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[RP] Des limbes, indemne revient-on..?

_max
Les méandres de l'inconscient sont ténébreusement abstrus...


Pour ne point déroger à ses dernières coutumes de vivant, le Comte était seul... Son esprit semblait recouvrer quiétude après quelque hutin(1) sans nom... Cette paix nouvelle, curieuse à souhait, ne paraissait guère - en paradoxe pourtant digne de lui - intriguer l'homme, qui goûtait d'émerveillement ce sentiment inédit de plénitude. Était-ce cela, la propriété de la non-connaissance..? De lucidité privée... L'innocence regagnée... Point il ne savait. Point de question d'ailleurs il ne se posait en cet instant.

Néanmoins, cette apparente insouciance se dissipait déjà à mesure que la situation de Mazière se révélait à lui... En tous horizons, paysage fait de pénombre semait sa vision, lui, unique silhouette cernée d'un halo, perdu au cœur de cette brume invraisemblable et illimitée... Une nuit absolue, lisse, uniforme, et sans nulle étoile...
Vêtu de hardes, dépecés vestiges de son élégance guerrière d'autrefois, il demeurait là, le souffle court... Exténué en vérité, tel qu'issu d'un apocalyptique champs de bataille...
Aucun record(2) pourtant ne lui revenait, et ce fut ainsi désemparé qu'il entreprit d'errer en ce séjour insensé...

Dès lors, en ce décor d'aniline, nombre de scènes, toutes plus insolites les unes que les autres, s'enchaînèrent autour du Comte, attisant en lui, peu à peu, une tourmente renaissante...

De part et d'autre, c'était d'abord une succession d'explosions de couleurs qui accablait le lieu, de tons tour à tour embrasés et glaciaux... Des couleurs qui prenaient des visages... Des visages anonymes de corps mutilés... De cadavres hauts en couleurs parsemant l'improbable allée obscure... Mazière s'empressait de venir à bout de ce macabre parcours, tandis qu'arrivait à ses yeux toujours plus de découvertes morbides... Toujours plus de teintes contrastées... Quand soudain... C'est l'ultime déflagration, l'éblouissement total... Et un nouvel apaisement...

La course du Comte n'avait connu d'entrave cependant, et c'est plus que jamais essoufflé qu'il assistait désormais à un nouveau spectacle des plus étranges. Autour de lui, pendus à quelque deux parois de brume, siégeaient moult tableaux représentant autant de femmes... Cette formation, telle une galerie, s'étendait à perte de vue, guidant l'homme dans un nouveau chemin vers l'inconnu...
Par son éternelle démarche nonchalante, il affronta chacun de ces regards féminins qui le fixaient dans leur peinte assiduité... Chacune de ces prunelles paraissait lui inspirer quelque vague souvenir, sans pour autant qu'il ne sache en évoquer la teneur... Oui, tous ces traits lui étaient familiers, mais toujours sans qu'il ne puisse y apposer le moindre nom...
Cruelle sensation que celle de l'impuissante mémoire confrontée à ses propres pertes... Pertes inextinguibles fuyant la berge et l'écueil du recueil spirituel... Pertes voguant sur les flots précipités de l'oubli... A jamais...

Et une autre lumière que de se faire en l'endroit... Pâle à souhait, elle se faisait immaculé incendie, embrasant son entour(3) d'une aura lactée... Au sein même de cet écrin de flamme, jaillissait à nouveau l'image d'une femme... D'une femme toutefois singulièrement éloignée des précédentes... Une indicible pureté semblait inonder ce corps paré de sa seule nature, si bien qu'il n'était possible à l'homme de précisément le distinguer, de pouvoir imprimer parfaitement son aspect en ses pensées... Seule sa crinière d'ébène, formidablement déployée, détonnait assez pour être captée tout-à-fait en la fresque magistrale, telle la touche ultime qu'un artiste accompli se serait amusé à dépareiller du reste de son œuvre, faisant là montre de sa maestria.
C'est vers ce phare incongru que dardait dès lors le sentier du Comte, ses pas se changeant bientôt en enjambées, et ses enjambées en foulées...
Négligeant les divers portraits clairsemant encore son passage, il n'avait alors plus pour but que d'atteindre cette incarnation d'un idéal encore jamais perçu, jamais figuré, et qu'il sentait meshui(4) à sa portée. Il lui fallait pouvoir enfin la distinguer...
De lieu en lieu, de tableau en tableau, nul espace ne paraissait pourtant se réduire entre ce prédateur improvisé et l'objet nouveau de ses convoitises...
Et c'est inlassablement qu'il poursuivait cette quête interminable au cœur de son inconscience, vraisemblablement du même...

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(1) : tumulte
(2) : souvenir
(3) : alentour
(4) : maintenant

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Max de Mazière, Comte de Belfort, Baron de Chaussin, etc...
Ingeburge
A l'apercevoir ainsi, l'on aurait pu croire d'elle qu'en cette chambre aux murs blanchis à la chaux et dépouillés de tout ornement elle se trouvait dans un état d'accablement profond et qu'elle était bien trop éprouvée pour oser bouger et réveiller ainsi l'homme qui sommeillait non loin d'elle. Oui, l'illusion était parfaite, tout concourait à ce que l'on adhère à cette impression de désespoir.
Les lieux d'abord, de petites dimensions, impersonnels et froids, silencieux comme un tombeau : nul bruit hormis la respiration heurtée de l'homme ne venait troubler l'atmosphère pesante. De temps à autre, régulièrement, quelques éclats argentins de cloches lointaines mais rien de plus.
Les odeurs ensuite. L'air en effet était saturé de parfums divers et pas toujours agréables : végétales effluves des médecines et des onguents, âcres relents de chairs abîmées, familières senteurs des haleines mêlées.
Lui, aussi. Allongé sur une paillasse, le visage pâle et tuméfié, il semblait comme mort. La mort du reste aurait été salutaire pour le grabataire mais la Fortune, les Moires, le Très-Haut, quelque chose enfin, en avait décidé autrement.
Et elle, finalement. Entièrement vêtue de sombre, elle se tenait assise au bord de son banc, très droite, la nuque penchée en avant, comme ployée sous le poids d'une trop vive douleur. Ses cheveux épandus retombaient devant sa figure et nul geste ne venait les dégager. Elle restait donc ainsi ainsi, tête basse et vers l'avant, son marmoréen visage à demi dissimulé par le rideau de sa chevelure d'ébène. Et ses fins doigts blancs ne cessaient de se mouvoir, jouant avec les grains d'un vieux chapelet de buis.
Oui, l'illusion était parfaite et l'illusion eût été parfaite pour tous ceux ignorant l'histoire commune de cet homme et de cette femme, pour tous ceux ne connaissant pas les raisons de leur présence à l'un et à l'autre et le pourquoi de leur présent état.

Il y eut une rupture dans la monotonie de ces doigts remuant sans discontinuer. Elle venait pour un temps de s'échapper de sa prière, car elle ne faisait rien de plus au final que prier. Priait-elle pour lui? Oui, certainement mais pas exclusivement. Mais elle pensait à lui — ne se trouvait-elle pas d'ailleurs à son chevet? — indubitablement, même si elle savait pertinemment que ce n'était après tout pas de sa faute s'il se trouvait ainsi au plus mal. Responsable, peut-être, mais certainement pas coupable. Car en organisant le duel l'ayant opposé lui à un autre, elle n'avait fait que concrétiser un événement qui aurait dû se tenir auparavant et bien loin de Dijon, théâtre improvisé de l'affrontement. N'avait-il pas reçu le gant et ce, par deux fois? Le défi aurait dû être relevé, bien plus tôt et elle n'avait jamais vraiment compris pourquoi le duel n'avait pas eu lieu. Mais, ce soir-là, dans une taverne de Chalon, en se rendant compte que tous les protagonistes du drame se trouvaient en Bourgogne, elle avait simplement constitué le lien. L'offenseur, l'offensé, une proximité géographique des deux, une lice.... l'idée de mettre ce duel sur pied avait aussitôt pris corps en son esprit. Toute à son entreprise, elle avait su rejeter d'une chiquenaude toutes les difficultés soulevées, allant même jusqu'à donner de sa personne en se proposant, provocante à souhait, d'être le le témoin de celui qui avait défié. Le duel avait eu lieu et elle n'en gardait que peu de souvenirs. Tout était trop vague, tout était trop diffus et elle ne gardait de cette confrontation qu'un étrange goût d'inachevé. Et, ce que retiendrait les annales ne serait que le résultat... l'offensé avait remporté le combat et l'offenseur gisait là, inconscient.

Il ne s'était pas toujours trouvé dans cette cellule monastique, il avait pour un temps été gardé chez lui, dans sa propriété citadine, à Dijon. Même s'il n'était guère en état de badiner ou plus, elle avait répugné à le visiter là-bas non pas par respect des convenances mais par fatigue anticipée des éventuels ragots des commères. Alors que le voir là, à l'abbaye, c'était tout de même moins courir le risque d'entendre la vérité travestie. Et chez les moines du petit-Cîteaux, il était sûr d'être suffisamment et convenablement surveillé. Car malgré le fait qu'elle ne se sentait nullement coupable, elle était tout de même inquiète de cette prostration prolongée, de cet état indéfini entre la vie et la mort, de cette situation faisant que d'une seconde à l'autre il pouvait basculer dans l'un de des deux mondes. Elle venait donc le voir, de temps à autre et restait là, sans un mot, n'attendant rien car ne sachant à quoi s'en tenir. Invariablement, elle s'asseyait et se mettait à prier, avec plus ou moins de conviction selon les péripéties du jour, de son humeur de l'instant et de ses envies passagères. Elle ne lui parlait jamais, qu'aurait-elle pu donc lui dire? Elle ne savait s'il pourrait l'entendre et à dire vrai — elle y songeait toujours in petto, amusée — il devait être bien reposé de ne point l'ouïr elle qui ne pouvait s'adresser à lui sans être ironique et impertinente. Depuis combien de temps d'ailleurs se supportaient-ils, elle à lui parler vertement et lui ayant le don de la faire sortir de ses gonds? Elle se souvenait simplement qu'elle l'avait cloué au pilori, Place d'Aristote, à Rome, dans une lettre pleine de verve moqueuse et que lorsqu'elle le lui avait demandé, il avait été là et l'avait depuis suivie dans toutes ses folles escapades : Savoie hostile, Milan en guerre et tournées plus ou moins épiques en Bourgogne. Etrange duo qu'ils formaient tous deux en vérité, n'ayant pas l'air de pouvoir se souffrir mais restant pourtant ensemble, lui fidèle à lui-même et ne déviant pas de son attitude hautaine, elle le tançant au moindre mot; drôle de binôme qu'ils étaient, au final bien assortis, lui plein de dédaigneuse morgue et elle aussi fermée qu'un donjon imprenable. Et que de ragots sur eux, nombre de gens se demandant ce qui pouvait bien lier le Comte aux innombrables conquêtes et la Prinzessin aussi chaste qu'une vestale... Pour l'heure, un duel à l'épilogue peu favorable qui avait interrompu pour un temps leur folle équipée.

Croyant l'avoir entendu bouger, elle releva la tête et cala une mèche de cheveux derrière son oreille. Il arrivait au comte de remuer de temps à autre, simplement pour changer de position. Elle le regardait alors à peine, trop concentrée sur ses propres psalmodies. Parfois, il se montrait beaucoup plus remuant et d'un œil distrait, elle l'observait, ayant appris avec le temps que le temps que l'agitation retombait aussi fugacement qu'elle était apparue. Quelques secondes concentrée, elle attendit qu'il se mît à bouger de manière convulsive. Elle soupira. Combien de temps cela allait-il encore durer? Comme il lui arrivait à lui de s'agiter, il lui arrivait à elle de perdre patience. Elle s'irritait alors de ce que rien ne changea et qu'il reste ainsi plongé dans cette somnolence que rien ne semblait devoir troubler. Alors, brusquement, elle se levait et se mettait à arpenter la pièce d'un pas vif, faisant d'incessants allers-retours entre les murs et lui jetait de temps à autre des regards torves, témoins des muettes imprécations qui jaillissaient en son esprit. Parfois même, elle sortait, pour ne plus revenir, le laissant là, seul, loin de tous, écourtant ainsi sa visite.

Cette fois encore, elle se leva et commença son va-et-vient agacé, bras croisés et moue boudeuse. Mais, contrairement à d'habitude, elle fit quelque chose qui ne lui était jamais arrivé. Elle s'approcha de lui comme jamais encore elle ne l'avait fait. Debout, penchée au-dessus de sa couche, une de ses mains retenant sa chevelure, elle murmura d'une voix froide :

— Oh, je gage que vous prenez plaisir à m'avoir ainsi sous votre coupe mais croyez bien que ce temps est révolu! Allez-vous enfin, ventre-saint-gris, songer à vous réveiller? Si tel n'est pas le cas, soyez assuré que mes visites se feront plus espacées!

Et elle demeura ainsi, à demi pliée, ses yeux opalins détaillant le visage pâle où subsistait encore quelques meurtrissures et à nouveau, elle soupira, son irritation s'envolant en même temps que son souffle. A quoi bon? Il ne l'entendait certainement pas, pourtant... pourtant, elle continuait bien de venir.
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