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La suite des aventures de Guillaume, ou comment vous ennuyer avec mes mono-rps XD

II. Une odeur, une pensée

Guillaume_de_Jeneffe
Bande sonore

Le sel. Le sel. Toujours le sel. Cela faisait des semaines qu'il ne sentait plus que cette odeur. Elle s'était infiltrée partout. Jusque dans sa barbe, jusque dans sa sueur. Jusque dans le bois qu'il empoignait à longueur de journée. Pour un peu, même le son en aurait été chargé. Il avait pourtant longuement couru les côtes. De Flandres, de Normandie ou d'Artois. À pied, à cheval, en bateau. Mais jamais il ne l'avait senti autant qu'aujourd'hui. Plusieurs fois, déjà, il en avait vomi. Au point de rapidement se faire signifier, poings à l'appui, qu'il n'avait pas intérêt à recommencer.

Et ça, comme le reste, il l'avait assimilé. De toute façon, il n'avait guère le choix. Il ne savait toujours pas, à cette heure, ce qui avait provoqué sa situation. Et il n'avait pas d'autre solution que de continuer, perpétuellement, ce mouvement dont tant de fois il avait bénéficié. Et puis, au fil du temps, il avait fait connaissance de ses « collègues ». On ne pouvait pas dire qu'une amitié s'était créée entre eux. Plutôt une certaine estime, plus qu'une estime certaine. À part, peut-être, avec un certain Eusèbe, qui se disait proche d'un cardinal. Mais qu'est-ce que cela pouvait changer ? Pas de solution de sortie.

Alors, il avait fallu attendre. Attendre et encore attendre . Et subir, surtout. Subir et encore subir. Encaisser sans réagir, mordre sur sa chique. Au long des milles, sans rien laisser paraître. Il avait pu penser, écouter, réfléchir, regretter. Encore et toujours cette vieille histoire du nord. Quoique, dire le nord, c'était beaucoup dire. Depuis tout ce temps, il l'avait certainement laissé autant de fois au sud qu'au nord. Quoiqu'en fait, ça ne changeait rien à l'affaire. Il était seul, ou presque, dans cet enfer de bois salé. Et il ne comprenait pas pourquoi. On ne lui en avait rien dit, bien sur. D'autant que les seules conversations qu'il y avait eu ne furent qu'avec une Irlandaise, bien loin de se préoccuper du devenir du chevalier. Non, c'était bien autre chose qui l'avait intéressé, elle. Et des autres, il n'avait rien appris. Si ce n'est que son crâne n'était pas aussi résistant que ce qu'il aurait espéré.

Puis ç'avait été le noir, le silence, le sommeil. Et pour finir, il avait trouvé la place où il était encore aujourd'hui. Alors, il avait gambergé. Seul dans ses pensées. Tout lui revenait, en bribes, par morceaux. Il se souvenait d'elle, d'eux et des autres. Dans une longue mélancolie, il revoyait ses terres, ses amis, ses chevauchées. Revoyait ses guerres, ses accrochages, le sang qu'il avait répandu, les familles qu'il avait endeuillées. Comme la sienne, en fait, l'était certainement. Ce n'étaient plus les pleurs qui étaient venus, mais l'odeur de la haine, et du doute. Qui donc avait pu lui en vouloir au point de lui infliger cela ? Qui avait préféré lui offrir la souffrance que la mort, le questionnement que la certitude du néant, la perte des êtres chers que le deuil ? Certes, il avait tué, trompé, manipulé parfois, mais était-ce là raison pour ne pas lui faire savoir qui se vengeait ainsi de lui ? Car il ne comprenait pas son sort autrement que par la vengeance. Ne pouvait avoir manigancé cela qu'une personne d'importance, avec des relais dans les couches les plus ignobles de la civilisation, qu'une personne pour qui le mot vengeance ne se limitait pas à tuer en retour. Il fallait abandonner les gueux, qui ne pouvaient avoir commis cela. Abandonner donc la majeure part de ceux qui avaient reçu le baiser de sa lame comme dernier présent. Qui donc n'avait-il pas pris à rançon ou épargné, qui donc avait-il pu insulter sans espoir de pardon ?

À toutes ces questions, jamais il ne voyait de réponse, car jamais il ne pouvait concevoir que l'on se vengeasse de lui sans lui en faire savoir la raison. Alors, toujours, dans ses mais, revenait ce sentiment d'impuissance qui le laissait furieux, et incapable d'agir. Car ne restait dans ses mains que ce long morceau de bois, et autour de lui, personne pour l'aider. Tous le regardaient comme un possédé, certains même se moquaient de lui, plus ou moins ouvertement. Qu'il aurait aimé leur faire rendre gorge, à tous, lorsqu'il sentait cette vaine colère chercher à s'échapper.

Mais rien, toujours, il ressentait les liens qui l'empêchaient de se lever, de se battre, de fuir, de chercher cette vérité qui lui échappaient. Et il repartait alors dans ses souvenirs, ses regrets. Dans cette vie d'époux qu'il avait quittée si rapidement. Avait-il seulement su lui offrir tout ce dont il la voyait digne ? Avait-il su seulement s'assurer de la subsistance de sa fille, autrement que par un testament ? Certes, il l'avait tenue dans ses bras, lui avait sourit, joué, parfois, avec elle, emmenée, même, en cheval. Mais tout cela n'avait duré qu'un instant, qui rapidement s'était évanoui devant la vie qu'il avait choisie et que jamais il n'avait mise de côté. La souffrance, la guerre et la mort plutôt que la famille, la joie et les sourires. Il avait souvent dit qu'il aurait été égoïste d'abandonner l'épée pour sa famille. Mais là n'avait-il pas été, justement, sa principale preuve d'égoïsme, abandonner sa famille pour continuer à bénir l'ennemi de son épée ? Faire cette guerre de romans chevaleresques, exaucer ce rêve de gosse, et ne rien laisser l'en empêcher. Et cette pensée, sans contredit, sans personne pour le convaincre du contraire, faisait son chemin. Aussi, chaque fois, c'était découragé qu'il retombait sur son banc, bardé de chaînes, au milieu des autres galériens.

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