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[RP] L'inconnu

Cyrielle.
En guise de bruits ambiants, des murmures, des prières; en toile de fond, un haut plafond drapé des fils de la Vierge, des poutres usées et des murs dépouillés de tout, mises à part les images saintes; et en arrière-plan, une femme d'âge mûr à l'air sobre et sévère, s'agençant par le style de son vêtement à l'élément principal du tableau, soit une silhouette frêle et enfantine que l'on nommait, en cet endroit, de la même façon que toutes les autres, Mademoiselle. Aussi celle-ci était affublée d'une robe dont l'allure stricte contrastait pourtant avec la fine dentelle qui lui servait de col, au-dessus de laquelle flottaient de folles boucles d'or et une frimousse dont on remarquait inévitablement les grands yeux bleu profond… Des yeux guettant de près la porte d'entrée. Et si ce tableau s'offrait à un jour apparemment ordinaire de la mi-décembre, c'est qu'au matin, on n'avait à peine attendu que toutes les filles se soient assises au réfectoire pour annoncer le départ imminent de l'une des jeunes pensionnaires du couvent, en l'occurrence, cette petite personne.

C'en serait donc fini de la chapelle, du confessionnal et des dortoirs. C'en était également terminé des prières, punitions et tâches ménagères. Révolu était ce temps où chaque nouvelle lune apporterait son lot de vagissements, de plaintes et de cris de la part des autres pensionnaires. Terminées, les visites au parloir. Elle pourrait désormais mirer les traits maternels à satiété, puisque sa mère s’en venait la chercher. Ne restaient plus que quelques minutes à attendre. Enfin, ce n'est pas qu'elle eut si bien demandé son congé en prières, puisqu'elle doutait encore des avantages de ce bouleversement. Une vie de discipline n'est pas si souffrante lorsque nous ne lui en connaissons aucune autre, après tout. Et en quittant cet établissement, elle perdait tous les repères connus jusqu'à présent, et en quittant ses occupants, c'étaient des amitiés et des minois familiers qu'elle laissait tout derrière, en emportant avec elle de grands secrets, d'intimes confidences et d'innombrables souvenirs, aussi jeunes furent-ils. `

Et ne restaient plus que quelques minutes à attendre. À attendre une mère dont elle ne connaissait rien sinon la voix. À attendre une nouvelle vie, certainement, qu'elle n'avait pas réussi à s'imaginer, malgré toute la créativité de son jeune âge. À attendre l'inconnu, finalement, et à l'attendre debout, les menottes agrippant un attirail trop lourd, trop encombrant pour un si petit être, et le corps courbé, plié par ce poids. Une attente de durée aussi courte qu'interminable, de caractère aussi excitant qu'effrayant, et un esprit bouleversé, angoissé, énervé sous un air paisible et innocent.
Soeli
Piquet humain face à une grande porte en bois massif attendant que ne lui soit offerte l'ouverture lui permettant d'accéder à ce microcosme régit par des lois d'inspiration divine mais ô combien maculées de l'empreinte humaine. Vêtue d'une robe en velours sombre aux teintes bordeaux, elle essuyait sans broncher les attaques du vent venant lui pincer les chaires au travers même des vêtements. Seul rempart contre cet ennemi aux armes acérées, sa cape en velours noir, repoussant, non sans peine, les attaques de cet assaillant invisible. Ses joues mordues par le froid, de même que son nez, affichaient de joyeuses couleurs pourprées tout assorties à sa toilette. On ne pourra pas dire que la Margny ne ce souciait guère de la mode. Encapuchonnée, dissimulant son visage par soucis d'une discrétion et d'une crainte d'être suivi surfaite et surement non avenue. Elle se tenait là, immobile.
La plainte d'un verrou puis celle des gonds annonça l'ouverture soudaine de ce monde hors temps. Un monde renfermant bien plus de secrets que de vérités. Des secrets enterrés, maintenus lâchement par des portes verrouillées et des hauts murs comme pour leur anéantir toute chance de voir la lumière un jour. Les éloigner, les enfermer pour mieux les oublier. Mais aucune prison, aussi dorée soit-elle, ne peut retenir pareil dessous, aussi ignoré soit-il. La porte s'ouvrit sur une veille femme en habit portant autour de son cou la croix aristotélicienne. Cette dernière jaugea longuement et silencieusement celle qui rabattait son capuchon en face d'elle.


Bonjour ma mère.


Souriant, accentuant les nombreuses ridules creusant son visage, elle répondit tout en s'écartant laissant paraître derrière elle un cloitre soigneusement entretenu et aux haies décorés de blanc par le gel.


Bonjour ma fille. Entrez, nous vous attendions. Avez-vous fait bon voyage?

Et la Margny de sourire en retour. Rictus entaché d'un malaise aussi visible que l'excroissance nasale, rouge au demeurant, en plein milieu de son visage. Elle pénétra dans le jardin intérieur. L'autre condamna immédiatement la sortie et se mit en marche en direction du bâtiment grisonnant. Emboitant le pas à celle qui venait de l'accueillir elle répondit dans un murmure:

Bien, je vous remercie. Comment va-t-elle?


Leurs pas raisonnaient dans le silence religieux ambiant, comme si une fois la porte fermée, elles se retrouvaient coupées du monde de façon surnaturelle. Le moindre de leurs mouvements étant comme trahit par les sons auxquels on ne prêtait guère plus de d'attention d'habitude, mais prenant de folles proportions dans ce contexte.


Elle vous attend.

La brune aussi attendait, elle attendait de croiser enfin les prunelles de celle qui, comme elle, quelque part, à l'intérieur devait craindre et espérer ce moment. Les deux femmes franchirent une nouvelle porte, quittant définitivement le ciel azuré pour l'ombre des plafonnages.


C'est par là.


Une autre qui s'ouvrit sur une salle. Une salle dans laquelle une petite fille blonde attendait, chargée comme une mule, les yeux rivés sur une porte désormais ouverte. La jeune femme entra à la suite de celle qui la guidait, pour se sentir finalement aussi seule qu'un chameau dans un désert. Silencieuse, muette, elle admira la petite fille. Détaillant longuement sa crinière blonde, les traits de son visage mais se laissant finalement immerger dans l'immensité de ses iris bleu saphir, tout en essayant de contenir l'océan qui tente de s'échapper des siens.

Cyrielle, ta maman est là, elle est venue te chercher...
_________________
Cyrielle.
Ces précisions futiles s’évaporèrent rapidement entre deux esgourdes qui ne voulaient rien entendre, sinon un verbe, ou alors un simple murmure s’échappant d’entre les lèvres maternelles. Était-ce une expression de tristesse qui se devinait, là, sur ces traits sages, adultes ? Sa compagnie était-elle souhaitée ? Les questionnements allaient bon train. Aussi, nous avions là des lèvres roses de leur jeunesse n’offrant qu’un mutisme obstiné, pendues dans l'attente d'explications qu'elles ne pouvaient s'imaginer; de fines narines trahissant un souffle irrégulier ; un cœur martelant si fortement la jeune poitrine qu’il semblait vouloir s’évader; et des billes aux couleurs de l’océan qui n’en pouvaient plus de fouiller, innocentes, les profondeurs de l’âme qui leur faisait face, complètement mise à nue. Pourtant, cet ensemble juvénile mêlant l’insécurité à la curiosité combattait désespérément contre l’image d’égalité d’âme et d’humeur qu’il souhaitait afficher devant ce visage aimé tout autant que détesté, mais attendu et désiré. C'étaient trop de contradictions et d’incompréhensions se partageant un espace aussi restreint. Cela fit mauvais ménage, évidemment, et les lèvres de se fendre en une grimace difforme, tremblotante, et les mirettes de s’imbiber en vitesse, aussi bien que le nez... Les réprimandes viendraient, pour sûr. Enfin, tel qu’elle en connaissait le caractère plus tendre de sa mère, peut-être en serait-elle sauvée. Et c'est le regard inquiet, implorant, que Cyrielle partit en quête d’un premier réconfort, de son pas bien plus solide que celui d’un bambin, un peu moins que celui d’un grand, et tendant les bras en direction de sa nouvelle tutrice.

La crise de larmes qui suivit précipita les procédures de départ. On eut tôt fait de sortir l’enfant du couvent, de même que ses effets; de signer les formulaires, les documents officiels; de remercier et de saluer la Mère, et une fois que ces choses furent faites, le voyage s’amorça. La petite fut donc témoin impuissant de l’éloignement, puis de la disparition totale de l’établissement religieux, auquel se rattachaient tout son passé, ses cachotteries et ses confessions, à travers le paysage enneigé de cet hiver inhospitalier. Néanmoins, et c’était là un fait heureux : ses pleurs ne se mêlaient plus aux grincements de la neige contre la voiture à chevaux, et c’était plutôt grâce à une maturité et un instinct de compréhension surprenants pour son âge que par faute d’énergie. Quoique les questionnements, bien qu'imprécis, fusaient toujours et tentaient vainement d’être éclaircis. Sans une parole empreinte de pertinence, de sérieux, pas d'explications claires, pas même un indice. La princesse lui faisant face semblait à la fois si triste et si heureuse qu’il semblait impossible de deviner ses états d’âme et son discours à venir...

Une princesse, oui. C’est ce dont avait toujours eu l’air cette femme, au fil de ses visites, drapée de différents tissus, tous aussi riches, colorés et différents les uns des autres. Et cette odeur qu’elle dégageait était également celle, douce et propre, d’une femme de bonne famille, tout comme ses cheveux et ses mains. Toute l’idée que Cyrielle pouvait se faire de la vie qu’on lui réservait se basait d’ailleurs sur ces quelques aspects, c'est pertinemment ce qui rendait la chose troublante, pour ne pas dire terrifiante, et ce sans que la fillette n'ait pu se l'expliquer, à cause de son âge. Cependant, la blondinette ne pu bientôt plus réprimer la joie qui lui venait lorsqu’elle s’imaginait portant de tels vêtements, arborant de tels bijoux, coiffée comme une Reine et côtoyant les nobles damoiseaux que le monde extérieur s’était gardé de lui montrer… Et de ces rêveries naissait peu à peu l'insouciance qui avait eu si peu d'occasions, jusqu'alors, pour fleurir. C'est ce rêve qui, peuplé de dentelles et de broderies lui appartenant, confectionnées des mains d'autrui, permit à la fillette de fuir spontanément les préoccupations qui n'ont pas leur place dans un esprit si neuf, et cet esprit de vagabonder plutôt de montagne en montagne, entre deux regards pour une mère encore inconnue, et ces petons de se balancer au même rythme que la tête, un tantinet plus légère de notre Cyrielle.
--Soeli.
Passés les émois d'une presque première rencontre entre, il faut bien l'avouer, deux quasi inconnues; le temps était venu pour une étreinte à laquelle la Margny avait répondu de façon presque machinale; occultant tant que possible ces sanglots qui raisonnaient au creux de ses esgourdes. Sans doute aurait-elle dû prononcer quelques mots de réconfort à l'égard de cet être frêle, mais il n'en fût rien. Au lieu de cela, il fût accomplit tout ce qu'il se devait pour arracher le petit canari au cachot; cachot qu'il échangerait pour une cage dorée, ou presque.

Dans l'habitacle de la voiture montait désormais le chant plaintif des rouages métalliques et du bois subissant la contrainte qu'on leur imposait; le claquement des sabots des chevaux leur parvenaient quant à eux étonnamment étouffés. Derrière elles, l'imposante bâtisse s'effaçait entre les flocons de neige, emportant avec elle une partie de leur passé et de leurs vies. Oubliant quelques instants le fardeau assis sur la banquette d'en face, fardeau qu'elle décida finalement de porter, sans réellement savoir pourquoi, elle se pencha vers le hublot pour épier, l'air inquiet, la masse cotonneuse et blanchâtre s'accumulant dangereusement sur le paysage et, à fortiori, sur la route. Deux coups savamment orchestrés sur la paroi de l'habitacle attirèrent l'attention de celui qui, au dehors, guidait les animaux, d'une voix forte elle ordonna qu'on accéléra. Elles devraient rejoindre Dijon cette nuit, si toutes fois elles y arrivaient encore...

Elle avait évité tant que possible le regard interrogateur de la dauphine durant tout le voyage; évité de devoir aborder un sujet qu'elle même, dans toute son adresse, ne savait toucher. Visage à la teinte mi figue, mi raisin empêchant une lecture quelconque de son état d'esprit; regard perdu sur le visage d'une gamine qui s'agitait et s'extasiait devant un paysage insignifiant mais magnifié et sublimé par le tapis neigeux. Qu'allait-elle en faire? Qu'allait-elle lui dire? Qu'allait-elle en dire tout court? La voiture passa finalement les portes de la ville pour les déposer quelques instants plus tard dans une auberge du centre ville; pas de grand luxe, mais un peu plus qu'il n'en faut tout de même; c'est une chambre privée qu'elle s'offrit, pour ne pas exposer l'innocence qu'elle trimballe, aux joies des chambrées communes. Pas si vite en tout cas.

Suivie par la Candeur, elle pénétra dans la chambre et se débarrassa de sa cape; son reflet lui fut rendu, par un minuscule éclat de miroir accroché à un mur et, derrière lui (son reflet, faut suivre) une silhouette infantile à l'allure déroutée se tenant là comme l'aurait fait son ombre. Ombre qui planait désormais sur sa vie telle l'épée Damoclés! Il allait bien falloir lui dire quelque chose, mais quoi? Elle décida de lancer sa cape sur une assise en bois posée dans un coin de la pièce et, s'adressant au miroir, elle dit à la gamine :


Ne reste pas plantée là. Dépose tes affaires, veux-tu? Et puis ferme la porte derrière toi!

Le ton était sévère mais impossible de déterminer si c'était dû au manque d'habitude ou tout simplement volontaire.

Il faudra t'y faire, Cyrielle, tu n'es plus au couvent désormais! J'espère qu'elles auront réussi à t'inculquer quelque chose là bas et que tu auras été moins dissipée et sotte que ne l'aura été ta mère...

Nouveau coup d'oeil au miroir pour chercher le regard de la gamine.

Ne me regarde pas ainsi veux-tu? C'était pour ton bien... et le mien aussi! S'il était venu à l'apprendre, il t'aurait utilisé comme lestage pour me noyer.
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