[RP] Reprise...

Elle en avait fait du chemin la vieille. Alençon, Normandie, et maintenant Bretagne. Et ce n'était qu'un petit bout de route effectué, elle qui venait du Sud du Royaume. Les guides de Dirta dans les mains ridées, elle laissait le cheval guider la roulotte, Gaelante guettant les bruits provenant de l'intérieur.

C'est que le Stote il avait fait un beau cadeau à la vieille. Il lui avait rendu sa fille! Et quand elle l'avait trouvé sur son chemin, en piteux état, elle s'était empressé de la recueillir et de la soigner. Il y avait encore des choses à faire, mais il fallait attendre qu'Ava se réveille. Pour Gaelante ce fut le bonheur. Même blessée, sa fille lui était rendue. Elle avait prit le temps de lui peigner ses beaux cheveux sombres, de les lui laver afin d'en dégager feuille et boue qui s'y étaient collés. Elle avait nettoyé la peau abricot et soigné les griffures les plus petites, nettoyé les plaies à la tête et au côté. Il faudrait faire cicatriser cette dernière quand elle serait réveillée.

La paysage défilait lentement, au pas de cheval de trait. Les toits et la flèche d'un village se dégageait à l'horizon. Ils y passeraient la nuit au moins, avant de repartir. Elle veillerait sur sa douce enfant, sa chérie qui était revenue du Paradis. Gaelante stoppa le Dirta et entra dans la roulotte. La fièvre était revenue, et la vieille posa des linges sur le front de sa fille.

Chhhht Ava, je suis là maintenant, tout va bien.

La vieille femme tira le drap qui recouvrait la jeune femme, la blessure au côté n'était pas belle. Se penchant au dessus d'elle, elle prit le visage d'Ava entre ses mains

Il faut que tu te réveilles, et là je te soignerai, mais ouvre les yeux Ava chérie

Elle nettoya la plaie comme elle le pouvait, mais le bois qui l'avait blessé devait être vieux et sa vue ne lui permettait pas de retirer les échardes qui devait y être restées. Cautériser lui semblait la meilleure des solutions, mais oui, elle préférait attendre qu'elle ne soit plus dans cet état de fièvre, de peur de l'achever... Mais plus elle attendait et plus cela semblait compromis...

La douleur lui vrillait la tête. La chaleur... Qu'il faisait chaud! Un mouvement lui arracha une plainte. Que lui faisait-on? Pourquoi cette douleur à la hanche? La tête lui tournait, elle n'était pas bien. Qu'avait-elle à la tête qui la faisait tant souffrir? Une voix... Elle l'entend à peine. Ava? C'est Ava qu'elle s'appellait? Elle ne se rappelait plus, pas envie de chercher, trop mal à la tête. Et cette chaleur, qu'elle parte!

La fraîcheur d'un linge sur son front bouillant lui donna des frissons, mais lui fit du bien avant de sentir une vive brûlure au côté, nouveau gémissement de douleur. Ouvrir les yeux? Non, trop mal... Tout tournait autour d'elle, mais avec un froncement de sourcil douloureux, elle ouvrit doucement les yeux, dévoilant des iris émeraudes. Tout est flou, quelqu'un au dessus d'elle qu'elle ne reconnaissait pas, où est-elle? Ses yeux se refermèrent, ne supportant pas la lumière.

Malgré la douleur et la fièvre qui la dévorait, elle cherchait, pourquoi était-elle dans cet état, Ava? Ce nom ne lui disait rien, pas plus qu'un autre. De nouveau la voix de la femme qu'elle avait aperçu. Une odeur étrange qui lui parvenait. Il fallait qu'elle se lève, il fallait qu'elle s'en aille... Mais pour où?? On la maintint aux épaules, prisonnière? De nouveau cette femme. Qui était-elle? De l'eau, elle avait besoin d'eau, sa gorge la brûlait, elle avait chaud, beaucoup trop chaud. Un homme immense s'approcha d'elle, et la jeune femme se recula, il n'avait pas de visage...

Tu es mort, tu n'existes pas, mort!

Et la vision s'estompa, Dieu qu'il faisait chaud... Et cette voix encore, que lui disait-elle? Elle ne comprenait pas... Il fallait qu'elle parte, mais ne le pouvait pas... Un sanglot retentit, il fallait qu'elle parte!
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Pendant un instant, Gaelante hésita à aller trouver du monde afin de l'aider. Mais c'était sa fille! Sa fille chérie, perdue il y avait quelques années, on la lui avait rendu, elle ne pouvait pas la laisser aux mains d'inconnus, il fallait qu'elle la soigne par elle même. La sorcière avait rassemblé des herbes, et autres plantes, collectionnées au hasard des chemins effectués. Alors qu'Ava délirait, elle préparait un onguent pour la blessure au front. Elle laissa tout choir quand sa brune de fille fit mine de se redresser, la vieille la rebascula avec précaution, et sans force.

Tu vas t'tuer! Restes là.

Et elle ouvrit les yeux. Un sourire joyeux illumina le visage ridée de la vieille femme, sa fille allait vivre! Elle le savait! On ne la lui prendrait pas deux fois! Rassurée, et sûre de l'avenir, elle appliqua avec douceur la mixture sur le front d'Ava, retirant les mèches noires collées au front et à la blessure. Cela cicatriserait rapidement. Mais sa fille ne tenait pas en place, la fièvre était élevée... La blessure à la hanche n'était pas belle, pas soignée depuis les deux jours qu'elles se déplaçaient. Peut-être aurait-elle dû cautériser avant, la vieille folle... Faisant une moue avec sa bouche fine aux lèvres presque inexistante, elle finit par se décider. Il fallait y passer, et même si cela ne lui plaisait guère vu l'état dans lequel se trouvait la blessée.

Gaelante se leva du chevet de son ange, et fit quelques pas dans la roulotte. Elle repoussa des objets hétéroclites, dans un cliquetis métallique, et autres bruits étranges. Tout ce dont elle avait besoin pour vivre, ce qui lui servait à vendre des produits aux gueux qu'elle croisait. D'étranges bocaux étaient fixés sur les étagères clouée à la parois de bois, mais elle n'y prêtait plus attention la vieille, depuis le temps! Et l'église guettait... Il fallait être discret si l'on ne voulait pas finir au bûcher. Elle finit par trouver un couteau large et sortit de la roulotte pendant qu'Ava délirait encore...

Rapidement un petit feu fut allumé non loin, et le couteau y fut placé. Elle n'avait que ça pour faire cicatriser la plaie mauvaise. Des bruits de pas, ou de sabots retentirent, son ouïe n'était plus très bonne, et sa vue loin d'être perçante, mais des gens approchaient. Mauvais signe...

Se redressant tant bien que mal, la vieille regarda s'approcher les deux cavaliers. Sans doutes des guetteurs ou des soldats qui patrouillaient dans les environs pour surveiller les abords du village proche. Gaelante les observa d'un œil qui en disait long sur ce qu'elle pensait de ce type de bonhomme.

Eh toi, qu'est-ce que tu fais là?

Levant le menton, prête à tenir tête à ces pourceaux bien lottis sur leurs montures, peu contente de se faire invectiver de la sorte, elle n'hésita pas à leur répondre.

J'vous en pose des questions? On peut pu s'reposer d'un long voyage? Z'en foutez vous, z'êtes pas loin d'chez vous!

Et tu trimballes quoi là d'dans?

Un coup de botte fut donner dans la roulotte, ce qui eut le don de ne pas plaire à la vieille femme.

Et gardez vous pieds crottés près d'vous! J'vous permets pas d'abîmer ma maison!

La voix de sa fille leur parvenait à travers le bois et la porte ouverte de la maison roulante, et les gardes ne purent manquer le métal du couteau en train de rougir. La vieille les vit se concerter, mais son ouïe n'étant pas au beau fixe, elle ne put rien saisir de leur échange.

A quoi ça sert ça? Et y a quoi là d'dans?

Gaelante se mura dans le silence. Ces hommes n'avaient pas à savoir, et elle se tairait jusqu'à ce qu'ils partent. C'était sans compter sur le fait de les voir descendre de leurs montures.

Non! Vous avez pas l'droit!

Elle se fit repousser non sans violence, et ne put que les regarder entrer, après que l'un lui ait sourit avec impertinence.

T'es en Bretagne, on a tous les droits sur nos Terres.

Ils pénétrèrent dans l'antre de la sorcière. L'un donna un coup à l'autre pour attirer son attention sur les bocaux accrochés à l'étagère, tandis que l'autre faisait de même pour attirer l'attention de son compagnon d'arme sur la fille qui semblait rendre l'âme.

T'crois qu'c'est elle qui la tue?

On dirait surtout qu'elle s'est fait tabasser, laisses tomber, sûr'ment une catin v'nue ici pour s'débarasser d'son chiard et qui va aller r'joindre le Sans nom pour avoir osé faire ça.

Faiseuse d'anges?

Grimace... Ça pue la sorcellerie.

On la laisse l'air de rien. On a qu'à aller chercher un prêtre, doit y en avoir un dans l'coin. Il f'ra v'nir l'inquisition.

Ouais.

Les hommes se signèrent et ressortirent de la roulotte, toisant la vieille.

Vous éloignez pas trop. Y a des bandits sur les routes. Et vous d'vriez laisser là la fille, elle en a pu pour longtemps.

Ils remontèrent sur leurs chevaux, et les talonnèrent en repartant en direction du village. Gaelante les regarda s'éloigner, une mauvaise sensation persistante. Crachant au sol, elle chassa ses pensées. La lame du couteau était rouge. Il était temps.

Chaud, il fait trop chaud, beaucoup trop, et cette douleur! Faites que cela s'arrête! Des ombres se mouvent devant ses yeux clos, des ombres qui lui rappellent quelque chose sans qu'elle sache de qui il s'agit. Pas de visage, juste une silhouette, et ces ombres s'éloignent comme pour se moquer d'elle. L'impression que sa tête va se fendre, la hanche qui la brûle... Comment?! Pas de souvenirs, elle ne sait plus ce qui lui est arrivé.

*Clop* *clop* *clop* *clop*

Les pas des chevaux... Non, non pas ce bruit. Le cœur s'emballe, un sanglot, pas ce bruit! Entravée, le drap de tissu grossier lui colle à la peau, elle veut s'en aller, veut fuir ce bruit, ne veut plus l'entendre, mais ne le peut. Une chevelure blonde, qui est-ce?! Disparue... Des voix, des hommes...

...sorcellerie...

Sorcellerie? Sorcière... Pourquoi ce nom lui est familier? Plus un bruit, la brune se calme. La respiration rauque, difficile, il fait chaud, elle a soif, de l'eau, de l'eau! Elle veut le voir, elle veut le sentir... Mais qui?! Une ombre se découpe, lui, oui c'est lui qu'elle veut! Il s'en va! Nouveau sanglot qui étreint la jeune femme.

Non, non reviens...

Perdu! La voix d'une femme, qui est Ava? Et vient la douleur, vive brûlure, douleur atroce sur sa hanche, un hurlement lui échappe tandis que son corps entier se tend pour essayer d'échapper à la morsure du fer à blanc. Hurlement venu du fond du cœur, déchirant le silence, avant de s'éteindre... La douleur intolérable, la brune ne l'a pas supporté. inconsciente, pour le moment, une pause dans son enfer.
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La nuit était tombée rapidement sur la lande, et la vieille femme avait préféré rester sur place jusqu'au matin. Après tout, il n'y avait pas de risques. Qui s'approcherait d'une roulotte et d'une sorcière et ce, dans le noir?
Le beau temps avait fait place aux nuages lourds qui s'amoncelaient et au froid.

Gaelante ne dormit que peu cette nuit là, préférant veiller sa fille blessée, mais pas mourante comme l'avaient dit les deux soudards qui étaient passés plus tôt. Non, elle vivrait, elle était forte sa fille. Il fallait faire tomber la fièvre maintenant que la blessure était propre. Après l'avoir cautérisé, elle l'avait bandé après y avoir appliqué un onguent, passant un grand bout de drap autour de la jeune femme. La plaie à la tête ne semblait plus si terrible.

Couvant la brune comme la prunelle de ses yeux, elle ne la laissa jamais à court d'eau, de fraîcheur ou de chaleur, elle passait un linge propre et mouillé sur son front, n'hésitait pas à la couvrir quand elle frissonnait... Elle avait fait ça les deux jours précédents, et la vieille la connaissait maintenant par cœur. Par contre elle ne comprenait pas les mots échappés des lèvres de celle qu'elle croyait sa fille.

C'est au petit matin que Gaelante s'endormit d'un oeil, guettant le moindre geste. Ava semblait aller mieux, la fièvre avait fait une trève. Elle pouvait bien se permettre ça! Mais à la moindre plainte, ou mouvement, elle serait là.

Un battement de cils, les yeux s'ouvrirent difficilement. Un mal de tête peu supportable l'assaillit et la brunette referma les paupières avant de porter la main à son front et d' y sentir un linge humide. La main gracile se serra dessus et le retira lentement. Que s'était-il passé? Un geste pour se redresser et un cri de douleur! La brune ouvrit les yeux et porta sa main au côté,

Qu'est-ce que...?

Et elle découvrit pour la première fois l'endroit où elle se trouvait. C'était exiguë, tout en bois, et surchargé d'objets en tout genre. Une femme était assoupie non loin, elle ne l'avait pas entendu... Un souvenir, c'était elle dans son rêve? Qui était-elle? Elle hésita... Non elle allait la laisser se reposer. Sa tête la lancait, mais la douleur s'estompait peu à peu. Du bout du doigt elle frôla la blessure à son front et grimaca. Quelque chose attira son attention et elle observa son poignet en fronçant les sourcils et passa un doigt sur la cicatrice blanche, longue coupure en biais... Et sur l'autre également! D'où cela venait, pourquoi avait-elle ça??

Une main vint se poser sur les lèvres qui esquissèrent une moue de panique, elle ne se souvenait pas! Où était-elle?! Elle ne le savait pas plus... Comment était-elle arrivée là, qui était cette femme, et le pire... Comment s'appellait-elle?!

Oh non, non, non, je suis... Je suis...

Le son de sa voix réveilla la vieille femme qui vint à son chevet aussitôt. La brune paniquée à l'idée de ne plus se souvenir de son prénom, de quoi que ce soit, chercha de l'aide auprès de la femme, elle saurait elle, oui oui, elle saurait!

Où... Où est-ce que je suis? Qui êtes vous? Et... Co... Comment je m'appelle? Est-ce que vous savez? Dites le moi! Je vous en prie!

Malgré la douleur à la hanche, la jeune femme avait fini par se redresser, attrapant le bras de la vieille qui se tenait auprès d'elle. Les iris vertes suppliant presque de lui donner réponse qu'elle même n'avait pas, n'avait plus!
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