[RP]De bouches édentées à oreilles touffues - Z'êtes à ST-Q!

Elle court, elle court, la rumeur… Inlassablement, depuis plusieurs jours maintenant, elle se propage à travers les ruelles miteuses, de bouches édentées à oreilles touffues - ou pleines de fromage, ayant passé l’âge - elle se disperse à vive allure, défiant les lois de la gravi... - Non, ça veut rien dire ça ! Hmm… Bref ! - On la murmure à voix basse entre les étales du marché jusque dans les moindre p’tits recoins paumés du duché. Qui n’en a pas encore entendu parler ? Les prout-prout ! Évidement ! Les pouilleux n’allaient quand même pas tout faire planter en allant raconter leur fameux projet aux nobles du coin ! Et puis quoi encore ?

Les Vermines Impitoyables en Puissance sont sur un gros coup là ! - Certains se souviendront peut-être d’un torchage foireux de castel limousin… Bah moi j’vois pas du tout de quoi vous voulez parler ! - Parait qu’ce sera la soirée VIP du siècle ! M’enfin, vous savez c’que sont les rumeurs. A prendre avec des pincettes ! Dans le coin, les gueux et les commères - pour ne pas dire mémères - ont toujours tendance à exagérer les choses - comme partout ailleurs, soit dit en passant ! - un pot de fleur devient vite un ours brun enragé ! - Le rapport entre les deux ? Aucun, et alors ? J’écris c’que je veux ! - Donc, Petsec, notre heureux protagoniste, et probablement le pouilleux le plus tendance de sa génération, se méfie un peu de ces racontars qui sentent le traquenard à plein nez ! Il s’imagine déjà débarquer à St-Q. et se faire refouler aux portes du domaine… mais le jeu en vaut peut-être la chandelle, et pour le savoir, bah faut y aller !

Le voila donc à trainer ses loques sur les routes en direction de St-Quentin-les-Anges…- Faut articuler quand on demande son chemin sinon ça mène à rien ! Testé et approuvé par Petsec, le gueux qui met les gaz ! - Chemin faisant, il découvre les paysages angevins, qui n’ont rien de comparable avec les bas-fonds de Limoges, où il a passé la plus grande partie de sa vie, jusqu’à ce qu’une morveuse l’en ait tiré de force à coup de « Allez huuu, Petsec ! Bouges ton fiou ! » - la morveuse en question a préféré garder l’anonymat, son nom ne vous sera donc pas dévoilé - D’ailleurs, en parlant de nom, Petsec s’demande bien pourquoi elle l’a appelé comme ça ? Et pourquoi l’avoir choisi lui parmi tous les gueux crasseux qu’elle a pu rencontré ? Et surtout, pourquoi l’a-t-elle laissé en plan pour partir à l’aventure sans lui ? Le pouilleux est vexé ! Oui, vraiment ! Dans le fond, il l’aime bien la gamine. Si elle revient un jour, pour sur elle aura droit à des réprimandes !... mais pas trop sinon elle risque de repartir sans lui ! M’enfin bref ! Dans cette histoire, y a quand même un truc qui le réjouit, c’est que la môme va rater la ripaille du siècle ! Et paf ! Dans ses dents ! L’avait cas pas le laisser seul ! Nan mais oh !

L’avantage quand on est fâché après quelqu’un, c’est que ça occupe nos pensées. Faut voir le coté positif : Petsec n’a pas eu le temps de s’ennuyer qu’il est déjà arrivé devant les remparts de la petite bourgade… si on peut appeler ça une bourgade ! Doit pas y avoir plus d’une dizaine de pecnots dans c’bled pourri ! Ou alors ils sont bien cachés ! Les rues sont désertes et sembles abandonnées, comme si la vie qui les animait les avait quitté… Étrange ! Très étrange !

- Hé oooh ! Y a personne ?

La question reste en suspend quelques instants, sans qu’il n’y ait réponse aucune. Petsec entendrait presque le vent lui répondre : « Bah nan trouffion ! Ça s'voit pas ou quoi ? ». Haussant les épaules, le pouilleux reprend la route direction la demeure de « la Dame ».

Quelques minutes plus tard, l’imposant portail est en vue… et devant cet imposant portail, une imposante file de gueux, en tenue de soirée - z’ont fait un effort vestimentaire… mais p’tèt qu’ils z’auraient pas du ! Ça pique les yeux ! - Tout au bout de cette imposante file de gueux, se trouve une imposante armoire à glace masquée - genre bourreau, mais pas des cœurs ! - contrôlant les entrées - mais pas les sorties, il s'en tape ! - et braillant de sa voix toute aussi imposante que sa carrure :

- Si z’êtes pas des gueux z’entrez pas bande de maroufles !

[Quand le chat dort, les souris dansent !]


Une soirée « spéciale gueusaille » chez des nobles… événement des plus inhabituel ! C’était du jamais vu dans le coin, ce qui ne manqua pas d’attirer foule de manants, mendigots et loqueteux, trop heureux de pouvoir profiter d’une occasion pareil et de la générosité rarissime de la noblesse... Bon d’accord, la noble en question n’était pas au courant de l’organisation de cette soirée, ce qui expliquait peut-être le pourquoi du comment de la chose. Donc justement, fallait en profiter !

La maitresse des lieux avait quitté le domaine bien des mois plus tôt, en lâchant un dernier « Yop ! J’m’arrache ! Ça fouette le pecnot ! » avant de franchir la porte en coup de vent, trainant dans son sillage sa dame de compagnie, ses clics et ses claques. Elle résidait à présent à l'autre bout du royaume. Autant dire qu'il n'y avait aucune chance de la voir débarquer ici dans les jours à venir. Dans le pire des cas, le fidèle intendant de St-Q. jouera le vilain p’tit rapporteur dans la correspondance qu’ils entretenaient régulièrement… mais pour cela, faudrait déjà qu’il soit présent lors des festivités, ce qui n’était pas le cas ! Celui-ci avait du s’absenter quelques jours avec sa femme afin de se rendre au chevet d’une vieille tante au seuil de la mort, ou tout du moins l’espérait-il, question d’héritage ! Ils avaient ainsi laissé leur fils au domaine, avec la poignée de domestiques qui s’afféraient à maintenir la demeure sans la moindre peluche de poussière. En gros, la fouine n'était pas là pour caqueter dans les jupes de la Dame. Z'allaient être tranquilles pour la soirée! Place à la ripaille!... A condition d'avoir préalablement montrées pattes crasseuses à l'entrée!

Hé! Oh! Toi là!... Oui toi là!

L'armoire à glace se dirigea à grands pas en direction de l’un des nombreux gueux dans la file d’attente. Celui-ci, le voyant s’approcher, se ratatina sur lui-même, probablement impressionné par la carrure du grand costaud, ou peut-être par l’imposante hache qu’il trainait négligemment à sa suite.

T’es sur qu'c’est d'la vraie crasse sur tes loques là ? *le gros doigt pointa une tache sombre juste au dessus d’un trou au niveau du nombril*
M’est avis qu’c’est d’la pacotille ton truc là ! T'avises pas d'ssayer d'me berner ! T'vas morfler s'non !

Et de soulever d'un air menaçant sa lourde hache, comme s'il s'agissait d'une ridicule brindille.

T'les as eu où tes guenilles ? C'fait combien d'printemps qu't'les portes?

Bah ouai, il est méfiant l'Machefort ! On a dit VIP la soirée ! A coup sur y a des vrais faux gueux qui vont essayer de s'infiltrer !

Par le cierge dressé d’Aristote, deux pintes de vinasse frelaté, c’est plus c’que c’était la noblesse ! J’va foutre quoi d’ça ? c’est pas suffisant comme vin’d’messe ! J’veux ben faire la manche pour les frères mais faut qu’y soient plus généreux les nobliaux là ! Gronogrongnon…

Tape sur cul de l’ânesse qu’il tire, ou plutôt qui le maintient debout, car l’a quant même bu son comptant en se f’sant servir au tonneau d’la cave chez le bourg de c’matin, contre sa bénédiction, ouaip ! l’est généreux lui , il les béni tous ! les tonneaux hein ! Ben ouaip, faut ça pour s’assurer qu’la prochaine récolte les remplira encore !

L’avance péniblement en pestant, quant il voit une procession just’la au bout du ch’min. L’est intrigué le Pope, ben ouaip c’est son nom, Pope Glouton, on se d’mande pourquoi, l’a jamais faim, ni soif , l’est gros de malnutrition et c’est malheureux ! ouaip !

Plus il s’approche plus il entend un brouhaha de voix, il réfléchi le Pope c’est la saint quoi là ? qui qu’c’est qu’on vénère ce jour ? ce s’rait la saint Bacchus et l’aurait oublier ? En tout cas z’ont l’air en pleine prière la d’vant . Font quoi là ?

Ouillouille, c’est pas une procession, nan ! c’est les loqueteux du royaume qui sont là, vont’ m’ faire de l’ombre là , vont m’ruiner la noblesse du château avant qu’ce soit mon tour d’y passer.

Pas gêné le Pope, dépasse tout le monde, en brandissant son sceptre en bois avec lequel il béni l’ânesse pour la faire avancer et arrose la foule de ses prières en se ruant vers le portail.

Sanctus, Sanctus… san(c)s- tous y’en aura plus pour moi ! Le Pope vous béni mes frères, priez Aristote … il me le rendra !

Oups c’est quoi ? le gros gras double juste devant là ? ‘vec sa hache ? l’est aussi mal nourit que lui c’ui là !...

Il ne faut jamais sous-estimer les capacités d’incrustation d’une petite vieille…

La Mamé ronchonnait, planquée dans l’ombre du mur d’enceinte de la demeure, observant le portail.
Humpf ! Qu’est-ce c’est qu’ils faisaient là, ces vilains gueux ?! Aux portes d’une demeure aux fondations bordées d’nouilles, en plus !
La Mamé, elle aimait pas les grandes gens, car ils savaient pas écouter la voix du peuple.
Et elle aimait pas les p’tites gens, qui savaient pas écouter sa voix à elle.

Boudiou d’boudiou quoi qu’ils font là c’ramassis d’cloportes ?! Siffla-t-elle à travers la carie de son unique dent. Z’ont trouvé que’que chose grailler ? Humpf ! Même pas m’auraient prév’nue, les rats ! Grrmml… Aucun respect pour les aînés… Pff !

La vieille se rapprocha davantage, longeant le mur de si près qu’elle en racla le salpêtre.
Elle hésita, faisant craquer ses doigts abîmés par l’âge. Puis ses bajoues tressautèrent furieusement.
Non d’une Mamé ! Elle allait leur faire voir, à ces bouseux ! Ne pas la prévenir ! Alors qu’il se préparait visiblement quelque chose !
Elle avait horreur d’être laissée dans l’ignorance. Et puis il y avait sans doute quelques menues bricoles à piquer dans c’te baraque…
Mamé avait toujours pensé qu’un lustre en cristal ferait très bien dans son salon/cuisine/salle à manger/chambre/étendoir à culottes géantes/auge aux cochons/petit coin.

L’ancêtre traversa la marée de gueux aux miasmes terrifiants, jouant de ses coudes osseux et insultant vertement.
Elle se planta devant le gus à la hache qui glandouillait à l’entrée.

Jeuuune hôôômme ! Grinça-t-elle d’une voix forte – étant à demi sourde elle-même, elle estimait que tout un chacun se devait de l’être. Voyez pas qu’vous encombrez l’passage ?! Laisseriez une pauv’ vieille comme moi d’bout dans l’chemin ?! (Elle lui agita son index arthritique sous le pif). Rustre ! J’pourrais êt’ ta mère mon bonhomme ! Aucune considération ! Malotru ! Goujat !

« A quoi bon entrer sagement dans les rangs, si on finit quand même par avoir des embrouilles ? »

Telle est la question que se pose le pouilleux en entendant le grand baraqué l’apostropher de sa grosse voix de barri-thon (un genre de barrissement énervé, agrémenté d’une haleine de poiscaille).
Retirant le doigt de son pif qu’il était entrain de se curer pour passer le temps, Petsec se ratatine légèrement sur lui-même, tentant de se faire discret avant de se décaler d’un pas pour se rapprocher de son voisin, sur lequel il essuie sa trouvaille, l’air de rien.

Pendant ce temps là, le costaud surveillant le troupeau de gueux a franchi la distance qui les séparait et passe à l’attaque en pointant du doigt l’objet de son courroux : les loques du miséreux. Fronçant ses sourcils broussailleux, celui-ci redresse fièrement la tête en plantant fermement ses deux poings sur ses hanches en réaction à l’affront qui lui est fait. Outré, il en oublie même d’être impressionné par la hache se balançant devant son nez d’un air menaçant. S’il y a bien une chose dont il a horreur, c’est qu’on critique son accoutrement ou qu’on ose insinuer qu’il fait preuve de mauvais goût ! Petsec était l’idole des gueux les plus tendances des bas-fonds limousins, alors l'insulter en lui disant qu'il s’habille avec de la pacotille… ça va barder !

- C’est d’la mauvaise qualité d’premier choix, nan mais ! Z’y connaissez rien ma parole… *moue désapprobatrice* Vous croyez qu’j’me fripe chez Jean Paul Goth Hier ou quoi ? (1) D’la pacotille… T’veux pas non plus qu’j’rajoute paillettes, froufrous, rubans et fanfreluches par hasard ? Qu’est-c’qui faut pas entendre !

La tête se détourne d’un air dédaigneux, offrant à la vue du gueux une scène toute aussi scandaleuse, qui finit de le mettre hors de lui. Pointant du doigt un ivrogne bénissant la foule en trainant sa mule - ou peut-être est-ce la mule qui traine le bonhomme ? - le pouilleux recommence à râler :

- Hé ! C’quoi c’foutoir ? Par l’froc du Sans-Nom ! Z’allez quand même pô l’laisser nous griller ! C’fait trois lunes qu’on poireaute comme des artichauts nous ! T'nous prendrais pas un peu pour des poires?

Et de lancer un regard mauvais au colosse avant de s’faire attaquer dans le dos par une mémère qu’a l’air elle aussi très à ch'val sur les priorités. Nan, mais où va l'monde?





(1) Copyright les Poneys Roses. Spéciale dédicace au passage! Elles ont la tendance dans la peau!

Tournicoti, tournicota… Entre l’vrai faux gueux qui finalement s’avère être un 100% pure crasse des plus susceptible, la vieille bique essayant de jouer de son statut d’ancêtre pour griller les priorités, et le sacro-saint ivrogne en approche, Machefort ne savait plus où donner de la tête ! L’allait falloir remettre de l’ordre dans tout ça et jouer de son autorité pour calmer les choses… mais pour cela fallait d’abord qu’il prenne sur lui et parvienne à chasser la poussière dans l’œil qui menaçait d’le faire fondre en sanglots d’un instant à l’autre !

Hé oui ! Sous ses airs bourrus, le grand dadais est un sensible dans l’âme. Un rien le met dans tous ses émois… Pourquoi croyez-vous qu’il a raté sa carrière de bourreau « de père en fils » ?
A la vue de la moindre petite goutte de sang, le colosse manquait de tourner de l’œil, telle une misérable chochotte. Les condamnés étaient même obligés de le rassurer en lui disant que ce n’était pas grave s’il devait les torturer, qu’il ne faisait que son travail et que, de toute façon, ils ne ressentaient pas la douleur quand ils étaient écartelés ou quand il leur coupait les doigts, une phalange après l’autre - Machefort, refusant de regarder le carnage de peur de tomber dans les pommes, suivait même les instructions données afin de bien viser - Z’imaginez le tableau… et la réaction de la famille, dont il devint le paria. Heureusement que la Dame de St-Q. était là pour le prendre sous son aile… mais ceci est une autre histoire, qui vous sera peut-être contée un jour - mais seulement si z’êtes sages !

Enfin bref ! Tout ça pour vous dire que sous sa cagoule en cuir, l’armoire à glace est sur le point de fondre en larmes.
Ravalant un sanglot, il se tourna vers le couple de vieux, en espérant que tous deux verraient dans ses yeux humides une étincelle de folie menaçante :

Bon, vous allez pas commencer à me courir sur le haricot hein ! *reniflement bruyant avant de regarder la ridée*
J’ai presque envie d’vous dire qu’z’aviez cas rester chez vous si z’êtes pas contente ! Mais dans mon élan de grande générosité, et pacque j’ai peur qu’vos os tombent en poussière si vous restez ici, j’vais vous laisser entrer avec le fâché-victime ici présent…

Et de faire un signe de tête en direction du pouilleux et de ses haillons 100% pue de l’aine.

Vous vous soutiendrez mutuellement et au passage z'aurez gagné un charmant cavalier et lui une charmante cavalière. Tout le monde s'ra content! 'Puis moi j'ai d'autre chat à fouetter... *Œillade en direction du Pope* Allez hop ! On circule !

Et de faire des moulinets avec sa hache pour que les deux vieux dégagent le terrain.
Les bénédictions lancées par le sacro-saint étant à présent tout à fait audibles, Machefort se tourna dans sa direction et n’eu plus que quelques pas à franchir pour se retrouver à ses cotés. Ses yeux se posèrent tour à tour sur la mule et son pseudo-cureton qui semblait des plus imbibé. Leur barrant la route en brandissant sa hache, il les obligea à s’arrêter avant de prendre la parole en leur indiquant un endroit se trouvant à droite de la grande porte :

Désolé mon brave, mais votre canasson n’ira pas plus loin ! Veuillez le laisser dans le parcage prévu à cet effet… et évitez de rester ainsi en double file ! Vous voyez pas que vous bloquez le passage ?!

Le bourreau:

Désolé mon brave, mais votre canasson n’ira pas plus loin ! Veuillez le laisser dans le parcage prévu à cet effet… et évitez de rester ainsi en double file ! Vous voyez pas que vous bloquez le passage ?!

Par les gonades de saint Vincent, z'aller pas laisser Sainte-Ân sur le trottoir ? Le Pope d'une main gratte le museau de sa mule ( Sainte-Ân bat des cils pour amadouer le géant ) et de l'autre agite son sceptre devant le nez du rusteaud.

L'a des grande's'oreilles ma Sainte-Ân mes elle chie d'l'engrais béni ! Un trésor pour les rosiers d'la Dame. Le Pope foudroie le bourreau haché d'un oeil plissé et grogne, va lui la jouer inferno là !

Sur un ton macabre et rauque agitants ses doigts boudinés devant les yeux du bourreau : Les foudres de l'enfer sur toi si't'la laisse pas sous l'pommier d'la princesse !

Haussant le ton dramatique agitant les bras vers les cieux : qu'tous les mourrus assoiffés sortent de l'enfer avec Satan et viennent te chauffer la panse et t'arrache ta choppe pour m'la donner si ma Sainte-Ân va au parcage !

Tire sa mule vers l'entrée : t'rendra des comptes à Aristote, agite une main ; qu'est-c'que't'va prendre ! c'est sa préférée ma saint-Ân !

Puis le Pope tire la mule sous les arbres vers la bâtisse cossue en se signant et clamant tout haut pour l'intimider l' bourreau : Pardonnez votre Grandeur, Pardonnez à cet homme grand Aristote, il s'avait pas pour sainte-Ân, qu'c'est vot'chouchou !

La queue n'avançait pas, ou peu.
Les gueux ce bousculaient au portillon. Et pas n'importe quel portillon! Une porte de noble! Avec devant, tout cet amalgame de gris ou marron étalés sur des guenilles trouées et râpeuses, d'odeur poisseuse de crasse des rues, de mots en tout genre impropre même dans une gueule de chien ou de jurons interdits par la censure... En résumé, tout ce qui effraie les gens, en partant de la haute France jusqu'au commun et honnête peuple du Royaume.

Et c'était dans ce foutoir joyeux de pecnots malodorants que Juliette dans sa robe de soie rouge attendait.
Enfin attendait.. Pas comme on ce l'imagine. Non, elle ne regardait pas avec patience les petits pas des gens bien alignés avançant à rythme régulier pour atteindre sagement la porte et leur droit de passage... Et pour cause, vous l'auriez compris, aucun pied ne restait sagement plus de 3 secondes sur le même cailloux car tous s'agitaient comme des puces, braillaient, tournaient sur eux même... Plus loin, on avait même droit à des bagarres pour savoir qui était arrivé le premier!
Et Juliette était là, contrastant avec tout çà... Mais contrastant seulement par sa tenue de couleur vive - volée pour l'occasion à une noble qui prenait son plaisir un peu plus loin comme une gueuse.. Ah ses nobles!! tous les mêmes! - mais aussi par son odeur: un parfum fort élaboré qui était à la mode il n'y a pas six mois chez les nobles - celui-là elle l'avait volé dans la dernière demeure ou elle avait décroché le travail d'éplucheuse de patates avant de se retrouvée la tête dans la boue des cochons à l'arrière de la maison pour sale caractère.. - Bref, notre Juliette attendait aussi en braillant et sautillant... Comme tout le monde.

Et la voilà bientôt arrivée devant Machefort. Le plus fort et bel homme qu'elle avait rencontré de la journée! A vrai dire, elle s'était levée tôt pour arriver dans les premiers quand elle avait appris selon la rumeur ce qui ce préparait en ce lieu. Et tout ce qu'elle avait croisé était ses vieux hideux attendant leur tour on se violentant un peu à coup de canne vermoulue ou bien un curé braillant sur son âne.. Ce dernier venait juste de partir vers la maison d'ailleurs...
Il était donc temps de rassembler tous ses atouts pour passer maintenant. Et un tel homme! Il serait facile de le charmer, comme elle avait l'habitude pour gagner sa croûte.
Elle releva de manière fort peu gracieuse sa poitrine volumineuse, passa une main légèrement terreuse dans ses cheveux pour cacher leurs nœuds en les plaquant un peu, et afficha son plus beau sourire édenté malgré son jeune âge.
Puis, de sa voix la plus mielleuse et papillonnant des sourcils, elle plaida son entrée:

"Bien l'bonjouuuuur mon cher! Oh que d'beaux muscles que les votre! Fan d'yous! Vous d'vez avoir du succès auprès d'ses dames vous! J'parie qu'vous êtes le chouchou la nobliote d'la demeure! C'est-il pas vrai?!
Oh mais que si que j'en suis présssuuadée.. pesssrruadée.. enfin... convaincute quoi...
C'éti ici la p'tite fiesta pour les gueux? Vous croyez qu'j'ai ma chance d'en rendre ququ' z'un heureux? Et d'y prendre mon pied tout de même? Enfin ceci seul'ment si vous passez m'voir pour me souhaiter la bonne soirée! J'p'ourais plus être heureuse maint'nant qu'j'y ai croisé votre chemin dans ma vie dites-moi!"

Elle était maintenant collée contre le bourreau , sa grosse poitrine frottant contre le torse et sous le nez du pauvre homme, les lèvres rouges de la fille lui chatouillant le visage rougit par la gêne de se sentir si proche d'une gueuse si bien odorante et vêtue de couleur si vive!

A vous en retourner l'homme au cœur le plus dur c'te donzelle! Pour sur!

Ah bon, elle pouvait entrer ? Comme ça, tranquille ?
Tss ! C’était bien la peine qu’elle use sa douce voix pour rien !
Quelle inconvenance, ces jeunes d’nos jours ! Laisseraient une pauv’ vieille s’égosiller à s’en faire péter les poumons !
La Mamé laissa échapper un reniflement hautain à l’adresse du p’tit gros à la hache et lui enfonça furieusement son index dans le gras du bide en petits à-coups furieux.

J’te cours sur l’naricot, mouâ ?! Grinça-t-elle. Humpf ! En v’là des manières pour s’adresser à une dame ! Pis comme si j’avais b’soin d’ton autorisation pour entrer où c’que j’veux !

L’ancêtre se tourna vers le péteux qui faisait la queue en même temps qu’elle – ou du moins en même temps qu’elle ne la faisait pas.
Elle fronça son petit nez de tortue, dévoilant des narines d’une taille sans égal.

Danser avec ça ?

Reluque, reluque.
Mouarf, il s’ra jamais pire que feu son mari lépreux et qu’avait un œil en trop.
La mort de sa moitié avait été un sacré coup pour la Mamé. Elle avait eu vachement de mal à lui faire avaler la truelle.
Reluque, reluque.
Y‘avait ptet de beaux restes sous la barbe et les morpions.

Mouais.

Sourire qui aurait pu être avenant une louche de décennies plus tôt et qui, à présent, évoquait le rictus édenté d’une gargouille.
S’adressant à l’intéressé, minaudant :

Sâvez danser, mon chêêêêêr ? Je…

La Mamé se fit couper la parole par le cul-béni qui faisait un scandale derrière.

Fais taire ta bourrique, toi ! Cracha-t-elle. À vous deux vous braillez pu fort qu’moi ! C’t’une honte.

La blonde Parisse était dans la file, comme les autres. Elle avait pris son temps de se faire toute belle, avait revêtue sa robe la moins trouée, mais celle qui en avait là où il faut. Elle avait coiffé longuement ses cheveux, fait un petit chignon avec une partie, et laissé le reste pendre, pour orner ses épaules nues. Ah pour ça, elle était belle la Parisse ! Elle était sûre qu’on ne la refuserait pas, même si le videur qui surveillait l’entrée n’avait pas l’air très accorte.

Elle vit qu’un autre arrivait avec une énorme hache, comme s’il tenait un bout de brindille en main. Elle se ratatina derrière un homme qui se tenait devant elle, impressionnée. Elle préférait ne pas trop se faire remarquer, s’il s’énervait, elle pouvait perdre une jambe. Elles sont trop jolies pour qu’elle les perde si bêtement. Elle finit par se dire qu’elle aurait mieux fait de ne pas venir. Elle voulait voir comment que c’est l’intérieur d’un château de nobles, et comment qu’on peut se faire mettre enceinte par un noble pour avoir une pension, ou une vie plus agréable que garder des moutons dans la prairie, mais…

Elle voit la vieille passer, cahin-caha, et quasiment pousser le garde-chasse qui laissait entrer au château. Ah c’est donc comme ça qu’il faut faire… Elle la regardait, la bouche grande ouverte, imposer le respect à tout le monde. Quelle femme que cette vieille ! Quand elle sera grande, elle sera comme elle. Puis une autre fille qui venait, et faisait du charme au gardien. Tâter ses muscles et tout et tout… Comme elle palpe les moutons pour voir s’ils ont de la laine. Elle s’avança, hors de la file, et remonta un peu ses jupes. Montrer ses mamelons, juste un peu, et dévoiler ses gambettes ce qu’il faut pour qu’ils ne voient pas ce qu’elle dérobait en haut pendant qu’ils avaient les yeux en bas. Elle s’approcha à pas de loup de la jeune rouge quand la vieille se déchaîna à nouveau.

Entre la rouge insolente, le vilain à la hache folle et la vieille qui voulait mettre tout le monde au garde à vous, elle se sentait comme un petit agneau. La vieille cria vers un pauvre curé qui n’avait rien dit

Elle poussa un cri d’effroi et tomba à la renverse quand elle voulut l’éviter. Sa jupe lui arriva sur la tête sans qu’elle ait le temps de réagir.

Après les deux viocs qui s’rebellent, v’la-t’y pas que le curé fait de la résistance ! Non, mais dans quel foutoir il s’tait encore embarqué le pauv’ Machefort ? Il savait bien qu’il n’aurait jamais du laisser l’morveux organiser cette fête, mais celui-ci lui avait proposé un arrangement des plus alléchant : la ripaille spéciale gueusaille, contre une soirée passée avec la fille de l’intendant, et en tête-à-tête s’iou plait ! Les seuls tête-à-tête auxquels il avait eu droit jusqu’à présent, c’étaient surtout du coup de boule à coup de boule, si vous voyez c’que je veux dire. M’enfin, dans les deux cas, y a toujours moyen de voir des étoiles !

D’ailleurs, en parlant de coup de boule, le colosse en aurait bien gratifié le sacro-saint Pope, pour le remercier des merveilleuses malédictions lancées d’une voix lugubre,… si seulement il n’était pas resté pétrifié de terreur face aux invectives.
Tremblant de la tête au pied, il lâcha sa hache qui s’écrasa violement au sol – enfin c’était plutôt sur sa botte ! – dans un « Ouille ! » de douleur. Sautillant sur un pied, il porta sa grosse paluche à son front et se signa nerveusement, pour chasser le malheur qui risquait de s’abattre sur lui jusqu’à la fin des temps, et plus si affinités ! - C’est pas qu’il aime le malheur, rassurez-vous, il n’est pas fou ! C’est juste que le malheur a tendance à l’aimer lui !

Vade retro Sainte-Âness ! Pardonnes-moi mon offense, comme j’te pardonne le pécher, que ta bougresse d’congénère a mâchouillé d’vant l’écurie… Maintenant il est tout pourri !

Après l'exécution d'un dernier signe de croix, le baraqué jeta un regard anxieux en direction du cureton qui s’éloignait vers la demeure, toujours accompagné de sa mule de mauvaise augure. Il espérait bien ne pas les revoir durant la soirée ! Le fils de l'intendant n'avait qu'à prendre la relève à l'intérieur et s'occuper des squa... invités. Machefort se chargeait de les chass... accueillir à l'entrée, c'tait déjà ça !

A peine le temps de ramasser sa hache, que le colosse se fit brusquement attaquer à coup de miches volumineuses. Il les avait pas vu venir celles là ! Les rondeurs féminines l’enveloppaient de chairs fraiches - Bah ouai ! Fait froid en c’te saison ! Z’ont pas idée de se balader si peu vêtues ! - et menaçaient de l'étouffer en lui écrasant la cage thoracique, qu'il a des plus fragile - peut-être à cause de son grand cœur ?
Essayant de ne pas succomber, il ouvrit grand la bouche et les narines pour avaler de grandes goulées d'air... M'est avis qu'il n'aurait pas du faire ça ! Les effluves qui émanaient de la donzelle étaient si entêtantes qu'il en eut des nausées. Sentant son estomac se retourner, il recula de quelques pas titubants, laissant en plan l'assaillante et son caquetage incessant, auquel il n'avait de toute façon rien suivi, trop obnubilé par sa survie qu'il était !

Plié en deux pour reprendre son souffle, l'imposante hache à nouveau abandonnée au sol, Machefort essayait de se calmer, lorsque ses yeux baissés rencontrèrent une cheville gracieuse et dénudée. L'espace d'un instant, son regard étincela d'avidité, avant de remonter lentement le long du mollet, des cuissots à croquer et de la grosse culotte molletonnée.
Essuyant un filet de bave, le colosse se redressa vivement et s'approcha de la donzelle en détresse.

B'soir charmante créature d'mes rêves. J'ai l'impression qu'vous avez b'soin d'un peu d'aide...

Et de tendre sa grosse paluche en direction des jambes ravissantes, mais au visage masqué.

Même pas l'temps de répondre aux questions posées par la vieille, qu'elle se met à brailler à s’en déchausser la mâchoire ! Passé un certain âge, faut arrêter d’faire des folies, hein ! Mais l’ancêtre n’a pas l’air d’être au courant ou de s’en soucier outre mesure. C’est embêtant quand même… ‘fin c’est pas qu’le pouilleux se soucie du vilain machin ridé ayant osé l’appeler « ça », mais c’est surtout qu’à coup de vocalises tonitruantes, il allait finir sourd comme un pot s’il d’vait s’la coltiner pendant toute la soirée ! L’allait falloir mettre en place des mesures préventives pour éviter le désastre ! Heureusement qu’le vioc se trimbale toujours avec ses maigres possessions sur lui ! Il va bien trouver de quoi faire…

La beuglante étant accaparée par le cureton en approche, Petsec en profite pour tirer sur le col de ses loques. Sa main crasseuse se faufile entre les plis et les replis des couches de fripes malodorantes, à la recherche d’un reste de quignon de pain rassis, qui doit se trouver quelque part entre le gilet d’un goût douteux, le morceau de sac à patates en toile de jute, et le bout d’étoffe rouge arraché à la cape de sa morveuse préférée - c'tait lors d’une dispute des plus amicale, où il aura au passage perdue une touffe de ch’veux grisonnants.
Sa trouvaille dégotée, il en arrache deux p'tits bouts, avant de ressortir sa main à l'air libre et de se planter une boulette de pain dans chaque oreille.

- Aaaah ! C'est quand même mieux côm'ça !

A présent paré contre la surdité - mais pas l'absurdité, malheureusement ! - son attention se reporte à nouveau sur l'ancêtre, toujours entrain de s'époumoner après le cureton et son canasson.
Y p'vait pas l'abandonner là au milieu du chemin, elle allait f'nir par retourner son courroux sur lui et taper un scandale. Vallait mieux s'attirer ses bonnes grâces en la brossant dans l'sens du poil pour qu'elle s'calme.

- Voyons, charmante donzelle... *Elle devrait se sentir flattée 'vec ça* N'allez pas vous cassez la voix pour c'malandrin. Il s'rait siiiiii dommage d'plus p'voir entendre l'chant mélodieux qui s'chape d'vos ravissantes lèvres. *Pourvu qu'elle se la ferme !* Allons plutôt festoyer et nous en mettre plein la panse... Qu'en pensez-vous ?

Lui accordant un large sourire, dévoilant une rangée de chicots mal soignés, le bras est tendu à la mémère, comme l'pouilleux a si souvent vu les gentilshommes le faire.

Elle a rabattu en vitesse ses jupons vers ses jambes, et voit une énorme main poilue tendue vers elle, surmontée d'une tête masquée. Elle écarquille les yeux et hurle à la mort, comme un loup en quête de moutons. Elle se recule en frottant son séant sur le sol.

Me faites pas mal ! J'ai rien fait ! J'ai pas couché avec le Jeannot la dernière fois, j'ai juste été gentille, et je l'ai laissé me caresser un peu, mais on était sous une couverture, personne ne voyait. Et je recommencerais pas ! Je vous jure messire, ne me punissez pas !

Elle se heurta à quelque chose qu'elle sentit dur, sans oser regarder ce que c'était. Elle avait peur que ce ne soit le complice du bourreau qui l'attrapait par le dos pour l'attacher, et la clouer au pilori.

D'accord ! d'accord ! J'avoue tout ! Ce dimanche, j'étais pas à la messe, j'étais partie retrouver une amie, on s'est saoulée à l'hydromel, et on a laissé le vieux garde-chasse nous toucher les mamelons pour avoir un peu de viande, mais ça faisait si longtemps que je mangeais du pain rassis ! Faut me comprendre aussi !

Elle pleurait, se mettant à genoux en levant la tête vers le bourreau avec des yeux plein d'espoir.

Hein que vous me comprenez, messire Bourreau ? Hein que vous me ferez pas de mal ? Je suis bien trop jolie pour être abîmée, vous voulez pas faire de mal à la créature de vos rêves ? hein messire Bourreau ?

Réalisant ce qu'elle venait de dire, et que le message venait seulement de monter à ce qui lui sert pour le peu de réflection qu'elle met en action, elle s'essuya les genoux et attrapa la main qu'il lui tendait avec un grand sourire. Un bourreau parmi ses amis, ça pourrait toujours être utile.

Oh, joli Bourreau, vous m'avez fait bien peur avec votre masque.

Elle caressait doucement les poils de cette grosse paluche qu'elle tenait à deux mains.