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[RP] Le Paon et la dinde (ou vipère ? )

Sidfiala
Alors que le soleil déclinait lentement en direction de la cime des arbres couvrant les sommets alentours, deux personnes se présentèrent à l’entrée du fameux parc de la petite Chipotte. Son avant bras glissé entre le flan et le bras d’un jeune homme à la chevelure tout aussi blonde que la sienne, et sa main posée délicatement sur ce même membre du dit gentilhomme, Sidie marchait lentement, avec un sourire détendu aux lèvres. La jeune Thiernoise, blonde échevelée et auvergnate jusqu’au bout des ongles, était arrivée quelques jours auparavant. Elle avait, comme souvent, longuement échangé avec la Bourgmestre de la ville : Dame Liz. Cette dernière lui avait rapidement parlé de l’une des curiosité des lieux : le fameux parc et l’avait invitée à aller s’y promener pour le découvrir. Sidie n’avait pas pu s’y rendre durant ses premiers jours de séjour, bien trop occupée à défaire ses bagages et à remplir les démarches administratives nécessaires à son séjour qu’elle espérait voir se prolonger un peu à Epinal. Mais ce soir là, ayant reçu son permis de séjour pour une durée déterminée, et son compagnon de voyage étant grandement occupé à vaquer à ses affaires, la jeune femme profita d’un moment de quiétude pour faire une requête à un habitant de la ville qu’elle trouvait des plus intéressants et dont elle appréciait la compagnie. Lui avait accédé à sa requête, acceptant apparemment sans l’ombre d’une hésitation de lui faire découvrir les charmes de la ville.

Elle progressait donc, suivant le pas lent de son guide et souriant de le voir se pavaner quelque peu, fidèle à la réputation et à l’appellation qu’on semblait lui donner dans la région. La jeune femme n’était pas en reste, bavarde comme elle était, et montrait à l’homme en pointant du doigt les hauteurs alentours :


- Voyez vous, je me suis rendue là haut hier en fin de journée. Liz a eu la gentillesse de me sortir une hache des stocks de la ville pour que je puisse aller couper un peu de bois. Or donc, alors que je me lamentais sur l’absence de ruches en ville, et la pénurie de miel, denrée autrement indispensable à mes yeux, croirez vous ce que je découvris ?


Elle abaissa son index gauche et tourna la tête vers le jeune homme avec un sourire peint sur le visage et les yeux emplis de gourmandise :

- Je venais de terminer la coupe d’un chêne de taille moyenne lorsque, pour prendre repos, je posais mon séant sur un tronc couché recouvert de mousse. C’est alors que je crû que la terre se mettait à gronder sous mon fondement ! Un essaim semblait avoir établi domicile dans ce tronc creux ! La providence est décidément surprenante ! M’aideriez vous, une fois la nuit tombée, à aller récolter, dans cette ruche naturelle, le doux nectar que ces travailleuses courageuses doivent avoir commencé à produire ? En contre partie, je m’engage à vous céder disons… mhhh… Un quart de la récolte si vous acceptez.

Regard clair malicieux, elle avait osé une nouvelle fois faire une requête au jeune homme. Le menton légèrement relevé, elle savait les termes de sa proposition particulièrement audacieux et s’attendait à devoir les négocier, du moins si Erchinoald était fidèle à sa réputation de bon gestionnaire et négociateur commercial, mais les négociations faisaient parties de toute transaction : des concessions de chaque bord pour que les deux parties y trouvent leur compte. Sidie raffolait de miel, pis que cela, ne pouvait pas vivre sans et ses réserves étaient toutes épuisées.

L’entrée du parc se dessinait devant eux, mais l’attention de la jeune femme était tournée toute entière vers son guide et sur la réponse qu’il lui ferait. C'est qu'elle ne plaisantait jamais quand il était question de miel.
Erchinoald
C'est lorsque le soleil décline derrière les arbres de la forêt d'Epinal que vous pourrez espérer apercevoir ce sublime oiseau exotique à la démarche assurée, le menton fièrement relevé, ce regard qui vous détaille, vous juge et vous classe parmi les êtres inférieurs qui ne méritent pas de captiver son attention une seconde de plus ; alors il détourne ses yeux clairs vers la charmante jeune femme à son bras, et lui sourit. Le Paon était de sorti. Habillé du mieux qu'il a pu avec ses moyens, il avait choisi des braies vertes car elles ne passaient pas inaperçu, et qu'il aimait cette couleur. Avant de sortir de la taverne, il avait passé sa main dans ses cheveux en bataille pour les rendre hargneux et que pas un ne reste couché avec fainéantise sur son crâne. Lorsqu'ils passèrent devant la fenêtre d'une petite échoppe, sa réaction fût immédiate : Venez, il fait de magnifiques petits pains ! Une excuse comme une autre pour s'admirer dans la glace. Heureusement, tout allait bien, sa peau était toujours aussi pure, douce et blanche. Il n'aurait pas supporté la moindre imperfection pour son rendez-vous.

Ils reprirent leur chemin, la fine main sur son bras, tandis que Sidie parlait, et que Erchinoald écoutait, en silence, suspendu à ces lèvres pulpeuses qu'il se retenait d'agresser d'un fougueux baiser. Alors il se contentait de hocher la tête, lentement, jetant des coups d'œil discrets au châle autour de son cou quand elle tournait la tête. Foutu châle qui obstruait la vue sur le paysage. Il trouverait bien un moyen de le lui enlever. De manière douce, bien sûr. Cette femme était comme une falaise qui menaçait de céder au moindre geste trop brusque. Et la chue serait vertigineuse.


Un essaim, vous dîtes ? Ses yeux scrutent leurs homologues. Était-ce une épreuve pour voir jusqu'où il était prêt à aller pour avoir ses faveurs ? Ses fines lèvres forment une moue dubitative. Il faut que la récompense soit à la hauteur des risques -et quels risques ! Des abeilles aussi grosses que des frelons. Pour appuyer la démesure de l'histoire, il fait de grands gestes. Elle se place devant lui. Il fait un pas vers elle, tandis que ses mains s'apprêtent à saisir sa taille, à plaquer son corps contre le sien et à lui voler un langoureux baiser. Mais le bout des doigts s'arrêta au frôlement du tissu. Faîtes moi l'honneur de partager le miel en ma compagnie, à la lumière d'une bougie. En ma demeure. La main glisse lentement vers la sienne, en caresse timidement le dos, tel un chat qui vient se frotter contre la jambe de son maitre pour qu'il le nourrisse.
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Sidfiala
Malgré son expression d’insouciance quasi permanente qui flottait sur son visage, la jeune femme n’était pas dupe et savait que l’homme au bras duquel elle déambulait la voulait. Le volatile se montrait très entreprenant, et Sidie déployait force et esprit pour réussir à dompter cet animal sauvage. Elle s’improvisait apprivoiseuse, risquant à tout instant les coups de becs acérés du volatile à la détermination affirmée. Elle s’était montrée ferme, quoique sans doute déjà trop clémente en repoussant à plus tard un soufflet promis alors qu’il s’était enhardi plus que de bienséance pour venir goûter ses lèvres, ferme et précise en le mettant en garde sur les limites à ne pas franchir. Cette erreur, celle de ne pas s’être montrée assez sévère, elle ne la reproduirait pas et il le savait.

Les négociations autour de la collecte du miel venaient à peine de débuter. Un sourire amusé s’était dessiné sur les lèvres de la jeune femme et ses yeux avaient questionné le ciel en entendant Erchinoald faire sa pantomime et ses simagrées sur les risques encourus pour aller faire la récolte en sa compagnie. Un pas de coté, puis un second avant de faire volte face, les sourcils légèrement froncés, et elle se trouvait face à lui, prête à mettre fin à sa petite comédie en se moquant de sa couardise quand elle le vit voleter jusqu’à elle en tendant ses ailes ouvertes. Les mains restant tombantes le long de ses flans, elle releva légèrement son menton et le défia quelque peu du regard, pour réitérer sa mise en garde de la veille. Mais les plumes du paon ne firent que l’effleurer, aussi s’apaisa t-elle légèrement et relâcha sa vigilance peu à peu. Elle haussa ses sourcils, vraisemblablement amusée par la part demandée par son interlocuteur en échange. Ses lèvres s’étirèrent lentement dévoilant ses dents blanches et soignées et ses yeux se plissèrent d’espièglerie quand elle rétorqua :


- Partager le miel n’est pas une chose anodine à mes yeux : jusqu’alors seules deux personnes on eu ce privilège : un homme m’ayant sauvé la vie et l’autre me l’ayant fait découvrir. Et vous ? Vous ne savez pas vous satisfaire de l’instant passé en ma compagnie durant lequel nous aurions récolté ce nectar, vous qui voulez en plus du quart de la récolte, profiter de ma compagnie, chez vous… Qu’avez-vous à m’apporter en échange de ce partage ?

Le contact de la main douce du jeune homme contre la sienne, la légère caresse sembla trahir quelque peu le fait que la petite blonde gagnait du terrain dans son dressage de l’animal sauvage. Elle agrandit légèrement son sourire malicieux et ses yeux taquins se détournèrent du visage du blond échevelé alors qu’elle lançait sans attendre sa réponse :


- Mais avant de parler de partage, encore faut-il ne pas être bredouille et qu’il y ait moisson. Je la ferai quoi qu’il arrive. Seule ou en votre compagnie. Avant consommation égoïste ou partage. A vous de décider.

Sa main toujours retenue par celle d’Erchinoald, elle ne lui offrit plus que la vision de son dos, son visage arborant un sourire des plus amusés. Elle montra de la main l’entrée du parc et demanda, toute aussi malicieuse, sinon plus :

- Et si vous me faisiez enfin découvrir les beautés et particularités de la faune locale ?
Erchinoald
Le Paon fait sa danse nuptiale autour de la femelle convoitée, mais est-ce pour autant qu'elle l'a apprivoisé ? Il n'est peut-être même pas sous le charme. Qui sait ? Peut-être feintait-il la douceur pour qu'elle abaisse sa garde, et ainsi se saisir d'elle lorsqu'elle ne s'y attendra pas. A moins qu'il ne soit réellement envouté par les formes de Sidie, qu'il soit impuissant face à ses caprices de jeune fille prude ? Ou alors, il jouait son jeu, sans qu'elle ne se rende compte qu'elle jouait au sien. Les gens n'étaient sûrs que de peu de choses avec Erchinoald qui ne révélait jamais ses émotions ou ses pensées du moment.

Je sais me satisfaire de chaque instant passé avec vous, mais je suis gourmand. J'en veux toujours plus. Je pense que vous l'avez remarqué par vous même, dit-il d'un ton amusé. Je n'ai malheureusement rien d'autre à vous offrir qu'une soirée en ma compagnie, rien d'extraordinaire donc, mais tout le monde ne peut pas se vanter d'avoir eu cela.

La flatterie ouvrait bien des portes, mais la soumission avait un goût amer dans la bouche du Paon. Il en était réduit à faire attention au moindre de ses gestes, à porter en éloge cette jeune femme dont l'égo était aussi sensible que le sien. En prenant sur lui, cela aurait pu passer, il aurait pu se forcer à continuer ce petit manège en étouffant sa fierté qui hurlait à la profanation, pensant que ses efforts finiraient par payer, mais Sidie poussait le bouchon un peu trop loin. Ce visage moqueur qu'elle arborait à chacune de ses répliques qui avait pour but de le repousser pour mieux le voir revenir commençait à l'agacer. Elle a beau ne pas le laisser de glace, ce n'est pas pour autant qu'il va courir après elle comme un chien.

Le pire fut sûrement lorsqu'elle lui tourna le dos -non, lorsqu'elle osa lui tourner le dos. Il avait eu la gentillesse -non pas sans intérêt- de lui proposer de lui faire visiter le parc et le reste du village, de l'inviter chez lui où personne n'a jamais été invité, et elle jouait avec lui comme avec un chien qui veut faire le beau devant son maitre. Jamais Le Paon n'a été traité de cette façon, jamais personne n'a essayé de se jouer de lui ainsi, le faisant tourner en ridicule en l'obligeant à des compliments forcés et des pirouettes pour captiver son attention. Jamais.


Vous ne serez jamais seule. Sa main resserre la sienne dans une douce étreinte. Car même si je ne venais pas, votre solitude vous tiendrait la main, comme elle le fait depuis si longtemps. Son regard ne quitte pas la nuque qui lui est offerte, tandis qu'il s'amuse à deviner l'expression sur le visage de Sidie. Elle s'allonge entre vous et votre compagnon lorsque vous vous endormez à ses côtés. Elle trinque avec vous lorsque vous buvez lentement votre bière. Elle sera assise sur le tronc creux lorsque vous plongerez votre bras dans celui-ci pour récupérer le miel. Puis vous retournez chez vous, ses pas emboitant les vôtres, et plongera son long doigt squelettique dans le pot de nectar sucré, pour le déguster avec vous. Car vous n'êtes jamais seule. Vous êtes avec votre Solitude, votre seule confidente.

Durant son monologue, il s'était rapproché d'elle, lentement, souriant à pleines dents en sentant les rapports de force s'inverser. Sa voix devenait plus faible pour mieux approcher son visage de l'oreille attentive, captivée par son ramage. Ses mains s'étaient posées telles des ailes sur les hanches frémissantes. Il était venu plaquer son torse contre son dos, pour épouser sa courbure. Et pendant qu'il parlait, pendant qu'elle réfléchissait, pendant qu'elle se posait de multiples questions, il s'emparait lentement d'elle, ses serres se ressaieraient sur sa proie.

Avez-vous entendu votre solitude s'éloigner au fur et à mesure que j'avançais ? Avez-vous l'intention de la rejoindre dans la chambre de votre auberge pour lui conter votre journée ?

Son souffle dans son oreille était chaud et agréable. Leur proximité lui permettait de sentir son souffle calme et posé, déstabilisant. A chaque inspiration, il capturait les senteurs de ses cheveux et de sa peau. La pulpe de ses doigts la caressait dans des mouvements imperceptibles. L'envie, ce brasier, ardent qui avait consommé plus d'une âme, chauffait son être, mais s'en cachait derrière une barrière de glace trop épaisse pour fondre maintenant. Il en faudrait bien plus pour qu'il perde ses moyens et mette fin à ce petit jeu dont il venait de prendre le contrôle en exploitant la peur qu'il connaissait à Sidie : être seule, ne pas pouvoir se confier à quelqu'un, ne pas être aidée dans sa réflexion.

Ils restèrent là, ainsi, quelques instants, le silence omniprésent dans l'air, et pourtant ils avaient tant à penser. Erchinoald finit par se détacher d'elle, la libérer de son emprise qui la perturbait, pour se mettre à côté d'elle, et lui lancer un sourire complice.
Partons à la découverte des mystères de ce parc. Sans attendre, il se mit en marche, à grands pas. Au final, elle viendra elle-même se jeter dans ses serres.
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Sidfiala
Les mots du Paon avaient pourtant bien commencé dans leur réponse. Elle avait trouvé le « Vous ne serez jamais seule » plutôt amusant et touchant, s’attendant à quelque déclaration ou démonstration enflammée, mais bien vite la suite la fit déchanter. Sidie loua le ciel d’avoir eu la malice de tourner le dos à Erchinoald car il ne pu saisir la raideur qui se figea à cet instant sur son visage, ce sourire espiègle qui se crispa lentement comme si elle eut été une poupée de cire. Alors qu’il lui déversait au creux de l’oreille une vérité acide et amère, il se rapprocha d’elle. La jeune femme, ébranlée par l’image de cette solitude pour seule compagne ne bougeait pas. Elle retenait son souffle précieusement, comme si le laisser s’échapper risquait de l’exposer encore davantage aux piques acerbes du jeune homme.

Il venait de faire quelque chose qu’elle aurait imaginé impensable de sa part : il tirait partie d’une petite confidence qu’elle lui avait faite un matin sur du vélin pour la repousser dans ses retranchements et faire en sorte qu’elle se sentit acculée. Oui il lui arrivait de se sentir seule, surtout ces derniers temps, devant le manque de réponse de ses amis aux missives qu’elle leur envoyait. Oui elle redoutait n’être bientôt plus qu’un vague souvenir dans leurs esprits. Oui il lui arrivait d’avoir de sombres pensées, et tout particulièrement suite à l’annonce du décès d’un homme qu’elle considérait comme un ami et l'un des meilleurs chansonniers qu’elle connaissait –sans doute parce qu’il était le seul à en avoir faire sa profession - : le troubadour de Thiers. Oui il lui arrivait de trouver les journées longues, guettant l’arrivée de celui qui portait un mantel vert avec impatience, mais quand il venait la rejoindre sur leur couche, jamais elle ne sentait quoi que ce soit s’immiscer entre eux deux. Elle savait se montrer patiente, contrairement à cet oiseau dont le chant était soudain devenu des plus désagréables à entendre. Mais où avait-il pu aller chercher tout cela avec autant de clarté et d’assurance ? Oui Sidie se souvenait lui avoir écrit avoir besoin d’une oreille plus que d’un nouvel amant, mais il eut fallu que l’homme soit devin ou sorcier pour en savoir davantage ou alors elle était d’une transparence dangereuse et allait avoir à surveiller tout cela. C’est alors qu’elle se souvint la veille au soir avoir lu une lettre reçue de sa meilleure amie Nébuleuse. Dans cette lettre, la jeune femme cherchait à la réconforter et à la rassurer que les craintes que Sidie lui avaient confiées par écrit. La jeune thiernoise se souvint que le Paon avait fait son curieux, posant presque son menton sur son épaule : il aurait très bien pu lire le contenu de cette missive ou certains passage très privés, à son insu.


Immobile, figée, Sidie ne bougea pas quand il se colla à elle pour lui asséner le coup de grâce et comparer sa solitude à sa seule amie, elle ne broncha pas non plus d’un pouce quand il lui susurra à l’oreille ses deux questions. Nouvelle attaque envers celui qui était son compagnon. Deux mots lui virent à l'esprit : bas et petit. Totalement à l'inverse de l'image qu'elle se faisait d'un paon. Les réponses semblèrent si évidentes à l'esprit de la jeune femme. Et ces réponses mirent fin à sa déstabilisation qui aurait pu la faire sombrer et perdre pied. Les réponses qui s'imposaient à son esprit transformèrent peu à peu ce que la jeune femme éprouvait en une sourde colère.

Intangible, la jeune femme déglutit lentement en fermant les yeux pour tenter de contenir le bouillonnement qui s’élevait en elle et qui prenait de l’ampleur seconde après seconde. Il avait dépassé les bornes. Une fois encore. Mais cette fois ci, à user la connaissance qu’il avait de ses craintes les plus profondes, à user d’une confidence qu’elle avait bien voulu commencer à lui faire, ce dépassement des limites fit comprendre une chose à la jeune femme : ils ne jouaient pas à armes égales. Peu importait, elle connaissait un des points faibles du volatile et mûrirait lentement sa vengeance pour qu’il comprenne que l’on n’en prenait pas impunément à elle ainsi et qu’on ne pourrait pas trahir sa confiance de la sorte. A l'image de ce qu'il venait de faire là.

C’est un regard furibond qui fit réponse au sourire complice que le jeune homme lui adressa. Erchinoald n’aurait aucune difficulté à comprendre qu’il avait réussi à faire mouche. Aussi, dans l’esprit de la jeune femme ce fut par crainte de voir son plumage être souillé de la rougeur cuisante d’un soufflet qu’il relâcha son étreinte et hâta le pas pour s’éloigner d’elle. Elle le laissa prendre un peu d’avance, restant en arrière, hésitante. Elle ne bougeait toujours pas et le Paon avait pris plusieurs mètres d’avance quand elle se décida finalement faire un pas, puis un second.

Faire volte face et prendre le chemin du retour. Voilà ce qu’elle aurait dû faire. Mais non. S’il y avait bien une chose que la jeune thiernoise ne supportait pas : c’était de perdre. Il voulait jouer à ce jeu là, elle allait jouer ! Elle se recomposa un visage et un sourire neutres en maudissant cet homme qui la poussait à se conduire comme elle ne l'avait jamais fait. Quelques pas rapides pour revenir à sa hauteur alors qu’ils franchissaient l’entrée du parc suffirent. Mais la jeune femme resta silencieuse, les mains soigneusement croisées devant elle et les lèvres scellées. Elle n’adressa pas un seul regard à son guide, préférant, sans doute par provocation, reporter son attention sur les locataires des lieux : son sourcil légèrement relevé trahissait le questionnement que suscitait la présence d’une telle faune parquée à cet endroit.

La vengeance était un plat qui se mangeait froid.
Erchinoald
... et qui se mange avec les doigts.

Lui faire perdre pied pour mieux la rattraper. Lui mettre la tête sous l'eau pour qu'elle se raccroche à lui. La mettre en face de la vérité pour qu'elle se cache derrière lui. C'était un jeu dangereux car elle pouvait lui faire volteface, lui asséner une gifle bien sentie, et partir. C'est la scène qu'il s'est imaginé lorsqu'elle lui adressa ce regard haineux. Il comprit qu'elle lui en voulait d'avoir gratter un peu trop fort la corde sensible. Mais qu'importe. Il avait du doigté. Suffisamment pour retourner la situation à son avantage.

Sa main s'approcha lentement de la sienne pour qu'elles soient de nouveau ensemble, mais devant son indifférence, il y renonça. Il se contentait de lui jeter de rapides coups d'œil, tandis qu'ils marchaient. Il savait qu'elle savait qu'il la regardait. Cela devait sûrement lui plaire d'être au centre de son attention. Le blond prit une profonde inspiration, exagérément bruyante, et souffla un bon coup pour lui dire :
Le parc de la Chipotte a été inauguré il y a deux ans par le propriétaire de l'auberge du même nom. Sûrement un homme très riche pour avoir fais importer tant d'animaux, et pour pouvoir s'en occuper. Elle se foutait sûrement de ce qu'il lui disait, et lui-même parlait sans conviction. C'était juste histoire de briser le silence, comme le ferait quelqu'un qui s'en veut de l'avoir fait naitre.

Tifolle, Talou et Blutine : nos tortues pas d'ici, lut Le Paon. C'était ce qu'il y avait de marquer sur l'écriteau devant l'enclos. Il jeta un bref coup d'œil à l'eau où semblait se baigner des ombres marines. Il aurait bien voulu lui demander ce qu'était une tortue, mais il aurait eu l'air bête. Alors il se contenta de rester éloigner, au cas où un fauve avec des nageoires bondisse du liquide verdâtre. Son attention se porta ensuite sur la jeune femme qui se penchait au-dessus de l'eau, intriguée. La première idée qui lui venu est de lui saisir les jambes et de la balancer dans la flotte. Elle lui en aurait voulu, beaucoup même, mais c'était si tentant. Au lieu de cela, Erchinoald posa sa main en bas de son dos, et prit la parole, avant qu'elle ne le repousse :

Je m'excuse d'avoir essayer de vous ouvrir les yeux avec mes mots peut-être rudes. Mauvaise foi, quand tu nous tiens. Mais sachez, Sidie, qu'un confident est une oreille attentive, mais aussi un être doté d'émotions, et qui peut essayer d'aider la personne qui lui est chère si celle-ci souffre d'une quelconque façon. J'ai essayé de vous faire voir la vérité, c'est tout.

Maintenant, deux cas de figure : soit elle se retourne et lui met une grande baffe, parce qu'elle sait que ses paroles ne sont qu'un moyen d'arriver à ses fins, soit elle l'enlace et s'excuse d'avoir réagit ainsi. La seconde option étant celle qui ferait céder Erchinoald à la facilité, mais la première ferait qu'il serait las de cette relation dont il connaitrait le dénouement, et devinerait la fin.

Sidie, je voudrais que vous rest... Il interrompit brusquement sa phrase, comme il interrompit sa caresse en un mouvement de recule. Quelque chose sortait de l'eau. Quelque chose de très gros. D'énorme. Un monstre marin qui grimpait sur le rocher, cet îlot désert et isolé. C'était une sorte de rocher, relativement plat, avec quatre nageoires et une tête, démesurément petites par rapport au reste du corps. Le tout avait une étrange couleur de vase. Et cette peau. Ce n'était même pas de la peau. Cela avait l'air rugueux comme l'écorce d'un arbre. Cet animal, si c'en était un, était le plus laid que Le Paon n'ait jamais vu. Même un chien galeux et estropié a plus d'élégance.

Ce... C'est ça, une tortue ?
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Sidfiala
Elle sentit son regard peser sur elle, à plusieurs reprises. C’était bien volontairement qu’elle ne le regarda pas alors qu’ils avançaient dans le parc, elle voulait qu’il comprenne bien, qu’il assimile bien le fait qu’elle n’était pas encline à pardonner sa trahison en un seul claquement de doigts. Ce fut lui qui rompit le silence qui s’était installé et que Sidie se chargeait bien d’entretenir. Quelques banalités. Au moins il remplissait le rôle de guide qu’il avait décidé d’endosser. C’est un peu distraite que Sidie l’entendait, elle était encore perdue dans ses songes, ressassant ses paroles précédentes.

Ils arrivèrent devant une étendue indéfinissable. Pendant que Erchinoald lui faisait démonstration de l’instruction intellectuelle qui était sienne et de ses capacités de lecteur, la jeune femme curieuse s’approcha de la rambarde en fronçant les sourcils, juste avant de constater que cette substance à la surface d’huile et verte était en fait une étendue d’eau. Instantanément, la jeune femme eu un mouvement de recul : l’eau était loin d’être son élément et pour qu’elle s’en approche, ou qu’elle ose se pencher par-dessus, il aurait fallu un miracle, ou une immense confiance en la personne qui l’accompagnait. C’est à cet instant, qu’elle sentit la main du Paon entrer en contact avec ses reins, comme pour l’empêcher de fuir, comme pour la retenir prisonnière. Elle tourna la tête, prête à lui adresser un nouveau regard furieux et à se soustraire à son contact lorsqu’il rompit de nouveau le silence d’une façon des plus inattendues.

Tiens donc, des excuses ? C’était sans doute la dernière chose qu’elle attendait et en fut surprise. Son visage et son regard s’adoucirent en une fraction de seconde. Même si la suite des mots cherchaient à expliquer une attitude franchement plus que déplacée, la jeune femme conserva son visage redevenu avenant : elle retenait une chose dans ces phrases à la fois remplies de miel et de mise en garde. Une seule : « la personne qui lui est chère ». Ainsi donc, sans le vouloir, il venait d’entrouvrir une porte qu’il voulait sans doute laisser fermée. Sidie s’y engouffra comme s’y faufilerait une chatte malicieuse à qui l’on voudrait pourtant interdire l’entrée. Elle se tourna légèrement vers lui pour lui faire face complètement et le regarda droit dans les yeux. Pas de claque : il venait de l’éviter en lui présentant des excuses succinctes, mais des excuses tout de même. Pas d’étreinte non plus, elle n’était pas du genre à se jeter au cou des hommes comme cela. Non, rien de ces deux options mais une réaction pas tout à fait à mi-chemin entre elles deux : elle ne feinta pas l’indifférence mais esquissa plutôt un petit sourire avant de lever son index entre eux deux, et de l’arrêter à quelques pouces du bec du Paon. Avec le regard fier et déterminé elle lui souffla :


- Ne recommencez plus ce manque de tact et de subtilité Erchinoald, vous avez manqué de peu de me voir céder ma place à votre bras à ma soit disant fidèle compagne. Admettez que cela aurait été regrettable, pour vous, comme pour moi. Vous êtes un homme intelligent, j’en suis persuadée.


Elle sentait bien qu’ils marchaient tous les deux sur une corde raide et qu’au moindre faux pas, la chute pouvait être rude et particulièrement blessante. Un vrai jeu d'équilibriste. La jeune femme garda son attitude légèrement adoucie et l’accentua légèrement par le geste. Elle venait de glisser lentement sa main sur celle de l’homme qui s’était retrouvée passant de ses reins à sa taille lorsqu’elle lui avait fait face et lorsqu’une seconde surprise lui fut faite. Du moins un début. « Sidie, je voudrais que vous rest... ». Alors là, elle devait admettre qu’il faisait des progrès fulgurants. S’il y avait bien une chose que la blonde donzelle thiernoise appréciait à sa juste valeur, c’était qu’on lui formule ses souhaits et ses désirs, avec précision. Mais alors pourquoi n’était-il pas allé jusqu’au bout de cette formulation ? Et pourquoi se détachait-il soudain d’elle alors que pour une fois, elle ne le repoussait pas ? Sidie fronça les sourcils en captant le regard plus que surpris de son interlocuteur : il avait l’air profondément dégoûté. Avant même sa question, elle comprit que quelque chose avait montré le bout de son nez derrière elle car il lui était inconcevable d’être à l’origine d’une expression de dégoût chez le Paon. Faisant volte face, elle riva ses yeux sur le reptile qui sortait lentement de l’eau. Son sourcil gauche se releva : c’est que c’était gros ce machin !

Machinalement, elle porta sa main à sa ceinture à la recherche du manche de sa hache. Sa main ne rencontra que le vide. Elle lâcha un gros « Humph » de dépit mais trouva néanmoins la garde de sa dague. Au moins, elle n’était pas totalement désarmée. Elle ne recula pas, tendant même le cou pour mieux détailler la créature qui lui semblait lente, pataude et plutôt placide. Même si l’apparence de la bête était surprenante, la jeune femme n’en paru pas apeurée. Après tout, si ces bêtes évoluaient dans un parc où tout le monde pouvait venir, c’est qu’elles devaient ne pas être très dangereuses. Sa main délaissa sa dague au profit de la balustrade qu’elle entreprit de contourner pour mieux voir l’animal. Elle s’émerveilla à haute voix, un peu comme une enfant devant un étal rempli de sucreries :

- Oh ! Avez-vous vu Erchinoald comme elle est grosse ?! Je me demande comment elle peut flotter alors qu’elle ressemble à une pierre !

Sidie s’interrompit en fronçant un peu le nez. C’était injuste la vie. Une créature si grosse, lente, visiblement peu agile savait évoluer dompter les eaux et elle, fine, gracile et adroite coulait comme une pierre. Cette pensée lui rappela qu’il n’était pas très prudent pour elle de trop s’approcher du plan d’eau boueux. Aussi fit-elle quelques pas pour revenir se planter devant la pancarte et relire ce qui y était gravé :

- « nos tortues pas d'ici ». Humph ! Ils auraient pu dire d’où elles venaient quand même ! A votre avis Erchinoald ? Où peuvent bien évoluer en temps normal de telles créatures ?


Elle tourna la tête vers l’homme aux cheveux blonds désordonnés. Il semblait toujours aussi saisi de surprise. Elle s’approcha de lui, lui saisit la main et l’attira doucement, mais fermement vers la barrière en lui montrant la bestiole de l’index et en lui déclarant tout en pouffant légèrement :

- Regardez comme son regard à l’air éteint ! Même une vache a plus de lumière dans les yeux ! Vous pensez que c’est carnivore une tortue ?

Elle tourna la tête vers lui, les yeux légèrement amusés pour recueillir les impressions de son guide.
Erchinoald
Tout ce qui est laid doit être éloigné, exclu, banni. C'était en tout cas la vision du blond qui aimait le luxe et la volupté, monde dans lequel il baigne depuis son enfance, mais qu'il a dû quitter par la force des choses. Il restait donc planté là, loin de l'enclos, loin de l'animal repoussant, loin de Sidie. Ils auraient pu mettre des poules ou des canards, mais non, ils ont mis "une tortue". Vivement que la jeune femme ait fini d'observer la Chose, qu'ils puissent aller voir ailleurs les chevaux qui, eux au moins, sont de nobles animaux, agréables à regarder lorsqu'ils galopent librement dans la plaine.

Elles ne peuvent vivre que dans un endroit sombre, pour ne pas avoir à affronter leur laideur ; et isolé, car les villageois auraient déjà brûler tous les animaux de cette espèce s'ils devaient les côtoyer. Je dirais donc que "les tortues" vivent dans les fonds marins, parmi les navires coulés.

Et c'est parce que ce milieu n'était pas le sien qu'il ne comptait pas avancer d'avantage, ni s'attardait sur l'étude de la faune qu'il ne reverrait jamais. Alors, que faire lorsque Sidie lui prend la main et le force à approcher de l'enclos, seule barrière entre leur monde et celui de la monstruosité ? Il se laisse faire, forcément. Il essaie de résister, un peu, mais l'étreinte de sa main sur la sienne se fait plus forte, alors il la suit sans broncher. Obligé. De sa main libre, il se cramponne à la balustrade, de peur que quelqu'un le pousse. Et il ne quitte pas l'Infâme des yeux, comme-ci en fermant les paupières une seule seconde, il pouvait se retrouver face-à-face avec elle, pour lui arracher la tête d'un coup de dents -qu'elle cache fort bien.

Ne vous fiez pas aux apparences, les tortues sont plus perverses qu'elles n'en ont l'air, dit-il à voix basse, comme-ci le reptile pouvait les comprendre. Et voilà Erchinoald qui se transforme en expert océanographique. Elles sont capables de manger jusqu'à deux fois leur propre poids en viande fraiche !

La tortue tourna la tête vers le blond, étirant légèrement son cou, curieuse, avec le regard d'un poisson rouge devant un filet de pêche. Instinctivement, Le Paon serra la main de Sidie, et se colla à elle. Ce fût peut-être le premier geste envers elle qu'il n'avait pas calculé, pesé, jaugé. C'était juste un réflexe qui l'avait poussé à trouver un endroit, quelqu'un, sûr, avec qui il pourrait se sentir en sécurité. Et c'est naturellement qu'il s'était dirigé vers elle, au lieu de fuir loin, très loin, comme il l'aurait fais s'il avait été seul.

Partons...
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Sidfiala
- Deux fois leur poids en viande ! Wow !

Sidie venait de s'exclamer, stupéfaite. Elle faillit émettre un sifflement d’admiration devant l’envergure de l’appétit de la bestiole et questionner sur la manière dont elle pouvait bien déchirer la dite viande étant donné qu’elle n’avait pas de crocs apparents, mais à ce moment là, alors que le reptile tournait la tête vers eux, elle sentit le Paon venir se placer tout contre elle. Elle sembla surprise de ce rapprochement soudain. A vrai dire ce n’était pas vraiment le rapprochement qui la surprenait mais la façon dont il se fit et l’état dans lequel son guide semblait se trouver. Il paraissait tendu, mal à l’aise et semblait vouloir se trouver partout ailleurs sauf là et pourtant, il venait à elle. La jeune femme en sembla être satisfaite. Elle acquiesça à sa requête de changer de lieu et s’écarta d’Erchinoald l’entraînant loin de la mare verdâtre, pour suivre leur chemin et laisser la mare aux reptiles derrière eux. Quand soudain, elle s’arrêta net et éclata de rire.

Elle tourna la tête vers son guide ; ses yeux étaient rieurs, éclairés par une lumière particulièrement moqueuse. Voyant la mine étonnée que son voisin devait lui adresser, son rire cristallin retentit de plus belle alors qu’elle levait son doigt vers un petit enclos qui se trouvait pratiquement enclavé par la mare des tortues. Là, au milieu trônait un volatile au plumage coloré : un paon. N’y tenant plus, Sidie lâcha la main que Erchinoald serrait toujours pour s’empresser de courir voir la bête et s’en approcher le plus près possible. L’oiseau semblait paisible et marchait lentement, et fièrement. Mais dès qu’il vit la jeune femme s’approcher, il se dressa, sembla la scruter de toute sa hauteur et déploya sa queue en une immense et magnifique roue. C’était l’effet de Sidie sur les paons qui croisaient sa route ; ils semblaient particulièrement enclins à déployer leur roue devant elle. La jeune femme s’arrêta, pinça les lèvres et redoubla de rire tout en applaudissant, fascinée par les couleurs chatoyantes de sa queue. Un rapide coup d’œil à la pancarte l’informa sur le sobriquet dont l’animal avait été affublé.

Quand elle perçut que Erchinoald s’approchait dans son dos, elle se pencha, plaça sa main sur le coté de la bouche et déclara à mi-voix au paon sur le ton de la confidence tout en jetant un bref coup d’œil moqueur vers l’homme qui approchait et qui pouvait parfaitement entendre cette fausse confidence :


- Mon cher Léon, ne vous laissez pas impressionner mais je crois qu’arrive de la concurrence… Accrochez vous Léon car je crains qu'il ne vous faille vous battre pour avoir la place du plus Paon de vous deux. La place du Paon dominant est grandement convoitée et bien tenue...

Elle se redressa fièrement, juste quand Erchinoald arriva à sa hauteur et relevant le menton, elle lui fit face en affichant une moue faussement dépitée :

- Voilà qui est un scandale ! Vous ne trouvez pas ? Regardez donc votre congénère, il est prisonnier de cette fange immonde où baignent ces pachydermes carnivores des eaux. Et si nous lui donnions sa liberté ?

Elle montra du menton la mare des tortues qui encerclait pratiquement tout l’enclos du paon, et la barrière qui à défaut de le retenir prisonnier –étant un volatile, il pouvait s’envoler quand bon lui semblait-, délimitait son chez lui.
Erchinoald
Un mince sourire éclaira son visage blême -pas plus que d'habitude-. Elle acceptait de partir, de s'éloigner, sans s'amuser à vouloir rester pour le plaisir de le voir dégouté, apeuré, par ces créatures hideuses. Il serait de toute façon parti seul s'il avait fallu, même s'il n'aimait pas être seul, sauf pour réfléchir ; car ce qu'il redoutait plus que les tortues, c'était la trahison. Mais, attention, seulement qu'on le trahisse lui. Si l'un de vos secrets arrivait à ses oreilles, il ne se gênerait pas pour l'utiliser à bon escient. Faire chanter les gens est bien plus facile que de manipuler leurs émotions, leurs pensées.

C'est donc d'un pas pressé que les deux blonds longeaient la clôture, s'éloignant de l'animal à la carapace de pierre. Néanmoins, Erchinoald guettait, craintif, les petites vagues du reste du bassin. Sur la pancarte, il était bien marqué trois noms, alors où étaient les deux autres monstres ? Sûrement entrain de les épier, les yeux étincelants de méchanceté, les griffes grattant la roche qui constitue le sol, la bouche entrouverte pour laisser entrevoir leurs crocs rétractables -c'est pour cela qu'on ne les voit pas !-, à la manière des vipères les plus meurtrières. Quels monstres diaboliques.


Je les vois bouger ! s'écria Le Paon qui pressa le pas, les yeux fixés sur une algue dans l'eau qui se laissait bercer par les flux et les reflux. Et il accéléra le pas, entrainant la jeune femme dans son sillon, et ne s'arrêta que lorsqu'elle se mit à rire, alors que son guide cherchait un échappatoire. Sidie lui pointa du doigt l'étendue d'eau qui encerclait un paon, ce magnifique et splendide oiseau aux couleurs enchanteresses, au ramage envoutant, à l'allure imposant respect et admiration. Ce prince des animaux était en contraste total avec la tortue qui se reposait, mollement, sur son caillou, dans un tableau aux couleurs sombres et tristes.

Pendant un instant, il oublia les horreurs qui rôdaient dans l'eau, et observa Sidie, amusé, murmurer faussement à "l'oiseau arc-en-ciel" qu'il allait avoir de la concurrence. D'ailleurs, il serait curieux d'en savoir plus sur cette place de Paon dominant, comme par exemple si ce n'est pas ce trône situé aux côtés de Sidie. Avec le temps, Erchinoald apprenait à la connaitre. Il savait maintenant qu'elle aimait être convoitée, désirée, être l'objet des disputes entre deux prétendants. Il faisait rarement d'erreur pour juger les gens.


Le libérer, oui. Le Paon sembla songeur. Il faudrait pour cela plonger dans cette eau infestée de dangereuses tortues venimeuses, et aller chercher le captif, puis replonger dans l'eau. Mais qui serait capable d'un tel exploit ? Il se sentait tout désigné. Sidie voulait que le blond soit son chevalier, celui qui affronte dragons et autres chevaliers durant de nombreux tournois, et tout cela en portant ses couleurs, pour accéder à ses faveurs. Mais ses faveurs méritaient-elles qu'il fasse autant d'efforts ?
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Sidfiala
Sidie n’avait pas insisté, ni relevé, mais elle avait parfaitement vu et senti la crainte qui s’était emparée du fier Paon. Par égard pour lui, non, elle n’appuierait pas sur ce point faible qu’elle venait de découvrir, et l’aiderait même à garder la face s’il le voulait bien. La moue dubitative qu’il lui offrit à sa pourtant génialissime idée la laissa perplexe un temps. Elle tourna ses yeux clairs vers l’oiseau prisonnier des eaux et comprit alors que lui n’était guère plus enchanté qu’elle devoir braver ce liquide verdâtre et répugnant. Il y avait pourtant bien ces deux pierres habilement disposées qui émergeaient des eaux, mais même elle ne se serait pas aventurée. Elle redoutait bien trop de glisser et en plus de ne pas apprécier particulièrement l’eau, la couleur de cette dernière n’était pas des plus engageantes et ne permettait pas d’estimer s’il y avait beaucoup de profondeur. Elle reporta ses yeux sur le visage d’Erchinoald pour scruter son visage : oser lui demander d’aller délivrer le prisonnier aurait été s’exposer à un refus net et catégorique. Bien que joueuse, elle ne se sentait pas encore prête à nouvelle joute orchestrée par leur orgueil respectif. Aussi, la réflexion céda la place rapidement la place à une légère malice. Elle déclara alors en passant son bras sous celui du jeune blond pour venir poser sa main sur son avant bras :

- Nous aurions pu aviser et placer un tronc en travers sur ces deux gros rochers mais, étant donné que je ne suis pas outillée, je crois que nous n’avons d’autre choix que de laisser ce pauvre Léon à son triste sort.

Elle tourna la tête et levant le bras, fit un signe au volatile prisonnier en lui lançant :


- Navrée Léon ! La providence ne semble pas être avec vous ! Une autre fois peut être !

Elle adressa un regard amusé et pétillant de malice à l’homme duquel elle tenait le bras et commença à remarcher lentement, pour qu’ils s’éloignent définitivement de cette fange insondable et repoussante. Les yeux rivés sur lui, elle détaillait son visage, notant que rien n’était laissé au hasard et que son teint parfait devait être le fruit d’un soin quotidien, voire pluriquotidien. Ainsi déambulant tous deux, Sidie ne montra guère d’intérêt pour les enclos des bêtes les plus communes comme les lapins, les chats, et autres volatiles de basse cour en tout genre. Non, son attention était toute tournée vers le volatile qui lui servait de guide. Parfois bavarde, s’émerveillant plutôt sur une essence d’arbre que sur les locataires des lieux, tantôt plus silencieuse, elle se laissait guider.

Ils allaient vraisemblablement quitter la zone humide du parc quand elle retint légèrement Erchinoald par le bras devant un des enclos, en fronçant les sourcils : tout un amas de branchages en tous genres avait été apporté au beau milieu du plan d’eau et cela interpellait la jeune femme. De fait, ce n’était pas tant l’amas qui l’avait arrêtée, mais plutôt la coupe biseautée du bois. Visiblement intriguée, elle plissa légèrement les yeux pour tenter de lire la pancarte en marmonnant :


- Un castor ? Je serais bien curieuse de savoir à quoi ça ressemble et comment il entaille le bois. Je n’ai jamais rien vu de tel. C’est impressionnant.

Si tout ce qui touchait de près ou de loin au travail du bois passionnait Sidie, elle n’était pas sûre que ce soit le cas de son guide. Elle tourna les yeux vers lui, l’interrogeant de son regard, le sourcil gauche relevé.
Erchinoald
Ce n'est pas sans un pincement au cœur que Le Paon s'éloigna de son oiseau fétiche. Était-ce vraiment bien de laisser cet empereur de toutes les cours -basses ou hautes- au milieu de ces immondes créatures à la peau rugueuse, aux membres difformes, aux crocs acérés, affamés de chair fraiche. Erchinoald se promit de revenir le chercher, libéré l'animal sacré de sa prison profane. Dernier regard compatissant vers le paon qui continuait de faire admirer sa roue, tandis qu'il approchait à petits pas de son enclos, se demandant pourquoi ces humains fuyaient ainsi.

Les deux blonds marchaient donc l'un à côté de l'autre, s'arrêtant parfois, mais sans que le bras ne s'abaisse, ou que la main ne se lève. Entre deux silences, leurs regards se croisaient, et ils souriaient, sans raison apparente. Juste pour le plaisir de voir le visage de l'autre s'illuminer, et pour le spinnalien, d'avoir un prétexte pour lui caresser le visage, remettant un cheveux fictif en place, ce qui ne semblait pas la laisser indifférente. Mais tous ces gestes de tendresse qu'il lui manifestait ne semblaient pas la pousser à aller plus loin. Encore ce mur de l'éducation, peut-être. Fallait-il donc prendre une masse pour l'ébranler ?


Castel ? Ah, castor. Le blond hausse un sourcil, le regard scrutant l'étendue de verdure et d'eau pour voir ce qu'était cet autre animal. Ça mange du bois, les castors ? En même temps, avec la forêt d'Epinal, il y avait de quoi faire un élevage.

Son regard se pose sur Sidie qui l'observe, comme-ci elle attendait un geste, un mot de sa part. Peut-être qu'il joue son rôle de guide ? Sauf que les castors, il ne connait pas du tout -pas plus que les tortues, vous me direz. Il lève son regard vers le ciel, tout en se caressant le menton, comme pour faire apparaitre l'inspiration, mais il trouve encore mieux.


Le soleil est déjà bas dans le ciel. Il repose son regard sur la jeune femme. Peut-être devrions-nous aller chercher le miel, pour ensuite aller le déguster ? Plus vite ils auront le miel, plus longtemps ils resteront chez lui. C'est surtout à cela que Le Paon pensait, tandis qu'il souriait amicalement pour se donner un air innocent.
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Sidfiala
Il semblait que son guide ne soit plus trop d'humeur à remplir son office. Le voilà qui venait de mettre de coté ses questions, sans doute parce qu'il ne savait guère plus qu'elle même sur ces fameux castor. A bien y réfléchir, Sidie se demandait s'il avait vraiment les capacités adéquates pour jouer le rôle de guide : elle réalisa qu'il n'avait jamais vu les tortues auparavant, sinon sa réaction aurait été différence sans aucun doute, et se demanda même s'il avait jamais mis les pieds dans ce parc. Perplexe, elle le resta jusqu'à ce qu'il lui parle de miel. Alors son visage s'illumina d'un très large sourire et ses yeux trahirent un intérêt indéniable. Elle suivit les yeux d'Erchinoald vers la nue où le soleil déclinait et répondit par l'affirmative :


- Oui. Le Soleil a bientôt terminé sa course quotidienne. Une fois la nuit tombée les insectes seront plus calmes et moins agressifs. Vous avez raison, allons-y. Nous terminerons cette visite du parc un autre jour, si vous êtes d'accord.


D'une légère pression sur son avant-bras, elle l'invite à faire demi-tour et à prendre le chemin de la sortie du parc. Leur pas était moins tranquille, et la jeune femme semblait quelque peu empressée de quitter les lieux et de faire découvrir sa trouvaille, son trésor à Erchinoald. Elle avançait tout en réfléchissant à voix haute :

- Il faudra que je passe prendre mon briquet et un grand sac. Ah et puis une hache à la mairie aussi, cela pourra être utile.

La jeune femme sortit de sa réflexion et posa de nouveau ses yeux clairs sur le Paon. Elle esquissa un léger sourire indéfinissable, calculant sans doute la suite de leur relation. Elle resserra un peu ses doigts sur la manche de la jolie chemise qu'il portait, esquissa un nouveau sourire. Et se lança dans une bordée de compliments :

- Ces couleurs que vous portez vous siérent à merveille Erchinoald. Elle réhaussent votre teint et vous donne une grande allure. Et cette vêture tombe parfaitement sur vous : vous complimenterez votre tailleur pour moi...

Son regard sembla se faire un peu plus pressant, elle parut hésiter un court moment avant de poursuivre et de lui demanda, non sans une certaine malice dans les mirettes :

- Comme vous êtes un homme soigné, ce qui est des plus plaisants, je n'aurais aucun de mal à songer que vous avez des draps propres.
Erchinoald
Une fois la nuit tombée, les insectes sont plus calmes et moins agressifs. Est-ce pareil pour les femmes ? En tout cas, le miel semble avoir le pouvoir d'attirer Sidie, et peut-être de l'amadouer. A l'évocation du nectar sucré, elle mit même sa curiosité de côté, ne cherchant plus à savoir ce qu'était un castor. La question qui se pose alors est : lui laisserait-elle son quart de la récolte ? Le blond n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche, il fut happer par le bras et entrainé vers la sortie du parc, à grands pas ; presque aussi rapidement que lorsqu'il a fui l'enclos des tortues.

Allez dans votre chambre récupérer votre matériel, je me charge d'aller à la mairie chercher une hache, lui dit-il avec un doux sourire qui cachait une envie de ne surtout pas croiser l'Ours qui dormait dans l'auberge et qui n'était autre que le compagnon de la jeune femme. De plus, s'il avait encore plus mauvais caractère à son réveil, Erchinoald aurait été obligé de le défenestrer -vous doutez qu'il en soit capable ? Pfeuh !

Son regard croise le sien, et il observe son sourire, intrigué. Si l'idée de déguster du miel lui faisait cet effet, alors il allait s'en recouvrir tout le corps ; mais il doutait qu'elle le regarderait avec ces yeux qui cachent une idée grandissante, tandis qu'il sent ses doigts fins se resserrer sur sa manche, comme-ci elle était prise d'un frisson de plaisir rien qu'en imaginant son plan se mettre à exécution. Mais quel plan ? Tout s'éclaire lorsqu'elle commence à le caresser dans le sens du plumage avec des compliments sur sa beauté, et cette lueur dans son regard qui trahit ses envies qui n'ont rien à voir avec le miel. Le Paon s'arrête et lui fait volteface, un sourire mielleux sur le visage, même s'il ne sait pas ce que lui vaut ce revirement de situation.


Mes vêtements ne me mettent pas autant en valeur que la charmante demoiselle qui se tient à mon bras. Du revers de la main, il lui caresse la tempe, puis descend sur sa joue, frôle son cou, et commence à glisser ses doigts sur son épaule recouverte par le châle qu'il aurait dû jeter aux tortues. J'ai deux chambres en ma demeure, toutes deux modestement décorées, mais elles possèdent des lits accueillants et une propreté égalable à la mienne. Il se penche sur elle pour venir lui murmurer d'un ton espiègle : L'une est ma chambre, l'autre celle pour les invités.

Il se redresse lentement après avoir discrètement respirer son parfum qu'il n'a que trop peu l'occasion de goûter. Il retire sa main avec délicatesse, la caressant avec retenue, avant de se replacer à côté d'elle. Elle s'était faite désirée pendant longtemps, alors maintenant, c'était à son tour. Et puis, ils n'allaient pas s'allonger dans l'herbe, parmi les lapins. Erchinoald la regarde du coin de l'œil pour observer sa réaction, tandis qu'ils se remettent en route pour s'équiper. La nuit risquait d'être mouvementée.
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Sidfiala

Ce sourire ! Chargé de miel à souhait ! Ah ce sourire ! Il fit naître chez la jeune thiernoise un sentiment indescriptible, une envie folle et soudain, un désir pratiquement incontrôlable. Le regard de Sidie se voila durant un très court instant, prenant une lueur indéchiffrable. Le sourire de la donzelle s’agrandit, pour un peu, elle aurait laissé échapper un petit gloussement sous la flatterie retournée du Paon. Elle ne pouvait pas sourire plus et pourtant la réponse d’Erchinoald lui fit briller les yeux : il ne répondait pas à sa question première et trahissait grandement les pensées qui étaient siennes.

C’est malicieuse qu’elle le laissa devant chez lui pour prendre le chemin, non pas de l’auberge, mais de la forêt où Kaeronn et elle avaient établi leur bivouac depuis quelques jours : l’air frais et l’absence de murs leur convenait bien mieux que l’étroitesse d’une chambre d’auberge, aussi bien entretenue et propre fut elle. Avant de l’abandonner pour quelques minutes encore, elle se tourna et lui lança, les yeux rieurs :


- Votre demeure dispose sans doute de tout le luxe d’une belle maison avec plusieurs chambrées, mais je vous demande malgré tout de vous munir d’une paire de draps propres si vous avez ! Je vous attendrais d’ici quelques minutes à l’orée de la forêt, au nord de la ville. Ne me faites point languir !

Sidie ne laissa pas la place à une éventuelle question et s’en fut, en trottinant, son sourire toujours énigmatique dessiné sur les lèvres. Le soleil était en train de disparaître derrière les collines. Oh ce qu’elle avait hâte !
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