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[RP] Le refuge

Fablitos
Temps qui s’coagule. Il dérêve, dérive à l'infini… Tourmenté…Torturé. Il s'imagine en ombre vaporeuse, âme anonyme, érrante et silencieuse… Tourmenté… Dépouillé. Exigeant l'immortalité et r’fusant de r’tourner peu à peu vers la face cachée d’la nuit. * Un pas, une canne, l’andalou atteint enfin l’mur de la masure. Il s’y adosse. Son visage est sombre et immobile. Ses pommettes saillantes sous une peau mate donnent l’impression d’se r’trouver en face d’quelque statue taillée dans du grès. Le r’gard comme une forêt obscure, il enfile son masque de pierre. En fait, d’manière inéluctable, précédée de gliss’ments insensibles, une force invisible mais rebelle, comparable à l’avancée d’un nouvel ordre tectonique, émerge sous le manteau d’une âme minée par l’inquiétude, l’angoisse et la colère. Doucement, lui reviennent en mémoire les pièces manquantes du puzzle… Il faut qu’il sache.

Hey… hey, j’suis là… ça va aller…

Il se tourne vers le murmure, aperçoit que Natt est à ses côtés, inquiète, une couvrante sur l’bras et adresse à la brunette les seuls signaux un peu humain qui sont à sa portée dans l’instant, un pâle sourire d’circonstance et une main tendue. Elle lui couvre les épaules, leurs deux visages sont alors si proches qu’ils risquent de basculer dans l’tumulte et l’émotion. L’andalou noie sa figure dans la cascade de ses cheveux et s’emplit de son odeur.

Viens, faut pas que tu restes là à geler, viens on rentre… allez, écoute ton infirmière personnelle…

Réfugié au creux d’ses pensées foutraques** il sent ses muscles s’contractés alors qu’elle lui enserre la taille pour l’emmener rejoindre l’intérieur d’la bâtisse. La durée du trajet qui le ramène sur sa coche de paille lui échappe totalement. Le taureau lutte avec acharnement contre quelque chose qui perle et grandit à l’intérieur de sa cage thoracique. Adosser au mur, les g’noux r’montés sous l’menton il se sent paumé.

Tu veux m’en parler ? Me dire ? M’expliquer ? Me dire ce que je peux faire pour t’aider ?

D’un coup, les incertitudes liées à son questionnement deviennent trop lourde à supporter. L’andalou lève son r’gard vert sombre vers la brunette accroupie d’vant lui et l’plante dans ses grandes prunelles effarouchées. Il déglutit longuement, essayant de chasser la boule qui squatte sa gorge serrée.

T’sais, lui confit il en proie au remords, j’ai b’soin d’savoir c’qu’il est advenu d’ma mioche. J’m’en veux terriblement d’pas avoir su la protéger. J’l’ai pas vu là-bas… dans l’auberge… j’pas vu sa mère son plus, tout comme l’colosse… Sa voix tremble. Il incline soudain son visage halluciné. Ses yeux danse. Ses machoires grincent. Bordel j’l’avais pourtant bien laissé auprès d’toi et d’Aphélie après les premiers combats… Puis, y’en a d’autres aussi qu’j’ai pas aperçut… Faut qu’je sache.. tout… dis moi et m’caches rien… s’il te plait. L’incertitude est la pire des souffrances.

Les mots s’nouent dans sa gorge. Toute énergie r’tombée, il s’laisse rattraper par un sanglot long et prolongé qui lui secoue tout le corps. La colère le r’prend, l’impression qu’personne au monde à part elle ne peut comprendre l’intensité de ce qui l’accapare tout entier.

Où est l’mal ? Où campe l’irrattrapable ? Où est la logique du désastre ? P’tain ! j’essaie d’réfléchir, j’essaie d’faire passer un peu d’bon sens par la fente d’la raison qui m’reste…

Poings fermés, il se laisse retomber contre le mur et s’essuie le front. Le thorax soulevé par une quinte de toux, il tousse longuement. Puis, il n’bouge plus, l’orage est sous sa peau. Tant de vies englouties ! Tant d’espoirs brisés ! Il lutte contre l’impasse d’une situation qu’il ne sait pas dénouer, appelant à l’aide la brunette qu’il fixe avec les yeux rougis.

* un grand merci à Mr Hubert-Felix Thiéfaine pour l’intro
** Copyright Bireli 2008

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Nattascha
Elle sent son cœur fondre devant les larmes de l’Andalou qu’elle avait connu si fort, si éclatant de confiance avant la bataille.
Cette bataille là, la seule qu’ils aient vécue ensemble semblait l’avoir démoli autant qu’elle avait pu l’être quelques jours auparavant.
Elle vient s’asseoir tout près de lui, lui attrape une main blanchie aux jointures tant il met d’énergie à la fermer, et s’arrache de force, un sourire qui se veut rassurant. La main est caressante pour celle qui se ferme, comme Lui voudrait peut être se fermer à ce qui l’entoure.

Garder ce sourire à tout prix, quoi qu’il lui en coute. Avant même qu’elle parle, il faut qu’il sache que la situation n’est pas si grave qu’il l’imagine.

Ne cherche pas de logique dans tout ça, il n’y en a pas. Il y a eu le sang la douleur et les larmes, mais pas de logique où que ce soit. On a fait ce qu’on estimait juste de faire. On a perdu Fab, mais la tête haute.

Libertaa est vivante, inconsciente mais vivante. Je pense qu’elle s’en sortira. Je n’ai pas eu le temps de m’approcher d’elle, tu es arrivé avant que je puisse faire quoi que ce soit. Et…
Sourire gêné, mais qui se veut tendre… Tu étais ma priorité.
On ira s’occuper d’elle si tu le souhaites, mais ne t’inquiètes pas, de bonnes petites abeilles veillent sur tout le monde en bas.

Yeux qui se baissent sur la main qu’elle tient, sourire qui cette fois ne se fait plus forcé en pensant à tous ceux qui ont survécu… elle poursuit. Ne pas le laisser s’inquiéter pour les autres, ne pas lui laisser le temps de ruminer…
L’colosse à survécu, tu sais comme il est costaud le bougre. N’allait pas se laisser abattre par quelques petits coups de lame. Je crois qu’Aphélie s’est occupé de lui comme il fallait. Il doit maintenant être quasiment sur pieds. Et apte à une petite castagne de détente... Enfin j’imagine.

Sourire qui s’élargit au souvenir de la petite chicane qui l’avait opposée au colosse un soir d’automne dernier.

Mais un léger soupir vient remplacer ce qui devait illuminer ses yeux quelques dixièmes de secondes plus tôt.
Mal va bien. Physiquement j’entends. J’me suis chargée de le recoudre un soir en tav où il m’énervait avec ses tripes à l’air… Moralement, il semble que quelque chose se soit brisé en lui. Mais tu le connais, il ne parle pas… pas moyen de savoir. Il me fait beaucoup de peine tu sais… Il se retranche on ne sait où. En fait, à part qu’il est vivant, pas moyen de savoir quoi que ce soit.

Baile, Nea, Linon sont en soins intensifs à l’auberge aussi. Vivantes.
Selene… l’Bire et aye. J’sais pas où ils sont.

Epaules qui se soulèvent imperceptiblement. L’impuissance est là aussi… ne pas savoir.

Je crois qu’Aphélie est partie, ou ne pourra plus lutter bien longtemps contre ce besoin qu’elle a de retrouver Bireli. Et puis dans un murmure…. Comme je la comprends…

Ermy, alors Ermy je ne suis sure de rien. Il y a des bruits au village qui disent qu’elle aurait été récupérée blessée par un noble du coin, ou je ne sais quoi. Pas plus de nouvelles non plus à part ces bruits qui courent et dont on ne peut jamais être sur.

La mauvaise nouvelle reste à venir… peut être aurait elle dû commencer par là. Trop tard, le mal est fait.
Doucement elle se lève.
Bouge pas, je reviens…
Doigts qui se détachent lentement des siens, lèvres qui se posent sur les siennes rapidement mais tendrement… besoin de faire une pause, de prendre l’air, d’envisager la manière dont elle lui annoncera.

Elle sort rapidement de l’antre et retourne là où la gamelle attend au sol, à moitié vidée de la neige qu’il avait ramassée.
Non elle ne le connaissait pas bien, oui, elle n’avait eu que peu l’occasion de discuter avec lui, mais oui, aussi… elle avait eu le temps d’imprimer dans sa mémoire ce visage qui, pour le même honneur, le même combat, la même bataille, s’était fermé à jamais au monde des vivants.
La gamelle est remplie à nouveau de neige, et lentement, ramenée sous le bras dans la pièce où il est toujours assis contre le mur, perdu dans ses pensées.
J’ai un peu d’herbes pour infuser d’la tisane, j’vais faire chauffer de l’eau et on va s’faire ça pour se remettre de nos abus d’hier soir.
Tenter, par quelques mots innocents, de se sortir de ces ombres qui obscurcissent leurs esprits.

La gamelle est posée sur le feu qui faiblit maintenant… quelques buches sont ajoutées et après avoir pris une grande mais discrète inspiration, elle revient s’asseoir près de lui.
Lui annoncer ça en le regardant dans les yeux, elle ne peut pas… Le lui annoncer tout court, elle aurait aimé ne pas avoir à le faire. La main est reprise tendrement.

L’un de nous ne se relèvera pas Fab.
Doigts qui enserrent les siens pour lui donner un peu de sa force…
Evan’s…. Evan’s n’est plus. Je n’ai pas de mots pour te le dire sans te faire de mal. Quels que soient les mots, tu souffriras de ça, et... je… enfin j’ai pensé que… qu’il fallait mieux que je te le dise clairement. Je suis désolée, vraiment désolée…
Doigts qui restent mêlés aux siens mais qui lentement se desserrent. Tout est dit. Que peut-elle faire de plus sinon attendre dans l’angoisse sa réaction.
Elle se sent mal d’avoir eu à le lui annoncer elle-même, elle se sent petite de n’avoir su aider Li à sortir de son inconscience, elle se sent coupable… ça recommence… comme aux premiers jours… moins puissant certes mais d’autant plus clair qu’elle n’a plus les idées embrouillées par la fièvre.
L’envie, dévorante, de fuir ce village qui porte les stigmates de toutes leurs souffrances l’embrase à nouveau.

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--Emile
Dans le même temps. Au village.

La lumière du jour se faisait différente, et les yeux, peu habitués le reste de l’année à une telle luminosité se faisaient plissés.
Oh bien sûr il en avait vu des chutes de neige, année après année… mais ses yeux clairs, chaque fois, mettaient un temps fou à s’accoutumer à ce miroitement qui brulait la rétine et faisait larmoyer le gris clair de son regard.
Bottes aux pieds et mantel sur le dos, il faisait le tour du village pour dénicher tout ce dont la brunette et son compagnon auraient besoin.
N’était pas pauvre l’Émile, mais il était seul. Tout ce qu’il avait gagné au long de sa vie, accumulé avec les ans qui passent, c’était pour lui. Sa femme avait pris folie suite au décès de leur fille et s’était jetée dans la Charente, un soir de juillet. Il avait sa boutique, ses mulets, ses paniers… mais c’était tout.
Les amis, parfois peinaient à nourrir leur famille, et toujours l’Émile était là pour un coup d’main.
Lui, jamais ne demandait aide. De quelle aide aurait il pu avoir besoin d’ailleurs ? Se nourrir, faire tourner sa boutique, c’était sa vie. Rien d’autre pour occuper ses pensées que les souvenirs. Sa bambine, son Hermine, son Eloïse, son épouse… ces corps qu’on lui ramène à quelques jours de distance.
D’autres seraient devenus fous, mais lui… habitué à la mort depuis sa tendre enfance, avait, au plus profond de lui cette capacité de survivre malgré tout.

Quoi que la vie réserve, il fallait se battre pour vivre. C’était comme ça qu’il voyait les choses. Alors quand il avait vu la p’tite brunette, tiens, lui avait encore jamais d’mandé son nom…. Quand il avait vu la p’tite brunette prête à baisser les bras, il s’était dit qu’il n’avait pas l’droit d’la laisser faire. Et il ne regrettait pas.
Elle avait cette chevelure noire de jais qui lui rappelait son Hermine, et elle avait semblait-il ce caractère impétueux qui lui faisait se souvenir d’Eloïse, lorsqu’il omettait de se plier à ses devoirs de père et d’époux.
Il l’aimait bien c’te gamine… ben oui pour lui c’était une gamine.
Voulait pas s’mêler d’sa vie, ça le regardait pas. Voulait juste l’aider à s’en sortir. Qu’elle ne se sente pas seule, comme avait dû se sentir seule sa fille, sur le bord de cette maudite route.

Le cheval de son ami Louis était affublé d’une charrette, pleine de paille pour l’canasson du grand brun qu’avait l’air d’avoir volé le cœur de la brunette. Y’avait qu’à voir comment elle le t’nait contre elle l’autre soir… le r’gard assassin pour quiconque aurait posé la main d’sus.
Bah… tant mieux si elle était heureuse. Une raison d’plus pour qu’elle ait envie d’avancer.

Pensées faisant, il avait fait le tour de quelques boutiques et fait le plein de légumes, d’un peu de viande, de quelques miches de pain. Un apothicaire lui avait vendu de quoi faire des bandages et des soins, et des tisanes qu’il connaissait bien pour s’en être servi lui-même du temps où il combattait, pas forcément du bon côté d’ailleurs.
Restait l’avoine pour l’cheval à prendre et à prendre le chemin de leur refuge… Ce qui fut fait séance tenante.

La neige maintenant en quantité considérable sur le chemin n’aiderait pas à avancer… mais l’bourrin était costaud et mènerait le chargement à bon port. Et l’Émile avait dit qu’il s’occuperait de tout. N’avait qu’une parole, le vieux.

Un cri déchirant vint lui titiller les oreilles alors qu’il montait le chemin, difficilement, mais qu’il le montait.
Ça v’nait de là haut… bordel s’passe quoi ? C’était une voix d’homme… les rênes furent claquées sur le dos du cheval devant lui… mais rien à faire, pouvait pas aller plus vite, trop d’obstacles, trop de neige. Si c’était lui qui gueulait, s’pouvait bien qu’soit arrivé une tuile à sa brunette.
Bordel c’qu’il détestait l’hiver…

Fablitos
L’andalou ne lâche pas la brunette du r’gard. Ses émeraudes s’assombrissent lentement jusqu’à prendre la teinte d’un ciel d’orage. L’moral et l’physique que lui ont infligé les derniers événements se lisent dorénavant à visage ouvert. L’épreuve endurée a gravé deux rides légères au coin d’ses yeux largement cernés de noir, d’où semble retranchée la saveur d’la vie. Les joues sont pâles et creusées. L’poing noué sur l’manche de sa canne, il se lève, fait quelques pas hésitants, marque un temps d’arrêt et balaie la salle d’un r’gard circulaire. Il recule jusqu’à la paroi du mur le plus proche et y appuie son dos, ressentant le b’soin d’un soutien. Pris d’un vertige, il s’accroupit presque aussitôt et attend à croupetons que l’malaise atténue son effet de tournis.

Une fois ses esprits en partie recouvrés, il fait quelques pas en direction d’l’âtre dans laquelle crépite la flambée régulièrement alimentée par d’nouvelles bûches. Il laisse son r’gard se perdre dans les flammes. Encore un peu perclus par la douleur, frissonnant encore un peu alors que les paroles de Natt résonnent encore dans sa caboche, il est possédé par les deux mêmes idées fixes. Deux idées qui le maintiennent à un degré d’exaltation surprenant malgré le handicap et son état de délabrement physique.

La première a le goût du sang dans la bouche. L’andalou n’envisagerait plus jamais l’avenir tant qu’il n’aurait pas fait payer au prix fort au Poitou, les blessures infligées à son corps et à son âme, infligées à sa mioche et à ses proches… la perte de l’un des leurs…la mort de l’ange libertadien…Se jurant intérieurement d’y faire brûler tout c’que le comté compte d’églises et d’cathédrales… sa façon à lui, d’lui rendre un dernier hommage. Dans trois, six mois ou un an, peu importe le temps qui s’écoulera, il reviendra, plus fort, mieux préparé et n’aura de cesse de continuer le combat tant que la totalité du Poitou ne sera pas en proie aux flammes. Ses prunelles enfoncées dans l’ombre des arcades sourcilières se détachent du rougeoiement des braises et s’mettent à fouiller l’espace comme l’acier d’une lame acérée, un serment susurrer du bout des lèvres, oui, ils paieront tôt ou tard le prix du sang et des larmes.

La seconde, apparemment plus aisée à négocier, consiste à partir à la recherche de sa mioche et d’prendre soin d’elle en attendant qu’on lui ramène sa mère. Il envisage un instant d’partir lui même à la recherche de la lune mais il mesure trop bien le peu de chances qu’il y a de trouver la recette magique qui lui permettrait de se lancer seul dans une expédition à l’issue incertaine. La première des choses à faire selon lui, est de redescendre dés qu’possible à Angoulême, retrouver Liberta, prendre des nouvelles des siens, avec cette idée forte et unique qui est au delà du plaisir de s’revoir, même un peu plus amochés qu’avant, d’unir leurs forces et leurs connaissances, pour les mettre au service de celles qui ne sont pas revenues. Sélène… Ermy… Ayé

Dehors, le jour commence à décliner. Lentement il se tourne vers le visage à demi mangé par l’ombre de Natt qui, restée assise sur la couche de paille, le fixe tristement. Et alors qu’il entrouvre la bouche pour lui annoncer son envie d’aller récupérer sa môme dés le lendemain, le hennissement d’un cheval et le grincement d’un essieu de charrette vient le couper dans son élan.
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Nattascha
Pas un mot lorsqu’il se lève.
Pas un mot lorsqu’il se met à circuler dans la pièce.
Juste…
Des regards qui changent au rythme de ses pensées, qu’elle imagine tumultueuses.
La fatigue qu’elle lit sur son visage n’est pas encourageante. Mais elle sait qu’il la bravera, ainsi que la douleur, s’il décide qu’il a des choses à faire.
Son impatience, cette façon qu’il a de tourner en rond est synonyme de… d’inquiétude, pour elle.
Elle le suit du regard, les yeux accrochés à ses lèvres, espérant en entendre quelques mots sortir. Qu’il pleure, qu’il gueule, qu’il dise quelque chose… elle attend...
En vain.
Alors elle plonge dans ses propres pensées, ne le lâchant pas des yeux. Se demande ce qu’elle ferait à sa place…
Ce qu’elle voulait faire quand elle s’était trouvée dans la même situation que lui. Lorsqu’elle avait appris…
Savoir, voir
Doucement elle se lève et s’approche de lui.
Du bruit à l’extérieur l’avait coupé dans son élan, mais peu importe, elle devine…
Ses deux mains se posent sur le visage de l’être aimé.

On a de la visite. Ça doit être nos victuailles qui arrivent.
Pose-toi deux minutes que je te présente Emile si tu veux bien. Il m’a quasiment sauvé la vie une deuxième fois tu sais. C’est important pour moi que tu le connaisses.
Ensuite, tu feras ce que tu veux… quoi que tu décides… j’te soutiendrai. J’serai là pour toi, ou absente, si t’as besoin de recul…


Le jais qui se mêle à l’émeraude, qui s’y noie. Les lèvres qui s’approchent, tentative pour lui rappeler qu’il y a aussi… du bon ici bas. Et puis pour lui arracher un semblant de sourire, dans un accent à couper au couteau, lui prononcer dans sa langue à lui, deux rares mots qu’elle connait « te quiero »
D’un regard presque suppliant, l’inviter à se poser à nouveau, où il veut, mais prendre le temps de réfléchir…
Je vais aider Emile, je reviens… assieds toi quelques minutes… s’il te plait…
Main qui l’attire vers la paille et l’aide à s’y asseoir.
Je fais vite

Marches descendues en quatrième vitesse, mais il va falloir penser à réduire la cadence, le froid à fait geler sur les marches la neige fondue trainée sous leurs pieds…
Un petit dérapage qui fait circuler le sang en une belle frayeur, et puis la voilà qui se pointe devant l’Emile, sourire presque forcé au coin des lèvres. Impossible d’oublier l’Andalou là haut qui rumine.

Regard qui se détourne vers la charrette pleine. Puis qui revient sur le vendeur de mules.

T’as acheté le village entier ou quoi ?

Rire tonitruant de l’Emile qui lui tend les bras… émotion de la brunette qui voit en ce geste une affection qu’ils partagent maintenant. Elle court s’y réfugier, trouvant là quelque réconfort dans les doutes et inquiétudes qui l’habitent.

Nan j’ai juste pris le nécessaire. D’la mangeaille, c’qu’il faut pour l’canasson, et l’nécessaire pour soigner ton homme. Tu m’aides ? On décharge ça vite fait ? J’m’occupe du ch’val et toi t’emmènes le reste dans tes pénates. Ça t'va ?

Yeux humides qui regardent le vieil homme déjà en train de sortir la fourche pour la paille. Pas possible qu’elle soit émotive comme ça… va falloir qu’elle se soigne là d’sus.
Et puis elle prend les paniers de victuailles, et les monte là où sa vie se fait maintenant.
Sourire qui s’affiche en croisant le regard investigateur de Fab..

On a d’quoi manger pour des… jours

Sourire qui s’atténue, et phrase qui se termine en un souffle lorsqu’elle se souvient que peut être… ces jours là elle les passera seule.
Je retourne l’aider à mettre Viento à l’aise et je te le ramène…Retour dans l’escalier, plus prudemment cette fois.
Trop de trucs dans sa tête qui l’empoisonnent… les soupirs se suivent et se ressemblent.

La paille est quasiment déjà toute sortie de la charrette. On sent qu’il a l’habitude.
Viento a l’air satisfait, qui semble n’attendre que leur départ de son antre à lui, pour se rouler dans la litière toute fraiche.
Un peu d’avoine est versée dans un coin, sur des pierres éboulées mises en forme d’auge. S’il a soif, il ira manger un peu de neige et puis c’est tout…
L’impatience la gagne maintenant… remonter vite et les faire se rencontrer… elle trépigne aux côtés d’Émile qui finit par se retourner et la questionner du regard d’abord et puis…

Mais qu’est c’que t’as à gigoter comme ça ?

Sourire gêné d’être prise en flagrant délit d’agitation et puis main qui se pose sur la manche du mantel et l’attire vers l’extérieur

Allez viens, il est bien là le ch’val, mais oui, il est bien, j’suis sure… viens j’vais te présenter à celui qui m’fait battre le cœur.

Et c’est trainant derrière elle un Émile réjoui par l’enthousiasme qui l’anime, qu’elle remonte à l’étage.

Yeux qui s’allument, heureuse de les faire enfin se rencontrer.

Fab, j’te présente Emile. Yeux qui se posent sur le vieillard. Emile c’est mon sauveur. M’a aidée d’puis que j’suis ici. Vraiment aidée. S’il avait pas été là, ben, isolée dans mon refuge, j’aurais pu crever toute seule sans que personne s’en rende compte.

Sourire qui s’étend en voyant les joues d’Emile rosir un peu.

Mais tais toi donc, tu t’s’rais très bien débrouillée toute seule. Arrête donc d’dire des conneries plus grosses que toi.

Emile, je te présente Fab… prunelles noires qui se posent sur l’andalou, mon… mon autre moi.

Regard gris pâle qui se campe sur Fab… sourire qui s’affiche.
‘Chanté m’sire.. alors c’est pour vous qu’ma brunette a l’cœur qui flanche ? v’z’avez bien d’la chance, sacrée p’tite bonne femme qu’vous avez là..

Et main qui se tend vers Fab…

Faut pas l’écouter la p’tite… si j’fais ça, v’savez, c’est parc’ que moi j’ai perdu ma fille ya pas si longtemps qu’ça. Et qu’celle là, ben… j’voudrais pas qu’y lui arrive la même chose… rien d’plus.

Natt qui découvre enfin le pourquoi de tout ce qu’il fait… ne savait pas qu’il avait perdu sa fille… le regarde maintenant avec de la peine dans les yeux… ce qu’il ne manque pas de remarquer

Me r’garde pas comme ça… j’aime pas la pitié.

C’est pas d’la pitié Émile, c’est que j’viens de comprendre.
Bon, j’vous laisse faire connaissance, j’vous amène de quoi fêter l’moment présent…


Et elle file vers son balcon, les yeux brillants, chercher une bouteille de gnôle, et trace vite fait à l’extérieur laver les verres qu’ils feront s’entrechoquer.

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Fablitos
L’esgourde attentive aux bruits d’l’attelage qui s’approche d’leur tanière, la bouche toujours entrouverte, coupé dans son élan alors qu’il s’apprête à lui faire partager les pensées qui foutent l’dawa dans sa cabeza, l’andalou observe Natt se rapprocher de lui du coin d’l’œil. L’a pas l’air effarouchée outre m’sure la belette, comme si le couinement d’l’essieu et l’bruit des roues faisant crisser la pierraille sous la neige lui semblait naturel, comme si elle attendait quelqu’un. Il ne la quitte pas des yeux, se tournant d’un bloc pour lui faire face, le son de sa voix mettant momentanément un terme à sa douloureuse réflexion. La brunette soutient son regard un moment, puis cille imperceptiblement alors que ses mains viennent encadrer son visage. Il comprend alors qu’aucun danger ne menace leur présence icelieu. La venue de cet homme qui l’aurait aidé et soutenu depuis qu’elle avait jeté son dévolu sur la masure abandonnée semble la réjouir autant que la soulager, lui offrant un intermède dans ce huis clos où chacun a les émotions à fleur d’peau.

L’œil s’allume de nouveau et un vrai grand sourire lumineux vient étirer ses lèvres alors que deux mots prononcés dans sa langue natale viennent caresser ses cages à miel, «te quiero».

Il ferme les paupières, passe les bras autour d’sa nuque, l’attire contre son torse et lui prend les lèvres avec ferveur et emportement, une sorte de désespoir mêlé d’sensualité. Comme elle lui rend ses baisers, la tête en feu, il recule jusqu’au lit de paille, s’y laisse tomber, submergé. Il la regarde alors sortir de la pièce pour aller accueillir son bon samaritain, sa respiration s’fait courte, les yeux brillent, la mine sauvage. Léger pincement au palpitant alors que sa silhouette disparaît hors de sa vue, franchissant le seuil de la pièce en direction des marches qui la mèneront un étage plus bas.

Un vide immense succède au bruit des pas qui dévalent l’escalier. La tête en feu, jambes repliées, enlacées dans ses bras, l’menton posé sur ses genoux, les yeux grands ouverts sur l’écran de ses pensées, l’andalou regarde s’éloigner les corbeaux de ses cauchemars. Ils emportent de la viande plein leurs becs. En l’espace de quelques jours, tout ce qui avait représenté l’espoir d’un moment, l’amour d’un gamine, l’ébauche d’un combat avait sombré. Il sursaute subitement au son d’sa voix guillerette qui vient le sortir de ses sombres songes.

On a d’quoi manger pour des… jours

Tristesse et culpabilité l’envahissent alors aussi brusquement qu’les mots viennent mourir sur ses lèvres, qu’son sourire s’absente de c’visage fait pour l’bonheur et qu’elle disparaît de nouveau dans un dernier soupir. Il se sent coupable de son attitude envers elle qui se démène sans compter jour et nuit pour le soigner, le nourrir, lui assurer le maximum de confort possible. Coupable d’avoir oublié ce qu’elle avait enduré de son côté sans jamais se plaindre, ni osé lui en parler. Coupable de lui imposer ses idées noires et d’se méfier du bonheur qu’elle lui offre. Coupable d’se r’garder l’nombril et d’sombrer dans un état dépressif alors qu’il à tout à portée de main pour s’sentir bien. Coupable de se cacher la vérité… Liberta est saine et sauve, entre de bonnes mains et l’on s’occupe d’elle en attendant qu’il soit de nouveau apte à la prendre en charge ou bien qu’sa mère ne donne signe de vie. Sa mère… La lune… l’âme de Libertad… utopie que de vouloir partir à sa recherche tant de temps après la fin des combats. Comment savoir où la retrouver sans le moindre début de piste, sans aucune direction à emprunter pour la ramener auprès d’sa fille.

Soudain un vent frais de spontanéité, un tourbillon d’gaieté fait irruption dans la pièce en même temps qu’la jolie brunette entraînant à sa suite un gazier d’un âge respectable, bâti comme chêne, et qui forcerait la sympathie d’plus d’un avec sa bonne grosse bouille joviale et enthousiaste. L’andalou se r’met debout, réajustant les pans d’sa chemise à l’intérieur de ses braies, resserrant sa ceinture et frottant ses manches fripées d’la paume de la main, tandis que Natt, le r’gard étincelant et l’sourire r’monté derrière les oreilles fait les présentations. Il s’fend d’un sourire amusé en assistant à l’échange entre une belette qui n’tarie pas d'éloges sur son sauveur et le zigue qui, empli de modestie, minimise la portée de ses gestes. Et c’est alors que monte le rire dans sa poitrine que s’estompe la boule qui lui noue l’bide et que s’envole le voile noir qui l’a envahit d’puis quelques jours.

Un pas, une canne, l’andalou saisi la main tendue et balance entre deux éclats de rire sincère,

Salut à toi Emile ! Ravi d’faire ta connaissance mais si tu veux m’faire plaisir arrêtes de m’donner du messire et appelles moi Fablitos comme le font mes amis. J’ai d’ailleurs un principe de base qui veut qu’j’vouvoie jamais les gens d'entrée, après c’est plus difficile d’se tutoyer si on commence par prendre d’mauvaises habitudes…

J’suppose qu’c’est aussi grace à ton aide que j'me r’trouve ici ? en tout cas soit r’mercié pour tout c’que tu a fais pour Natt et pour moi… Merci d’avoir sauvé ma sauveuse et d’avoir prit soin d’elle comme tu l'a fait jusqu’ici. Sache aussi, qu’maint’nant j’ai une dette envers toi, et qu’tu pourras compter sur mon aide. En cas d’besoin t’fais signe. C’tout.


Léger tremblement à la commissure des lèvres, tentant d’effacer l’sourire qui illumine de nouveau le visage mat de l’andalou alors qu’Emile évoque sa gosse disparue et les raisons qui le poussent à les assister dans l’épreuve qu’ils sont en train de traverser. Fablitos sent monter en lui, un profond respect, une immense sympathie, presque de l’admiration pour cet homme, qui malgré les malheurs qu’il a enduré et son âge avancé, trouve encore le courage d’se mettre au service d'inconnus en souffrance. La pogne de l’andalou vient serrer l’épaule d’Emile, ses yeux s’plante dans les prunelles retranchées derrière les cils broussailleux de l’homme.

J’comprend ça Emile… Merci à toi… sincérement… moi aussi j’ai ma mioche qu’a morflée mais elle a survécue d’après Natt. Elle s’appelle Liberta et elle n’a que cinq ans… cinq ans… Elle est toujours à Angoulême… j’te la présenterais dés qu’nous nous s’rons r’tapés.

Il jette un œil vers celle qu’il apprend à aimer un plus à chaque instant. Après avoir chopé une ‘tanche de gnole remisée sur le balcon qu’elle dépose devant l’tas d’paille, la voilà qui redescend en direction d’la source pour y rincer les verres. L’andalou invite alors Emile à s’asseoir.

J’t’en prie Emile, reste pas debout et profite donc du luxueux confort que nous avons à t’offrir… Mes blessures cicatrisent plutôt pas trop mal et des qu’ça ira un peu mieux, j’te demanderais certainement un nouveau coup d’pogne pour remonter ici quelques pierres, quelques planches et une ancienne porte qui une fois empilées correctement r’trouv’ront une nouvelle vie en donnant naissance à une table et deux bancs… en attendant c’est qu’du rempaillé qu’j’ai à t’proposer.

Nouvel éclat d’rire qui vient ponctuer ses phrases.

Mais dis moi l’ami, toi qui justement habite la ville, peut être pourrais tu m’indiquer où je pourrais trouver une jeune femme brune du nom de Sorianne, c’est à elle que je dois d’être ici aujourd’hui et j’aimerais beaucoup la remercier elle aussi.

J’aurais aussi besoin qu’tu m’indiques l’adresse d’un bon maquignon capable de me vendre une bonne jument. J’aimerais qu’Viento de Abril ai un peu d’compagnie et puis avec deux montures, on sera plus autonomes et ce sera plus pratique pour nous de remonter d’la taverne que Natt à ouvert en ville jusqu’ici.
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--Emile
Natt, s’appelle donc Natt la p’tite brunette qu’occupe ses pensées quand il est au chaud chez lui. Quand y s’demande si elle manque de rien, quand il espère qu’son coup d’main permettra à une vie de s’prolonger dans l’bonheur si possible. En tout cas la sienne, c’est un p’tit peu d’fraicheur et d’bonheur qu’est rentré dedans d’puis qu’il a croisé la môme.

La v’là qui les r’garde d’ses yeux noirs qu’étincellent comme jamais d’puis qu’il la connait, alors qu’ils se serrent la pogne le grand gaillard et lui.

Salut à toi Emile ! Ravi d’faire ta connaissance mais si tu veux m’faire plaisir arrêtes de m’donner du messire et appelles moi Fablitos comme le font mes amis. J’ai d’ailleurs un principe de base qui veut qu’j’vouvoie jamais les gens d'entrée, après c’est plus difficile d’se tutoyer si on commence par prendre d’mauvaises habitudes…

Sourire qui laisse entre apercevoir une dent manquante sur l’côté droit d’sa bouche

D’accord mon gars, ya pas d’problème. J’suis pas non plus pour les délicatesses du genre "vous" et "m’sire". Mais quand j’connais pas, j’fais preuve d’un minimum d’politesse. Ça s’ra donc Fablitos.

A l’air d’avoir b’soin d’causer le grand brun ténébreux.. Pas eu trop l’temps d’finir sa phrase qu’il enchaine…

J’suppose qu’c’est aussi grace à ton aide que j'me r’trouve ici ? en tout cas soit r’mercié pour tout c’que tu a fais pour Natt et pour moi… Merci d’avoir sauvé ma sauveuse et d’avoir prit soin d’elle comme tu l'a fait jusqu’ici. Sache aussi, qu’maint’nant j’ai une dette envers toi, et qu’tu pourras compter sur mon aide. En cas d’besoin t’fais signe. C’tout.

Regard un tantinet teinté de reproche vers la brunette, qui s’radoucit rapidement d’vant le sourire ravageur et les yeux brillants qu’elle affiche à cet instant.

Alors j’t’arrête tout d’suite mon grand. Ya un truc que la d’moiselle a pas l’air de t’avoir dit. C’est que j’déteste les mercis. Et donc qu’ça vienne d’sa belle goule ou d’la tienne, c’t’un mot que j’veux pas entendre.

Et là, il lui explique l’Émile, pourquoi il fait ça… sa gamine, tout ça… montre pas qu’la blessure est encore là. Mais à quoi bon s’apitoyer ? Elle est partie, elle ne reviendra pas. Tout c’qu’il peut faire c’est aller d’temps en temps leur porter des fleurs à sa mère et elle. Peut rien faire d’autre. On peut rien contre la mort. Sinon lui montrer les dents et lui faire comprendre qu’elle devra s’battre pour gagner la partie.
Main compatissante qui s’pose sur son épaule. Comme l’avaient fait ses potes à l’époque des drames. S’sent gêné, a pas l’habitude qu’on s’occupe de c’qu’il peut bien ressentir.. Et puis des mots qui sortent de la bouche du voleur de cœur de « sa » gamine.

J’comprend ça Emile… Merci à toi… sincérement… moi aussi j’ai ma mioche qu’a morflée mais elle a survécue d’après Natt. Elle s’appelle Liberta et elle n’a que cinq ans… cinq ans… Elle est toujours à Angoulême… j’te la présenterais dés qu’nous nous s’rons r’tapés.

Lève ses yeux vers celui qui vient d’partager avec lui un pan d’sa vie..

T’as une gamine ?
Regard vers la brunette partie fouiller sur son balcon

Avec elle ? mains qui se lèvent en signe d'excuse
C’est pas mes oignons après tout… mais j’me dis qu’si elle avait eu une gamine, elle s’rait pas venue s’enterrer ici toute seule.
Toi, dis-toi qu’ta gamine est vivante. T’as cette chance là. Ne va pas t’pourrir la vie avec les conneries autour. Elle est vivante, faut la soigner, et d’après c’que j’sais yen a qui s’en occupent. Faut pas croire, l’Émile y s’tient au courant. Si après tout c’temps ta gamine est encore d’bout, elle le restera.
Et j’s’rai content d’faire sa connaissance quand elle rigolera à nouveau d’son p’tit rire de gamine.

Regard qui suit la môme qui sort avec des verres.
En attendant, si j’peux t’donner mon avis hein. T’en as une là qu’a pas cinq ans et qu’a pas eu d’mains pour la secourir ou la cajoler d’puis que j’la connais.
Alors même si elle fait sa braviote, te fies pas aux apparences. J’ai appris à la connaitre. Pas eu beaucoup d’temps pour ça, mais j’suis pas d’la dernière averse de neige. S’pourrait bien qu’y’ait des choses qui couvent là d’sous.


Invitation est faite de s’poser un moment histoire d’faire mieux connaissance. L’a l’air gai le bonhomme. Et son rire est communicatif. L’Émile s’prend au jeu du palace en ruine et fait semblant d’chipoter sur l’endroit où il va d’voir poser son derrière. Puis au final se veut rassurant

On s’en fout ça mon gars du confort, c’qui compte c’est la chaleur qu’tu trouves quand t’entres quelque part. t’peux aller chez des nobliots et t’sentir mal dans la soie et l’cachemire.. Rien à foutre moi du luxe.

s'inquiète un instant sur l'état d'son cerveau l'Emile, est pas sûr de s'rappeler tout c'qu'on vient d'lui d'mander... s'gratte le sommet du crâne et O magie, les souvenirs reviennent. vraiment magique le coup de s'gratter entre deux mèches. avait noté ça d'puis bien des années. et à chaque fois ça fonctionnait.

Pour c’qu’est d’ta table.. J’pense à un truc mais faudra que j’voie ça d’main quand y f’ra jour. J’peux rien t’promettre, mais au pire on f’ra avec une porte comme t’as dit. J’me débrouille bien d’mes mains. Alors si vous avez l’intention d’trainer un peu dans l’coin, ce s’ra avec plaisir que j’t’aiderai à vous meubler p’tit à p’tit.


Sourire au coin des lèvres… la verra ptête plus longtemps que prévu avancer dans la vie sa brunette..

Pour c’qui est d’ta sorianne là. J’la connais pas personnellement mais m’semble qu’elle a une boutique de tissus ou d’sapes, j’sais pas quoi sur la grand place du village. J’peux pas t’en dire plus parc’ que j’en sais pas plus. Toute façon des tisserands yen n’a pas des masses à Angoulême. Tu peux qu’la trouver.

Jette un regard autour de lui et s’dit qu’effectivement ils n’ont pas grand-chose… r’marque même que la paille du plumard commence à s’écraser et qu’il faudra en ram’ner un peu pour autre chose que l’canasson.
Qu’est c’qu’elle fout la môme dehors là avec ses verres ? L’est partie les faire expertiser chez l’joailler du bled ou quoi ?

S’lève pour aller à sa rencontre, voir si ya pas des fois b’soin d’un coup d’main et se r’trouve nez à nez en haut de l’escalier, avec une sauvageonne aux joues rougies par le froid, souriante comme pas possible. S’en retourne donc, souriant lui-même s’asseoir près du feu où Fablitos est posé aussi…
Nattascha
Nouveau passage dans l’escalier devenu dangereux, faudra faire gaffe quand Emile redescendra, l’est peut être pas branque mais n’est pas non plus de prime jeunesse.
Et puis la neige sous les bottes. Craquement pur dans le silence entourant le repaire.

Descendre jusqu’au ruisseau et laver ses verres. Quelle meilleure excuse aurait elle pu trouver pour s’esquiver un moment ? Des godets elle en avait en quantité depuis son détour par le marché il y a quelques temps.
Elle avait bien vu au moment de déposer les victuailles, le regard de son Andalou, dans le vide, perdu. Elle sentait bien à son silence que ça n’allait pas. Elle pensait savoir quoi, mais se sentait impuissante face à ces douleurs là.
Comme souvent pour elle, se remettre en question, calculer la valeur qu’on a en fonction de ce qu’on peut apporter aux autres. Et se trouver minable. Panser les plaies elle pouvait faire, à sa manière certes, mais elle pouvait faire. Réchauffer, trouver de quoi se nourrir, une litière pour s’endormir aussi… elle avait réussi grâce à Émile à survivre et réussirait à faire se relever son Andalou. Physiquement tout du moins… mais moralement. Elle ne pouvait rien faire et se rongeait de cette impuissance.
Ce sentiment d’incompétence s’était ranimé lorsqu’elle avait cette fois encore, croisé son regard chagrin. Et elle se le trainait depuis comme un poids terrible. Bordel pourquoi elle ne pouvait pas être comme tout le monde et s’en foutre de c’que les autres ressentent ? Pourquoi une larme sur un visage ami… ou aimé lui transperçait le cœur à ce point ? Fallait qu’elle évacue, là, à l’abri des regards.
Arrivée au ruisseau, les verres furent lavés en un tour de main puis posés près d’elle, sur une souche dont elle retira la neige accumulée.
Quelques minutes, elle avait quelques minutes pour laisser s’échapper de ses yeux cette peine qui lui oppressait le cœur et l’âme.
Savait toujours pas où se trouvait Selene, peut être bien en besoin d’aide quelque part dans ce froid. Savait pas aider la petite Li à sortir de sa léthargie, la faire enfin sourire à nouveau. Ne savait pas non plus comment faire sourire Mal, perdu dans sa mélancolie. Savait pas comment faire comprendre qu’elle gueulait parfois pour faire entendre son besoin de voir ses amis rassemblés, mais qu’elle n’était pas mauvaise. Ne savait pas, surtout, comment rendre le sourire à son Andalou. Puis ne pouvait pas de toute façon. Avec la meilleure volonté du monde, elle ne pouvait effacer les images imprimées, les souvenirs douloureux, les craintes de l'avenir... rien. elle ne pouvait rien faire.
laisser couler... juste laisser couler..
peut être était elle faite pour vivre à l'écart d'autres humains. ou alors les rencontrer seulement pour les découper en morceaux, mais peut être pas assez forte pour voir sur les visages autre chose que la joie et le bonheur.

Un peu de neige au creux des mains, passée sur le visage pour effacer les fils salés laissés sur ses joues, quelques grandes respirations pour permettre au cœur de reprendre un rythme normal, et afficher un sourire de circonstance avant de les rejoindre. Allaient finir par se demander où elle était passée. Remontant le chemin elle les entendit discuter, elle entendit même Fab rire. Maigre encouragement, mais encouragement quand même.

Un nez à nez avec Emile faillit lui faire lâcher les verres en haut de l’escalier, mais les surprises à cet endroit de la pièce, elle avait déjà donné. Et son sourire s’agrandit en voyant les deux hommes se rejoindre près du feu. Elle suivit le pas de l’ânier et vint s’asseoir tout près de son autre elle-même, jetant dans l’émeraude un regard plein de tendresse.

Alors ? Vous avez fait connaissance ? C’est bon ? On peut fêter ça ?

Et d’une main légèrement tremblante, emplir les verres et lever le sien à ce qui les lierait une fois pour toutes, tous les trois.

A nos rencontres, à Émile pour tout le bien qu’il fait, à Fab… regard qui se pose à nouveau sur lui, cœur qui comme chaque fois s’emballe… A Fab, tout simplement pour ce qu’il est.

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Fablitos
Les yeux rivés à ceux de son vis-à-vis, il devise tranquillou avec l’Emile. Même si aucune trace visible d’faiblesse ou d’tristesse n’apparaît sur le visage monolithique d’l’ancien, l’andalou comprend dans leur échange réduit à quelques phrases et ponctués de longs silences, qu’le gazier aussi a morfler. Sa femme, sa fille n’était plus. Encore des vies sacrifiées inutilement… Les braies en godille, les traits accusés comme ceux d’un vieil homme, Emile ouvrait les vannes de son amertume. Son r’gard fatigué s’égare un moment dans les yeux de jade qui le fixe. Seules ses prunelles entretiennent un reste de joie de vivre, et ça, l’taureau l’avait décelé quand il avait vu son r’gard se poser sur Natt. D’l’amour à r’vendre il en a l’vieux, c’est certainement pour ça qu’il avait prit la brunette sous son aile, donnant d’son temps et mettant tout en œuvre pour qu’elle n’manque de rien… pour qu’ils n’manquent de rien d’puis qu’il s’était incrusté dans la tanière.

Sagement il écoute Emile lui confier une partie de sa vie sans l’interrompre, acquiesçant de la tête en réponse à certaines phrases, faisant sien les conseils qu’il lui donne ou les réponses qu’il lui apporte, souriant d’sa mine chafouine alors qu’il refuse tout remerciement et d’sa surprise qui s’affiche sur sa trogne alors qu’il demande si Natt est la mère de sa fille. Une gamine et une brunette en liens communs au vieux et à l’andalou, deux êtres qui les rapprochent l’un et l’autre. De l’amour de l’une à l’angoisse pour l’autre, c’tout une confiance qui s’ancre entre les deux hommes. Nul besoin d’ajouter des paroles au r’gard échangé pour comprendre qu’il ne sont pas si différents l’un de l’autre.

Il regarde l’ânier se relever, inquiet d’ne pas revoir Natt pointer son museau après un laps de temps qui, avec le recul, peut sembler un peu trop long pour rincer trois godets à la source. Lorsqu’il aperçoit enfin la brunette qui emboîte l’pas d’Emile, entrer dans la pièce les verres à la main, l’andalou laisse échapper un p’tit râle de contentement. Apparition gracieuse, elle file aussitôt comme un trait le long du mur en pierre de taille. Elle s’irradie d’une couleur dorée éblouissante au passage de l’âtre, paraît s’évaporer au contact de la lumière, et, l’instant d’après, il referme ses bras sur la charge d’un corps tiède et palpitant qui vient d’se lover contre le sien.

A nos rencontres, à Émile pour tout le bien qu’il fait, à Fab… r’gards qui s’croisent, émeraude qui plongent dans l’abîme anthracite, palpitant qui manque une paire de battements dans l’affaire… A Fab, tout simplement pour ce qu’il est.

En proie à une vive émotion, touché par les paroles prononcées par celle qui trove petit à petit s’pose en certitude dans son cœur et dans sa tête, l’andalou avale sa salive avec difficulté, lève son verre, appelant les autres à l’imiter et s’adresse à l’auditoire dans un sourire qui étire sa bouche,

J’lève également mon verre… fait sien le jais des prunelles qui le fixe, A toi… Natt, pour tout c’que tu es… pour ton travail d’orfèvre sur mon corps, mon cœur et mon âme… A toi, l’Aiglonne du fil-aiguille, Princesse du désinfectant, Patronne d’la bande à velpeau… s’marre un peu et reprend plus sérieusement, faisant fi de la présence d’Emile à côté d’lui… A toi, qui m’a ouvert les yeux, j’ressens maintenant cette joie profonde qu’tu m’voulais ! s'tu savais la r'connaissance que j'te porte, combien faut être doué d'amour pour une telle obstination à éclairer mon être et d'y mêler ton existence.

Le destin s’rit d’nos choix, l'humain s’plait à s’mettre des limites et des règles alors qu’la vie pourrait être si simple si chacun d’nous assumait c’qu'il ressent. Moins d’mensonges, moins d’souffrances, juste vivre en simplicité c’que la vie nous offre, surprises bonnes ou mauvaises. S’laisser aller au gré du vent, de ses envies et vivre...tout simplement, vivre


Matant d’son air mutin, les godets toujours en suspend dans les airs, l’andalou vide le sien d’un trait, en quémande un second, en envisage un troisième. L’raffut de l’alcool dans son estomac semble lui procurer un immense soulagement. Ses traits se détendent, un sourire traverse son visage fatigué.
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Nattascha
Bien au chaud dans ses bras, après la fraicheur du ruisseau ou de l’air à l’extérieur… un p’tit moment de bonheur à noter d’une croix blanche.
L’Émile a l’air à l’aise, le regard rieur… il fait plaisir à voir. Elle ne sait pas de quoi ils ont bien pu discuter en son absence mais visiblement le courant est passé entre eux.

Discours enchanteur de l’Andalou, les joues rougiraient sous les compliments si elles n’étaient déjà colorées par le froid supporté quelques minutes en amont. Compliments qu’elle n’estime pas forcément mérités, mais qui réchauffent le cœur. Une main trouve un accès vers la chaleur de sa peau et vient se glisser sous la chemise. Les doigts se promènent, caressent, la seule partie de son dos qui soit accessible discrètement. Épisode intime qui ajoute au sentiment de bien être.
Lui sourire, se pencher et atteindre ses lèvres pour y déposer un baiser qui exprime sa gratitude. Se tourner vers Émile les yeux à nouveau pétillants de bonheur…

Tu comprends pourquoi je l’aime ?
Clin d’œil qui claque vers l’ancien. Main qui se fait plus appuyée contre la peau andalouse.

Regard argenté, souriant qui dévisage Fablitos…
Ouais, m’a l’air bien ta moitié là. L’air d’en avoir dans l’ciboulot. C’pas courant dans l’coin des gars qui réfléchissent
Yeux qui se détournent pour se poser sur elle
Pis c’t’un bel homme faut dire. T’as pas dû passer à côté de c’détail là hein

Vieux os qui se soulèvent doucement, accompagnés d’un léger rire, comme content d’avoir pu charrier un peu sa brunette
Faut que j’file moi les jeunes. Commence à s’faire bien nuit.

Bras qui s’ouvrent pour inviter à une embrassade en bonne et due forme.
Viens là brunette que j’te bisouille avant d’aller dans l’froid.
Main qui se détache de la douceur de la peau hâlée, laissant au passage une petite trace de griffes, juste pour le taquiner, et bras qui viennent se serrer autour du vieillard...
Merci Émile. Et me gueule pas dessus parc’ que j’te remercie. J’ai l’impression que tu ne t’rends pas compte à quel point c’que tu fais nous aide. Alors j’te le redis... Merci Émile.
Doigt qui se pose sur la bouche du vendeur de bourrique histoire de pas lui laisser le temps d’en placer une, et lèvres qui viennent se flanquer sur la joue dans un bécot bien bruyant.
Rentre bien…
Alors qu’il détache d’elle ses bras, une main se tend vers Fab, le sourire éclairé du toujours même sourire.
Content d’t’avoir rencontré mon gars, soigne toi bien, prends soin d’elle et viens m’voir au village si t’as b’soin d’quelque chose. Ta moitié t’dira où m’trouver. En tout cas, t’hésites pas à passer m’voir hein.
Ah pis au fait !!! Pour l’canasson qu’tu cherches, ben quand tu viendras, j’t’emmènerai voir un gars que j’connais bien. Il a d’la bonne bête. Y fournit l’noble du coin en ch’vaux. Te f’ra un prix vu qu’c’est un ami à moi. J’lui expliquerai. T’inquiète.


Dernier regard circulaire sur le repaire,
M'raccompagnez pas les enfants, restez au chaud, j’connais l’chemin.
Dernier coup d’œil en arrière… et les marches sont descendues.

Elle a beau faire sa fiérote, quand elle voit la silhouette d’Émile s’éloigner, un pincement au cœur se fait ressentir. Elle pose ses yeux sur son andalou… faudra qu’on trouve un moyen de le remercier.. je sais pas quoi encore, mais faudra qu’on trouve.

Quelques minutes de silence, durant lesquelles seul le bruit du bois qui craque dans la cheminée se fait entendre, alors que le grincement de l’essieu de la charrette d’Émile se fait de plus en plus discret pendant qu’il s’éloigne.

Elle étale une couverture devant la cheminée et le prenant par la main, l’invite à venir l’y rejoindre. Elle attend qu’il soit assis à ses côtés, le regarde dans les yeux, et l’invite à la parole.

J’voudrais que tu m’parles. De c’que t’as dans l’ventre, dans la tête.
Soupir qu’elle ne peut retenir, qui s’échappe comme s’échappent les mots qu’elle voulait lui dire déjà depuis un moment.

Je sais que t’as plein de choses qui te bouffent, et… garder ça pour toi c’est c’que tu peux faire de pire. J’suis là aussi pour t’écouter et t’aider… mais que tu me dises rien… c’est comme si tu m’tenais à l’écart d’un pan de ta vie. Et j’vais pas te mentir, ça m’fait de la peine que t’oublies que je suis là..
Yeux noirs qui se font suppliants, main qui serre la sienne plus fort…
Parle moi, s’il te plait, parle moi…

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Fablitos
M'raccompagnez pas les enfants, restez au chaud, j’connais l’chemin.

L’andalou regarde Emile sortir de la pièce avec un sourire ému calé au coin des lèvres. Lui plait bien aussi l’ancien… Du caractère, l’cœur sur la main, l’aurais certainement sa place parmi les siens mais on sent malgré tout qu’c’est un vieux loup solitaire dorénavant, l’est plus fait pour vivre en meute l’ancien… et alors, qu’il se demande si la véritable sagesse ne réside justement pas là, émerge à fleur de souvenir, l’image d’une discussion entamée dans une roulotte et poursuivie dans un champ de blé… il entend encore sa voix qui résonne « … mais justement, vivre libre, n’est ce pas justement vivre seul… » Elle lui avait apporté sa réponse… la question demeure…

Les yeux noirs qui glisse sur lui et les paroles qui viennent titiller son esgourde mettent alors un terme définitif à cette réflexion qui refait régulièrement surface dans sa caboche tourmentée. Seul, il ne l’est pas… plus… n’est il pas libre pour autant ? l’andalou remet à plus tard l’idée de trouver la réponse à cette question pour entourer Natt de ses bras tandis qu’au dehors résonne à nouveau le grincement des essieux de la charrette d’Emile.

faudra qu’on trouve un moyen de le remercier.. je sais pas quoi encore, mais faudra qu’on trouve.

Emeraudes qui emprisonnent le temps d’un r’gard, le jais des prunelles aimées… l’temps d’un sourire, l’temps d’un baiser osé sur ses lèvres déposé…

On trouvera…

Une couvrante étalée par terre en guise de divan et une main tendue en invite à la parlotte, pas sur qu’le moment soit bien choisi pour se lancer dans une psychanalyse andalouse…

c’est comme si tu m’tenais à l’écart d’un pan de ta vie. Et j’vais pas te mentir, ça m’fait de la peine que t’oublies que je suis là..

s'manger ces quelques mots balancés dans un souffle à la nuit, direct au cœur, ça claque dans l'bide et dans la tronche... ça décuple l'besoin évident d’rassurer, d’se confier à minima, d’oser envisager un avenir commun…Il s'laisse choir à coté, tout à coté, pose sa tête contre la sienne, serré contre elle, pressant son bras sur ses épaules, embrassant son front…

J’te présente mes excuses, pour cet égocentrisme qu’tu sembles ressentir terriblement… Bien sur qu’tu es là… j’le vois, j’le ressens… j’ai peut être tendance à trop penser que ceux que j’aime le savent, l’ressentent alors même que j’ne l’manifeste pas… Pardonnes moi d’avoir oublier ça… gracias… pour ta patience, ta douceur, ton sourire, tes r’gards, ton rire, pour tout ce qui fait qu’tu es toi…

Il effleure ses cheveux d’la main, son front d’ses lèvres. Inspire. Les mirettes s’allument comme des mèches. La lèvre inférieure est brièvement mordue,

C’qui m’bouffe ? toutes ses choses… L’immobilité forcée, la rumeur, les p’tites occupations médiocres, tout ça m’apparaît comme dans une brume assez lointaine. J’crois que d’puis quelque temps, d’puis qu’je vois mieux v’nir la fin de cette épreuve, une espèce d’indifférence mûri en moi, vis à vis toutes d’ces querelles intestines qui minent le groupe… C’comme ça, c’comme si ça n’me concernait plus.

J’ai l’air de regarder, d’écouter, mais j’suis pas là. J’pense à l’avenir, j’pense à c’qu’il y a d’vant moi. P’tit à p’tit, l’instinct de liberté reprend ses droits. J’la sens v’nir, mon esprit de réveille, ma soif d’agir aussi. J’ai faim d’être libre de nouveau, et l’moindre prétexte, la moindre illusion d’liberté, j’m’emploie à calmer cette faim. J’ai beau m’contraindre, j’suis déjà plus là, dans cette ville.

L’andalou laisse passer quelques secondes, sa main rejoindre la crinière brune y emmêlant délicatement les doigts.

Et tout c’que j’fais en c’moment, tout ce dont j’ai envie est en rapport direct avec cet avenir que j’entrevois. C’qui est beau, c’qui m’rapproche, c’qui m’rend ma vitalité, ma joie, c’est qu’cet avenir est plein d’toi. Pour chacun, l’visage de la liberté peut avoir des formes multiples. Pour moi, ces formes s’fondent en une seule qui a tes yeux, ta bouche, ton âme, ton cœur, ta pensée unie à la mienne…
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Nattascha
Les mots résonnent dans sa tête. Comme ces jours de fièvre passés où elle entendait parler sans pouvoir répondre. Comme une fraiche cascade qui nettoierait tous ces moments si difficiles passés. Le cœur explose dans sa poitrine, faisant battre en tout son être un sang qu’elle serait prête à verser pour lui.

L’émotion est intense, si intense, les mains aimantes et aimées posées sur elle, que c’est les yeux embués qu’elle vient se jeter dans ses bras et le serrer contre elle aussi fort que ses muscles le lui permettent. S’enivrer de son parfum, de sa chaleur, de son souffle… après s’être enivrée de ses paroles. Se sentir « Un » et plus forts pour affronter les jours à venir, les longues journées qui se trainent, les on dit, les regards en biais, les envieux, les mal embouchés… se sentir Forte de ce qu’ils ne sont plus qu’un.


[La bienséance m’oblige à ne pas retranscrire ici les moments de fusion physique qui suivirent la fusion des âmes. Je peux simplement exprimer le fait, qu’ils se sont trouvés aussi à ce sujet là ^^]

Etendue devant la cheminée, le cœur encore palpitant des moments qu’ils viennent de vivre, avec pour seule compagnie le son de leurs souffles qui petit à petit s’apaisent, et ceux de la cheminée qui éclaire et réchauffe leurs corps, elle lui sourit, le caresse des yeux. Comblée de bonheur et d’Amour.
Les siens semblent vouloir se fermer, mais il lutte. Quelques moments volés encore au sommeil qui semble vouloir triompher de lui.
Elle se lève dans un dernier effort, et s’approche de la couche de paille pour y prendre une couverture, puis ajoute quelques buches à la cheminée alors qu’elle revient vers lui.
Poser sur eux cette couverture qui les protègera de la fraicheur de la nuit si le feu se met à faiblir. Venir se lover contre lui, et lui parler. Lui Murmurer plutôt.
Quelques instants, les yeux clos, lui dire ses espoirs qui sont si proches des siens. La fuite, l’envol vers d’autres horizons. Lui, elle… eux.
Sentir contre sa peau le souffle régulier du dormeur, alors qu’elle susurre ses derniers mots. Sourire dans la pénombre. Et laisser venir à elle le sommeil réparateur. Passer un bras autour de lui, faire s’emmêler leurs jambes, associer leurs souffles maintenant paisibles, et s’endormir sur un passé sans plus aucune importance, effacer pour quelques heures la lumière et s’assoupir dans le projet d’un avenir commun.

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Fablitos
[Tanière et peau d’mouton]

L’andalou tend la main au jugé, rencontre une joue très chaude, un cou nerveux, une épaule exquisément ronde, un dos sans l’once d’une impureté. Sa paume court sur la peau. Il repousse la couvrante, glisse à la base d’la clavicule, puis l’autre main vient à son tour découvrir l’grain très doux d’cette peau qui paraît respirer au rythme de ses doigts. Il attire la brunette à lui, doux naufrage des plaisirs, colle son corps au sien, puis plus encore, et il lui semble peu à peu que la poigne qui enserre son cœur s’défait pour toujours.

Il s’rappelle plus très bien comment il avait posé sa main sur sa peau après le départ d’Emile. Il s’souvient juste de son visage contre le sien et du monde sensible qui efface ses formes. Ils parlaient encore quand il avait éteint sa voix d’un baiser. Caresse de v’lors. Caresse de violon tzigane. Caresse de vent.

Il ouvre les yeux et découvre son visage très pur sur lequel l’empreinte des caresses s’lit à peine tant ses traits sont détendus. La respiration, quoique profonde, est lente, mesurée, enveloppant l’extase à v’nir comme un voile indéchirable. Sa bouche est légèrement entrouverte, les paupières closes, sans crispation, et les bras tendus d’part et d’autre de son corps, repose sans effort sur les peaux de mouton qui les protègent de la froideur du sol.

Il s’laisse aller au mouvement que lui-même imprime, creusant l’ventre pour la deviner mieux, restant là puis revenant vers elle, et ainsi l’temps qu’elle se cabre, ouvrant soudain les mirettes tout en souriant, quelques secondes avant d’se rendormir. Il demeure un instant immobile refusant d’la déranger plus dans son sommeil, s’dresse sur un coude pour mieux la voir et balaie de ses doigts une mèche rebelle lui barrant la joue à l’endroit où il a prévu d’poser ses lèvres avant de s’extirper d’leur couche improvisée.

L’andalou lui effleure l’front de ses lèvres, dépose encore un baiser léger sur le coin de sa bouche, prenant grand soin d’pas la réveiller une nouvelle fois. Elle avait tant donné ses derniers jours, elle avait œuvré sans relâche pour réparer son corps et son cœur qu’il s’interdit de troubler plus que ça le sommeil réparateur dans lequel elle se laisse maintenant aller. Avec des manières d’greffier, il se glisse hors de la chaleur d’la couvrante, fait main basse ses frusques j’tées ci où là dans leur l’empressement à les ôter, les enfiles à l’arrache avant de contempler encore une fois la belle endormie et d’se mettre en mouvement vers la source pour quelques ablutions matinales. Dans sa tête bien ordonnées, il a déjà établi son programme d’la journée à v’nir

L’instant d’après, l’fils du vent pénètre dans la piaule d’Viento de Abril, la pogne plonge dans la meule de paille entreposée là par l’Emile et en ressort munie d’un bouchon correct. L’pansage se fait en douceur comme à l’habitude, moment d’agréable communion entre l’andalou et son vieux compagnon d’route. Il vérifie attentivement qu'il n'y a pas d'atteintes sur les membres, au niveau de la selle et du passage de sangle, lui cure les sabots, puis lui passe son harnachement.

[Entre ville et refuge]

Sur le chemin qui les mène à Angoulême, l’andalou repense à la phrase que lui à balancé l’vieux avant d’prendre congé d’eux. Ainsi, l’ancien connaît un maquignon susceptible d’lui vendre une bonne monture à un prix correct. Pourquoi attendre ? il l’aime l’vieux, il a b’soin d’exercice, Viento envie d’une ballade et en plus son vieux pote de Tarbes, l’rouge, doit déjà avoir pointé l’bout d’sa moustache dans quelque taverne de la ville. Il commencerait donc par faire l’acquisition d’une monture pour Natt avant d’faire l’tour des tavernes pour mettre la main sur cette vieille fripouille béarnaise.

A son grand étonnement, le maquignon qu’lui présente Emile n’est pas une vieille crapule comme la plupart de ses congénère et il accepte de lui vendre une jeune pouliche à la belle robe noir corbeau pour un prix plus qu’convenable. Une dernière poignée d’main scelle les négociations et il s’en r’tourne chez l’vieux afin d’laisser Viento de Abril et sa nouvelle copine faire connaissance dans la grange de l’ancien. La tournée des tavernes qui s’en suit ne lui permet pas d’coincer l’rouge chope à la main ou belette posée sur les g’noux, mais d’apprendre au détour d’une conversation surprise dans l’une d’elles, qu’une frangine blessée aurait été amenée pour être soignée sur les terres d’un nobliot local.

La décision n’souffre d’aucune contestation, ses blessures cicatrises plutôt correctement grâce aux soins intensifs d’son aimée, l’physique manque encore toutefois d’endurance et s’fatigue vite, quoi d’mieux qu’une traque à l’Ermynette pour r’trouver la forme ? Une médicastre contactée à l’arrache, deux frangines qui lui tombent comme par enchant’ment dans les bras à un coin d’rue, c’presque toute une armée qui s’contitue dans la grange de l’Emile. Promesse est faite de s’retrouver au crépuscule et au sortir de la ville avec armes et bagages. L’temps pour l’andalou d’remonter fissa au refuge offrir son présent à quatre pattes à son double et d’récuper sa lame ainsi que quelques victuailles.

[D’retour au bercail]

L’andalou est tellement joyeux de renouer avec l’action qu’il tourne en rond comme un loup en cage alors même que sa jolie compagne émerge à peine des brumes du sommeil. D’un coup, il relève un visage r’devenu subitement énergique. D’un coup, il recouvre sa sève. Il s’arrache du grand vide exténuant et flou où il est tombé en même temps que sa compagne d’puis quelques jours. C’est avec une vivacité inattendue qu’il traverse la pièce en claudiquant sur sa canne. Il affiche un sourire résolu, et pose l’cuir de ses fontes dans un coin de la pièce, empoigne un morceau de viande séchée, quelques miches de pain ainsi qu’une bouteille de gnole qu’il fourre rapidement dans les sacoches puis il se retourne vers Natt.

Buenos dias mi corazon, bien dormi ? j’ai profité d’ton sommeil pour aller visiter l’vieux… puis j’suis allé boire un coup en taverne, espérant y croiser l’rouge, mon pote de Tarbes. Et bien, si j’ai pas vu cette vielle canaille, j’ai été l’temoin involontaire d’un conversation fort passionnante entre deux hommes qui m’amène à penser qu’Ermy serait soignée au domaine du Comte d’Aubeterre… J’suis désolé mais j’vais devoir partir m’en assurer… T’sais qu’Ermy reste une amie proche… Mais avant… suis moi si tu veux bien…

D’un geste vif, l’regard espiègle et l’sourire taquin posé sur ses lèvres, l’andalou emprisonne le poignet de sa moitié d’un main à la fois tendre et ferme. Sans lui laisser l’temps d’dire « ouf ! » le voilà qui l’entraine vivement vers l’extérieur de la pièce… les escaliers sont rapidement dégringolés dans un grand éclate d’rire qui résonne contre les parois d’leur refuge perdu. Marquant une courte de pose au pied de l’escalier, il s’retourne vers Elle, picore un tendre baiser sur ses lèvres, s’marre devant son air mi surpris mi inquiet puis lui masque les mirettes à l’aide d’un main. Quelques pas encore, elle devant, lui la guidant en maintenant sa pogne devant ses yeux, les amènent dans c’qu’il est dorénavant convenu d’appeler une écurie. Enfin les doigts andalous libèrent le r’gard de la brunette, lui offrant l’image d’une jeune pouliche noire qui tourne sa tête vers eux.

C’pour toi mon amour ! va falloir lui trouver un nom maint’nant !

Avant qu’elle puisse répondre, il l’attire contre lui, ses lèvres cherchent les siennes et sa langue chaude, forçant le barrage de ses dents, pénètre dans sa bouche. Il l’embrasse avec appétit appréciant le sillage délicieusement parfumé et l’goût merveilleux de ses lèvres. Elle lui sourit avec des yeux d’fièvre et ils s’regardent, livrés à une cacophonie de pensées anarchiques. Ils se sondent, s’étudient à la loupe. Leurs visages sont si proches que chacun n’a qu’une vision parcellaire de l’autre. Leurs lèvres sont gonflées, leurs joues en feu.

Te quiero
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Nattascha
Le corps engourdi, alangui sous la couverture, les paupières encore lourdes de sommeil malgré les heures de repos, elle entendait autour d’elle des bruits, des bruissements, puis des pas… mais semblait incapable d’ouvrir les yeux pour s’enquérir de qui pouvait bien tenir une telle forme. Une main posée près d’elle sous la couverture fit apparaitre l’absence. Son absence. Il devait vaquer à quelques occupations…
Ouvrant à demi les yeux et s’étirant comme une chatte, elle regarde dans la direction d’où provient toute cette agitation.
Puis un sourire éclaire son visage encore endormi en apercevant… Lui. Qui, d’où elle se trouve, semble animé d’une énergie qu’elle ne lui a pas connu depuis bien longtemps. Un moment d’inquiétude cependant lorsqu’elle le voit emplir les poches de ses fontes du nécessaire digne d’un explorateur. Peut être qu’elle n’est pas assez éveillée, qu’elle a oublié quelque chose de prévu, qu’elle a besoin d’un peu de fraicheur pour avoir les idées en place.
D’un coup de pied bien placé la couverture vole sur le sol devant la cheminée.. Un dernier étirement et la voilà en train de s’habiller du mieux qu’elle peut, l’esprit encore embrumé. Ce que les matins peuvent être difficiles !!
Tout en enfilant ses bottes, elle l’entend lui parler, Ermy, partir, pas le choix, amie… et hoche la tête… pas de souci, va mon cœur dit elle doucement, pas consciente vraiment qu’il vient de lui annoncer qu’il va partir quelques temps.
Puis soudain, comme prise d’une urgence, la main aimée vient garrotter son poignet, et la relève du sol sans ménagement. Pour le coup la voilà réveillée. S’passe quoi ? Le feu ? Une armée poutreuse ? Hm ? Rien compris, mais le suit confiante. De toute façon il est plus fort qu’elle… pas le choix.
D’un geste de la main elle ramène dans son dos des mèches de cheveux éparses qui lui chatouillent le visage. Et le suit, il rit, il est heureux, alors elle l’est aussi… sourit, sait pas pourquoi mais sourit. Ça fait tellement de bien de l’entendre rire. L’escalier glissant est descendu sans réfléchir aucunement au risque, bah on s’en fout, on a ce qu’il faut pour soigner au cas où… et puis arrêt brutal en bas.
Nouveau réveil.
Et puis alanguissement encore, lorsqu’il pose ses lèvres sur les siennes.
Pas le temps de s’attarder, il sourit, il a l’œil qui brille.
Elle par contre, commence à se demander s’il n’a pas perdu la raison, et s’inquiète lorsqu’elle voit une belle main andalouse s’approcher de ses yeux, pour les fermer et les masquer de ce qui l’entoure. Confiance, toujours…
Se pressant contre elle dans son dos, il l’invite à avancer, doucement. De mémoire, ils doivent se trouver maintenant pas loin de Viento.
Et justement, c’est là qu’il choisit de s’arrêter, et un à un de retirer ses doigts du visage maintenant vivifié par la fraicheur du jour.
Les yeux de jais s’ouvrent et se posent sur un animal d’une beauté à couper le souffle. Les jambes se font chancelantes lorsqu’il lui annonce soudainement

C’pour toi mon amour ! va falloir lui trouver un nom maint’nant !


Les yeux maintenant grand ouverts, vont de l’andalou à l’animal, puis refont le même chemin. Les mains se posent sur la bouche en un geste de surprise, de stupeur. Le cœur s’emballe. Une main se tend lentement devant elle, pour toucher l’animal et être sure qu’elle ne rêve pas… mais elle n’a pas le temps de l’atteindre que déjà les mains de son autre elle-même la retournent, et que des lèvres gourmandes viennent quémander un baiser des plus fougueux. Baiser qu’elle lui rend dans un oubli total du pourquoi ils sont là, dans le froid. Le simple contact de ce corps contre le sien a le don de l’embraser au plus profond, de lui faire oublier ce qui l’entoure. Les mains se font chercheuses sous la chemise andalouse, le baiser profond, et le corps s’en émeut.
Alors qu’elle s’apprête à l’attirer sur la paille de la chambre de Viento, il retrouve lui, suffisamment de sang froid pour séparer leurs lèvres, lui sourire et poser à nouveau son regard sur celle qui sera maintenant la compagne de Viento.
Oui, elle se souvient…
Se retourne brusquement et pose à nouveau le jais sur l’ébène de la robe animale, et s’en approche doucement, une main tendue vers l’avant. Après avoir questionné son Andalou, elle apprend qu’il s’agit d’une jument. Pas assez proche pour s’en rendre compte elle-même, elle avance cependant un peu plus en confiance.

Un nom ? mais…tu… tu me prends de court.

La main finalement vient se poser sur l’encolure de la jument qui se laisse caresser sans frémir.

Elle est magnifique Fab, je… est ce que je mérite un cadeau comme ça ?

Les mains, maintenant rassurées, caressent, flattent… les lèvres se posent sur un museau frais et si doux, de longues minutes durant. Ailleurs, elle est ailleurs alors qu’elle se trouve en compagnie d’un animal dont elle n’aurait jamais rêvé pouvoir toucher la robe.

Les yeux se tournent enfin vers le regard émeraude qui scintille de bonheur. Comme attirée par un aimant, elle le rejoint et le prend tendrement dans ses bras, lui murmurant des milliers de mercis.
Conscient bien plus qu’elle du froid ambiant, persuadée qu’elle est d’être encore dans un rêve, il l’invite à remonter au chaud et à s’asseoir sur les peaux près de la cheminée. Lui dit son espoir que ce cadeau lui plait, ce à quoi elle répond en se jetant sur lui, le renversant sur la laine au sol et le couvrant de baisers.
Leurs rires font écho dans la bâtisse qui depuis longtemps n’avait dû connaitre pareille liesse.

Essoufflés de leurs jeux et de leurs rires, c’est devant une tisane pour elle, et un verre de « qui ferait tomber les dents si elles n’étaient pas bien attachées » qu’ils trinquent à l’arrivée de la, pour l’instant, sans nom.

Puis le regard de l’andalou s’assombrit un peu. Et il lui dit à nouveau ce qu’elle n’avait pas bien saisi alors qu’elle sortait des limbes du sommeil. Ermy, la nécessité d’aller’ la chercher, l’amitié qui les lie… et puis il lui dit aussi sa crainte de leur éloignement, sa peur que les étoiles qui brillent dans les yeux noirs s’éteigne du fait de son absence.
D’un sourire et de bras qui l’enlacent elle le rassure, lui explique que même s’il devait s’absenter des semaines durant, jamais la lumière qui brille pour lui ne s’éteindrait.
Elle lui dit comprendre, lui sourit rassurante, lui demande de faire attention à lui, s’enquiert du fait qu’il n’a rien oublié.
Elle attend que revienne dans l’émeraude l’étincelle qui brillait tout à l’heure, le taquine du bout des doigts, s’amuse jusqu’à ce qu’un sourire apparaisse à nouveau au coin des lèvres andalouses.
Alors elle lui répète, murmuré à l’oreille, qu’elle l’aime, qu’elle l’attendra. Lui explique qu’elle aura ainsi le temps de prendre en main la jument qu’il vient de lui offrir, et qu’elle sera prête le jour où il faudra partir, quitter ce village qu’elle déteste. Lui rappelle qu’un certain pigeon blanc à col bleu sera leur lien durant son absence. Lui susurre qu’à chaque instant elle sera près de lui, comme lui sera près d’elle. Et l’encourage à partir vers ce qu’il a à faire, sans aucune crainte.

Les quelques heures qui suivirent furent empreintes de chaleur, de fusion de corps qui se brulent l’un à l’autre comme s’ils ne devaient plus jamais se toucher, d’intensité, d’émotions et de plaisirs, qui les laissèrent éreintés, lovés l’un contre l’autre. Inséparables en l’instant.

Bien plus tard…

La nuit commençait à tomber… le regard de l’andalou vint à s’assombrir lui aussi à nouveau. Il lui fallait prendre la route. Rejoindre la fine équipe qui s’en allait chercher Ermy, perdue quelque part au fond d’un château.
D’un regard encourageant, bien que le cœur déchiré, elle l’invita à ne pas faire durer le moment de l’au revoir. Le vit ramasser au sol ses fontes pleines de ce dont il aurait besoin, les poser sur son épaule, et lui tendre la main…
Il voulait qu’elle l’accompagne jusqu’à Viento. Elle tendit sa main vers la sienne, la laissa s’y fondre et le suivit sans un mot. Le moment était difficile, mais inévitable.
Elle le regarda préparer Viento, les doigts se promenant sur la robe de la jument, le cœur serré. Tout se fit en silence. Il ne fallait pas… il fallait qu’il parte le cœur léger. Elle s’approcha de lui, tenta par quelques boutades de lui arracher un sourire. Le coin des lèvres se souleva par instants et elle en fut rassurée.
Puis, une fois Viento prêt, il se tourna vers elle, l’attira à lui et leurs bras se serrèrent mutuellement à s’en faire exploser les muscles. Des « je t’aime » « te quiero » furent échangés sans discontinuer… les lèvres se cherchèrent, se trouvèrent, se goutèrent… puis se séparèrent..

Dans un soupir, il prit la bride de Viento, le sortit de l’écurie, et attira la brunette bras ballants contre lui une dernière fois sans mot dire. Les yeux disaient tout.
Il grimpa sur son cheval, prit les rênes, et dans un demi tour s’en fut dans la nuit vers une aventure dont elle ne connaitrait rien d’autre que ce qu’il lui dirait dans les parchemins qu’il aurait le temps de lui faire parvenir.

Elle regarda le chemin qu’il venait de prendre, bien longtemps après qu’il ait disparu dans la nuit. Puis saisie par le froid, après un dernier regard et une dernière caresse à la jument, monta retrouver les peaux déposées devant la cheminée.

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Nattascha
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Première nuit en solitaire depuis un long moment..
Les peaux devant la cheminée sont froides auprès d’elle…
Une petite virée au village histoire de se changer les idées n’a pas eu l’effet escompté. Bien au contraire.
Les vitres sont parfois trop translucides dans les tavernes.
Peu importe. Une bonne cuite avec Baile et Linon et elle est repartie comme en Poitou. Volontaire et motivée.
Sauf que là… L’absence se fait cruellement sentir.

Les premiers pas avec la jument se sont passés sans trop de soucis… elle est jeune et fougueuse et la cavalière apprécie particulièrement que son destrier ait le même caractère qu’elle. Quelques petites ruades lors du passage d’obstacles auxquels elle ne s’attendait pas, mais c’est à peu près tout.
Les sensations de ce corps musclé et vif sous elle, sont source de plaisirs qu’elle pensait avoir oubliés. Une simple corde en guise de harnachement avait suffi à maitriser l’animal.
Le retour par contre fut plus laborieux…
Une telle cuite derrière les gencives et une jument qui ne connaissait pas encore par cœur le chemin du refuge, c’était un défi en soi… qu’elles relevèrent toutes les deux tant bien que mal.
La cavalière morte de rire en repensant aux rafales servies, à Linon qui s’était écroulée derrière le comptoir et y dormait à présent, ne pouvait forcément pas très bien diriger la jument…
Il est même possible qu’elles se perdirent et firent demi-tour, mais Natt ne pourrait jamais le certifier. Il lui semblait bien qu’à un certain moment elles s’étaient retrouvées dans une cour de ferme pourtant. Qu’un chien les avait même fait sursauter toutes les deux et qu’elle avait failli finir le cul par terre. Mais… réalité ou imagination alcoolisée ?
Bah peu importe, finalement, elles avaient réussi à rejoindre leurs écuries respectives.
La sensation de froid s’était peu fait ressentir tout au long du périple, alcool aidant. Mais une fois posée et remontée dans son logis… un petit feu était devenu nécessaire.
Et ensuite ?
Soupir.
Que faire là toute seule ? Dormir ? Non pas possible, trop bourrée… il y avait bien longtemps d’ailleurs que ça ne lui était pas arrivé.
Envoyer un premier pigeon à son Andalou ? Bah vu l’état, il risquait de ne pas comprendre grand-chose une fois le parchemin ouvert. Pourtant… l’envie d’entrer en contact avec lui par le biais de mots couchés sur le papier la taraudait. Ses craintes à lui devenaient siennes dans l’obscurité.
Et s’il oubliait ? S’il l’oubliait ? S’il… Enfin, elle perçut au fond d’elle, une crainte dépassant celle qu’elle avait pu ressentir au moment où la lame de celui qui l’avait abattue sur le champ de bataille s’était abaissée sur elle.
L’idée de la mort n’était rien comparée à l’idée de le perdre Lui.
Et pourtant, petit à petit des différences se faisaient sentir entre elle et lui. Pas très importantes mais… qui pourraient bien à long terme ternir leurs espoirs et leurs projets.
Elle ne voulait pas y penser… non, juste penser à lui, sa peau, sa chaleur, son regard… ces moments passés ici tous les deux.
Lui écrire oui… lui dire.
A quatre pattes et à tâtons, parce qu’incapable de tenir debout, elle fouille dans sa besace, y cherche un bout de parchemin, sa petite fiole d’encre et sa plume. Puis retour devant la cheminée qui flambe bien maintenant, et éclaire le support qui Lui amènera ses pensées.
Elle s’allonge à plat ventre devant le feu, pose le parchemin devant elle, trempe la plume dans l’encre et se met à écrire.
Des mots tout simples, pleins de tout ce qu’elle ressent…
Et puis la plume se lève, les yeux se perdent dans les flammes. Lui parler de ses craintes qui rejoignent les siennes ?
La tête se pose un instant sur la peau qui la protège du sol, l’esprit se perd dans des moments partagés, des souvenirs récents de bonheur. Un sourire certainement s’affiche qu’elle ne voit pas. Les yeux certainement s’allument d’une lueur qu’elle n’a que lorsqu’elle est en sa présence. Puis se ferment, pour ne plus voir que lui.
Les doigts lentement s’écartent et laissent glisser la plume au sol.
Le parchemin non terminé repose devant la cheminée, attendant les mots qui ne viendront pas ce soir.
Le sommeil a gagné la partie.

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