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Info:
Concèze, théatre de bien des rencontres, bien des scènes.. Que la Déesse-Framboise veille sur les acteurs. Amen.

[RP Fermé] - Je n'attendais que vous

Aleanore
Il y a ..

Sur les routes menant au comté du Limousin et de la Marche, un étrange attelage composé de plusieurs charrettes et d’un coche tiré par quatre chevaux et tirant à sa suite, un étalon massif, s’élance à vive allure, porté par l’énergie déployée par le petit cocher pour fouetter les bêtes. Sur les routes menant au comté du Limousin et de la Marche, il y a aussi le soleil du jour qui se lève, timide mais sincère comme le sourire d’un ami qui s’éveille et c’est à cet ami que s’adresse les mots qui s’échappent des lèvres vermeilles.

-« Tu m’avais manqué. Hugues ! Arrête-nous ! »


Et alors que le jeune comtois manie les rênes avec plus de dextérité qu’au départ, la jeune fille, quant à elle, commence à maitriser les arrêts brutaux que le garçon provoque. Pas une mèche n’a quitté la coiffure de la jeune fille, et l’expression du visage est la même. La porte s’ouvre sur une adolescente fine à l’extrême, coiffée d’une tresse qu’on jugerait trop longue et trop lourde pour que le cou fin puisse en supporter le poids. Vêtue de rouge et d’hermines, jusqu’aux rubans qui ornent la tresse sombre qui glisse jusque dans le creux des reins, Aléanore Jagellon Alterac descend de l’habitacle en sautant comme une enfant, évitant la main du jeune cocher. Sourire ravi qui étire les lèvres de la jeune fille quand sous le poids du corps, l’herbe gelée craque, faisant résonner dans la campagne limousine, un crépitement joyeux au fur et à mesure des pas légers de l’Etincelle. Noisettes rivées sur le soleil qui se lève, sourire tendre et pensées tournées vers ses défunts.


-« Me revoilà, mon Père. Me revoilà, mon Frère. Je suis là. »


Le rire cristallin qui s’élève, brisant le silence doux de l’hiver, n’a pour seul but que de libérer une joie qui lui étreint le cœur et l’âme. Le Limousin, sa terre natale, la terre de ses parents, la revoilà, oui. Et la jeune fille remonte dans le coche, souriant à ses occupantes avant de lancer sans ambages au cocher.


-« Et maintenant, fouette Hugues, je nous veux arrivées à Concèze avant sexte. »


Et pendant que le petit comtois obéit sans hésiter à sa françoyse de maitresse, ladite maitresse s’appuie contre les coussins du coche, observant de derrière les rideaux, le Limousin défiler.


[Juste avant sexte, à Concèze]

D’éclats de rire en rire éclatants s’élevant du coche qui vient d’arriver à Concèze, voilà comment se passe l’arrivée de la nouvelle dame de Concèze sur ses terres. Et enfin, l’adolescente quitte le coche où Clarisse vient de se faire attaquer par une Fiora réveillée en sursaut d’où l’hilarité de la jeune fille. Noisettes qui se lèvent sur le manoir devant elle. Son manoir. Petit, sûrement. Mais à elle, et c’est donc fière de cette constatation que la jeune fille s’élance vers l’entrée de la demeure où l’attendent quelques paysans et l’intendant d’Arnac-Pompadour prévenu quelques jours auparavant de la venue de la jeune fille. Un sourire franc à l’homme avant de pénétrer dans le manoir sans mot, volte-face de la jeune fille vers ses accompagnatrices avant de lâcher d’une voix enjouée.


-« Alors, qu’en penses-tu Alycianne ? »


Un sourire à la fillette avant de se tourner vers l’intendant, pour poursuivre la visite, prenant de temps en temps, un moment pour expliquer à l’intendant les modifications et les travaux qui devront être faits pour que Concèze soit vraiment à elle. Et finalement, la dernière pièce visitée, la cuisine, seul endroit habité du domaine, par une femme aux mensurations impressionnantes qui s’avère être la maitresse des lieux. Noisettes qui jugent et jaugent avant de décider qu’elle apprécie la franche gaieté de la cuisinière, finalement, l’Etincelle se tourne vers l’intendant.


-« Vous ferez décharger les charrettes qui attendent dans la cour, il y a le nécessaire vital pour notre confort. Je veux aussi que l’on s’occupe de mes chevaux. Bien ! J’y tiens, surtout Bélial. Je veux que vous me trouviez des gens capables d’occuper les postes d’intendant, des servantes, des valets, enfin, un peu de tout..»


Sourire complice de la brune à sa servante blonde, le nécessaire vital, c’est du mobilier, des malles remplies de tenues, bibelots et tentures, c’est ses manuscrits, ses pinceaux, ses pigments.


-« Et vous ferez porter une lettre au Chevalier de Vergy pour lui dire que j’aimerai la voir. »


Oui, la voir, pour lui parler de ce qui lui a dit Maleus, lui dire qu’elle sait pour Miséricorde.


-« Demandez-lui aussi si elle sait qui pourrait m’apprendre la monte à cheval, Bélial est resté trop longtemps sans cavalier. »


Et tandis que l’intendant quitte la cuisine pour aller exécuter les ordres de la jeune fille, celle-ci se tourne avec une mine de conspiratrice vers la cuisinière.


-« Ton nom ? »
-« Lison, mam’selle. »
-« Lison, nous avons appris que Concèze était connu pour ses framboises, est-ce une menterie ou est-ce la vérité ? »
-« Ma p’tite mam’selle, pour sûr que les framboises de chez nous sont bien connues, ‘tendez voir que j’vous y fasse goûter l’eau-de-vie qu’on en fait. »


Contre toute attente, la jeune fille époussette du bout de sa robe, le banc avant de s’y asseoir, sourire ravi aux lèvres. Fierté toute puérile quand les mots résonnent dans sa tête. Aléanore Jagellon Alterac, Dame de Concèze, la Dame aux Framboises.

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La Rançon du Succès d'une Pouffy-girl
Alycianne
C'est une autre petite damoiselle de rouge vêtue qui trottine derrière l'Étincelle. Et ce n'est pas n'importe quelle gamine à la cape écarlate, ça non. Déjà, bordant sa merveilleuse cape tout dernièrement nettoyée et éclatante de couleur, trône de la fourrure blanche -et c'est beau, c'est classe. Et puis, z'avez, mesdames, messieurs, devant les yeux La petite dame de Concèze, voyons ! Et le titre octroyé par son amie jugé convenable, elle n'en était que plus décidée à devenir une dame, une grande.
Et il fallait la voir tenter d'imiter la jeune femme devant elle, qui portait d'ailleurs ce jour une toilette magnifique.

Entraînée dans la visite du manoir qui sera ajouté à la liste de ses maisons du Royaume, la gamine observe chaque recoin de l'endroit. Plutôt sobre, par rapport à ce qu'elle a pu connaître, mais elle sait que tout le "nécessaire vital" emporté jusqu'ici saura redonner de l'éclat à chaque pièce, ayant une complète confiance dans les goûts d'Aleanore. Le domaine n'est pas des plus grands qu'elle connait, mais la demeure est charmante.


Je pense ça va être dans le magnifique ! Je suis plutôt-vraiment ravissée d'être la petite dame d'ici !

Le sourire qu'affiche sa trogne le confirme. Et l'on finit par trouver les cuisines, au grand bonheur de la fillette qui adore s'y glisser pour se sniffer toutes les délicieuses senteurs sucrées et poivrées qui s'échappent des fours, marmites, plateaux et bouteilles. La cuisinière est bien accueillante, avec ses grosses joues rouges -l'a dû manger trop de brioche, elle- et son tablier tâché où Alycianne a tout de suite repéré la spécifique marque de miel. Des petits gâteaux de miel, dilicieux...

Framboise ?

Ce qu'elle en sait, l'Alycianne, c'est que c'est à peu près rouge. Donc bon.
Et de s'asseoir à côté de la maitresse des lieux.


Dame Lison, moi, j'en veux bien aussi, s'il vous plait.

Le plus naturellement du monde, bien entendu.
De l'eau qui fait la belle vie à la framboise, il faut qu'elle goute absolument !
Elle se redresse quelque peu, se fait grande. Allonger le cou, relever le menton, légèrement. Et plantés sur la bouteille d'eau de vie, deux curieux yeux clairs.


Ça pousse dans les arbres, les framboises ? Et on fait des gâteaux à la framboise ?


Sûr et certain qu'elle racontera tout cela à Natsuki, dans la lettre qu'elle va prochainement lui envoyer. Lui ramener un peu de ces fruits dont on fait des boissons étranges, aussi, lorsqu'elle la retrouvera en Touraine.
En attendant, c'est une dame version modèle réduit qui se régale de découvrir un nouveau lieu à décorer et explorer les moindres petits coins, et de déguster bientôt la spécialité du coin, à laquelle elle donnera, à coup sûr, le glorieux titre de Fruit de la préférance.

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Aleanore
Il y a les idées en vrac qui s’enroulent et s’écoulent dans la tête de l’Aléanore, que viennent perturber les mots de la fillette, la sortant de sa tête pleine d’humeurs, et le sourire de l’Etincelle s’illumine, dirigé vers Alycianne. Les gants s’ôtent doucement pour finir sur la table, tandis que la main droite s’élève et vient glisser tendrement dans les boucles brunes de l’enfant. La jeune fille s’imagine une vie calme après Sa mort, Cassian et Alycianne jouant sur les terres de Concèze. Des cris, mais heureux, des rires harmonieux. Milles et une histoire d’amour, la paix enfin, retrouvée, pour une éternité. Des noms, des visages, un accomplissement, il faut juste qu’elle en finisse avec lui et après, tout ira pour le mieux. Et c’est un sourire décidé qui étire les lèvres de la jeune fille. Tandis que deux godets se voient remplis d’eau-de-vie à la framboise et poussés vers les deux demoiselles.

-« Goûtez moi donc ça ! Pour les framboises, ma mignonne, c’est sur d'tout p’tits arbres, tout p’tits, p’tits, des bébés arbres si v’voulez, d's arbrisseaux »
Elle s’emmêlerait presque la Lison qui les cuisine les framboises, mais ne les cueille pas. « Et oui, pour les gâteaux, on y fait des tourtes et des tartes, d’la confiote, et pis, plein d’aut’ trucs ! »

Etincelle, pensive, qui trempe les lèvres dans le breuvage, avant de relever le nez et de tirer une constatation intéressante. La noblesse a bon goût.


-« Du sirop, des fruits confits, on pourrait en faire aussi non ? Ce sont des arbustes, mon Lapin.»


Le lapin ? C’est Alycianne, renommée ainsi par Aléanore à cause de la fourrure immaculée du même animal bordant la cape écarlate de la fillette. Noisettes tournées vers la cuisinière, en quête de sa réponse.


-« Des framboises confites ? Jamais fait, mais j’fais de la pâte de fruit à la framboise, drôlement bon. »
-« Vous m’apprendrez à le faire. L’eau-de-vie aussi. Bon, nous devons nous installer, allons voir ce que nous pouvons faire pour ce manoir.»


Les mots sont dits, l’Etincelle veut apprendre à cuisiner. En attendant, elle se lève, gants récupérés dans une main, sourire à la cuisinière avant de faire un signe à la fillette pour qu’elle la suive. L’installation commence.


[Vêpres, dans le salon.]

Ame seule qui se lie à la brise limousine, âme sœur vivante qui appelle son âme sœur défunte dans les cieux limousins. Pipe à la main, fumée expirée, halo éthérée autour de l’Etincelle qui tient une lettre à la main, relisant sans cesse les premiers mots « Petite Sœur ». Les choses se compliquent, abandonnant un instant la contemplation de la campagne limousine, la jeune fille tourne le dos à la fenêtre ouverte, pour rejoindre le fauteuil installé devant la cheminée où crépitent le feu, allégrement, lui rappelant certains soirs. Sur le guéridon à côté du fauteuil, le nécessaire à écrire, une bonbonnière remplie de pâtes de fruits à la framboise, un carafon rempli de liqueur à la framboise. Une plume est vite attrapée, premier vélin scarifié.


Citation:
Grand frère,

Survis-lui.

Que le Très-Haut et Aristote t'aient en leurs saintes gardes.

A.


Missive pliée qui sera cachetée vulgairement, plus tard. Deuxième vélin, plume trempée dans l’encre avant de s’attaquer au contenu de la lettre adressée à un garçon.


Citation:
A Grimoald de Montmorency,

Bonjour,

Je prie pour que cette missive te trouve en bonne santé, car oui, je m’inquiète Grimoald, je n’ai pas reçu de nouvelles depuis mon départ de la Bourgogne où nous nous sommes quittés. Comment te portes-tu ? Que deviens-tu ?

Je prie pour que le Très-Haut et Aristote t’aient en leurs saintes gardes.

Aléanore Jagellon Alterac,
Dame de Concèze.


La missive est pliée de même que sa sœur, puis les deux vélins sont tendues à Clarisse, attendant dans un coin, bouffée tirée sur la pipe, verre de liqueur portée aux lèvres. Et enfin, elle sourit repensant à une demande d’Alycianne, puis se tourne vers la servante.

-« Te rappelles-tu la cotte rouge pour Alycianne ? Va lui faire mettre, et dis lui de me rejoindre ici. »


Et tandis que la servante s’exécute, l’Etincelle fixe les flammes, pipe en bouche, sourire aux lèvres en pensant à Alycianne, rayon de soleil de ses jours sans envie. Qu’avait-elle dit en taverne ? Alycianne lui est indispensable, oui car sans Alycianne, Aléanore ne prendrait pas le temps de prendre des repas, tellement peur que l’enfant ne manque de quelque chose, alors la jeune fille se force à manger pour superviser ses repas. Et ce jour, c’est à elle de faire quelque chose pour la fillette, requête légère, mais requête à laquelle, elle peut accéder. Sourire aux lèvres, parce que le simple fait de penser à la petite la fait sourire, et plus encore d’imaginer ce qui va suivre. Concèze débordera de joie ce soir, le cœur d’une adolescente aussi.

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La Rançon du Succès d'une Pouffy-girl
Alycianne
[Une chambre, à l'étage]

- Et, autre chose, mademoiselle ?

La fillette lève un petit doigt, signifiant qu'effectivement, elle a un petit besoin, mais que non, elle ne se décidera pas à parler avant d'avoir avalée sa bouchée parce que oui, elle est polie, elle.

- Oui, je veux bien encore un peu des dilicieuses pâtes aux fruits de la framboise. S'il vous plait.
- Tout de suite.


La domestique disparait, pour laisser une Alycianne regarder satisfaite la petite chambre dans laquelle elle se trouve. Ajouter un peu de rouge par-ci, par-là, et tout sera divinement parfait. La porte grince de nouveau, et c'est un grand sourire qui accueille la domestique.

- Dans le si vite, les framboises ?
- Euh, non, mademoiselle, pas encore.


L'enfant esquisse une moue déçue, c'est qu'elle devient gâtée, avant de remarquer le paquet transporté par la servante. Celle-ci le pose d'ailleurs à côté d'elle, et en sort une robe, robe rouge, à taille réduite, rouge et petite, la robe. Rouge et pour elle ?

- C'est de dame Aleanore ?

Hochement de tête pour réponse, et l'Alycianne passe une mèche de cheveux derrière son oreille. C'est la Surprise. Robe rouge, et jolie, rouge et petite, rouge et pour elle. Éberluée, la gamine. Robe de lin, légèrement brodée, robe qui fait dame. Et Rouge. Qui s'approche d'elle.
Ni une ni deux, c'est la robe usée qui passe par dessus ses boucles pour s'échouer au sol, tandis que la nouvelle vient -avec l'aide de la servante- l'habiller. La domestique resserre les petits lacets, et tire légèrement sur les pans pour qu'elle tombe comme il faut.
Alycianne, elle, choquée de ce brusque changement, n'arrive pas encore à exprimer sa joie, son bonheur. Et puis aussi, crier n'est pas chose très polie.
Elle se reprend.

Avance d'un pas, tourne sur elle-même, puis regarde son seul public.


- C'est pas dans le magnifique, là ?

Et d'attraper l'épée de Maeve, se l'attacher, avec ceinture, à la taille. Rouvre la porte, et file dans les couloirs. La robe, légèrement plus longue que la précédente, la gêne quelque peu; elle s'y habituera. La gamine dévale les escalier, puis passe une tête par la porte du salon. Elle est là.
Chuchotements adressés à la jeune noble qui l'a remarquée.

- Attendez. Je fais l'entrée.


Les boucles disparaissent de la vue d'Aleanore. La fillette se prépare, tout sourire, à jouer la dame. Elle prend légèrement les pans de la robe, les soulève un peu trop : c'est qu'un voit plus haut que ses chevilles. Se redresse et se cambre -un peu trop aussi. Relève fièrement le menton. Puis avance d'un pas, et de deux. Entre dans la pièce, lentement, allure qu'elle veut royale.

Et, ne tenant plus, éclate de rire, et file grimper sur les genoux de son amie, pour la serrer dans ses bras.

Elle est dans le merveilleux ! Merveilleux rouge, en plus ! J'adore ! Je suis très Petite dame, avec, je trouve que je pense. Je fais moins peur.


Frêle corps adulte contre petit chaud. Mais si la fillette ne remarque pas les traits tirés de la jeune femme, ce n'est pas le genre de détails auquel elle fait attention, son petit nez se fronce. Menotte qui vient balayer l'air des traces de fumée.

Ça schmoute un peu, ici. Le parfum de Framboise, ça existe ?


Mais l'idée repart aussi vite qu'elle est venue, et elle caresse de quelques doigts l'étoffe de la cotte qu'elle porte. Suit les broderies des manches. Puis relève les yeux.


Merci, merci du cœur remplit jusqu'au bord.

Et hop, un poutou claque sur la joue d'Aleanore. Et puis un deuxième, tiens. C'est qu'elle l'aime, la grande Al'.

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Aleanore
Pour qui les flammes dans l’âtre dansent-elles ? A qui s’adressent ce langage muet qui se composent d’ondulation comme des rubans que l’on déploie, comme un charme que l’on jette pour qui les regarde, emportez moi flammes. Emportez moi que je ne sache pas qu’il n’y aura pas d’après, d’après ça, d’après lui. Emportez moi loin d’ici, d’une vie que je ne saurais aimer. La main se tend vers les flammes en quête de chaleur, en quête de ce qui pourrait laver sa rancœur. Plonger dans la cheminée, se laver des péchés, des affronts, les doigts continuent leur chemin vers le foyer flamboyant, et soudain une cavalcade dans les escaliers, vivement, la main est retirée et le profil se tourne vers la porte qui s’ouvre sur une tête pleine de boucles courtes. Mélancolie qui fuit sans attendre l’âme de la jeune fille pour laisser la place à une joie spontanée, sourire qui éclot sur le visage de poupée de l’Etincelle. Acquiescement muet en réponse au préambule proposé par la fillette, la pipe est posée en attendant de voir ladite entrée.

Entrée prometteuse, main fine qui vient glisser devant le visage de l’Etincelle pour étouffer un gloussement qui aurait tôt fait de vexer la fillette, les noisettes glissent des chevilles et mollets trop dévoilés, bien trop, à la cambrure exagérée qui pourrait donner l’impression qu’elle tente de voir derrière elle ce qu’il se passe. Un pas, deux pas, retenir le rire. Et finalement, se laisser bercer par celui de la petite fille avant de la réceptionner sur ses genoux, en pensant aux temps où c’était sa petite sœur qui occupait cette place, petite sœur devenue plus grande qu’elle. Les bras fins s’enroulent autour du petit corps, à la recherche de cette chaleur qui manque à son propre corps et la jeune fille écoute la fillette, sourire tendre sur les lèvres, et d’opiner du chef. Oui, elle fait moins peur, et tant mieux si la robe lui plait. Moue boudeuse, en regardant la pipe, coupable de l’odeur âcre, que n’a-t-elle pas pensé plus tôt que l’odeur peut être indisposerait la petite.


-« Je pense qu’on peut faire du parfum à la framboise, il faudra demander à Lison, cela pourrait être amusant. »


Déjà, la réponse ne semble plus avoir sa place entre les deux protagonistes, l’une étant déjà perdue dans la contemplation de son cadeau et la seconde perdue dans la contemplation de la première en pleine contemplation. Un sourire joue sur les lèvres de l’Etincelle en constatant qu’elle a fait mouche avec cette cotte qui occupe toute l’attention de la petite, petite.. Pour l’instant et pour combien de temps encore ? Combien de temps encore pourraient-elles s’octroyer ces petits moments de tendresse que déjà, elle n’a plus avec Cassian. Les enfants grandissent si vite. Perdue dans ses pensées, elle en sort en entendant les remerciements et surtout en sentant les baisers plaqués avec l’enthousiasme purement Alyciannéen. Un instant, décontenancée, la jeune fille se ressaisit avant de resserrer l’étreinte autour du corps de la fillette. Berçant légèrement leurs deux corps en chantonnant un cantique appris au couvent, puis finalement, l’étreinte se défait pour détacher le ruban qui tient la longue tresse et venir le nouer sur une mèche rebelle de la fillette.


-« Voilà qui est mieux. »


Rideau de soie noire qui s’écoule dans le dos de l’Etincelle tandis qu’elle s’appuie de nouveau dans le fond du fauteuil, Alycianne dans le creux de ses bras, lèvres posées sur le front de la fillette dans un baiser permanent, tandis que les mains s’activent doucement, caressant le dos ou les boucles brunes. Instant de tendresse volé à une vie trop agitée pour les deux jeunes filles, et alors qu’elle se reperd dans des pensées plus gaies cette fois, un mouvement la sort de sa torpeur, la porte du salon est poussée par une Clarisse chargée d’un plateau contenant de quoi manger pour le soir, et suivie d’une Fiora qui vient se coucher avec humeur au pied du fauteuil. Main qui délaisse le dos de la fillette pour se laisser pendre le long du fauteuil et caresser le crâne de la levrette, jalouse.


-« Clarisse, fais éclairer cette pièce, je ne veux pas manger dans un tombeau. Et aussi, il me semble ma petite demoiselle qui vous aviez exprimé une requête la fois dernière en taverne. »


Boucle brune replacée derrière l’oreille de la fillette avant de caresser la joue d’Alycianne. Sourire mutin aux lèvres avant de lâcher en regardant la blonde servante.


-« Alycianne veut apprendre à faire la révérence. Il me semble que nous n’avons rien de prévu pour les instants à venir hormis manger, je ne me trompe pas ? »
-« Il n’est pas si tard et des visiteurs pourraient venir.. mais sinon, vous n’avez rien de prévu.. »
-« Parfait ! Les visiteurs, s’il y en a, serviront de public et puis voilà. Toujours partante mon Lapin ? »


En ayant l’air de rien, la jeune fille s’extirpe du fauteuil y laissant la fillette à sa place, verre de liqueur attrapé, tandis qu’elle s’avance vers la table du salon pour inspecter le repas du soir. Pulpe de l’index qui vient écraser une miette de pain sur le tranchoir, pour finalement la porter à sa bouche. Et enfin, tête penchée sur le côté, elle attend la réponse.

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La Rançon du Succès d'une Pouffy-girl
Alycianne
Ses doigts viennent frôler le nœud de ruban dans ses cheveux, tandis qu'elle se laisse aller dans les bras de la jeune femme, décidément conquise par ces câlins auxquels elle n'était pas habituée. Non, Maman n'était pas très affective. Pas de doux surnoms, de mots tendres, ni même de "poutous". Aux yeux de la fillette, cela était parfaitement normal : c'était Maman, point barre. Mais elle n'est plus là, maintenant. Ou seulement cette vague présence, brumeuse, dans la tête, qui passe et qui revient, rassurant fantôme de l'esprit, pure invention enfantine.
J'aime d'autres, Maman, sais-tu ?

Mais voilà Clarisse qui entre, plateau dans les mains. Aussitôt le minois se redresse, et cherche à savoir ce qu'il s'y trouve. Gourmande Alycianne.
L'estomac cependant ne suit pas le mouvement : il digère encore les sucreries de tout à l'heure. Les yeux ne font donc que survoler le contenu, puis reviennent se poser sur la jeune noble. Et du sourire de s'élargir encore plus -si vraiment c'était possible.
Quitte à avoir la tenue d'une dame, autant apprendre à se comporter comme telle, non ?
Et n'est-ce pas messi... Monseigneur Dragonet, en ce même Limousin, qui lui avait expliqué dans une taverne crasseuse qu'il fallait faire la révérence en se présentant ?

Elle se laisse immédiatement glisser du siège, et, dans la précipitation, pose malencontreusement le pied sur la levrette, qui pousse un jappement outré, avant de rejoindre sa maîtresse. La fillette esquisse une moue contrite, et lâche un :


- Oups. Mes excuses, Fiora.


La chienne semble toutefois aller bien, elle lui lance d'ailleurs un regard méprisant dans lequel bien évidemment la gamine ne perçoit pas la rancoeur -puisque tout le monde l'aime, voyons.
On en était où ? Ah, oui !
Sourire qui revient en force sur la bouille du Lapin.


- Oh, oui, j'en ai bien plutôt-vraiment l'envie !

S'approche d'un pas, et déjà prend les pans de la cotte, impatiente de savoir faire autre chose qu'une ridicule courbette cambrée telle une catin des bas-fonds (mais ne lui dites pas, elle risquerait de mal le prendre).
Et elle retient au "Alors, alors, comment qu'on fait, alors ?" de franchir ses lèvres. Ce ne serait pas très gracieux -et limite poli-, tout de même.

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Aleanore
Et le sourire s’étend, s’étire. Elle pourrait en rire, mais se contente de sourire, de se voir en professeur là où des années auparavant la sœur chargée des cours de maintien s’arrachait les cheveux avec elle.

-« Aléanore, les bras ! Vos bras Aléanore ! Tenez vous droite enfant ! »

La baguette s’abat et claque. Claque et s’abat. Les bras, ces foutus bras, Aléanore, souviens-toi ! Et les noisettes de maudire, foudroyer ces foutus bras. Aléanore, rappelle-toi, tiens-toi ! Dignité ! Encore, tu es là ! Merci, garde-moi. Des années auparavant quand il avait fallu saluer le départ de cette sœur et qu’au chevet de la morte, la jeune vierge avait esquissé sa révérence la plus parfaite. La révérence, et le monde est à vous. Sourire carnassier qui s’étire en trempant ses lèvres dans la framboise et murmure léger.

-« Il est à moi, le monde. »

Le verre est posé, les mains essuyés sur la nappe rapidement, avant de faire face à la fillette, pas de baguette, cette fois, sourire en coin, les bras, on le saura, s’élèvent et finalement, retombent le long du corps, tandis que le sourire s’étire plus encore, la voix chaude s’élève, concorde et s’accorde aux mélodies nocturnes du Limousin.


-« Laisse tes mains le long de ton corps. Première leçon mon Lapin, la petite révérence. Les bras restent le long du corps. Il n’y a que le bas de ton corps qui bouge et ta tête pour un mouvement d’ensemble. Regarde bien les pieds. »


Les mains viennent attraper les jupes pour les relever et permettre à la fillette d’observer le pied droit qui vient se placer derrière le pied gauche, genoux légèrement fléchis. Le pied est ramené et les jupes relâchées.


-« Cela doit donner quelque chose qui ressemble à cela. »


Bras le long du corps, le profil fin s’incline tandis que plus bas, le pied droit vient retrouver sa place à l’arrière du gauche et que les genoux se fléchissent légèrement. Et de nouveau la jeune fille reprend sa position initiale, lèvre mordillée un instant avant de poursuivre. Il faut battre le fer tant qu’il est chaud.

-« Pour la grande révérence, les gestes des jambes sont les mêmes, et ce sont surtout les bras qui vont avoir un rôle important. »

Clin d’œil à la fillette et sourire en repensant aux leçons d’antan. Les bras, Aléanore, souviens-toi. Et les bras de s’élever, gracieux, vie propre acquise au fil des années d’apprentissage, pour venir esquisser un geste en forme de cœur devant la poitrine. Le début. Le commencement, le cœur, puis l’ouverture. Les mains viennent relever les pans de la robe, pied droit, derrière le pied gauche, et les genoux se fléchissent à la limite de l’accroupissement, nuque courbée. L’image ? Humble jeune fille en fleur, la fleur évoquée par la corolle des jupes étalée à l’entour. La vérité ? Le profil se relève et de nouveau, un clin d’œil, avant de se relever totalement, puis de s’appuyer contre la table, verre repris en main, sourire rassurant et confiant.

-« Et bien, à toi maintenant mon Lapin. »


Vous aussi vous la trouvez amusante ?

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La Rançon du Succès d'une Pouffy-girl
Alycianne
Euh... A moi, là, là maintenant ?
C'est qu'elle vient de réaliser que non, faire la révérence n'est pas aussi facile que cela peut en avoir l'air. La fillette fronce les sourcils, se concentre.
On va s'en tenir pour l'instant, à la petite révérence.
Bras le long du corps. Ne pas se crisper. Bas et tête dans un mouvement d'ensemble. Elle passe tout d'abord son poids sur sa jambe gauche, ramène son pied droit en arrière, comme montré précédemment. S'appuie légèrement dessus, juste sur ses doigts de pieds, afin de ne pas perdre l'équilibre en pliant les genoux. Et la tête, étourdie, de s'incliner en retard. L'ensemble toutefois est prometteur : si Alycianne n'a pas encore l'aisance et la grâce d'Aleanore, elle a dans l'ensemble saisi le mouvement, et retient son postérieur -qu'elle a divin, rappelons le- de s'échapper en une ridicule posture.
Minois qui se relève, yeux qui cherchent ceux de son amie.


- Et puis la grande...

Re-froncement de sourcils. Que fait-on des bras, déjà ? Zut. Elle secoue la tête; chatouillement des boucles dans le cou. Une histoire de bras qui font quelque chose comme "ça"...
Et mouvement exagéré de ces derniers qui s'ouvrent avec force fioritures, pour venir attraper sa robe. Dans l'élan, elle ramène de nouveau un pied derrière l'autre, pense à bien baisser la tête, mais en fléchissant les genoux, perd cet équilibre fragile aux enfants, et se redresse donc bien vite, coupant court à cette révérence mal débutée.
Moue insatisfaite qui s'inscrit sur le visage de la fillette, qui en conclut un :


- Je pense que je vais être dans le besoin de l'entraînement.

Ainsi que de s'exercer à l'épée et à la dague, note-t-elle.
La fillette porte une menotte à son front tandis qu'elle pousse un faux soupir las, en bonne petite gamine choyée et gâtée, qui conviendrait tout à fait à un : "Quel martyyyyr à endurer de vouloir devenir chevalier et pouvoir porter décemment de la fourruuure !".
Mais Alycianne ne le dira pas, car tout d'abord le mot "martyr" ne fait pas encore partie de son vocabulaire, et le petit soupir précédemment lâché correspond pour sa part plus à une prise de conscience du travail futur à fournir, qu'elle accomplira sans rechigner cependant, que d'une mauvaise volonté. Parce que oui môssieur, on peut être dorlotée et avoir l'esprit travailleur, c'est combinable -du moins pour la gamine en question.
C'est donc à cet instant qu'elle prend la ferme décision de s'entraîner à "révérencier" tous les soirs dans sa chambre. Ce sera comme-papa Eusaias qui sera fière d'elle quand elle rentrera en Bourgogne !
Petite dame de Concèze, et bien déterminée à remplir jusqu'au bout des orteils ce rôle, pour le sourire de dame Aleanore.

Elle tire donc la langue, s'essaie à une autre version -tout autant ratée- de la grande révérence, affichant mimiques absorbées par l'exercice sur moues mécontentes, dans un spectacle qui doit être des plus amusants.
La durée de son séjour à Concèze lui laissera toutefois le temps d'boutir à quelque chose de convenable, elle en est certaine.
Quelques essais peu productifs, et elle adresse un petit sourire à la jeune noble.


- C'est dur d'être une grande dame, quand même.


C'est dur de grandir, aussi, Alycianne.
Mais heureusement que la petiote n'en est pas là encore. Six ans, et (presque) toutes ses dents, elle a beau en avoir vécu des choses, rien ne pourrait encore lui faire entrevoir la brutalité du monde, bercée dans son utopie d'un univers foncièrement bon. Elle, n'en est qu'au préambule, avant-gouts vagues de la vie, mais laissez-la débuter calmement par l'apprentissage de toute présentation, la révérence. Et ce n'est déjà pas chose simple.

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Aleanore
Il y a le temps qui passe et il y a la nuit qu’on chasse d’un revers de la main, d’un revers de sourire, le sourire d’Alycianne qui illumine celui d’Aléanore, comme s’ils étaient liés par un fil invisible qui s’appelle « Complicité » tout simplement, tout sereinement, léger comme un jeu d’enfant. La jeune fille trempe les lèvres dans la liqueur à la framboise, épousant avec perfection le contour du verre, source miraculeusement sucrée à laquelle, on s’abreuve gaiement, tandis qu’au milieu du salon, la fillette déambule, adorable funambule, pas très douée au demeurant, si jeune, du reste, elle apprendra bien assez tôt. Les bases sont données, il faut les exploiter. Et le verre de se poser pour applaudir quand la petite révérence est esquissée, parfaitement bien si ce n’est la raideur d’un manque de pratique, applaudissements qui trouvent un écho dans ceux de Clarisse derrière, sourire complice des deux jeunes femmes devant les prouesses de la petite. Oui, et puis, la grande Alycianne. Tu es si petite.

Aléanore de tourner autour de la fillette tandis qu’elle essaye de faire la grande révérence, corps qui se tend vers l’avant quand la petite manque de tomber. Plus rapide qu’elle, la fillette s’est déjà redressée, toussotement discret. Non, elle n’a pas eu peur, ce n’est pas vrai, allons bon, est-ce son genre ? Oui ? Bon, chut. Et là, c’est trop, l’Etincelle éclate de rire.


-« Et bien oui, il va en falloir de l’entrainement, et chaque jour même, mais tu commences bien, je trouve. »


Spectacle pour le moins ridicule ou en tout cas, sacrément amusant. Le verre est rempli et récupéré, les noisettes suivent encore et encore les tentatives, réfrénant ses pulsions quand la petite manque de tomber, elle est petite, elle en verra d’autres, n’est-ce pas ? Mine qui se tourne vers Clarisse attendant qu’on la rassure. Et enfin la conclusion tombe de la bouche de la fillette, et Aléanore de rejoindre l’enfant et de s’agenouiller à ses côtés, balayant de la main, les boucles brunes qui volent autour du visage enfantin.

-« Oui, c’est dur. Mais tu y arriveras, j’en suis persuadée, mon Lapin. »


Le verre est posé au sol avant d’attraper la petite à bras pour la glisser sur sa hanche et d’aller se rasseoir dans le fauteuil, enfant nichée au creux des bras, mélodie entonnée autant pour Alycianne que pour elle-même. Rêveusement, la jeune fille berce le petit corps contre elle, savourant les instants de bonheur simple qu’on lui offre, sans souci du temps, de l’endroit, qu’importe, l’enfant est heureuse, et cela suffit au bonheur de l’Etincelle. Combien de secondes, combien de minutes, combien d’heures avant qu’un souffle léger vienne murmurer à son oreille que la petite s’était assoupie, profil de poupée qui se lève et sourit à celui de Clarisse. Clarisse, toujours présente, fidèle, loyale. Doucement, la jeune fille se lève, Alycianne toujours dans ses bras, doucement, les escaliers sont montés, la chambre trouvée, le lit ouvert, la robe est enlevée et savamment pliée par Clarisse, les draps rabattus mais au moment de déposer un baiser sur le front de la fillette, la jeune fille se laisse tomber à genoux devant le lit et pose le menton entre ses bras, profitant en silence de la simplicité qu’ont les enfants de trouver le sommeil. Toussotement de nouveau, et voilà, l’Etincelle qui se redresse, baiser hâtivement déposé, déjà, elle retourne à son salon, sa pipe, la contemplation de son Limousin. Comme il est doux ce silence animé, sauvage, aimé. Comme il est doux, mais rare, Aléanore, profite, profite Etincelle.

Au loin, dans la Bourgogne impitoyable, il attend son retour, a-t-il survécu ? Et elle qui dort sagement en haut, sait-elle qu’elle se trouve entre Charybde et Scylla, tout comme l’intrépide Cassian, oui, les moments de joie sereine sont rares, si rares qu’ils prendront rapidement fin.


[Le dix-neuvième jour de février, quand sonne complies.]

Il y a certains jours comme un voile sur l’avenir, comme une pénombre qu’il faudrait percer du bout d’un rire, du bout du doigt, une caresse légère, volute de fumée qui s’écarte, se resserre comme les lèvres d’une femme sur le doigt fin qui joue avec tandis que la bouche purpurine esquisse des moues arrondies pour expirer la fumée âcre en faisant des ronds. Fesse posée sur le rebord de la fenêtre ouverte, pipe en main et regard posé sur le lointain, Aléanore se perd dans l’avenir qu’elle n’arrive plus à imaginer comme avant, comme c’était si simple de le voir mourir et d’en finir. Mais maintenant ? Il y a Alycianne et Cassian qui apparaissent à chaque fois qu’elle tente d’imaginer son avenir. Alycianne.. Les yeux se ferment un instant, repensant à son départ qu’elle n’avait pu empêcher, aucune raison ne pouvait l’empêcher, et c’est à peine rassurée qu’elle avait vu la fillette et Mathias quitter Concèze sur un vieux cheval. Les baisers n’y avaient rien changé, les caresses à peine amadouer et la petite dame de Concèze avait quitté le manoir, laissant la grande à son désœuvrement le plus compliqué sans nouvelle de personne, dans son Limousin chéri, mais seule. Dans la nuit, un bruit, un appel, un hennissement, et le sourire d’étirer les lèvres de la jeune fille qui quitte le salon pour gagner les écuries.

Chaque soir depuis leur arrivée à Concèze, la jeune fille et l’étalon se retrouvaient à la nuit tombée, instant de complicité, en attendant d’apprendre à le monter, toujours cette absence de nouvelle de la part du Chevalier de Vergy, en attendant de pouvoir se passer de cette monte en amazone insupportable que ni elle, ni l’animal ne supportaient, allait-elle bien la Pivoine, était-ce la raison de ce silence, en attendant, ils se contentaient avec plaisir de ces moments silencieux qui se passent de mots, d’expressions. Et l’ombre furtive mais maintenant connue des palefreniers de se glisser dans l’allée des écuries pour gagner la stalle de l’étalon, porte ouverte sans bruit, et l’Etincelle de se plaquer entre les antérieurs massifs du percheron, tête sur le côté pour permettre à l’animal de replier la sienne, étreinte tendre de deux écorchés, quand enfin le voile retombe et que la fierté s’endort, il ne reste après tout que les corps. Les corps, et une mélodie fredonnée qui emplit la stalle et se perd dans la nuit limousine.

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La Rançon du Succès d'une Pouffy-girl
Fauconnier
[ Quelque part entre les ombres d'une nuit sans lune, dans le Comté du Limousin et de la Marche. ]

Bruit de bottes qui choient sur un chemin encore humide, à l'entrée de Concèze. C'était une nuit sans lune de février, quelque part en Limousin, au beau milieu d'une nature domestiquée sommairement par la main de l'homme. Adrian prit la bride de l'animal qui l'avait porté jusqu'ici, et fit encore quelques pas, le guidant en avançant, faucon qui évitait le plus possible les flaques d'eau et les traces de boue pour ne pas souiller le cuir délicat de ses bottes outre-mesure. C'était un soir de fin d'hiver où le froid était plus mordant encore que dans beaucoup de soirs neigeux ; un soir où l'hiver donnait ses dernières forces à refroidir le monde.

Le petit manoir était en vue, peu visible dans la nuit noire et obscure qui drapait les terres du Limousin d'un voile de velours noir. Le jeune Vicomte n'était comme à l'accoutumée qu'accompagné de Rufus, qui lui servait de garde du corps vis-à-vis de tous les problèmes que l'on pouvait rencontrer la nuit sur sa route. Et il avait enfilé habits de belle tournure, pour mieux préparer l'entrevue dont il avait besoin. Il avait enfilé de belles bottes avec des braies de couleur sombre, une chemise en laine écru lui tombant jusqu'au dessus des genoux ; Tumnufengh n'était pas à sa ceinture, et l'on pouvait seule y voir une épée d'assez bonne facture, que la Malemort lui avait offert en cadeau voilà peu de temps. Une cape de laine brute, de couleur brune était jetée sur son dos, allant jusqu'aux mollets, doublée de petit vair. Il n'offrait aucune trace de son appartenance à l'Ordre de la Licorne, car tel n'était pas son but ce soir. Ce soir, il voulait juste se montrer en valeur. Rien de plus, rien de moins.

Ils étaient sortis de Concèze quelques dizaines de mètres plus tôt ; et ils avançaient maintenant vers le petit manoir de la petite damoiselle de la petite bourgade de Concèze. La route était de terre battue, et l'on voyait bien que les réceptions ne devaient pas être foules dans le coin. Et ne serait l'intérêt de cette rencontre, Adrian n'aurait jamais parcouru la route jusque dans ce coin à bouseux pour rendre visite à une pimbêche qui lui paraissait surtout avoir grandi avec un poil de cul coincé dans chaque main. Au final, seul son statut de fille de MarieAlice Alterac l'intéressait.
Il avait déjà préparé les sujets sur lesquels l'interroger. Il avait déjà pensé à la conversation. Il connaissait au final très peu Aléanore, hormis de ce que l'on lui avait raconté d'elle. La première fois qu'il l'avait vue lui avait néanmoins laissé l'impression d'une noble hautaine et suffisante à souhait, qui ne se gênait pas pour égratigner son monde. Ce qui, en soit, le rassura : il savait plus ou moins comment se comporter, vis à vis de ce genre de nobles.

Il laissa les rênes de sa monture à Rufus, pour éviter que les sabots de sa monture ne le fassent entendre de trop loin. Et il décida d'approcher, seul, en donnant pour consigne à Rufus de l'attendre sur le côté de la route ; il lui avait pour cela laissé une saucisse, et une bouteille de gnôle. Se sentant généreux, il avançait ainsi, sur les quelques cinquante mètres qui devaient le mener jusqu'à celle qu'il interrogerait cette nuit. Il se remémorait alors ce qu'il lui dirait pour s'introduire et se présenter, ainsi que les raisons de sa visite, lorsqu'il vit brusquement la porte du manoir s'ouvrir. En jeune homme qui n'aimait pas que son scénario soit perturbé, il s'écarta sur le côté, tentant de ne pas être visible. Il suivit une forme des yeux qui allait jusqu'à un bâtiment sur la droite du manoir par rapport à lui, et se rapprocha alors du lieu, la suivant à la trace.
Il s'adossa au mur alors que la forme était à l'intérieur. Il se disait que, peut-être, y aurait-il quelqu'un qui put le renseigner sur la dame de Concèze ; avoir des informations sur celle que l'on va rencontrer est toujours bon à prendre.

C'est ainsi que, alors que l'intérieur du lieu était noir, Adrian Fauconnier passa dans l'encadrement de la porte, et entra lentement dans le bâtiment ; ce qui, à l'odeur, fut immédiatement compris comme étant une écurie. Autrement dit : prier pour que le vent ne s'engouffre pas trop derrière soi...

Mais la vie n'est pas toujours aussi facile.

Il entendait une mélodie fredonnée, dans un coin du bâtiment. Une personne dans la pièce, au moins. Avec l'odeur de liniment, et de paille. Le vent s'engouffra par la porte ouverte, chargé d'odeur et de fraicheur...

Et le percheron qui se trouvait dans la pièce souffla bruyamment par les naseaux. Ou comment parvenir à se faire repérer en un tourne-main.

Et chier.

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Aleanore
C’est quand l’éternité nous saisit qu’il est question de regrets, c’est quand une infinité de sensations vous prend que l’idée d’avoir des remords se fait implacable. Doux regrets, prenez-moi toute entière, une nuit de faiblesse pour ma vie d’allégresse. Lancinante mélopée qui s’échappe des lèvres, racontant la vie d’une femme qui aurait tout sacrifié pour l’amour d’un homme, homme parti avec une autre. La vie est ainsi faite, faites qu’ainsi ne soit jamais sa vie, trop de regrets, regardez la, qu’est-elle l’Etincelle sinon une jeune fille trop superficielle prise à son propre jeu, trop fragile bien trop fragile, fleur à peine éclose qu’on l’a déjà cueillie et fanée, et les effluves de framboises ne dissimulent qu’à peine les relents de pot pourri. Au moins reste-t-il le Limousin, Concèze et Bélial, la main vient flatter l’encolure puissante de l’animal qui d’un coup s’agite, froissement de pailles dans l’allée. Ce n’est pas la peur qui étreint le cœur de la jeune fille, c’est l’excitation. Est-ce Lui ? Aurait-il survécu aux assassins ? D’un coup de reins, Aléanore se détache du corps de l’étalon, une main apaisante sur la tête massive de l’animal, la main gauche, elle, vient cueillir au creux du décolleté le stylet sagement rangé, la porte du box s’ouvre, et la jeune fille se glisse dans l’embrasure, tentant de discerner dans le noir qui cela pouvait-il être. Pas Lui, ce serait bien trop beau de pouvoir le tuer de sa propre main.

Et les noisettes de s'interroger, la carrure est trop frêle pour être celle de cet homme qu’elle connaît par cœur, elle se maudirait presque de chercher toutes les différences, toutes les dissemblances entre les deux hommes. Il n’est pas lui, le freluquet en face d’elle, mais qui est-il. L’heure n’est pas aux visites ou alors faut-il que la raison de la visite soit importante pour que l’on vienne se perdre jusqu’à Concèze de nuit, la route n’est pas commode, les gens non plus, la maitresse l’est encore moins d’autant qu’on vient de la priver d’un plaisir sans pareil et que par Saint Côme que dira-t-on d’elle si on la voit comme cela, le bas de sa robe doit être navrée, l’odeur de framboises, dissimulée par celle plus ténue de l’étalon. Non, l’heure n’est pas aux visites, tout le monde s’en doute, tout le monde sait, c’est un fait et il est clair qu’il faut que le visiteur ne soit qu’un cuistre sans la moindre notion de savoir-vivre. Les noisettes fouillent l’obscurité recherchant dans la pénombre la petite porte dissimulée de l’écurie qui donne sur les communs et enfin, la porte est trouvée, à pas comptés, rejointe et ouverte pour appeler qui de droit.


-« Hugues ! Fais donc venir de la lumière, nous avons de la visite. »


Si la voix est chaude et douce gardant les inflexions suaves qu’ont toutes leurs vies, les choristes, le ton quant à lui est moqueur, montrant bien au dit visiteur que, oui, on n’y voit rien, parce qu’il est bien trop tard, et qu’il n’y a pas idée de déranger les gens à pareille heure. Et enfin, la lumière arrive en la personne de Hugues, jeune cocher de onze ans, tenant à bout de bras une lanterne qui soudainement éclaire l’écurie, faisant sursauter l’imposant percheron. La porte de la stalle est brutalement repoussée et le loquet fermé, en temps normal, cela n’aurait pas été, en temps normal, elle aurait au contraire ouvert la porte du box, laissé sortir le caractériel étalon, et aurait de derrière la porte, assisté à la mise à mort d’un opportun, en temps normal, mais les temps changent quand il est question de ..


-« Vicomte. »


Et la grande révérence savamment apprise à Alycianne de s’effectuer dans l’écurie de Concèze, éclairée par une simple lanterne, dans le geste pour rejoindre la poitrine, le stylet est rangé. Et c’est seulement quand elle se redresse que la jeune fille s’octroie le droit de fixer le jeune homme en face d’elle. Vicomte, elle sait qu’il l’est parce qu’elle l’a croisé à la Aula Noblia, mais sinon que sait-elle de lui ? Tout. Est-elle bête, elle connaît sa généalogie du début à la fin, les titres qu’il a, qu’il aura, les potentielles promises qu’il pourrait épouser, celles qu’il devrait épouser. Et un sourire étire les lèvres de la jeune fille, ravie de ces heures passées à plancher sur les familles nobles du Royaume, connaître ses amis, et plus encore, ses ennemis, et comme elle ne sait pas encore où placer le Faucon, l’Etincelle se félicite de cette curiosité finalement bien placée, et de sourire de plus belle, de ce sourire qui annonce la victoire. Moi, je sais. Silencieusement, elle détaille le jeune homme. Plus vieux qu’elle, elle le sait, et pourtant, comme il fait enfant ce grand dégingandé, et si les habits paraissent de bonne facture, dieu que leur occupant est laid. Seul intérêt trouvé, les yeux. Trop noirs ces yeux. Enfin, la jeune fille quitte l’immobilité qui était la sienne pour rejoindre en quelques pas le jeune Vicomte, sourire toujours sur les lèvres, les noisettes accrochent le regard en face, ne pas baisser les yeux. Trop noirs tes yeux, Faucon. L’onyx des rapaces. Lueur haineuse dans les noisettes et le profil se tourne rageusement, oubliant facilement l’oisillon pour penser à la Bourgogne qui abrite le Balbuzard. L’onyx des rapaces, elle y a trop goûté pour savoir qu’il est dangereux de s’y perdre. Dos à l’écurie, à la limite de sortir, la jeune fille lâche enfin.


-« Hugues, fais prévenir Lison, un repas frugal, du vin. Avez-vous un valet ? Faites le donc venir, qu’il se réchauffe dans les communs. Quoi d’autre.. Une chambre peut être ? »


Question posée, sans attente vraiment de la réponse qui pourrait venir, il y aura forcément une chambre de préparée, agacement soudain, elle va devoir manger, merci l’invité. Et se rappelant les devoirs d’hôtesse, l’Etincelle de se tourner.


-« Entrons, voulez-vous, il fait trop froid dehors pour parler. Cela sera plus agréable pour vous de m’expliquer la raison de votre présence en mes terres à cette heure pour le moins surprenante. »


Si le ton est affable, la jeune fille n’en a pas moins toujours pas digéré l’idée de se faire déranger à une heure qu’elle juge inconvenante, et sans attendre d’avoir confirmation, la jeune fille se dirige vers l’entrée du manoir qu’elle pousse du plat des deux mains, sans jeter de coups d’œil en arrière. Oui, c’est ridicule, et ? Le poids des portes l’est tout autant, mais la pratique commence à aider, le mal de tête à venir aussi. Et c’est une Clarisse avisée qui en voyant la mine chiffonnée de sa maitresse, s’empresse d’aller rallumer le feu dans l’âtre du salon, salon vers lequel Aléanore guide son visiteur avant de s’asseoir dans son fauteuil, sachant pertinemment que son visiteur devra rester debout au moins jusqu’à ce qu’on lui fasse porter un siège, ce qui sans ordre de la maitresse, ne saurait arriver.

La vie est cruelle, n’est ce pas ? Les femmes aussi, on est d’accord.

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La Rançon du Succès d'une Pouffy-girl
Fauconnier
-« Hugues ! Fais donc venir de la lumière, nous avons de la visite. »

Arrêt brutal. Le jeune homme se fige. C'est une appréhension qui se tend, dans l'écurie assombrie d'une petite seigneurie banale du comté du Limousin et de la Marche. Un jeu en préparation ; et il est difficile, de la chatte amusée ou du faucon rabougri, de savoir qui en tirera le mieux essence. La lumière est donnée, et les contours d'une simple grange de bois apparaissent, alors que survient dans l'encadrement de la porte un tout jeune garçon, de ceux qui servent aveuglément la noblesse en l'idéalisant pour mieux supporter leur condition. Adrian n'a jamais trop aimé le noir. Peut-être parce qu'il avait toujours peur, dans ses rêves, de rencontrer son père. Peut-être parce que, comme tous les enfants, il n'a jamais trop aimé cette matière trop impalpable et fuyante sur laquelle toutes les projections peuvent s'opérer ; et qui, dans l'esprit d'Adrian, du croque-mitaine ou de son père, peut bien lui occasionner la plus grande frayeur ? Adrian n'aime pas rêver. Parce qu'il sait que les rêves, dans le meilleur des cas, ne sont que des envies fugaces et brusques qui ne se touchent que de l'esprit ; et que dans le pire, ils montrent à la face vos peurs les plus béantes, les plus horribles, celles face auxquelles vous n'avez aucune défense. Ainsi donc le jeune Faucon était-il tendu avant même que de pénétrer dans cette stalle. Et la raison n'en est pas difficile à saisir. Elle est tout bonnement que le jeune Faucon ne devient, à l'heure actuelle, qu'un grand tas d'hormones sur pattes, en pleine crise d'adolescence, et dont l'appétit du sexe féminin commence à se construire au fur et à mesure. Il a déjà commencé à caresser les servantes d'Isles, à la sauvette, une fesse par-ci ou une épaule par là ; pour effleurer ; pour explorer. Il n'aime pour l'heure rien tant que l'effleurage, cet art discret qui ne demande pas de performances, pas de mise à nu. Car Adrian n'aime pas son corps, comme quasiment tous les adolescents. Il n'aime pas son visage anguleux, bouffi à certains endroits d'une acné juvénile qui montre bien ses désordres intérieurs ; il n'aime pas ses muscles qui commencent à se prononcer, et à pointer sous sa chair ; il n'aime plus non plus son sexe. Cette chose incommodante, dont il n'a jamais su trop que faire hormis uriner avec, qui n'a rien de pratique, comme une sorte de saucisse dont il devrait s'accommoder chaque jour ; et pire que tout, il n'aime pas la pilosité qui est en train de se constituer autour de celui-ci. Il a bien sûr constaté des phénomènes nouveaux ; le fait que parfois, au réveil, son sexe se pâme d'une rigidité affligeante, ses bourses plaquées contre, comme si cette saucisse ne devait devenir qu'un trop-plein de sang pulsatile, dans lequel il pouvait quasiment sentir les battements de son coeur. Il a constaté que cela se produisait particulièrement lorsqu'il pensait à des femmes, et à ces attraits du beau sexe qui font le désir, sans pour autant être outranciers ; une épaule dévoilée par une robe un peu trop vague ; un départ de poitrine montré par un corsage pas assez relevé ; des mollets doux et soyeux, qui se voient au-dessus des poulaines lorsqu'une femme relève ses jupes pour marcher. Tout cela créait le désir, par la suggestion inhérente à ces pièces de corps. Et plus que tout...
Adrian était horriblement attiré par les nuques. Cette pièce de chair qui s'étendait au bas de la tête jusqu'au haut des épaules, et qui lui semblait d'une beauté, d'une douceur, et d'une tenue sans pareille. Les seins des vieilles femmes pouvaient tomber ; il l'avait surtout vu lorsque la nourrice de Bérénice lui donnait le sein ; les fesses aussi : les vieilles paysannes le montraient bien. Les ventres pouvaient se plisser ; les grossesses successives les faire devenir flasques. Les cuisses pouvaient se couvrir de peau d'orange, ou d'une pilosité malvenue. Les nuques, elles... étaient ô grand quasi-toujours des merveilles de perfection. Lorsque Dieu avait créé la femme, il avait insufflé son esprit en elle de par la nuque. Adrian en était persuadé.

C'est une nuque, dévoilée dans la pénombre d'une lanterne qui avance, qui le grise légèrement, avant qu'il ne se reprenne. Des mouchetures d'argent, que très peu probablement verront, apparaissent dans les charbons, avant que de s'éteindre lorsque la lanterne se tourne. Il la voit. Enfin, il la devine, au dehors de la stalle ; jeune fille fluette et petite, qui parait doublée de volume par l'hermine qui la borde, et l'écarlate dont elle s'habille. " Par Dieu ! Maman doit être généreuse avec toi, pour tout cet écarlate que tu arbores... " Pensée étouffée aussi vite qu'elle est venue, alors que Adrian fixe un instant cette nuque, si blanche et à la fois si belle, d'une pureté immaculée qui frôle l'indécence.

Et la honte vient. Car Adrian se sait peu appétant ; il sait qu'il ne sera jamais bel homme ; son père ne l'a jamais été ; et sa mère n'était pas nécessairement non plus une très belle femme : il avait été cerné depuis l'enfance par le poids du "mignon". Pas joli ; pas beau ; Mignon. Comme un adjectif que l'on trouve pour limiter la casse ; comme une caresse sur une joue, pour ne pas montrer le dégoût. "T'es mignon, petit". Le même genre de réplique que "Tu es gentil". La valorisation parce qu'il le faut, et presque effleurée.
Il rougirait presque, s'il ne se contrôlait pas. Et le jeune et insignifiant Faucon de se reprendre en main, et de regarder la nouvelle venue.
Il avait cru à une servante, qu'il pourrait questionner ; il se retrouvait face à la maitresse des lieux, sans aucun filet d'aucune sorte, alors que l'heure pouvait paraitre inconvenante. Il avait misé sur une arrivée accidentelle à la nuit tombante, et avait pensé profiter de son hospitalité. A l'heure actuelle... Il ne pouvait plus jouer ; car plus encore que ses habits qui ne convenaient pas à la route, c'était bien plus sa présence dans l'écurie qui paraissait inconvenante.

Mais Adrian s'en fichait éperdument.

Il préférait commencer l'attaque là où on l'attendait le moins, pour déstabiliser préalablement l'adversaire.


-« Vicomte. »

Un sourire et une révérence posent toujours des bases un peu plus calmes. Et le Faucon, bien élevé, de répliquer par un autre sourire, un simple rictus poli où l'on ne dévoile rien de ses dents, avec une inclinaison de la tête pour simple réponse.

- " Damoiselle. "

Réponse sur le ton du constat. Sur le simple ton de celui qui voit apparaitre devant lui une personne dont il doit tenir compte. Elle a de beaux yeux ; des yeux d'un noisette mordoré, qui ferait penser à du bois sur lequel le bronze a passé sa patine ; presque comme un trône sur lequel on voudrait s'asseoir. Mais cette dernière réflexion n'est-elle pas dictée directement par ton ressenti, petit Vicomte ? Elle se tourne vers le petit garçon, et il regarde ce profil, avec ces petites oreilles bien faites, et une partie nez et bouche qui lui rappelle très directement la mère, l'actuelle Paire de France. Il se tourne lui aussi vers l'enfant, alors qu'elle lui adresse des ordres.

-« Hugues, fais prévenir Lison, un repas frugal, du vin. Avez-vous un valet ? Faites le donc venir, qu’il se réchauffe dans les communs. Quoi d’autre.. Une chambre peut être ? »

La dernière phrase est lâchée alors qu'elle s'est retournée vers lui, et qu'elle ne le regarde pas directement ; mais comment pourrais-tu savoir, Faucon, que ce sont tes yeux bien plus que ta prestance qui l'incommodent ? Tu prends tout pour toi. Bien entendu. Se tournant vers elle, le Vicomte répond :

- " Vous êtes trop aimable. " Le ton, là, se fait ironique par sous-jacence. Il sait bien que les lois de l'hospitalité l'obligent à faire cela ; particulièrement pour un visiteur de plus haute noblesse qu'elle. Il s'en amuse, et commence le jeu. Faucon, tu commences déjà à tapoter cet objet humain, ce jouet, du bout des serres. Car ainsi était le sens de ce que l'on lui avait appris à Condé, à Saulx : que l'être humain ne doit pas se faire le réceptacle de sentiments ; pas en politique ; qu'il n'est qu'une pièce sur un jeu d'échec, que l'on déplace pour parvenir à ses objectifs ; et que, tous autant que vous êtes, vous autres nobles, ne devez qu'en avoir pleine conscience pour mieux en jouer, et en utiliser. Adrian se tourne vers le jeune garçon qui se trouve sur le point de partir, attendant que l'on lui donne congé.

- " Tu le trouveras au sortir de Concèze. "

Et d'enregistrer qu'il devrait récompenser le petit à la bourse, pour préparer un écu qui iront entre ses mains lorsqu'il aurait accompli sa mission. Ainsi se créaient des réseaux, parfois ; par le don simple d'une pièce contre un service rendu.

-« Entrons, voulez-vous, il fait trop froid dehors pour parler. Cela sera plus agréable pour vous de m’expliquer la raison de votre présence en mes terres à cette heure pour le moins surprenante. »

Ne répondant pas, le jeune Vicomte la suit, et se dirige jusqu'au salon où un feu commence à être ranimé par une jeune domestique qui lui semble fort docile et malléable. Une nouvelle poussée d'envie le prend alors qu'il garde ses yeux sur la domestique baissée, avant que de rester debout, à regarder les flammes du foyer rejaillir lentement.

Oui, vous l'avez compris : Adrian ne s'expliquera pas directement. Il laissera la jeune fille lui demander la raison de sa venue elle-même ; pour la laisser entamer la danse ; une façon de mieux contrôler la conversation ; une façon de continuer à jouer.
Il ôte sa cape, ses gants, et donne le tout à Clarisse qui, une fois le feu redressé, sort en baissant la tête. Adrian espérait alors bien pouvoir la recroiser, et profiter de ces formes pleines. Tudieu, quelle croupe !

Et son regard de se replonger dans les flammes, alors qu'il attendait la question fatidique, qui démarrerait leur danse de cette nuit. La première de, qui pouvait savoir ? Peut-être une longue série.

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Aleanore
C’est comme les jeux d’enfants au final, sauf qu’on est grands, mais Faucon, pour jouer à un jeu sans doute, il faut y exceller ou être sacrément culotté. C’est ce que se dit la jeune fille à l’instant où elle perçoit le regard jeté sur la croupe de sa servante. Sourire sans équivoque qui illumine le visage de poupée de la jeune fille tandis qu’elle dévisage sans pudeur le jeune homme en face d’elle, maintenant que les flammes éclairent vraiment les traits, maintenant qu’il n’y a plus l’obscurité entre eux. Sourire narquois qui vient soulever la commissure des lèvres, il est si jeune ce rapace-là, sait-il seulement voler, à en croire le regard jeté à Clarisse, au moins essaye-t-il. Penser à Clarisse plus tard, la charmante idée que voilà d’égayer la nuit de l’invité en lui offrant les charmes de la douce blonde, on ne prend jamais assez soin de ses invités, n’est ce pas ? Un instant, l’idée qu’Adrian pourrait faire à Clarisse ce qu’Eusaias lui a fait l’effleure, un instant, puis le bon sens revient. Lui ? Faire du mal ? Il faut le voir, qu’il fait de la peine ce garçon, malgré ses titres, malgré ses grands airs, comme si, ses ailes étaient trop grandes pour lui. Il est grand ton nom, Faucon, mais tu es tout petit.

Jouons, veux-tu, ou mieux dansons, petit moineau. La main s’élève, gracieuse, poignet audacieusement révélé par la manche qui glisse sur l’avant-bras, et les doigts claquent, faisant revenir une Clarisse empressée qui arrive chargée d’une carafe d’eau-de-vie de framboise et de deux verres, bonbonnière recelant les pâtes de fruits à la framboise. Repas du soir de la jeune fille. L’invité ? Il faudra attendre, des viandes ont été mise à rôtir, il est tard, Lison peste et pour la première fois, la blonde servante s’emmêle sous le regard bienveillant de la brune qui voit en sa camériste un bon investissement, main apaisante de l’Etincelle qui renvoie en cuisine la blonde appétissante, point trop n’en faut, chaque chose en son temps. Les mises en bouche commencent à peine et il salive déjà. Les doigts fins s’enroulent autour de la carafe et l’alcool se déverse dans les verres dans un silence que seul trouble le crépitement du feu qui revit dans l’âtre. Feu fixé par le jeune homme, et la jeune fille de hausser le sourcil, les flammes doivent-elles répondre à sa place concernant sa visite, elle avait pourtant pensé la chose évidente. Veut-il se taire ? Grand bien lui fasse, qu’il se taise, elle en rirait presque s’il n’y avait les convenances, un regard jeté à son verre avant de se lever et de finalement le délaisser pour attraper la pipe qu’elle bourre silencieusement avant de l’allumer, aspirant avec un plaisir non dissimulé, tandis que ses pas la mènent comme toujours vers la fenêtre restée entrouverte. La fumée est expirée lentement, tandis que les pensées s’alignent dans l’esprit de l’Etincelle, s’essayant à un jeu qui promet d’être amusant.

Sais-tu Faucon comment on joue au jeu du chat et de la souris, sais-tu que tu pourrais y laisser des plumes ? Les noisettes se ferment paresseusement, instant solitaire, instant où elle se perd avant de revenir plus joueuse qu’avant, lentement, le regard glisse de haut en bas sur le jeune Vicomte, lentement, elle s’imprègne de son être. Moche, boutonneux, petit, ridiculement engoncé dans des habits que Cassian porterait bien mieux, qu’a-t-il pour lui si ce n’est ces yeux. Adolescence cruelle qui la pousse à retracer la sienne, pas de désagréments dus à l’acné juvénile, une croissance vite arrêtée, peu de gêne occasionnée concernant la poitrine, elle n’en a presque pas, à peine un doux renflement qui s’épanouie joyeusement dans le corsage de la robe à tassel. Les pertes menstruelles ? Un désagrément vite oublié depuis peu, à cause de Lui, grâce à Lui. Aucune idée. A une époque où les jeunes filles se nourrissent des romances qu’on peut trouver allégrement, qu’on entend conter aux quatre coins des bourgades, à une époque où certaines sont mariées et craignent leur nuit de noce pour ce qu’elles vont y découvrir, Aléanore sait très bien à quoi s’en tenir concernant l’amour physique, le sexe des hommes et leurs pulsions aussi sauvages que puériles comme un besoin de céder à une envie subite, à l’instant, sans tenir compte de ce qui sera démoli au passage. Tout. Voilà ce qui est détruit tout, comme si elle avait beaucoup de choses à la base..

S’attarder sur son passé, ses échecs, ses erreurs, la première, sa naissance ? Pas ce soir, pas le soir. Ce soir, il y a un visiteur de marque, et de sourire narquoisement, en se disant que le jeune homme n’a décidément pour lui que son nom et ses titres. Mesquineries adolescentes qui la poussent à se demander s’il a déjà embrassé une femme, moue amusée esquissée, une jeune fille ne doit pas penser ce genre de choses mais l’idée la fait sourire de plus belle, une jeune fille ne devrait même pas vivre seule avec pour unique chaperon une servante de quelques années son ainée. Chaperon même pas présent dans la pièce, cocasse situation, dont elle pourrait tirer un parti plus que convenable, et sous l’épaisse chevelure d’encre, les idées fusent et turbinent, et pourtant, l’air emprunté du jeune homme la dissuade de jouer plus loin à ce jeu qui n’amuserait au final qu’elle-même, lui en préférant un autre.

Revenant au fauteuil délaissé, elle dépose la pipe sur le petit guéridon, et attrape à sa place les verres qu’elle y avait laissé, sourire poli qui s’immisce entre le Faucon et l’Etincelle tandis que le verre fin vient se loger d’office dans la main du jeune homme et que les lèvres de la jeune fille baignent dans la boisson. Framboise. Concèze. Goûte la saveur sucrée de la petite noblesse, petit Vicomte et enfin, elle sort le nez du verre, mine gourmande, mine chafouine avant de lâcher tout sourire.


-« Et que me vaut donc la visite du fils du Faucon ? Concèze est bien loin pour que vous vous soyez perdu si bêtement. Non ? »

Oui, le sourire est poli, charmant, la main prête à se poser, papillon léger, sur l’avant-bras pour faire mine de rire, compatir, apprécier. Mais l’idée est là, il n’est que le fils de Bralic et elle tient à lui rappeler qu’ici, elle est maitresse. Adorable poupée aux moues exquises qui joue, enjouée, folle ? Assurément. Oh oui, joue encore, petit moineau.

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La Rançon du Succès d'une Pouffy-girl
Fauconnier
C'est une forêt claire, bien éclairée, et pleine d'espace et de vie. C'est un lieu sans nom, au milieu de nulle part, où les chants d'oiseaux n'existent pas, et où le soleil parait fantomatique, niché au beau milieu d'un ciel d'azur plein sans nuages. Un ciel d'été flamboyant. La forêt dans laquelle il s'était réveillé était pleine de chênes et de hêtres immenses et majestueux, qui faisaient office de paravents à ombres chinoises pour une lumière qui aurait rendu Monet fou d'amour. Une lumière qui basculait entre les feuilles éparses comme des rubans d'or, se courbant pour toucher le sol moussu et feuillu d'humus sec.
Adrian s'y était réveillé couché au sol, et ne savait plus comment il était arrivé ici. Il ne comprenait pas ; sa mère lui avait confié l'épée de son père, il l'avait touchée, et... et... et... Le vide. Le noir inter-sidéral. Le trou béant sous ses pieds et dans son coeur, qui lui avait donné l'impression de choir pendant une éternité, avant que de se retrouver... Ici.

[ Comme Alice en plein pays des merveilles ]

Cela faisait une bonne heure qu'il marchait sans croiser âme qui vive. Il n'y avait qu'un seul sentier dans cette forêt ; un sentier clair, non balisé, mais qu'il suivait, se demandant où il arriverait et s'il pourrait y demander hospitalité pour un temps ; le temps de savoir où il se trouvait. L'étrange de sa situation lui éclaboussait le visage, et il commençait à prier pour croiser un gueux, qui put l'informer de sa position spatio-temporelle. Il gravissait présentement une colline en pente douce, qui paraissait monter jusqu'à une clairière qui en occupait le sommet ; clairière dont il espérait entrevoir les terres environnantes ; et qui sait, de là, retrouver son chemin. Il soufflait et suait à grosses gouttes, sa respiration paraissant sourde et confinée, et ses pieds gonflaient littéralement dans ses bottes. Et lorsqu'il arriva à la clairière...

Le trône.

Un trône gigantesque et massif, en pierre noire, qui avait bien 5 pieds de large pour 6 ou 7 de haut. Et sur ce trône...

Son père.

Son père tel qu'il l'avait vu pour la dernière fois, corps percé de mille blessures par ceux qui l'avaient tués. César allongé sur sa couronne de laurier, qui levait ses pieds vers un croque-mort éventuel, qui le mènerait au tombeau. Bralic Fauconnier était un homme de taille normale, le cheveu noir et lissé comme des poils de chat. Il était peu poilu, et paraissait trop musclé pour une taille telle que la sienne. Son menton imberbe avait une forme fine, et ses yeux avaient le perçant qui caractérise les seigneurs qui savent instinctivement regarder au coeur des âmes et des hommes. Il était assis sur ce trône, pieds nus, et regardait son fils arriver en ahanant comme un enfant manquant d'exercice qu'il était.

- " Comment... " commença le jeune garçon.
- " Est-ce possible ? " termina le spectre venu de son passé, souriant à pleines dents, avant que de reprendre. " Si tu pars du principe que notre réalité n'est créée que par nos sens (ce qui est hérétique pour les bons pères, car la réalité est créée par Dieu, elle est hors de possible de l'homme), alors... Cela signifierait que ta réalité n'est rien de plus qu'une série d'informations, traitées par tes yeux, tes oreilles, tes doigts, et ta langue. Tu admettras donc, à ce jeu-là, que si tu vois cet endroit, c'est bien qu'il est une réalité. "

- " Oui, mais... "
- " Mais comment es-tu arrivé ici ? C'est moi qui t'ai fais venir. " Il posait les questions et répondait. Adrian était subjugué par cette vision de son père, qui paraissait tout connaitre de lui et du monde. " Ou alors, si tout ceci n'existe pas, et que tu n'es bien qu'en train de rêver...

Qui sait... Peut-être t'es-tu tout bêtement perdu, ne crois-tu pas ? "


Sursaut brusque, aux mots de l'Etincelle, alors que le jeune Faucon revient dans son petit corps étriqué et fini, et éprouve dans sa main le contact lisse du verre. Qui sait ? Peut-être est-ce seulement le frôlement du bras de la jeune fille qui l'a tiré de cette transe méditative qui l'a prise d'un coup, en regardant ce feu. Comme s'il était ailleurs, quelque part au milieu de nulle part.
Mais la mémoire est fine, et machinale, et le Faucon de lâcher directement, après que la question soit revenue à son esprit :


- " Certaines discussions méritent la nuit. "

Oui, il ne relèvera pas son erreur de syntaxe ; car il est le Faucon, foutredieu, et pas son fils. Pourquoi ? Parce qu'il s'en fiche comme de l'an 40. Et parce qu'il n'est pas ici pour faire valoir quelque supériorité que ce soit ; ce n'est pas son but non plus. De plus... Au vue de son trouble en arrivant à l'écurie, prendre ce train-là se révélerait glissant, jeune rapace. Il avait observé quelques instants le fessu qui paraissait accueillant de la jeune domestique sans grande conviction, comme si elle n'était qu'un beau tableau que l'on avait posé dans une pièce avant de l'en enlever. Il était mal à l'aise, et même si le Faucon se nourrissait de ce trouble créé chez son interlocutrice, les besoins de la discussion faisaient loi. Mais Adrian Fauconnier était décidément bien un être retors. Et, au lieu d'exposer réellement les raisons de sa venue, il leva simplement son verre jusqu'à ses lèvres, et, les entrouvrant, goûta ainsi au nectar de Concèze, à cette eau-de-vie de framboise qui lui allumait les entrailles en laissant une marque de feu à l'estomac. Une N majuscule. Il fit de même qu'avec un bon vin, et éprouva la consistance du liquide, sa saveur, son palais, et sa glotte. Il le fit tourner dans son verre, et renifla les effluves qui en montaient. Instinct du taciturne, qui est de toujours répondre à une question posée, et rien qu'à une question posée ; système du barrage qu'il maitrisait à la perfection, lâchant les informations au compte-goutte, tel un robinet qui fuyait dans une baignoire.
Ou de l'art d'aiguiser la curiosité. Ad vitam et ultra. Et les charbons de se reposer sur les noisettes, en se faisant plus doux, plus caressants ; moins inquiétants, en somme. Et un petit rictus d'étirer un côté de la bouche du jeune homme, alors qu'il entendait le jeune garçon parvenir aux écuries avec Rufus, non loin.

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Aleanore
Silencieuse, trop silencieuse Etincelle qui penche la tête quand les mots sont jetés dans les flammes. Discussions de nuit, si tu savais Faucon comme elles sont dures certaines de ces discussions nocturnes, sais-tu comme certaines d’entre elles peuvent tout briser. Sais-tu seulement à quoi tu joues. Agaçant, voilà ce qu’il est, ce jeune prétentieux qui s’invite chez elle à une heure avancée, à une heure où elle voudrait pouvoir se reposer, arrêter. Et quand les charbons rencontrent les noisettes, c’est cela qui s’y trouve un instant, l’envie de tout changer, tout abandonner, avant la révolte. A quoi sert-il ton air qui se veut chaleureux ? Tu n’as rien de chaleureux, tu n’as même rien d’agréable.. Sale petit.. Vicomte ? Légitimé ? Noble ? Innocent ? Et l’éclat haineux de glisser dans le regard de l’Etincelle avant de tourner le profil vers l’âtre et de se diriger vers la cheminée à grandes enjambées, pourquoi s’énerve-t-elle ainsi à cause d’un jouvenceau ? Jupes regroupées, et rapidement accroupie pour attraper le tison et cogner dans la buche afin d’en faire exploser les braises, un instant, les yeux se portent sur les braises, repensant à une autre cheminée, un autre endroit, une autre personne, ô combien plus impressionnante, et le sourire de s’installer sur les lèvres fines avant de récupérer le verre et de se relever en riant doucement, avant finalement d’éclater de rire joyeusement, Dieu qu’ils sont ridicules. Une fois, l’hilarité passée et une certaine contenance retrouvée, la jeune fille se dirige vers la porte du salon, avant de se pencher vers l’extérieur de la pièce, appuyée au deuxième battant de la porte, verre toujours en main.

-« Hugues ! Clarisse ! Un fauteuil pour le Vicomte ! Et les rôtis ? Des pâtés ? Lison ! Dis-moi que nous avons quelque chose à manger ! »

Désespérée ? Folle à lier ? A la limite d’éclater de rire de nouveau devant le comique de la scène. La dame aux framboises, la haineuse Etincelle recluse dans ses murs, rejointe en pleine nuit par un jeune vicomte au moins aussi taciturne qu’elle, bien décidé à ne pas piper mot de la soirée alors qu’il est question de discussion. De nouveau, le minois de la jeune fille retourne dans le salon et la jeune fille de s’écarter soudainement, pour laisser passer un valet portant un fauteuil de moins bonne qualité que le sien, mais au moins aussi intéressant. Sourire satisfait, ils sont bien dressés ces valets, et ils font la chose avec le sourire en plus. Et c’est une Lison grommelant à tout va qui entre, suivie des aides de cuisines portant des plateaux où se côtoient tourtes à la viande, petits oiseaux rôtis baignant dans le jus, dans la graisse et les groseilles, groseille qui finit entre deux doigts de la jeune fille qui la gobe tout rond en souriant à sa cuisinière, enfant gâtée qui tire un sourire à la brave femme qui se retire houspillant les jeunes gens, laissant de nouveau, les adolescents seuls dans la pièce.

-« Je ne sais, si vous avez mangé, je ne voudrais pas vous voir mourir de faim. »

Sourire amusé avant de piocher sans attendre, malpolie parce que gourmande, et pourtant, à son grand désespoir, le ventre toujours aussi plat, refuse de s’arrondir dans une courbe parfaite, recherchée, même son corps se refuse à faire d’elle, une femme bonne à marier, qu’à cela ne tienne, la nourriture lui rend bien son amour, et les groseilles sont allégrement picorées, avalées à coup de petites gorgées d’eau-de-vie. Quand enfin, le frugal en-cas s’arrête, la jeune fille retourne s’asseoir dans son fauteuil, pipe rallumée, et verre déposé. Un instant, court, long, l’idée ne l’effleure même pas, le regard se porte sur le feu, cherchant les raisons qui poussent un homme à venir chez une femme à une heure tardive, elles sont nombreuses, et la renvoient chaque fois au même homme, mais pourtant s’ils n’ont rien de commun. S’ils ne ressemblent pas, pourquoi cette impression qu’on attend quelque chose d’elle, encore, toujours, pourquoi ? Les noisettes se posent sur le visage d’Adrian, fixant les charbons, les fouillant, les sondant, impudique regard qui guette les similitudes, avant de détourner les yeux de nouveau pour les poser sur les flammes et y voir se refléter des onyx différents, acérés, meurtriers. Lèvre mordue avant de déglutir pourquoi cet effet-là, pourquoi l’impression qu’il est partout, pourquoi le revoir dans tous les hommes. Tout. Une ombre, une silhouette, une voix, un regard. Un regard mais ce n’est pas le même, et celui du Faucon est si différent de celui du Balbuzard, qu’elle pourrait avoir de la sympathie pour ce regard là. Les jupes sont lissées, le ton est posé, l’hilarité est passée, repassons donc aux choses sérieuses, et presque affectueusement, la chose est dite.

-« Il y a des discussions qui méritent la nuit, mais ces discussions-là sont importantes. Quel est donc le sujet dont vous voulez m’entretenir Vicomte ? Puisqu’il faut que ce soit important n’est ce pas ? »

Il n’y a pas de curiosité dans les phrases énoncées, un simple constat. Elle est femme et curieuse de nature, mais elle est fatiguée, et ne se limite ce soir qu’aux faits énoncés. Une discussion. Bien. Le sujet ? Et qu’on aille se coucher après en avoir bien discuté. Qu’on aille se coucher, la chambre est-elle prête ? Un doute qui l’assaille soudain, avant de se rasséréner, Clarisse aura fait le nécessaire à n’en pas douter. De nouveau, le regard est porté sur le jeune homme attendant enfin une réaction constructive de sa part, appréciant soudainement, la qualité de la tenue, simple, sobre, et pourtant, de bonne facture, au moins a-t-il du goût, et le constat de lui rendre finalement, le jeune homme sinon sympathique, au moins supportable au final. Et ce sont des noisettes patientes et calmes qui se posent sur le Faucon, tandis qu’un sourire encourageant étire les lèvres purpurines où vient se nicher le bec de la pipe en merisier.
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La Rançon du Succès d'une Pouffy-girl
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