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[RP] J'aurai ta peau !

Lacrymosa
Ceci est un RP privé, merci de me contacter par MP avant de poster dessus Bon jeu à tous!

[Soir du lundi 7 décembre 1457]


Lacrymosa marchait d’un pas décidé à travers la forêt. La nuit commençait à tomber, il faisait déjà sombre lorsqu’elle pénétra dans l’écrin formé par la végétation. Le malaise commençait à se faire sentir en elle…Les images revenant la hanter sans cesse, cruels démons d’un passé désormais lointain. Elle se revoyait soulevant sa sœur du sol pour la déposer sur la monture noir de jai. L’étalon percheron était plus que nerveux cette nuit là. Il trépignait sur place et l’écume blanche de sa bouche coulait sur le sol tant il mâchouillait le mors avec hargne. Avait-il compris ce qui venait de se jouer dans cette demeure ? La petite était en sang et ses grands yeux bleus terrifiés étaient remplis de larmes. Lacry avait caressé son doux visage une dernière fois avant de la presser :

Délicia ! Galope droit devant, le plus loin, le plus longtemps que tu pourras ! Ne fais jamais demi-tour ! Ne reviens jamais en ces terres ma chérie !!! Jamais nous ne devrons nous revoir !

LACRY !

Ne discute pas ! Vas ! Sois forte! Je m’occupe de tout !

Elle avait donné une grande claque sur la croupe de Pilgrim qui avait laissé échapper un hennissement perçant en s’élançant dans la nuit pour emporter avec lui la chose la plus chère aux yeux de Lacry… La fillette était une habile cavalière et la brune ténébreuse avait su à cet instant qu’elle venait de lui sauver la vie…

La jeune femme avait senti sa gorge se serrer et une douleur perçante lui vriller la poitrine… elle ne lui avait pas dit…..elle n’en avait pas eu la force…. Elle avait murmuré pour elle-même :

Je t’aime ma petite Délicieuse…je t’aime à jamais !

Et l’enfant avait disparu dans les ténèbres épaisses pour ne jamais revenir….. Lacry, forte et déterminée avait relevé la tête et s’était dirigée à grandes enjambées vers la demeure pour achever ce qui devait l’être…la haine la rongeait encore, son regard était noir et son expression traduisait des années de rage retenue. Son visage était parsemé d’éclaboussures de sang déjà séché. Sa chemise était poisseuse et lui collait à la peau, maculée de rouge, tout comme le reste de ses vêtements.

Ce soir tout recommençait… Alors qu’elle avait commencé ces dernières semaines à croire que son mal s’estompait, la nouvelle était tombée ce matin…

Lacry arriva devant la fameuse fontaine aux vœux de Montluçon et se tint juste devant pour l’observer un instant. Des pièces jonchaient le fond de l’eau, traces bien réelles de tout ces vœux prononcés par de braves gens assez simples d’esprit pour croire qu’ils pouvaient changer le destin de la sorte. Fadaises que tout cela ! Lacry avait renié toute foi en ce genre de croyances ou en un quelconque Dieu. Elle l'avait trop prié pour son salut étant enfant. Trop d’horreurs avaient défilés devant ses petits yeux innocents à l’époque, trop de choses immondes entendues, trop de souffrances physiques endurées par ce petit corps fragile… Jamais ce Dieu n’avait entendu ses supplications. Jamais il n’avait apaisé sa douleur ! Il avait donc fallu faire sans LUI quitte à vendre son âme au diable. Seule la survie comptait et non les moyens employés !

Elle sortit la lettre de Délicia de sa poche, elle était froissée. Elle la relut encore, encore et encore.


Délicia a écrit:
Ma chère Lacry,

Enfin ! Il me tardait de pouvoir un jour t’écrire ces mots !

Voici des années que nous nous sommes quittées et dans de bien sombres circonstances….
Mon amie Meiline m’a écrit en me parlant de toi. Quelle ne fut ma surprise d’apprendre qu’elle avait fait ta connaissance!!! Et quelle joie d’apprendre que tu es en vie et en bonne santé !

Moi aussi je vais bien ! Je suis heureuse et comblée ! Il me tarde de te rejoindre…je sais que tu avais dit non mais j’y tiens ! Dès que possible je viendrai à Montluçon. Meiline m’expliquera où tu es lorsqu’elle viendra ici me rendre visite. Je vis en Provence maintenant.

Je t’embrasse ma Lacry !

Ta ‘tite soeur, Del


Il aurait pu s’agir d’une bonne nouvelle au fond mais Lacry savait que c’était trop risqué. Il fallait empêcher Délicia de la rejoindre à tout prix. S’il la retrouvait il ne manquerait pas son coup et ce serait un vrai carnage…
_________________
--Vlad.


[Nuit du Samedi au Dimanche 6 décembre 1457]

Sa peau était moite, son souffle court, sa poitrine se soulevait en tremblant à un rythme effréné. Il l’avait plaquée contre un arbre et la maintenait fermement. Qu’il avait été simple de l’attirer à l’écart du village ! Des mèches noires barraient son visage et son regard était étrange, cette garce aimait cela, c’était certain !!!
Il déchira ses haillons d’un geste enragé ce qui eu pour effet de lui arracher un cri de stupeur !


Oh ! Doucement mon joli, on n’est pas pressés ! Hahaha !gloussa-t-elle.

Elle riait la catin ! En un geste il la coinça et lécha sa joue dans un geste immonde.

Il passa sa lame le long de sa gorge en partant de l’oreille jusqu’à sa trachée et un rictus se dessina sur ses lèvres. Il resserra son étreinte contre son corps nu approchant sa bouche de son oreille…


Depuis le temps que je te cherche….

Elle commençait à se tortiller pour se dégager, ça l’excitait encore plus !

Allons sieur….ce n’est plus drôle ! Maintenant je vais rentrer.

La jeune femme souriait un peu mal à l’aise. Son regard à lui devint sombre et son visage prenait une expression terrifiante. Il hurla :

FERME-LA ! SALE CHIENNE !!! JE NE RIS PAS ! JE VAIS TE SAIGNER LACRY !!!

Oh ! Mais qu’est-ce vous ………

Il plaqua sa grosse main sur sa bouche pour que cette truie la boucle tandis qu’il appuyait la lame sur son fin cou laissant apparaître un filet de sang qu’il lécha goulûment. Il plaça le poignard dans sa botte et dénoua ses braies. Il pressa son sein dans sa main et la pénétra violemment se démenant en elle tel un animal. La haïr au tel point de vouloir la posséder ! Oui ! C’était cela qu’il aimait !
Quand il en eu assez il la jeta au sol et s’agenouilla sur elle. Elle gémissait et le suppliait du regard. Il sortit son poignard de sa botte et avec un sourire pervers poursuivit haletant…


Lacry…Lacry… tu vas savoir combien je te hais !

Il élança son bras en arrière et la lame réfléchit en un éclair la blancheur de la lune qui les surplombait cette nuit là…
--Vlad.


[Soir du dimanche 6 décembre 1457]

Il marchait dans les ruelles éclairées par des torches, seul le bruit de ses pas résonnait à cette heure tardive. La nuit était descendue sur Montluçon et rares étaient les âmes encore éveillées…De la lumière et des rires sortaient de la taverne qu’il s’apprêtait à dépasser. Il s’approcha de la fenêtre et y jeta un coup d’œil.

Montée d’adrénaline au creux de ses tripes, son visage se durcit : ELLE était là ! Elle riait aux éclats… Comment osait-elle ? Ce soir encore elle s’amusait là, elle ne se cachait pas, elle avait même plutôt l’air fière d’elle-même… Et ces hommes…ils auraient été prêts à tout pour un seul regard de la séduisante jeune femme. Une grimace de dégoût lui déforma le visage à l’idée que l’un deux pose ses pattes sur elle. Hors de question !

Il la suivait depuis des semaines, discret comme une ombre, la haine s’amplifiant chaque jour jusqu’à devenir insupportable. Hier soir il avait craqué…mais quel pied il avait pris ! Il se revit passer sa langue sur la lame ensanglantée et fut parcouru d’un frisson de plaisir malsain accompagné d’un sourire.

Il poussa la lourde porte de la taverne. « Sous les Branches du Ginkgo » indiquait la pancarte. Le visage à moitié dissimulé sous sa capuche il s’avança sans bruit et s’installa dans le fond de la salle saluant les autres d’un signe de tête. Il avait choisi un endroit d’où il pouvait l’observer discrètement sans attirer l’attention. Il descendit la capuche en arrière, il ne faillait pas éveiller de soupçons.


‘soir Sieur, je peux vous servir quelque chose ? lui demanda le tavernier.

Il se crispa imperceptiblement puis reprit son sang froid et annonça d’une voix douce et incroyablement calme :


Le plat du jour et un verre de vin je vous prie.

Très bien Sieur, j’vous amène ça tout de suite ! Vous êtes nouveau dans l’coin ?

Il sourit au tavernier.

Je suis de passage pour voir une amie…Vous savez ce que c’est, on s’entiche d’une jouvencelle puis on veut la revoir ! Ils rirent tout deux grassement puis le tavernier satisfait disparut dans la cuisine.

Elle continuait de rire et plaisanter avec ceux qui semblaient être ses amis. Elle se balançait sur sa chaise, ses longues et fines jambes croisées sur la table et le regard provocateur qu’elle lançait parfois l’était tout autant que ses réflexions osées. Il la détaillait, ses jambes, ses cuisses, ses hanches légèrement arrondies, son cou gracieux et sa façon si féminine de rejeter en arrière ses longs cheveux d’un noir d’ébène. Il se sentait fiévreux et avait du mal à se contenir.

*Je pourrais serrer ta gorge entre mes mains et l’écraser jusqu’à sentir ton dernier souffle entre tes lèvres ! Enfoncer ma lame mille fois dans tes entrailles et te regarder crever dans les plus atroces souffrances. Sentir ton sang chaud et poisseux sur moi. Ou t’ouvrir le bide, te trancher la gorge ou te taillader le visage pour effacer à jamais ce sourire indécent que tu affiches sale garce !!!*

Et une andouillette une !!! Avec son pichet de vin !

Il avait sursauté en entendant cet abruti de tavernier tout guilleret avec son plateau !
Il se força à sourire poliment et le remercia. Il se mit à manger rapidement, l’observant du coin de l’œil. Il but tout le vin et commençait à s’enivrer serrant contre sa hanche le poignard dans son fourreau.

*Ton rire, je le transformerai en hurlement…*

Puis la porte de la taverne s’ouvrit et un homme à la fière allure entra sourire aux lèvres. Il n’avait d’yeux que pour elle et lorsque le beau blond enlaça Lacry, il sentit un haut le cœur arriver… Il remit son capuchon pour dissimuler l’expression terrifiante de son visage, jeta quelques écus sur la table et sortit prestement sans terminer son repas.

D’un pas rapide il se dirigea vers la maison de Lacry, laissant échapper un grognement, il sortit de sa poche un petit couteau qu’il avait volé en chemin et le bout de parchemin sur lequel il avait tracé son message de son propre sang. Il s’arrêta face à la porte et d’un geste violent poignarda le mot en s’imaginant le visage souriant de cette femme qu’il haïssait.

Citation:

JE T'AI RETROUVEE !
J'AURAI TA PEAU SALE GARCE EN COMMENCANT PAR LUI !!!


Il s’écarta et admira son œuvre puis il cracha sur la porte avec dégoût avant de disparaître dans la nuit pour trouver un moyen de substitution pour assouvir sa colère…
Lacrymosa
[Dimanche 6 décembre 1457, tard dans la nuit]


Lacry avait passé une soirée agréable en taverne, entourée d'amis et de son bien aimé. Une conversation en amenant une autre, les heures avaient défilé à coup d'éclats de rire et de verres entrechoqués. La nuit était déjà bien avancée lorsqu'elle prit enfin le chemin du retour avant qu’il ne la rejoigne. Elle marchait d'un pas rapide et confiant comme à son habitude, même si l'alcool l'avait un peu enivrée. Ses longues jambes gracieuses lui donnaient une fière allure et ses bottes noires martelaient les pavés, sa cape voletant dans son sillage.

Une fois arrivée devant sa demeure, elle aperçut quelque chose sur la porte. *Mmmmmh peut-être un petit mot doux*, pensa-t-elle en souriant d'un air amusé. Se rapprochant de la porte elle stoppa sa marche d'un seul coup. Son sang se glaça dans ses veines : cette couleur sur le papier....et ces mots...


JE T'AI RETROUVEE !
J'AURAI TA PEAU SALE GARCE EN COMMENCANT PAR LUI !!!



Un frisson lui parcourut l'échine et elle eut le réflexe de scruter les alentours en se retournant vivement comme s'il eut été là à attendre derrière elle! L'aube commençait à darder le ciel timidement et la campagne autour était silencieuse, pas une âme qui vive en ces lieux...la sienne exceptée. Le coeur battant Lacry arracha le couteau qui retenait le message sur la porte et entra prestement chez elle en regardant partout pour se rassurer.

Elle alluma quelques bougies et observa le mot avec attention. Elle était stupéfaite...l'encre...ce n'était pas de l'encre mais du sang séché ! Quelle sorte de haine pouvait-on ressentir pour faire de telles horreurs??? Le coeur battant, elle réfléchissait à sa signification :


"Je t'ai retrouvée..."


Mmmmh, un démon de ce passé qu'elle voulait tant oublier... Mais qui??? Un voyageur qu'elle aurait malmené? Un inconnu qu'elle aurait ruiné aux jeux de cartes? Un prétendant qu'elle avait éconduit un peu brusquement? Elle en avait tellement fait avant de s'assagir en venant vivre ici à Montluçon... La jeune femme grimaça nerveusement et réfléchit à nouveau:

"en commençant par LUI"


"Lui?" Un de ses amis ? Non. Thibalt bien sûr ! Son aimé, son Amour, sa faiblesse, la faille à atteindre pour la briser…

Elle ne voyait vraiment pas pourquoi... Jalousie ? Qui pourrait jalouser Thib ou elle-même à ce point ? Et surtout qui voudrait lui faire la peau ? Elle entra rapidement dans la maison et s’enferma à double tour. Elle frémit en pensant à Thib resté à la taverne mais se rassura en se souvenant que les amis maréchaux avaient promis de le ramener dans l’heure.

Elle secoua la tête et se précipita vers le petit secrétaire dans le coin du bureau. Elle s'y installa et attrapa un vêlin, elle ouvrit le petit pot d'encre et y trempa sa plume d'un geste dont elle maîtrisait à peine le tremblement nerveux.
La première chose à faire c'était de protéger sa petite soeur... car elle était aussi en danger si elle venait.. Elle se mit à écrire, rapidement, les battements de son coeur martelant sa poitrine.


Lacrymosa a écrit:
Ma chère petite sœur, ma petite Délicieuse,

J’ai le cœur retourné d’apprendre que tu vas bien… mais je t’en prie ma belle…fais-moi une promesse...

Jamais ! Ne reviens jamais auprès de moi…il le faut, tu es en danger ici ! Quelqu'un sait, il est là et il me veut du mal…

Ne parle à personne de moi, plus jamais !!!

Je t’aime à jamais ma choutig,

Adieu

Lacrymosa



Qui qu'il soit, il n'aurait pas l'occasion de poser ses sales pattes sur Délicia!

Un grattement sur la porte la fit sursauter plus que de raison puis une clé tourna dans la serrure alors que son cœur bondissait dans sa poitrine !


Ma douuuuuuce…devine qui est làààà… ?

La voix grave et enjouée de Thib indiquant qu’il avait bu plus de cervoises que de raison lui fit pousser un long soupir de soulagement. Elle ne craignait plus rien pour ce soir. La jeune femme rejoignit son aimé et, tout en l’enlaçant, prit bien garde de refermer la porte à double tour…
_________________
Thibalt
[Deux semaines plus tard]

« Bon… Tu vas me dire ce qui t’arrives? »


Il fallait que cela cesse. Alors qu’il mangeait tranquillement sa soupe face à elle, Thibalt ne put s’empêcher de lui poser la question. Elle était distante, froide, pensive. Elle semblait avoir quelque chose sur le cœur, comme s’il avait fait quelque chose qu’elle n’avait pas apprécié. Qu’il l’avait déçu et qu’elle ne voulait pas lui dire, espérant qu’il s’en rende compte de lui-même. Pourtant, il avait beau retourner la question dans tous les sens, l’Aragonais n’avait pas le sentiment d’avoir été décevant sur quoi que ce soit. Il l’aimait, il n’avait de cesse de le lui dire et il la respectait comme peu d’hommes le faisaient. Bref, il n’avait pas le sentiment de faire quoi que ce soit de mal et c’était pourtant le sentiment que sa froideur lui donnait.

Pourtant, il avait longtemps essayé de faire taire la chose. L’Aragonais se rassurait en se disant qu’elle avait peut-être une de ces périodes où ça n’allait pas trop, où elle se remettait en question. Une nuit, elle s’était réveillée dans un sursaut. Lui n’avait rien fait même si elle l’avait réveillé. Il ne comprenait plus… Il semblait que quelque chose n’allait pas, mais quoi? C’était la question.

Après avoir posé sa question, Thibalt la regardait en espérant qu’elle lui réponde enfin. Il voulait savoir et il ne comptait pas lâcher le morceau de viande de si tôt. Il voulait comprendre, espérant que cela n’était pas en rapport avec lui. Il voulait pouvoir lui présenter des excuses dans le cas où il avait fait quelque chose de mal. Bref, il ne pouvait plus vivre avec cette situation.


« Je ne sais pas moi! Il y a bien quelque chose qui ne va pas, je me trompe? Je ne t’ai jamais vu aussi peu joyeuse depuis longtemps! J’ai fait quelque chose de mal, c’est ça? Tu espères que je m’en repentisse en cherchant un peu ce que j’ai pu faire? Je m’en souviens pas! Comme ça c’est réglé. »


Continuant à la regarder en espérant ainsi la faire réagir alors qu’elle laissait nager son regard dans son bol de soupe, Thibalt reprit sur un ton un peu plus conciliant:


« Mais enfin! Dis quelque chose! Qu’est-ce qui se passe pour que tu sembles si malheureuse?  Si c’est contre moi, dis le… On en discutera… C'est cette histoire de mariage? Tu sais... Je t'ai demandé ça comme ça... J'ai pas dit que j'allais te demander en épousailles... J'voulais simplement savoir ce que t'en pensais, ça veut pas dire que tu me rendras pas heureux ou quoi que ce soit... »


Tout ce que l'Aragonais avait toujours souhaité depuis son départ de l'Aragon, il l'avait. Il était heureux avec elle et jamais il n'aurait souhaité partir de chez elle. Il s'y sentait bien, épanoui. Il voulait son bonheur à elle, espérant qu'il se trouvait avec lui. Si ça n'était plus le cas... Il aurait pris aussitôt son baluchon pour aller vivre ailleurs. Son bonheur, c'était tout ce qu'il voulait...

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On ne peut absoudre celui qui ne se repent point. [Dante]
Lacrymosa
Elle était là, assise face à lui à jouer avec un morceau de viande bouillie dans son bol de soupe. Il faisait calme. Seuls se faisaient entendre les crépitements du feu dans l’âtre et les bruits de couverts. Ce fût lui qui brisa le silence :

« Bon… Tu vas me dire ce qui t’arrive? »

Lacry leva vers lui un regard étonné, se surprit à se perdre dans le fond de ses yeux et une douleur revint lui marteler le cœur. Jamais personne n’avait été si attentionné et à l’écoute que Thibalt. Il avait toujours les mots qui la rassuraient, qui l’apaisaient, il l’enveloppait de douceur et d’amour, elle l’aimait comme elle n’avait jamais aimé personne d’autre, jamais ils ne se disputaient. Jamais jusqu’ici. Elle baissa les yeux et revint à sa soupe.

« Je ne sais pas moi! Il y a bien quelque chose qui ne va pas, je me trompe? Je ne t’ai jamais vu aussi peu joyeuse depuis longtemps! J’ai fait quelque chose de mal, c’est ça? Tu espères que je m’en repentisse en cherchant un peu ce que j’ai pu faire? Je m’en souviens pas! Comme ça c’est réglé. »

Elle fronça le nez sans quitter sa soupe des yeux, non il n’avait rien fait de mal. Non il ne fallait pas qu’elle le regarde à nouveau, c’était trop dur…Elle secoua légèrement la tête de gauche à droite en guise de réponse.

« Mais enfin! Dis quelque chose! Qu’est-ce qui se passe pour que tu sembles si malheureuse? Si c’est contre moi, dis le… On en discutera… C'est cette histoire de mariage? Tu sais... Je t'ai demandé ça comme ça... J'ai pas dit que j'allais te demander en épousailles... J'voulais simplement savoir ce que t'en pensais, ça veut pas dire que tu me rendras pas heureux ou quoi que ce soit... »

La jeune femme déglutit lentement puis parla d’une voix froide mais dénuée d’agressivité.

Ecoute Thib…Je peux comprendre que l’on attende de toi que tu te maries et que tu aies une descendance, après tout tu es diacre. Si c’est une obligation comme l’a dit ton amie alors je ne peux pas te retenir. J’ai des raisons qui font que cette option est impossible pour moi. Tu es libre d’en épouser une autre qui te donnera les beaux enfants que tu souhaites mais moi je ne PEUX pas…

La jeune femme se leva de table visiblement troublée et attrapa sa cape au porte manteau avant même que Thibalt n’aie le temps de réagir. Sur le pas de la porte elle se retourna :

Tu sais mon amour, un jour tu m’as dit que tu espérais être la clé de mon bonheur…
Je sais que tu ES la clé mais… mais la porte ne mène sans doute pas où tu l’espères…


Elle sortit de la maison en trombe. Derrière la porte claquée, elle marqua un arrêt et murmura alors que ses yeux s’embuaient : Je t’aime plus que tout, mon amour…Je t’aime, pardonne-moi…

Puis elle se rendit vers la forêt, courant presque, l'angoisse enserrant déjà ses entrailles de ses bras puissants... Les idées fourmillaient dans sa tête, les images d'un passé noir ressurgissaient de la manière la plus traître qui soit. Il fallait qu'elle marche, impossible de dormir...plus maintenant...
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Thibalt
La réaction de Lacrymosa était loin de celle qu’il attendait. Plus que surpris en entendant ces mots, l’Aragonais ne sut quoi répondre. Lorsqu’il lui demandait ce qui n’allait pas, il ne pensait pas qu’elle remettrait cette histoire sur la table, encore moins pour répondre d’une façon aussi brutale. Alors qu’il était encore assis et qu’il cherchait à comprendre là où elle voulait en venir, elle lui dit sur le pas de la porte:

Tu sais mon amour, un jour tu m’as dit que tu espérais être la clé de mon bonheur… Je sais que tu ES la clé mais… mais la porte ne mène sans doute pas où tu l’espères…


Et elle partit sans attendre. Lui, il était encore assis, cuillère à la main, le regard rivé sur la porte qui venait de se fermer. Un instant, il pensa qu’il valait mieux la laisser seule, que certaines femmes avaient ainsi ce besoin presque instinctif de se retrouver un peu seule pour faire le point. Ce n’était pas possible. Il ne pouvait rester là à ne rien faire, à la laisser ainsi se tromper sur ses intentions. Il se leva aussitôt, laissant tout ce qui se trouvait sur sa table pour s’habiller de son mantel avant de sortir et d’affronter le froid hivernal.

Comme Esteban était seul, en sortant, Thibalt se rendit chez sa nourrice pour la prévenir en urgence qu’il devait partir. Ce n’était qu’une question d’heure mais les écus qu’il lui donna étaient plus convaincant que toutes les paroles du monde. Elle s’occuperait de lui tandis qu’il s’occuperait de sa douce Auvergnate. Sans attendre, il commença à marcher dans chaque ruelle, à fouiller chaque taverne à la recherche de sa douce. De temps à autre, il lui arrivait d’appeler après elle en espérant qu’elle lui réponde mais son respect des gens qui se reposaient le poussa vite à inspecter en silence.

Ses recherches étaient infructueuses. Elle n’était pas dans la ville, visiblement. L’Aragonais était inquiet et en colère aussi. Il était tard et il faisait froid, l’homme n’avait donc aucune envie de jouer à cache cache avec qui que ce soit. Il fallait bien s’y résoudre… Après s’être renseigné auprès de miliciens qui se trouvaient aux portes de la ville, ils lui apprirent qu’une demoiselle était sortie de la ville il y a une petite heure de cela. Il sortit donc pour se diriger vers les bois. La nuit, on disait que ces lieux étaient dangereux et lui n’avait pas son épée ni quoi que ce soit qui puisse lui permettre de se diriger. Il s’y perdrait s’il le fallait, ça n’était pas un problème tant qu’il retrouvait Lacrymosa.

Dès qu’il mit un pied dans les sous-bois, Thibalt commença à hurler:


« Lacrymosa! Mon Cœur! Tu es là?! Réponds! »


Il avançait dans les bois, cherchant sans cesse. Il sursautait, s’alertait au moindre bruit mais ne reculait pas. Il fallait qu’il la retrouve. Presque par désespoir, il se mit à hurler:


« Mais enfin! Pourquoi tu me fais ça?! Tu crois vraiment que j’ai besoin d’un enfant pour être heureux? Que j’ai besoin d’être marié?! C’est toi que je veux, tu le sais! Alors bien sûr, j’aurai préféré pouvoir me marier, ne serait-ce que pour pouvoir être en règle avec le Droit Canon et tout ça, mais si tu veux pas c’est pas un drame! Réagis pas comme ça, s’il te plait… ! »


Comme seule réponse: un grand vide. Il soupira, se demandant s'il ne devait pas rentrer.

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On ne peut absoudre celui qui ne se repent point. [Dante]
Lacrymosa
Elle avait filé jusqu’aux portes de la ville. En passant les remparts, la jeune Auvergnate avait perçut quelques bribes de la discussion animée des gardes tellement ils étaient peu discrets.

-« Au moins 24 coups je te dis !!!! La pauvre môme était vidée de son sang ! Une boucherie !

-T’exagèrerais pas un peu, Garik ?

-Vaindiou ! Sur la tête de ma mère je l’jure, on a eu du mal à la reconnaître, la Jeanne ! Tu sais la noiraude aux longs cheveux qui traînait toujours derrière l’église ! »


Lacry ignorait de quoi ils parlaient et ne ralentit pas l’allure pour autant. La lune était presque pleine et éclairait les alentours, ce qui lui permit de rejoindre la forêt sans difficulté. Il faisait très froid mais elle s’en souciait peu vu l’état d’angoisse dans lequel elle se trouvait.

Elle marcha d’abord sur le sentier puis s’aventura entre les arbres pour enfin rejoindre une petite clairière ou perçait la lumière lunaire. Au centre, gisait un énorme tronc d’arbre mort vers lequel elle se dirigea. La jeune femme tremblait, était-ce l’angoisse ou le froid ? Elle se sentait tomber comme dans un gouffre sans fond, happée par ses vieux démons.
Repensant à Thibalt, elle sentit de chaudes larmes tracer des sillons sur ses joues glacées. Son cœur n’était plus qu’un trou béant et douloureux. Elle ne voulait pas le perdre non, mais elle ne le méritait pas. Elle n’avait même pas eu le cran de tout lui dire…Lui, l’homme de Dieu, qui avait toujours de sages paroles et détestait la violence, lui qu’elle idéalisait, lui qu’elle aimait comme personne…comment envisager de le décevoir et de lui faire du mal à ce point ???

La belle auvergnate, d’ordinaire si dure et sûre d’elle, était là à sangloter sans se contrôler pour une fois, lâchant littéralement prise… Elle leva ses yeux rougit vers la lune et un flash vint se superposer à cette image : l’éclair brillant d’une épée qu’elle attrapait, un cri strident, une marre de sang et la rage qui l’envahit à l’époque ressurgit d’un seul coup. Sa respiration s’accéléra, les images défilaient : la façon dont elle s’était acharnée sur le corps de cette pourriture, le regard horrifié de Del, les éclaboussures de sang sur son doux visage de porcelaine…

Lacry sortit son épée de son fourreau et la planta rageusement dans le sol face à elle. Tombant à genoux, elle agrippa la lame des deux mains, posant son front sur la garde de l’épée et laissant bouillonner la rage en elle. Ensuite, pour la deuxième fois elle leva le visage vers la lune et poussa un hurlement déchirant mêlant rage et détresse. Tout tournait sans s’arrêter autour d’elle, les arbres, la lune, les images du passé ! Elle ne sentit pas la lame entailler ses paumes tant elle sanglotait.

Il fallait se reprendre, chasser ces images et revenir à la réalité, ne pas sombrer, non ! Elle était essoufflée et paniquée. Cette impression de mourir lentement la tiraillait encore mais elle tenta de se raisonner. Les arbres cessèrent alors de tourner et elle inspira lentement, encore tremblante. Elle retomba alors comme un pantin désarticulé et referma brusquement les poings dans la terre comme pour s’y agripper. Elle resta comme cela durant de longues minutes, vidée de toute son énergie après cette crise d’angoisse…sa respiration ralentissait peu à peu ainsi que les battements de son cœur.

Puis soudain un craquement de branche, un bruit de pas… Relevant lentement la tête elle aperçut au loin une silhouette qui approchait de la clairière…

_________________
--Vlad.



Il la tenait fermement adossée contre son torse, elle paraissait fragile entre ses bras puissants et son contact l’embrasait tout entier. Ce feu démoniaque le consumait de l’intérieur depuis le soir où il l’avait surprise une lame à la main, les vêtements maculés de sang. Depuis il ne rêvait que de lui faire la peau à cette garce !

Elle ne pouvait pas s’échapper. La tenant d’une main il effleura nerveusement ses hanches et de l’autre ses seins. Il lui susurra au creux de l’oreille :


Quelle aubaine que tu te sois promenée seule ce soir ! Je t’ai cherchée…je t’ai retrouvée ! Et tu es à moi !* à jamais…*pensa-t-il.

Sa main remonta jusqu’à sa tête et il empoigna une mèche de ses cheveux noirs, l’obligeant à incliner la tête en arrière. Rapide coup de langue sur sa gorge où une veine palpitait sous la peau laiteuse avant de la mordre brusquement jusqu’au sang, lui faisant échapper un cri de surprise. Il eut un rire diabolique et la fit s’incliner jusqu’à s’allonger au sol, complètement soumise à ses volontés. Il s’agenouilla alors contre son flanc. Une petite voix suppliante se fit alors entendre :

Je vous laiss’rai faire Messire, j’vous en supplie, je n’dirai rien …mais ne m’faites pas d’mal !

Il plaqua brusquement sa main sur sa bouche pour la faire taire ! *Lacry ne parle pas comme ça ! NON LA FERME !!!!* Sans un mot, il secoua vivement la tête et la gifla d’un coup sec, une fois, puis deux puis encore et encore jusqu’à ce qu’elle se taise et garde les yeux à demi fermés.

Une fois qu’elle fût calmée, il sortit son poignard de son fourreau et glissa la lame entre sa peau brûlante et sa chemise. Vlad trancha le tissu d’un geste précis dévoilant son corps tremblant qu’il contempla avec un sourire satisfait. Il colla la lame à plat sur sa peau et dessina un sillon pourpre avec la pointe depuis sa gorge jusqu’au bas de son ventre. Elle gémissait, sa bouche toujours contenue sous sa grosse paluche et ses yeux exorbités qui le suppliaient encore une fois d’un air paniqué. Il racla son ventre d’un coup de langue et goûta son sang comme on goûte avec parcimonie une liqueur d’un très grand millésime. Il frémit de tout son être à ce goût métallique qui taquinait ses papilles et provoquait ses sens. Et ce qu’il venait de faire le rendit encore plus fou, lui faisant franchir un palier supplémentaire dans son obsession. Il releva ses jupons avec empressement et arracha ses dessous obscènes..

Il s’empara des poignets de la garce et les leva au-dessus de sa tête, il s’allongea sur elle sans ménagement, un rictus aux lèvres, hors d’haleine, on eut juré un animal en rut. Il la posséda avec hargne lui susurrant toute sa rage et sa colère dans un souffle saccadé empestant l’alcool.


Tu n’attendais que ça hein ? Avoue Lacry ! Raaaaah !!!

Soudain, au bord de l’extase, dans un râle mi-homme mi-animal, il écarta son torse du sien pour élever sa lame en arrière. Il abattut plusieurs fois son arme sur son corps. Un long rire s’échappa de sa gorge en regardant son œuvre machiavélique. Il donna encore quelques coups de reins, ensuite il s’affala sur elle, essoufflé et en sueur pour la garder encore un peu pour lui seul. Il resta comme ça durant de longues minutes…le feu en ses entrailles se calmant peu à peu.

Mmmh Lacry… , murmura-t-il.

Ses vêtements s'imprégnaient peu à peu de ce liquide poisseux et tiède. L’homme se redressa brusquement et écarta lentement des mèches noires du visage de cette catin. Il la dévisagea l’air songeur et les sourcils froncés. Elle lui ressemblait tant…
Lacrymosa
Elle se redressa, toujours sur les genoux. Ses yeux scrutaient l'obscurité pour reconnaitre la personne qui se rapprochait et se trouvait maintenant à une trentaine de mètres d'elle. La lune n'éclairait pas suffisamment les abords de la clairière pour reconnaître quiconque. Elle essuya ses larmes d'un revers de main et, le coeur battant, elle attendit...puis une voix résonna dans la forêt :

« Lacrymosa! Mon Cœur! Tu es là?! Réponds! »

La jeune Auvergnate se figea en reconnaissant son bien-aimé. Sa voix trahissait son inquiétude. Mais elle ne savait pas comment réagir. Se cacher? Le pauvre allait s'inquiéter encore plus. Lui répondre? Pour lui dire quoi?


« Mais enfin! Pourquoi tu me fais ça?! Tu crois vraiment que j’ai besoin d’un enfant pour être heureux? Que j’ai besoin d’être marié?! C’est toi que je veux, tu le sais! Alors bien sûr, j’aurai préféré pouvoir me marier, ne serait-ce que pour pouvoir être en règle avec le Droit Canon et tout ça, mais si tu veux pas c’est pas un drame! Réagis pas comme ça, s’il te plait… ! »

Lacry sentit son coeur se fendre à ces paroles qui la touchaient au plus profond de son âme... Il l'aimait tant... Mais sans doute ne dirait-il plus cela lorsqu'il saurait ce qu'elle avait fait! Elle se détestait pour ça !!!!! Elle baissa les yeux machinalement sentant le chagrin prendre le dessus à l'idée de faire du mal à la seule personne au monde qui, d'après elle, ne le méritait pas. C'est à ce moment qu'elle remarqua le sang le long de ses avant-bras...surprise, la jeune femme ne tarda pas à en trouver l'origine : ses deux paumes étaient entaillées pour avoir enserré sa lame durant sa crise d'angoisse... Lorsqu'elle reporta son regard vers Thibalt, elle vit qu'il s'était encore rapproché d'elle sans la voir puis avait fait demi-tour... Souffle court, douleur dans le creux du ventre, regard paniqué...que faire????

Ce fût exactement à ce moment que cela se produisit. Cela tombait de toutes parts en flocons minuscules, de plus en plus nombreux. Lacry observa la neige tomber, des larmes plein les yeux. Fallait-il y voir un quelconque signe ou message??????

N'y tenant plus, d'une voix cassée l'Auvergnate lâcha dans un sanglot :


Je ne te mérite pas, Thibalt !!! Pardonne-moi...
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Thibalt
De la neige. Voilà que de la neige tombait. Symbolique cynique, voilà tout. La neige symbolisait, pour certains, la solitude. Il était seul, c’était certain. Il était seul et, elle, sûrement quelque part dans ce bois, à le fuir et l’ignorer. Trainant des pieds comme en espérant qu’elle le rattrape en retrouvant sa trace, l’Aragonais repensait à tout ce qu’il avait vécu avec elle. Il repensait à toute cette époque où, au détour d’une taverne, alors qu’il était Maire, il avait rencontré une femme qui s’était présentée comme « La femme du futur Maire », celui qui quelques temps plus tard pris le bureau pour, de temps à autre, critiquer la politique du blond. Bref… Il ne l’avait pas apprécié, c’était certain.

Pourtant, le temps avait fait son œuvre et l’eau coula sous les ponts. Quelques temps plus tard, il la rencontra à nouveau. Leur rencontre fut amusante, et il s’en souvint avec joie. Cette femme, quelle que fut son histoire, l’avait enchanté par quelques piques et quelques remarques incisives. C’était le genre de femmes qu’il appréciait. La première impression était la mauvaise, voilà tout. Pensant à tout ceci, l’Aragonais ne put s’empêcher de sourire un peu malgré sa peine. Pour lui, tout était terminé maintenant. Elle venait de le fuir, tout simplement, et il ne comprenait pas pourquoi. Elle l’avait fuit et maintenant il ne la reverrait sûrement pas. En rentrant à Montluçon, il prendrait une chambre à l’auberge et ne la dérangerait plus longtemps. Elle ne le voulait plus, voilà tout… Et même si son cœur hurlait après elle, sa raison le poussa à se taire et à supporter cela. Même si son cœur hurlait après elle, il continuait à avancer sans regarder derrière. Un flocon de neige plus gros que les autres atterrit sur le bout de son nez quand, soudain:


Je ne te mérite pas, Thibalt !!! Pardonne-moi...


Ni une ni deux, il se retourna en entendant la voix de sa bien-aimée. Elle était moins loin que ce qu’il pensait et il se mit à courir. Il courut, et finalement la retrouva quelques mètres plus loin à genoux dans la neige. L’Aragonais marcha vers elle, sans rien dire, et se mit à genoux pour être à son niveau. Il passa ses bras autour d’elle, comme pour la rassurer et lui chuchota:


« Ne me fais plus jamais une frayeur pareille, Lacry… Jamais plus… »


Quelques secondes après l’avoir serré contre lui, il baissa les yeux et vit ses avant bras ensanglantés. Par réflexe, et sans rien lui demander, il lui prit doucement les poignets pour voir où était la plaie. En fait, elles étaient deux. Deux entailles profondes qui saignaient dans ses paumes de main. Un peu surpris, Thibalt adressa un regard à son aimée.


« Qu’est-ce qui t’es arrivé ? »


La réponse importait peu, en fait… Son regard glissa sur sa lame, elle aussi ensanglantée. De dépit, il ne sut tout d’abord pas quoi dire pendant quelques secondes, puis il soupira un peu et, dans les yeux, il lui dit:


« Pourquoi… Pourquoi tu réagis comme ça? … Qu’est-ce que j’ai fait? C’est un problème avec moi… ? Expliques moi, Lacry… »


Même s'il lui parlait de la même façon qu'à l'habitude, avec ce ton de voix conciliant dont il avait le secret, Thibalt voyait bien la peine qu'elle avait dans le regard. Cette peine, cette peur, cet angoisse qui semblaient peu à peu prendre part dans l'esprit de sa bien-aimée. Elle était là, face à lui, et pourtant elle semblait ailleurs. Pourtant, elle ne devait pas avoir vécu quelque chose de bien terrible dans ces bois... Mais elle semblait apeurée. La forêt avait ce pouvoir là... Feignant un geste tendre de la main sur sa joue, il en profita pour essuyer une larme qui y perlait.

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On ne peut absoudre celui qui ne se repent point. [Dante]
Lacrymosa
Les larmes coulaient en silence le long de ses joues alors que Thibalt lui posait un tas de questions dont le sens lui échappait. Il lui prit les mains et elle découvrit en même temps que le diacre deux profondes entailles dans le creux de ses paumes. Sans doute avait-elle trop serré la lame… La jeune femme leva les yeux vers lui et lut de l’inquiétude dans son regard. Elle déglutit lentement puis balbutia d’une voix rauque :

Ton Dieu il m’a abandonnée ! Ton Dieu il m’a regardée chaque jour souffrir un peu plus !

Elle sentit à nouveau la rage la submerger alors que les larmes mouillaient ses joues sans fin.

Je croyais en lui, Thibalt !!! J’avais foi en lui et il m’a laissée…il a laissé faire ça, alors ce soir là je l’ai renié et j’ai vendu mon âme au diable !!!
Ton Dieu il n’a rien pu faire pour moi lorsque le porc qui me servait de père adoptif se vautrait sur moi pour se soulager !!!! Et sa grosse femme hideuse elle fermait les yeux et le laissait faire !!! Et leur fils, il était traité comme un roi !!!

Chaque soir je priais pour notre salut….mes vrais parents avaient commencé à me donner une éducation Aristotélicienne et moi, jeune et innocente, je faisais comme ils avaient dit…Chaque soir je priais pour qu’il envoie quelqu’un ou qu’il fasse quelque chose pour que ma sœur et moi nous cessions d’endurer ces tortures. Nos parents adoptifs nous traitaient de la pire façon qui soit… tu n’as pas idée, Thib. Mes yeux d’enfants en ont vu des horreurs !

Mais moi j’avais fait la promesse qu’il ne toucherait pas à Délicia. Non, il ne devait pas toucher à ma petite sœur ! Avec moi il avait bien assez.


Lacry s’interrompit et prit son visage entre ses mains pour pleurer, laissant ainsi des marques écarlates sur ses joues pâles. Elle se calma un peu en sentant les mains réconfortantes de Thib sur elle. Il l’encouragea à continuer, ce qu’elle fit en parlant d’un ton amer après avoir reprit une respiration plus lente.

Nous vivions dans un grand domaine avec un haras car mes parents adoptifs élevaient des chevaux. Je suppose qu’ils avaient adopté des enfants car ils avaient besoin d’aide pour travailler. On n’était bonnes qu’à ça ma sœur et moi. On a perdu nos parents très jeunes.

Ce soir là j’avais traîné dans le domaine, il faisait nuit et en revenant j’ai aperçu Pilgrim, le cheval préféré de Délicia qui se faisait la malle… A peine quelques minutes plus tard j’ai été alertée par des cris affreux venant de la maison ! J’ai reconnu la voix de ma soeur…et je me suis mise à courir comme une folle à travers la prairie !

Lorsque je suis enfin arrivée devant la porte restée ouverte, j’ai aperçu Roger traînant Délicia par les cheveux à travers la pièce. La pauvre gamine hurlait tant qu’elle pouvait. Apparemment il l’avait déjà pas mal cognée, sa lèvre était en sang et un œil gonflé et bleu…D’après ce que j’ai pu entendre, tout ça c’était à cause d’un enclos laissé ouvert !!! Et il était hors de lui parce qu’elle avait tenté de résister à sa façon de la corriger… Pendant un instant je suis restée pétrifiée à les regarder. Il a recommencé à la frapper et elle a crié ! C’est alors qu’il a empoigné un fer de marquage qui rougeoyait dans l’âtre. Là, mon sang n’a fait qu’un tour….je suis entrée, j’ai attrapé une épée qui était là et je me suis jetée sur lui ! Je l’ai saigné comme un porc qu’il était !


Lacry eut une grimace de dégoût. Elle regarda Thib de ses yeux rougis, guettant ses moindre gestes et craignant ses réactions.

J’ai emmené ma sœur au dehors et ce satané canasson était revenu tout seul ! Je l’ai harnaché et j’ai mis la petite sur son dos en lui disant de galoper tout droit le plus longtemps qu’elle le pourrait…et de ne jamais revenir…je savais ce que nous risquions si on nous voyait.
Je suis retournée dans la maison, j’ai attrapé un poignard en prévision de mon voyage et j'ai pris le peu d'argent que j'ai trouvé...Mes vêtements et mes mains étaient couverts de sang et il y en avait partout dans la pièce...


La voix de Lacry se fit plus dure en repensant à ces moments là. Son regard planait dans le vide, le visage tendu, les cheveux parsemés de gros flocons de neige qui continuaient à tomber. Elle frissonna et poursuivit en prenant soin d'éviter le regard de Thib.

C'est alors que sa grosse femme m’a surprise devant le corps…elle m’a frappée avec un bâton, elle était enragée, elle me hurlait des choses affreuses…alors nous nous sommes battues… J’ai empoigné mon couteau et je l’ai fait taire à jamais. Puis j’ai mis le feu à la maison pour tout faire disparaître et qu’on croit que tout le monde avait péri dans les flammes…

Ce soir là je n’étais plus moi-même Thib…ton Dieu m’a abandonnée et j’ai pris une autre voie…la voie du sang…c’est une voie sans retour…Ce soir là j’ai vendu mon âme et perdu ma foi. Elle a brûlé avec tout le reste et rien ne pouvait plus m’arrêter… Voilà pourquoi je ne te mérite pas...


Elle ne s'était pas rendue compte qu'elle tremblait de tout son corps. Ses paumes continuaient à saigner et la neige de tomber. Les yeux baissés elle attendait qu'il lui dise son dégoût, son indignation, sa colère, elle s'attendait à ce qu'il l'abandonne car non, elle ne méritait pas un homme comme lui après ce qu'elle avait fait. Un diacre et une meurtrière? Comment leur amour serait-il possible?

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Thibalt
Ton Dieu il m’a abandonnée ! Ton Dieu il m’a regardée chaque jour souffrir un peu plus !

A vrai dire, ça n’était pas réellement la chose à laquelle Thibalt s’attendait. Il pensait que, peut-être, et même si c’était faux, elle aurait pu lui reprocher une infidélité, une traitrîse, une remarque qu’elle avait eu du mal à accepter, mais cette attaque le laissa un peu bouche-bée. Il la regardait, sans rien dire, tentant de percer dans ses yeux pleurant d’enfant perdu ce qui pouvait bien la mettre dans des états pareils. Comme il ne savait quoi dire, et comme l’heure n’était pas à un quelconque prosélytisme, il se tut et se contenta, au départ, de s’occuper des deux plaies qu’elle avait sur les mains. Malheureusement, il n’avait pas le nécessaire pour faire quoi que ce soit et ne possédait qu’une sorte de mouchoir usé (mais pas sale!) qu’il arracha en deux pour faire des bandages.

Alors qu’il s’attendait à en prendre encore un peu plus pour son grade, notamment au sujet de ce Dieu qui l’avait abandonné, l’Aragonais tiqua quand elle commença à lui parler de sa jeunesse. Même s’il continuait à s’occuper de ses mains, notamment parce qu’il fallait le faire, il lui adressait parfois quelques regards interrogateurs pour l’inviter à continuer. Il ne disait rien, il ne laissait même pas paraître une quelconque indignation ou fierté vis-à-vis d’elle. Il faisait son travail, il s’occupait de ses mains, et il l’écoutait sans la juger, comme il devait le faire.

Son histoire était triste, marquée par des blessures que l’amour d’un Dieu ou d’un Homme ne saurait jamais combler. C’est seulement quand elle commença à parler de tuer quelqu’un qui Thibalt ne put s’empêcher d’adresser un regard un peu plus insistant sur Lacrymosa. Pas parce qu’elle avait tort ou qu’elle avait raison, pas parce qu’elle était bonne ou mauvaise moralement. Pas parce qu’elle avait tué quelqu’un, mais tout simplement parce qu’il voulait en savoir un peu plus. Pas de la façon dont cela s’était déroulé, mais de la façon dont elle l’avait vécu par la suite. De la façon dont, peut-être, elle avait pu regretter son geste. Pas le fait de donner la mort, mais celui d’enlever la vie d’un enfant de Dieu, aussi stupide, sale, pécheur puisse-il être. Ce qui le gêna un peu plus, c’est qu’elle ait pu tuer une deuxième personne. D’ailleurs, et comme ses bandages étaient terminés, il prit place face à elle pour qu’elle continue à lui parler. Dans sa tête, des milliers d’idées passaient et repassaient. Sa femme était bel et bien une meurtrière. Ce qu’elle ne savait pas, c’est qu’il en avait été tout autant à une époque, mais qu’il n’avait pas vécu la chose de la même façon. Lui avait été acclamé en héros, elle en meurtrière.

Quand elle eut finie de raconter son histoire, l’Aragonais se tut quelques instants et la regarda. Gentiment, et en prenant soin de ne pas lui faire mal, il prit une de ses mains dans la sienne et lui dit:

« Ce que je vais te dire, il faut que tu le taises à jamais, c’est clair? Personne ne le sait, même pas Elzaïde, même pas l’Evêque, personne. »


Sans même lui laisser le temps d’en dire plus, il soupira un peu à l’idée de devoir évoquer ces tristes événements de sa vie et reprit:

« Tu sais qu’à une époque j’ai vécu en Aragon, je suppose? En fait, je suis né en Aragon, et ensuite j’ai vécu à Valence, en Catalogne. C’était une belle ville, on y vivait bien et le commerce était prospère. En plus, la Reconquista avançait bien, et bientôt les païens seraient chassés de nos terres. Tu as déjà vu un Maure? Pour te résumer un peu… Leur peau est un peu marron, et il parait, du moins c’est ce que disent les plus civilisés d’entre eux, que chez eux, tout n’est que désert. Je n’y ai jamais été, et ceux qui y ont été ont finis esclaves, alors finalement je suis plutôt content de ne pas m’y être rendu.

Quoi qu’il en soit, si je te parle de ça, c’est que je pense que tu dois savoir certaines choses. Il y a environ un an, je vivais avec une femme splendide. Clotilde, elle s’appelait. Ca faisait déjà une bonne dizaine d’années que je vivais avec elle, et elle m’avait donné une fille: Mélisende. Dieu, qu’elles étaient belles, toutes les deux! Bref, elles étaient mon monde, mon tout. Elles étaient mon Très-Haut. J’aimais déjà Dieu, même si je n’étais pas un bon croyant notamment car je n’étais pas baptisé, mais j’aimais Dieu. Une nuit, il y a déjà quelques temps maintenant… Les Maures, depuis leurs bateaux, ont fait une razzia sur Valence. Leur objectif était d’enlever les femmes et les enfants pour les revendre sur des marchés aux esclaves. Cette nuit-là, j’ai eu la blessure à la hanche que tu as peut être déjà vu. J’ai tué un homme. J’ai vu ma fille et ma femme mourir devant mes yeux. »


Il n’était pas facile d’expliquer ce genre de choses, surtout quand elle restait si récente. Comme il ne voulait pas se laisser envahir par l’émotion, et parce qu’il était nécessaire qu’elle en sache plus sur lui, Thibalt souffla un bon coup avant de reprendre son histoire.


« Mais je ne veux pas te parler de Clotilde et de Mélisende. C’est d’autre chose. J’ai été blessé à la hanche, comme je te l’ai dit, et j’ai été soigné par des moines d’une Abbaye proche et grâce à eux j’ai tenu le coup. Ils se sont occupés de moi, m’ont nourri sans jamais rien me demander, m’ont écouté sans jamais me demander à en savoir plus. Ils étaient là, tout simplement, et ça m’a aidé.

Quand j’ai eu la force de revenir vivre dans mon ancienne maison, j’ai découvert la misère d’un ancien quartier bourgeois. Mon ancien ami, Cervantes, était devenu complètement fou. La brutalité de l’attaque l’avait profondément perturbé et il terrorisait tout le voisinage. De ce qu’on m’en avait dit, il avait tué plusieurs personnes qui avaient pillés chez lui. Le vol, c’est mal, mais au point de tuer quelqu’un… Bref, une de mes voisines était une femme appelée Maria. C’était une femme très belle, elle avait perdu son mari pendant la bataille contre les Maures. De ce qu’on m’avait dit, Cervantes était très très attiré par Maria. En pleine nuit, et comme j’avais pris un mauvais réflexe qui était celui de dormir la fenêtre ouverte pour guetter tous les bruits étranges, j’ai entendu des cris qui venaient de chez Maria. J’ai tout de suite pensé à Cervantes. J’avais raison. En entrant chez elle, épée à la main, j’ai découvert mon vieil ami en train de tenter de la déshabiller. Je l’ai attrapé par le col et l’ai tiré en arrière. Il est tombé et nous nous sommes battus. Je l’ai tué. »


Tout était dit, maintenant… Elle savait tout. En pensant à cela, Thibalt ne put s’empêcher de se sentir un peu soulagé. Un poids de moins pesait maintenant sur sa conscience. Il s’était longtemps repenti de ses actes, mais Dieu seul saurait lui dire un jour s’il était pardonné ou non.


« Maintenant… Je veux savoir une chose… Est-ce que tu regrettes ces deux meurtres? Je ne te parle pas des raisons de ce meurtre, bien sûr. Je te demande simplement si tu aurais aimé qu’il en soit autrement… Que tu l’assommes et que tu t’en ailles, etc. Hmm? »

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On ne peut absoudre celui qui ne se repent point. [Dante]
Lacrymosa
Lorsqu’elle eut terminé son récit, Lacry attendit les yeux baissés que Thibalt se décide enfin à parler…Il prit doucement sa main dans la sienne et commença à lui parler de son propre passé. Lacry osa enfin affronter son regard et alors qu’il évoquait la femme qu’il aima pendant 10 années et leur adorable fille, Lacry sentit son cœur se serrer en l’imaginant dans d’autres bras. C’est lorsqu'il décrit la façon dont elles furent tuées devant lui que son regard changea, il passa de l’inquiétude à la compassion et ses yeux emplis de tristesse pour Thibalt ne se détachaient pas de lui. Elle serra un peu sa main ignorant la douleur que cela lui causait et l’écouta raconter comment il avait, lui aussi, tué un homme… Elle était stupéfaite, jamais elle n’aurait imaginé cela...mais étrangement elle trouva le crime de Thibalt plus légitime que le sien…à cause de sa culpabilité sans doute…

« Maintenant… Je veux savoir une chose… Est-ce que tu regrettes ces deux meurtres? Je ne te parle pas des raisons de ce meurtre, bien sûr. Je te demande simplement si tu aurais aimé qu’il en soit autrement… Que tu l’assommes et que tu t’en ailles, etc. Hmm? »


Lacry regardait toujours Thibalt et ses yeux se brouillèrent à nouveau. Elle les essuya d’un revers de main en répondant de cette même voix rauque :

Thibalt….chaque jour de cette maudite vie je regrette d’avoir eu du sang sur les mains car je sais que j’ai été la marionnette du Sans-Nom… Je sais que c’était mal !
Mais tu me demandes si j’aurais aimé qu’il en soit autrement ?

Avais-je le choix ?

Si je ne l’avais pas fait, je ne pourrais pas dormir tranquille car je penserais sans cesse au jour où il pourrait me retrouver ! Déjà comme ça Thibalt….mes nuits sont parfois hantées des démons du passé et je peine à m’en débarrasser… Le peu de bonheur que j’ai connu dans cette vie, c’est toi qui me l’a apporté !
Et sache que….


Sa voix se brisa et elle baissa les yeux tristement vers le sol maintenant recouvert d’un fin tapis blanc avant de s’élancer dans un aveu difficile à faire pour elle :

Sache que….c’est à cause de tout cela que je ne veux pas entendre parler d’enfant… Je dis toujours que je ne les supporte pas. Tu crois que je les déteste comme je le dis ? Non…c’est juste que je refuse de mettre un enfant au monde pour lui donner une vie comme celle que j’ai vécue…nos parents nous aimaient et voulaient notre bonheur et tu vois où ça nous a menés ? Ils sont morts et on a eu la pire enfance qui soit…j’ai pleuré tant et tant, prié tellement, toujours en LUI demandant pourquoi j’étais venue au monde puisqu’on me détestait… et je refuse d’être l’instigatrice de ça pour un autre enfant…si j’en avais, cette angoisse ne me quitterait jamais je pense… alors je préfère…..éviter le problème…… tu comprends ?

Elle le regarda à nouveau en se demandant s’il pourrait comprendre ça….Elle tremblait de tout son être….d’émotion et de froid…Il faisait nuit, la neige continuait à couvrir le sol et la lune éclairait toujours aussi fort le couple dans la clairière…
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Thibalt
Non, elle n’avait pas d’autre choix. Thibalt non plus, à l’époque, n’en avait aucun. Ils n’avaient pas eu le choix, ils n’avaient fait que ce qui semblait être la meilleure chose. L’un comme l’autre. L’Aragonais le comprenait, et il ne disait rien. Il se contentait de l’écouter, espérant que ses saignements se calmeraient tandis qu’elle lui parlerait de tout cela.

Même s’il ne disait rien pour l’instant, Thibalt était rassuré de savoir qu’elle regrettait son geste. Elle ne regrettait pas le fait d’être libre, le fait d’avoir tenté de se libérer des griffes de son bourreau, mais elle regrettait le fait d’avoir arraché la vie de ses propres mains. Et c’était ça, finalement, qui comptait. Il n’avait rien contre, d’ailleurs il pensait de la même façon depuis qu’il avait dû mettre fin, avec toute la peine du monde au cœur, aux jours de son ancien ami. Elle avait tout dit, et il le comprenait.

Sache que….c’est à cause de tout cela que je ne veux pas entendre parler d’enfant… Je dis toujours que je ne les supporte pas. Tu crois que je les déteste comme je le dis ? Non…c’est juste que je refuse de mettre un enfant au monde pour lui donner une vie comme celle que j’ai vécue…nos parents nous aimaient et voulaient notre bonheur et tu vois où ça nous a menés ? Ils sont morts et on a eu la pire enfance qui soit…j’ai pleuré tant et tant, prié tellement, toujours en LUI demandant pourquoi j’étais venue au monde puisqu’on me détestait… et je refuse d’être l’instigatrice de ça pour un autre enfant…si j’en avais, cette angoisse ne me quitterait jamais je pense… alors je préfère…..éviter le problème…… tu comprends ?

Son explication était cohérente et, comme réponse, il ne lui adressa tout d’abord qu’un sourire. Thibalt aurait aimé un enfant, plus que tout, mais même s’il ne le disait jamais ouvertement, il avait toujours cette peur, cette peur intense et profonde de mourir. Mourir de vieillesse, de la maladie, de la famine ou d’un coup d’épée. Il ne craignait pas la mort, mais l’abandon. La solitude qui en découlait pour tous ceux qui restent-là. Tous ceux qui vivent les funérailles, qui pleurent ceux qui sont morts et qui regrettent, chaque jour un peu plus, de n’avoir que trop peu connu un être qui leur était cher. Quelques secondes passèrent, et il ne disait toujours rien. Il avait froid, et il semblait bien qu’elle aussi. Se relevant doucement, lui prenant la main en prenant soin de ne pas lui faire mal à cause de ses entailles, il murmura presque:

« Je comprends… Rentrons, maintenant… Je suis fatigué. »


Il n’était pas fatigué, en fait. Il n’était pas peiné non plus. Il avait peur, tout simplement, et il ne supportait pas l’idée d’un jour disparaître. D’abandonner ceux qu’il aime et ce même s’il les retrouverait sûrement dans un autre monde. Il ne le supportait pas. C’était ses propos qui avaient réveillé cela en lui. Une peur humaine, mais qui semblait tellement plus concrète pour un homme de son âge et qui avait déjà tant vécu. La mort n’était plus si loin, comparé à de jeunes gens de vingt ans. C’était triste. C’était tant pis pour lui. Personne ne rajeunissait. Jamais.

Espérant qu’elle veuille bien rentrer car il commençait à claquer des dents, il resta ainsi. Attendant qu’elle se relève. Le regard dans le sien, cachant toute la peine qu’il ressentait en pensant qu’un jour, peut-être, il ne verrait plus son visage.

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On ne peut absoudre celui qui ne se repent point. [Dante]
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