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[RP] Pour l'amour d'une Brune

Blanche_
Neuf heures sonnait au clocher du village. Elle était debout depuis l'aurore, esprit martelé d'une interrogation sans réponse.
Depuis que Griet était rentrée, la veille. Énumérant les rumeurs du jour. Les potins de Breizh qui lui venaient aux oreilles. Les suicides ratés, les volages découverts, les pucelles et leurs griffes malicieuses... Tout un tas de ragots qu'elle se complaisait d'ordinaire à entendre.
Mais celui-là, prononcé sur la même fougue, coincé entre le "Augustine vue sur le chemin menant à Blain....Pieds nus, la pauvresse !" et les nouvelles tenues aperçues à la Cour de Nantes, celui-là avait fait se redresser le museau de la blonde, rougir ses joues et pincer les lèvres.
Sans retenue, elle se lève, parcourt la pièce en long et en large, maugréant de temps en temps quelques insultes à son encontre.
Mais Griet ne s'arrête pas, elle continue. Ne vois pas quel écho elle trouve dans les yeux sombres de sa maitresse.
Comment ? Avec Elle ?
Combien ? Combien de fois ?

La domestique baisse soudain les yeux. Peut être parce que la fureur de Blanche lui apparait avec une intensité toute nouvelle. Poing fermé et dressé contre son flanc, elle l'abat dans un cri sur la table. Tremblement, l'encre posée sur déverse sur le vélin pur. Et aux arabesques calligraphiées, doucement l'onde sombre se chevauche.
Elle grogne.


- Réponds ! Réponds ! Combien de fois, Griet !
- Mais... Maitresse... Je... Je ne sais pas.
- Es tu sûre de tes informations ?
- Oui.

La môme retombe au sol. A son cou, les vaisseaux outrés battent à tout rompre.
Trahison. Outrage.
La violence l'empoigne, elle hurle. Réveille l'auberge d'un gémissement incontrôlé.

- POURQUOI, BORDEL !
- Les hommes...
- Mais c'est une ENFANT !
- Gwenn... Elle a votre âge, ou presque.
- J'ai deux ans de plus.
- Elle a autant vécu que vous.
- Non.

Réponse imparable, puisqu'elle est vraie.
Oh oui, l'hermine a vécu. Plus que ce que les gens savent. Elle a porté plusieurs fardeaux, dont celui en son sein il y a un an, celui qu'elle a perdu, parce qu'elle le voulait sans doute, quoiqu'elle l'ait regretté par la suite.
Celui qu'elle voit en s'habillant tous les matins. Elle le caresse, douce, y passe un index qui survole cette peau nouvelle, cette chair rafistolée à son bassin, cette bosse autrefois ouverte, d'où avait jailli la vie dans un cri faible.
L'écho lui revient, fataliste, indubitablement plus dur à avaler quand elle fait face au présent. Non, elles n'ont pas vécu la même chose.


- Le sait elle ?
- Co..comment ?
- Anastriana. Le sait elle ?
- Je...
- Nous partons. Dès le lever du jour. Je ne puis rester loin d'elle plus longtemps. C'est elle qui souffre. Les autres plaintes ne sont que des sinécures. Il n'y a jamais qu'une martyre, et des pleutres.
- Blanche. On dit qu'elle est vraiment triste. Qu'elle a disparu, aussi. Ne vous fermez p
- A QUI LA FAUTE ?!? IL A UN FILS !! Je l'ai tenu dans mes bras, je...

Le sanglot la prend. Plus tard, quand elle sera prête, elle essuiera les larmes à son visage. Pour oublier, tout oublier. Et venir prêter main forte à celle qu'elle aime.
A sa cousine, et amie. Matrone et marraine. Anastriana.
Plus tard, Griet refermera les malles d'un coup sec. Elle ordonnera que les paquets soient portés au carrosse. Et toutes deux, fatiguées mais soulagées, elle grimperont à l'intérieur, direction la dame de Coetlogon. Direction Rohan, et la vie.
Direction le petit Elim.
Direction la rage et la colère, le désespoir et l'attente.
A la bouche de la môme, les dents expriment leur courroux. Et dans un gémissement impuissant, elle sent le goût du sucre, de la mûre sombre se mêler à celui aussi noble de son propre sang. Écœurée par ce mélange impossible, elle fait parfois arrêter les chevaux pour vomir sur le bas coté de la route. Agitée par un dégoût presque malsain.


ANA !
Elle est arrivée devant la porte. Close comme pour mieux en cacher la souffrance.
ANA, ouvre moi ! Ana ! Muo dunne ! C'est moi ! Blanche. Ouvre moi !

Et en attendant qu'on vienne, elle se souvient. Bref échange, juste avant de sauter hors de la voiture.
- Vous l'aimez, n'est ce pas ?
- Assurément. C'est presque mon cousin.
- Alors pardonnez lui. Et aidez Anastriana à en faire de même.
- Je ne suis pas venue clamer le pardon. Je suis venue punir des actes.

La porte s'ouvre. Dans un bruissement de fourrures et de soieries, la Princesse du Rohannais, connue pour ses frasques de Kastell Paol à Rieux, s'engouffre dans la demeure seigneuriale pour gagner les appartements de sa marraine.
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"Dans mon Monde à Moi, y'a tout plein de poneys, qui mangent des Arcs-en-Ciel et font des cacas Papillons !"
Anastriana
[Château de Coëtlogon]

Elle se regarde, face au miroir. Ses yeux lui renvoient une image d'elle-même qu'elle maudit. Sa peau a toujours été trop blanche, le contraste provoqué par ses yeux émeraudes et ses cheveux noirs de jais, la rendent parfois transparente.

Transparente... Ce qu'elle semblait parfois être, aux yeux de son ouragan, son pilier, son rocher immuable planté au milieu de la mer agitée de son coeur.

Bien sûr aimer Rowenda était la pire épreuve de sa vie... Et la meilleure. Bien sûr, aux yeux de ses proches, elle passait pour une idiote, qui aurait dû le quitter depuis longtemps. D'autant plus que le calme pouvait l'attendre, si elle le souhaitait. Résisterait-elle encore longtemps, devant les difficultés rencontrées?
Babette lui disait qu'un jour, elle finirait par le quitter. Et pourtant non, elle acceptait tout, l'aimait tel qu'il était. Elle s'amusait parfois même de certaines de ses conquêtes. Seulement voila... Cette fois, il avait encore séduit une pauvre jeune fille en pleine puberté, qui devait avoir la tête pleine de prince charmant et autres contes de fée. Et le mal était fait, elle était tombée amoureuse.

Elle se remémora le soir où Row lui fit lire la lettre écrite par la jeune dame de Ploërmel. Un style plutôt maladroit, des sentiments un peu immatures et diffus, dignes de l'âge de la malheureuse. Elle y posait une sorte d'ultimatum... Et Row demanda à Ana, pourtant son épouse, de rester à l'écart un temps, comme il le faisait souvent.

S'écarter... Rester dans l'ombre... Transparente. Voila, Ana resterait, comme sa peau, transparente, à ses yeux. Elle était à la fois celle dont il ne pouvait se passer, et celle que toujours il tromperait. Et elle était la seule à pouvoir accepter cet état de fait. La seule à l'aimer vraiment, en somme... Car si la jeune fille connaissait et aimait vraiment Row, elle ne lui aurait pas dit les choses ainsi. On n'oblige pas Rowenda à décider, on le laisse venir seul, et on le laisse partir... Car il revient avec un amour toujours plus grand.

Bref, assise là devant son psyché, la trentenaire, souvent trompée auprès de jeunes filles faisant la moitié de son âge, commence à complexer sérieusement sur son état. Pourtant, elle était encore jolie a en croire la plupart, elle ne laissait pas les hommes indifférents, et repoussait bon nombre d'avances.

Tiens, une larme. C'est malin ça. Elle va encore ressembler à une vieille pomme défraichie si ses yeux pleurent. Allons, courageuse Ana, sèche tes larmes, et encaisse le coup, encore. Il te reviendra. Comme toujours.

"Dame Ana..."

ça c'est Catherine qui passe discrètement sa tête à la porte de sa chambre.

"Votre cousine la jeune Blanche est l..."

Ana se redresse, sourire aux lèvres. Son ange de blondeur douce est là, comme toujours, elle sait venir au moment où sa présence lui réchauffe le coeur plus que jamais.

"Je descends Catherine, installez-la au salon... Non, faites-la monter dans ma chambre, et que personne ne nous dérange."
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Blanche_
...que personne ne nous dérange.
Elle n'a pas attendu la fin de la phrase d'Ana pour entrer dans sa chambre. Sans cérémonie aucune, sans respecter le protocole, les règles d'usage.
Oubliée, la révérence cérémonieuse. Bafouées, les bases de l'étiquette. La politesse ? Peuh !
La porte s'ouvre soudainement. Furie blonde qui se précipite vers sa marraine, se serre contre elle. Les bras compriment sa cousine, l'étreignent un peu plus fort.
Comme pour lui montrer qu'elle est là.
Comme pour se faire pardonner son absence, son mutisme, la place vide là où elle aurait dû être.
Comme pour oublier ses erreurs.


Oh, Ana !
Elle pourrait lui demander comment va Elim. Comment va Rowenda. Catherine. S'enquérir de l'état de santé de tous les chevaux. Du dernier poulain.
Mais elle ne le fera pas.
Elle attaque, saute pieds joints dans le sujet, et exprime son avis ; visiblement déjà compréhensible lorsque l'on note son regard noir, et les cernes sous ses yeux.
Non, la môme du Rohannais ne pardonne pas.


Tu veux qu'on la fasse buter ?
Moue amusée. La fofolle sourit, consciente de sa propre bêtise. Mais dire des énormités a parfois l'avantage de lui faire évacuer sa souffrance, et son désarroi.
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"Dans mon Monde à Moi, y'a tout plein de poneys, qui mangent des Arcs-en-Ciel et font des cacas Papillons !"
Anastriana
Comme toujours avec Gwenn, c'est une tornade qui l'étreint, et envoie rapidement au loin tous les soucis, dans cette chaleureuse, et légèrement étouffante embrassade. Toutefois Ana a l'habitude, elle a un blindage spécial Gwenn, pour résister à ses assauts!
La brune sourit, ébouriffe les cheveux de son double blond, et l'invite à s'asseoir.

"Evidemment, tu sais déjà tout. Je crois que toute la Bretagne doit le savoir à l'heure qu'il est. Et toi, tu es venu me trouver immédiatement, tu sais, ça me touche vrai..."

La voix grésille, fini les faux semblants, Ana craque et ses yeux embués, relâchent leur humidité d'un ciel d'hiver breton sans ménagement.

"Non, tu sais la tuer ne serait même pas une solution. Tu sais qu'elle lui a raconté lui avoir offert sa virginité. Tu crois qu'elle le sort à tous les hommes qui passent dans son lit? Je me demande. Enfin mon blondin il a dû tomber dans l'panneau, tu sais, les femmes, c'est sa seule faiblesse. Mais un talon d'Achille qui le met vraiment facilement à genoux."

Entre deux mots entrecoupés eux-mêmes de sanglots, Ana essuie ses yeux, et se calme rapidement. On n'a plus seize ans après tout Ana, tu n'as plus l'âge de ses gamines qui pleurnichent et font du chantage au suicide.

"Enfin, je me fiche bien qu'il aille troncher toutes les poufiasses du pays, mais normalement il sait qu'il n'a droit que si ça ne crée pas trop de vague ou de scandale. Je m'apprêtais à me rendre à l'officialité pour témoigner de son engagement à mes côtés, afin que son interdiction de remariage soit levée. J'aurais l'air de quoi maintenant si j'y vais alors que la Bretagne entière semble au courant qu'il a mis la Ploërmel dans son lit hein?"

Ana se sert un verre d'eau, la carafe en cristal tremble en rythme avec sa main, encore intacte d'émotion brute, l'eau ondoit en vagues successives, avant de glisser dans un verre à pied élégant. Un autre est rempli, et proposé à la jeune Gwenn.

"Enfin, c'est le danger, à aimer quelqu'un comme Rowenda. Mais Maewenn sait que nous sommes mariés, que nous avons un fils... N'a-t-elle donc aucune morale? Que mon mari n'en ait pas, certes, mais elle, franchement, qui pourtant est la première à donner des leçons à tout le monde, je m'étonne..."

Et les yeux verts qui tournent au rouge se lèvent vers ceux de Blanche, regard blasé, de deux billes oedemaciées, du reflet d'un coeur trop souvent tourmenté.
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Blanche_
Marraine, pourquoi tu pleures ?
Il semble toujours impossible pour un jeune enfant, que son modèle, son guide, son protecteur, sa mère aussi un peu, ne se mette à pleurer pour de vrai. Et bien qu'elle ait passé l'âge, l'hermine ne pensait pas qu'un jour, elle aurait à voir pareille scène.
Anastriana.
Le Dü, la dame de Coëtlogon, la matriarche de Rohan, la vieille de vieille, trentenaire, à plus de ressources que n'importe qui, plus de poigne que certains hommes, plus de courage que la plupart... La Montfort qui pleurait.
C'était tout simplement irréel. Une bulle, une grosse bulle camisolée, un joli cocon où toutes deux se retrouvaient.
Où la pleurnicharde s'était tue, pendant que la courageuse et adulte marraine se mettait à pleurer.
C'était impossible ; et terriblement vrai quand même.
Ana, ô Ana...


On pourrait lui arracher un à un tous ses cheveux, à cette petite intrigante ! La langue, la faire rôtir à petit feu, lui percer les yeux, croquer les pieds, mordre les doigts...!

Aurait elle parlé à voix haute ?

Heu... Tu sais.
J'ai parlé avec lui. Il ne la considère pas plus que les autres. C'est un jeu, un jouet, une passade...
Elle l'aime ? Peuh ! La belle affaire. C'est pas à seize ans que l'on peut aimer. Pas ainsi, pas avec lui.
Tu sais, Ana. Si Maewenn souffre, c'est de sa faute, à elle. Aurait elle eu un peu de jugeote, qu'elle ne serait pas allée avec lui.


Dernière conclusion, dans un sourire.
Il a des maitresses, qu'il prend pour jeter ensuite.
Mais son fils a une seule Mère, et c'est toi.

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