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Une blague qui tourne mal...

[RP] Campement d'une Flamme.

Maeve.
[Là ou ailleurs…]

A Moulins et un peu paumée. Voilà où elle en est la rouquine Alterac. Et pour elle, c’est sacrément inhabituel. La demoiselle sait depuis ses quatre ans ce qu’elle veut faire, où elle veut aller, ce qu’elle vivra, comment et avec qui. Elle l’a toujours su. Quels que soient les évènements qui ont marqué sa route, elle n’a pas dévié de son but. Jamais.
Maeve est fille de noble. Maeve sera chevalier. Maeve sera l’épouse aimante de Gaspard. Maeve est sérieuse, Maeve est responsable, Maeve est la bonne cadette, sage, parfaite, Maeve arbore sa balafre comme une victoire, Maeve est licorneuse, Maeve est dame de St Sornin, Maeve est … perdue.

La Flamme vacille et scintille d’une faible lueur. Pilier de comptoir, elle ne va plus que rarement fréquenter les bancs usés des tavernes. Après des semaines d’agitation et de découverte, le retour à la réalité est difficile pour la jeune rousse. Quinze ans, et elle découvre à peine qu’on peut aussi s’amuser… Fille de devoir, elle avait fait son deuil de la liberté si chère au cœur des autres. Elle croyait l’être, libre. Elle croyait avoir choisi, avoir décidé, et courir vers son but en pleine conscience.
Aucun doute n’était venu souiller sa décision, aucune question n’avait entaché ses convictions inébranlables.
Et pourtant… Une secousse ou deux sur son tambourin de fortune avaient suffi à faire vibrer son coeur de jouvencelle. Elle avait ri, chanté, dansé, bu à en avoir mal aux cheveux. Et puis… Et puis d’un coup, le vide. Les missives qui se suivent, l’invitant à quitter le duché. Etrangère, elle qui n’a pas de véritable foyer…

D’ailleurs, c’est peut être ça qui la bouscule le plus ces derniers temps. Que des inconnus se permettent de remettre en cause tout ce qu’elle est. Exclusivement. La Flamme n’a rien d’autre dans sa jeune vie que la probité, l’honnêteté et la vocation d’aider son prochain, conseils en bouche ou armes à la main. Chevalier, qu’elle veut être. Et on l’accuse d’être pilleuse. Peut-être qu’à vingt ou trente ans on sait qui on est et que ce genre de remarque se prend avec diplomatie.
Mais quand on n’a que quinze ans, qu’on a toujours tout fondé sur cette image, et qu’on s’entend demander de prouver qui on est et pourquoi on est là, et bien on le prend mal.
Elle n'accepte pas les différents courriers et le ton condescendant voire inquisiteur des douaniers, la mémoire branlante de la duchesse, l’attitude méfiante des autorités. Oh elle savait qu’il existait des cons partout. Elle savait aussi que tout le monde ne peut pas connaitre le nom de ses parents, que seuls ses amis savent combien Maeve place ses valeurs au dessus de tout, mais pour la jeune fille, la remarque a un arrière gout amer.

Le tout mélangé donne une belle étincelle dans la cervelle embrasée de la Flamme. Elle cogite et soupire plus souvent qu’à son tour. Même la présence d’Arthur, les taquineries affectueuses de Grid, l’apparente gentillesse de quelques uns des moulinois ne parviennent pas à lui faire retrouver son allant. Pire que l’acné juvénile, Maeve découvre les affres des crises existentielles des gens de son âge. L’envie de tout envoyer balader comme de tout poursuivre, les envies de rire qui arrachent les larmes, les bonjour urticaires comme le plissement de nez à des remarques hier anodines aujourd’hui vexantes, et inversement.
Toujours est-il qu’elle se retrouve aux portes de la ville… Seule, arpentant les chemins les pensées en ébullition, elle cogite sans y réfléchir. Maeve ne réalise pas bien ce qu’il se passe en elle en ce moment, concentrée sur ses entrainements, ce qu’elle croit savoir de sa vie. Elle n’imagine pas le changement et les contradictions qui la tiraillent. La Flamme sait juste qu’elle a du mal à discuter, à voir des gens, à programmer son départ, à se réjouir de retrouver les autres.

Lachant un soupir, elle s’en va rejoindre son campement. Une tente de toile et cuir, bien dressée. Un foyer encore fumant du matin, quelques affaires disséminées au gré des envies, Fernand qui broute pas loin, Gilles attaché à sa corde qui grignote des brins d’herbe avec l’air ahuri qui le caractérise. La jeune fille s’approche, et dépose hache et arc près de l’entrée de la tente, avant de se poser en tailleur devant le foyer et de ranimer le feu avec quelques brindilles arrachées au tas non loin.
Léger soupir qui s’échappe des lèvres juvéniles, azur qui s’en va se perdre dans les flammèches orangées qui dansent devant elle. Le soleil n’est pas loin de quitter l’horizon, et quelques étoiles déjà viennent parsemer un ciel qui s’obscurcit. La Flamme met un quelconque morceau de viande à cuire, perdant ses réflexions dans les lueurs changeantes du feu qu’elle vient d’allumer.

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Grid
Moulins, au crépuscule, ou pas loin. Une légère fraîcheur nocturne commençait à doucement remplacer la douceur irradié par le disque rougeoyant tout au long de la journée et bordant maintenant l'horizon rosé. A cette heure, la plupart des badauds s'empressaient de rejoindre leur chaumière pour satisfaire leur estomac grondant, les marchands remballaient leurs étales plus ou moins vidées par les transactions de la journée, les parents poursuivaient les enfants récalcitrants afin de les faire rentrer et tant d'autres encore vaquaient à de banales occupations. C'est ici, au milieu de ce tableau d'où s'échappait une sorte de bourdonnement désagréable, que se trouvait un flâneur né, un moulinois d'adoption depuis maintenant plus de trois ans, connaissant maintenant par coeur la moindre ruelle du village tout autant que la campagne environnante.
Virage à droite, puis à gauche... Où ses pas le menaient ? Il ne le savait guère. Depuis longtemps il avait appris à se laisser guider, destituant la partie consciente de son esprit des labeur du fonctionnement mécanique de son corps. Ainsi s'ouvraient à lui des strates de concentration peut-être inaccessible en temps normal, que ce soit pour se focaliser sur le monde qui l'entourait, ou tout simplement se plonger dans quelques intenses réflexions.

Intenses réflexion... Le terme pourrait assurément prêter au sourire. Pourtant, les faits étaient là. En effet, nombreux étaient mois séparant le forgeron de pareille introspection, sûrement depuis la naissance de son enfant, à vrai dire. Cette même naissance qui avait amené tellement de soucis sur son petit nid de tranquillité, car s'est alors que Lilou avait changée, et radicalement. L'incroyable incompréhension du couple venant gangrener une stabilité jusque là imperturbable avait fini par le faire éclater, laissant pour seul victime un enfant bâtard portant le nom d'Alwyn. Assurément, le jeune moulinois n'attachait pas la faute à son enfant, ne serait-ce qu'en imaginant le coup de poing qu'il se prendrait en pleine figure si jamais Arthur venait seulement à le supposer. Toute la faute, il la rejetait sur sa mère, elle et sa fuite parfaitement injustifiée, elle et son manque de courage criant pour affronter la situation délicate qui se présentait devant eux. Dire qu'il la déteste maintenant serait bien trop fort. Cependant, renouer un quelconque lien affectif avec elle sera une entreprise longue et demandant de la patience, si jamais une action faite en ce sens devait être engagée.

Mais quoiqu'il en fut de toute cette histoire, elle demeurait maintenant derrière lui, aspirée par l'inaltérable écoulement du temps. Depuis peu, ses réflexions le portaient dorénavant ailleurs, tentant de percevoir la nébuleuse aurore lui faisant face plutôt que d'analyser la nuit qu'il venait de traverser. Ce virement radical dans sa manière de penser, il le devait à une seule personne, et ce, alors qu'il ne la connaissait qu'à peine. L'étrange écoulement de leurs conversation l'avait finalement amené à répondre oui à cette imprévisible demande d'escorte. C'est ainsi qu'il fut embarqué, non sans mal, dans un bref mais revigorant périple auvergnat. Maeve Alterac, la jeune et sage rouquine qu'il considérait déjà comme amie avait finalement réussi à le sortir de sa relative léthargie au sein de Moulins. Qui l'eut cru... ?

Enfin, c'est au beau milieux de raisonnements sur les possibilités qui s'offraient maintenant à lui que son odorat fut titillé par une odeur alléchante de viande grillée. Naturellement, ses glandes salivaires s'activèrent et un grondement stomacal lui rappela aussitôt que l'heure du dîner était arrivée depuis un moment déjà. L'esprit rassembla alors rapidement les informations sur l'endroit où ses pas l'avaient menés : hors de la ville. Non loin de lui s'élevait la fumée propageant sans nul doute cette odeur de grillade si appétissante, et c'est alors qu'il se souvenu que la jeune Alterac campait hors des remparts, refusant l'hospitalité moulinoise par simple orgueil, présumait-il. Sans la moindre réflexion supplémentaire, il dirigea ses pas vers le campement dressé devant lui, alors que les dernières lumières du crépuscule effleurait les cimes des plus hauts arbres l'entourant et le dissimulant. Ainsi, l'obscurité dans laquelle il se mouvait rendait la chaleur rougeoyante émanant de la toile qui lui faisait face très attirante. Mais c'est à cet instant qu'une idée stupide le traversa, en même temps que sa démarche devenait furtive, et que ses lèvres s'étiraient en un grand sourire.

Blagueur le moulinois, il l'a toujours été. Combien de fois a t-il voulu effrayer des amis alors que la nuit était tombée ? Il ne les compte plus, sûrement trop d'ailleurs. Mais voilà qu'une belle occasion se présente de nouveau... Il s'en frotterait les mains si ça ne risquerait pas d'affecter sa détection. Fort de la végétation à nouveau feuillue qui l'entourait, il mouva son ombre en décrivant un large arc de cercle autour du campement, afin d'atteindre un angle d'approche qu'il jugeait idéal. Puis, lentement, il débuta son approche à proprement parlé, veillant avec un soin tout particulier à ce que sa démarche demeure indétectable. Bien qu'il ne fut pas expert en la matière, il pensa sa discrétion plutôt correcte, et poursuivi donc lentement sa progression. Devant lui, aucun signe ne semblait trahir qu'il fut découvert. Alors, le moment fut venu d'agir, de lancer enfin le canular. Pas un seul instant il n'avait songé à la réaction que pouvait avoir sa cible, pas un seul. Inconsciemment, il remettait son sort entier entre les mains d'une jeune fille parfaitement entraînée au combat d'une quinzaine d'années. Ainsi, utilisant tous ses meilleurs talents de comédien, il se dressa brusquement de l'arrière d'un buisson, tout proche de la toile mais cependant assez loin du feu pour ne pas être aisément reconnu, sortit son épée de son fourreau, pour plus de crédibilité, puis aboya d'une voix à l'accent bien travaillé :


Donne moi vit' c'que tu possèdes, gamine ! Ou j'te dépece comme un porc !
Aube
Enfin la situation s'était un peu calmée à Moulins. Après plusieurs nuits de garde et de révoltes matées, les habitants du village avaient enfin pu relâcher un peu la surveillance. La vie reprenait son cours, le marché était à nouveau fourni, les villageois pouvaient vaquer à leurs occupations.

Cela faisait quelques jours qu'Aube n'avait plus fait de promenade, elle qui pourtant aimait cela par dessus tout. C'est vrai que son moment préféré était l'aurore, quand la nature se réveille doucement et que la clarté avance furtivement parmi les feuillages des arbres. Mais ce jour-là, elle avait dormi plus longtemps que de coutume, harassée par les gardes successives. Puis les occupations quotidiennes lui avaient mangé la plus grande partie de sa journée.

Elle s'était donc mise en route assez tard, après avoir passé un moment en tête à tête avec Arthur. Il l'avait laissée partir seule, sachant qu'elle avait besoin de ces moments de solitude. Car, même si elle adorait la compagnie de ses amis, si elle passait son temps à rigoler, à dire des bêtises et à offrir des tournées générales, il lui fallait se retrouver avec elle-même de temps en temps.

Depuis que la bête avait été tuée, la forêt avait repris ses habitudes. Bruissement des feuilles causé par le vent, chant joyeux des oiseaux qui virevoltent entre les arbres, bruit de chute de pommes de pin, craquements d'arbres centenaires, douce musique de toute cette vie minuscule qui grouille partout, sous la couche des feuilles mortes, dans les écorces des troncs, parmi les feuillages naissants,...

Le soleil se couchait, il faisait de plus en plus sombre dans la forêt et, petit à petit, le calme s'installait. Une odeur de viande grillée vint titiller les narines de la blondinette. On se rappellera qu'elle est très gourmande, Aube. C'est donc sans même s'en rendre véritablement compte qu'elle dirigea ses pas vers la source de sa convoitise inconsciente. Elle avançait en s'imaginant la bonne viande grillée qui devait attendre, perchée au-dessus d'un tas de braises rougeoyantes. Mais elle s'arrêta, clouée sur place, en entendant crier une voix, teintée d'un accent bizarre.


Donne moi vit' c'que tu possèdes, gamine ! Ou j'te dépece comme un porc !

Que se passait-il donc? Un homme s'attaquait à une jeune fille? Peut-être même à une enfant?

Aube n'était pas la plus courageuse du village. Elle ne courut donc pas à toutes jambes vers le campement qu'elle apercevait un peu plus loin, mais approcha juste un petit peu, en faisant le moins de bruit possible, pour essayer de se faire une idée de la situation. Et ce qu'elle vit ne laissa pas de l'effrayer. Elle distinguait une silhouette masculine, épée au poing, qui menaçait une jeune fille, assise devant un feu. Il lui sembla bien reconnaître la chevelure rousse de Maeve. D'autant qu'elle savait que la jeune noble campait à l'écart du village. Mais qui pouvait bien être l'homme debout qui la menaçait? Il était trop loin du feu pour qu'elle puisse le reconnaître. Mais il n'y avait pas un instant à perdre, il fallait faire quelque chose. Retourner au village ne servirait à rien, le temps d'y arriver, de trouver quelqu'un et de revenir, il serait trop tard pour Maeve si l'homme était disposé à user de la force.

Aube décida donc de faire diversion. Peut-être que si elle attirait l'attention de l'homme, Maeve pourrait réagir et prendre l'avantage sur son agresseur. Aube savait que Maeve s'était déjà battue par le passé et même qu'elle avait tué un homme...

La blondinette ramassa deux grosses pommes de pin et les lança l'une après l'autre le plus loin possible dans le dos de l'homme, espérant qu'il se retournerait instinctivement pour essayer de trouver l'origine de ce bruit.



"Au coin du bois j'ai trouvé ce matin,
Une autre vie qui me tendait les mains..."
Maeve.
[Surprise !]

Bleu dansant dans l’orange d’un feu de printemps, loin des brasiers d’hiver, plus vivace que les braises d’été, suivant inconsciemment la chute continuelle des gouttes de graisse d’un morceau de viande qui cuit… Le premier amusement du grésillement guilleret a laissé place à la réflexion plus nébuleuse qui se poursuit sous les boucles rousses de la cadette Alterac qui n’en finit plus de se poser des questions.
Elle n’hésite pas vraiment, elle sait ce qu’elle doit faire. Son nom, son rang, sa condition et ses rêves n’ont toujours formé qu’une entité homogène et si précise qu’elle n’envisage pas une seconde de tout envoyer valser… L’idée lui arracherait même un sourire amusé si elle lui passait par la tête… Maeve, la défenderesse continuelle et acharnée de la Couronne, du devoir, des responsabilités, rejeter tout ce qu’elle représente pour vivre une vie de bohème, ne se souciant que d’elle et du jour présent, c’est tout bonnement impensable.

Sa hache posée à sa droite, sa dague sur sa cuisse gauche, elle zieute sans vraiment la regarder cette pièce de viande qui continue à chauffer, quelques miettes de charbons se formant même à la surface, marquant par là un temps de cuisson dépassé, mais la rouquine ne s’en rend pas compte. Dans sa caboche défilent les dernières semaines, dans sa besace à laquelle elle n’accorde pas un coup d’œil, pèsent lourdes les dernières missives qu’elle a laissées sans réponse.

Evasion bénie de l’heure crépusculaire où l’on peut s’imaginer que les soucis s’enfuient avec le soleil dans un monde parfait, et qu’avec un peu de chance, on se réveillera le lendemain débarrassé de toutes ces interrogations gênantes…. D’autant qu’elle sait, Maeve, ce qu’elle fera au réveil. Routinière de l’entrainement, elle se lèvera comme tous les matins depuis maintenant plus de sept années, pour manier arc et hache, pratiquer l’art de la dague, et pendant plus de quatre heures répéter les mouvements qui lui permettent d’être prête à toute éventualité.
Elle s’entrainera, encore et encore, jusqu’à ce que le disque jaune qui vient de disparaitre dans une aura orangée soit revenu et paresse au zénith…. Alors seulement elle s’accordera un bain dans l’Allier, avant de flâner au bord de l’eau comme elle le fait si bien depuis quelques jours, s’occupant sans réellement y accorder attention de son cheval puis son lapin –merci Karyl- avant de passer devant les fenêtres des tavernes, des fois que l’envie lui prendrait d’y faire un tour. Même si ce gout de la compagnie lui avait passé depuis quelques jours…

Mais pour l’instant… Elle laisse sa viande carboniser, détachée de ce qui l’entoure. S’il n’avait été le sabot de Fernand sur le sol, l’agitation de Gilles au bout de sa corde, elle aurait presque oublié ses réflexes de jeune écuyère. Mais si son attention était prise ailleurs, son instinct en revanche lui reste alerte. En d’autres temps, elle aurait réagi bien avant, seule, mais même maintenant, les mouvements inhabituels de ses compagnons de route réveillent en elle la combattante.
Sans esquisser le moindre mouvement, ni trahir par le moindre cillement le fait qu’elle tend l’oreille, elle écoute, concentrée, les bruissements de l’herbe qui n’ont plus rien du simple mouvement amené par une brise fraiche. Quelqu’un se déplace. Elle connait ce bruit. Il résonne en elle comme un souvenir trop vivace, elle n’entend plus que ça. Seulement la Flamme n’est plus la fillette de huit ans insouciante dans une clairière limousine. Elle est une écuyère de quinze ans, surentrainée pour son age, et surtout… elle a déjà vécu ça.

Pas un geste… Elle le laisse approcher. Devant ses prunelles danse l’image d’un ange déchu, d’une blondeur paradoxale. Sa force de volonté seule l’empêche de porter ses doigts à la balafre qui habille sa joue droite, d’effleurer les marques qu’elle porte sous ses braies, stries qui maculent ses cuisses d’un souvenir impérissable. Maeve réprime difficilement l’angoisse, la peur, qui insidieusement se faufilent en son cœur, réveillant l’enfant effrayée qu’elle avait été à Limoges face à Uriel…
Puis… l’instinct, les réflexes, l’entrainement portent leurs fruits. Alors qu’il s’approche, elle descend doucement sa main gauche vers sa dague. D’un coup d’œil elle a apprécié la distance entre sa main droite et sa hache. Gauchère contrariée, la rouquine sait désormais, grâce à Snell, se servir indifféremment des deux armes en attaque. Il lui avait bien dit qu’elle perdait la défense d’un bouclier, mais après tout… un bouclier ne protège que rarement des rôdeurs de forêt, n’est ce pas ?

Lorsque la voix tonne dans l’air soudain rafraichi, la Flamme est prête. Si concentrée sur ses mouvements qu’elle ne reconnait pas tout de suite le timbre de son ami, n’entendant que la menace, se révoltant face à l’agression. Ses pieds sous ses genoux se tendent et s’ancrent dans le sol, les gambettes se déplient, et elle se lève en un mouvement, fluide. A dextre trône déjà la hache forgée par son oncle, à senestre la dague brille du dernier rayon solaire, à moins que ce ne soit la lune, Maeve ne le remarque pas de toute façon.
Les saphirs n’appréhendent que la silhouette qui se dessine dans la lumière faiblarde de ses braises, déjà ses pieds sont décroisés, et elle est en garde. La forme d’une épée brandie, la formule menaçante, il n’en faut pas plus à l’adolescente pour attaquer. Loin d’elle l’enfant apeurée, elle est Maeve Alterac, écuyère d’un chevalier de la licorne, écuyère de l’Infâme Borgne de Bourgogne, fille de chevalier, et elle ne faillira pas cette fois. La cicatrice sur sa joue fourmille, ses doigts autour des gardes se resserrent, et elle attaque.

Elle a tué déjà. Et pas n’importe qui. Un rouquin entrainé, un zokoiste mercenaire, un homme certes blessé, mais plus vieux, plus entrainé et plus fort. Elle n’a plus peur, Maeve, et elle n’hésite pas. D’une jambe lancée en avant, elle se fend dans l’air, penchée à gauche, évitant un éventuel coup d’épée en diagonale, elle vise les genoux… Deux bruits. Mats. Derrière le brigand. Il n’est pas seul sans doute… des complices moins discrets qui se mettraient en place… A peine une demi seconde, de toute façon elle a son but, sa caboche calcule déjà la position qu’elle devra occuper pour ne rien risquer des arrivants.
La hache, plus lourde, reste en l’air, comme un bouclier d’acier. La dague à gauche en revanche atteint son but. Derrière le genou, de quoi le faire fléchir, tomber, et crier… Lueur de surprise dans les prunelles de la rouquine… Ce ton, cette douleur, ce timbre, cette douleur matinée de stupéfaction, d’étonnement… Rien de normal et les mirettes se plissent, tâchant d’analyser les informations, alors que le corps juvénile déjà se prépare à une riposte, ou à l’attaque des complices…


AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

La compréhension se fait petit à petit… L’idée creuse son chemin dans les sinuosités des instincts de la môme, alors qu’elle réalise, sa dague ensanglantée à la main, qui est son agresseur. Quelques secondes de battement… Pourquoi Grid ? Pourquoi lui l’aurait-il attaqué ? Il n’a rien d’un brigand, encore moins d’un combattant, c’est un ami, un ami taquin, … Par Aristote ! La rouquine écarquille les yeux et crie à l’unisson quand elle comprend ce qu’elle vient de faire et ce que Grid a tenté de faire….
Une blague, une simple plaisanterie sans doute de sa part, qui coute cher au moulinois.


Grid… Mais Grid ! Pourquoi ? Mon dieu…

Et ce n’est qu’en lâchant ses armes et s’agenouillant près du moulinois qu’elle se demande ce qu’étaient ces bruits qu’elle prenait pour des complices. Et d’agresseur d’un plaisantin, elle se pose soudain en défenseuse acharnée de son ami, formant rempart de son corps, récupérant sa dague, et fouillant du regard les alentours.

Qui est là ? Parlez ou filez, et loin !
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Arthurdayne
Le soleil s'effaçait, modeste, laissant sa place à la nuit. Quelques échos de sa lumière blanchissaient encore l'horizon, et sa soeur ténébreuse n'avait pas repris tous ses droits. Dans son dos, les fenêtres des chaumières commençaient à briller, animées par le feu des foyers, comme autant de lucioles symbolisant les âmes des Moulinois. Du haut des remparts, Arthur embrassa du regard ce village pour lequel, une fois encore, il laissait fuir ses nuits de sommeil dans les rondes interminables de surveillance et de défense. Il avait laissé Aube un peu plus tôt. Elle avait exprimé son besoin de solitude. Qu'Arthur comprenait. Qui mieux que lui pouvait connaître ce besoin? Cela dit, il s'inquiétait. Pas vraiment qu'Aube lui ait donné des motifs directs d'inquiétude... C'était plutôt ce que les autres disaient. On ne voit plus beaucoup Aube en taverne, ces derniers temps. Elle va bien? Oui, elle allait bien. Du moins, il l'espérait. Le doute s'était lentement insinué en lui. Et si quelque chose la tracassait? Et si elle n'allait pas, si son âme était tourmentée et qu'il ne le voyait pas? N'en déplaise à ce que l'on voulait bien dire, Arthur se savait loin d'être toujours suffisamment attentif aux autres. Quand bien même ils étaient parmi ses plus proches.

Son regard quitta le village aux fumées mourantes du soir tombant pour venir se poser sur les collines. Souvent il s'était demandé la place que ces collines avaient occupée dans son installation progressive à Moulins. En les observant, ce soir, alors que les derniers rayons du soleil, mourant eux aussi à l'horizon, colorait le haut des collines d'un halo que l'on pouvait croire violet, avant de fugacement s'assombrir. Devant lui, du haut de ces remparts, s'étendait un paysage étrangement semblable à celui qui émergeait parfois des brumes de ses souvenirs, de la fenêtre d'un château familial, dans une autre vie, dans la vie d'un autre, peut être. Une petite lueur attira son attention, juste au bas des remparts. Il y avait un feu, là bas, un feu de camps. Celui de Maeve, à coup sûr. La jeune fille avait refusé poliment son offre de venir loger à la chaumière, à présent que ses amis avaient repris leur route. Cette proposition, au vrai, ne tenait pas qu'à la simple courtoisie. Depuis son retour de Montbrisson, Maeve lui avait paru soucieuse, comme perdue dans des réflexions si profondes qu'elle n'en émergeait que rarement pour se joindre aux choses du monde extérieur. Et comme pour Aube, Arthur ne savait au juste que faire. Il ne savait pas vraiment comment s'y prendre avec cette gamine qui n'en était plus une, mais qu'il verrait toujours ainsi, quoiqu'il fasse. Avec cette demoiselle sur le point de devenir une dame, chose qui, entre toutes, mettait Arthur au comble du malaise. Il pouvait obscurément deviner les tourments qui hantaient l'âme adolescente de Maeve, mais n'avait pour autant aucune réelle prise dessus.

Il savait Maeve prisonnière d'un rôle, d'un devoir qu'elle s'était imposée autant que les évènements le lui avaient imposé. Il reconnaissait en cela Marie Alice, dans cette propension à s'affubler de devoirs afin de ne pas se livrer pleinement. Maeve était prisonnière, mais personne ne pouvait la libérer, personne d'autre qu'elle même. Au mieux, ses proches pouvaient l'aider, en lui montrant d'autres facettes de son monde, et Arthur espérait que Moulins et ses habitants, ainsi que les gitans qui l'avaient accompagnée, avaient pu lui apporter cette aide. Le prix à payer était, bien sûr, que Maeve voit son univers un peu déstabilisé. Mais c'était aussi le prix d'une certaine liberté. Liberté qu'il avait, lui même, mis des années à appréhender pleinement. Et peut être n'y était-il pas encore tout à fait parvenu.

Il en était à ce point de ses songes nocturnes lorsque le cri retentit. Un cri de douleur tant que de surprises. Un cri qui le fit sursauter, non tant à cause de son incongruité que par le fait qu'il en connaissait le propriétaire. Avant même qu'un nom, une identité vint s'imposer à son esprit, Arthur avait dévalé les escaliers de pierre. Le hurlement s'était éteint, mais il avait été poussé non loin du campement de Maeve. Mille et une possibilités se percutaient les unes les autres dans l'esprit d'Arthur, qui ne voulait, ou ne pouvait, en isoler aucune. Le cri n'avait pas été poussé par Maeve, c'était une certitude. Il passa la poterne sous les yeux médusés d'un poignée de gardes, et s'engouffra dans la pénombre extérieure, hors de Moulins, quittant l'abri tout relatif des remparts de pierre. Et s'ils étaient une vingtaine de brigands, là bas? Que ferait-il, seul, contre eux? Et si c'était une meute de loups qui avait agressé Maeve? Et si... ?

Epée au poing, sans vraiment qu'il ait eu conscience de la sortir de son fourreau, Arthur accrocha au fond de ses prunelles la faible lueur du feu de camp et courra aussi vite que ses vieilles jambes le lui permettaient. Enfin arrivé dans le cercle faiblement illuminé, il happa d'un regard la scène absurde qui se dessinait sous ses yeux. Maeve lui tournait le dos, faisant face à l'obscurité, armes au clair. Du sang perlait à la pointe de sa dague. Elle était comme recroquevillée, prête à bondir. A ses pieds, à la limite du halo lumineux formé par le feu de camp, une silhouette se tordait, presque convulsivement, au sol. C'était Grid... Et Maeve hurlait à la nuit:


Qui est là ? Parlez ou filez, et loin !

Arthur fit quelques pas de plus et, d'une voix aussi douce que possible, mais néanmoins suffisamment claire pour qu'elle porte par dessus l'écran de fumée d'une viande plus que carbonisée, s'adressa à la jeune fille.

Maeve? Qu'est-ce qui se passe?
_________________
"Je vivais à l'écart de la place publique
Serein, contemplatif, ténébreux, bucolique."
Grid
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

Le cri franchit sa gorge, perçant, et simplement proportionnel à la souffrance qui le traversait. En un instant, le sol se dérobait sous ses pieds suite à l'action puissante de la douleur, si violente et soudaine qu'il perdit toute force à maintenir son poids de sa jambe encore indemne. Les premières étoiles vrillèrent sous son regard comme autant de petites lucioles célestes filant si vite qu'il aurait pu se demander si elles demeuraient réelles. Ainsi, alors que les astres nocturnes se soustraient de son regard, le jeune tapis d'herbe qu'il effleurait silencieusement quelques instant auparavant vint à sa rencontre, tendant la moindre de ses brins vers celui qu'il va accueillir de tout son poids. C'est ainsi que sa chute arriva à son terme, alors que tout son corps frappait le sol dans un bruit mat, mais surtout complètement éclipsé par sa voix encore tonitruante. Par instinct, ses mains se portèrent à son membre endolori et sanguinolent. Curieuse manie qui n'a pourtant jamais atténué une quelconque douleur, pourtant. Mais son cerveau, à présent bombardé de signaux nerveux, ne pouvait pas agir autrement que par instincts, si inutiles soient-ils. Il ne pouvait même pas faire le tri de sa mémoire pour s'assurer de ce qu'il venait de lui arriver...

Seule certitude, une ombre, enveloppée d'un halo rougeoyant dû aux brasier du campement s'était vivement dressée au moment où sa bouche livrait les mots les plus stupides qu'elle n'eut jamais prononcé. Alors, tandis que ses lèvres allaient laisser s'échapper un rire joyeux et spontané signifiant la fin de la supercherie, au moment même où toute tension allait se dissiper, à cet instant précis, son regard se focalisa sur les reflets chatoyants des flammes dansantes, virevoltant devant lui. En un instant, leurs mouvements anarchiques se firent précis, tels d'étincelantes braises n'étant pas encore totalement consumées qui seraient parvenu à échapper aux flammes, emportés par une douce brise, puis soudainement accélérées par une quelconque rafale. Car en effet, il n'avait fallu qu'un clignement d'yeux pour que cette ombre devenue menaçante ne s'avance jusqu'à lui. Dire qu'il n'avait même pas décidé de se positionner en une garde digne de ce nom... Autant dire que son épée lui était aussi utile à lui qu'un moulin sans ailes pourrait l'être à un meunier. Enfin... Quand bien même aurait-il été en garde, aucune de ses compétences au combat n'aurait pu le sauver, car trop peu entraîné pour pouvoir laisser parler les réflexes. C'est alors que sa jambe avait été touchée, pour finalement se retrouver gémissant de douleur sur l'herbage printanier, à maintenir désespérément cette jambe...

Cette jambe, dont la chaleur pourpre s'écoulait, insouciante et impétueuse, entachant d'une couleur sombre le sol sur lequel elle s'étalait. La courte lame semblait malheureusement avoir atteint la cible qu'elle paraissait s'être fixée, et tout sur son passage y avait été tranché. Des ses mains, il sentait toute la longueur de l'estafilade, correspondant à exactement toute la longueur de sa jambe au niveau de son genou. A partir de cette information, et même si tout son être était terriblement affecté par la torture affligée par cette entaille, il pouvait imaginer la profondeur de la blessure, sans toutefois en mesurer pleinement les conséquences...

De ce qu'il se passait autour de lui, il ne percevait rien, entièrement obnubilé par les convulsions de douleur issues de chacune de ses tentatives de mouvement. Comme une feuille jetée sur un torrent, les mots de Maeve avaient totalement glissé sur lui, laissant imperturbable le flot continu et insupportable qui s'écoulait en lui. Même la voix de son beau bourgmestre, alors descendu des remparts, ne l'avait sorti de sa pitoyable impuissance à combattre sa souffrance physique. Déjà la dernière fois, lors d'une attaque du village et qu'un coutelas lui fendait le mollet, il n'avait pu maîtriser ce torrent lancinant qui l'avait finalement submergé au point de ne pouvoir contrer les humiliations de son adversaire. Jouant d'un mélange entre torture et douceur, l'assaillante s'était amusée à l'embrasser, alors que, de la lame qu'elle venait d'arracher de sa chair, elle effleurait délicatement son cou. A cette instant, il subissait, demeurant immobile sur le sol gelé d'hiver. Toutes les informations que son cerveau avait du traiter en même temps l'avaient amené à la plus stupide des inactions : l'immobilité. A partir de ce jour, il s'était juré de maîtriser les affres de la douleur, de rester digne même si les assauts douloureux de ses blessures devaient l'intimer à céder à la facilité. Cependant, cette promesse s'était maintenant envolée, happée cette avalanche demeurant incontrôlable pour lui.

C'est alors que, ne percevant pas encore toute l'absurdité de ce qu'il venait de se produire, une infime partie de lui parvenait à rester spectateur de cette scène minable... Son corps lamentablement prostré et gémissant de douleur sur ce moelleux tapis verdoyant... Le temps n'avait rien fait. Encore une fois, il avait remarquablement échoué...
Aube
Juste après avoir lancé sa deuxième pomme de pain, Aube entendit un cri affreux déchirer la nuit. Maeve n'avait même pas eu besoin de ses deux malheureuses pommes de pin pour réagir et prendre l'ascendant sur son agresseur.

Pauvre homme! Bien mal lui en avait pris de s'en prendre à cette demoiselle si frêle d'apparence. Aube aurait presque eu pitié de lui si elle ne l'avait pas entendu juste avant menacer Maeve d'une façon si abjecte.

Soulagée que la situation tourne à l'avantage de son amie, Aube fit un pas en avant pour la rejoindre quand elle l'entendit crier.


Qui est là ? Parlez ou filez, et loin !

La blondinette allait répondre quand elle entendit une voix qui lui était plus que familière vu qu'il s'agissait de la voix de son tendre Arthur.

Maeve? Qu'est-ce qui se passe?

Mais que faisait-il là? Aube l'avait laissé une petite heure auparavant près des remparts pour faire un petit tour et voilà qu'il était ici, au campement de Maeve. Evidemment, du haut des remparts, il avait peut-être remarqué quelque chose de spécial et se serait inquiété pour Maeve. Surtout après le cri poussé par l'inconnu. Enfin l'essentiel était que tout se termine bien, si tout était fini aussi. L'homme qui avait attaqué Maeve n'était peut-être pas seul. Et pourquoi Maeve avait-elle l'air de le protéger maintenant? En observant bien Maeve, Aube avait eu l'impression qu'elle faisait un rempart devant l'homme étendu à terre, comme pour le protéger.

Aube se dit qu'elle devait aussi s'avancer à la lueur du feu, peut-être qu'elle comprendrait un peu mieux la situation. Elle avança donc doucement et s'annonça à distance raisonnable, pour être sûre de ne pas être prise pour un brigand.


Est-ce que tout va bien Maeve? C'est moi, Aube!

Elle fit encore quelques pas en direction du campement pour que Maeve puisse la reconnaître à la lueur du feu.
--Maeve.
[Mais sont où les méchants ?]

A ses pieds, derrière elle, un Grid à l’agonie qui ne lui répond pas. Mais la Flamme n’a pas le temps de lui accorder plus que quelques secondes. Dans sa caboche résonnent les avertissements de deux pommes de pin maladroites qu’elle prend pour des brigands assoiffés de violence. Elle s’étonne de ne pas les voir débouler à la lisière du bois qui les entoure, à l’orée des remparts, elle s’étonne de ne pas voir d’ombre se dessiner, elle tend l’oreille mais à part son souffle rauque, elle n’entend d’abord rien.
Pourtant il devait bien y avoir quelqu’un, elle n’a pas rêvé la rouquine, elle a bien perçu deux bruits mats qui ont secoué dans leur sommeil quelques graviers bousculés. Et de son corps encore juvénile, elle forme une protection. Rien que pour l’avoir amenée à attaquer son ami, elle envisage les pires tortures sur les malfaiteurs imaginaires qui l’ont poussée à telle extrémité…

Elle se refuse toujours à envisager tout ce sang qui s’échappe du genou tailladé d’un moulinois qui n’a rien fait d’autre qu’une mauvaise plaisanterie… Grid, et son sens de l’humour alternatif, bon sang mais quand comprendra-t-il qu’il devrait trouver un autre choix de carrière ? Attaquer une jeune fille surentrainée et surarmée qui porte sur sa joue la marque du dernier qui s’y est essayé, en voilà une idée dangereuse, et tordu de douleur à ses pieds, il en est la malheureuse preuve…
Puis deux voix s’élèvent enfin dans les ténèbres qui ont eu le temps de s’installer sans même qu’on ne les remarque, deux voix, deux brigands… Déjà le poing se resserre sur la poignée, le gauche sur la dague, le droit sur la hache, et tendue à l’extrême, la rousse se prépare à se battre pour protéger Grid.

Mais l’intonation et l’arrivée lente, à deux pôles du foyer qui brille encore de ses faibles lueurs forcent Maeve à cette fois réfléchir et reconnaitre Arthur et Aube… Alors l’adolescente laisse tomber les armes comme la tension, l’adrénaline s’en va se terrer là d’où ses larmes s’échappent maintenant à gros bouillons, roulant furieusement sur ses joues dans un torrent aussi démentiel qu’imprévu. La Flamme vacille et s’éteint, ne reste que Maeve, fillette dans un corps d’adulte, adulte dans un corps d’adolescente, qui s’effondre en sanglots, les épaules secouées des tressautements de sa culpabilité.


Maeve? Qu'est-ce qui se passe?
Est-ce que tout va bien Maeve? C'est moi, Aube!

Elle ne lève ses yeux brillants de l’averse coupable et furieuse de la peur ressentie après tant d’années que pour vérifier qu’il s’agit bien d’eux, pour leur désigner derrière un blessé d’une guerre imaginaire. Encore une fois, petite rouquine, tu as merdé. Encore une fois, tu t’es servi de tes armes sans raison, encore une fois tu as blessé, et vu la crispation douloureuse des traits de Grid et la flaque carmine qui déjà sous toi s’étend, se faufilant entre les herbes, peut-être as-tu tué de nouveau…
C’en est trop pour toi….
Tu te lèves d’un coup sur tes jambes flageolantes, et d’une voix rauque et hachée tu expliques rapidement ce que tu as fait. Mirettes rivées au sol, larmes taries, tu racontes sans plus d’autre émotion que le souffle qui te manque à cause de l’orage enfantin qui t’a saisie comment tu as attaqué un moulinois pour une mauvaise blague.

Puis tu t’enfuis, parce qu’il ne reste rien d’autre à faire. Arthur et Aube doivent porter Grid chez lui, le soigner, du moins essayer, et tu dois réfléchir. Tu en as assez fait, Flammèche, pour te mêler du reste. Alors tu t’enfuis, lâchement, rapidement, excusant ton souffle court par ta course, et retrouve ton havre. Cette pierre plate au bord d’un Allier si sombre qu’on le distingue à peine de ses berges, et dessus tu t’assieds. Les dernières perles salées ont séché pendant le trajet, tu n’as rien à faire qu’à laisser ton esprit se vider. Tout à l’heure, alors qu’à peine le crépuscule parti déjà l’aurore se montre, tu retrouveras ce campement délaissé, la mare de sang aura été bue par la terre, et tu n’auras qu’à reprendre ta vie, en espérant qu’on te pardonne ton acte.
Dans quelques jours, Maeve, tu en riras avec ta victime que tu soigneras. Mais pour l’heure, reste là à regarder l’eau, c’est bien tout ce dont tu es capable. Quelles sont dures tes leçons ma rouquine, qu’elles sont dures… Mais que tu en deviendras forte si tu ne sombres pas ! Tu sais ce qu’il te reste à faire non ?


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