, mais un refus bien davantage aurait réveillé son désarroi et son incompréhension.

« Oc. Oc, lo voli. »

Et les accents suavement tendres et enveloppants touchèrent Cristòl au plus profond de son coeur. Il battait, le pauvre, comme un tambour major ! C'était de ces demandes qu'on ne fait qu'une fois dans sa vie, et Cristòl pourtant en était à sa deuxième, et la deuxième acceptation... Mais oncques ne vécut aussi fébrilement un tel moment. C'est à cela qu'il sut, s'il l'ignorait, que le choix était au mieux. C'est à ce débordement d'affection qu'il ressentit soudain pour Maëlie, lorsque pour la seconde fois elle dit : « Lo voli. »

Alors il rit, comme un enfant heureux. Il rit et embrassa avec empressement les mains de Maëlie, ces si douces mains, contre les siennes si tannées par le Méridien.
Comme un fou, comme Hamlet congédiant Ophélia, il congédiait les fantômes dans son cœur.


-« Lo vòli ! Lo vòli ! »

Par ces mots, il était enfin libre de son père, et l'avenir s'ouvrait à lui neuf et beau comme au jour de la Création.
Il se leva, le sourire bien ancré sur son visage. Ô Margot, chère marraine, chère doux objet de mon amour ! Vois-tu comme je suis ton vœu, ô ! Vois-tu que dans le mariage, je serai heureux pour nous deux ?
Il avait encore la main de sa promise dans la sienne.


-« Allons-nous fixer la date dès maintenant, trouver un prêtre, meuna... promesa ? »

Car jamais plus elle ne serait 'meuna filhòla'. C'était un temps à jamais révolu.

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[Je finis les affaires en cours et je tire ma révérence. Ce fut un plaisir de jouer avec vous tous.]
Maelie
Son rire était un rayon de soleil qui lui dilata le coeur : ne serait-ce que pour cela, pour cette joie enfantine qui illuminait enfin à nouveau le visage de son parrain, Maëlie ne pouvait regretter sa décision. Lorsqu'il baisa ses mains, avec cet enthousiasme juvénile tout neuf, Maëlie resserra doucement ses doigts sur ceux de Cristol.

Il se leva, et la jeune femme voulut faire de même, mais fut interrompue dans son geste par la question de Cristòl.
"Meuna promesa". Elle battit à nouveau des paupières pour parvenir à se concentrer sur le reste de ses paroles, consciente du ridicule tableau qu'elle devait offrir depuis son entrée dans ce bureau, jeune femme inexpérimentée soumise à une timidité aussi affreusement soudaine qu'incontournable, engoncée dans une tenue militaire : avait-on idée de se faire demander en mariage en armure ?
Cette idée provoqua une illarité nerveuse qu'elle réprima de justesse.

Il fallait répondre... Mais quoi?


Je...

Je l'ignore, meu p... promés. C'est vous le Héraut, c'est à vous de me dire comment... comment s'épousent les nobles.
Doit-on faire quérir quelque témoin ? Y a-t-il un protocole à respecter ? Ne faut-il pas d'abord... eh bien... briser vos liens précédents ?

L'image d'une jeune femme, que l'on disait blonde, la traversa, suivie de celle d'une défunte en blanc, allongée au regard de tous... Tous les liens pouvaient-ils être rompus ? Balivernes...
Et comment réagiraient les membres de la famille du Grand Maître de France ? Et le Roy lui-même, n'en prendrait-il pas ombrage, puisqu'il s'agissait de la fille de sa bru ?
C'était folie. Tout ceci n'était que folie, et demain, Cristòl reprendrait sa parole. Mais aujourd'hui encore, elle se devait d'être folle avec lui.

La hâte dont faisait preuve Cristol la mettait mal à l'aise : avait-il peur de quelque chose ? Ou avait-il déjà si hâte de la quitter ?
Cette idée la fit légèrement pâlir, faisant refluer la rougeur de ses joues et lui rendant un teint à peu près normal, de sorte qu'on eut pu croire qu'elle reprenait ses esprits, or qu'il n'en était absolument rien.


Je ferai ce qu'il conviendra de faire, mais je vous en prie : ne prenez pas de hâte qui puisse vous porter préjudice.

Elle se leva, faisant cliqueter son arme dans son fourreau, ce qui la fit légèrement grimacer, puis s'approcha, un peu, à peine.

Serai aqui, costà. Coma ai promés. Fasètz çò que devètz fàser.*
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*en espérant que ça veuille dire quelque chose
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