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Quand l'blondinet se laisse séduire ...

[RP] Juste une vie pour l'envie...

Faile.
C’est bien pâle quelle arriva ce jour là.
Hier encore, on l’avait laissé pour morte aux portes de Rodez et pourtant, elle n’avait de cesse que de continuer son chemin.
Elle s’appuyait maintenant sur un bâton qu’elle avait trouvé près d’un arbre mort, foudroyé sans doute lors d’un précédant orage.
Ni trop long, ni trop court...juste là pour l’aider à continuer d’avancer.
Malgré le froid, elle sentait la chaleur du bois au contact de sa paume sous la cape sombre qui l’enveloppait toute entière.
Elle souriait comme l’on sourit à la vie lors de ses plus beaux instants.
Contraste…
Sa capuche relevée cachaient à peine la couleur flamboyante de sa chevelure retenue par un diadème hérité d’une vie passée dont elle n’avait aucun souvenir… pas qu’elle voulut oublier quoique ce soit, mais juste parce toute sa vie, avant Bourg, s’était effacée de sa mémoire…
Elle ne ressentait pourtant aucun vide, aucune peur et si parfois elle était visité par des rêves qui dépassaient sa compréhension, elle se sentait confiante… fille de la vie elle-même.

Elle entre dans Millau ce matin là, prise d’un pressentiment étrange.
L’impression qu’on a parfois que les choses vont se jouer dans l’instant.
Pourtant, nulles tourelles, nulles habitations n’éveillent sa mémoire.
La ville est claire et joyeuse les toits sont presque rouges.
Chacun vaque à ses occupations sans même lui prêter attention… de sa main gauche, elle va toucher sa bourse de fortune. On lui a volé l’autre… pas bien grave…que du matériel…

Soudain son regard se fixe sur un enfant qui joue dans la ruelle, aussi noir qu’un charbonnier, en haillon. Une dizaine d’année peut-être, la tignace en désordre…
Elle lui sourit…il la regarde un instant… ses yeux à lui son presque noirs remplis d’une grande malice.

Doucement elle s’avance et se baisse à son niveau, observant ses mains qui ramassent avec dextérité quelques pierres qu’il lance et rattrape tour à tour…


Tu veux jouer ?
lui chuchote-t-il sans même arrêter son geste…

J’ai bien peur de ne pas savoir…


Mais si vas-y essaye…

De lui tendre une pierre, puis deux… un soupçon de défit dans les yeux…

Si tu y arrives je t’accompagne… où tu voudras…


A elle, de lancer l’une, puis l’autre… puis de laisser partir ce rire qui lui vient à la gorge…

Tu vois ? Je sais…

Elle irradie alors du bonheur de vivre…

Je cherche un chevalier… Il s’appelle Ethan… l’aurais-tu aperçu par ici ?
E_newton
Il était parvenu à la retrouver, la Capitaine égarée … Sa quête s’était terminée sur un goût d’inachevé, une sorte de ressenti qui lui laissait à penser qu’il aurait du être présent et que rien de tout ceci n’aurait jamais du arriver. Elle était meurtrie dans son âme et dans ses chairs quand il l’avait découverte. Nombreuses étaient les séquelles qui demeureraient à jamais marquées, et dont personne ne saurait la guérir. Même lui, malgré toute la volonté dont il saurait faire preuve, n’y pourrait rien.

Elle avait voulu le rassurer en lui opposant qu’elle avait tout fait pour qu’il n’en sache rien, que cela avait été sa décision à elle que de ne point avoir voulu le damner lui aussi. Mais damné il se sentait déjà, et ce nouvel épisode de sa vie ne faisait que renforcer les tourments qui l’accaparaient. Tout avait semble t’il basculé depuis qu’il avait choisi de donner un sens à sa vie. Un choix que bien peu semblaient vouloir comprendre, ou ne serait-ce qu’entendre. Il en avait été élevé par ses pairs, au rang le plus envié de tous ceux qui s’engageaient dans cette voie, celui de Chevalier. De fil en aiguille, alors que chaque jour qui passait il s’acharnait inlassablement, il s’était senti abandonné par les siens. Ceux qu’il pensait être ses proches, ceux pour lesquels il avait plus que de l’amitié, et pour lesquels il aurait donné jusqu’à sa propre vie, ceux-là mêmes s’éloignaient, se détournaient de lui, en allant probablement jusqu’à en oublier qu’il existait.

Combien étaient ceux qui l’avaient abandonné, le jugeant de par trop égoïste ? Égoïste, il l’était en effet, mais pas pour son propre compte, uniquement pour l’animal mythique qui l’avait accepté en son sein. Il avait tout donné pour la Licorne, son cœur, son âme, et lui offrirait sa vie s’il le fallait. Mais voilà, à tout donner ainsi, il s’en oubliait lui-même. Il faisait fi de tout ce dont le commun des mortels profitait. Les amitiés s’évanouissaient comme elles s’étaient nouées, les fraternités se défaisaient au fil du temps, l’Amour lui avait échappé tels les grains de sable vous filant entre les doigts.

Rien n’avait su le détourner de la voie qu’il s’était choisie, personne n’avait pu le retenir pour répondre à chacun des appels qui lui avaient été lancés. Et en ce début d’année 1458, ce ne fut qu’un concours de circonstances qui l’amenât en cette cité Rouergate. Une opération de surveillance des frontières sud l’avait rappelé en les terres Languedociennes. De la folie de certains était né un conflit dont on pouvait supputer qu’il ne se cantonnerait pas là où il avait éclaté. Chaque jour qui passait depuis son départ de La Rochelle amenait son lot quotidien de mauvaises nouvelles, faisant craindre le pire pour le Royaume. Et cela, s’il ne pouvait le tolérer, il pouvait tout au moins faire tout ce qui était en son pouvoir pour tenter d’y remédier.

Il aurait donc du être d’humeur maussade, le Licorneux, voire même massacrante, mais cependant … Cependant un événement nouveau avait surgit. De ceux que seul un imaginaire débordant aurait pu lui suggérer, ce qui était bien loin d’être son cas. Tout avait commencé par une simple missive reçue le jour de son départ du Poitou. Une missive étrange dont il avait pensé que le pigeon s’était trompé de destinataire. Par pure politesse, il y avait répondue, prenant la peine d’informer l’expéditeur de sa possible erreur. Mais non, le volatile lui était de nouveau revenu, porteur d’informations complémentaires et l’assurant d’être celui pour lequel les mots avaient été soigneusement couchés sur le vélin. Bien que demeurant circonspect, il s’était pris au jeu, voyant là un moyen comme un autre d’éclairer quelque peu la grisaille de son quotidien.

La dernière missive, il l’avait reçue le matin même en passant les portes nord de la cité. Ce fut à ce moment qu’il eut l’étonnante surprise de la savoir elle aussi en ces lieux. Ainsi donc, elle semblait être arrivée au premier terme de sa quête personnelle qui consistait à croiser son chemin. Elle, puisqu’il s’agissait d’une Damoiselle répondant au doux prénom de Faile, était parvenue à ses fins. Il ne savait trop comment et ne tenait pas vraiment à se poser la question, mais restait à savoir si elle parviendrait à le retrouver dans cette cité. Il ne doutait pas que compte tenu de sa ténacité, elle ne manquerait point de retourner chaque centimètre carré des lieux pour s’assurer de le trouver. Rien qu’à l’idée de l’imaginer ainsi, un léger sourire vint se former sur les lèvres du Licorneux.

Son temps lui était malheureusement compté, puisque attendu dès le surlendemain en la cité la plus orientale du Comté Languedocien. Il ne pouvait se mettre à la recherche de la mystérieuse Faile, car il ne savait même pas à quoi elle pouvait ressembler. Les capes azurées du petit groupe de cavaliers semblaient être passées inaperçues au sein de la population locale, qui plus était jamais il n’avait dit à la Damoiselle qu’il était l’un des membres du prestigieux Ordre Royal. Aussi choisit-il d’aller profiter des quelques instants de répit qui lui étaient accordés pour aller se détendre dans l’une des tavernes locales …

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Faile.
Le petit bonhomme l’observa un long moment avant de lui répondre. Sa question était-elle si incongrue qu’il lui faille ainsi remplacer ses yeux par des soucoupes ?

Doucement elle s’assit près de lui.


Ne passe jamais de chevalier à Millau ?

Je n’sais pas bien ce que c’est un chevalier, un soldat ? Ca l’en passe quelque fois… c’est pareil ?

Abaissant sa capuche, Faile laissa apparaître sa longue chevelure flamboyante un peu ébouriffée par le voyage et ramassa ses jambes glissant ses genoux sous son menton.
Sous sa cape, ses bras s’étaient croisés en une étreinte bienfaisante. Il lui fallait conserver la chaleur du mouvement. L’hiver, s’il se voulait plus rigoureux dans ses montagnes adoptives, se faisait néanmoins sentir de façon aussi insidieuse. Il lui faudrait trouver refuge pour la nuit. Sa maigre bourse ne lui permettrait qu’un frugal repas. Pourtant, la jeune femme gardait le sourire. Le matériel l’inquiétait peu, seule comptait sa quête. Elle sourit.


Certain te diront que c’est la même chose, tu sais, pour moi il n’y a que vague ressemblance.
Un chevalier pourra être un soldat mais l’inverse...d’autres en auront l’apparence mais au fond ce ne seront qu’attributs. Les vrais chevaliers sont rares, ceux qui donnent sans compter...


Sa voix resta en suspend et ses émeraudes furent soudain comme aspirées vers d’autres contrées. L’océan se troubla fixant le lointain et seul le mouvement de l’enfant qui s’impatientait la ramena dans la ruelle.


Dis m’dame… tu dors ?


Non excuse moi, je rêvais je crois. Puis presque pour elle-même, à mi-voix…de lui encore… je dois le retrouver.

Tu peux, s’il te plait me montrer où sont les tavernes dans ce village ?

Puis d’ajouter malicieuse

Je les ai rattrapées tes pierres.

De nouveau, la savoyarde avait retrouvé le sourire. Se levant sans effort, elle incita l’enfant à lui montrer le chemin, et ensemble côte à côte, devisant sur les broutilles de la rue et les enseignes des échoppes, il la conduisit à travers la ville. Moult tavernes dans cette cité d’après ses dires. Mais il en suffisait d’une…
C’est sans hâte qu’ils avançaient, la canne de fortune ne touchait même plus terre. Il est incroyable comme les échanges avec un enfant donnent des ailes aux adultes qui s’oublient si souvent. Ils cherchaient tous deux les enseignes des auberges et chaque fois regardait par la fenêtre comme des conspirateurs… et les passants les regardaient secouant la tête… surement se demandait-ils si elle avait tout… pourtant nul regard ne l’atteignait vraiment comme intouchable au mépris des gens si prompts à juger les différences.
Son cœur, pourtant, s’affola bientôt, il ne pouvait se tromper. Une cape bleue venait d’entrer dans la taverne juste à l’angle de la rue. D’un coup elle arrêta sa course et regarda l’enfant.


Je crois que je suis arrivée…

Doucement elle lui prit la main pour y glisser une pièce d’or…

Merci pour avoir rendu cette journée plus belle…tu me dis ton nom ?

Je suis Eloi…

Bien Eloi… je me souviendrai de toi. Tu peux rentrer maintenant. Je me nomme Faile… sait-on jamais la vie tu sais rend les choses si imprévisibles…nous nous reverrons peut-être…

Après un dernier signe de main au jeune garçon qui s’éloigne, elle remonte sa capuche et calme sa respiration.
Alors, retenant son souffle elle entre dans ce lieu ou elle va le rencontrer pour la première fois…

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E_newton
L’endroit était désert lors de son arrivée, tout comme l’étaient les ruelles de la cité. À croire que la froidure de cet hiver des plus longs qu’il n’ait jamais connu, forçait les résidents à demeurer bien au chaud dans leurs maisonnées. Dans l’âtre d’une grande cheminé, un feu rougeoyant semblait animé d’une vie qui lui était propre, et s’acharnait à délivrer sa douce chaleur au sein de la pièce principale de la taverne. Même le propriétaire semblait s’être absenté, peut-être trop occupé à quelque tâche lui étant dévolue.

Après avoir ôté sa cape azurée brodée de l’animal mythique, il s’enquit de rallier la table la plus proche de l’âtre et de s’asseoir sur l’une des chaises à sa disposition. Les lieux semblaient propres, mais de par trop impersonnels. Rares étaient les tavernes qui bénéficiaient d’une réelle âme. Leur premier but était d’offrir un lieu où l’on pouvait se rassembler pour boire un verre ou plus si affinité. Un lieu de retrouvailles où il était aisé de faire des rencontres, de croiser des amis ou tout au contraire de s’y forger des inimitiés. Il était plutôt de ceux là, le Licorneux. Rares étaient les fois où pénétrant en l’un de ces lieux, il n’avait pas été pris à parti par un antiroyaliste, un mécréant, un imbu de sa personne ou encore un bouffon notoire.

Oh bien sur, cela n’avait pas toujours été ainsi. Il y avait une époque de son lointain passé, où tout au contraire, il rassemblait les foules autour de lui. Principalement féminines, il était vrai. On lui avait même alors attribué le surnom de « petit pot de miel », car paraissait-il qu’il attirait les « abeilles ». Époque révolue, s’il en était une, et qui en ce jour n’avait plus de raison d’être. S’il avait voulu mobiliser autour de lui en ces jours, c’eut été des hommes et des femmes doués d’empathie, d’humilité, de noblesse d’âme et de cœur, de cet esprit qui se perdait et faisait toutes les valeurs de la Chevalerie. La Chevalerie … Un bien grand mot pour ces êtres frêles qui en portaient le poids sur leurs épaules voutées par la lourde charge qui leur incombait. Cette Chevalerie tant décriée par bon nombre, même par certains des régnants du Royaume. Celle-là même qu’ils appelaient « au secours » quand ils se sentaient menacés, mais qu’ils écrasaient du talon de leurs bottes quand ils n’en avaient plus l’utilité.

À bien y songer, les Ordres Royaux étaient même bien moins considérés que les mercenaires. Ces derniers, on leur faisait des « ponts d’or » pour s’offrir leurs services, allant même jusqu’à en oublier leurs passés des plus douteux. Une façon comme une autre de racheter ses crimes à la Société, disait-on. Le seul crime des Chevaliers était d’être droits, et de rappeler à tout un chacun les devoirs et obligations qui étaient les leurs, ainsi que de leur apprendre le respect d’autrui et la tempérance. Mais de cela on en faisait fi, seuls le pouvoir et la richesse semblaient désormais avoir libre cours. Servir le Royaume devenait une hérésie, seuls les intérêts personnels primaient.

Il en était là de ses réflexions coutumières, le Capitaine ténébreux, parcourant toutes les nouvelles missives l’informant de l’état des quatre coins du Royaume. D’aucune ne lui apprenaient de nouvelles réconfortantes. Toutes lui rapportaient la noirceur des complots divers et variés fomentés ici par des hordes de brigands, là par un régnant aux dents bien trop longues, ou par ailleurs toute une région voulant s’émanciper. La folie des grandeurs gagnait tout un chacun, du plus petit des roturiers voulant s’enrichir au plus vite, au plus grand des nobles voulant atteindre les plus hauts sommets du pouvoir. Quand tout cela cesserait-il ? Quand comprendraient-ils que l’intérêt personnel ne peut prévaloir sur celui de tous ?

Ce fut le bruit de la porte qui s’ouvrit qui le tira de ses lectures. Il ne fut guère étonné de voir pénétrer en ces lieux une personne encapuchonnée qui lui semblait inconnue. Les tavernes étaient publiques, et tout un chacun avait l’opportunité d’en profiter. Mais ce qui le surprit tout d’abord, fut que cette personne vint directement s’asseoir à ses côtés. D’habitude, seuls ceux le connaissant prenaient cette place, les autres se tenaient à l’écart, ou se positionnaient face à lui. Là, il en était tout autrement, et son étonnement ne fit que s’accroître lorsqu’elle ôta sa capuche, laissant ainsi apparaître une magnifique chevelure. Elle tourna son visage vers le sien, et son regard émeraude vint se planter dans celui de braise du Licorneux. Une étrange sensation l’envahit, comme si elle parvenait à lire en son esprit, tout comme on le ferait d’un livre grand ouvert.

Tout aurait pu cesser là, si au lieu d’être courtois et de se présenter comme il avait coutume de le faire, il avait simplement détourné son regard pour reprendre connaissance des missives éparpillées sur la table devant lui. Mais il n’en fut rien. Et ce fut stupéfait qu’il l’entendit à son tour se présenter. Deux syllabes délicieusement énoncées … Un doux prénom qu’il avait pu lire le matin même … Il ne put que le répéter sans rien dire d’autre, ce qui eut pour effet de la faire rire. Lui qui n’était déjà pas doué d’éloquence, se voyait réduit à l’état d’un nourrisson cherchant vainement à trouver des mots qui ne venaient pas pour s’exprimer. Pour sûr qu’avec la tête qu’il faisait et l’air ahuri qu’il devait avoir avec ses yeux ronds et sa bouche entrouverte, elle avait de quoi sourire, Faile. Faile … Celle la même qui lui écrivait depuis tant de jours, était parvenue à le rattraper. Quelles étaient les probabilités que cela puisse arriver un jour ? Il n’en avait aucune idée, et pensait même que cela aurait pu être proche de zéro. Pourtant, elle était là, présente à ses côtés, et quand elle le lui demanda, il ne put que lui tendre sa main pour qu’elle y glisse la sienne, tout comme elle le lui avait écris. Oui, c’était bien elle, et peu lui importait de savoir comment ou pourquoi, il se contenta d’apprécier la douceur et la chaleur de sa main au creux de la sienne …

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Faile.
Elle resserra les pans de sa cape sombre sur elle et poussa doucement la porte brune de la taverne dont elle n’en avait même pas vu le nom, tant elle était troublée.

Avait-elle déjà ressenti cette drôle d’émotion qui la saisissait toute entière ?

Son ventre se serrait comme sous l’assaut d’une angoisse indicible, mais provoquait aussi en elle, une sorte d’excitation bénéfique qui la poussait plus avant. Son cœur battait la chamade et le feu lui venait au visage.
Un barrage s’élevait dans sa mémoire et lui empêchait tout souvenir conscient. Les quelques bribes qui lui échappaient parfois ne venaient qu’en rêve et il était difficile, souvent, de faire la part des choses. Impossible là, de faire appel au vécu. Juste, alors, vivre pleinement l’instant comme une nouvelle expérience. Adviendrait ce que pourrait.

Toujours est-il que cette rencontre à venir, celle qu’elle avait provoqué, sans vraiment comprendre ni les tenants ni les aboutissants, allait enfin se produire comme la fin d’une quête personnelle ou le début d’une autre.
Seuls ses songes avaient dicté sa conduite et l’amenaient jusqu’à lui, dévoilant peu à peu ce qu’il en adviendrait. D’un tempérament enjoué, la jeune femme se posait peu de question sur l’avenir. Elle vivait le moment présent aussi fort que possible au gré de ses besoins, de ses envies, bien loin des convoitises matérielles liées à une course au pouvoir et aux richesses. Pas qu’elle jugeait les autres pour leurs choix, non, elle observait plutôt les choses de loin se demandant comment ils pouvaient la plupart du temps s’agiter pour un rien.

Il avait répondu à ses courriers et chaque retour n’avait été qu’interrogation devant l’improbable et c’est avec un bonheur certain qu’elle avait, au fil des jours, découvert ce qu’il était vraiment. Chaque mot qu’il avait couché sur le velin pour elle, s’était gravé dans sa mémoire toute neuve comme un trésor ineffable.
Bien souvent avait-elle souri devant son incrédulité et aujourd’hui encore, celle-ci lui donnait l’œil brillant d’une enfant malicieuse.

Il était là… assis derrière cette table, le regard baissé sur de nombreux velins, sa cape posée à ses cotés installé au plus près de l’âtre, comme pour en rechercher la chaleur bienfaitrice en cet hiver terne et maussade. Elle n’avait aucun doute sur son identité, son cœur l’avait reconnu.

Un moment, elle resta immobile à l’observer.
Il avait levé la tête et son regard fugitivement rencontra le sien. Il était blond, les cheveux libres, si beau qu’elle fut parcouru d’un imperceptible frisson.

Alors, sans hésiter, elle alla s’assoir près de lui rabaissant la capuche qui lui mangeait le visage.
On la disait jolie en général. Son teint clair contrastait avec le feu de ses cheveux, ni blonds, ni roux, juste entre deux. Son front dégagé, par un diadème emperlé, donnait toute la place à son regard de sinople aussi profond qu’un lac. Ses pommettes rosies par l’émotion encadraient un nez mutin surplombant le vermeil de ses lèvres souriantes.

Un instant, à la limite de l’impudique, elle chercha son regard. Les yeux du chevalier avaient une couleur peu commune oscillant entre le marron clair et l’orangé des flammes juste derrière lui. Ils étaient profonds, tourmentés et interrogatifs, tant qu’elle retint le geste qui lui venait de poser une main sur son bras comme pour l’apaiser. En toute civilité, il déclina son identité et elle sourit cette fois-ci presque amusée. Puis doucement, elle lui donna son nom. Deux syllabes douces et chantantes qui la définissaient si bien.


Bonjour Ethan… je me nomme Faile… me donnerez-vous votre main ?

Si indescriptible, ce qui se passait en elle à se moment là, un sentiment si fort et inconnu qui lui tendait l’intérieur et retenait son souffle bien qu’elle n’eut que peu de doute sur la réponse.
Mais devant son air si drôle et ses yeux si ronds, c’est en riant qu’elle glissa sa main fine et douce dans celle qu’il venait de lui tendre. Elle se retint alors d’enlacer ses doigts aux les siens profitant juste de son étreinte chaleureuse et pleine d’énergie.


Je suis là pour vous Ethan et sachez que jamais plus je ne lâcherai votre main, à moins que vous ne me le demandiez vous-même et en ce cas je disparaitrai de votre vie.

C’est alors qu’avec une pointe d’humour il lui demanda de réfléchir à la question… bien des choses sans doute seraient difficiles à réaliser avec trois mains…
Les flammes continuaient de danser et deux chopes arrivèrent sur la table… le tavernier s’était enfin réveillé.

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E_newton
Ils auraient pu demeurer ainsi longuement à se regarder dans les yeux et à en apprendre plus l’un sur l’autre, mais une taverne étant ce qu’elle était, ils furent bien vite dérangés par de nouveaux venus. Et comme de bien entendu, l’un d’entre eux se mit en devoir de fouler aux pieds certains des principes mêmes qui régissaient la vie du Chevalier. Les répliques du Licorneux ne tardèrent pas à venir contrer les propos quelque peu désobligeants de l’outrageux. Mais certains étaient aussi sourds que pouvait l’être un âne bâté que l’on aurait collé dans le clocher d’une église à l’heure où l’on sonnait l’angélus … Alors faute de pouvoir lui faire entendre raison, ces deux êtres qui ne se connaissaient pas encore, choisirent de le laisser là dans la contemplation de son nombril séculaire.

Qui plus était, il était l’heure pour eux de reprendre la destination qui était celle du Licorneux. Il n’avait pas osé lui demander si elle comptait le suivre jusqu’en Nîmes, puisque les propos qu’elle lui avait tenus en taverne ne laissaient soupçonner aucune équivoque. Elle lui tenait la main, et ne voulait plus la lâcher. Enfin, elle devrait tout de même de temps à autres la lui restituer. Aucune question, aucun commentaire ne fut émis lorsqu’ils rejoignirent les écuries pour y retrouver le reste de la troupe. Par ailleurs, affairé qu’il était à se préoccuper de leur départ, il en oublia de faire les présentations. Il y avait des jours ainsi, où une seule tête, même bien faite, ne suffisait pas à son homme. Storm fut soigneusement harnaché, et Faile prit place sur la selle tandis qu’Ethan montait en croupe. Le puissant Frison ne sembla même pas se rendre compte du poids supplémentaire que représentait la jeune femme. Le Chevalier avait passé les mains de chaque côté de la taille de Faile pour s’emparer des rênes, il pouvait ainsi guider allègrement l’étalon tout en veillant à ce que la Damoiselle ne soit pas déséquilibrée.

Ce fut ainsi qu’ils chevauchèrent une bonne partie de la nuit avant de faire halte en pleine campagne Languedocienne. Ils étaient demeurés silencieux tout le long du trajet, comme ne voulant pas rompre l’enchantement de ce premier moment si particulier. Etranges sensations mêlées qui s’étaient emparées de l’esprit du Licorneux, qui plus d’une fois avait dû se secouer intérieurement pour reporter toute son attention sur la route, et les éventuels dangers qui auraient pu surgir. Ses cheveux étaient souvent venus frôler le visage du Blondinet qui s’enivrait de l’odeur suave qui s’en dégageait. Il flottait sur un nuage soyeux qui l’envoutait tout entier, en oubliant les éternelles ténèbres qui l’accaparaient habituellement. Était-ce cette proximité ou bien l’étrangeté de leur rencontre qui le berçait ainsi ? Il ne saurait y répondre, mais cependant il en profitait allègrement.

Le campement de fortune fut sommairement monté, permettant à chacun de profiter d’un bon feu revigorant. Mais ce ne furent pas les flammes du foyer qui envahirent Ethan d’une douce chaleur, ce fut sa main à elle, qui ne l’avait pas quittée depuis qu’ils s’étaient assis côte à côte. La fin de la nuit se prolongea ainsi, au terme de laquelle ils s’endormirent l’un aux côtés de l’autre, leurs mains toujours enlacées. Cette nuit là, qui fut leur première, permit au Licorneux de ne pas sombrer comme il en avait l’habitude dans les méandres de la noirceur qui l’envahissaient fréquemment. Cette nuit là fut l’une des plus calmes qu’il n’avait jamais connue depuis bien longtemps. Il s’était endormi du sommeil du juste, tel le nouveau né après sa dernière tétée …

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Faile.
Le bien être l’envahit peu à peu.
Sa présence ? La chaleur bienfaisante des flammes qui dansaient dans l’âtre ?
Un ensemble certainement qui apaisait son corps et son esprit. Doucement elle dégrafa sa cape et la posa près d’elle.
Puis sans attendre, elle remit sa main dans la sienne recherchant son contact. Ils échangèrent à mi-voix sur ce qui l’amenait là, sur ce rêve qu’il trouvait insensé sur son existence improbable.
Faile était rayonnante et irradiait de bonheur et de spontanéité, taquine et douce.

Je ne suis là que pour vous… lui avait-elle encore glissé.
Ce à quoi il s’était contenté de sourire. Il semblait bien difficile d’ôter l'ombre de ce regard là.
Le chevalier était à la fois si proche et si loin, se souvenait-il encore de ce qu'était la caresse du vent sur la peau, la beauté de l’aurore qui donne à chaque jour un aspect nouveau.
Ses émeraudes se firent caressantes détaillant chaque part de lui qu’elles pouvaient atteindre et sans cesser de sourire, elle écoutait ses doutes et sa résignation.

La jeune femme s’apprêtait à lui dire qu’elle lui enseignerait la vie, qu’elle lui apprendrait l’amour, qu’il avait juste oublié tous ces petits riens , tous ces petits bonheurs simples que la vie mettait sous le nez de chacun comme un verre en taverne, le chant d’un oiseau où l’odeur d’une fleur, quand ils furent pris à partie par un homme blessant sous l’emprise très certainement, d’un mal sournois qui le rongeait doucement et qui choqua les pensées altruistes du chevalier, ce mal qui saisit souvent les hommes et qui se nomme concupiscence ou comment se vendre au plus offrant…

Le ton monta un instant mais dans sa sagesse, le licorneux l’entraina au dehors bien loin de la noirceur qui commençait à les entourer.

Elle ravala ses mots, trop forts, trop tout qui risquaient de l’effrayer où même, qu’il ne la prenne pour une simple d'esprit. Peut-être ce qu'elle était ma foi... Elle sourit, remarquant juste qu’il ne lâchait pas sa main et c’est naturellement donc, qu’elle l’accompagna jusqu’aux écuries où elle se retrouva, nez à ... naseau avec un destrier imposant.

Ethan parla peu, mais il n’était point besoin de mots entre eux, superflus sans doute. Doucement, elle posa sa main sur l’encolure du cheval si calme alors qu’il le préparait. Elle ne se rappelait pas d’en avoir approché un de si près. Il était aussi noir que la nuit, racé et élégant, si accordé au chevalier.

Doucement il prononça son nom… Storm et elle le répéta après lui, laissant sa main caressante monter doucement sous sa crinière dense et longue. Il toisait plus de cinq pieds assurément et la puissance qu’il dégageait le rendait impressionnant. Pourtant, au lieu de fuir son contact, l’animal se prêta à la caresse de bonne grâce, pendant que son maitre finissait de lui passer le mord.

De la tête, elle salua leurs compagnes de voyage. Il ne fit nulle présentation et elles ne parurent pas s’en inquiéter outre mesure. Elles auraient bien le temps de faire connaissance.
Très vite, il l’aida à se mettre en selle et d’un bon fut juste derrière elle. Troublée par son contact elle se raidit un moment puis se détendit peu à peu. Etait-ce la première fois qu’elle montait sur un cheval ? La encore la sensation lui parut familière et son bassin se cala souple sur l’allure régulière qu’Ethan lui donna pour sortir de la ville.
Il insufflait juste les commandes par les mouvements de son corps qui ne lui échappaient pas à elle non plus et son contact bouleversant l’accompagna tout au long de la route.

Il semblait qu’ils se dirigeaient encore plus au sud.
Elle ne lui posa aucune question.
Tout ce qu’elle possédait était sur elle, le suivre était une évidence dût-elle aller en enfer avec lui. Rêveuse, elle profita de ses bras autour d’elle, de son souffle sur sa nuque et de cette sensation particulière provoquée par tous ses gestes. Le temps s’envola et il fut déjà temps de s’arrêter pour se reposer un peu.
C’est aguerris que les Licorneux installèrent le campement et allumèrent un feu.
Les gênant le moins possible, elle apporta son aide puis vint s’assoir silencieuse près de lui, glissant sa main dans la sienne en regardant les flammes orangées qui vacillaient sous le vent glacé. Comme toujours il était silencieux, pourtant son étreinte chaleureuse lui donnait l’espoir de toucher son cœur.
Elle écrivit alors quelques mots comme à son habitude lorsque seule, elle dormait sous les étoiles. Ces mots qu’elle couchait chaque nuit pour lui et qu’il trouverait à son réveil. Enfin, happée par le sommeil elle s’allongea gardant sa main dans la sienne rejoignant cet autre monde, celui des rêves, pour mieux le retrouver encore.

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E_newton
Leur chevauchée les mena enfin en Nîmes où le Capitaine donna quartiers libres aux Licorneux. Nul besoin pour eux de monter des gardes dans l’immédiat, seule prévalait leur présence en cette cité aux portes du conflit Provençal. Il leur fallait se tenir prêt à toute éventualité, et surtout à un retour de bâton de la part des indépendantistes. À la lecture des nombreux rapports dont il prenait connaissance quotidiennement, il savait que cela ne se passait pas aussi bien que certains voulaient le faire croire. La Politique et ses sombres méandres avaient déjà pris le pas sur la désinformation, et bien peu étaient ceux qui détenaient la réelle connaissance de ce qui se passait de l’autre côté de la frontière du Royaume.

Décision avait été prise par le Haut Conseil qu’aucun membre de la Licorne ne pourrait intervenir dans ce conflit extérieur au Royaume. Mais malgré cela, certains n’en avaient fait qu’à leur tête, usant de prétextes détournés et fallacieux pour aller taper sur des soi-disant méchants. Et ceux là même se permettaient de donner des conseils en matière de comportement chevaleresque. Ils avaient prêté un serment et s’en déliaient pour assouvir leurs desseins personnels. Toujours cette hypocrisie dénuée d’humilité et de tempérance, dans l’unique but d’accroitre leurs pouvoirs et la longue liste de leurs titres. Certains en avaient déjà fait les frais, ayant tout de même la franchise d’assumer leurs choix. D’autres préféraient jouer les autruches, et patienter innocemment que la sanction tombe. S’ils croyaient pouvoir ainsi échapper à l’application stricto-sensu de la Charte qu’ils avaient juré de servir ...

Quoi qu’il en fût, cela n’empêcherait nullement l’animal mythique de continuer à avancer. Et pour ce faire, il avait été décidé de reprendre le cours des « recrutements ». Une annonce fut donc rédigée, et recopiée en de nombreux exemplaires, afin d’être placardée en un maximum de cités du Royaume. Le Languedoc n’y échappa nullement, et le Blondinet s’attacha à ce que cela fut visible de tous. Il en profita même pour faire le tour des tavernes Nîmoises et de s’y présenter pour faire un peu de propagande. Il rencontra de tout, du tavernier qui voulait devenir « commandant en chef de la Licorne » comme il le disait lui-même, au sombre imbécile qui accusait des Chevaliers d’avoir assassiné sa famille. Les discussions allaient souvent bon train. Le Licorneux s’attachant à présenter l’Ordre, à en expliquer les principes qui le régissaient, à rétablir les vérités où à contredire les élucubrations de certains.

Bien souvent, elle était là, à ses côtés, sa main nichée au creux de la sienne. Une bouée de sauvetage à laquelle il se raccrochait pour éviter d’être de par trop intransigeant avec les personnes lui servant toutes sortes d’inepties. Régulièrement elle prenait part aux discussions, faisant preuve d’une incroyable présence d’esprit, ainsi que d’une étonnante connaissance de la Chevalerie. Elle avait tout oublié de son passé, pourtant, nombreux étaient les cas où il aurait pu jurer qu’elle en savait tout autant, si ce n’était plus que lui, sur ce code qu’il suivait à la lettre. Souvent leurs regards se croisaient, s’avouant silencieusement les sentiments naissants qu’ils ressentaient.

Il avait souhaité préserver sa dignité en lui offrant une chambre personnelle au sein de l’une des auberges de la cité. Mais elle n’avait pas voulu l’entendre ainsi, et s’y était obstinément refusée car elle n’avait pas la possibilité de joindre sa main à la sienne. Il avait accédé à sa demande, mais avait toutefois exigé qu’il y ait deux lits séparés. C’est ainsi que chaque soir, ils s’endormaient séparément chacun dans leur lit respectif, unis uniquement par leurs mains dont les doigts s’entrelaçaient. D’aucun qui les auraient croisés, auraient certainement émis des hypothèses plus insidieuses les unes que les autres, lui prêtant encore là une aventure des plus impertinentes. Mais une fois encore, nombreux auraient été ses détracteurs qui se seraient fourvoyés. Leur relation, quoi que des plus étonnantes, n’était que platonique et pourtant des plus stimulantes pour le Capitaine. Bien qu’intérieurement persuadé qu’elle ne s’y opposerait nullement, il ne s’était permis aucun écart de conduite, si ce n’était … Si ce n’était ce baiser qu’il était allé déposer au creux de sa main, un soir, au sortir d’une taverne …

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Faile.
Ils arrivèrent à Nimes, ce jour là, après plusieurs heures d’une chevauchée sans soucis particulier.
Le chevalier fut comme bien souvent silencieux et toute à la découverte d’un bien nouveau paysage, elle avait laissé ses sens la porter.
Sa présence si proche, le rythme du pas cadencé de Storm et la perception aigüe d’un monde encore endormi en cet hiver qui n’en finissait pas.
Elle évitait les questions, juste lui avait-il confié le nom de sa maitresse souveraine, la Licorne.

Faile dans sa grande naïveté avait de suite pensé à l’animal mythique qu’elle avait vu représenté sur quelques tapisseries.
Ce pourrait-il qu’il existe vraiment ce symbole de pureté dont on dit qu’il ne peut être touchée que par une jeune femme vierge ?

Il avait souri bien sur à sa remarque, avant de lui expliquer ce qu’était cette organisation chevaleresque à laquelle il avait consacré sa vie, dans la conviction profonde de servir son pays, son Roy.
Le chevalier devint bientôt intarissable et la blondinette se laissa bercer par sa voix chaude et douce qui lui contait la vie en Ryes, une forteresse abritant l’ordre depuis de nombreuses années, son esprit fantasque visualisant le lieu comme extraordinaire.

Une fois à arrivée à destination, il avait veillé à leur installation et elle lui fut reconnaissante d’accéder à son désir de ne pas vouloir le quitter. Au souci qu’il avait de la compromette elle avait répondu d’un rire cristallin chargé d’innocence, l ‘assurant que le regard des autres n’avait pour elle aucun poids en regard du sien.
Et que lui, plus qu’un autre saurait qui elle était vraiment.

Depuis, les jours s’égrenaient en Nimes passablement routiniers.
Ethan se levait très tôt chaque matin, bien avant le jour qui tardait encore en cette fin d’hiver et c’est à peine éveillée qu’elle le voyait sortir de cette petite chambre qu’ils habitaient depuis leur arrivée vivant cette relation particulière et platonique que la vie semblait choisir pour eux.

En homme d’arme aguerrit, le licorneux s’astreignait à un entrainement quotidien, maintenant ses capacités guerrières à leur plus haut niveau.
Intriguée, elle n’avait pu s’empêcher quelques fois de le suivre à son insu, curieuse de ces exercices qu’étaient le maniement des armes.
Faile aimait l’élégance de ses gestes et méditait le plus souvent sur leur portée.
A se battre contre le vent, l’exercice ressemblait presque à une danse.
Un esprit, un bras, une arme redoutable qui fauchait l’air avec une précision implacable.
Prenant soin de ne jamais l’interrompre elle restait discrète et silencieuse, surement ne s’était-il jamais aperçu de sa présence.

Alors souvent, bien avant lui, elle retournait à l’auberge pour écrire quelques mots ou réfléchir.
Elle pensait parfois à la petite cabane qu’elle avait laissé derrière elle, tout à la force qui l’avait poussée vers lui.

Elle lui semblait bien loin sa vie dans cette petite bourgade de Savoie où le temps s’égrenait au rythme d’un travail journalier et d’une douce quiétude.
Rien à voir avec cette cité languedocienne qu’elle commençait à connaitre dans ses moindres recoins.
En effet, seule la plupart du temps, elle avait arpenté les différents quartiers de cette ville riche d’histoire où se croisait une multiplicité de cultures imprégnées encore de l’empire de Rome et de ses monuments somptueux.

Elle ne vivait chaque jour que dans le bonheur de le retrouver avec le crépuscule quand enfin il abandonnait son labeur quotidien devant une chope en taverne.
Alors, elle le rejoignait, impatiente et rêveuse entrelaçant ses doigts aux siens vivant chaque instant avec l’intensité de ce qu’elle ressentait pour lui, comprenant et respectant sa réserve.
Mais souvent leur regard en disait bien plus long et c’est sereine qu’elle entrevoyait le chemin qui s’ouvrait devant eux.

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E_newton
Les secondes, les minutes et les heures s’écoulaient inlassablement au quotidien sans que le Licorneux n’en prenne réellement conscience. Il œuvrait chaque jour avec la même ardeur, n’omettant rien de ses obligations. Pourtant, quelque chose avait changé. Une de ces choses inexplicables, insaisissables, qui faisaient qu’il n’était plus vraiment le même. Un sourire venait parfois prendre place sur ses lèvres sans qu’il n’en sache vraiment la raison. Cela lui arrivait alors qu’il était occupé à rédiger une missive, ou à prendre connaissance d’une autre. Quelle idée lui traversait alors l’esprit qui parvenait à le rendre presque jovial ? D’aucun le connaissant l’aurait croisé en ces moments, en serait certainement demeuré pantois. À croire même qu’on l’aurait « drogué », le Ténébreux. Mais il était des drogues si douces qu’on appréciait à en pâtir.

Bien que l’ampleur de ses tâches quotidiennes ne diminuait guère, voire même tout au contraire s’amplifiait, il s’attachait quotidiennement à passer du temps avec elle. Et choses des plus inaccoutumées chez lui, il lui parlait de tout et de rien. Bien entendu, il avait une préférence naturelle pour l’animal mythique et tout ce qui y avait trait. Elle l’écoutait avec assiduité, faisant même preuve d’un exceptionnel savoir sur la Chevalerie et tout ce qui s’y rattachait. Mais plus que tout, c’était cette tendresse, cette chaleur et cet amour qui émanait d’elle qui le rassérénait. Cet Amour, elle le lui avait par ailleurs ouvertement exprimé lors de l’une de leurs soirées en taverne. Ces trois mots énoncés de sa bouche, lui avaient procuré le même subtil plaisir que lorsqu’elle s’était présentée à lui pour la première fois. Ils s’étaient longuement regardés, silencieusement, comme ne voulant pas briser le charme de cet instant si particulier. Chacun appréciant dans le regard de l’autre tout ce qu’il pouvait y deviner, le visage du blondinet était venu à la rencontre de celui de Faile, jusqu’à ce que ses lèvres viennent effleurer les siennes et qu’enfin ils échangent un baiser suave.

Ils n’avaient plus échangé un seul mot cette soirée là, et ce fut toujours main dans la main qu’ils rentrèrent en l’auberge qui les hébergeait pour s’y reposer chacun dans son propre lit. Leurs doigts enlacés comme à l’accoutumée, ils s’étaient endormis sans formuler aucun commentaire, se contentant d’apprécier cet échange si particulier qu’ils venaient de partager. La nuit lui avait été étrangement douce et dépourvue de ses éternels tourments. À son réveil, elle semblait encore plongée dans les bras de Morphée, et son visage angélique était éclairé d’un adorable sourire. Rêvait-elle ? Se repassait-elle leur soirée de la veille ? S’imaginait-elle en d’autres lieux ? Il n’aurait su le dire, seule elle était détentrice de cela, mais s’en souviendrait-elle à son réveil ? Silencieusement, il se prépara et s’en alla comme chaque matin répéter encore et encore ces gestes qui lui avaient déjà maintes fois sauvé la vie.

Ce fut à son retour pour se restaurer en taverne, qu’il découvrit trois missives. Une ne l’aurait guère étonné, mais trois le fit quelque peu sourciller. Il prit soin de prendre connaissance de chacune d’entre elles. La première était l’une de celles dont il avait coutume et grand plaisir à parcourir. Faile l’assurait à nouveau de son affection sans limite et surtout lui demandait de lui enseigner le maniement des armes. Il esquissa un sourire, se remémorant rapidement tous les cours auxquels il avait participé en Ryes, ceux délivrés par le Maître d’Armes en personne ou ses assistants. Il ne s’imaginait pas lui infligeant tels supplices, mais il s’attacherait à lui redonner son savoir. La seconde missive, il dut la relire plusieurs fois … Il n’en croyait pas ses yeux, pas plus que les mots qui étaient couchés sur le vélin. Sa rédactrice postulait officiellement en l’Ordre pour en devenir l’un de ses membres. Heureusement qu’il était assis le Licorneux, sinon il en aurait certainement chût au sol. Mais si tel était son choix, il ne pouvait tenter de l’en détourner, surtout la connaissant.

Pour en terminer, la troisième missive le fit s’assombrir quelque peu. Le nouvel Grand Ecuyer de France l’informait de troubles au sein du Royaume et requérait une attention toute particulière en l’un de ses Duchés. La première missive fut soigneusement pliée et rangée, la seconde fut envoyée en Ryes à l’attention du Haut Conseil, et il s’attacha à répondre immédiatement à la troisième. Ceci fait, il s’attacha à rassembler ses troupes afin de les informer de la nouvelle situation. Tous s’accordèrent à le suivre une nouvelle fois et décision fut prise de prendre la route dès le lendemain. Cela leur permettrait à tous de se préparer convenablement, et même au pire car la route d’un Licorneux n’était jamais faite que d’inconnues …

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Faile.
Sa tête reposait sur son avant bras. Elle était allongée sur le ventre sur ce lit qui était le sien depuis plusieurs nuits.
Pas vraiment son lit. En avait-elle eu d’autres ?
Le seul dont elle se rappelait était cette paillasse recouverte d’un linge propre qu’elle avait dans sa masure à Bourg, cette petite cabane qui l'avait abritée durant son séjour là-bas.
Toujours est-il qu'elle souriait à le regarder dormir ses cheveux blonds éparpillés sur l’oreiller à distance raisonnable.
Fermant à demi les yeux, elle appréhenda le contact de leurs doigts enlacés.
Si les siens s’était légèrement relâchés de par l’abandon si particulier que donne le sommeil, elle sentait bien qu’ils restaient liés plus surement encore que deux amants enlacés.

Faile se sentait emplie d’une sérénité peu commune. Malgré ses souvenirs enfuis, elle ne ressentait aucune angoisse comme si son chemin était guidé par des forces qu’il serait vain de vouloir contrer.
Alors, elle se laissait juste porter, essayant de poser un regard positif sur chaque chose.
Ses rêves l’avaient portée jusqu’à Ethan et elle se sentait comme un papillon irrésistiblement attirée par la lumière qui se dégageait de lui.
Elle pressentait, depuis un moment, que rien ne s’arrêtait là et que sa quête irait bien au-delà de cette rencontre.
De l’union de leurs lèvres, elle gardait le goût et l'émotion intacte et le simple souvenir de ce contact affolait encore son cœur et ses sens.
Elle n’avait jamais ressenti d’émotion si puissante, elle en était certaine. Une tornade intérieure qui ne demandait qu’à s’apaiser enflammait son corps et son esprit.
Sans aucun doute avait-il noté son trouble, voire la passion qui l’animait, mais il s’était vite ressaisi reprenant le sens même du mode de vie qu’il s’était choisi et des convenances qui allaient avec.
Toute à ses émotions, elle avait respecté son silence et sa façon de voir les choses. Apaisant l’élan et l’impatience.

A le voir ainsi abandonné à Morphée, elle sourit et laissa son corps s’engourdir peu à peu…

Quelques cris aux loin, des cliquetis d’armes que l’on range au fourreau. Elle marche dans une vaste plaine herbue nappée d’un brouillard si épais qu’il l’empêche de distinguer le monde qui l’entoure. Ses cheveux détachés descendent en cascade sur ses épaules recouvertes d’une cape d’hermine recouvrant une robe immaculée. Ses yeux attentifs et mobiles tentent de percer cet océan de brume qui dissimule, de façon inquiétante le monde autour d’elle. Pourtant elle ne ressent nulle peur. La vague qui l’envahit ressemble plus à une certaine forme de sérénité toute intérieure, la pensée que rien ne peu lui arriver. Peu à peu le voile s’estompe, le manteau opaque s’étire lentement, ne laissant ici et là que quelques halos de brume éthérés. C’est alors qu’elle le voit sur son cheval noir comme la nuit, épée au coté à observer devant lui, sans même s’apercevoir de sa présence. Il a un port princier et l’écu au coté. Sur cet écu, deux licornes saillantes affrontées sur l’azur. Son visage est impassible ou emprunt d’une distance qui lui est peu commune. Son regard d’acier courre vers l’horizon comme à l’affut.
Suivant la direction de son regard, la jeune femme appréhende alors, en contre bas, une forteresse en pierres grises qui se dessine dans une vallée verdoyante. Ce qu’elle avait d’abord pris pour une plaine était en fait une colline qui domine un site magnifique voire impressionnant dans la douce lueur qui fait fuir à présent les ténèbres. On semble s’agiter en bas. Des hommes à cheval qui s’affrontent sur une lice, d’autre qui, comme dans chorégraphie bien réglée, s’opposent à l’épée. Un moment hypnotisée, elle reste la immobile à s’emplir les yeux à peine gênée par la brise légère qui lui caresse le visage. Ses sinoples alors reviennent vers lui. Il n’a pas bougé. Seuls les quelques mouvements de Storm lui donnent un air de réalité. Alors, doucement, elle s’avance, foulant d’un pied léger les pousses nouvelles. L’a-t-il vu enfin ? Il semble oui, car il tourne doucement la tête vers elle son expression empreinte d’un léger sourire. Mais plus elle s’approche, plus il semble loin, plus le chemin devient ardu. La pente qui lui paraissait douce semble s’accentuer peu à peu rendant son pas pesant et lourd. Son effort se fait de plus en plus sentir et son souffle s’accélère. Nulle question pour elle de baisser les bras. Elle lève vers lui un regard dérouté


Ethan…

la jeune femme se réveilla en sursaut le corps baigné de sueur, prenant lentement conscience du monde qui l’entourait. Les murs de leur petite chambre étaient de nouveau là, presque rassurants et la raie de lumière qui s’immisçait entre les persiennes lui laissa à penser que la matinée était déjà bien avancée. Elle était seule, bien sur, comme à chaque réveil. Elle calma petit à petit sa respiration et son cœur affolé.
Déjà le rêve et l’angoisse qui l’avait saisi un instant auparavant s’estompait laissant place à sa pondération habituelle.
Cette journée se présentait comme les autres.

Trouverait-il aujourd’hui les courriers qu’elle avait glissés dans ses papiers la veille ?
La malice prit alors le pas sur le désarroi et sa bonne humeur retrouvée, elle se prépara à sortir.

Une nouvelle fois, elle arpenta les rues de la ville en en saisissant les couleurs et les odeurs. Quelques marchants ambulants haranguaient les foules, des gamins couraient de-ci de-là en criant, certains poussaient leur charrette, d’autre menaient leurs chevaux, toute une vie qui à bien l’observer donnait à chaque bourgade, son caractère et son identité.
Elle s’était trouvé, lors de ses promenades une jolie fontaine sur laquelle elle aimait à se reposer après son labeur quotidien. Elle aimait à s’y rendre pour un moment de solitude et de sérénité.
C’est là qu’hier, elle avait pris la décision de lui faire part de son envie de rejoindre l’ordre qui lui tenait tant à cœur et qu’elle avait rédigé à son intention le courrier officiel.
Faile avait une conscience aigüe du devoir de la chevalerie et si sa mémoire lui échappait sur ce qu’elle était vraiment, elle percevait bien ce qu’était l’honneur, la bravoure, la loyauté, l’humilité.
Dans sa naïveté, elle était encline à penser que chacun avait en lui ces qualités là, mais que bien souvent la vie les leurs avait fait oublier.
C’est toutes à ces pensées qu’elle le rejoignit quelques heures plus tard en taverne pour apprendre qu’ils partiraient le lendemain.

D’abord surprise, elle n’osa lui poser quelques questions que ce soit, inclinant juste la tête pour lui signifier qu’elle le suivrait. Puis, quittant sa cape, elle vint s’assoir à ses cotés pour goûter sa présence et lui réaffirmer sa foi.


Je vous l’ai dit Ethan. Jamais plus ma main ne quittera la votre. ..
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