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[RP] Au commencement était la mort...

Eriadan
Les sabots d'Avalone courraient sur la terre de Bourgogne, terre promise et tant désirée depuis des mois passés, aux côtés du cheval de Loulianne qui tentait de suivre le rythme de la jument noire.
La chevauchée ne souffrait aucune fatigue. Ils se devaient d'arriver au plus vite.
La missive de Charlyne continuait de trotter dans l'esprit d'Eriadan. Il avait du mal se rendre à l'évidence, et pourtant...

Il avait fait une prière dans la cathédrale de Limoges en passant, mais il se devait de voir son corps.
Rapide arrêt à Nevers où il acheta sa maison et y déposa ses affaires, il repartit immédiatement sur la route pour retrouver Charlyne à Cosne où elle était censée l'attendre, laissant Loulianne derrière.

Avalone semblait comprendre l'enjeu d'une telle traversée pour Eriadan. Elle n'avait pas montré le moindre signe de fatigue, elle flottait presque au dessus du sol avec une grâce incroyable et une vitesse imperturbable.
Elle était son soutien en cette sombre période pour Eriadan.
Il était en train de tout perdre.
Il se demandait parfois ce qu'il avait fait à Dieu pour mériter un tel châtiment...

Les murailles de Cosne apparurent au loin. Arrivé au niveau de la porte les gardes l'interpellèrent.


"Je suis Eriadan Wolback. Je viens pour pleurer le corps de ma soeur."

Les gardiens notèrent le nom sur le registre et laissèrent entrer le Loup du Lac dans l'enceinte de la ville.
Il ne mit pas longtemps à trouver la place centrale où Charlyne devait l'attendre, comme prévu en ce jour...

Il appréhendait ce moment. Celui où Charlyne le mènerait, où il devrait être confronté au corps inanimé de sa soeur alors qu'il venait tout juste de la retrouver après onze ans d'absence, alors qu'ils avaient des projets de vie commune, alors que le bonheur était si proche...

Son arrivée en Bourgogne était censée prendre un nouveau départ. Il souhaitait repartir sur une nouvelle vie, débuter de nouvelles perspectives et réussir peut être à trouver l'apaisement qu'il ne parvenait jamais à atteindre.
Mais il n'en fut pas ainsi...

Au commencement était la mort...

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--Charlyne

Charlyne


Était-ce le froid hivernal qui lui glaçait le cœur ou la rencontre à venir ? Charlyne marchait d'un pas vif dans les rues de Cosne, en essayant de chasser son appréhension. Elle ne savait pas comment allait se dérouler son entrevue avec le jeune Wolback. Ils ne s'étaient jamais croisés auparavant, mais elle devinait qu'il était profondément attaché à sa sœur, comme celle-ci l'était envers lui, et ce malgré les lieux et les années qui les avaient séparés.

Ce jour aurait du être empli d'allégresse. Les jumeaux auraient du célébrer leurs retrouvailles autour d'une cuvée du terroir, tout en devisant jusqu'aux aurores au coin du feu pour essayer de rattraper le temps perdu. Du moins, c'était comme ça que Luna s'imaginait ce jour et en parlait à sa dame de compagne, les yeux brillants de plaisir anticipé. Mais ce moment tant espéré n'arriverait jamais. Qu'allait-elle dire à cet homme en peine ? Elle en savait si peu sur les circonstances de la mort de sa sœur. Il allait essayer de comprendre comment cela s'était produit? Comment cela était possible? Il lui faudrait savoir pour qu'il puisse faire son deuil. Autant de questions auxquelles elle n'aurait pas de réponses à lui apporter. Comment allait-il réagir? Cela rendait Charlyne anxieuse et la peinait d'autant plus de la perte de celle, qu'elle était venue à considérer comme une amie.

La petite place où elle devait retrouver Eriadan était à présent devant elle. Inconsciemment, elle ralentit le pas en apercevant un cavalier solitaire. Immobile sur sa monture, il semblait attendre sur quelque chose, ou quelqu'un. Il ne pouvait s'agir que de lui. La jeune femme eut un instant d'hésitation. Elle glissa sur ses épaules la capuche qui lui masquait en partie le visage et prit une grande inspiration avant d'aller à la rencontre du jeune homme.


Bonjour messire, je suis Charlyne. Vous devez être Eriadan Wolback...

Elle lui adressa un sourire léger et plongea les mains dans ses poches pour les préserver de la morsure du froid, tout en observant l'inconnu avec une curiosité discrète.
Eriadan
Du haut de sa monture, Eriadan attendait. Elle était en retard... Il observait les rares passants dans la place enneigée. Mais c'était relativement désert.
Avec ce froid, les gens restaient chez eux à entretenir le feu de l'antre, à boire un bon vin chaud issu des vignobles de la province, ou encore à s'adonner à la chaleur des plaisirs charnelles sous une épaisse couverture confortable...
Cavalier noir solitaire, tel une statue de ténèbres au milieu de l'atmosphère blanche immaculée, il attendait, impatiemment, bien que son attitude laissait penser le contraire.

Quelqu'un arriva alors et s'adressa à lui.
Le Loup du Lac baissa son regard noir sur la jeune femme.
Elle était la seule à être au courant de sa venue. Il s'agissait nécessairement de Charlyne.
Il mit alors pied à terre pour lui faire face. Il la dépassait du haut de son mètre quatre vingt et sans lui répondre il lui dit directement:


"Menez moi à elle."

Il ne pouvait plus attendre.
Il avait traversé le Royaume avec l'appréhension de ce moment, mais il en avait besoin pour être sûr de lui, pour pouvoir la pleurer, l'enterrer, lui faire des funérailles de Princesse, et faire son deuil...
Une partie de lui, celle de a Foy, espérait qu'elle était vivante.
Une autre, celle de la Raison, restait très terre à terre, tentant de souffrir le moins possible, bien que ce fut d'ores et déjà peine perdu.


"Menez moi à elle sans perdre de temps!"
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--Charlyne

Charlyne


Le ton était donné; il était sec et direct! L'attitude du jeune homme n'avait rien de chaleureuse et lorsqu'elle croisa son regard noir, elle sentit un frisson lui parcourir l'échine. Instinctivement, elle fit un pas en arrière. Sa demande était légitime, mais Charlyne eut soudain la certitude qu'il allait réagir violemment lorsqu'elle lui expliquerait qu'il n'y avait pas de corps à veiller, ni à mettre en terre. Allait-il l'injurier et la traiter de menteuse ou d'incapable ? Ou pire, en viendrait-il aux mains ? Elle espérait qu'il parviendrait à maitriser sa colère et sa déception. A ses cotés, la jeune femme semblait si frêle qu'elle n'aurait aucune chance de se défendre si son courroux venait à s'abattre sur elle.

Elle hésita un instant. Comment le lui annoncer? Fallait-il essayer de le ménager? Non, cela ne servirait probablement à rien. Mieux valait ne pas passer par quatre chemins et lui annoncer clairement la nouvelle. Dans sa poche droite, ses doigts se resserrèrent sur un petit objet qu'elle sortit à l'air libre en prenant la parole:


Des ouvriers du port ont trouvés ceci sur les berges du lac, mais aucune trace de son corps.

D'une main légèrement tremblante, elle lui tendit sa paume dans laquelle reposait un ruban rouge, terni par les années. Une lettre "L", sculptée dans du bois fin, était suspendue au morceau d'étoffe par un anneau en acier. Le bijou n'avait aucune valeur matérielle, mais Luna le couvait comme la prunelle de ses yeux et Charlyne savait que pour rien au monde elle ne s'en serait séparée. Un soir d'automne, elle avait interrogée la jeune Wolback sur la provenance de l'objet, mais celle-ci avait habilement réfutée la question. Sa dame de compagnie se doutait qu'il s'agissait d'un vestige de son enfance, dont elle ne parlait guère. Elle n'avait donc pas insisté, malgré la curiosité qui la rongeait. Son frère en connaissait peut-être la provenance...
Eriadan
Fronçant les sourcils, il observa l'objet qu'elle lui présentait. Il tendit sa main et sentit le bois puis l'étoffe du ruban contre la peau de sa paume. Il leva alors le bijou au niveau de ses yeux l'air curieux.
Il ne se rappellait pas avoir jamais vu cet objet...
Les idées d'Eriadan se percutèrent.

Aucune trace de son corps.
C'est ce qu'elle avait dit.
Le premier sentiment qu'il eut était l'espoir.
L'espoir de retrouver un corps vivant alors qu'en venant c'est la mort qu'il était venue affronter.

Son second sentiment fut la colère. La colère de sa servante qui, sans avoir vu son corps, s'empresse d'écrire une lettre à son frère en la disant morte.
S'il avait laissé libre court à sa colère il l'aurait frappé et ordonné de disparaitre de sa vue à jamais.

Son regard se posa sur elle pendant quelques secondes. Il ignorait exactement depuis combien de temps elle était au service de Luna. Quoiqu'il en soit, tout le monde ne pouvait pas avoir de subordonné loyal et intelligent à la fois....
Chose qu'Eriadan avait...
En effet, tous ceux qui l'avaient croisé dans son voyage jusqu'en Bourgogne auraient dit qu'il ne voyageait qu'avec deux personnes.
Tamaga de Tarbes et Loulianne d'Eldrid.
Le fait est qu'un homme les suivait de près depuis le Béarn, de manière très furtive et ne se montrait jamais.
Tels étaient les ordres de son maître...


Sa main se referma sur la lettre en bois sculpté et sans ajouter un mot, ni lui accorder le moindre regard, il passa à côté d'elle avec l'intention de quitter cette place, tenant de son autre main la bride d'Avalone.

Les ouvriers du port.
C'est ce qu'elle avait dit.
C'est donc sur le chantier du port qu'il décida de se rendre, traversant les rues, alors que non loin de là, une ombre se faufilait derrière un mur observant furtivement la jeune femme laissée seule sur la place...

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--Valet.de.pic


Hermès, le Valet de Pic



En effet, l'ombre était là.
Tapis derrière un mur à observer le cavalier partir avec sa jument noire ainsi que la jeune femme laissée sur place.
Il n'avait loupé ni miette ni mot de la scène qui venait de se dérouler.
L'ombre, comme vous vous en doutez, n'était pas vraiment une ombre, mais un homme tout de noir vêtu. Une capuche sur la tête, c'est Charlyne qu'il regardait à présent.
Il avait trouvé Eriadan fort indulgent envers elle, ce qu'il considéra fort négligent et comptait bien remédier à cela.

Relevant alors sa capuche découvrant ses traits soyeux, il s'avança dans la place et s'approcha de Charlyne.


"Bonjour Mademoiselle.
Que faites-vous donc dans un tel froid?"


Détachant sa cape, il la déposa sur les épaules de la malheureuse.

" Que diriez-vous que je vous offre un bon vin chaud?"
--Charlyne

Charlyne


Sans un mot, le jeune homme prit le pendentif que Charlyne lui tendait. Impassible, son visage ne laissait transparaitre aucune émotion. Elle s'attendait à ce qu'il se mette en colère, la couvre de questions ou refuse d'admettre la situation, mais contre toute attente son calme apparent laissa la dame de compagnie des plus pantoise. Elle aurait préférée qu'il lui jette des reproches amères à la figure plutôt que de le voir s'éloigner sans un mot.

Suivant la silhouette masculine des yeux, elle sentit ses épaules se libérer d'un poids. Elle ne s'était pas rendue compte de l'état de tension dans lequel elle était en présence du frère de Luna. Leur entrevue fut plus brève que ce à quoi elle s'était préparée et elle était soulagée que ce moment qu'elle appréhendait tant soit terminé. Qu'allait-il faire à présent? Elle n'en avait pas la moindre idée et cela ne la concernait plus vraiment. Maintenant, elle n'avait plus qu'à plier bagages et essayer de se trouver un nouveau poste dans une maison convenable, peut-être en tant que dame de compagnie ou en tant que gouvernante pour des enfants de noble lignée et, si la chance ne lui souriait pas, elle n'obtiendrait qu'un poste de servante, mais elle devrait faire avec. Elle n'avait pas les moyens de rester désœuvrée bien longtemps.

Plongée dans ses pensées, Charlyne sursauta légèrement lorsqu'une voix masculine s'adressa à elle. Elle se tourna vivement vers l'homme, qu'elle n'avait pas vu approcher en pestant intérieurement de s'être laissée ainsi surprendre. L'inconnu lui avait l'air amical en contraste avec la froideur qui émanait du jeune Wolback.


Le bonjour. A vrai dire, j'allais me mettre au chaud. Ce n'est pas un temps à s'attarder dehors.

Elle lui adressa un sourire et, acceptant la cape qu'il posait sur ses épaules, elle se blottit dans le vêtement encore imprégné de la chaleur de son propriétaire.

Vous avez raison, je crois qu'un vin chaud sera le bien venu.


Cela allait la revigorer un peu et peut-être qu'un moment passé en bonne compagnie parviendrait à lui remonter le moral après les événements récents et les démarches qu'il lui restait à accomplir pour assurer son futur.
Elle lui accorda un nouveau sourire avant de prendre la direction de la taverne la plus proche.
--Valet.de.pic


Hermès, le Valet de Pic


La taverne?

Si Charlyne avait cru que ce gentilhomme la mènerait dans une taverne, elle se trompait lourdement.
Les tavernes étaient pleines de gens qui observaient et qui rapportaient les choses.
Le Valet de Pic détestait ça.
Il préférait de loin les lieux calmes et tranquilles.

Il remarqua qu'elle ne lui demanda même pas son nom alors qu'elle acceptait déjà l'invitation.
Sa séduction était sûrement déjà à l'oeuvre et la jeune roturière n'y était pas indifférente présumait-il.
Il faut dire qu'il avait un gros avantage sur elle.
Il avait de l'esprit.
Et sa loyauté pour son maître était sans faille.
Choses qui semblaient être absents de chez Charlyne.

Alors qu'il la couvrait de compliments, il poussa la porte d'une auberge vide.
Seul l'aubergiste qui était dans l'arrière boutique et accourant pour accueillir les rares clients de la semaine se trouvait là.
Hermès fit signe à l'aubergiste pour deux couverts.

Charlyne semblait surprise mais il ne la laissa pas parler.
Il la fit s'installer confortablement sur sa chaise et se plaça de l'autre côté de la table face à elle.
Pour la première fois, elle pouvait détailler l'homme qui l'avait mener en ce lieu.
De taille moyenne, il avait des cheveux lisses blonds presque blancs, et se tenait droit.
Un des traits les plus perturbants chez cet homme était son constant sourire qui ne faiblissait jamais.
On n'aurait su dire si c'était hypocrise permanente ou s'il émanait de lui une réelle bonté.
Toujours est-il que Charlyne avait l'air de lui faire confiance.

S'installant alors face à elle, ce sourire aux lèvres, il dit:


"Alors Charlyne. Quel repas vous ferait plaisir?"
--Charlyne

Charlyne


Ils étaient les seuls clients de l'auberge et le calme qui y régnait rendait l'atmosphère plus intime que dans une taverne bruyante et emplie de monde. Le tenancier allait les prendre pour un jeune couple alors qu'ils venaient tout juste de se rencontrer. Quelle idée de venir en ce lieu! Les joues de Charlyne s'empourprèrent. Elle n'aurait pas du suivre cet inconnu. L'incongruité de la situation la frappa soudain et elle baissa légèrement la tête pour essayer de masquer son gène. Comment allait-elle faire pour prendre congé de l'homme sans le froisser?

Alors qu'il l'entrainait déjà vers une table, elle cherchait toujours un moyen de s'esquiver, mais elle n'eut pas le temps de trouver un prétexte, qu'il lui avançait déjà une chaise pour qu'elle prenne place. Ce simple geste de courtoisie, auquel elle n'était pas habituée, fit fondre ses maigres doutes. Cet homme avait l'air des plus aimable. Il y avait peu de risques qu'il adopte une attitude irrespectueuse ayant pu lui porter préjudice .

Se détendant un peu, la jeune femme lui rendit son sourire, qui ne semblait jamais quitter ses lèvres. Elle fut un peu surprise lorsqu'il lui demanda ce qu'elle souhaitait manger. Ce n'était pas ce qu'il lui avait proposé lorsqu'elle avait acceptée son invitation.


Je ne voudrais pas abuser de votre gentillesse... Nous avions parlé d'un simple vin chaud.
--Valet.de.pic


Hermès, le Valet de Pic


Voilà qu'elle commençait à faire sa timide et se renfermer un peu sur elle...
Etait-ce son instinct qui s'exprimait à travers elle?
C'était possible.
Peut être que son inconscient savait, mais que sa conscience était loin d'imaginer à quel point le Valet de Pic pouvait être dangereux.

Il élargit un peu plus son sourire avant de hurler à l'aubergiste de sa voix cristalline:


"Deux assiettes de votre meilleure viande rouge ainsi que deux vins chauds je vous prie!"

Il s'installa alors face à Charlyne et la regarda tout sourire. Il pensa derrière ce sourire qu'elle avait ce visage de la poupée sans âme que l'on avait envie d'écraser au sol avant de lui arracher sa tête de coton.
Il échappa un petit rire avant de s'adresser à elle.


"Allons allons, ne soyez pas timide.
C'est moi qui régale.
Racontez-moi plutôt, Charlyne.
Que faites vous dans la ville de Cosne?"


Eriadan
[ Au même moment, non loin du chantier du port de Cosne ]


"Allez les gars, on arrête pour aujourd'hui!
Pause déjeuner pour tout le monde et rentrez dans vos foyers!
C'est qu'il fait froid vain dieu!"



Alors que les ouvriers cessaient de travailler, Eriadan arrivait sur le chantier du port. Il avait marché d'instinct, se posant mille questions tout en observant le "L" en bois sculpté dans sa main.
Ce "L" représentait pour lui l'espoir de retrouver sa soeur saine et sauve.
Si elle s'était noyée, son corps aurait été retrouvé...
Forcément...
Forcément?

Les ouvriers s'affairaient à ranger leurs affaires et autres outils.
Eriadan s'approcha alors de l'un d'eux, Avalone toujours derrière lui à la suivre.
L'ouvrier, voyant Eriadan, bien que le Loup n'avait pas plus de 20ans, fut inspiré d'un grand respect pour cet homme.
Ses vêtements, son cheval noir ainsi que l'épée qu'il avait à la ceinture jouait pour beaucoup.
Mais ce qui était décisif dans ce sentiment, c'était l'expression qui émanait de son visage.
Une expression impassible qui perturbait un peu.
Son regard était profond, l'ouvrier aurait même dit "perçant".
En fait, il ne savait pas bien expliquer ce qu'il ressentait en voyant le Loup du Lac, mais en y réfléchissant, même vêtu de haillons il se serait senti ainsi.
Malgré tout, l'ouvrier garda son sang froid.
Après tout c'était un gaillard et ce cavalier un gamin.


"Excusez-moi..."

Il s'était adressé à lui et dans un geste, levant sa main droite, il laissa tomber un objet en bois représentant un "L" qui fut retenu par un ruban rouge qu'il détenait fermement.

"Savez-vous qui a trouvé cet objet?"

"Euh... Oui, oui! Bien sûr. Voyez Messire, c'est l'ouvrier là bas! Le seul qui ne s'affaire pas à ranger..."

Eriadan ne comprit pas pourquoi après avoir répondu l'ouvrier repartit sans qu'il ait eu le temps de le remercier.
Mais peu importe, il avait eu ce qu'il voulait.
Son regard noir se posa sur l'ouvrier qui lui avait été indiqué.
En effet, c'était le seul qui était assis sur la rive du lac et observait la surface de l'eau sans bouger.
S'approchant de lui, il remarqua son expression et son regard vide.
Eriadan eut une certaine empathie en le voyant, bien qu'il ne savait pas ce qu'il lui arrivait.
Connaissait-il Luna?
Il n'allait pas tarder à le savoir.
Eriadan se surprit alors à s'assoir juste à côté de lui et regarder la surface du lac également, sans un regard vers l'homme qui était à sa gauche, sans mot dire...

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--Bertin
Depuis quelques semaines, il v'nait travailler tous les jours sur les berges du lac. Il aimait pas c't endroit et se s'rait bien passé d'y mettre les pieds. Ça lui rappelait d'mauvais souvenirs, mais l'avait pas l'choix s'il voulait continuer à nourrir sa femme et ses mômes. Le port était l'chantier l'plus important du moment et s'tait pour lui la meilleure offre d'emploi qu'il avait pu trouver en c'te période hivernale. D'habitude, la période des grosses constructions ralentissait 'vec les premières gelées, mais les grandes villes fluviales f'sait une course acharnée afin qu'leur port soit achervé l'plus rapidement possible. S'agissait pas d'ralentir la cadence!

Mais l'aimait vraiment pas bosser ici! A chaque fois qu'il posait son regard sur la surface miroitante il revoyait l'corps sans vie d'sa p'tite fille. Elle s'tait noyée il y a deux ans, alors qu'elle avait échappée à la vigilance d'ses parents. L'accident avait plongé la famille dans la tristesse et l'homme ne parv'nait t'jours pas à s'remettre d'la disparition d'son enfant.

Assis sur la rive du lac, il contemplait distraitement les vagues s'échouant sur la berge. Il y a quelques jours d'cela, il avait r'trouvé un bijoux non loin d'là. Il l'avait confié au chef de chantier en lui f'sant part d'ses inquiétudes. L'était persuadé qu'le lac avait encore volé une vie. Il savait pas c'qu'était d'venu le bijou mais le lendemain, le chantier fut interrompu toute la journée et les ouvriers réquisitionnés durent sonder les alentours du lac, à la recherche du corps d'une jeune femme, une noble de c'qu'il avait compris...

Sentant une présence à ses cotés, il s'interrompit dans ses pensées d'mauvaise augure. Un jeune homme l'avait rejoint en silence et, malgré la bonne facture d'ses vêtements, il s'tait assis à même le sol. Reportant à nouveau son regard sur la grande étendue qui leur f'sait face, l'ouvrier prit la parole:


Les eaux du lac sont traitresses 'savez?
Eriadan
Le Loup du Lac.

Ce n'était pas pour rien qu'on l'avait appellé ainsi.
Eriadan avait de nombreux souvenirs, de nombreuses anecdotes en rapport au Lac d'Angers.
Bonheur.
Amour.
Tristesse.
Colère.
Folie.
Mort.

Toutes ces histoires lui revinrent en mémoire en observant la surface du Lac de Cosne.
Ses premiers baisers qu'il offrit à Sadnezz au dessus de l'eau, leurs moments privilégiés amoureux, ces instants où plus rien n'existait pour Eriadan.
Il avait l'impression que cela faisait une éternité. Et pourtant...
Tristesse et colère lorsqu'il avait jeté son alliance destinée à Sadnezz dans les eaux ténébreuses.
Folie lorsqu'en plein hiver il y plongea pour rechercher la bague. Cette bague que, malgré lui, il portait toujours dans une poche deses vêtements, en toute circontance, telle une habitude...
Puis la fois où il avait plongé tel un lion sans réfléchir pour y tirer Sadnezz qui était en train de se noyer...

Le Lac était son ami.
Le Lac était son ennemi.
Il était son refuge.
Il était son enfer.

Le Loup du Lac regardait dans la surface étendue les reflets de son passé lorsque l'homme à ses côtés s'adressa à lui.


"Les eaux du lac sont traitresses 'savez?"

Sans quitter le lac du regard, il répondit:

"A qui le dites-vous..."

Maintenant son regard encore quelques instants sur le lac, il détourna finalement son regard pour l'observer quelques secondes.
Il lui montra l'objet qu'il avait trouvé.


"C'est vous qui avez découvert cet objet non?
J'aimerai que vous me montriez l'endroit exact où il était...
Savez-vous s'il y a eu une enquête de la Prévôté par rapport à cette disparition?"

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Le regard de l'ouvrier s'détourna des eaux troubles et s'posèrent sur l'objet qu'lui montrait le jeune homme. Il reconnut immédiatement l'bijou qu'il avait trouvé quelques jours plus tôt. Il pensait qu'il appartenait à une fillette, comme sa gamine qui s'tait noyée. C'est pour ça qu'il avait pris la peine d'en parler au chef d'chantier. Il était un peu étonné qu'on r'cherche une femme plus âgée. Les questions du jeune homme laissait présager qu'elle n'avait t'jours pas été retrouvée.
L'ouvrier se leva en pestant entre ses dents contre le lac et toutes les vies qu'il avait d'jà arraché.


V'nez, j'vais vous montrer...

Il attendit qu'l'inconnu se soit r'mit sur ses pieds et l'entraina vers le sentier longeant la rive.

Y a pas eu d'enquête nan... La prévôté a sur'ment d'aut' chats à fouetter!
J'ai trouvé le ruban et le lendemain, l'chef nous a d'mandé d'chercher l'corps d'une jeune femme. On a rien trouvé...
J'tais étonné qu'on fasse des r'cherches d'ailleurs. D'habitude quand y a un noyé, la famille s'dépatouille comme elle peut si elle veut r'trouver le corps.


L'ouvrier ralentit le pas. Ils approchaient d'un ponton où les pécheurs avaient l'habitude d'amarrer leurs barques. S'dirigeant en direction de la structure en bois, il poursuivit ses explications.

On arrive... C'tait par là un peu en contrebas du sentier, pas loin du ponton.

Tendant le bras, il pointa du doigt le sol, à quelques pas d'un arbre autour duquel poussait des joncs et des hautes herbes.

J'ai vu l'ruban pacqu'sa couleur dénotait dans la végétation couverte de givre. Ça m'a intrigué...
Eriadan
Eriadan regarda l'homme avec un air grave.
Le bracelet se serait trouvé en contrebas du sentier...
Non loin du ponton...
Comment est-ce possible?


"Vous êtes sûr de vous?"

L'ouvrier acquiesca sans dire un mot, observant la mine interloqué du jeune noble. Il réfléchissait pour sûr mais qu'y avait-il dans sa tête?

Eriadan émit alors l'hypothèse que le bracelet ne soit pas tombé avant la noyade, mais peut être après...
Cette hypothèse aurai paru folle à l'ouvrier, pourtant elle semblait plus cohérente. L'emplacement de l'objet trouvé se trouvait trop loin du lac...
Il s'accroupit alors et regarda le sol givré.
Son esprit d'enquêteur qu'il avait abandonné en même temps que son insigne refir alors surface.
Les hypothèses se multipliaient, même les plus folles. Il les sélectionnaient, les rejettaient.

Portant alors son attention sur le sol, il demanda à l'ouvrier.


"Ce sentier est il fréquenté?"

L'ouvrier lui dit qu'il était fréquenté mais pas en hiver. Rares étaient les gens qui s'enfonçaient dans la forêt en hiver.
Malgré tout le givre était présentait plusieurs éclats, ça et là, recouvert par une nouvelle couche de givre.
L'hypothèse qu'elle ne se soit pas noyée gagnait de plus en plus de chances d'être effective...
A moins que quelqu'un ait retiré son corps des eaux... Morte ou vive...
Il s'approcha alors de l'entrée de la forêt par le sentier et aperçut quelques branches cassées.
Ce n'était peut-être rien, mais pour une route non fréquentée, c'était intriguant...
S'approchant d'un arbre où les branches étaient fendus, il décala quelques feuilles près des racines lorsqu'il aperçut quelque chose de choquant qui faillit le foudroyer sur place.

Se relevant il jeta un oeil au plus profond de la forêt, priant de toute son âme qu'elle fut encore vivante, malgré la découverte qu'il venait de faire au pied de l'arbre...

Du sang...

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