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[RP] Chambre.

Saens
Il avait dégoté, après s'être éclairci la voix et avoir fait gesticuler ses mains dans l'air en homme assuré, après avoir convaincu donc, le poupard de taulier, qu'il paierait la note dimanche, ce avec le sourire, une chambre au rez-de-chaussée. D'une propreté relative, avec un volet de bois donnant sur la rue passante, posée contre une table, deux chaises, au bord d'un mur une couche avec des draps blancs, un coffre et, seul en face de tous, un baquet. Le grand jeu quoi. Prime était passée sans se faire voir. Il aligna sur la table les trente-cinq deniers qui composaient son dernier bien monétaire, les yeux dans le froid bleu du matin, avant de plonger la pièce dans la pénombre.

Après avoir emmouscaillé le taulier une dernière fois pour qu'il daigne envoyer un larbin avec un pli, informant une personne, probablement introuvable, mais sûrement guère lointaine, de l'état de sa chambre, Saens se dévêtit, se dévêtit si bien qu'il ne lui resta que sa peau, et se garrota dans le drap. Et on le ne vit plus. Peu après le soleil entrait en scène et faisait percer ses lames par le volet de bois, qui jouèrent leur danse au fil des heures Saens, trop fatigué pour ronfler, ce qui nécessitait une activité que son pharynx ne se sentait pas de fournir, enlaçait un traversin comme il aurait tenu une amante charnue. Seul un bras dépassait du drap, le reste suait à l'intérieur.

Sa besace, trouée de vieillesse et prête à rendre l'âme - elle n'osait pas lui dire la pauvre, gisait échouée au pied du lit, comme elle avait toujours geü, monstre marin à l'épaisse peau de cuir. Dans ses entrailles, beaucoup de lettres, de la verdeur, des cartes avortées et restées blanches, ce qui souvent, lui semblait bien plus parlant. Elle prenait la poussière comme on prend l'air. Tierce. Saens remua, pas plus. Il avait passé la fin de nuit au dos d'un canasson, à faire des misères dans la nuque de son officieuse avec la ferveur du prosélyte, s'arrêtant parfois pour contempler le ciel. Mais pour voir le ciel, il avait dû se rompre le cou. Ces derniers temps, et il l'avait bien remarqué même s'il ne l'avouait à personne, son horizon diminuait au gré d'une cécité goulue qui lui rongeait peu à peu, mais indéniablement, les coins de son champ de vision. Le haut et les côtés du monde s'enrobaient d'un noir insondable. Il trébuchait souvent et s'était pris dans la nuit, rien moins que quatre branches dans l'œil.

Une branche, sois moins étourdi,
Deux branches, avale un peu d'eau-de-vie,
Trois branches, cesse de lorgner ta bonne amie,
Quatre branches, sur ton crâne, va faucher le persil.

Et au réveil il lui faudrait honorer cet aphorisme bancal, quoique fort tétraédrique, sortir son ciseau et, lui, ce raseur déjà plus que sporadique, mettre fin au capharnaüm grinçant qui régnait dans ses hauteurs. Exercice périlleux s'il en est. Même qu'il en tremblait déjà, tout au fond fin de son sopor paralysant qu'il était. Et pourtant non, non madame, il ne pouvait décemment pas se permettre de perdre un œil. Mais passons la disquisition capillacée qu'il faudra revoir au réveil, dans la chambre il est toujours Tierce, l'office était resté dans la gorge du temps comme un vieux morceau de panais rance voulant étouffer un vieux con. Et ça se bagarra ferme, ils se bouffèrent le nez au moins jusqu'à Sexte, même si tous les deux savaient que le vieux recracherait le morceau, comme toujours, et comme après.

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Saorii
Elle portait en elle le germe de sa honte, comme un fardeau. Aconit insidieux qui lui rongeait les entrailles pendant qu'elle étrillait pensivement le canasson. Elle ne lui parlait pas encore, à celui-là. Pas assez intimes. Apprenait à le connaître, le reniflait d'une narine prudente. Bouffée nostalgique pour l'autre vieille carne, compagnon de la première heure aux oreilles compatissantes, qui avait clamsé à Châteauroux non sans lui briser quelques côtes au passage, histoire de marquer la séparation d'une douleur aussi littérale que symbolique.

Proximité pas encore suffisante pour jaspiner, donc. Ce fut dans un dialogue intérieur qu'elle se lança, tentant de nier la sensation qui s'insinuait frauduleusement depuis déjà quelques minutes, quand, pli à peine reçu en main, elle n'avait pensé qu'à une chose: griffonner un mot d'excuse, trouver une échappatoire, quelle qu'elle fut, pour ne pas le rejoindre... Elle flatta l'encolure de l'animal tout en mettant le point final à la discussion silencieuse, dans une acceptation résignée de sa propre faillance. Une simple lâcheté, cette dérobade. Et non la volonté de préserver une indépendance déjà devenue illusoire.

Si elle avait connu bien souvent l'émoi des corps et le vertige des sens, il était une chose qui lui était encore peu familière, pour ne pas dire inexplorée: l'intimité avec un être humain. Alors quand ce dernier se trouvait être un brun furieusement aimé qui savait lui prononcer des odes corrosives en guise de mots doux, le cœur de la Sao flanchait. Fort heureusement, un sursaut de fierté teintée de gloriole et d'impudence juvénile vint au secours de sa déraison. Elle se reprit, se secoua, et chassa la peu reluisante constatation d'une résolution triomphante. Ce n'était qu'une chambre, qu'un homme, qu'une journée... Elle irait.

Un soleil glacial s'était levé sur la campagne environnante pendant que la brune exécutait les quelques tâches qui lui valaient la pitance et le logis de sa monture. Elle termina d'y épuiser son corps déjà éprouvé par le voyage, puis se mit en route vers le village. L'angoisse avait filé bien loin avec les derniers vestiges d'obscurité. Depuis leur rencontre et ces sentiments insensés, elle ne prenait plus la route mais foulait un territoire vierge et étranger, ses résistances vaincues à chaque foulée, comme cette fois encore, par l'évidence.

Elle pressa le pas. Se fit indiquer le chemin une fois arrivée dans les ruelles de Langres, et parvint jusqu'à une bâtisse qui ne payait pas de mine. A l'intérieur, le tenancier était plus engageant que son auberge, et il tenta d'entamer la conversation tout en la menant à la chambre. La voyageuse afficha un regard froid et imperturbable de manière à décourager toute familiarité qui lui aurait paru vulgaire en cet instant. Aurait plus manqué qu'il lui lance un clin d'œil grivois, tiens... Ne demandant pas son reste, il s'éclipsa, la laissant à la porte.
Le rythme ralentit alors, les secondes s'égrenant et s'étirant en minutes interminables alors qu'elle tentait de maitriser, en vain, des battements cardiaques qui s'étaient affolés. Elle finit par pousser la porte pour mettre fin au supplice, sans même songer à frapper. Et retrouva du même coup sa contenance assurée, dont elle ne se déparait que seule. Instinct de survie.

Remarque, on ne pouvait pas dire que la compagnie se faisait pressante. Elle embrassa la pièce silencieuse du regard, aperçut un éclair de chair qui jaillissait de la blancheur du lit, perçut un souffle régulier. Elle s'approcha sans bruit, et posa ses lèvres sur le bout de peau qui s'offrait à ses yeux fauves.

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Saens
Les marguerites remontent l'Indre en hiver et éclatent en violet.

Disait le boucher assis en face de lui à la table de bois. Virovitica, automne 1440, quelle heure est-il à Langres ? Saens, le menton posé sur ses paumes jointes, acquiesçait sagement à chaque prémisse absurde et buvait ses paroles, l'air absorbé. Pourquoi avez-vous cessé de me courir après avec une hache, avait-il envie de lui demander. D'habitude, vous le faites toujours, ça me fait voir du pays. Le boucher lui répondit que son tablier ne serait plus en disgrâce lorsque les charognes tireraient la lande. Ah ! Dans ce cas. Le boucher leva les yeux vers le plafond bleu : kišiti, il va pleuvoir. Saens leva également les siens, sentit une première goutte fraiche lui tomber dans le bras. Il allait devoir partir. Ils se serrèrent la main et le vagabond remonta la rue pleine de passants au teint bistré, respirant une rumeur d'épices et d'anguille frite.

Dans la chambre il demeurait comateux, prenant peu à peu conscience d'une caresse fraiche sur son bras. Ce dernier partit lentement en reconnaissance vers l'arrière, battit un instant dans l'air, ne trouvant rien. Il se déboita l'épaule et sa main rencontra enfin une hanche. L'étreignit, considéra la rigueur extrême, trop même, de la tenue qui la couvrait. La brune donc, cette brune, qui vaticinait sur les autres avec l'aisance d'une renarde dans une ronde de campagnols alors qu'il était lui encore incertain, il y a quelques minutes à peine, de jamais la voir apparaître dans cette chambre. Sourire sous le drap blanc. S'en extraire, paresseusement, du drap, obéissant à cette règle abominable de tous les réveils, la catabase de Saens quittant la touffeur régnante sous la tiretaine, œuvre de plusieurs heures d'exercice inactif, résultante thermique et paranoïaque de la peau d'un frileux, pour émerger dans le frisquet matin.

Il s'adossa contre le mur froid en aveugle, horizontal dans le lit, ramenant à lui un bout de drap pour cacher l'indécente appétence corporelle qui l'assaillait en cette matinée tardive, passa une main sur sa propre joue. Et ouvrit les yeux sur la brune qu'il distingua tout d'abord à peine, entourée de pénombre qu'elle était. Le soleil violait à présent l'obscurité voulue par les fentes du mauvais volet, éclairant la poussière jaune figée dans l'air avant de se répandre en taches disparates sur le sol. Il cligna des yeux, sourit en coin. Sûrement, elle avait failli ne pas venir. Là-haut ses mèches noires rejouaient la bataille de Vézéronce, ou d'Autun, il ne savait plus.
"Arrivez à temps pour..." Mais réveiller un Saens est une affaire qui a la qualité d'être longue, et sa gorge, qui entendait roupiller encore un peu, donnait le service minimum. Voix de rogomme. Il s'en excusa, la dévisagea, attendant que cela passe.

"Je disais donc, que vous arrivez à temps pour commencer la journée en beauté. Repas simple, pigeons croisés arrosés de miel sur lit de champignons sauvages, accompagnés de notre pain quotidien, ma seule certitude sur ce repas, puis balade romantique, il parait que je sais bien faire, au bord du... verger je crois, givré, de Langres, à ramasser des noix, à dire bonjour aux gens ou à cueillir ce bouquet de fleurs que je vous dois, même si les fleurs risquent d'être laides en cette saison, et, lorsque nous serons suffisamment enrhumés, bain chaud mais toujours chaste je maintiens, passant le reste de la nuit à dormir l'un contre l'autre comme deux martres amoureuses et repues..." Il fronça légèrement les sourcils, laissa sa parole en suspens, déjà fatigué d'avoir pensé autant de foutaises. "Évidemment, ma vertigineuse teigne, si vous avez d'autres projets comme ne pas en avoir, cela m'ira très bien... Comment allez-vous ?"
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Saorii
Sous ses lèvres, vint affleurer une plus grande étendue de tégument odorant, et le brun émergea des flots bouillonnants de drap blanc. Déroula sa grande et mince carcasse sous l'oeil désormais impavide, voire intéressé, de la brune décidée à ne pas perdre une miette de cette palingénésie capiteuse. Pas spécialement désavantagé par ce réveil impromptu, le trimardeur. Tignasse désordonnée qui incitait à aller y perdre ses doigts, ces yeux cendrés qui clignaient et ce petit sourire accroché aux lèvres, grand enfant sans âge, cultivant son mystère avec une indifférence étudiée et désarmante.

Saorii considéra cette apparition anadyomène avec une indignation silencieuse. Déjà que le dictamen de sa conscience n'était guère tendre avec ses sentiments envahissants, mais fallait-il encore que ces derniers se portent sur un être doté d'un charme nonchalant et d'un charisme pernicieux. La vagabonde aurait été sans doute moins sévère avec elle-même si l'objet de son tourment avait été une belle âme dans un corps ingrat. Néanmoins, elle chassa vite cette lucidité inopportune avec une résignation joviale, pendant qu'il prenait la parole d'une voix un peu rauque et ensommeillée. Des animaux, oui. Et l'amour, une fumisterie à échelle humaine aveuglant les sens et abusant l'esprit. Et alors ? Elle était bien.
Cela ne durerait qu'un temps, assurément, la raison reprendrait le dessus, occultant de son auguste clarté ce bonheur éphémère, béat et inconséquent. Brève vision prophétique de Saens posant son front sur les fonts baptismaux de Tastevin, pendant qu'elle retournerait à sa fange contemplatrice... Contemptus mundi.

Le temps de cette conversation intérieure - qui, on l'aura compris, était chez elle une marotte quasi obsessionnelle - elle n'avait guère suivi le fil du monologue mené par le brun, en face d'elle. Elle avait tout juste relevé des bribes, qu'en funambule retardataire, elle tenta d'ordonner dans un agencement cohérent: romantique, dire bonjour aux gens, chaste, martres amoureuses et repues. Cette fin la fit sourire malicieusement, ça allait bien avec bain et romantique, c'était incongru dans la bouche du brun, pour ça sans doute qu'elle la goûtait sans bouder son plaisir, pour changer un peu.

Elle se leva pour entrebâiller le volet, libérant la luminosité captive qui vint, la chançarde, jeter son dévolu sur le lit et sur la vénusté virile qui s'en échappait avec une lascivité désinvolte. Les yeux diaphanes devinrent azurins, Saorii détourna les siens, conservant son calme olympien et tentant d'ébaucher une réponse satisfaisante. Ce fut peine perdue, et elle hasarda donc quelques mots, improvisant au fur et à mesure et muselant d'une main ferme l'aspiole mutin perché sur son épaule qui lui soufflait des horreurs narquoises.


"Bien. Je vais bien. Et n'ai aucun projet si ce n'est de passer un peu de temps avec vous... Dans votre alléchant programme, je retiens en priorité le miel et le bain chaud..." S'interrompant: "Non, en fait. J'ai faim. Je vous laisse vous vêtir, non pas que la vision offerte soit déplaisante..." Elle esquissa à nouveau un sourire. "...mais je vous connais, vous allez vite avoir froid. Je descends voir ce que le taulier peut nous concocter, je suis de retour dans une minute."

Elle résista à l'envie de déposer un baiser sur ses lèvres, sachant bien que c'était à une autre sorte d'appétit qu'elle cèderait alors, et sortit de la pièce non sans se demander fugitivement comment il s'y était pris pour dénicher cette piaule sans un fifrelin en poche. A croire qu'il n'embobinait pas que les femmes éprises d'ailleurs, son suborneur anachorète... Elle avait heureusement quelques écus dans sa bourse, ce jour-là, ce qui lui permettrait de pallier cette lacune criante d'ironie dans leur déroutante gémellité.
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Saens
Sitôt la porte refermée, Saens alla perdre ses pensées dans des conjectures hasardeuses. Et si la brune ne revenait pas ? ,s'interrogeait-il sans réellement le faire, tout en fixant la porte par laquelle elle venait de s'enfuir. Peut-être n'avait-elle pas du tout faim et avait prétexté un vide stomacal pour quitter la pièce au plus vite et pour aller, sans plus attendre, courir les champs. Quand bien même elle eut fait preuve de bonne foi, quand bien même sa petite panse douce n'aurait pas vu la couleur du pain depuis deux jours, était-il impossible, en toute objectivité (il se glissa jusqu'au bord de la couche, cueilli par les premiers frissons), qu'en ce jour à Langres, de l'an mil quatre cent cinquante-sept sexte passées, en cette même auberge (il passa un bas de laine, puis l'autre), un crétin blond de freluquet à l'esprit vif descende chercher un plat de lentilles, croise son regard fauve, en trébuche renversant sur elle et sa tenue licencieuse le contenu caca d'oie et pâteux de son repas avorté qu'elle, mutine, le lui pardonne (chaussé, il passa une paire de braies qu'il renoua d'une main absente) et lui propose d'aller réparer manuellement les dégâts vestimentaires dans l'encoignure pernicieuse d'un recoin renfoncé, parce qu'il est beau, parce qu'il est blond, parce que c'est un beau blond craquant quand il fait tomber un plat de lentilles. C'est à partir de cet instant que Saens se mit à détester de manière viscérale et inexpliquable, les blonds qui mangeaient des lentilles.

Il fourra la main dans sa besace, en ressortit son attirail de petit fumeur. A peine après il calait la tige en chêne de la pipe entre ses dents, crachait une fumée âcre et végétale, dernier vestige des feuilles de saule et de jusquiame fauchées dans le courant de l'année. Ladite fumée vint envahir ses poumons secs, achevant de réveiller la bête. Il était debout à présent. Il s'avança jusqu'à la table puis reposa la pipe près d'un récipient d'eau. S'en rafraichit la barbe et le front, dissertant muettement sur le danger méconnu mais véritable des blondins à lentilles. Il fit quelques pas vers la couche, plein d'une assurance folle qui se décomposa follement après qu'il eut ramassé sa chainse à terre et en eut reniflé le certain relent. Etrange mélange de sueur et de paresse, de sueur surtout mais pas de la bonne, pas de cette saine sueur virile non, la sueur puante du vagabond crevé, qui empeste et qui ne plaît pas aux femmes, à aucune femme. Il jeta un regard inquiet autour de lui et marmonna, la pipe au bec

"Merdre, merdre..." Une nouvelle conjecture fit surface, la maraude : et si la brune revenait dans la seconde ? Déjà, craintif, il entendait des pas dans l'escalier. Adieu le miel, adieu le bain ? Brièvement ses quinquets s'écarquillèrent.

Il se rua vers le petit tas de linge, de laine et de chiffons qui se mortifiait dans le coin de la chambre, déchargé quelques heures plus tôt de l'échine étique de son mulasson, retourna les nippes une à une, jaugeant mentalement lesquelles étaient à laver ou non et surtout, denrée plus que rare, lesquelles auraient pu être une chemise propre. Il chassa d'une main pressée les volutes grises qui lui brouillaient la vue, bêtement accroupi. Il en vint presque à implorer le Blond Lentiphage pour obtenir un sursis, une réponse, un signe, lui promettant monts et merveilles : tu verras, je me raserai tous les deux jours et je prendrai soin d'une colonie de hannetons roses. Et je mangerai des lentilles. Tous les jours ? Deux fois par jour ! Promis ? Juré ! Craché ? Pas sur les lentilles. C'est alors qu'il le vit, le bout de manche qui dépasse du lainage troué et positivement inutile qu'il conservait depuis des mois. Enroulé dedans, la vieille chemise passablement propre; froissée, le col usé, retourné par le temps, la fibre glacée, le blanc vétuste mais, le plus important, une odeur de rien. Il la passa dans un grand soupir et vint poser sa carcasse devant le volet qu'il ouvrit, sa rue et les passants qui passaient. Saens se mit à se demander quel mot rendrait plus sensuel le mouvement des lèvres de la brune, "lard", large et fugace entrouverture labiale de la bien aimée ou "brouet", ourlure bilabiale gourmande plus qu'inspirante. "Fromage", "navet", cela ne donnait rien. Quand elle revint... Bref, il en était là.

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Saorii
L'œil se fit plus avenant et le visage plus bonhomme lorsque Sao extirpa sa bourse de sa poche, et la posa d'un geste indolent sur le comptoir. Quand il l'avait vue débouler, le tenancier rondouillard avait esquissé un large sourire, qui s'était estompé inexorablement à mesure qu'elle étalait ses conjurations culinaires avec une mine gloutonne. Elle était comme ça, la brune. Toute en excès. Vivait chichement neuf jours sur dix, régime artophage et botte de foin dans l'écurie pour tout plumard. Puis de temps à autre, souvent avant un départ, elle dilapidait ses émoluments en un claquement de doigt. Foucade assumée. Se payait une chambre avec bain, festoyait comme un seigneur et achevait ses ripailles dans une taverne, immolant ses derniers deniers dans une profusion jubilatoire de chopines. Se réveillait au matin dans des draps blancs sans un sou en poche, prête à repartir en somme, cœur aérien et rien à se faire entôler.

La donne était changée ces temps-ci, du moins pour les dernières cartes. Froissé et mis à mal, son pli de voyager léger. Ce satané palpitant, qu'en férue d'anatomie, elle situait dans la région des tripes, s'encombrait d'une lourdeur persistante, de vertiges exquis et insoutenables et d'une fâcheuse tendance à s'emballer en présence d'un vagabond hirsute et mal rasé, chose que la propriétaire prenait avec consternation. Pis encore, si c'était possible, elle avait maintenant quelque chose à perdre, pour ne pas dire tout.

Mais pour le moment, elle était bien loin de ces considérations, toute à sa description zélatrice des mets qu'il lui siérait d'ingurgiter. Le taulier en ouvrait des yeux ronds qui se posaient par moments, l'air de rien, sur l'escarcelle orpheline qui venait de s'échouer sur le bois. Lorsque l'impétueuse cliente eut dompté ses ardeurs gastronomiques, il entama la négociation avec des allures de chat précautionneux passant sur la margelle glissante d'un puits moussu. Accorda pigeons, gaufres et beignets, eut une dénégation navrée sur l'accompagnement
- "Donzelle, des champignons en cette saison, vous n'y pensez pas..." - escamota en un tournemain sa suggestion de lentilles et choux devant le nez froncé pour, d'une poêlée de raves et poireaux à la crème, radoucir les yeux fauves et courroucés. Nota docilement la véhémente insistance sur le miel, le pot le plus grand qu'il pourrait trouver, oui Damoiselle, et du roux, bien Damoiselle. Osa deux quémandes, une misère de temps pour réunir tous les ingrédients, et de quoi se rétribuer largement. Se vit concéder la première du bout des lèvres, et octroyer la seconde avec largesse, avant de s'engouffrer dans la souillarde en vociférant, valetaille juvénile aux trousses.

La brune s'étira en lionne affamée, et tourna les talons, laissant ses derniers écus sur le comptoir pour la chambre. Retour vers l'oisiveté du mâle, chasseresse victorieuse. Panse aux abois, babines pourléchées et regard salivant d'avance. Le trouva à la fenêtre perdu dans ses pensées, et s'approcha. Cette fois, encore toute frémissante de ses instincts carnassiers, elle ne fut pas longue à abolir la distance entre leurs deux corps et trouver ses lèvres dans un baiser qui ressemblait à une morsure.

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Saens
Un racle-denier de la bonne chère le taulier, qu'il lui faille lui servir de becquetance à la brune ? N'allait pas s'en plaindre. Pendant qu'elle entretenait, la dive châsseresse, ses implacables canines sur ce qu'il avait de bouche, il lui baffrait les lèvres avec appétit, s'en pourléchait comme un vieil ours, heureux de son sort, quitte à être dévoré. Entre deux lippées, en lui tenant le menton, safre de brune qu'il murmurait, pas humaine, ma peste veinée de roux-coulant, ma mauvaise plantée dans le fressure, nymphe abrupte, callipyge - le geste accompagna la parole - acide, ma petite-haine tout bâtie de chaux noire, ma lèpre d'Albi, ma chatte ravageuse, mon bouillon d'onze heure, nuisible accorte à cordes, vénéficiarde veloutée, ma mouche mordicante, et caetera. Elle allait fuir, pour sûr, mais lui, de la sentir dans ses bras, ça le rendait tout doucet, il ne retenait plus rien, jabotait à voix basse des mots doux qui écorchaient l'oreille. Le pis, c'est qu'il aimait son vice, l'arrosait en clandestin, son champ de mignardise. Les boûtures de naguère étaient devenues buissons désordonnés et verdâtres, foisonnants et disparates, vers lesquels Saens se penchait pour voler une ronce qu'il offrait ensuite oralement à son épousée. Comble du malheur amoureux, les ronces ont cette vertu d'être béchiques, et sous cette tisane verbale jamais son timbre ne s'altèrerait. Le baiser il le prolongea donc, le prolongea tant en temps qu'en ampleur, tant et si bien qu'il se tut, commença à déraper, fainéant, contre le mur. C'est qu'il avait faim l'assez pâle chemineau.

Le taulier frappa à la porte, pour sauver la bonne morale et les yeux du lectorat, accessoirement, apporter les mets. Saens ne trouva qu'à râler, ouvrit et regarda défiler les lubies gastronomiques de la brune jusqu'à la table, la mine perplexe. Pigeons, raves et poireaux, à la crème - avait-elle prévu d'en donner une partie au merle obèse qui merlôtait là-bas ? L'amène et rougeaud taulier s'excusa, car les gaufres, les beignets et le quelque chose, peu habitué à l'accent champenois qu'il était, Saens ne parvint pas à déchiffrer la dernière composante de l'équation culinaire, viendraient plus tard, et ramena sa paire de fesses vultueuse, on le supposait, vers d'impérieuses obligations. Dans une cruche, six formes, flottait un liquide ambré qui n'était certainement pas de l'eau. Long regard vers la brune qui, il s'en rendait compte à présent, n'avait pas chômé. Après des jours à s'être sustanté tel l'ascète en temps de guerre, voir viande et crême c'était comme contempler un monolithe turquoise décoré de gravures barbares tombé en plein dans la chambre, ce qui en soi était bien joli ; et puis barbare c'était son mot préféré, il aimait moins la couleur cependant ; mais un peu saugrenu. Enfin un sourire lui hameçonna la commissure des lèvres, car, bon, après tout. A trop penser dilatoire les pigeons refroidissent. Et l'on panse mieux la pensée pleine. S'assit donc devant les cadavres fumants et juteux, se demandant par quel absurde principe les hommes partaient à la chasse depuis des siècles alors que de toute évidence, de l'autre côté de l'espèce, les femmes uenabant très bien toutes seules. Surtout celle-ci.

Avant que la première bouchée ne fut avalée, il fit signe qu'il allait se recueillir et ferma une paire d'yeux tragiques sur le monde.

"Grand Barbu, bénis la chair des pigeons. Bénis ma chère Saorii, qui en a bien besoin. Bénis également ces raves martyrs, sacrifiées par la femme, cette perfide créature, pour nourrir l'homme et son gaster. Bénis les poireaux. Et bénis la crème, ange contre la fadeur."
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Saorii
S'enfuir ? Saorii n'y songeait même pas. Avait totalement souscrit à sa condition d'animal pensant pour, de lionne, se faire chatte pelotonnée dans ses bras, ronronnante sous la caresse des mots infligés. Contre lui il la serrait, et elle fermait les yeux, ridicule, pleine de grâce, charmée d'être pas humaine, grisée d'être ravageuse. Des coups frappés à la porte la délivrèrent momentanément de ces excès délirants bien que, se complaisant depuis quelques instants dans un égarement volontaire et chimérique, elle prît plutôt cela comme une fâcheuse interruption dans des agapes qu'elle ne préméditait plus vraiment comme culinaires.

Cependant, un Saens grommelant ouvrit la porte, céda le passage au tenancier, somme toute véloce, venu livrer en pâture ses victimes emplumées, et du même coup, à la lucidité lambine de la brune. Délivrée donc, par ce rapatriement de la conscience exilée, d'un laps d'animalité intense, sulfureuse et partagée. Retour à la chambre, à la cuistance, et à un épigastre qui se rappelait soudain à son bon souvenir, si bien que vaincue à la fois par la tête et la panse, elle s'assit sans plus d'atermoiement. Ignora l'air quelque peu ébaubi du brun, qui peut-être se repassait la diégèse précédemment formulée, et se demandait si elle comptait s'y tenir de bout en bout.

Alors qu'elle s'apprêtait à lancer un assaut à la hauteur de ses appétences, il ferma des paupières douloureuses et se mit à marmonner une prière qui la laissa coite. "Bénis ma chère Saorii, qui en a bien besoin..." Elle suspendit son geste. Qu'entendait-il par là ? Invoquer sur elle la protection de son fameux barbu auquel il semblait particulièrement tenir, passait encore, si ça l'amusait. Mais en quoi était-ce une nécessité ? Elle fronça les sourcils, son cerveau agité se mit à examiner les possibilités, oubliant les bisets qui lui faisaient de l'oeil, là, parementés de leur coulis ambré. Première hypothèse, une épitaphe. Regard fauve qui épia le brun. Si elle concevait sans mal qu'il puisse faire peur à certains - surtout à certaines, d'ailleurs - il lui apparaissait totalement inoffensif, du moins à l'égard de son intégrité physique. Car pour le reste, c'était sans doute l'être le plus délicieusement délétère qu'il lui ait été donné de rencontrer. Mais bref. Deuxième hypothèse, il cherchait à attirer la mansuétude divine sur une pauvre brebis égarée. Prunelles indignées cette fois-ci, rivées sur le vagabond qui commençait à becqueter, l'air de rien, après avoir distillé sa commisération empoisonnée.

Quand bien même elle aurait eu envie d'une bénédiction, la Sao, elle savait bien que c'était peine perdue. Le contentieux était trop important. La vertu de conviction n'avait jamais été son fort, déjà, mais quand il avait fallu renoncer à celui qui l'avait faite femme, au nom d'un dogme qui pratiquait une concurrence honteusement déloyale, elle n'avait mâché ni ses mots ni sa haine à l'encontre de l'Unique flanqué de ses deux acolytes et planqué sur son nuage. Mais cela, le brun ne pouvait pas le savoir... Pour finir, elle n'y tint plus, et comme il lui jetait un regard interrogateur devant son assiette inviolée, elle hasarda d'un ton qu'elle voulut désinvolte:


"... qui en a bien besoin ?"
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Saens
Il la sonda du regard, ingurgitant un bout de pigeon, fine gueule et absorbé. C'est qu'elle semblait aussi sérieuse qu'il était railleur. Drolatique, cette faculté qu'il avait parfois d'être un pince-sans-rire tellement sans rire qu'on ne riait pas. Tu as le sarcasme trop austère, grand slave. Enterré, l'humour, fallait creuser. Et s'il continuait sur cette voie, enterré, le slave. Il y alla donc gaiment : léger sourire en coin quasi compatissant et doigts tapotant sur le dos de la dextre brune, comme pour la rassurer. Et voix d'église. Autrement dit qui se fait basse lorsqu'il s'agit de dire une vérité.

"Enfin vous savez bien... une fille comme vous..."

Et de reprendre sa main pour vider sa platée dans une illusion d'ataraxie, laissant peser dans l'air tout ce que l'"une fille comme vous" pouvait bien comporter, lui donnant le temps de savourer les points de suspension qui flottaient encore dans l'espace, les sales petits délateurs. Il guettait l'oeillade fauve qui déterminerait à combien de pieds son cénotaphe de fortune s'enfoncerait sous terre. Et développa encore un peu, pour la forme du geste aussi désespéré fut-il, qu'une fille, comme elle donc, aux moeurs dessalées - mais il ne l'en blâmait pas ! - , à l'oesophage aussi entraîné à la bière qu'un bucheron froqué eut pu l'être - ce qui était somme toute admirable pour une si fine gorge - et aux atours naturels pandémoniaques - mais l'avait-elle voulu ? L'avait-elle choisi ? - , ne pouvait contredire son bon époux quand ce dernier recommandait vivement au Très Très Haut de la bénir.

Parlant faisant il trempait le bout de l'index dans le jus et y traçait des sillons difformes, avant de le porter à ses lèvres et de le ramener, propre comme au premier jour, vers la flaque ambrée qui tapissait le fond de l'assiette.C'est juste après qu'il commit sa faute, envoyant à la brune un regard où perçait de la tendresse à s'en trouer la pupille. La prunelle n'est qu'une rosse qui colporte ce que l'on a dans le fond du crâne, qui le vomit au su et vu de tous, en plein devant notre poire, et, le coup du maître, en toute discrétion. Une saleté. Pour le coup, il rabaissa ses traitres d'yeux crevés et laissa venir un sourire éthéré. Ou déterré.


"Rappelez-vous, nous avions dialogué une nuit entière, avant que vous ne vous jetiez sur moi au petit-matin, et avions convenu que les sirènes s'attrapaient avec un œil au bout de l'hameçon. Il y a quelques jours, je pensais qu'être ours aux prunelles grisâtres, ç'aurait pû être un défaut de nature avantageux. Mais il n'en est rien. Je vais vous confier un secret. Pour une attraper une sirène, il suffit de l'asticoter." , avoua-t-il, monocorde. Et rajouta, positivement amusé par lui-même,

"N'écoutez pas mes bêtises et repaissez-vous avant que le biset ne soit définitivement froid, s'il vous plait. J'ai ce don accablant de mettre à sac les ambiances."
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Saorii
Saorii leva un sourcil. Mais c'est qu'il se gaussait l'animal ! En rajoutait, en faisait même des tonnes... Rassérénée, elle attaqua donc enfin son assiettée, tout en l'observant à la dérobée tandis qu'il développait sur ses hypothétiques turpitudes - il était encore bien loin de la vérité - puis sur cette fameuse discussion sur les sirènes qui l'avait conduite, elle ne savait trop comment, à sceller sa route à la sienne. Ainsi donc le trimardeur n'était pas si pieux que ses fréquentes visites à l'église le laissaient supposer... Pourquoi donc ce projet de baptême à Tastevin ? Elle lui poserait la question en temps et en heure, mais pour le moment, faisait honneur au butin, bâfrant avec entrain, poussant des soupirs gloutons et appréciateurs tandis que sa panse indigente se taisait sous l'oblation qu'on daignait enfin lui sacrifier.

Elle finit par repousser son assiette, momentanément repue, et rattrapée par d'autres inclinations. La faute à ces yeux clairs posés sur elle, ou la proximité du lit défait, peut-être. Cependant, sa cervelle indocile, lassée d'être reléguée aux seconds rôles, se saisit de l'évocation précédente qui flottait encore entre eux et la tritura, tentant de colmater les brèches de sa mémoire défaillante. Se jeter sur lui... Elle avait fait ça ? Le fait ne semblait pas hautement improbable, mais elle l'imputa tout de même à une mauvaise foi toute virile. Ses souvenirs étaient confus, elle avait perdu toute notion de temporalité, incapable de déterminer comment les événements s'étaient enchaînés depuis son arrivée fortuite à Châteauroux. Était entrée libre et sans attaches en taverne, de mauvaise humeur à ce qu'il lui semblait. En était sortie épousée et déroutée, après avoir croisé un brun qui alignait des miettes et dont le silence était plus parlant que tout ce qu'aucun mâle avait pu lui dire jusqu'alors. Le lendemain, elle rencontrait la blonde, et s'écoutait, amusée, expliquer à cette parfaite inconnue qu'elle aimait, que cela était fort fâcheux, parce que d'une part elle ne croyait pas à l'amour, et que d'autre part, ce n'était pas du tout l'idée qu'elle se faisait du mariage.

En un peu plus d'un mois, elle en avait appris très peu sur son bizarre d'époux. Ne savait rien de son passé ou si peu, images et omissions. Elle ne pouvait lui reprocher d'éluder ses questions, n'en posait pas - enfin pas là-dessus. Leurs échanges n'étaient tout simplement pas de cette nature. A se connaître trop bien, d'emblée, ils avaient évité le rite qui consistait à se découvrir l'un l'autre - illusion fatidique, puisqu'en fait de découverte il s'agissait la plupart du temps de piocher dans les cartes qu'on nous tendait afin d'agencer une main gagnante, pour s'étonner quelques temps après que le jeu n'avait pas été entièrement dévoilé. Ne s'étaient pas découverts, donc, ni vraiment ni faussement, puisqu'ils étaient déjà à nu.

Le taulier repointait sa bedaine rondouillarde dans la pièce. Elle eut un soupir de contentement, conscience noyée dans le pot ambré qui exhibait sans vergogne ses liquoreuses promesses. Chercha quelque chose à dire, ne trouva rien, comme souvent. Plongea un index dans le miel roux, et le tendit à l'ours qui la toisait de ses yeux gris.

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Saens
Le menton calé dans sa paume, il la laissa achever paisiblement son frichti, observant les pans d'elle que l'obstruction de ses doigts lui laissait bien voir ; le cisèlement d'un tiers-visage, une main qui s'agite seule, une bouche morte au mitan qui faisait disparaître, c'était suspect, la part de sa jumelle. S'il remuait les phalanges la bouche réapparaissait, préjudiciant au front, au sourcil et à un morceau de joue. A l'intérieur de sa carcasse c'était musique douce, le pigeon et ses amis descendaient jusqu'à la grande plaine le long de sa carlingue, comme une paire de va-nu-pieds heureuse de voir les lueurs du jour après une nuit de douleur. Le temps que sa becquetance traverse la pente de son œsophage, cueillant ça et là des asphodèles dans le froid de février - qui sait ce que font les pigeons une fois avalés - et se dirigeant sereinement vers le fatum des sucs, il avait mis fin à ses activités d'œil et de doigts. Avant que d'avoir le tournis.

Et puis c'était le bruit luisant du pot de miel qu'on venait de poser sur la table qui l'avait interpelé. Il tourna vivement les yeux vers ledit pot, comme un animal à l'affut, tout d'abord, comme l'homme désorienté, par la suite. Depuis combien de siècles n'avait-il pas goûté au miel ? Il raccrocha son regard sur elle. Elle n'aurait pas pû faire mieux, il avait le coeur torché, les babines salivantes c'était, en somme, un ours à sa merci. Plongé dans une torpeur de pestiféré. C'est l'émergence d'un emmiellé d'index rouquin sous son nez qui l'en tira, de sa torpeur, et vint lui murmurer à la narine, qu'il avait fort régulière, des promesses hardies. Enfin, il se sentait tout...


"... tout melliflu." Qu'il lui dit.

Quant au reste, on se doute qu'il ne cracha pas dessus. Alors, ce miel ? Châtaignier ? Il hésitait. Il hésita avec insistance, tant qu'il eut du miel sur le doigt, et lorsqu'il n'eut plus que la pulpe de la brune en bouche, il eut le regard doublement brillant. Et cet éclat soudain n'avait rien de l'ange, et un peu de l'enfant.

Il amena la brune dans les draps en pagaille, revint sur ses pas pour chaparder le pot de miel qui vint s'échouer contre les vagues de tiretaine, drôle de récif, bocal englué. Il lui expliqua que c'était manquer de raison que de manger son miel autrement qu'avec le doigt, et quand il causait miel le vagabond pouvait se faire bon rhéteur, et que miel ne se disait pas miel mais mêd, mais que cela peu de gens le savaient et qu'il ne fallait pas leur en vouloir. Il lui dit d'autres détails aussi, avant de refuser à s'étendre sur le sujet barbant des terminologies, des moineaux et des châtaigniers. Et justement, vidée d'un quart, se trouvait devant lui une bonne raison de se taire.

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