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Défaite : déconfiture et pas de pot.

Griotte
[La chasse à la Paillasse est ouverte... si vous la dénichez, une Poche à Gnôle offert!]


Campagne limousine... Nous sommes en présence d'un spécimen de morveuse dite exubérante, à tendance brailleuse-grailleuse, atteinte de bou(r)derie aïgue. Tachons de nous faire petit et observons la évoluer en solitaire dans ce milieu naturel des plus hostile. Naïve, la Griotte se faufile d'un pas tire au flan à travers les nids-de-poules parsemant le chemin, sans se soucier outre-mesure de se faire discrète ou des dangers qu'elle encourt à se déplacer sans sa meute. Brebis égarée ayant perdu son troupeau de vue, elle le piste tant bien que mal, mais impossible de compter sur son flaire implacable pour l'aider dans cette tache ardue - Ouai! Elle a chopé froid y a deux jours et aujourd'hui, elle a le nez bouché! La faute à Pad'chance! - Ne lui reste plus qu'une seule solution : relever les empreintes du passage de la Paillasse et de sa Poche à Gnôle. Faut dire que la chose n'est pas des plus compliquée... Z'ont pas fait dans la finesse, fort heureusement pour elle!

- P'tain!... Ch'ais pas où c'qu'il a appris à conduire la Barque-mobile l'Burrich, mais ch'rais pas étonnée d'les retrouver les quatre roues en l'air dans l'prochain virage! L'est complètement frappa-dingue c'maroufle! (1)

Éberluées, les émeraudes observent les traces de dérapage laissées sur le chemin par les roues de la charrette. Le tournant a été pris à l'arrache - et c'est l'cas d'le dire! - Les buissons bordant la route ont quelque peu souffert de leur rencontre avec le flanc du véhicule, qui les a dépouillé de la moitié de leurs branchages. En plus, la coupe n'est pas des plus réussie! Les fourrés dégarnis ne permettent même plus de se réfugier derrière eux en toute intimité pour une pause coqu.. p'tit coin! C'est du propre!... Enfin, non! C'est pas du propre, justement!

Secouant la tête une dernière fois devant la scène, la morveuse reprend la route en suivant les indices témoignant du passages de l'attelage de compétition. Traces de dérapages et de freinage, feuillages éparpillés sur le chemin, échantillons de planches, cadavres de barriques ayant passées par dessus bord... Y a de quoi faire! Une poignée de siècles plus tard, on appellera ce genre de pistage "une course d'orientation", durant laquelle il s'agit d'effectuer un circuit en suivant les indices dispersés tout au long du parcours, jusqu'à l'arrivée. Généralement, boussole et carte sont fournies aux participants, mais en l'occurrence, la môme s'rait bien incapable de s'en servir si elle en avait en sa possession! Le parchemin bariolé ne lui servirait qu'à se torcher le fion derrière le prochain buisson en bon état qu'elle croisera...



(1) Oui, la morveuse brailleuse-grailleuse n'a pas la langue dans sa poche. Il lui arrive régulièrement de se taper des soliloques, bien qu'elle n'ait pas encore atteint l'âge avancé des vieilles radoteuses - D'ailleurs, mieux vaut ne pas imaginer ce que ça donnera! Ça craint, moi j'vous le dis!
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--Passoire




« Soeurette.. Soeurette..
Pâqu’rettes. »


C’est le printemps et il ferait presque beau alors que la petite sœur fait en sorte de semer son idiot de frère dans les buissons les plus touffus. Elle, toujours à l’affut tout ou de rien, n’en a rien à carrer de celui dont les neurones ne se bousculent pas au portillon. Un poids dont elle se serait bien passée plus qu’autre chose.

Pour la petite histoire, le retardé de vingt cinq ans qui n’a pas toutes ses dents, est resté sous surveillance maternelle toute sa vie. Elle n’était qu’une prostituée sans avenir et avait toujours peur de perdre ses clients à la vue du genre de progéniture qu’elle avait mis au monde. Il était toujours installé dans le grenier de la bicoque insignifiante à l’abri des regards indiscrets. A la mort de cette dernière, sa sœur, bien plus indépendante de surcroit alors qu’elle était plus jeune de quelques années s’était retrouvée avec une Passoire sur les bras. Elle qui avait réussi à échapper au cocon familiale des plus désastreux.

Mais un simplet est heureux. Un simplet se contente de cueillir la moindre tige intéressante et de marcher en sautillant tel une gazelle pleine de zèle. Il imite les biches parfois, tout ça parce qu’il en a croisé quand il était tout petit. C’était alors que l’on ne le savait pas encore bêta, le croyant pleins de ressources à un avenir prometteur. Ce que les mères peuvent être naïves quand il s’agit de leur gosse tout de même. En plus de ça, il est des plus attachants. Quand il se balade au gré du vent dans un village traversé, ça ne rate pas, il rameute le monde en une fraction de seconde. Les gens compatissent au malheur de la sœur. Elle déteste ça, préférant la discrétion à tout autre. Les taloches ne ratent jamais, mais lui il répond toujours par un sourire niais à sa sœur. D’abord parce qu’il l’aime le bougre et ensuite parce que pour lui, c’est tout bêtement une marque d’affection. L’a toujours été traité comme ça depuis sa plus -tendre?- enfance et ce n’est pas maintenant que ça va changer.


« Soereeeetteuuuh.. Attaaaaaa…. Paqu’retteuh pour toi! »

Et il papillonne des cils en plus de ça. Rien de mieux pour encore plus exaspérer sa sœur qui continue d'avancer, imperturbable. Surtout quand il oublie certains mots dans une phrase pourtant si facile. Pour ça aussi il n’est pas très doué. C’est peu surprenant en même temps surtout lorsque l’on sait que jamais personne n’avait osé lui parler comme à une personne normalement constituée. Et ils sont où déjà ce jour à marquer d’une pierre blanche parce qu’il voit des pâquerettes pour la première fois? Pas que cela importe pour lui, mais surtout pour la suite de l’histoire parce que vous vous doutez bien qu’ils vont tomber sur une gosse qui n’a pas la langue dans sa poche.
Mais oui.. le Limousin.


« Oh.. Cadavres. Bizarres. Fléchette! Mire. »

Alors, normalement on fait comme la Griotte, on peste et on hallucine en voyant le nombre incalculable de branches cassées sur les bords de route, ou alors on renifle le sol en le caressant du bout des doigts pour savoir si les traces sont encore fraiches. Passoire lorgne sur les cadavres de bouteilles violemment déviée de leur trajectoire à cause de la charrette branlante à la place. Parce que c’est beau des bouteilles et pis ça sent fort dedans.

« Les prendre. Toutes! »

Vous imaginez la scène? Oui, il zigzague entre les branchages et les attrape une par une pour les entasser dans ses bras costauds. Malheureusement pour lui, elles chutent, et rechutent et se brisent parfois. Qué malheur..


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--Flechette..


La vie n’est qu’une catin qui se donne au plus offrant et manque de bol pour la Blanche, elle n’avait jamais donné assez, la preuve en était qu’il continuait à la suivre. Il ? Son demeuré de grand frère. Quand bien même elle allongeait les foulées, il s’obstinait à la rattraper. Et ses cris lui vrillaient les tympans, vie pourrie qui s’acharnait. Depuis sa naissance, où alors que la sage-femme l’avait déposée dans des chiffons crasseux pour essayer d’arrêter l’hémorragie de la mère, pensant que puisque l’enfant ne respirait pas, il fallait au moins sauver la mère. Et ces trois mots que tous les nourrissons s’entêtent à dire aux adultes : Je suis là ! traduis par un simple vagissement, mais un vagissement irréel, sorti de la mort même où l’enfant s’était plongée seule, peut être pour échapper à la vie exécrable qui l’attendait, mais la vie est plus forte et l’avait obligée à respirer, alors elle avait hurlé. Et comme un couperet, la voix de la vieille de sa couche : Tu seras pute comme ta mère, ma fille. Blanche, fille de Manon la Catin, et pourquoi pas Colombe ! Comme elle le maudissait ce prénom, mais comme il lui allait bien, car de la pureté de l’enfance ne restait que cette chevelure blonde si claire qu’elle en semblait blanche. Elle le maudissait tant et si bien, qu’elle avait fini par adopter le surnom donné un soir alors qu’elle n’avait que cinq ans, par un des clients de sa mère alors même qu’elle courrait pour lui échapper pour ne pas le suivre à l’étage comme sa mère lui avait ordonné. Fléchette. Cela ne l’avait pas sauvé mais elle avait gardé de la rancœur, et s’était promis de courir plus vite que tout le monde pour échapper au destin.

Et elle avait couru sans se retourner, elle avait réussi à mettre derrière elle, cette vie de misère, se reconstruire une vie à elle, se faire des connaissances et même rencontrer un gars qui voulait bien d’elle. Mais la vieille était morte, et le Jeannot avait pris peur quand la Blanche lui avait dit qu’elle se retrouvait avec son idiot de frère sur les bras. Et les voilà.. A arpenter les routes, parce qu’ils avaient été chassé.. Pas lui.. Elle. Trop blanche, surement sorcière, surement comme sa mère, tout plutôt que de marier un gars du village à la fille de la putain et à la sœur de l’idiot du village. Les gens n’avaient pas peur de son frère, trop benêt pour être effrayant, mais d’elle, de sa chevelure de vieille femme contrastant avec son visage trop lisse, trop poupin.. Et à 17 ans, Fléchette savait que leurs vies étaient foutues et pourtant, elle s’obstinait à trouver une raison à son malheur : la famille et surtout Lui. Pas parce qu’il était débile, elle avait su se faire à l’idée que son frère ne comprenait pas le quart de ce qu’on lui disait, le tiers quand elle-même s’appliquait à bien lui expliquer. Non, c’était la pitié que les gens ressentaient à son égard, quand pour elle-même, ne restait que la peur, et quand dans sa couche de fortune, elle pleurait parce qu’elle était seule, personne ne venait la réconforter, parce qu’elle avait un grand frère mais n’en avait jamais vraiment eu. Il ne comprenait pas la vie et s’acharnait à l’aimer, lui pourrissant la sienne pour le coup. Et pire que tout, c’était ce nom qu’il lui donnait : Sœurette. Alors sans mot dire, Fléchette de grimper sur un caillou pour être à sa hauteur.


_ La tête ! De suite !


Et son frère de baisser la tête tandis que la main venait claquer le derrière du crâne, la mine furieuse, exaspérée, bien sur qu’elle l’avait entendu brailler, tu parles d’une discrétion, comment arriver à trouver qui que ce soit à brigander, ils étaient bien mieux dans le nord, mais il avait fallu qu’il soit malade, la pitié toujours, on leur avait conseillés le sud, alors ils descendaient doucement, et plus ils descendaient et plus elle maigrissait tant c’était difficile de trouver des gens à voler, si en plus, il en rajoutait.


_ Tu m’énerves Passoire ! Tu m’énerves ! J’aurais du te laisser ! Ou pire t’enterrer avec la vieille dans la fosse commune, voilà ce que j’aurais du faire ! J’en ai marre de toi, de tes hurlements, de ta stupidité, t’es con comme tes pieds et même tes pieds sont plus intelligents que toi, j’suis sure ! J’en ai ma claque, tu me gaves ! Tu comprends ? Là ! Tu comprends ? Je veux vivre pour de vrai, j’en peux plus de te trainer, t’es un boulet à ma cheville, voilà ce que t’es ! Alors maintenant, tu te tais ou j’te jure que j’te bute sur place ! TU M’ENERVEEEEEEEEEEEES !


Et les coups de pleuvoir, redoublant plus encore la rage de la jeune fille, parce qu’il ne les sent pas ou s’il les sent, n’y fait pas attention. Elle pourrait cogner sur un mur que ça serait pareil, alors les larmes de rage se déversent en sanglots sur les joues livides de la Blanche alors que les coups redoublent, laissant pour seule trace, des marbrures rouges sur ses propres mains parce qu’il est bien trop costaud pour que ses coups lui fassent vraiment mal. Et enfin, la colère part, la laissant haletante, et la chemise crasseuse du frangin est attrapée pour essuyer ses propres larmes.


_ Tu comprends même pas ce que je te dis.. Allez, lâche ça.. On a rien dans le bide, ça va nous rendre malades..


La main blanche d’envoyer valser le peu de bouteilles qui restent dans les mains du frangin, pour reporter son regard sur le chantier autour d’eux.


_ Mais c’quoi ce bordel..


Et d’attraper le bras du géant pour le tirer à sa suite et suivre les cadavres de bouteilles, avant d’entendre un bruit. Arrivant droit sur eux, plongée dans la contemplation de la piste, une gamine habillée de rouge. Et les azurs de la Blanche de s’illuminer de milles feux, le rouge, c’est synonyme d’un peu plus de tune, ils n’étaient peut être pas tout à fait foutus, finalement, alors après un regard d’avertissement à Passoire, la Blanche de toussoter pour attirer l’attention de la jeunette.


_ T’fais quoi sur nos terres ? Pas que j’veuille pas partager, mais va falloir payer quôa..


Au culot hein !

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Griotte
C'est le printemps et il fait presque beau - Comment ça, ça a déjà été dit plus haut? - Les oiseaux chantent dans les fourrés élagués et les simplets sont heureux. Griotte aussi, bien qu'elle ne soit pas tout à fait simplette - Qui a dit "mais presque"? Elle est juste un peu naïve de temps à autre, c'est tout! C'est l'enfance qui veut ça. Elle est dans la fleur de l'âge, mais ça lui passera un jour. Ça fane les fleurs, après tout!

La môme a beau ronchonner à voix basse, elle est bien là, à flâner, les mains plongées dans les poches trouées de ses braies. Râler à longueur de journée, c'est devenu son passe-temps favori. C'est sa manière à elle de montrer qu'elle va bien. Elle râle tout le temps! Chez elle, c'est signe de bonne santé. Elle râle quand elle est énervée, quand elle est triste ou quand elle est surprise; mais elle trouve aussi le moyen de râler quand elle est contente, évidement. Temps qu'elle râle, y a pas à s'inquiéter! Elle bougonne le matin, au réveil, quand elle est guillerette et qu'elle s'est levée du pied droit, mais elle bougonne aussi quand elle se lève du pied gauche et qu'elle est d'humeur massacrante - Me demander pas ce qu'elle pourrait massacrer! A part des insectes, je vois pas trop... - Elle rechigne aussi le soir, avant de se coucher, histoire de finir la journée en beauté, et, ça reste entre nous hein, mais parait même qu'elle grommèle dans son sommeil. On est une vraie chieuse ou on l'est pas!

Rouspéter est donc une chose des plus naturelle chez elle, et c'est bien à cette activité qu'elle est entrain de s'adonner lorsqu'une voix provocatrice la tire des ses marmonnements. Les pas s'interrompent alors et la mine se redresse pour toiser avec curiosité les deux inconnus qui viennent à sa rencontre - Et pas l'inverse, non! Tous les chemins mènent à la môme, c'est bien connu! - Les émeraudes se font méfiantes et observent l'asperge grisonnante, flanquée d'un grand dadais à l'air niais. Ça sent les embrouilles... Ça sent "l'aide à son prochain", comme dirait la Jarretière. Sauf qu'en l'occurrence, la morveuse n'est pas du bon coté de la balance...


- T'es crétine ou quoi? T'as vu ma tronche? J'ai l'air d'avoir des écus plein les poches? T'fais fausse route...

Les mains toujours plongées dans les poches, la gamine envoie bouler au loin une bouteille, d'un air provocateur, s'apprêtant à reprendre la route, comme si l'affaire était réglée, mais ses yeux se posent alors sur les cadavres de barriques trainant au pied du pecnot à l'air idiot. Les sourcils se haussent de surprise, tandis que le regard se porte un peu plus loin sur la route, pour chercher traces du passage de la charrette folle qu'elle était entrain de pister. Plus aucune bouteille à l'horizon...

- Mais... mais... C'est vous qu'avez fait ça? Z'avez tout pourriiii!

Et de dépasser de quelques pas les deux malfrats en herbe, une mine dépitée vissée sur la face. L'était dans la merdouille pour retrouver son chemin là! Tous ça à cause de ces deux abrutis d'andouilles qui v'naient fourrer leur nez dans des affaires qui les regardaient pas! - Vous remarquez que d'ordinaire c'est elle qui fait ce genre de choses et ça ne l'a jamais dérangée!

- P'tain! Faites chier quoi! Ch'fais comment maint'nant pour traquer la Paillasse, hein?

Volteface toutes! La morveuse s'approche à nouveau du duo et toise la cheftaine d'un air mauvais - Ouai, l'autre à l'air trop con! Y peut quand même pas être la tête pensante... Encore que ça expliquerait p'tèt pourquoi ils ont choisi de s'en prendre à ELLE, chose complètement stupide, faut l'avouer!

- C'est à ça qu'te servent les piécettes qu'tu récoltes ? A faire la boniche et l'entretien des ch'mins ? N'aura tout vu, tiens! Vous v'lez pas non plus encore faire l'ménage sur la route, dans la forêt, puis pourquoi pas dans l'champ du voisin temps qu'on y est ? Nan mais, j'vous jure... Bordel de merle! Nous les troufions d'passage on vous en d'mande pas tant... Faites chier, mais grave quoi!

Naïve, ça rime avec inconsciente, non?
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Sadnezz
C'était la tête pleine de pensées plus ou moins avouables qu'elle avait prit la route au petit matin, pensées toutes plus ou moins centrées vers cet Eroz de malheur qu'elle avait pour la énième fois abandonné apres une dispute musclée. Pourquoi repartir me dites vous? Hé bien parce que si, Sadnezz avait accepté de revenir à ce qu'elle avait toujours été. Burrich lui avait laissé entendre, proposé à demi mot... Sa blonde elle, n'y était pas passée par quatre chemins. Malgré ses maintes hésitations et détours inutiles, Karine lui avait mit 'le nez dedans' avec une technique très vicieuse mais payante, la fameuse: "goute un peu voir si ça t'manques pas ça ma belle..." En somme, sans se donner la peine de courir plus longtemps derrière les poulaines de la Belladone, elle avait su lui conter et faire miroiter les moults choses qu'elle et sa compagnie naissante pouvaient offrir à ses vieux os, un peu comme on met une brioche chaude sous le nez d'un petit nécessiteux qui n'a pas mangé depuis trois jours. Ha ça, elle avait su y faire, pour preuve, Sad était en route pour retrouver sa troupe, dont elle ne pensait connaitre personne. Pensait oui, mais ça c'est une autre histoire.

Agacée par son éternel contentieux avec l'éphèbe qui l'avait sortie du sommeil de fort mauvaise humeur, la route lui semblait insipide et longue. Elle n'avait pas manqué de partir avec le cheval du brun, un emprunt sans retour histoire de soulager ses ardeurs et de garder pour plus tard une bonne tranche de rire en imaginant son air défait devant la porte d'une écurie vide. Chemin faisant, elle imagina les nouvelles trognes qu'elle devrait considérer comme camarades, et espéra très fort ne pas tomber sur une bande de branquignoles qu'elle devrait faire semblant d'apprécier. Quoi que, pas de risque, elle n'avait jamais su faire semblant, puis la blonde lui avait semblée sérieuse, point trop de celles qui débauchent chez Débilos père et fils.

Un petit regret lui creusait tout de même une ride frontale, elle n'avait pas vu son Attila depuis trop de temps. Hé ouais, même les pires punaises avaient des besoins et des manques... Au détour de la route Sad tut ses réflexions lorsque ses prunelles se posèrent sur un spectacle intéressant.

Tiens tiens, qu'avons nous là...

Ce qui a accroché son regard en premier lieu c'est cette petite chose rouge qui gesticule et s'époumone, le verbe acide et le regard mauvais... Une chose rouge, ça lui rappelle vaguement quelque chose - vous aussi peut être? Quoi que l'on parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre... La sad en ce temps là, accrochait les regards jusque sur son rouge chaperon, ha nostalgie quand tu nous tiens! - et la "chose" ne semble pas contente, elle se fâche toute rouge... Haem. Lui faisant face, une jeune fille aux cheveux blancs qui elle, à vue de nez, semble peu encline à se laisser sermonner par la petite chose, et un.... Un ravi, oui en matière de ravi la Corleone avait le flair, celui là l'était de l'orteil à la cime des cheveux graisseux... ça sentait l'aide à son prochain comme l'aurait dit l'autre.

Décidant qu'elle avait le temps de profiter d'un petit spectacle divertissant, Sad s'éloigna un peu afin de contourner la joyeuse troupe et d'admirer la suite d'un coin où on ne viendrait pas la dénicher. On s'occupe comme on peut...Cheval attaché à une branche,le cul bien installé dans les fourrés avec un petit sourire mauvais en coin, elle observa les gus en silence.

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--Flechette..


Avait-elle l’habitude des exhubérances de son frère ? Oui, à n’en point douter, et pourtant, ce qui la gêna tant dans la réaction de la donzelle, ce n’était pas tant la crise soudaine de palabre, mais plutôt tout ce qui était dit dedans. Elle l’avait traité de crétine, l’invectivait, lui donnait des ordres à elle ? Elle, Blanche qui avait échappé à la prostitution, au lynchage public, elle, Fléchette qui mieux que quiconque savait faire taire un malappris et rosser un trop avenant, à elle, la gosse parlait mal. Mine surprise de la Blanche avant de grincer des dents et de coller un revers à la gamine.

_ Oh ! Tu te calmes !

Et la deuxième gifle de partir pour donner plus de poids à ses propos, suivie d’une troisième quand elle repensa aux insultes et invectives proférées par la naine, la quatrième ? Pour le plaisir ! Chaque gifle appuyant plus encore le discours fort intellectuel au demeurant de la Blanche.

_ Je t’ai pas demandé de me raconter ta vie ! Tu me files ce que t’as et tu la boucles ! Je rêve depuis quand les mômes parlent sans autorisation ! MORUE !

Oui, morue, le mot lui plait bien ! Et ce qui lui plait encore plus, c’est de glisser ses blanches mains dans la tignasse de la gosse et de la tirer d’un coup vers le sol, profitant du spectacle avec plaisir tandis que le talon vient écraser avec un plaisir malsain le petit doigt de la gamine face contre le sol.

_ Tu vois Passoire, le problème d’aujourd’hui, c’est que les gosses d’à c’t’heure zont pu de respect, rien que d’chi ! Même pas foutus de parler correctement et d’obéir à leurs ainés, je te leur apprendrai les bonnes manières moi !

Et le pied de valser dans le bide de la gosse, une fois, deux fois, trois fois – vous conviendrez que c’est beaucoup moins soporifique de compter les coups de lattes que les moutons – avant de se tourner vers son frère.

_ Choppe sa b’sace et vois ce qu’on peut prendre, j’ai les crocs et elle m’a agacée c’te conne !

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Sadnezz
[ça doit faire mal, un coup. Et du Synthol , elle n'en a pas...La pauvre .]


Et un revers un! Sad haussa un sourcil étonné. La fille aux cheveux blancs n'y allait pas par quatre chemins! ça pour une trempe... D'autres coups suivirent plus persuasifs les uns que les autres, ce qui eut l'effet de mettre la petite rouge a terre, ratatinée et sonnée. Sad fit une petite moue en se relevant un peu sur ses fesses pour mieux voir la gamine au sol et hocha la tête songeusement, lèvres plissées. Bon là, elle risquait plus de la ramener la p'tite , et si elle avait bien compris elle allait être "déchargée du superflu" à titre gracieux en plus. La Corleone s'attarda sur la blanche. Pas bien gaillarde pourtant, voir freluquette dans son genre, mais cette hargne... hébé! Du concentré de petite brigande.

Ha fougueuse jeunesse... Elle creusait des rides qui faisaient grimacer la Belladonne . Elle se rassit sur son séant bien derrière son buisson car prise dans la contemplation passive de la rixe elle s'était laissé mettre un peu à découvert. Ses yeux virevoltèrent d'un individu à l'autre quand la frère fut hélé et elle se mit à genoux, prête a lever le camps. Après tout, la suite elle la connaissait bien, un écu, deux écus, trois écus... Pu d'écus! L'art de détrousser ne lui était plus d'aucun mystère mais... Ce rouge piquant qui gisait au sol comme un coquelicot écrasé sous le pas d'un cheval de trait l'avait mine de rien contrariée. Moment de latence.

Ho et puis, tant qu'à être voyeuse, autant l'être jusqu'au bout. Le plus drôle - ou pas - c'était que pas une seconde elle n'avait songé a intervenir pour aider la petite furie qui l'ouvrait trop sur la route non... Elle aurait pu y aller, fracasser ces petites têtes blondes et régler le soucis en quelques minutes , sauf que... La bonté et l'aide à autrui n'étaient qu'une vague notion oubliée sous sa carcasse vieillissante. Sad avait de loin préféré l'option "matte gratuitement" sans complexes.

Elle se rassit derrière son buisson, un fin sourire vicelard fendant sa trogne.

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Griotte
Et PAF! Une tarte dans la tronche! La môme l'avait pas vue v'nir celle là! Pourtant, c'était du gros, du lourd, de celles qui vous restent sur les hanches, vous pèse sur l'estomac et déforme votre gras-cieuse silhouette; de celles qui ne passent pas inaperçues et pourtant, la gamine ne s'attendait pas à être balayée d'un revers. Voila longtemps qu'elle n'avait pas essuyée une correction pour son insolence, les personnes sur lesquelles elle s'acharnaient ayant plutôt tendance à hausser le ton et à l'invectiver de tous les noms d'oiseaux en braillant aux corneilles. S'en suivait généralement une joute verbale, parsemée de menaces prisent à la légère, jusqu'à ce qu'elles finissent par constituer l'ensemble de la "conversation". Sonnait alors l'heure de battre en retraite pour ne pas se manger des coups. La gamine prenait ses cliques et ses claques, sans demander son reste.

Mais cette fois-ci, c'était différent. La Blanche n'avait pas l'air de vouloir s'arrêter sur la case "discutaillons", préférant sauter les étapes en passant directement à l'action, ce qui jouait grandement en défaveur de la Griotte, complètement sonnée après l'enchainement de torgnoles qu'elle venait d'essuyer. Titubante, les joues en feu et le sang lui battant violemment les tempes, son esprit n'était plus que bourdonnements et pulsations qui résonnaient en elle comme de grands coups de massue. Prise au dépourvu, la môme mordait déjà la poussière, sans avoir eu le temps de réagir.

Un cri de douleur s'échappa de ses lèvres lorsque la botte en cuir lui écrasa brutalement le doigt, dont les os se brisèrent sous le choc. Alors que le pied s'écartait et libérait sa main, la môme fit mine de se relever, pensant que la Blanche en avait fini avec elle, mais ô combien elle se trompait! Un violent coup dans le ventre la rabattit immédiatement au sol, suivit d'un deuxième, puis d'un troisième. Le corps gringalet mis à mal se recroquevilla sur lui même pour se protéger des coups qui pleuvaient. Immobile, la Griotte n'était plus que souffrance, mais ce n'est pas la douleur physique qui fit déborder le vase et perler les larmes sur ses joues poussiéreuses, non. C'est de se voir dépouiller de ses biens maigres possessions. Pour une brailleuse-grailleuse sans le sou, quel plus grand sacrilège que de voir ses provisions lui filer sous le nez?

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--Passoire



[Quelle tristesse..]


Il réussissait à rester enjoué l’Idiot des routes. Il avait apprécié chaque coup reçu par sa sœur pendant qu’elle lui faisait le sermon du siècle. Il avait juste fallut ravaler des « ouch’ » et des « Aïe » pour pas offusquer la Fléchette. Ca parait con, mais il est comme ça. Avec ses petits yeux tous tendres, il pourrait en adoucir plus d’un sauf exception. Et la soeurette c’en est une à n’en point douter. Elle n’aurait pas donné un grand coup dans les bouteilles il leur aurait fait des papouilles pendant tout le trajet. Il ne l’écoute pas tout le temps faut pas croire. Du « oui, oui » pour faire passer la sauce et le tour était joué. Seule chose à peu près intelligente qu’il arrivait à faire, c’était quand il avait mis le grappin sur quelque chose. Sauf que là, il se fait embarquer avant même que les neurones atteignent son cerveau tout endolori.

Et de le tirer non loin pour admirer une gosse au capuchon rougeâtre fouler le sentier qu’ils venaient de quitter. Un sourire niais s’affiche sur son visage. N’étant pas des plus discrets, alors qu’il le fallait pour prendre Griotte par surprise il avait murmuré.


« Elle. Joliiiie. »

Et une niaiserie de plus dans la vie de Passoire. Mais le vent tourne trop vite, la Fléchette est en action, prête à péter chacune des cotes de la gamine pour récupérer le peu de vivre qu’elle transportait. Idiot qu’il est, il ne se rend pas compte que les coups portés sont d’une violence implacable. Sa sœur, toujours d’une amabilité sans égale n’arrivera pas pour autant à lui enlever ces lèvres étirées de son visage.

« Couchée. Beeeelle aussi. »

Un coup, deux coups, il ne sent jamais rien alors pourquoi s'en faire pour les autres. Même pas une réaction. Et puis sa sœur n’a pas besoin d’aide. Il n’est pour l’heure absolument pas question de la protéger. Il s’attarde sur ce joli minois en s’approchant doucement sentant que les coups se font de plus en plus rares. Les genoux craquent et se plissent, à défaut d’être débile il porte sa carcasse. Les deux mains s’alignent pour entourer les jours rougies de la Rouge. Ses yeux s’illuminent comme un gamin devant une montagne de bonbons. Il n’ose la toucher de peur de casser cette porcelaine. Elle n’est pas plus belle qu’une autre mais Passoire s’amourache toujours pour toute forme humaine qui s’attarde pour quelque raison que ce soit devant lui.

« Nous. Jouer ensemble. D’accord? »

Et de lever le nez vers sa sœur, langue coincée entre ses dents, bouche entrouverte, le regard vide malgré ses envies passagères de faire mumuse. Une caresse sur le crâne de la gamine, il ne se méfie nullement des représailles trop occupé à négocier sa nouvelle trouvaille.

« Elle Copine. Emmener dis? »

Il aime bien rêver. Il rêve tellement qu’il en rit déjà pensant que le caprice va être exaucé sans problème. Encore un fou.. A sa manière.


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--Flechette..


Savez-vous à quoi ressemble toute la misère du monde ? La pauvreté, la famine, la douleur, les femmes battues, les enfants violés et vis-versa, les hommes bafoués, les nourrissons au ventre gonflé d’air faute de nourritures, les mains boueuses et les pieds crasseux d’avoir arpenté les champs pour ramasser trois conneries de radis qui ne calleront même pas une dent creuse, les souris empoisonnées qui seront pleurées par leurs frères et sœurs, le chat écrasé parce qu’il n’a pas regardé avant de traverser, les vieux mourant de la canicule, les jeunes filles superficielles en manque de vêtements décents aux malles remplies de « j’ai rien à me mettreuuuuuhh », les puceaux souffrant d’un poignet endolori par une trop grande activité solitaire, les chiens dévorés par leurs puces et même pas remerciés par lesdites puces qui se cassent une fois leur repas aux chandelles expédié, les auteurs en mal d’inspiration qui préfèrent aligner une longue série de lettres qui formeront des mots qu’on ajoutera les uns à la file des autres pour faire des lignes qui s’ajouteront les unes aux autres dans un effet totalement pitoyable que le lecteur peinera à lire pour finir par s’insurger parce que l’intérêt n’est pas tant la quantité mais la qualité, comme le poissonnier du coin qui n’a pas compris que la qualité n’y est pas et que son poisson n’est pas frais et qui ne le comprendra que quand il se sera pris une morue en pleine face par sa femme qui ne supportera plus la comparaison avec la femme du forgeron qui sera richement vêtue parce qu’en tant de guerre, les armes se vendent bien, en tout cas plus que le poisson.. Oui, toute la misère du monde.. Et tout ça, sur les épaules de la pauvre Fléchette.

Parce que son frère n’est même pas foutu de lui obéir quand elle lui demande de ramasser les maigres affaires de l’horripilante petite chose rouge, qu’il préfère la contempler avec amour et admiration au lieu de lui taper dessus parce que c’est clair que ça défoule mais non, Passoire lui aime et admire, et c’est à elle de ramasser la besace de l’odieux petit machin rougeâtre à la figure qui commence à prendre la même teinte que son capuchon pour tomber finalement sur.. trois fois rien.. Elle aura ressenti le poids de toute la misère du monde – vous êtes surs d’avoir bien saisi ce que c’est la misère du monde ? Non, parce que j’ai d’autres exemples, si ça vous branche.. Non ? Vraiment ? Rabat-joie.. – pour trois fois rien.. Et faute de ressentir toute la misère du monde, c’est une profonde lassitude qui s’empare d’elle.

De cette lassitude qui vous gagne quand vous vous rendez compte que vous ne trouvez pas le deuxième bas et que vous avez un rendez-vous urgent, celle qui vous pousse à expirer un profond soupir quand vous découvrez votre cinquième enfant pendu par ses frères et sœurs parce qu’à cause de lui, ils n’avaient pas assez mangé – pensez .. trois radis pour cinq, je les comprends.. – oui, cette lassitude qui vous gagne quand alors que vous pensez pouvoir vous reposer à la taverne, vous apprenez qu’il n’y a plus de bière et que vous allez devoir boire de la tisane même pas bonne, parce que de toute façon, il ne reste que des radis et que la tisane aux radis, c’est vraiment pas fameux, ou bien celle qui fait que quand vous revenez du bordel, vous remarquez que non content de vous avoir mal vidé les bourses, la catin vous a allégrement délesté de votre bourse, oui, la lassitude, celle qui fait que quand vous en avez eu marre de percer les cinq bubons purulents qui commençaient à ronger votre bras, vous constater qu’en sus d’avoir repeint le mur de chaux de votre vieille bicoque moisi, il vous en reste cinq sur l’autre bras, ne paniquez pas.. Soyez lassé. Alors la Blanche se laisse gagner par la lassitude, et récupère la besace de la Rouge en soupirant avant de tapoter sur l’épaule de son frère.


_ Non, on ne l’emmène pas, j’ai bien assez de toi, je t’offrirai un chien, Passoire..


Elle n’y croit même pas, ne le fera pas, mais tant que lui y croit, c’est l’essentiel, la blanche main – ou la main blanche, c’est comme vous voulez, j’suis pas contrariante – d’attraper la tignasse de la petite Rouge avant de lui sourire.


_ Sans rancune, Machine.. La prochaine fois, essaye d’en avoir plus, et de les donner de suite, ça t’évitera des problèmes. Au plaisir de te revoir !


Et on relâche la touffe pour attraper le bras du frangin et de l’entrainer avec elle.


_ Allez viens Passoire, on va te trouver un chien et on va becqueter.


C’est dur la lassitude, mais c’est irrémédiable.

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Sadnezz
Les deux loustics sur le départ la firent s'éveiller de sa contemplation pensive. Elle avait tout vu, sans broncher, plus ou moins compatissante à la victime. Fallait pas avoir de l'empathie pour les victimes, sinon c'était la fin du métier. Apres s'être assurée qu'ils lui tournaient le dos et filaient déjà vers d'autres horizons et - elle l'espérait- des rentes plus prolifiques elle se leva , écartant d'une main ferme les brousailles qui lui gâchaient la parfaite vue. Elle retourna à sa monture, passant la bride sur son encolure puis la monta non sans grincer de ses vieux os.

-Quoi? Sad tu pars sans même récupérer la gamine?
-Hein? qui parle?
-Ton esprit, du moins le bon coté de ton esprit.
-Super.. Me voilà bredine maintenant.
-Ha non, le gugus aux bouteilles lui, il était bredin. Toi t'es juste... Un peu rouillée, un peu défraichie.
- Hé mollo la chose. .... sénile aussi, puisque je t'entends.
-Considère que tu te parles à toi même et puis... puis bref c'est pas le sujet de la discussion.
-Du monologue alors.
-Ouais, monologue c'est ça. Je disais: tu vas pas partir en laissant cette fille comme ça non?
-Ha, c'est vrai. Atta laisse moi réfléchir... Si.
-Non! fais demi tour, elle va clamser!
-Et?
-Okay... On va la jouer autrement. Fais demi tour, il reste peut-être des écus à prendre.
-Bien essayé, même si sénile, j'passe pas encore apres les autres. C'est où la sortie? nan parceque... Pas que tu sois envahissante hein mais bon.
-Récupère là! Tu la ramène au groupe là, ça faira des bras en plus!
-Une esclave tu dis?
-Ouais.

Sad avait déja rebroussé chemin et tournait autour du corps. Si cette voix était censée être son bon coté, elle s'en amusa grandement sans oser penser au mauvais. Vu les sabots qui claquaient à un cheveux de la trogne de la petite rouge sans qu'elle ne soit animée d'aucune réaction, elle était inconsciente.Tant mieux ça faciliterait les choses.

Sad posa une poulaines à terre, et donna de la pointe sur l'épaule poussiéreuse de la gosse. Toujours dans les vap'. Maintenant la phase délicate: vérifier qu'elle soit entière. Non parce qu'un quasimodo ça peut être pratique comme esclave, mais coté esthétique on a vu franchement mieux. Elle s'agenouilla et saisit sa tignasse emmêlée en relevant doucement le visage. Coup d'oeil en dessous: ça va, coté casse l'essentiel était toujours en place. Un nez, un oeil et demi et une bouche ça suffisait.

La Corleone la saisit cavalièrement , un peu façon sac de navet et se releva en grimaçant. Un peu légère la gamine, elle couterai pas cher en bouffe mais pas sur qu'elle tiendrait la route pour les lourdes tâches... Tant pis au point ou en en était. Le petit corps fut hissé sur l'animal, suivit de près par la latine. Deux petits coups de talons et la route reprit, un sifflotement au coin des lèvres.

- Qu'est-ce qu'il faut pas faire...
- Jt'ai entendue.

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Griotte
Que ressent-on quand nous sommes plongés dans les nimbes de l'inconscient? A vrai dire, pas grand chose, si ce n'est rien du tout. C'est comme si notre esprit se préparait pour l'ultime voyage en essayant de s'échapper de la misérable prison de chairs qui l'entrave et l'empêche de s'élever vers cet ailleurs, cet autre, vaste inconnu qu'il nous est impossible de saisir et de comprendre malgré tous les efforts d'imagination déployés pour y parvenir. Nous sommes éternellement condamnés à effleurer du bout des doigts la réponse à nos questions, comme un enfant gourmand essayant de se saisir d'un bocal de friandises trônant au sommet d'une étagère bien trop grande pour lui.

La curiosité des hommes est tant piquée à vif par cet insoluble mystère, qu'ils s'entrainent à atteindre cet état de léthargie dans lequel la venue salvatrice de la mort doit probablement plonger les esprits sans vie, ou tout du moins, pouvons-nous le supposer. Quand l'inconscience nous gagne, n'est-ce-pas s'entrainer à la mort ? Ne plus rien ressentir, ni douleur, ni plaisir, ne plus rien être, mais gagner une liberté que jamais nous n'aurions pu imaginer de notre vivant ? L'inconscience, ce sommeil sans rêve, nous donne un avant goût de ce qui nous attend un fois le dernier tournant de notre ligne de vie franchi. Alléchante sensation, que d'être dénudé de sensations. L'éveil en est d'autant plus brutal, qu'il nous laisse un arrière goût amère dans la bouche, nous plonge à nouveau dans la dure réalité de la vie et nous donne des envies d'encore.

Oui, la gamine aurait préféré rester inconsciente plutôt que de se faire brutalement tirer du pays des songes par les atroces douleurs qui tiraillaient son corps endolori et faisait battre le sang à ses tempes. C'est la tête ballottant contre le flanc d'un cheval qu'elle revint finalement à elle. Ses paupières clignèrent doucement sur deux émeraudes voilées. Elles se posèrent sur une poulaine glissée dans un étrier, sans réellement les voir, avant de glisser vers le sol en terre battue défilant sous les sabots du cheval.


- Qu'est-ce-que...

Murmure à peine audible qui se perdit dans sa gorge nouée tandis qu'elle prenait pleinement conscience de la situation dans laquelle elle se trouvait. Les yeux s'écarquillèrent de panique. Soudain prise de vertige, elle essaya de se redresser dans un réflexe maladroit et complètement irréfléchi. Repliant ses bras qui balançaient dans le vide pour prendre appui sur les flancs de la monture, son coude droit heurta la cuisse de la cavalière alors que son buste s'arcboutait et lui arrachait une grimace de souffrance. Son ventre meurtri était malmené à chaque nouveau pas que faisait le cheval.

- Je veux descendre. J'ai m... mal.

Une nouvelle secousse, un peu plus accentuée, lui fit perdre ses appuis flageolant. Ses mains glissèrent dans le vide et sa tête recommença à balancer au dessus du sol.

- J'vais ger...b-b...er.
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Sadnezz
- Haem, ça s'réveille là dessous.
- Mhhh? Ha! Tu crois?
-vise un peu, ça frétille je te dis.

Un gémissement, puis un autre et soudain l'ombre d'une phrase construite. En effet, sa captive revenait à la laideur de ce monde et, à en juger ses geignements désordonnés, pas de la manière la plus douce qu'il soit. La cavalcade de Sadnezz ne stoppa pas pour autant, voir même accéléra la cadence. Foutredieu, elle avait laissé de coté l'idée que son fardeau pouvait revenir à lui, avec son vocabulaire fleuri et son énergie vaguement démoralisante. La rouge se contorsionna un instant, ce qui fit grimacer la Corleone.

Hé gamine, tu devrais pas gigoter comme ça, tu vas tomber.

Elle s'attendait à quoi la petite dame, un quatre étoiles? Regrettant de ne pas l'avoir ligotée avant de l'embarquer , Sad tenta de faire abstraction de son baragouin et de ses maigres tentatives à se libérer, fouillant des yeux l'horizon qui n'était que cambrousse à perte de vue. Son détachement fut de courte durée, il se brisa tout net lorsque son cerveau perçut les mots "gerber" et la proximité de la trogne sur ses précieuuuuuuuses poulaines en cuir de veau. Réflexion/réaction/action, la gosse se prit immédiatement une poulaine en pleine face, de quoi l'ensuquer pour les quelques lieues restantes. Hé que voulez vous, la peau de vache ça la connaissait...

- Ouch...
- Ouais je sais.


Vu la vitesse qu'elle avait soigneusement entretenue pour rallier le point de rendez vous et rattraper son retard "pause spectacle", Sad entrevit le clocher de la ville qu'elle cherchait une petite heure plus tard. Dejà sur les pavés claquaient les sabots du canasson qui avait tiré la langue pour satisfaire sa cavalière. En attendant de retrouver Karine et les autres, elle s'accorda une trève, histoire de se remplir la panse et de panser sa bête. La gamine fut tirée de son perchoir, retour en position sac de navet, mais sur l'épaule de la brune. Cette fois elle eut plus de mal à faire comme si la gringalette n'était qu'une broutille à se charrier, la fatigue du voyage - et l'âge- aidant . Elle fut déposée dans une tas de foin, au fond de l'écurie, sans plus de cérémonie.

Le cheval fut placé à ses cotés, de toute façon il ne la toucherais pas, les chevaux n'écrasent pas délibérément les trognes des gosses lorsqu'elles gisent tout près de leurs sabots. Enfin... En théorie. En sifflotant donc, elle brossa le crin sombre dont les longues mèches libérèrent la poussière, les poils morts et autres saletés sur le visage juste en dessous de son inconnue. La bête se vit porter un seau d'eau qui fuyait... devinez où? Sadnezz n'y prêta guerre attention, de tout manière un bain lui ferait pas de mal à cette petite crasseuse, un peu plus tôt elle avait cru voir ses cheveux tenir tout seuls sur sa tête...

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Griotte
Son nez lui picotait. C'était agaçant, ça démangeait, ça grattait et ça lui collait une furieuse envie d'éternuer. Les narines se dilatèrent pour expirer bruyamment de l'air, provoquant l'envol de trois longs poils et d'une pincée de poussière, qui trainaient sur le visage crasseux que la Corleone contribuait à entretenir. Dérangée dans son sommeil, la frimousse échevelée se détourna légèrement, se refusant à quitter le pays des songes alors que son corps endolori recommençait à se faire de plus en plus lourd au fur et à mesure que les brumes de l'inconscient quittaient son esprit endormi.

Peine perdu... A présent des brins de paille lui grattaient les oreilles, tandis que d'autres lui chatouillaient la joue au rythme de sa respiration régulière. La môme aux idées encore troubles essaya d'ignorer les démangeaisons et poussa un léger soupir. Elle se refusait à quitter cet état de torpeur, et pourtant, ses sens s'éveillaient petit à petit et recommençaient à prendre conscience des bruits qui l'entouraient. Elle percevait les crissements de la paille sous les sabots d'un cheval, tout proche. Il s'agitait de temps à autre et respirait bruyamment par les naseaux. Elle se trouvait donc dans une étable, une vieille grange ou une écurie. Comment était-elle arrivée là?... Non, chuuut! Elle ne veut pas savoir. Elle veut juste se rendormir et oublier la douleur lancinante qui s'est nichée dans son ventre et sa main gauche. Elle ne veut rien sentir...

Une goutte, deux gouttes, trois gouttes, peut-être plus même. Sa joue droite, ornée d'un ravissant bleu en souvenir de sa rencontre avec une poulaine - pas l'animal! la chaussure... faut suivre, hein! - était soudain drôlement mouillée. Et ça continuait! Sensation froide et humide qui lui coula jusque dans le cou et lui fit brusquement ouvrir les yeux sur un cul de seau continuant à semer son contenu sur elle. Et plop! Voila que ça lui atterrissait sur le front et lui coulait dans les yeux.

Poussant un gémissement, la morveuse voulu rouler sur le coté pour se mettre hors de portée d'inondation, mais elle se retrouva le nez collé à la paroi du box trop étroit. N'ayant d'autre choix pour se mettre à l'abri, il lui fallait se redresser. Sa tête lui tournait et elle dut prendre appui sur le mur pour parvenir à se tenir sur ses deux pieds. Les jambes un peu molles, elle garda son dos calé contre les planches en bois pour faire cesser ses vertiges et observer la personne se trouvant en face d'elle. Inconnue au bataillon...


- Z'êtes qui ? On est où là ?

Les émeraudes parcoururent rapidement le lieux du regard, avant de se plisser, méfiantes, et de se poser à nouveau sur la brune étrillant sa monture. La situation ne lui plaisait pas. Elle se sentait prise au dépourvu et se trouvait en position de faiblesse. Des questions plein la tête, elle attendait que l'inconnue éclaire sa lanterne. Des questions... ah, si elle savait qu'il y en aurait tellement d'autres à venir!
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Sadnezz
Sad laissa la gamine se lever sans broncher, refusant d'interrompre sa tâche. Son père lui avait dit par le passé qu'il ne fallait jamais repousser à plus tard ce que l'on pouvait faire tout de suite, et ce fut le seul conseil qu'elle lui trouva judicieux, le mettant à profit chaque fois qu'il le fallait. Enfin, c'était avant qu'il l'applique à sa propre mort. Parti subitement, raide comme tout, sans dire au revoir. Sans la regarder, elle eut un petit hoquet moqueur à sa question, comme pour dire " elle est bonne celle là".

Et toi t'es qui? As tu seulement un nom? Parce que si c'est le cas tu peux déjà l'oublier, là ou j'vais te ramener t'en auras pas besoin...


Larbin, bonniche, et tant d'autres lui seront gracieusement donnés. Sûr que la Karine sera contente d'avoir une petite souillon pour lui brosser la paillasse.. Haem. Sad imaginait d'ici ses poulaines reluire au soleil, ses longs cheveux ondulés tressés de manière à ce qu'aucun cheveux blanc ne paraisse, ses écuelles lavées et ses arêtes de poiscailles triées... Nouveau rictus sur sa trogne.

Bien dormi gamine?

la Corleone pose déjà le coude sur le garrot de sa bête, laissant tomber sa brosse et reluquant la petite rouge avec un sourire narquois et vaguement provocateur.

T'ont foutu une sacrée trempe les deux gustons là hein! Encore un peu et y'avait plus rien à récupérer.

Rire enroué, la brune s'en paye une bonne en reluquant la tête de la gamine encore vaguement sonnée et le joli bleu qu'elle lui a fait. Reprenant subitement l'air sérieux et pas franchement avenant, elle lui tourna le dos, exhibant sa lame en un message subliminal plutôt clair et marmottant:

Viens on va grailler un truc, et t'avise pas de jouer les fuyardes. Des petites guenon qui refusent un repas alors qu'on leur sauve la vie ça me met les nerfs en pelote, j'en ai peut être pas l'air comme ça mais j'en ai la chanson.


Vu l'état de maigreur de la gosse, la Corleone avait avançé sans gêne la carte chantage à la graille alliée à la menace sous entendue. Le tout enrobé d'un " tu me dois bien ça" alors que ses intentions étaient bien entendues pas franchement louables... L'air de rien, en général, ça marchait. Elle s'apprêta à sortir de l'écurie pour s'engouffrer dans l'auberge et offrir à la donzelle ce qui serait certainement son dernier repas digne de ce nom.
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