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[RP privé]Quatre murs et un toit pointu: réapparition

Xmanfe1999
Malgré les rumeurs de guerre qui grondaient depuis quelques jours, Xm était bien peu préoccupée du sort de la ville. Elle avait accompli son devoir de sergent en effectuant comme prévu ses trois journées et trois nuits de garde, puis après avoir mis le point final à son dernier rapport elle avait pris le chemin de la forêt.

La veille, elle avait remis à Cael à la taverne, après une discussion houleuse, la boîte contenant la vingtaine de pilules nécessaires au traitement de Musaraigne, accompagnée des instructions pour leur administration.
Xm avait tenté de faire passer l'abandon partiel de son patient pour de la fatigue extrême, mais elle se doutait bien que la sagace et sensible Cael subodorerait qu'il y avait anguille sous roche et qu'elle ne se satisferait pas de ses excuses. Elle avait dû, de mauvaise grâce, lui promettre d'être prudente et raisonnable, alors que la seule envie qui la tenaillait était de dormir jusqu'à en oublier le monde, et pour y parvenir, d'utiliser tous les moyens, dont aucun n'était raisonnable, dont elle disposait.

Xm passa donc la journée à mettre en ordre des affaires et à rassembler ce qui lui serait nécessaire pour les jours et les nuits à venir.
Elle fourra pèle-mêle dans une grande sacoche, couvertures, nourriture, boisson - il lui restait encore une fiasque de la fameuse grappa de son ami Gianni, celle là même que Lefier avait tenté de lui voler l'année précédente.
Elle enveloppa soigneusement dans un grand châle sa pipe et la boîte d'ivoire qu'elle avait pris soin de garnir plus tôt dans la matinée. Enfin prête, elle ferma soigneusement son échoppe et pris la route vers le sud, vers la montagne et la forêt.

Il était sans doute assez tard, puisqu'elle se rappelait avoir entendu sonner nones un long moment auparavant. Le jour tombait et Xm savait qu'il ne tarderait pas à faire nuit noire. Elle hâta le pas. Il était vital qu'elle soit à l'abri avant que le froid, qui avait été féroce ces derniers jours, ne rende sa progression trop pénible.

A mesure qu'elle gravissait les premières pentes après l'orée du bois, et que les bruits de l'activité humaine devenaient de plus en plus lointains, Xm prenait conscience de l'immensité glaciale autour d'elle.
Si elle n'avait entendu ses pas, qui faisaient sourdement crisser la neige sous ses pieds chaussés de chaudes bottes fourrées, elle aurait pu se croire seule dans un monde à jamais voué au silence. Seul l'aboiement d'un chien, porté par le vent du nord, la rattachait encore au monde des vivants.
Xm se retourna pour contempler la vallée et le lac à des milliers de lieues , tout en bas.
Les lumières derrières les fenêtres des maisons et les fanaux à l'entrée du port en construction, s'allumaient les uns après les autres.
Xm eut même l'impression qu'elle apercevait, dans la lumière tremblotante d'une lanterne, au dessus de la porte de la Taverne Municipale - qu'elle ne pouvait se résigner à appeler la Taverne de la Ville Fantôme - deux silhouettes- un homme et une femme, mais de si loin et par cette lumière agonisante comment aurait-elle pu en être sûre? - qui semblèrent s'immobiliser un moment, comme pour discuter, puis se séparèrent et partirent dans des directions opposées.
Quelque chose dans l'allure de la femme lui rappelait Cael, le pas décidé, presque rageur, le nez levé haut, le dos droit. La silhouette masculine dans ce cas avait dû être Musaraigne. D'ailleurs la femme ne lui avait-elle pas donné quelque chose qu'elle avait tiré de sa poche?

Xm secoua la tête. Ses yeux pleuraient à cause du vent froid. Comment aurait-elle pu distinguer quoi que ce soit de si loin? Son imagination lui jouait des tours. La fatigue sans doute.
Elle remonta son col sur sa tête et y enfouit son nez, dont elle ne sentait déjà presque plus le bout et se remit en marche.
Dans le jour finissant une masse sombre se profila soudain derrière les arbres. Elle était enfin arrivée à destination. Sa maison de thé, son improbable "chashitsu" , son refuge secret était toujours là. Sa silhouette fantomatique se découpait avec une élégance immatérielle sur le blanc de la neige. Dans la clarté lunaire qui montait du sol, on aurait pu la croire surgie de nulle part.
Xm s'arrêta à l'orée de la clairière qu'elle avait élargie pour y bâtir cette merveille de simplicité. Si elle n'avait en ce moment été plongée dans la mélancolie la plus profonde, elle en aurait apprécié à sa juste valeur la perfection des proportions et la modestie de la mise en œuvre. Mais elle ne ressentait à l'instant d'y pénétrer pour la première fois depuis plusieurs mois, qu'un chagrin lancinant et un sentiment d'échec qui la ramenait toujours au même point. La souffrance. Le manque . Le deuil.

Xm s'avança et gravit les quelques marches qui la séparaient du seuil. Elle se défit de ses bottes et s'agenouilla devant la porte qu'elle fit coulisser. Le bois en avait un peu gonflé et elle dut se redresser sur ses genoux pour parvenir à l'ouvrir suffisamment pour se glisser à l'intérieur. Elle fit passer son sac devant elle et se courba pour en franchir l'entrée volontairement basse, toujours à genoux.
La maison, qui ne comportait que deux petites pièces, était froide et silencieuse. Xm referma la porte coulissante derrière elle.
A travers les panneaux de parchemin huilé qui faisaient office de fenêtres, la lumière de la lune, qui inondait maintenant la clairière, découpait les ombres des modestes objets que Xm y apporté pendant l'été. Une table basse, à peine plus grande qu'un échiquier qui était censée servir pour le "chanoyu" la cérémonie du thé.
Un"tatami", qu'elle avait confectionné à ses heures perdues avec du roseau récolté sur les rives du lac.
Un "futon" que, faute de coton,'elle avait patiemment bourré de la laine de ses moutons, était soigneusement roulé dans un coin. Il ne manquait plus pour son confort, que d'allumer un brasero et de s'enrouler dans une des couvertures qu'elle avait apporté.

Toujours en progressant sur ses genoux , Xm alla dans la minuscule cuisine attenante, récupérer brasero, le charbon de bois et le briquet pour allumer le feu. Elle déposa le tout sur un plateau et revint dans la pièce. Le froid était si vif derrière les minces parois de bois et de papier que Xm dut souffler longuement sur ses doigts avant de parvenir à obtenir une étincelle en frottant son briquet d'acier sur un silex. Elle finit néanmoins à enflammer l'étoupe et les morceaux de charbon de bois qui brûlèrent bientôt d'une belle flamme jaune.

Xm poussa un soupir soulagé et s'enroula frileusement dans sa cape, prenant bien soin de cacher ses pieds déchaussés dans ses plis. Elle tendit les mains vers les flammes. La clarté du petit feu rendait le reste de la pièce plus sombre par contraste.
Les flammes faisaient danser des ombres sur les cloisons peintes. Un reflet de métal attira l'œil de la jeune femme.
Dans le coin le plus sombre de la pièce, là où quelques secondes auparavant il n'y avait rien, Xm distinguait les contours vagues d'une forme accroupie. Un frisson glacé parcourut son échine et elle crut que son cœur allait s'arrêter de battre. Paralysée et muette, elle vit l'homme, calmement assis en tailleur, se redresser. Elle vit son visage ascétique animé par le reflet des flammes, étrangement pâle et comme éclairé de l'intérieur. Alors que Xm avait la sensation que son cœur et que son cerveau allaient exploser elle entendit une voix familière lui murmurer:


Konbanwa, Kiku chan, je t'attendais...
_________________
Xmanfe1999
Les yeux écarquillés, le souffle coupé, Xm vacillait, assise sur ses talons. Sa main, comme mue par une volonté qui lui était propre, cherchait devant elle un point d'appui qu'elle ne trouva point et la jeune femme rendue muette par la stupéfaction tomba face contre terre. Elle resta ainsi un long moment, prosternée, n'osant lever les yeux.

Reprenant difficilement son souffle, elle finit par relever la tête suffisamment pour deviner dans l'ombre, l'homme qu'il était impossible qu'elle voie à cet endroit et à ce moment précis.
Sa raison, ses sens lui disaient qu'elle devait rêver, qu'au moindre mouvement il allait disparaître dans un brouillard. Pourtant il était là, assis calmement, dans l'angle le plus sombre de la pièce, ses pieds déchaussés gainés de soie noire, croisés devant lui.
Son sabre reposait comme toujours lorsqu'il était au repos, en travers de son giron, et sa garde ouvragée luisait doucement dans la lumière dorée du brasero.
Au fur et à mesure que Xm, tremblante, relevait la tête, les yeux toujours baissés , son regard découvrait de nouveaux détails que son esprit se refusait à admettre.
La main droite de l'homme reposait souplement sur la garde du sabre et bien que ses doigts repliés fussent en partie dissimulés par longues manches de son vêtement noir, elle en distinguait fugacement la peau brune, les articulations élégantes, les cals laissés par la corde de l'arc et la garde de l'épée, et surtout, surtout la phalange manquante à son auriculaire...
Fermant les yeux, la gorge serrée, Xm déglutit difficilement.
La vue de cette belle main mutilée envoyait dans tout son corps, malgré son état de panique absolue, des frissons électriques. Elle croyait sentir sur ses épaules, le long de son échine, sa caresse subtile et étrange à la fois.

Elle retomba le front au sol.

La voix, rauque et soyeuse se fit à nouveau entendre, comme dans un rêve. Il semblait essayer d'en gommer les accents autoritaires propres aux hommes de son rang:


Eh bien, Kiku chan, on dirait que tu as oublié tes manières... Tu ne souhaites pas la bienvenue à ton maître?

Le front toujours posé sur ses mains, Xm répondit dans un murmure:

Gomen nasai, Saburo sensei, amari ni mukashi no koto nanode watashi wa zenbu wasurete shimaimashita...*
.
Un rire semblable à un feulement accueillit ces humbles excuses.
En tout cas tu n'as pas oublié notre langue! Tu me surprendras toujours Kiku chan. Zuibun ohisashiburi desu...**

Oui, maître, cela fait bien longtemps


La voix brisée par le chagrin, Xm toujours prosternée, n'osait se relever.

Cela fait si longtemps que je n'ose y croire... Je ne peux y croire, sonna hazu wa nai desu...***

Les yeux pleins de larmes, Xm répétait inlassablement les mêmes mots: ce n'est pas possible, ce n'est pas possible...

Soudain tout devint noir autour d'elle. Elle s'écroula au sol et ne vit ni n'entendit plus rien.




Pour les non nippophones

*Je suis désolée, maître Saburo, cela fait si longtemps que j'ai tout oublié
** Cela fait très longtemps
*** Ce n'est pas possible!

_________________
Cael
Xm avait demandé à Caël de ne pas arriver trop avant la tombée de la nuit... Avec les évènements passés en taverne, elle avait pris du retard sur son départ. La bretonne n'arriverait là-bas qu'à la nuit noire. En sortant du 33, elle se dirigea vers la porte sud de Genève et quitta la ville d'un pas rythmé. Marcher vite lui permettrait de conserver le maximum de chaleur et aussi de lui calmer les nerfs. Il était hors de question qu'elle arrive dans cet état d'emportement chez Xm. Elle devait retrouver son calme avant. Elle espérait que le trajet ferait son œuvre.

Arrivée à l'entrée du bois, Caël marqua une pause. A partir de là, il ferait encore bien plus sombre. Traverser le bois à la lumière des astres n'était certes pas dès plus raisonnable, mais son esprit n'en éprouvait aucune anxiété. Elle connaissait correctement la route, elle ne devrait donc pas se perdre. Du moins, théoriquement ! Son sens de l'orientation était loin d'être parfait. L'idée de ne jamais plus rentrer à Genève, de tout laisser derrière elle lui traversa l'esprit. Elle sentit sa gorge se nouer et une vague de fatigue l'envahir.

Il fallait qu'elle réussisse à faire abstraction des préoccupations genevoises et musaraigniennes qui lui martelaient l'esprit. Elle décida de concentrer ses pensées uniquement sur Xm. Elle l'avait trouvé plus sereine lors de leurs dernières discussions... La Bretonne en avait ressenti un profond soulagement tout en gardant une certaine méfiance : Les apparences étaient parfois trompeuses ! Les deux femmes avaient réussi à parler calmement. Caël bien que profondément cartésienne, n'avait pas pour habitude de porter des jugements aussi tranchés que la belle exotique… Simplement parce que Caël partait du principe qu'on ne savait jamais ce que l’avenir pouvait réserver... et ce qu'on pouvait devenir. Xm avait prononcé le mot de folie, Caël uniquement celui d'expression d'un mal être...

Tout en marchant à vive allure, Caël se remémorait le maximum d'évènements communs à elles deux. La jeune femme se concentrait mais elle était incapable de se souvenir de leur première rencontre...pourtant elle avait forcément eu lieu. ! Elles avaient fait de la route toutes les deux. Issues de deux cultures lointaines mais ayant des similarités, les deux femmes, bien que différentes, avaient vite été proches. A plusieurs reprises, les évènements de la vie auraient pu faire diverger leurs routes. Mais elles étaient restées soudées.

Toute absorbée par ses pensées, soudainement Caël réalisa que le halo de lumière de la clairière apparaissaient devant elle. Ca y est, elle était bien arrivée. La marche finalement était passée assez vite. Elle s'approcha timidement de la porte. Elle était étrangement excitée et heureuse à l'idée de revoir Xm. Elle hésita un instant puis décida de frapper en appelant :
"Xm.... c'est Caël. Je suis arrivée ! Je suis désolée d'arriver si tardivement ..."La bretonne attendit en se frottant les mains l'une contre l'autre pour se réchauffer.
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Caëlliane Woronvë : En transit
Xmanfe1999
Dans la maison de thé silencieuse, l'obscurité régnait à nouveau.
Le froid coupant, que le petit brasero avait à peine réussi à entamer avait repris possession des lieux.
Blotti en position fœtale sous sa cape, le corps évanoui de Xm était parfaitement immobile. Seuls ses yeux, sous ses paupières closes, étaient agités de mouvements rapides. Un impalpable voile de buée s'échappait de ses lèvres. Loin, très loin, plongée dans les ténèbres épaisses de ses songes, peuplés de flammes, de cris de douleur et de gémissements d'angoisse, Xm entendait des coups sourds, comme frappés à une porte inaccessible et invisible. Il lui semblait que ces coups s'éloignaient et se rapprochaient tour à tour. Elle avait l'étrange sensation d'entendre, au milieu du maelström de ses cauchemars une voix claire et insistante, une voix de femme.
Une frémissement, un froncement de sourcils, une respiration plus profonde.
Soudain une main sèche et légère comme un souffle se posa sur son épaule. Une voix profonde, comme immatérielle, murmura à son oreille.


Kiku chan...Réveille-toi...

Xm s'assit brusquement. Égarée, elle jeta un regard autour d'elle. La pièce était d'un noir d'encre, exception faite d'un cercle de lumière fantomatique exactement où elle se tenait, au centre de la pièce. Dans l'angle, toujours à la même place, la silhouette de Saburo n'avait pas bougé. Un rayon de lune luisait toujours sur la tsuba ouvragée de son épée maintenant dénudée. Dans son visage presque invisible, Xm eut l'espace d'une respiration, l'impression de voir briller ses yeux, comme deux morceaux d'obsidienne au fond de ses orbites.

Les coups sur la porte se faisaient plus insistants.

Scrutant l'ombre plus intensément elle vit soudain son maître sourire avec malice et articuler en silence.


Vas-y...

Dehors la voix se faisait plus impérieuse.

Citation:
"Xm.... c'est Caël. Je suis arrivée !"


Un mouvement du menton pour désigner la porte. Un geste de la main, le doigt posé sur les lèvres.
Xm sourit à son tour et hocha la tête. Elle glissa à genoux vers la porte et fit coulisser le panneau que son amie menaçait d'anéantir sous ses coups. Elle la découvrit agenouillée devant l'huis, tremblante de froid dans ses châles.

Oh Caël, c'est toi? Tu es venue? Entre vite tu dois mourir de froid!

Xm s'effaça pour laisser entrer la belle bretonne, à deux doigts de se transformer en statue de glace, et referma le panneau derrière elle.

Pas la peine de secouer la porte aussi fort, ajouta-t-elle, faussement agacée. Tu vois, c'est un panneau coulissant.
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Cael
Caël agenouillée devant l'huis commençait à s'inquiéter fortement de l'absence de réaction de Xm. Elle était certaine que sa belle exotique était là... mais dans quel état ? Une vague d'angoisse traversa son corps gelé. Ah non...non... elle ne pouvait pas … Pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé ! Elle piaffait d'inquiétude dehors. Mais Caël se voyait mal entrer sans en être invitée !

Quand la porte glissa laissant apparaître Xm, Caël ne put retenir un immense souffle de soulagement. Si elle n'avait pas eu aussi froid et si elle n'avait pas sa perpétuelle ampoule clignotante « Retiens toi !. retiens toi ! », elle lui aurait sauté au cou. Mais elle se contenta de lui sourire.


Citation:
Pas la peine de secouer la porte aussi fort. Tu vois, c'est un panneau coulissant.


Caël regarda le fameux panneau coulissant d'un air légèrement penaude. Elle bafouilla en se frottant vivement les mains l'une contre l'autre pour tenter de se réchauffer : « Je suis désolée... mais je m'inquiétais pour toi... et puis il fait sacrément froid dehors ! »

A ces mots, elle réalisa qu'il faisait guère plus chaud à l'intérieur... Elle referma doucement le panneau coulissant derrière elle. Elle secoua la tête pour libérer ses cheveux de leur capuche. Dans le même geste, sa longue chevelure ébène tomba en cascade sur ses épaules alors qu'elle réalisait que tout était terriblement sombre. Les yeux de la jeune bretonne observèrent les lieux avec une attention aussi particulière que possible pour un lieu manquant totalement de luminosité. Tout semblait terriblement calme. Xm avait elle de la « compagnie » ou pas ? De la compagnie réelle ou pas... Tout en continuant de se concentrer pour distinguer les lieux malgré la pénombre, elle s'adressa sur un ton volontairement calme à Xm :
« J'espère que je ne te dérange pas... Dis donc, il ne fait pas chaud ici ? Tu n'as pas peur d'attraper mal. Comment vas tu ce soir ? Et...»

Caël n'osa pas aller plus loin dans sa phrase. Xm se souvenait elle de la raison pour laquelle elle lui avait demandé de venir ? Oui probablement... Mais aborderait elle le sujet, c'était sans doute encore autre chose... Caël verrait bien ! Le regard de la jeune femme quitta alors la pièce pour se poser avec beaucoup de tendresse sur la belle exotique. Elle reprit soudainement pour briser le silence pesant:
« Xm, est ce que tu te souviens de la toute première fois où nous nous sommes rencontrées ? » Elle se tut et se mit à écouter les différents bruits du lieu.
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Caëlliane Woronvë : En transit
Xmanfe1999
La porte une fois refermée, Xm se sentit un peu mieux. Elle ne savait ce qu'elle devait penser de la présence de Caël. Quand elle l'avait vue la veille en taverne - ou était-ce l'avant veille? -, la jeune Bretonne lui avait semblé exagérément inquiète et ce n'est que devant son insistance qu'elle l'avait finalement invitée à venir la rejoindre dans sa thébaïde,afin qu'elle puisse constater d'elle même qu'elle y était en parfaite sécurité.
La présence inexplicable de son vénéré maître devait lui rester pour l'instant secrète.

A moins que...
Xm s'interrogeait intérieurement, tout en sacrifiant avec zèle aux rituels de l'hospitalité nippone. Elle débarrassa son amie de son châle humide et lui tendit une épaisse couverture de soie matelassée.

Tiens, enroule-toi là dedans le temps que je refasse du feu... Je vais nous faire un peu de "cha", cela nous fera du bien.

Xm enchaînait les allées et venues entre la petite pièce attenante où elle avait amassé quelques réserves et la pièce principale où elle garnit à nouveau le brasero de fonte, qu'elle alluma adroitement en quelques coups de briquet. Son cerveau fonctionnait à toute allure, mais ses questions demeuraient sans réponse:
Avait-elle parlé à Caël de Saburo? Lui avait-elle raconté les circonstances de sa mort et le rôle qu'elle y avait joué? Lui avait-elle révélé son retour impossible?
Elle avait beau tourner et retourner ces questions dans sa tête, essayer de se remémorer les événements de ces derniers jours, rien... le vide total. La panique commençait à la gagner. Elle espérait simplement n'en rien laisser paraître.

Le feu commençait à nouveau à éclairer la pièce. Xm jeta un regard inquiet vers l'angle de la pièce où son maître était tapi un instant auparavant : qu'allait dire Caël en découvrant un inconnu chez son amie? Elle espérait qu'elle n'aurait pas peur... elle priait pour qu'elle puisse voir elle aussi quel homme extraordinaire il était.
Mais dans l'angle de la pièce, dont les ombres reculaient, repoussées par la clarté des flammes il n'y avait qu'une épée nue - son épée?- posée contre la cloison de bois. La soie parfaite de sa lame Maru luisait doucement.
L'illogisme de la chose la tourmentait au plus haut point.

Désemparée, Xm interrompit un instant sa tâche. Caël lui parlait.

Citation:

« Xm, est ce que tu te souviens de la toute première fois où nous nous sommes rencontrées ? »


Caël attendait patiemment. Elle semblait à l'écoute du moindre bruit, attentive au moindre mouvement dans la pièce. Xm s'efforçait d'agir avec naturel et c'est à peine si sa main tremblait en puisant l'eau frémissante dans la bouilloire pour la verser sur la poudre vert émeraude dans le bol qu'elle avait déposé aux pieds de Caël. Un immense vide creusait la poitrine de Xm et elle se sentait sur le point d'éclater en sanglots, mais un sourire parfait se dessinait sur ses lèvres.

La première fois où nous nous sommes rencontrées? répéta Xm d'une voix blanche. J'ai bien peur de devoir t'avouer que non... J'ai du mal à me souvenir... de certaines choses... en ce moment.
Xm eut un sourire d'excuse. Mais je serai enchantée que tu rafraichisses ma mémoire.

Il était parti! Il avait suffi d'une minute d'inattention quand Caël était entrée pour qu'il se glisse au dehors! Il fallait qu'elle sorte, il fallait qu'elle voie ses traces dans la neige, il fallait qu'elle le suive, il ne pouvait pas partir ainsi!
Un désespoir sans nom enflait sous son crâne. L'autre issue, dans la réserve. Elle allait sortir discrètement par là. Elle n'en aurait pas pour longtemps.
Xm balbutia une excuse pour s'éclipser.
Au moment où elle s'agenouillait dans la petite pièce obscure pour faire jouer le panneau coulissant, une main effleura ses cheveux et une voix souffla à son oreille:

Où te sauves-tu comme ça Kiku Chan?
Un gémissement aigü s'étrangla douloureusement dans la gorge de Xm: Senseï?
Chhh! Je suis là...
Une main apaisante caressait sa tempe. Elle la saisit et la baisa avec ferveur.
Reste avec ton amie, chuchotait la voix, elle va s'inquiéter... allez va, occupe toi d'elle, je t'attendrai... J'ai tout mon temps.

Xm poussa un long soupir de soulagement. Elle lutta contre le désir de se jeter dans les bras de son bien aimé maître et retourna dans la pièce principale où Caël l'attendait toujours, le bol auquel elle n'avait pas touché maintenant froid.

Oh, juste ciel, je crois que je suis un peu distraite ce soir, s'excusa Xm, il va falloir que je recommence... Que disais -tu Caël?
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Cael
Tout en continuant d'observer méthodiquement les lieux intérieurs de la thébaïde, Cael attrapa instinctivement l'épaisse couverture que lui tendait Xm. Elle la posa sur ses épaules dans un geste bien plus machinal que volontaire alors que ses perles azurées étaient toujours à la recherche d'une éventuelle autre présence. Caël n'avait pas totalement écarté l'hypothèse de la présence réelle d'une tierce personne.

Debout dans un immobilisme quasi sans faille, leur conversation de la veille sur les « revenants » et leur raison d'être refaisait surface doucement dans l'esprit de la jeune bretonne. Dans un premier murmure, Xm lui avait avoué l'étonnant retour de son maître Saburo... Alors que la jeune bretonne n'avait montré aucune réaction, Xm avait poursuivi en disant qu'il était bien là, qu'il lui parlait, qu'il la touchait... cherchant sans doute à la convaincre de l'inconcevable ! Mais Caël l'avait écoutée sans sourciller et sans dire un mot. Xm avait fini par avouer d'une voix étranglée que tout ça n'était pourtant pas réellement possible... puisqu'il était mort ! Caël n'avait pas plus relevé et elle avait continué à l'écouter. Avec son caractère excessivement rationnel, Caël ne croyait nullement aux revenants. Cependant, elle avait toujours considéré que tout être connu de soi qui partait ou mourrait, continuait indirectement de nous influencer par l'enrichissement -qu'il soit positif ou négatif - acquis à son contact durant les instants de vie partagés... L'être humain acceptait tantôt le bagage « culturel » dont les autres tentaient de l'imprégner, tantôt il le rejetait... mais dans tous les cas de figure, une trace d'eux indélébile plus ou moins forte restait. Qui pouvait réellement dire que les autres n'avaient aucune influence sur lui ? Qui pouvait réellement dire qu'il n'avait pas ses propres fantômes ? Qui pouvait certifier que jamais ses peurs ne s'exprimaient de façon irrationnelle ? Qui pouvait avouer que jamais il n'avait envie de fuir une vie trop pesante, trop stressante … ? Chacun exprimait ses difficultés avec ses propres signaux d'alarme... Chaque être se protégeait en déployant les armes qu'il pouvait.

Les réflexions de Caël vagabondaient librement, alors que le calme des lieux n'était troublé que par les différents mouvements exécutés par une Xm s'efforçant à une perfection irréprochable. Quand le brasero apporta une légère clarté dans les lieux, Caël, toute à ses pensées, se mit à examiner avec un soin tout particulier les faits et gestes de Xm. L'excès de naturel chez la belle exotique la fit sourire. Sans même que Xm l'y autorisa, Caël s'agenouilla. Gardant le dos bien droit, elle posa ses fesses sur ses talons. Le vieux réflexe des soirées en forêt de Brocéliande lui fit poser les paumes de ses mains bien à plat sur le haut de ses cuisses, alors que ses yeux continuaient de suivre les moindres mouvements de la propriétaire des lieux.

Quand Xm bredouilla une excuse pour quitter la pièce, le regard de Caël se porta tout naturellement sur la zone qui semblait avoir déstabilisée Xm. Elle découvrit, sans réelle surprise, la lame forgée derrière elle. Elle ne put s'empêcher de détailler la courbure et la pointe de l'arme. Après quelques instants de réflexion, Caël ferma doucement les yeux. Elle se mit à l'écoute autant des bruits, que des odeurs ou encore des vibrations. Ses mains glissèrent doucement sur le coté de ses jambes et vinrent caresser du bout des doigts le parquet. La jeune bretonne avait perçu le vent de panique de Xm alors que sa présence bretonnante avait fait évaporer le grand maître ! Caël n'avait plus qu'à attendre...

Soudainement les pas de Xm se firent réentendre dans la pièce, puis sa voix.


Citation:
« Oh juste ciel, je crois que je suis un peu distraite ce soir. Il va falloir que je recommence... que disais tu Caël ? »


Les yeux toujours clos, la jeune bretonne pencha légèrement la tête en arrière pour détendre les muscles de sa nuque. Sur une tonalité totalement neutre, sa voix perça alors l'air : « Dis lui bonjour de ma part, Xm ! »

Caël ouvrit doucement ses yeux plus grisâtres que bleutés étant donné la faible luminosité. Elle les posa sur Xm et lui sourit en ajoutant : « Si je lui fais peur, tu peux lui préciser que je ne manie aucune arme... en dehors de la sarbacane, du collet, du filet, du casier... que des armes qui ne doivent guère l'impressionner, n'est ce pas ? »

Caël tourna lentement la tête en direction du coin de la pièce où était posée la lame Maru. Sa respiration était toujours parfaitement calme donnant à sa cage thoracique un mouvement d'une régularité surprenante. La jeune bretonne marqua un temps d'arrêt volontairement assez long. Xm se souvenait elle qu'elle lui avait proposé de l'aider à en finir quelques temps auparavant ?

Dans la culture druidique, la vie était avant tout sacrée et seule la Déesse Mère pouvait décider du jour où le cavalier de l'Ankou frapperait. Dans la culture de Xm, d'après ce qu'avait compris la jeune bretonne, tout être humain pouvait décider de se tuer pour laver son honneur... La notion d'honneur dépassait totalement la jeune Bretonne pour qui le regarde des autres sur elle ne comptait que très peu tant qu'elle avait la conscience tranquille ! Les yeux de Caël se plissèrent légèrement en observant les miroitements de lumière sur la lame. Sans reporter son regard sur la belle guerrière, elle reprit la parole toujours aussi sereinement :
« Xm, quand, je t'ai demandé de m'aider à passer d'ici à là-bas... quelle lame aurais tu utilisée ? Celle là ? »

Le regard de Caël était comme hypnotisé par la lame. La question caëllienne n'avait absolument rien d'anodine ou de personnelle. Elle voulait juste que Xm arrive à s'exprimer... à mettre des mots sur des ressentis, sur des envies.... Xm lui avait expliqué comment Saburo était mort et le rôle qu'elle y avait joué. Oui, elle lui avait raconté les faits... mais jamais ce que elle, elle avait ressenti à ce moment précis... Caël ne connaissait que trop bien les sentiments d'obligation, de culpabilité, de fuite... Sa tête pivota enfin sur son cou en direction de Xm. Caël la regarda avec une simplicité déconcertante : Elle ne craignait en rien la réaction de Xm. Qu'avait elle à perdre de toute façon ? Rien … Dans l'univers, un être était décidément bien peu de chose.
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Caëlliane Woronvë : En transit
Xmanfe1999
Citation:
« Xm, quand, je t'ai demandé de m'aider à passer d'ici à là-bas... quelle lame aurais tu utilisée ? Celle là ? »


Le ton calme et presque enjoué de Caël eut sur Xm l'effet d'une douche froide. Ce fut comme si soudain la lame elle-même lui traversait les entrailles et que l'acier lui ait figé les entrailles en un bloc glacé. Elle pouvait à peine respirer et une sueur froide inonda son dos et perla à son front et à ses tempes. Elle papillota plusieurs fois des paupières comme si elle émergeait d'un rêve éveillé.

Tu la vois toi aussi? souffla-t-elle sans réussir à pleinement maîtriser sa voix. Une excitation teintée de panique transparaissait dans son débit haché et sa respiration précipitée.

Au début j'ai cru que je souffrais d'hallucinations.
Xm hésita.
Il faut dire que quand j'ai emménagé ici, j'avais prévu d'y rester quelques temps seule. Et j'avais amené avec moi ce qu'il fallait pour faire passer les soirées d'hiver plus vite.


Voyant que Caël ne saisissait pas, Xm désigna sur une petite table dans un angle de la pièce son attirail: sa pipe et la boite d'ivoire qui la suivait partout depuis la Syrie.

Disons que si cela m'aide à me détendre, cela provoque aussi parfois des rêves qui peuvent paraître aussi vrais que la réalités.
J'étais d'ailleurs si persuadée qu'elle n'était pas là...
Tout en parlant, Xm lançait des coups d'œil à l'épée appuyée contre le mur ... que je n'y ai pas touché depuis que je l'y ai découverte l'autre nuit.

S'approchant à genoux de l'angle de la pièce ou reposait l'épée, Xm tendit une main tremblante vers le fourreau d'ébène. Le contact soyeux de la saya* dans sa paume, la vibration subtile de la lame quand elle la tira du fourreau lui donnèrent le frisson. Les lèvres sèches elle contemplait les moirures satinées de la lame damassée et les ciselures délicates de la tsuba*: une grue dorée entourant de ses ailes déployées la soie qui s'enfonçait dans une gaine de galuchat entourée d'un entrelacs de fils de soie noire.
Elle remit la lame en place et celle-ci s'encliqua parfaitement dans son étui . Xm suivait d'un doigt léger les idéogrammes minuscules qu'une main habile avait tracé de la pointe affilée d'un tanto* d'un côté du fourreau figuraient les deux kanjis figurant le nom de Saburo ... Troisième fils... Il lui avait expliqué un jour qu'étant le troisième fils il d'une famille modeste de samouraïs il n'avait eu d'autre choix que de se mettre au service du seigneur de leur province, autant dire une vie sans joie, sans liberté, sans gloire, sans rien d'autre en fait que l'honneur et le sens du devoir. Perdu dans sa rêverie Xm suivait du doigt maintenant le caractère unique qui figurait son nom nippon: Kiku... le chrysanthème.

Ce n'était que plusieurs mois après son arrivée, alors qu'elle commençait à peine à comprendre suffisamment la langue pour faire autre chose que d'obéir à des ordres simples accompagnés de gestes parfois impatients de son maître. Sa formation était alors presque achevée et il arrivait qu'il la fasse chercher pour passer la nuit en sa compagnie. Allongé auprès d'elle il avait soudain eut un sourire. Celle que tous appelaient avec une indifférence affichée "onna"* devint cette nuit là Kiku. Il lui avait parlé jusqu'au matin, de la blancheur de sa chair, de sa délicatesse et de sa fragilité apparentes. De la noblesse de son port et de l'amertume verte de son arôme.
Des années après ses paroles la laissaient encore songeuse.
Une ombre de nostalgie passa sur son visage.

L'écho de la voix de Cael lui parvint comme à travers de multiples épaisseurs de tissu.


Citation:
« Xm, quand, je t'ai demandé de m'aider à passer d'ici à là-bas... quelle lame aurais tu utilisée ? Celle là ? »


Xm redevint grave. Elle fit lentement non de la tête.

Non. Je n'aurais jamais pu te tuer. Et encore moins avec cette lame.

Mais Cael, si cette épée est véritablement celle que je pense, et certains détails ne me laissent aucun doute à ce sujet, comment a-t-elle pu se retrouver ici à des milliers de lieux de l'endroit ou elle fut forgée?
Je ne comprends pas...


saya: fourreau tsuba: garde du sabre tanto: sabre court généralement porté dissimulé dans les vêtements onna: femme

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Cael
Toujours agenouillée, le dos bien droit, Caël ne quittaient pas du regard Xm. Le corps traduisait bien souvent les états de l'âme alors même que l'individu cherchait à être impénétrable. Les yeux clairs Caëlliens la suivaient dans les moindres de ses déplacements, cherchant à capter chacun des signes corporels de la belle exotique. L'air de la pièce après les dernières paroles caëllienne était devenu lourd, pour ne pas dire, quasi oppressant. Il était extrêmement rare que la belle exotique montre un signe de faiblesse... Mais là, sa nervosité et son angoisse transparaissaient nettement au travers de ses gestes et de sa voix.

La bretonne savait que son amie portait sur ses épaules un lourd fardeau depuis bien longtemps déjà. Bien que Xm soit son aînée d'une dizaine d'année, Caël l'observait et l'écoutait avec une attention presque maternelle. Elle se faisait du soucis pour elle depuis des semaines... Ooh, elle savait depuis bien longtemps que Xm était consommatrice d'Opium... Et la bretonne, de par sa formation d'Ovate, connaissait les propriétés sédatives et analgésiques du laudanum... mais elle gardait aussi l'amère souvenir des effets de délirium aigu, de tolérance et de dépendance physique que cette substance opiacée créait chez les consommateurs réguliers. Caël connaissait la spirale... Alors que Xm était agenouillée prêt de l'épée, les pensées de Caël volèrent un instant vers ce tout jeune soldat blessé sur le front de Felger. Suite à une flèche plantée en pleine cuisse, il avait fallu l'amputer d'un de ses membres inférieurs. Mis sous laudanum pour lutter contre la douleur, hallucinations et délires s'étaient emparés du brave soldat. Caël l'avait veillé des heures entières en priant la "Mère" de l'épargner encore... Le jeune homme, dans sa folie enfiévrée, s'était mis à déclamer ses mots qu'elle avait noté hâtivement sur un vélin puis apprit par cœur en sa mémoire :

Le vin donne au plus sordide bouge,
Une teinte luxueuse ,
Et fait surgir plus d'une musique fabuleuse,
Dans l'or de sa vapeur rouge,
Tel un soleil couchant sur une voûte nébuleuse...

Le Laudanum agrandit le "sans borne",
Il allonge l'illimité
Il approfondit le temps, creusant la volupté
Et les plaisirs noirs et mornes
Remplissent l'âme au delà de sa capacité !

Mais cela ne vaut pas le poison qui découle;
De tes yeux... de tes yeux azurés...
Mer où mon âme tremble se voyant monter
Mes songes crient et se défoulent
Car je ne veux derrière moi te laisser...

Alors je t'implore de créer le prodige
Encore un peu... un tout petit peu... je t'implore...
Que mon âme te quitte sans remord
Charriant une fois encore la folie du vertige,
Ne m'abandonne pas là aux rives de la mort !

Pourquoi à cet instant précis, les yeux émeraudes de ce jeune homme ressurgissaient amèrement dans ses pensées laissant le goût amer de l'impuissance assaillir son cœur et son âme. Les guerres, Caël voulait les oublier... Depuis si longtemps, elle s'acharnait à chasser les morts qui hantaient son âme ! Chasser la bêtise humaine qui avait plus facile de détruire que de construire... Cette spirale de la violence, elle n'arrivait toujours pas à la comprendre et encore moins à l'admettre... L'attention de Caël se reporta sur son amie. Xm aussi vivait perpétuellement avec les fantômes du passé... D'un geste vif de la main, Caël chassa l'air pour chasser le passé et revenir à l'instant présent. La bretonne se re-concentra et sourit à son amie.


Citation:
Mais Cael, si cette épée est véritablement celle que je pense, et certains détails ne me laissent aucun doute à ce sujet, comment a-t-elle pu se retrouver ici à des milliers de lieux de l'endroit ou elle fut forgée?
Je ne comprends pas...


D'une voix très calme, Cael lui répondit : " Cette lame est bien réelle. Pourquoi elle est là ? Sans doute que la personne qui la détenait auparavant, est venue la déposer chez toi.
Mais dans combien de mains, a t'elle pu transiter avant de finir là ...
Tu es là seule, ici, à posséder les réponses à toutes les questions que tu te poses au sujet de cette épée... Depuis quand est elle là ? Qui selon toi pouvait la posséder ? Qui selon toi sait que tu es ici ? Il existe bien souvent une réponse rationnelle à toutes les questions qu'on se pose... même à celles qui semblent bien souvent irrationnelles. Tout comme un certain nombre de réponse se trouve enfoui à l'intérieur de nous même ! Quelles sont les possibilités selon toi ? "


Caël posa des yeux sereins et réconfortant sur Xm.
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Caëlliane Woronvë : En transit
Xmanfe1999
Le temps aurait tout aussi bien pu s'arrêter.
Xm restait immobile. Seules ses mains, tenant sans le sentir le magnifique sabre dans son fourreau d'ébène, tremblaient un peu. Les yeux perdus dans le vague, la jeune femme essayait de se concentrer. Les dernière paroles de son amie Caël résonnaient sans trève à son oreille:

Citation:
Tu es là seule, ici, à posséder les réponses à toutes les questions que tu te poses au sujet de cette épée... Depuis quand est elle là ? Qui selon toi pouvait la posséder ? Qui selon toi sait que tu es ici ? Il existe bien souvent une réponse rationnelle à toutes les questions qu'on se pose...


La logique limpide de ces quelques phrases se faisait peu à peu jour dans son esprit encore embrumé par la fatigue nerveuse, dûe au manque de sommeil, l'épuisement physique et l'étrange langueur qu'elle avait depuis des jours attribuée à la consommation excessive de son exutoire favori.

Une phrase, dans cet étrange bulle d'immobilité temporelle, revenait encore et encore la harceler, mordre à son esprit comme un chien hargneux au mollet d'un colporteur:


Cette épée est bien réelle, cette épée est bien réelle, cette épée est bien réelle...

Du plus profond de sa stupeur, la jeune femme eut soudain l'impression qu'on la secouait doucement. Les yeux écarquillés elle revint soudain à la réalité et à l'instant où Caël venait de finir sa phrase:


Citation:
Quelles sont les possibilités selon toi ?


Xm tourna lentement son regard d'obsidienne vers la jeune bretonne.

Par tous les bodhisattvas... comment ai-je pu être aussi stupide?

Caël lui rendit son regard, les sourcils froncés.

C'est pourtant tellement évident!

Un sourire amer et à la fois triomphant éclairait le visage de Xm d'une joie féroce.

Et tellement facile à prouver!

Se redressant sur ses genoux écartés, en appui solide sur ses orteils Xm dégaina la lame nippone d'un geste élégant et souple, prenant bien garde d'éviter d'approcher son amie de son tranchant mortel.
Elle l'avertit d'un murmure:

Surtout, ne bouge pas...

De ses deux mains soudain redevenues fermes, jointes autour de sa tsuka* , elle éleva lentement la lame à la verticale au dessus de sa tête. Elle se concentra quelques secondes, les narines frémissantes, les yeux fermés, respirant avec calme. Puis aussi facilement et naturellement qu'elle aurait coupé une fleur, elle abattit le katana sur la bouilloire de fonte qui reposait encore sur son braséro au centre de la pièce.

La lame se brisa net avec un bruit mat et le morceau brisé rebondit vers l'angle opposé, déchirant au passage une calligraphie.
Xm considéra un instant la bouilloire intacte, dont le couvercle avait glissé dans les braises encore chaudes, puis la tsuka, à laquelle restait attaché le morceau qui restait.
Rapprochant l'arme massacrée de la flamme de la lanterne, elle examina avec attention la tranche de la lame, là où la bouilloire avait laissé une profonde dentelure, comme une babine retroussée. Elle passa un doigt expert sur les ébarbures irrégulières de l'acier, à l'endroit où la lame s'était brisée.
Puis, une moue empreinte de dégoût déforma imperceptiblement sa bouche. Elle jeta d'un geste plein de dédain l'arme mutilée vers l'angle où le morceau brisé avait atterri.

Comment ai-je pu me laisser abuser?

Se rasseyant aux côtés de Caël, elle tourna vers elle un regard où l'incrédulité le disputait au soulagement d'avoir enfin compris la teneur d'une énigme et à la douleur d'avoir été trompée.
La jeune Bretonne se tenait toujours assise bien droite. Xm se demanda une seconde si une certaine lueur de satisfaction n'avait pas fugitivement éclairé les prunelles couleur d'océan qui la fixaient, quelque peu médusées.

Puis une question, qui découlait automatiquement de tout le reste de son raisonnement surgit soudain dans son esprit.


Qui?
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Cael
Une étrange sensation de tension régnait dans la pièce. Xm, qui s'efforçait toujours à paraître de marbre et dure vis à vis du premier venu, apparaissait fragile et déstabilisée, une fois encore, aux yeux de la Bretonne. Malgré le pénible engourdissement de ses jambes restées trop longtemps immobiles, Caël continuait d'observer la belle exotique en faisant attention à ne pas bouger, à ne pas faire de bruit... Caël souhaitait que rien ne vienne perturber le raisonnement de la belle guerrière. Il fallait qu'elle aille au bout de sa réflexion... même si elle était douloureuse. Le seul vrai combat d'une vie, n'était il pas celui que l'on menait contre soi même ? Contre ses erreurs, contre ses faiblesses, contre ses peurs, contre ses déceptions, contre ses doutes, contre les limites admissibles par son esprit ? Xm devait mener à terme le cheminement de ses pensées pour que la lumière au bout du tunnel apparaisse. Caël se devait d'attendre... d'être transparente... d'être là, juste au cas où... comme la barque de sauvetage accrochée sur le navire...

Soudainement des mots vinrent brutalement rompre ce silence...


Xmanfe1999 a écrit:
Par tous les bodhisattvas... comment ai-je pu être aussi stupide? C'est pourtant tellement évident! Et tellement facile à prouver! Surtout, ne bouge pas...


Les prunelles bretonnes scrutaient avec intensité et perplexité les moindres gestes de Xm. Qu'est ce qui avait bien pu traverser le cerveau de la belle ? Son cheminement arrivait il à un terme positif... ou à un prochain délire. Un frisson la traversa. Le bruit de la lame sortant du fourreau entraina instinctivement un froncement des sourcils caëlliens. Pourtant, aucune crainte ne naissait dans la poitrine de la Bretonne... sa vigilance venait simplement de s'accroitre. Les mains de Xm enserrant la tsuka ne montraient plus aucun signe de faiblesse. Tout doute semblait s'être évaporé pour laisser place à une détermination sans faille... La grande Xm était de retour ce qui fit sourire Caël.

La lame se leva... la lame fendit l'air.... la lame frappa la bouilloire avec une précision irréprochable. La lame se brisa net... laissant place à nouveau à un silence pesant. La mâchoire de Caël se crispa sous le bruit du choc et en voyant gicler l'extrémité de la lame dans l'angle de la pièce.

Xmanfe1999 a écrit:
Comment ai-je pu me laisser abuser ?

Une petite flamme provocatrice se mit à vaciller au fond des yeux clairs de la Bretonne. Enfin, la belle guerrière revenait les pieds sur terre... enfin, un raisonnement sain allait pouvoir prendre naissance.

Xm vint s'assoir à coté d'elle. Le visage de Caël s'illumina d'un sourire alors qu'elle passait son bras autour des épaules de la Belle. Elle l'attira contre elle et lui souffla :
« Bon retour parmi nous, ma toute belle ! Tu m'as terriblement manquée. » Elle se pencha et fit claquer un baiser sur la joue de sa voisine. Elle reprit d'une voix douce : « Il arrive, Xm, qu'un Homme ne voit que ce qui l'arrange de voir. Parfois, on se ferme les yeux soi même par protection... parfois notre esprit le fait inconsciemment par instinct de survie... Tu t'es laissé abuser... sans doute parce qu'à ce moment là, ça t'arrangeait de fuir une réalité trop pesante... Ta vigilance est devenue moindre... Mais au moins, tu auras appris que toi aussi, tu es fragile !... Moi, ce n’est pas le comment qui m’interpelle mais le pourquoi ? »

En se perdant dans ses interrogations, Caël plongea alors ses yeux au fond du regard d'obsidien de son amie. Les prunelles de la Bretonne s'assombrirent tel un océan en pleine tempête... Qui avait pu vouloir nuire à Xm ? Qui pouvait connaître suffisamment le passé de Xm, pour organiser une telle manipulation ? Cette question hantait l'esprit de la jeune femme... Quand la belle exotique prononça le fameux :

Xmanfe1999 a écrit:
Qui ?


Caël se contenta de murmurer : « Si seulement, je le savais, ma belle Xm... Qui donc te connait suffisamment pour réussir une chose pareille ? Dis-moi... qui te connait si bien pour réussir un tel tour de passe-passe ? » Les iris bretons reprirent alors leur balayage régulier de la pièce, preuve que le cerveau caëllien était en pleine ébullition.
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Caëlliane Woronvë : En transit
Xmanfe1999
Les yeux noirs de Xm contemplaient le visage de Cael comme si elle avait pu y trouver la réponse à sa question.

Cael a écrit:
Dis-moi... qui te connait si bien pour réussir un tel tour de passe-passe ?


Qui?

Elle avait beau considérer le problème sous tous les angles, son cerveau se heurtait à un mur.
Personne... Personne était la seule réponse possible. Personne d'assez retors, d'assez pervers, d'assez cruel pour monter une telle machination et la mener à presque à bout avec autant de maestria.
Xm hésitait encore à reconnaître à quel point l'illusion avait été forte et comme, d'une certaine manière, elle s'était complu à s'y laisser prendre. Seule la présence de Cael contribuait à l'ancrer à nouveau dans la réalité, malgré les derniers vestiges de l'ivresse qui subsistaient encore dans son esprit.

Qui?

Il allait falloir le découvrir et vite.
Un sentiment vague, une sensation d'angoisse diffuse, poussait la jeune femme à penser que si son manipulateur n'était pas vite démasqué, quelque chose d'irrémédiablement destructeur risquait de se produire. Car si Xm ignorait tout de l'identité de l'imposteur, elle subodorait que ses motivations ne pouvaient en rien être pures et que seul un face à face avec celui-ci lui permettrait de les éclairer.

Xm saisit les mains de Cael dans les siennes.

Cael, tu es la seule personne ici en qui j'ai confiance. Je sais que je pourrais placer ma vie entre tes mains s'il le fallait...
Elle hésita un peu avant de poursuivre.
Je vais te demander de me faire confiance à moi aussi car je vais avoir besoin de ton aide pour ce qui va suivre, si tu veux bien me l'accorder.

Xm lâcha les poignets de Cael qui la considérait avec gravité. Elle s'éloigna à croupetons vers la petite pièce attenante, où elle souleva le couvercle d'un coffre de bois de forme oblongue, d'où elle tira un ballot de soie noire entouré d'une cordelière du même tissu.
Elle revint dans la pièce principale et déposa le ballot, qui mesurait un peu plus de deux pieds de long, devant Cael, toujours calmement agenouillée. Xm défit la cordelière et rabattit les pans du tissu pour en révéler le contenu.

Une longue épée courbe, dans son fourreau de bois rouge, reposait côte à côte avec un long poignard, courbe lui aussi, dans un fourreau identique, sur l'écrin de soie. Un long polissage et un vernis appliqué avec art donnaient à ces étuis un brillant presque égal à celui du métal qu'il renfermaient.
Xm les caressa distraitement du bout des doigts et sortit à demi la plus petite des deux de son étui, avant de la rengainer et de la tendre à son amie.

Tu n'auras sans doute pas besoin de t'en servir,
Cael regardait le tanto que lui tendait Xm avec, semblait-il, une certaine appréhension
mais je serai néanmoins plus tranquille en te sachant armée. Ce qui va suivre pourrait s'avérer dangereux et je veux que tu choisisses en toute liberté de partir ou de rester.

Cael ne disait mot pour le moment, toute à l'explication qu'elle sentait sur le point d'arriver.

Xm ramassa la deuxième arme et alla la déposer debout contre le mur dans l'angle de la pièce où celui qui avait voulu se faire passer pour son maître bien aimé avait déposé la sienne quelques temps auparavant.
Elle revint ensuite s'agenouiller face à Cael. Elle lui prit à nouveau les mains.


Cael mon amie... Je vais attendre le retour de... Elle hésita, ne sachant quel nom lui donner. De mon fantôme...
Elle grimaça, comme dégoûtée d'avoir pu croire à une telle fable. Cependant, je suis presque sûre qu'il ne reviendra pas s'il te sait dans les parages. Si tu veux rester avec moi et m'apporter ton aide, tu vas devoir d'abord faire mine de partir et t'éloigner suffisamment pour que ton départ paraisse réel.

Xm prit une grande inspiration, consciente du danger auquel elle risquait d'exposer son amie, si celle-ci acceptait de lui venir en aide.

Une fois que tu seras partie, mets toi à couvert sous les arbres. Si j'ai vu juste il ne devrait pas tarder à revenir. Tu pourras alors toi aussi revenir sur tes pas et entrer par la trappe à l'arrière de la maison... Sache néanmoins que si tu décides de repartir à Genève, je ne t'en tiendrai pas rigueur.

Tenant toujours les mains de son amie dans les siennes, Xm lui sourit, affichant une assurance qu'elle était loin de ressentir en cet instant.

Alors ? Qu'en dis-tu?
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Cael
Les jambes caëlliennes repliées sous elle étaient douloureusement engourdies... Malgré tout, la jeune femme ne bougeait pas. Les deux plis ciliaires montraient combien la bretonne était concentrée sur les mots, les faits et gestes de son amie. Ses yeux caressaient le visage de la belle exotique où elle y lisait, comme dans un livre ouvert, tout son questionnement. Xm, pour une fois, semblait se cacher derrière aucun masque. Elle lui semblait, au moment présent, vulnérable.

Soudainement, Xm lui saisissait les mains. Caëlliane trouvait cela étrange. Xm était comme elle... Ni l'une, ni l'autre n'aimait le contact physique... en dehors de certaines situations particulière naturellement ! La chaleur des mains de la belle exotique se diffusait dans les siennes... créant une sensation d'étrange intimité ! La bretonne se laissa faire en se contentant de plonger ses azures bleutés au plus profond des yeux sombres de son interlocutrice.


Xmanfe1999 a écrit:
Cael, tu es la seule personne ici en qui j'ai confiance. Je sais que je pourrais placer ma vie entre tes mains s'il le fallait...
Je vais te demander de me faire confiance à moi aussi car je vais avoir besoin de ton aide pour ce qui va suivre, si tu veux bien me l'accorder.


Xm demandait de l'aide ? Lui faire confiance ? La jeune femme la regardait avec une profonde perplexité. Qu'attendait elle donc d'elle ? La bretonne continuait d'observer les moindres gestes de son amie. Les perles bleutées de la Bretonne se posèrent sur le ballot déposé par Xm entre elles deux. Caëlliane savait le contenu avant même que Xm ne le lui montre. La sueur avait envie la paume de ses mains qu'elle s'efforçait de maintenir parfaitement à plat sur ses cuisses. Le bruit de la lame sortant puis rentrant dans son fourreau fit parcourir un frisson tout le long de l'échine dorsale de la Bretonne. Les deux armes étaient magnifiques, d'une qualité irréprochable...Alors qu'elle saisissait le tanto, la bretonne se concentrait sur les paroles de son amie. L'écouter pour oublier qu'une arme se trouvait maintenant dans sa main... se concentrer pour ne pas penser à la promesse formulée sur le sol de Felger quelques années auparavant.. promesse qui lui ferait jeter immédiatement ce poignard au sol.
Xmanfe1999 a écrit:
Tu n'auras sans doute pas besoin de t'en servir,
mais je serai néanmoins plus tranquille en te sachant armée. Ce qui va suivre pourrait s'avérer dangereux et je veux que tu choisisses en toute liberté de partir ou de rester.


Caëlliane se contentait de secouer doucement mais affirmativement de la tête. Bien qu'elle écoutait avec précision tous les mots prononcés par son amie, elle était aux aguets. L'engourdissement de ses jambes était de plus en plus douloureux... Mais elle se faisait tout un honneur à ne pas bouger d'un poil !

Xmanfe1999 a écrit:
Cael mon amie... Je vais attendre le retour de... De mon fantôme...
Cependant, je suis presque sûre qu'il ne reviendra pas s'il te sait dans les parages. Si tu veux rester avec moi et m'apporter ton aide, tu vas devoir d'abord faire mine de partir et t'éloigner suffisamment pour que ton départ paraisse réel.
Une fois que tu seras partie, mets toi à couvert sous les arbres. Si j'ai vu juste il ne devrait pas tarder à revenir. Tu pourras alors toi aussi revenir sur tes pas et entrer par la trappe à l'arrière de la maison... Sache néanmoins que si tu décides de repartir à Genève, je ne t'en tiendrai pas rigueur.
Alors ? Qu'en dis-tu?

Les yeux de la Bretonne se promenaient au fond de ceux de la belle exotique. Mais là, à cet instant précis, elle ne cherchait plus à y lire comme dans un livre grand ouvert... elle cherchait juste à y doser le niveau d'anxiété de son amie. La tête caëllienne dodelinait régulièrement montrant à son interlocutrice, qu'elle la comprenait. Le silence se fit soudainement. Caëlliane esquissa un demi sourire timide mais réconfortant en lui disant très simplement :

« Je pense que j'ai tout compris ! Le plan n'est pas bien compliqué. » La bretonne se releva péniblement. Ses jambes la portaient difficilement sous l'ampleur de l'engourdissement. Elle joua un moment à l'échassier en agitant l'une après l'autre ses jambes pour tenter d'y chasser les fourmillements qui y avaient fait leur demeure, sans vergogne ! Puis, elle attrapa sa cape qu'elle posa doucement sur ses épaules alors qu'elle repensait à tout ce que la belle Xm lui avait expliqué et dit. Ses yeux se posèrent sur le tanto... Sa main gauche le caressa lentement. En cas de nécessité extrême, pourrait elle l'utiliser... elle ne savait pas répondre à cette interrogation. … Peut être qu'elle préférait ne pas répondre à cette question. Sa mâchoire se crispa et après une hésitation non dissimulée, elle se décida à l'attraper. Elle le glissa soigneusement dans la manche de sa chemise, le long de son avant bras. Elle le cala dans sa paume.

Alors Caël se dirigea vers la porte qu'elle fit glisser. Alors que sa main droite s'apprêtait à la faire glisser en sens inverse pour qu'elle se referme, Caëlliane ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Son regard se posa sur Xm et elle se contenta de faire un dernier sourire à son amie... Caëlliane ne savait pas ce qui attendait la belle exotique... D'ailleurs est ce qu'il allait se passer quelque chose ? Et s'il arrivait quelque chose qu'est ce qu'elle pourrait, devrait faire... Elle n'en savait simplement rien.

La Bretonne s'éloigna d'un bon pas en direction du bois pour rattraper le sentier menant à Genève. Ses yeux se focalisèrent sur le ciel. Ses pensées allaient à la Mère dans un réflexe naturel chez elle : Accordez nous votre protection , Et avec votre protection la force, Et avec la force la compréhension , Et avec la compréhension la Science, Et la Science de ce qui est juste … Elle ferma les yeux et se recueillit un instant pour faire le vide, comme elle avait appris à Brocéliande. Puis, elle reprit sa marche dans une sérénité quasi totale.

Seul le crissement de ses pas sur le sol se faisait entendre. Une fois dans la forêt, elle quitta le chemin. Elle revint près de la thébaïde à travers bois aussi discrètement que possible. Après avoir choisi un bon angle de vision en étant au plus près de la demeure tout en restant cachée, elle s'accroupit derrière un taillis et attendit à l'affut du moindre bruit ou mouvement.

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Caëlliane Woronvë : En transit
Xmanfe1999
Agenouillée derrière le panneau coulissant de la porte entrebâillée, Xm suivit du regard la silhouette de Cael qui s'éloignait rapidement dans la clarté presque verticale de la lune. Son ombre, réduite à une flaque d'obscurité sous ses pieds, donnait l'impression qu'elle flottait à quelques centimètres au dessus du sol.
Xm cligna fortement des paupières pour chasser l'impression d'irréalité, alourdie par les bribes de sommeil qui cherchaient à s' infiltrer en elle et elle secoua la tête pour tâcher de retrouver sa lucidité.

Malgré l'évidente démonstration de la destruction de la fausse épée elle avait encore du mal à réaliser qu'un imposteur ait pu l'abuser au point qu'elle ait pu croire au retour de son bien aimé maître d'entre les morts.
Une sourde colère grondait dans sa poitrine et elle se contraint à respirer profondément plusieurs fois, comme Saburo le lui avait enseigné, pour que le tremblement de sa main, crispée sur le montant de la porte, s'atténue et finisse par disparaître. Elle allait avoir besoin de tout son sang froid pour faire face à ce qui allait suivre.

La jeune femme ne put s'empêcher de frissonner à cette idée.
Son plan, aussi simple qu'il ait pu paraître à Cael comportait une immense risque. Si, comme il lui semblait logique maintenant qu'elle y avait un peu réfléchi, l'imposteur était lié d'une manière ou d'une autre à son regretté maître, il y avait fort à craindre qu'il soit rompu à tous les arts que Saburo lui avait enseignés à elle, et l'entreprise qui l'amènerait à le démasquer et à le confondre pouvait se révéler des plus périlleuses.
Adressant une fervente prière à l'âme de son vénéré maître qui, elle l'espérait de tout son être, veillait sur elle, elle referma le panneau coulissant de la porte et se prépara à se coucher, tout comme elle le faisait depuis qu'elle avait découvert le "spectre" quelques nuits plus tôt.

Elle se défit en frissonnant de l'ample hanten* matelassé dont elle s'enroulait frileusement pour résister au froid des longues nuits de veille. Tremblante, elle rajouta quelques morceaux de charbon de bois dans le brasero en espérant que la faible chaleur qu'ils dégageraient ne l'endormirait point, une fois qu'elle se serait glissée, vêtue de son seul samue** sous la couverture.

Xm sentit une vague de culpabilité l'envahir à la pensée de sa chère Cael qui attendait, postée sous les arbres. Elle espéra qu'elle aurait trouvé un abri relatif contre le froid, sous le couvert bas des branches de sapin, où la neige de pénétrait pas et où le tapis épais d'aiguilles isolerait ses pieds de l'humidité du sol.

Xm déroula son matelas. Avant de s'y allonger, elle dégaina sans bruit le long katana qu'elle posa avec précaution parallèlement à son corps, avant de se couvrir. Les battements de son cœur, tout d'abord affolés par la colère et l'angoisse, s'apaisèrent à mesure qu'elle imaginait ou plutôt cherchait à anticiper la manière dont elle allait accueillir son visiteur.
Allait-elle s'asseoir brutalement en lui brandissant sa lame sous la gorge ou le laisserait-elle s'allonger près d'elle comme il l'avait fait les nuits précédentes?
La tête posée sur son coude replié, son autre main posée sur la garde du sabre, la jeune femme, les yeux ouverts, n'entendait plus que son souffle et les crépitements des morceaux de charbon de bois qui se consumaient lentement.

Dans le silence limpide de la nuit hivernale, un léger crissement de pas se fit entendre dans la neige.

Retenant son souffle, Xm ferma les yeux et attendit.


* hanten: manteau court et épais matelassé
** samue: veste et pantalon simple porté entre autres par les moines bouddhistes zen

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Cael
Caël, parfaitement encapuchonnée dans sa lourde cape, était accroupie derrière une grosse touffe d'arbustes. En priant la Mère de lui donner du courage, la bretonne observait méticuleusement le ciel sombre et nuageux... un aspect qu'elle trouvait triste et glacial. Le froid s'insinuait également lentement dans son être et atteignait son cœur. Xm lui avait fourni un poignard... mais que pouvait elle bien en faire ? Elle ne voulait surtout pas imaginer ce qu'elle pourrait en faire... Alors, tout en focalisant son regard sur la thébaïde, Caël se souvint que Xm était en train de la construire lors du premier passage de Mahéfik. Il lui manquait tellement.

Mahé et elle s'étaient connus à Lausanne dans des conditions un peu particulières. Frottant doucement ses mains l'une contre l'autre, puis contre ses cuisses pour éviter l'engourdissement par le froid, l'une de leur dernière conversation lausannoise lui revint à l'esprit :

- Vous imaginez la vie sans Amour.
- Pourquoi pas ?
- Ça doit être d'un ennui mortel …
- Hum...
Ils s'étaient toisés. Il avait repris sur un ton doucement provocateur :
- Au moin l'Amour fait passer le temps !
- Et le temps fait passer l'Amour !
Elle avait alors lu dans son regard une étrange tristesse mais aussi un petit quelque chose de terriblement irrésistible. Avait il lu dans ses yeux sa déstabilisation ? En tout cas, il avait repris l'air de ne pas y toucher.
- Vous avez quelqu'un dans votre vie ?
- Pas vraiment...
- Comment ça pas vraiment ? C'est une réponse de normande pas de bretonne !
Un long silence s'était alors installé entre eux deux. Elle avait fini par lâcher du bout des lèvres :
- Je vis avec Elfy, actuellement.
Il était partir dans un rire qui lui avait foutu la chair de poule. Et il avait dit avec son légendaire sarcasme :
- Mais vous ne faites rien avec lui !
Elle avait tenté de contrôler les moindres modulations de sa voix mais malgré tout une fragilité se ressentait :
- Si, je fais beaucoup de choses avec lui. Je mange. Je parle. J'étudie. Je ris...
Sans même qu'elle n'ait eu le temps de finir sa phrase, il avait répondu :
-Un maître, un guide... mais pas un amant, Caëlliane ! Ce n'est pas de cette place dont je vous parle ...
- Je ne veux pas de celle dont vous parlez... pas dans ces circonstances. Alors cessez de m'importuner avec cela.
- Vous vous mentez à vous même Caëlliane... Vous le savez !
Elle lui en avait voulu à cet instant précis de la poussée dans ses retranchements. Et à la façon dont elle avait repoussé sa mèche de cheveux de son visage, ils avaient compris tous les deux.

Un crissement de pas dans la neige se fit entendre, la sortant brutalement de ses souvenirs. Xm ? Où était Xm ? La demeure semblait parfaitement calme. De sa place, seule une légère lumière rougeoyante était visible … sans doute le brasero ! Elle écarta doucement avec les mains quelques branches pour avoir une meilleure vision. Tout son corps se contracta en apercevant une forme. Xm ne souffrait donc pas simplement de délire... On provoquait volontairement sa folie... Une vague d'écœurement la traversa.
Malheureusement, il faisait trop noir pour distinguer autre chose qu'une silhouette. Elle fronça les sourcils tentant de mieux voir ce qui se passait. La bretonne ne discernait rien des traits de cette silhouette. Mais elle se dirigeait sans aucun doute vers chez Xm. Son coeur se serra. Ses lèvres se contractèrent. Pas de panique, Caël... On reste calme. Elle déglutit lentement alors qu'elle implorait la Mère de protéger Xm et de faire qu'elle ne soit pas endormie.

La forme humaine était maintenant juste devant la porte. Angoissée, Caëlliane bloqua sa respiration. Le froid ne faisait que trembler davantage son corps engourdi d'être resté trop longtemps sans bouger.

Dans le silence de la nuit, la bretonne entendit la porte coulissée... et la forme disparut de sa vue.
Puis plus rien...
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