Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] La Licorne en limousin

Enguerrand_de_lazare
Trois chevaliers. Ils étaient trois chevaliers à avoir bravé les recommandations sanitaires pour se rendre en ces terres dévastées par la mort noire.

"Cito, longe, tarde" disaient les maîtres, Galien en tête de la procession.

Depuis des siècles, ces mots là avaient résonné en tout lieu ou la mort pesteuse avait abattu sa faux.

« Cito, longe fugeas et tarde redeas. »
Pars vite, loin et reviens tard.

Précepte par certains acquis dès la première heure, qui s'étaient empressés de quitter les terres ravagées par la maladie pour rejoindre contrées plus hospitalières, préférant la chaleur d'un bon feu à celle d'un brasier de corps fumant, savourant vin de Touraine ou d'Anjou tandis que d'autres déglutissaient sang et pus. Ainsi en était il de l'espèce humaine, le plus pieux devenant démon face à la mort, l'effacé se transformant en bête sanguinaire pour sa survie, le médecicastre si prompt à guérir maux bénins et à se gargariser de sa science prenant jambes à son cou devant l'importance des risques encourus.

Pour l'heure, les trois licorneux accompagnés d'une demi douzaine d'hommes d'arme, et bientôt suivis par plusieurs autres de leurs frères et sœurs avançaient à contre courant de ce désespéré exode, les encore sains tentant de s'éloigner assez du souffle mortel pour ne pas périr en les cités et villages limousins transformés pour certains en véritables mouroirs, les morts devenus plus nombreux encore que les vivants.
Les autorités comtales avaient eu tôt fait de fermer frontières, les provinces voisines s'empressant de faire de même. Las. La profondeur des forêts, la taille des territoires à contrôler, la mort fauchant également garde frontières et patrouilles de la maréchaussée avaient fait que les fuyards n'avaient que fort peu été retenus par ces barrières si lâches, apportant avec eux dans les contrées voisines la maladie rampante, menaçant frères, sœurs, oncles ou tante ayant accepté de les héberger par bonté d'âme ou par obligation.
Ainsi en allait-il des épidémies, répandues par ceux là même qui tentaient d'y échapper. Ironie cruelle de ce fléau qui depuis des siècles, traversait l'Europe de part en part, s'arrêtant un instant, semblant faiblir, pour prendre plus d'ampleur encore en un autre endroit.

Laisser passer officiel tendu d’une main gantée au poste frontière d’avec le Berry, sous le regard médusé du garde pour le moins surpris de voir ainsi troupe chevauchant vers ce qu’il croyait être la mort. Celui là n’aurait échangé son poste avec personne au monde. Perdu qu’il était sur cette frontière à ce jour quasi désertée, il ne risquait point, pensait il de voir arriver sur lui les miasmes putrides des contaminés. Si ce n’était cette fâcheuse toux apparue il y a deux jours et ces quelques crachats de sang de ce matin, il en serait presque heureux d’ailleurs.
Chevauchée le long de cette route jadis empruntée presque jour et nuit, résonnant encore du bruit des fantômes des calèches, charrettes, marchands ou simples paysans arpentant ce chemin reliant Berry et Limousin. Pas âme qui vive croisée sur des lieues et des lieues. Quelques mouvements furtifs par delà les bosquets, un couple aperçu au détour du chemin, s’empressant de fuir parmi les sous bois, craignant de croiser là route de quelque patrouille militaire ayant pour mission d’empêcher les fuyards de passer.
Cette impression de mort rampante pesait d’un poids de plomb sur les épaules du Grand Maitre. Ce souffle passant par delà les collines, s’engouffrant dans les vallées où courrait des cours d’eau pour l’heure encore gelés, s’insinuant dans chaque demeure croisée, de la plus grande à la plus misérable, répandant son haleine nauséabonde sur quiconque se trouvait fol assez ou inconscient pour risquer de l’affronter. Ce souffle là semblait plus puissant encore que le plus puissant des Roys. Rien ni personne ne semblait pouvoir l’arrêter. Pas même l’hiver qui d’aventure permettait à la population de reprendre force assez, pleurant ses morts et réorganisant sa vie, avant que la Grande Noire ne revienne au printemps, avant même que les premiers oiseaux migrateurs ne regagnent les terres maudites.
Plus encore que cette impression là, c’était le silence qui avait recouvert les environs qui le plus angoissait le licorneux. Nul oiseau entendu. Nul écho de voix. Nul autre son que celui des sabots de leurs montures résonnant sur la terre gelée. Eux même s’étaient tus, comme réduits au silence par l’ampleur de la catastrophe.


Combien de lieues encore avant qu’ils ne croisent la route de quelque quidam.
Combien de temps avant d’apercevoir once de vie dans ces terres désertées.
Regards échangés entre les trois chevaliers, tandis que dans leur dos, ils sentaient l’angoisse des hommes d’arme.
Ils avaient évité Guéret. Nul besoin de prendre risque de se retrouver dans foyer d’épidémie majeure. La froidure certes étant mordante, mais ils étaient tous des plus habitués à ce type de climat et une nuit au dehors ne saurait les effrayer.
Courte nuit que celle là d’ailleurs. Hachée entre tours de garde et réveils brusque, leurs sens aux aguets leur interdisant tout sommeil profond et par là même réparateur. Rapide repas pris au petit matin, le soleil blafard encore dissimulé à l’est derrière quelque colline. En selle à nouveau, cette fois ci en direction de Bourganeuf. Encore une nuit et ils seraient à Limoges. Encore une nuit et il serait revenu chez lui après des mois et des mois d’errance. Encore une nuit et il reverrait ses amis restés en limousin, priant Aristote pour qu’il n’en dénombre aucun parmi les morts fauchés par le Grand Mal.

Fin sourire dépité vers ses deux compagnons alors que pour une nouvelle journée la route déserte s’étendait devant eux, dans leurs dos fines banderoles blanchâtres de fumée des cheminées de Guéret se détachant dans le ciel bleu marine. Au loin, derrière un petit bois en d’autre temps certainement des plus accueillants, ils pouvaient apercevoir le pendant de ces volutes là. Noirâtre. Epais. Tachant les cieux de sa couleur de mort, semblant monter jusqu’aux célestes paradis, comme pour les contaminer à leur tour. C’étaient là les restes du Charnier, le brasier entretenu jour et nuit par les cadavres des pestiférés, et qui ne manquerait pas sous peu d’être alimenté par nouvel arrivage de combustible humain.
L’ôdeur entêtante du vinaigre des quatre voleurs, dont le linge noué sur leur visage était imprégné, lui semblait supplice chaque jour renouvelé. Il en allait toutefois de leur vie car sans ces précautions, certes dérisoires, ils n’auraient aucune chance d’échapper à la malédiction, à moins de faire partie de ces quelques trop rares chanceux qui réussissaient à n’en point mourir voire à ne souffrir d’aucun signe de la peste, comme touchés par quelque grâce divine.

Un regard, à nouveau vers ses amis.
A sa senestre, Cerridween, la rousse, si chère à son cœur. Celle à qui il devait tout. Celle qui l’avait sauvé de sa perte. Celle qui…Maistre d’arme de la Licorne, elle était chargée de l’enseignement du maniement des armes aux écuyers et errants de l’Ordre. Lourde tâche que celle là car d’un bon apprentissage dépendait la vie d’un chevalier. Il la savait des plus capable et ne doutait un seul instant qu’elle saurait perpétuer l’excellence guerrière de leur Ordre.
A sa dextre, Nith, compagnon de voyage calme et avisé. Diplomate était il au sein de leur Ordre. Là encore fonction importante et majeure. Un Ordre, si puissant fut il, n’était rien seul et sans allié. Voilà quelle était la mission de son frère. Et il savait combien elle pouvait parfois être éprouvant et difficile.


Dame, compagnons, il me tarde de retourner en ma demeure. Je l’ai quittée depuis si longtemps que j’en aurais presque oublié son arrangement. Espérons qu’à l’instar de ces campagnes traversées, elle n’ait par trop changé.

Haussement bref des épaules, tandis que sa main dextre désignait les environs.

En d’autre temps ces terres là seraient joyeuses et animées, je vous l’assure. Nous aurions pu faire bombance en quelque taverne de Guéret, ville réputée en Limousin pour ses tabourets. Peut être un jour pourrais je vous expliquer le pourquoi de ceci. Chaque voyageur croisé aurait été occasion d’engager conversation, liant mille et mille rencontres riches et chaleureuses. Bourganeuf et ses auberges avenantes nous aurait ouvert ses portes et j’aurais pu vous faire découvrir ses spécialités et ses lieux les plus animés. Et Limoges…Ha, Limoges. Perle du Limousin. Vous…

La lassitude soudain, eu raison de son envolée. Tristesse. Fatigue. Il n’était plus temps pour cela. Si Aristote et tous ses saints guérisseurs le voulaient, ils pourraient à nouveau goûter à ces simples plaisirs. Avant toute chose, ils avaient autre tâche. Autre préoccupation.
Le Grand Maitre de la Licorne reprit alors la parole, d’une voix cette fois ci grave et empreinte de détermination.


Nous éviterons Bourganeuf comme nous avons évité Guéret. Une fois en Limoges, nous irons voir notre frère Stannis afin que de prendre connaissance de la situation, puis je vous accueillerai en mes terres du Bazaneix où nous pourrons trouver quelque repos réparateur et te mettre, Nith, à l'abri d'une possible contagion, de par ton état des plus faible. Ensuite, nous pourrons commencer à prodiguer soins et apporter sécurité aux routes limousines.

Regard embrassant l’horizon avant que de regarder à nouveau ses deux compagnons.

Il ne sera pas dit que la Licorne s’est dédite de son devoir, mes amis.
_________________
Nith
Ah, le voyage prenait finalement fin, la destination qu’il s’était donné se rapproché de plus en plus. Ah, que de chemins parcourus depuis sa verte Normandie. Mais aussi, que de délais, que de temps perdu. Ne serait-ce que pour le temps qu’il a mis avant de prendre sa décision : certes, le voyage avait été décidé de longue date, mais le moment pour le mettre en œuvre n’avait été que trop longtemps repoussé : les guerres, son mandat, sa maladie… A croire qu’il cherchait des excuses afin de se donner encore un peu de temps pour réfléchir. On le connaissait pour prendre son temps à réfléchir à ses décisions, prenant en comptes les différents facteurs, prenant garde aux implications et aux conséquences. Mais là, dans le genre retard, il avait fait fort… Le voyage avait été prévu depuis au mois l’été dernier, alors que le climat était encore clément, alors que son état était encore au beau fixe, apte à parcourir les nombreuses lieues qui le séparait de sa destination. Puis la destination non plus n’était pas totalement définie… Il voulait aller dans le sud, point. Pas très clair, pas très explicite… Le Limousin se trouvait sur sa route vers le Sud, c’est pourquoi il avait décidé de s’y rendre, petite escale dans son périple. D’autant que nombre de personnes qu’il connaissait habitant dans la région.

Et c’est ainsi qu’il prit la route, en ce premier mois de l’an de grasce mil quatre cent cinquante sept. Mais à force d’attendre, les conditions n’étaient pas les meilleures pour prendre la route. D’une part, l’hiver battait son plein, refroidissant le corps comme le cœur de tous les intrépides qui tentent de braver sa froide morsure. Alors qu’un repas bien chaud pris devant l’âtre aurait été beaucoup plus confortable… Puis il apprend que la Peste frappe dans le Sud, justement là où il avait décidé de se rendre. A croire que le destin lui jouait des tours… Il y avait au moins un avantage dans toutes ces péripéties : il avait trouvé des compagnons de route. Et même si leurs relations n’étaient pas des plus chaleureuses, il était toujours préférable de voyager en groupe plutôt qu’en solitaire. D’une part pour la sécurité, d’autre part pour combler le silence pesant qui régnait sur les chemins. Ne serait-ce que par des cris de dispute…

Les dispositions étaient enfin prises, tout était en place pour le voyage : toutes les affaires dont il pourrait avoir besoin se trouvait sur le cheval de bât qui l’accompagnait. L’itinéraire avait été choisi afin d’être le plus court possible, il n’était pas vraiment recommandé de trainer sur les routes par ces temps… Par conséquent, il avait réussi à obtenir tous les laisser-passers, répondant aux formalités administratives, certes nécessaires et compréhensives, mais oh combien ennuyeuses et rébarbatives. Mais, comme il aurait pu s’y attendre d’après les prémices de son périples, rien ou presque ne se déroula comme prévu. Le chemin vers le sud de la Bretagne était interdit à la circulation des voyageurs, ce qui l’obligea à changer de plans sur le pouce. Arf, combien il détestait les surprises… Surtout dans ce genre. Changement d’itinéraire brutal, allongement du parcours, et nouvelles formalités auprès des autorités locales. Arf, toute cette paperasse… Comme s’il n’en avait pas assez en ce moment, comme s’il n’en avait pas suffisamment subi lors de son mandat. Et le voilà reparti pour un nouveau tour des prévôtés…

Au moins la route fut paisible, pas d’autres contre-temps à rapporter. Bretagne, Maine, Anjou puis Touraine, les provinces défilaient rapidement sous ses yeux, ne s’attardant que le strict minimum, juste pour se restaurer, laisser se reposer et les hommes, et les montures… Enfin, je dis juste, mais avec un malade et deux dames, on ne pouvait pas dire que le rythme de la cavalcade soit des plus fulgurantes… Mais certaines informations lui arrivent aux oreilles, ou plutôt à ses yeux. Des compagnons d’armes se dirigent aussi vers la même direction et il décide de les attendre à Loches, ville au joli nom qui plus est, non ? Cependant, un nouvel accès de toux le reprend, l’obligeant à rester cloitrés dans la taverne où il s’était réfugié, devant reprendre des forces avant la dernière partie du voyage en attendant l’arrivée de ses Frères d’armes. Et pas des moindres… Le Grand Maistre de la Licorne en personne et le Maistre d’armes. Ou Maistresse d’armes ? Bah, il n’était pas vraiment au fait de la sémantique et de l’étiquette… Trois dignitaires de la Licorne et un quatrième qui attendait à leur destination, on aurait pu se croire à une réunion du Haut Conseil… Quant aux Dames qui l’accompagnaient, leur mission ne souffrait d’aucun délai, c’est pourquoi elles reprirent la route sans lui.

Des Chevaliers de la Licorne, des Frères, mais au final, il ne pouvait pas dire qu’il les connaissait vraiment. D’une part, on ne pouvait pas dire qu’ils habitaient les uns à côté de l’autre, ce qui limitait bien sûr les rencontres, si ce n’étaient les quelques réunions en salle du Chapitre de Ryes. Même sur les champs de batailles dans lesquels ils étaient impliqués, ils n’avaient pas vraiment pu se côtoyer, ne se trouvant pas sur le même front, ne participant pas aux même bataille. Mais ces derniers temps, il avait en apprendre un peu plus, travaillant de concert avec les membres du Haut Conseil afin de remédier au renouveau de l’Ordre et à la formation de la nouvelle génération. Bien sûr, il n’avait pas vraiment eu le temps ni vraiment l’envie d’ailleurs d’aborder des sujets personnels, alors il les connaissait plus par leur fonction que par leur vécu. Soit, il faut un début à tout…

Ainsi, après la brève réunion des trois chevaliers à Loches, ils reprirent la route, mais avec une cadence plus soutenue. Enguerrand s’occupa des formalités aux frontières du Berry, ce qui n’était pas pour déplaire au Perplexe… Enfin ils atteignirent les campagnes du Limousin, mais ce n’était pas vraiment ce à quoi le Normand s’attendait. Il n’avait jamais eu l’occasion, la malchance, de se retrouver dans une région ravagée par la Peste. Aussi, il n’avait jamais pu en constater les dégâts, n’ayant que pour indications les rumeurs et « on-dit » que colportaient les badauds en taverne. Il ne s’attendait pas à trouver un horizon vide, cette ambiance pesante, sans compter cette odeur suffocante. Même si les frimas de l’hiver régnait encore en maitre à cette époque de l’année, il aurait dû y avoir un peu plus d’animations aux abords des villages, surtout en plein jour. Rien, des lieues complètement désertes, des heures à poursuivre leur chemin sans rencontrer âme qui vive. Mais s’il ne s’agissait que d’une simple exode, il n’y aura pas cette lourde ambiance qui planait au-dessus de la troupe Licorneuse. Car ce n’était pas, finalement, le manque de personnes qui gênait le plus le Duc, mais plutôt les rares traces d’habitations, d’activités, de vie. Qu’est-ce qui pouvait être assez horrible pour forcer les habitants à fuir ? Qu’est-ce qui pouvait être assez terrifiant pour forcer les gens à mettre le feu à leur habitation ? Peu à peu, il semblait prendre conscience de l’horreur de la peste…

La vue du bois carbonisé, des fondations tenant encore en plus, des rares pans de murs tenant encore debout, lui indiquait l’ampleur des dégâts, matériels mais aussi psychologique. Peur, désespoir, abattement… Sans compter le mélange de différentes effluves : la senteur âcre et lourde de la combustion, celle dérangeante de la chair carbonisée et celle piquante et âpre du vinaigre qu’embaumaient ses mains. Il avait suivi les conseils qu’on lui avait donné, se nettoyant les mains le plus souvent possible avec du vinaigre, couvrant son visage d’un tissu. Il aurait mieux fait de les tremper du calva, au moins la senteur du divin breuvage normand ne le rebuterait pas. Mais bon, il fallait suivre les ordres. Et puis on ne pouvait pas gâcher du bon calva… On ne pouvait pas dire qu’il était fringant, le Perplexe… D’autant qu’avec toutes ces odeurs, les quintes de toux reprirent, sapant ses maigres forces. Non, il n’appréciait pas vraiment les temps qui courraient, ce qui aurait dû être le point de départ heureux et joyeux d’une nouvelle épopée s’avérait finalement être un champ de ruines… On pouvait trouver mieux…

Il avait été surpris d’entendre qu’ils ne feraient pas halte à Guéret. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas dormi à la rude. D’ailleurs, il avait choisi son itinéraire spécialement pour pouvoir se retrouver et séjourner en ville, dans un auberge confortable, auprès d’un bon feu de cheminée. Cela ne l’aurait pas gêné si cela s’était passé un an plus tôt. Mais son état du moment n’était pas au beau fixe. Il comprenait la nécessité de voyager rapidement, d’éviter le plus possible tout contact avec les populations en quarantaine. La nuit ne lui apporta guère de repos, entre le mouvements des hommes, la froideur de la nuit, mais surtout les sombres préoccupations qu’il ressassait sans arrêt. Le jour pointa son nez, n’apportant ni réconfort, ni véritable chaleur. Heureusement qu’il n’aurait plus qu’une seule nuit de ce genre à supporter… La peste soit de sa maladie… Oui, c’était le cas de le dire…

Il se trouvait à la dextre du meneur de troupe, passant le plus clair du temps perdu dans ses pensées. Non, on ne pouvait pas vraiment dire qu’il était le plus affable des compagnons, mais il était oh combien difficile de se défaire de ses habitudes ancrées depuis si longtemps. Enguerrand prit la parole, le Perplexe porta son attention vers son Grand Maitre et put y lire le soulagement de rentrer enfin chez soi, mais aussi la tristesse de retrouver son foyer dans un pareil état. Il le comprenait en partie, pour avoir longtemps été absent de Normandie, il savait combien il était réjouissant de retrouver sa maison, ses amis, sa patrie, même si pour son cas, tout ne s’était pas vraiment passé comme prévu… Mais jamais il n’avait eu à subir pareille déconvenue…

Il salivait devant la description de la bonne humeur et de la bonne chaire des tavernes limousines, il aurait bien aimé pouvoir en profité : nourriture, boisson… Cela fait si longtemps qu’il avait entendu parlé de l’alcool de prune sans avoir eu la chance de pouvoir y goûter. Puis déception lorsqu’il entendit le nouveau détour qu’ils effectueraient, loin de la ville, loin de la bonne pitance, loin de doux et chaleureux lit qui aurait pu l’attendre… Il s’en était douté, surtout depuis qu’ils avaient contournés Guéret, mais le fait de l’affirmer haut et fort mettait fin à ses espoirs, à ses désillusions plutôt.


Et bien, bon retour chez toi, Maistre ! Sourire un peu moqueur envers son Frère. Peu importe les circonstances, son foyer restera toujours son foyer. En tout cas, je ne te connaissais pas en guide touristique, mais je peux te dire que tu vantes très bien les atouts de ta province ! Je serais ravi de pouvoir profiter de ton hospitalité. Mais il ne faut pas t’en faire pour moi, je vous suivrais, même si je mets un peu plus de temps que vous. Il ne faut surtout pas contrecarrer tes plans juste à cause de moi…
Car comme tu l’as dit, la Licorne remplit son devoir auprès des citoyens du Royaume, et je ne fais pas exception. En tout cas, cela me fait bien plaisir d’arriver enfin à destination, et j’ai hâte de revoir Stannis. Il doit, certes, avoir des tonnes de choses à nous dire, mais il me suffira d’entendre son agréable caractère pour penser que tout va bien, que tout est normal, que tout est bien dans le meilleur des mondes. Sans compter que j’ai entendu dire que les caves de Ségur étaient bien remplies…

_________________
Enguerrand_de_lazare
Sentiments et attitudes variables chez le chevalier à mesure que son frère lui parlait.
Signe de tête, de prime, comme pour humblement confirmer son désir d’accueillir ses frères en ses terres.
Inquiétude ensuite, à la remarque de Nith concernant son état de santé. Il le savait faible encore, et ce voyage n’aura fait qu’aggraver encore la situation. A peu que le souffle de la maladie ne lui souffle dessus de trop prêt, et sa consistance mise à rude épreuve risquerait de s’en retrouver balayer par les mortels miasmes.
Sourire un instant plus tard, déridant quelque peu le visage du licorneux, à l’évocation de leur frère Stannis et de son caractère affable tellement réputé en le Royaume de France.
Sourire rapidement transformé en grimace de dépit à l’évocation de Ségur et des derniers événements y référant.


Mon frère, je ne te contredirai point sur certains de ces points abordés, mais deux choses toutefois. Pour commencer, promets-moi de faire d’autant plus attention que tu es grandement affaibli. Je connais le légendaire entêtement Normand, mais la mort aime plus que tout ceux là qui la bravent sans armure ou défense assez. Ensuite, avant d’encontrer Stannis, il me faut te mettre au courant d’un fait récent et hélas avéré. Notre frère ne réside plus en les terres de Ségur depuis quelque temps déjà…Il…enfin…il t’expliquera cela de façon plus précise, je n’ai eu pour ma part que bribes d’informations.

Haussement d’épaules du chevalier, regard un instant en direction de CErridween restée silencieuse, avant que de reporter son attention sur l’horizon, par volonté de clore là un sujet qu’il savait des plus délicats, et afin que son frère ne voit pas l'expression de trouble soudain qu'il avait revêtue.

Le silence revenu, la troupe continuait son chemin, les paysages et visions devenant maintenant pour eux presque images familières, tant la désolation et le malheur qui avait frappé ces terres semblaient en tous endroits identiques.
Bourganeuf, comme sa voisine, ne fut pas halte, pourtant bien méritée. Nouveau campement de fortune avant que dès le matin levé ils reprennent leur route.
Ce soir, ils seraient à Limoges.
Peut être là bas l’épidémie avait elle frappé moins fort, les autorités comtales étant importantes assez pour être les mieux protégées.
Peut être les hauts murs auraient ils remparé assez les habitants pour que la Mort Noire les ait épargnés. Il était parfois de ces villes qui à temps avaient su fermer portes et empêcher toute circulation, au prix d’une lutte quotidienne et désespérée. Celles là avaient vu le souffle passer autour de leurs murs de pierre, protégées qu’elles étaient, dans l’œil de cet infernal cyclone.
Dérisoire image. Vains et erronés espoirs.

Au fond de lui-même, le chevalier savait qu’il n’en était hélas rien. Limoges était une grande cité, et comme toute ville d’importance, il se pouvait en temps normal déjà y croiser misère, promiscuité et manque d’hygiène. Ces trois cavaliers là, pendants des trois chevaliers qu’ils étaient, se plaisaient d’habitude à chevaucher en les ruelles et placettes des quartiers pauvres, transportant miasmes et effluves putrides, prenant soudain galop furieux dès qu’épidémie se faisait jour. Et en ces temps de Peste, leur frénésie était comme décuplée, et enhardis par celle-ci, ils n’hésitaient plus alors à traverser les quartiers les plus riches, frappant l’indigent comme le bourgeois, le roturier comme le Noble, le manœuvre comme le Maistre artisan.
Nulle différence désormais que celle de la chance ou du destin face à la maladie.
La peste, elle, frappait où elle le voulait, quand elle le souhaitait, d’aucuns lui donnant parfois vie en leurs délires et craintes d’une mort inéluctable.

Certains tentaient de remédier à la malédiction en peignant signes protecteurs sur leurs portes. Ce quatre inversé, patté et barré de deux traits, qui à chaque résurgence du Fléau, revenait se déposer sur nombre de portes. Ces diamants censés protéger du Mal, qui ne remplissaient au fond qu’un seul but, celui d’enrichir plus encore les maistres joailliers qui, bien que vivant au milieu de cette pierre supposée protectrice, n’en mourraient pas tout autant que le reste du peuple.
Seuls remèdes contre ce mal, entrant lentement dans l’esprit humain, l’isolement des malades et une hygiène sans faille. Mais par Dieu, que les anciennes coutumes avaient encore force et puissance. Que les croyances anciennes venaient perturber la science moderne. Que la médecine, encore bien souvent, prenait soin d’affaiblir plus encore les malades et mourants que de les guérir.

Longue, morne et désolante chevauchée en ce jour pâle et triste. A croire que la nature elle-même, unie en pareils instants avec la race humaine, avait décidé de se mettre à l’unisson de ses souffrances, et de n’arborer aucune de ses si habituelles et vives douleurs, cachant avec soin le soleil derrière d’épais nuages aux teintes grisâtres, le peu de lumière traversant ces filtres là teintant les lieux d’une lumière blafarde et parfois quasi spectrale.

Longue, morne et désolante chevauchée, qui le mena finalement en vue de la ville de Limoges.
Tours se détachant de prime sur l’horizon. Etendards aux couleurs du Comté flottant dans le vent soufflant sans discontinuer. Remparts ensuite, apparaissant progressivement à l’horizon, comme poussant de terre à mesure qu’ils progressaient. Hautes murailles de pierre protégeant la cité des ennemis et assaillants. Quelques voyageurs, si peu, aux alentours de la porte Est. Une poignée à peine, prenant tous soins de garder distance d’avec leurs voisins, n’échangeant que quelques mots, le juste nécessaire, certains portant tout comme les licorneux gants et tissus recouvrant le visage.
Quelques centaines de toise encore et l’équipage fit halte devant le poste de garde. D’instinct, devant cette troupe armée, les civils s’écartèrent, et c’est au milieu d’un cercle déserté que le Grand Maitre de la Licorne s’avança, en direction du sergent responsable du détachement.


Halte là, messire. Qui que vous soyez, sachez que nul n’est autorisé à pénétrer en la cité, sauf muni de laisser passer official.

Passant sa main dans l’une de ses fontes, le licorneux en ressortit parchemin huilé qu’il tendit au garde. Celui-ci s’en saisit du bout des doigts et se mit en devoir de le lire.

Sachez, sergent, que nous sommes chevaliers licorneux et voici le laisser passer que vous me demandez. Sachez également que je me prénomme Enguerrand de Lazare, Grand Maitre de la Licorne, mais également baron du Bazaneix et Sénéchal de l’académie militaire limousine. Cela fait donc de moi résidant de ce Comté, bienheureux malgré la situation, de fouler à nouveau cette terre d’accueil.

Un geste de la main en direction de ses compagnons.

Voici à mes côté le Chevalier Cerridween de Vergy, Maistre d’arme de notre Ordre, ainsi que le Chevalier Nith, Diplomate de l’Ordre.

Le garde opinait du chef à mesure que les présentations à lui étaient faites, tout en poursuivant sa lecture assidue et se peut quelque peu laborieuse. La tâche achevée, il releva la tête, observant attentivement les cavaliers, comme pour s’assurer qu’ils étaient bien qui ils étaient et ne risquaient pas d’apporter la peste avec eux. Geste tout autant inutile que dérisoire mais qui avait au moins pour résultat de rassurer le sergent quand à la réelle utilité de sa présence en cette place, situé qu’il était en première ligne d’éventuels nouveaux cas infectés.

Fort bien, fort bien, messire. Voilà qui semble être affaire réglée. Prenez garde, la mort rôde encore en ville et nombre de lieux sont à éviter si vous ne voulez pas être frappés du fléau de d’Aristote.

Opinement du chef du chevalier qui, avant d’éperonner sa monture s’adressa une dernière fois au garde.

Auriez vous également l’amabilité de prévenir le Chevalier Stannis, Juge du Limousin que des frères licorneux sont en ville et qu’ils l’attendront rue des Naveteaux, en la demeure du Baron du Bazaneix.

Ceci dit, la monture du Grand Maitre s’ébroua et la petite troupe passa l’imposant porche de la cité, entamant sa progression en les rues de la ville vers le lieu qui serait au moins pour un temps, havre de paix et de repos.
_________________
Nith
Et voilà, il s’y était attendu, il avait redouté ce moment. Même s’il s’en doutait, même s’il le savait, cela portait toujours un coup lorsque la vérité éclate au grand jour. Il avait pu s’en apercevoir, ayant été le témoin principal, unique même, de la réunion explosive entre les deux époux. C’est une chose lorsque l’on est celui qui énonce la triste et dure vérité, on peut ressentir quelques remords, regrets, mais c’est autre chose lorsqu’on la reçoit. Et là, bingo, en plein dans le mille! Il l’avait bien vu, il ne pouvait tenir longtemps le rythme de la chevauchée, il n’avait pas encore récupéré assez de force et d’énergie pour pouvoir voyager aussi tranquillement qu’auparavant. Il se rendait aussi compte qu’il ne récupérait pas au même rythme que ces compagnons de ces courtes et fatigantes nuits à la dure. Il était diminué, il le savait. Mais se l’entendre dire lui inspira un léger sentiment de honte. Honte de ne pouvoir suivre ses camarades. Honte de ralentir l’allure de la troupe. Sentiment d’abattement aussi. Mais en fier Normand, il n’allait pas s’apitoyer sur son sort. Maigre sourire à l’évocation de l’entêtement des Normands. Franchement, il ne voyait pas vraiment en quoi… Si on veut quelque chose, il est normal de tout faire pour l’obtenir, malgré les mises en gardes, malgré les risques et les conséquences. Rien de plus normal, non? Non, il n’était pas du genre à foncer tête baisser, il prenait en général le temps de regarder devant lui avant de lancer la charge…

Je te remercie pour ta sollicitude. Mais, car il y a toujours un mais, je pense qu’une autre personne mériterait plus ton attention qu’un vieux Normand sur le déclin… Ou alors je risquerai de faire des envieux et des jaloux!

Petite espièglerie. Il avait deviné, ou plutôt remarqué, lors de cette cérémonie fatidique, ce rapprochement, ce contact entre les ces deux là. Même s’il n’avait pas eu les réponses qu’il attendait, malgré ses interrogations muettes mais magnifiquement bien mimées, il n’en restait pas moins qu’il avait plutôt bien visé. Enfin, ce n’était pas ses histoires… Reprenons un sujet plus sérieux…

Ne t’inquiète pas, je connais mes propres limites, et je ne suis pas encore assez mourant pour vouloir accueillir la Faucheuse à bras ouverts. D’une part je ne suis pas encore prêt, il me reste encore de nombreuses choses à faire avant même d’imaginer passer à l’autre monde. D’autre part, je suis sûr que certains, certaines surtout, ne me laisseraient pas partir de la sorte aussi facilement, et me le feraient bien payer, peu importe mon état! Et les Normands ne sont pas têtus, c’est bien connu, ils sont juste implacables lorsqu’ils ont pris une décision, surtout que cette décision, ils ont mis du temps avant de la prendre…

Le premier point était éclairé, et avait abouti au point de départ. Mais non, il n’était vraiment pas du genre à tourner en rond, à tourner autour du pot pour tenter de faire oublier la première idée… Non, ce n’était vraiment pas son genre… Comme l’a dit un grand philosophe des temps modernes, « On sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher… »

Stannis… Que s’était-il passé pour qu’il soit chassé de Ségur? Une prise de bec entre les deux têtes brûlées? Arf, à trop rester isoler, il ne connaissait plus les événements, mais surtout les potins mondains dont tout le monde raffole tant, mais surtout dont on peut se servir lors de négociations ou pour bien se faire voir… Où quand la diplomatie rime avec le marchandage mêlée d’éloquence… Déjà que même en pleine forme, il avait du mal à suivre uniquement les événements nobiliaires en Normandie, alors connaître ce qu’il se passe dans un Comté aussi lointain que le Limousin, il pouvait toujours attendre… Triste nouvelle pour le moins. « Ta Grandeur » ne pourra pas lui montrer la cave du domaine… Et dire qu’il s’était fait une joie de pouvoir profiter de mets, aussi bien liquides que solides. Tant pis, il trouverait bien, de toute façon, une table où il y aura bonne chaire. Mais, visiblement, il se passait quelque chose de peu banale s’il se fiait au ton du Grand Maistre. Vue la manière un peu hésitante dont il avait prononcé ces mots, mais aussi le fait qu’il ait rapidement coupé court aux explications montraient bien qu’un certain malaise entouré le nouveau Héraut de l’Ordre. Tant pis, il pouvait bien attendre, il apprendrait bien ce qu’il devait savoir dans les temps. Même s’il était déjà un habitué des erreurs et maladresses en tout genre… Il avait le temps, il lui suffisant de se montrer patient…

Et voilà qu’il se mettait à inspecter Enguerrand. Et bien, visiblement il est difficile de perdre ses vieilles habitudes, observer et apprécier la valeur des personnes qu’il côtoie…Épier et interpréter les mimiques, la gestuelle. Il est vrai que cette faculté l’a souvent aidé, lui permettant de jauger ses interlocuteurs, d’appréhender leurs envies et leurs opinions afin de pouvoir adapter son propre discours. Oui, un vieux réflexe de politicien qu’il gardait encore, même si cela faisait déjà quelques mois qu’il avait quitté sa charge ducale. Il détourne son regard pour le porter sur le troisième larron, la Rouquine. Elle par contre, contrairement à lui qui déliait sa langue au fur et à mesure de cette « ballade », était souvent restée silencieuses, comme si quelque chose la préoccupait. Le Perplexe préféra ne rien tenter pour le moment, elle prendrait la parole lorsqu’elle sera prête, même s’il pensait que les mots ne lui seraient pas destinés. Parfois, le silence est le meilleur conseiller. Et il en savait quelque chose le Perplexe, à rester des heures, seul, à penser, réfléchir, méditer…

Le silence était rapidement retombé, si ce n’était aux bruits d’une troupe à cheval, le fracas des sabots contre la terre, le frottement des corps contre le cuir de la selle, le souffle des montures mises à rude épreuve. Mais il pouvait au moins profitait de ce temps où les voix se taisaient pour observer le paysage. Mais plus il regardait, plus il doutait de la justesse de sa venue en ces lieues désolées. A bien y réfléchir, il avait décidé de venir, au tout début, afin de pouvoir se reposer, profiter du climat doux et agréable de ces contrées bien plus au sud et moins exposées aux vents océaniques que sa Normandie natale. Le Limousin ne constituait alors qu’une étape avant de poursuivre bien plus au sud, vers des terres encore plus généreuses en chaleur et en ensoleillement. Dilemme dans la tête du Perplexe : il savait que le fléau ravageait ses terres, il s’agissait de nouvelles si inquiétantes qu’elles voyageaient à une vitesse éblouissante. La peur de la contagion était si bien ancrée dans l’esprit des habitants du Royaume qu’à la moindre alerte, l’information était rapidement diffusée afin de rester cloîtrer chez soi et de rejeter les voyageurs inconnus, de peur qu’ils ne transmettent le fléau. C’était triste à dire, mais la loi du chacun pour soi prévalait souvent dans ce genre de situations. Il aurait pu retarder son voyage, il l’avait déjà fait pendant des mois, alors quelques mois de plus n’auraient probablement rien changé pour lui, mais la situation aurait pu se calmer dans les zones pestiférées. Il pouvait aussi rebrousser chemin pour se rendre dans une contrée plus hospitalière pour le moment, voire même poursuivre son chemin par le sud sans passer par les terres ravagées. Mais le Normand était têtu… euh non pardon, décidé… Il avait commencé le voyage, prévu les haltes, et il s’y tiendrait. Il n’était pas du genre à changer d’avis au moindre écueil, à part bien sûr lorsque sa vie était inutilement mise en jeu. De plus, n’avait-il pas juré d’aider les nécessiteux ? Cette épidémie avait sans le moindre doute ralentit, si ce n’est arrêté la production nécessaire à la consommation des habitants du Comté, les brigands voire mes d’honnêtes gens, affamés, se jetteraient sur les premiers venus pour tenter de récupérer la moindre parcelle de nourriture. Les routes ne devaient pas être sûres pour une troupe non armée. Aussi, il y avait fort à faire, et même pour des bras amaigris par la maladie.

Trêve de pensées pour le moment. Après tout, ce qui était fait est fait, il ne servait donc à rien de ressasser le passé auquel on ne pouvait de toute façon rien changer. Alors autant aller de l’avant. Mais l’avant n’était pas aussi joyeux que ce à quoi il s’était attendu. Nouvelle nuit à passer dans un campement de fortune, bien loin d’une taverne joyeuse, à l’ambiance festive et insouciante, baignée dans la chaleur réconfortante d’un bon feu de cheminée. Nuit difficile, mais c’était la dernière à passer dans ces conditions. Autant prendre son mal en patience, bientôt il pourrait profiter d’une meilleure couche.

Les murailles à l’horizon marquaient la fin de son périple. Limoges, capitale du Limousin, le joyau du Comté. Sauf qu’il manquait visiblement l’animation et la gaieté que l’on pouvait trouver dans les autres capitales régionales. Ainsi donc, la grande ville avait aussi été touchée par le fléau. Triste nouvelle pour sûr… Peu de voyageurs, les mines renfrognées, les visages camouflés par des bouts de tissus sensés les protéger contre le mal. Ils arrivèrent à un poste de garde où un soldat les arrêta. Le Grand Maistre s’avança et prit les choses en main, aussi le Perplexe se contenta d’écouter et d’observer. Il prit note du conseil du garde, qui ne présageait rien de bon. Il fallait espérer que ces foyers restent circonscrits… Une fois les remparts derrière eux, le Normand prit la parole :


Et bien, merci de t’être occupé de toutes ces formalités. Mais la prochaine fois, il faudra envisager d’engager un héraut pour nous annoncer avec tous nos titres et nos charges. Sourire joyeux. C’est vrai qu’il commençait à cumuler…
Mène-nous à ta demeure, cher Maistre ! Rue des Naveteaux, voilà un nom intéressant. Une fois le Juge arrivé, nous pourrons pratiquement commencer une nouvelle session du Haut Conseil. Mais avant ça, peut être devrais-je être mis au courant de certaines choses avant de commettre une bévue…

Il poursuivit sa route, chevauchant aux côtés de ses amis, se laissant guider dans les ruelles de la ville…
_________________
Enguerrand_de_lazare
Fin sourire apparaissant sur le visage du licorneux en réponse à la saillie de son frère.

Hé bien, il est certain que si je devais énumérer l’ensemble de tes titres, mon cher Nith, il me faudrait prendre au moins bonne rasade de prune, de crainte de voir mon gosier rapidement se dessécher.

Clin d’œil à lui adressé, avant de reprendre, tandis que leurs montures cheminaient par les rues et ruelles de la cité.

Pour ce qui est des autres informations à te donner, je ne vois rien de bien particulier. Je pense qu’il serait bon que nous allions encontrer le Comte Trokinas une fois nos quartiers pris, et je compte bien sur Stannis pour cela. Pour le reste, je vous ferai ce soir auprès d’une bonne flambée rapide présentation du Limousin…du moins tel que je l’ai connu avant l’épidémie…en espérant qu’il n’ait par trop changé depuis…

Silence à nouveau.
Progression le long des rues de Limoges. Peu de changement, en somme en cette ville malade, le temps s’étant comme arrêté depuis que la Mort avait entamé sa moisson.
Rues et ruelles désertes. Portes closes. Certaines, trop nombreuses à son goût marquées d’une large croix peinte à la va vite. Foyer infecté. La maladie avait pénétré ces habitations là et nul n’avait désormais droit d’en sortir ou d’y entrer. Dure et cruelle obligation pour un être sensible, mais minimum obligatoire pour quiconque ne voulait pas voir la peste s’étendre plus vite encore qu’une trainée de poudre.
Combien de cadavres déjà dans ces foyers touchés. Ceux condamnés à rester cloitrés dans leurs demeures devenant dépendants des valides bons assez pour leur apporter quelques victuailles livrées par l’intermédiaire de paniers hissés dans les étages à l’aide de cordes. Lorsqu’aucune âme charitable n’accomplissait ce service, les malades comme les biens portants devaient se résigner à souffrir les mille maux de la faim, dans l’attente de la mort prochaine.
Qui restait vivant assez en ces foyers pour prendre soin des agonisants. Qui se chargeait de faire sortir les corps des décédés de la nuit afin que les ramasseurs s’attellent à leur triste besogne. En ce matin là, plusieurs cadavres commençaient à se putréfier, jetés à même le sol, étalés dans la boue et les saletés répandues, dans l’attente de ces équipes maudites, aux porteurs exposés en permanence aux miasmes fétides, chargés de cette tâche ô combien ingrate mais nécessaire d’évacuer les morts, les conduisant aux buchers destinés à bruler toute trace de la contamination. Ils faisaient partie, aux yeux du Grand Maitre, des plus courageux et des plus désespérés des volontaires. Voués à une mort quasi certaine, évités par tous les autres habitants tant leur action les épouvantait, ramenant chacun à la vision future et parfois fort proche de leur mort à venir.

Devantures de magasins pour la plupart closes. Disparue l’animation du quartier marchand et de ses mille étals. Quelques rares clients seulement dans les échoppes encore ouvertes. Rapide aller retour sans s’attarder plus que de raison afin d’acheter le nécessaire, l’indispensable pour vivre ou survivre. Peu de paroles échangées. Encore moins de contacts. Faire vite et regagner aussitôt les murs en apparence protecteurs de sa maison, rapportant parfois à leurs proches, en sus de ces maigres victuailles, le bacille pesteux contracté au dehors.
Dans les bouges des bas quartiers, comme dans certaines tavernes d’habitude bien fréquentées, certains se livraient à beuveries et débauches, tant la crainte de la maladie faisait s’envoler les barrières de la civilisation et de l’humanité. Homme sage et auparavant sobre buvant jour et nuit plus que de raison, se couchant le soir dans son vomi et ses déjections, pour se relever le matin et reprendre sa triste besogne. Femme réputée fidèle et de bonne conscience s’adonnant à plaisirs charnels avec quiconque le souhaitant, transformant en lupanar certaines salles communes de tavernes. Marchand ou artisan honnête volant et tuant pour le simple plaisir d’assouvir ses pulsions. Qu’en importaient pour ceux là les conséquences futures, puisque le désespoir les avait contraints à s’estimer presque mort, leur futur pour eux se conjuguant au temps des fumées âcres et épaisses des charniers alentours.
A plusieurs reprises, les cavaliers avaient croisé habitants aux mines patibulaires ayant revêtus les atours les plus riches et les plus fins, désormais tachés, arrachés et décousus. Ceux là avaient du trouver demeures aisées par leurs habitants abandonnées et avaient su profiter de l’occasion unique de pouvoir, sur le dos de la mort et de la maladie, s’adonner à une ascension sociale aussi brutale que courte. Celle-ci à coup sur se solderait par bubons apparaissant aux aisselles ou corde passée autour du cou une fois l’ordre et la salubrité revenus.

A la vue de ces scènes là, le chevalier comprit que la tâche à venir était immense. C’était toute une société, toute une population, toute une économie qu’il allait falloir remettre sur pieds une fois l’épidémie disparue ou tapie en quelque recoins nauséabonds.
Il faudrait des mois, des années se peut avant que la région ne retrouve sa prospérité antérieure.

Long cheminement silencieux alors que son esprit ressassait les visions aperçues.
Enfin, après nouvelle ruelle empruntée, image rassurante. Devant eux maintenant se dressait sa demeure, cossu hôtel particulier de pierre taillée, mitoyen par un côté avec une autre habitation, non moins vaste et imposante, celle de sa sœur Marie Alice. Ils avaient tous deux choisi cet endroit là, souhaitant garder lien régulier tout en ayant indépendance nécessaire.
Quelques toises encore et le Grand Maitre fit s’arrêter sa monture. Inspection rapide de la façade devant lui dressée. Deux étages aux volets clos. Point de ce maudit quatre peint sur la porte, ni de la sanglante croix marque de l’infection. Voilà au moins élément rassurant. Les murs étaient propres et rien ne laissait supposer, de l’extérieur du moins, quelconque abandon des lieux.
Mettant pied à terre, il fit signe à deux hommes d’arme d’emmener leurs montures en l’écurie attenante.


Prenez en soin. Nourrissez les chevaux si vous trouvez avoine ou fourrage, et surveillez-les de près. Qui sait ce qu’il pourrait venir à l’esprit de quelque âme perdue à la vue de montures laissées sans garde. J’enverrai deux autres hommes d’arme vous relayer sous peu.

Hochement de tête aux deux quidams destiné pour ponctuer son ordre puis, après avoir fait signe à ses amis de le suivre, le chevalier s’avança vers la grande porte ouvragée donnant accès à son habitation. Lourde clé glissée en la serrure. Grincement sinistre avant d’entendre celle-ci se libérer. Poussée du plat de la main, pour découvrir enfin le grand vestibule, à mesure que la lumière passant par la porte s’infiltrait à l’intérieur.
L’endroit semblait désert. Couche de poussière recouvrant sols et meubles. Chandeliers garnis mais éteints. Tout, cependant, semblait être à sa place, à l’image de ce qu’il avait laissé le jour de son départ.
Nul bruit provenant de l’habitation encore dans la pénombre.
Nulle trace ni de Gontrand, son inénarrable intendant, ni de son vieux couple de serviteurs, la sagace Mahaut et le fidèle Pierre à la barbe tout aussi grise que son humeur était grommeleuse.
La voix du Grand Maitre se fit alors entendre. Forte. Claquant dans le silence environnant, résonnant dans ces lieux apparemment abandonnés.


Holà ! Y a-t-il quelqu’un en cette demeure ? Le Baron est de retour. Gontrand ? Mahaut ? Pierre ? Auriez vous quitté les lieux ou vous cachez vous en quelque recoin de peur des pillards ?

A sa voix ne répondit que le silence, tout juste agrémenté d’un lointain grincement, probablement du à quelque porte bougeant par l’appel d’air déclenché par leur arrivée.
Un regard à ses compagnons, dépité.


Baste ! En attendant d’y voir plus clair, allons en mes cuisines. Le cellier est de tout temps rempli, et ce serait bien le diable si nous ne trouvions pas quelque jambon ou boisson des plus mérités.

Attrapant deux chandeliers, il les alluma à l’aide d’un briquet d’amadou, en confiant un à l’un des hommes d’arme restés avec eux. Fermant de prime la porte menant sur la rue, il s’avança en les couloirs de sa demeure, se guidant à la lumière vacillante des flammes des bougies, faisant ouvrir volets clos et barrés de fer à mesure de leur progression.
_________________
Nith
Le Perplexe sourit et acquiesça à la remarque d’Enguerrand. En effet, la liste était longue, même s’il n’était pas celui qui pouvait se targuer de posséder le plus de titres. Néanmoins, entre ses terres et celles d’Akane, il y avait de quoi faire… Et puis il y avait l’évocation de la prune. Il en avait beaucoup entendu parler, mais jamais goûté. La Normandie est le pays des pommes, pas des prunes, c’est bien connu ! Aussi n’était-il pas très au fait en ce qui concernait les boissons typiques de chaque région, si ce n’est de nom. Et ce même si ça cave s’était petit à petit rempli de cuvées venues de loin, il n’avait pour le moment pas eu le loisir de pouvoir y goûter : Vouvray, Armagnac…. Pas une fois son palais n’avait pu prendre connaissance de ces breuvages. Seule sa réserve de Calva se remplissait et se vidait au rythme de la consommation ahurissante des Normands pour le nectar à la pomme. Mais bon, il n’était pas vraiment l’heure de parler œnologie et autres boissons alcoolisées. C’est aussi pourquoi il ne préféra pas répondre comme il l’aurait sûrement fait en d’autres circonstances, avec humour et légèreté. Mais rapidement les choses s’étaient remises en place, la situation de la ville revenait au premier plan des sujets à traiter, ce qui fut aussi le cas d’Enguerrand.

En effet, il serait de bon temps de s’entretenir au plus tôt avec le Comte, après tout, il n’y a qu’ainsi que l’on verra ce dont le Limousin a besoin et ce que nous pouvons leur apporter. Maintenant, il faut espérer que Stannis ait fait le nécessaire dès qu’il aura reçu ton message.
Pour le souper, je serais ravi d’en apprendre plus sur le Limousin, car, à vrai dire, ce n’était pas de cette façon que j’envisageai mon voyage d’agrément… Dire que je comptais m’arrêter dans un bon nombre de villes afin de profiter des spécialités locales pour finir à Ségur… Mais vues les circonstances, il semblerait que je dois mettre un trait sur ce programme… Même si je ne pourrais expérimenter par moi-même la façon de vivre en Limousin, au moins j’apprécierai l’écoutait de la bouche d’une personne ayant vécu en ces lieux. Mais la prochaine fois, rappelle-moi de choisir une destination où il ne se passe rien de fâcheux, du genre une ile au large, je pense que cela m’irait pour me reposer !


Sourire de connivence, mais en même temps un peu triste de ne pouvoir vraiment profiter de cette région. Le devoir d’abord, c’était le mot d’ordre de la Licorne, c’était son mot d’ordre, mais cela ne l’empêchait de regretter une période plus calme où il pourrait pour un temps se prélasser au soleil, avec pour seul soucis l’éducation de son enfant à venir.

Une pensée ironique traversa l’esprit du Perplexe : cela faisait des mois qu’il n’avait plus mis les pieds dans la Cour Ducale de Normandie, en fait depuis son propre mandat de Duc. Et le voilà aujourd’hui se préparant à se rendre dans une autre Cour, où il n’avait personnellement aucune attache, bien loin de sa Normandie natale.

Mais avant cela, direction la demeure du Grand Maistre. La traversée de la ville lui donna un avant-goût de ce qui était décrit dans les Saintes Ecritures comme étant l’Apocalypse. Le Perplexe était épouvanté par ce qu’il voyait : mais qu’avaient-fait les Limousins pour mériter pareil châtiment ? Partout où son regard se portait, il ne voyait que les stigmates de la décadence d’une société autrefois prospère. La foule avait disparu pour laisser place à quelques rares passants quémandant de quoi sustenter la faim qui les tenailler depuis sûrement plusieurs jours. Quelques regards furtifs dans leur direction indiquaient la présence de personnes pour le moins mal intentionnées, et ils ne devaient sûrement leur salut qu’au nombre important et dissuasifs d’hommes d’armes qui composaient leur troupe. Barbarie et égoïsme reprenait le dessus lorsque la maigre couche d’humanité et de bon sens s’effritait devant l’imminence du fléau et de la mort. Survivre devient alors le maître mot, peu importe les actes que l’on doit effectuer, peu importe les conséquences, d’autant qu’on ne sera probablement plus là pour les subir. La déchéance de l’homme, l’animal longtemps tapi sous le couvert de la vie en société était finalement ressorti, assouvissant les instincts les plus primaires : survivre et se reproduire… Non, les bas-quartiers de la ville n’étaient pas en ce moment une bonne destination de villégiature…

De plus, d’étranges signes ornaient les portes de certaines demeures, ajoutaient encore plus d’ésotérisme dans cette vision de fin du monde. Il ne savait pas à quoi cela pouvait bien servir, peut être à se protéger du mal, ou alors à indiquer la présence du fléau entre ces murs, ou pire, peut être un endroit à incendier pour le salut du reste de la population. Il n’en savait rien, et son imagination s’emballait, n’ayant aucun repère, que ce soit dans les us et coutumes de la région, ni dans la prise en charge d’une épidémie de peste. Il savait simplement que les frontières se fermaient rapidement dès lors qu’une rumeur de poste était colportée par les voyageurs. Le tableau qu’il avait sous les yeux était cru, sans fioritures ni filtre. La peste dans sa plus splendide parure : peur, destruction, desinhibition. S’il l’avait su plus tôt, s’il s’était imaginé pareille misère, peut être n’aurait-il pas été aussi pressé de rejoindre le Limousin…

Aussi fut-il soulagé lorsqu’Enguerrand les mena vers des quartiers plus aisés et visiblement moins atteints par la folie de la peste. Il s’arrêta derrière le Baron qui inspectait sa demeure. Vue de l’extérieur, elle semblait intacte, une belle bâtisse de pierre, imposant son statut de par son envergure et les matériaux utilisés. On ne pouvait pas dire qu’il avait mauvais goût quant à ses choix en matière d’architecture. Il descendit de selle et prit sa canne qui ne le quittait plus depuis longtemps, avant de laisser sa monture aux hommes d’armes désignés par le chef de la troupe licorneuse.

Il entra dans la demeure à sa suite, pour y découvrir une maison intacte mais vide de présence humaine. Ce qui ne devrait pas être le cas, à entendre les appels d’Enguerrand. Rien que le silence pour toute réponse à ses interrogations, lourd, pesant… Le Grand Maistre les invita à se restaurer, ce que le Normand ne pouvait décliner, et puis d’ailleurs, qui aurait envie de manquer un bon repas ?


Je ne suis pas contre de quoi me sustenter, mais je dois avouer que l’absence des membres de ta maisonnée en ta demeure me trouble quelque peu. Seulement, tant que mon ventre crie famine, je ne pourrais t’être d’un grand secours, ma tête ne voulant pas fonctionner correctement lorsque la faim me tiraille. Mais nous devrions manger le plus rapidement possible, je pense qu’il serait plus sage de se rendre le plus précocement possible à la Cour Comtale. Et qui sait, peut être aurons-nous droit à un festin en même temps qu’une entrevue…

La lumière reparut dans la maison, mettait un peu de vie dans ce qui semblait terriblement vide quelques instants plus tôt. Ah, si les choses étaient toutes aussi simples, d’un simple geste pouvoir apporter réconfort, remède au fléau qui touchait la ville et le Comté…
_________________
Sepa
Sepa attendait les ordres de mission pour surmonter l’arrivée de la peste dans le Limousin. Première fois qu’il devait combattre ce genre d’épidémie. C’était une grande première tout de même, lui qui commençait à se demander quand est ce qu’ils allaient enfin être envoyé une mission, il aurait préféré une chasse aux brigands. Dans les comtés et duchés qu’il avait traversé, il n’avait pas eu ce genre de soucis. Cette mission était rapide à mettre en place et surtout très urgente puis Sepa avait la fâcheuse tendance à se préparer toujours à la dernière minute. Cette mission ne le mettait pas aussi à l’aise que d’habitude car l’adversaire n’était qu’une maladie donc pas quelques choses qu’on pourrait transperçait avec qu’un simple coup d’épée. Il était parti dormir dans sa propriété qui était bien plus confortable que dans la garnison. Il avait même demandé à ses serviteurs que ceux-ci lui prépare un bon bain et un petit déjeuner consistant dès son réveil.

La nuit fut bien longue et dure, ce départ le tracassait un peu, il en avait fait des cauchemars voyant sa famille étaler à terre prêt à mit dans un gigantesque tas de corps entrain de bruler. Les yeux tout pâteux aux réveils, il alla directement manger en attendant que les serviteurs lui préparent son bain bien chaud. Réveil très dur en tout cas, il allait au ralentit, heureusement qu’il partait de nuit pour arriver à Limoges au lieu de partir à l’aube comme habituellement. Une fois prêt en ayant pris soin de préparer correctement son paquetage avant d’aller à la garnison. Il voulait en profiter d’aller voir ses amis pour les prévenir qu’il partait un moment pour raisons militaires mais vu que la peste était là, les gens étaient pour la plupart partis et la personne qu’il voulait voir le plus n’était pas chez elle. Il se croyait maudit, durant sa période de célibataire, aucun mouvement, le calme plat et là, il suffit qu’il retrouve une compagne qu’il adore, faut que la peste fasse son apparition et qu’il s’éloigne de celle-ci. Alena allait lui manquer, il décida de lui laisser une missive ne voulant pas partir sans lui laisser de nouvelles. Il ne restait jamais longtemps dans les rues donc son retour chez lui pour prendre son paquetage et aller directement à la caserne fut des plus rapide, l’hauteur des cadavres brulés et des maisons en ruine le mettait mal à l’aise. Enfin il n’avait pu le choix direction la garnison pour rejoindre ses compagnons, enfin l’allait à la caserne fut rapide vu qu’il y allait avec Chidori.

Enfin arrivée à la garnison, ses compagnons étaient déjà là malgré quelques retardataires comme d’habitude, il attendait les ordres du départ, Sepa n’était pas très bavard vu que la bataille n’avait rien de corporelle. On pourrait dire que c’est la guerre des nerfs pour éviter que la peste se propage de plus en plus. Il était enfin l’heure, tous sur leur cheval et direction Limoges, route qui allait être difficile étant donné qu’il ne verrait personne ou que des cadavres. Plus de temps à perdre, l’ordre de mission avait été lancé pour rejoindre la Capitale du Limousin et de la marche, il rêvassait encore aux jours bien meilleurs. Il espérait de tout cœur que cela redevienne comme avant. Il donna un léger coup de talon sur le flanc de Chidori qui se mit à trotter en tête de fil vers Limoge. Le temps était assez sombre et il faisait vraiment frais, le temps ne se radoucissait guère, se qui ne favorisait pas la tombée de la neige, les routes étaient parfois glissante et les lacs totalement gelé. Durant leur ascension Sepa faisait gaffe que son étalon ne marche pas sur les flaques d’eau gelées, il ne voulait pas que celui-ci se blesse lors d’une chute, il tenait bien trop à lui. Le chemin était dur pour les chevaux et rien de motivant quand on voyait le bord des routes et au loin, tout ce qui se trouvait, c’était des corps inanimés ou alors de la fumée noire qui montait vers le ciel, ce n’était pas un feu de cheminée ou incendie mais bien la destruction de cadavre contaminé. Les claques qu’il s’était mi dans ses appartements n’avaient pas l’air d’avoir servi à grand-chose quand on voyait sa tête durant le voyage. Enfin, il essayait de garder la tête haute, il ne devait pas se démoraliser, c’était les dures lois de la vie malheureusement et fallait vivre avec, il fallait comparer ça à une guerre mais contre un ennemi quasi invisible, ne pas baisser les bras mais c’était bien dur pour ce jeune soldat qui n’avait jamais combattu la maladie.

Voyage bien difficile mais quel soulagement quand il vit les remparts de Limoge, il eut un léger sourire, la route avait été bien difficile et les forces lui revenaient tout de même un peu. Sepa avait pas mal souffert mentalement mais il espérait revoir des personnes actifs dans la garnison, les soldats avaient été calme pour la plupart, ils y allaient sans savoir ce qui les attendaient. Entrée dans l’enceinte de la ville, ils prirent directement la direction de la caserne, pas le temps de passer par la case taverne pour se désaltérer, enfin il se dit qu’il était bête d’y avoir pensé, les tavernes devaient être vide et fermées vu la maladie qui courrait les rues. Rapide ascension pour arriver dans le régiment de la ville, ils entrèrent, allèrent mettre leur monture dans les écuries puis passèrent au bureau des ordres pour savoir si quelque chose les attendait. Parfait, il n’avait rien pour la journée, il décida d’aller rejoindre sa chambre pour se reposer du long voyage qu’il avait fait. Il ne se préoccupa pas de ses compagnons d’armes pour la journée, il savait qu’ils viendraient le réveiller si on faisait appel à eux. Journée bien calme pour remonter le moral à bloc et se faire une raison de ce désastre, il n’était pas fier de lui mais cette journée, il l’avait passé à trainer dans les couloirs et s’occuper de son étalon pour penser à autre chose. Le lendemain était un tout autre jour, il appliquait ses taches demandées avec conviction et motivation, il devait montrer aux autres qu’il pouvait compter sur lui à n’importe quel moment.

Quelques jours passèrent et un matin, un soldat vint le trouver pour lui donner une missive, il espérait que c’était Alena, ça le rassurerait et lui redonnerait encore plus de force. Même si ça faisait que très peu de temps qu’ils étaient ensemble, elle était déjà sa force pour lui redonner du tonus. Le jeune Licorneux se décida enfin à ouvrir la missive, il regarda directement la signature avant de s’intéresser au contenu, quelle surprise, c’était une lettre de sa sœur de cœur Nennya, elle était à Limoges pour prêter main forte à la ville. Etant donné que les ordres étaient toujours les mêmes, il était parti la rejoindre comme il l’avait promis à Alcann, lorsque Nennya serait dans les parages, il la protégerait. Il avait prévenu son supérieur et lui signalé ses moindres mouvements pour qu’on puisse le retrouver en cas d’urgence. Ses journées au près de sa sœur était assez périlleuse par moment, tous les malades ne se laissent pas faire et des fois, il fallait user de la force pour que celui-ci ce calme. Ce n’était pas facile d’entendre qu’on allait mourir à cause de la maladie mais bon, pour lui, ce n’était pas une raison de s’en prendre aux autres. Il était heureux de revoir sa sœur et il en profitait pour demander des nouvelles sur elle et son époux, cela faisait un moment qu’il ne les avait pas vu, il avait guère le temps de monter les saluer, trop occupé dans le coin. Il avait appris aussi le venu de certains membres de la Licorne, des Chevaliers, pas n’importe qui alors, il n’en avait jamais trop croisé, du moins leur adresser la parole. Il savait qu’il y aurait au moins Enguerrand mais il était curieux de savoir qui était les autres, certainement Stannis qui était déjà sur place mais il restait toujours des Chevaliers à voir. Après avoir entendu la nouvelle, le soir même, on le contactait comme quoi il pouvait les aider mais bon, on avait besoin de lui à la garnison ainsi qu’auprès de Nennya. Au bout de quelques jours, il décida d’aller voir les Licorneux, c’était un de ses devoirs de les rejoindre en cas de mission. C’était un moyen aussi de montrer sa motivation pour évoluer au sein de la Famille de la Licorne. Il était fier d’y être rentré, maintenant il fallait faire preuve de patience pour gravir les échelons petit à petit et ce n’est pas en les évitant qu’on apprendrait à le connaître et voir s’il avait les capacités à monter en grade.

Matin où il se décidait quoi faire de la journée, il reçu une missive de la Licorne comme quoi on l’attendait dans la demeure du Grand Maistre Enguerrand, cela tomba bien vu qu’il s’était dit qu’il fallait qu’il aille les voir. Il partit dans les écuries, prépara Chidori puis monta dessus pour prendre la direction de la propriété où on l’attendait. Bien qu’il vive dans le Limousin depuis quelques temps, il ne connaissait pas son comté par cœur, il décida alors de demander conseil à un soldat de Limoges pour rejoindre au plus vite les membres de l’Ordre. Une fois le chemin reconnut, il prit la direction du lieu dit avec dans sa poche la lettre de convocation du Grand Maistre. La route fut courte et beaucoup plus simple en ayant eu des explications. Arrivée devant la propriété, il reconnut au loin les membres de la Licorne, les Chevaliers étaient venus accompagnés d’homme d’arme aussi. Il ne se serait pas le seul comme ça. Il passa par les écuries pour y mettre son étalon, il l’installa lui-même dans le box, il aimait bien s’en occuper car il connaissait les moindres mouvements de l’animal. Cela alla assez vite pour le mettre dedans, il se rhabilla correctement et alla à la demeure se présenter aux autres Licorneux déjà présents. Durant son petit parcours pour rejoindre la porte d’entrée, il se demanda s’il devait rentrer comme ça ou alors toquer à la porte, la demeure semblait plus ou moins inhabité et peuplé que de Licorneux sans aucuns serviteurs. Enfin il préféra prendre la décision la plus sage à son gout, frappé à la porte en attendant qu’on vienne lui ouvrir. Il s’exécuta en toquant trois fois à la porte ensuite il resta derrière attendant sagement que quelqu’un vienne lui répondre.

_________________
Cerridween
Mutique...

La Pivoine noire emmitouflée...
Montée sur le grand Shire de son frère, elle n'a rien dit. Ou peu. Simples réponses courtes à quelques questions, salutations de matin, souhaits d'une douce nuit le soir... elle n'a rien dit de plus ou de moins. Elle bouge lentement au rythme du pas lourd de sa monture noire, en accord parfait avec sa mise. Un grand mantel licorne en grosse laine doublé la coupe du reste du monde. Capuche rabattue sur la tête, elle reste dans sa bulle de chaleur, créée par une grande houppelande noire, un doublet en laine et des chausses du même tissu. Ses défenses sont à ses côtés comme toujours. Miséricorde pend à sa droite pendant que sa dague se profile à senestre. Dans son dos immuable son poignard de lancer, qui dort. Deux nouveautés, l'une visible, l'autre cachée. Deux bracelets de cuir enserre ses avants bras, pendant qu'une brigantine se cache sous le lourd tissu qui la recouvre.
La rousse reste là, à l'intérieur d'elle-même, dans la torpeur tiède de cette protection, mince, forme noire sur son destrier sombre qui avance dans cette contrée, jamais encore vue par elle. Bercée par le pas chaloupé d'Hadès, elle semble loin... perdue dans la contemplation du paysage.

Elle aurait pu être belle, cette terre. Elle aurait pu s'ouvrir sous leur yeux, cette vaste contrée vallonnée, emprisonnée par le froid et l'hiver dans un sommeil doucereux de neige et de givre. Monts, ruisseaux, nature qui n'attend que quelques mois encore pour s'étirer, étendre d'un vert manteau la vie sur ses domaines. Aucun son, aucune vie, juste la torpeur de l'hiver qui semblait avoir fait fuir toute âme qui vive... aucune rencontre sur les routes gelées, balayées parfois d'un vent glacial... ni bonnes ni mauvaises rencontres... juste un chemin, sinueux entre les vallées et les monts qui semblait leur être à eux seuls destinés.
Cette belle endormie n'était pas une princesse de conte de fée. Non. Sous leurs yeux, les trois chevaliers avaient une belle à l'agonie sous ses aspects de dame. Ils l'effeuillaient au fur et à mesure qu'ils avançaient découvrant avec horreur les cicatrices qui jalonnaient son corps blessé. Ci des charniers encore fumants. Là des villages délaissés. Des corps parfois, fauchés par les pillards et les bandes armées qui sévissaient dans les environs, profitant du désastre de la situation pour plonger encore plus les habitants dans le chaos et l'anarchie des temps où la misère et le malheur sont des lots de chaque seconde. Soumis au hasard ou au destin, qui frappaient par la maladie ou des armes impies et diaboliques, à la faim puisqu'il était exclu dans certains coins, de pouvoir sortir ou de pouvoir approvisionner puisqu'en quarantaine. Et la faucheuse semblait planer, partout. Au détour d'un bois, dans les feux des cheminées de Guéret, dans l'air... une atmosphère pesante.
Eux n'avaient pour l'instant souffert de rien, la petite colonne portant licorne sur le dos. Un voyage bien trop calme, qui n'avait pas encore vu arriver les heurts, les coups ou les douleurs. Aucun malfaisant. Peut-être parce que la Licorne trainait avec elle, de part cet animal mythique, accroché sur les étendards, les mantels et au coup des trois chevaliers, dont un l'avait brillante en or sur la poitrine, cette réputation de combattants hors pair, ayant dévoués leur vie aux armes, leur corps à la guerre et leur serment au Roy.

Les nuits étaient aussi tranquilles que les jours bien que spartiates. Un feu allumé, une ou deux tentes, maigres remparts de tissus dans la froidure de l'hiver. Des tours de gardes et peu de repos. La rousse prenait son quart en pleine nuit. Seule, un peu à l'écart, toujours. La tête sous la lourde capuche cachant ses boucles feu. Les sinoples posées sur le firmament piquetés d'étoiles, elle contemple silencieusement une immensité lointaine.
Elle lui ressemble tellement à cette terre qui s'étend jour après jour sous ses pieds. Elle aussi est une belle blessée. Blessée par une vie jalonnée de morts, de déceptions, d'abandon. Trop de morts, bien trop pour un coeur qui ressemble à une ville à l'agonie. Un frère dont la disparition ne veut pas cicatriser. Gangrène douloureuse rallumée à chaque être cher qui part. Varenne rendu dans un cercueil, peu de temps auparavant qui hante encore ses nuits. Une brune, une duchesse, une amie, qui s'est éteinte, la laissant seule, dernière De Vergy de sa génération. Des amis perdus, dans les limbes des souvenirs ou les turpitudes de leur propre vie. Garzim et Isambre, Florie et Toucoul... elle sait les deux premiers vivants et en Guyenne. En espérant qu'ils le resteront, aux vues des rumeurs qui parviennent de l'Atlantique sur des armées entrant dans son ancienne contrée. Les deux autres, elle ne sait pas s'ils sont encore de ce monde... sont-ils ces deux étoiles un peu plus brillantes qui scintillent lentement sous ses yeux verts et résignés... Estelle... Estelle... qui est partie de Ryes avec son frère défunt et dont le dernier éclat dans les yeux lui a glacé le sang.
Elle est froide la rousse, jusqu'au fond de l'âme. Sous un épais manteau de deuil et de malheur, comme la terre.

Aura-t-elle elle aussi droit à un printemps, alors que l'été de sa vie va finir un jour, bientôt... Ce n'est pas la crainte de tomber, de fermer définitivement les yeux qui la tient. Elle n'a pas peur de la mort, la guerrière silencieuse. Elle connait trop bien son visage, pour l'avoir déjà croisé trois fois. Les rencontres avec la faucheuse sont marqués sur son corps, en traces blanches ou rosées. Elle sait son souffle, son appel... comme une voix familière. Elle est toujours debout. Malgré tout. A cause d'un serment fait dans un hiver, ce dernier souffle brumeux qui s'est échappé des lèvres de son frère d'être en vie. Et de le rester. Elle n'a pas peur de la mort. Non. C'est une contrée connue.
Alors qu'elle est la crainte qui la tient ce soir froid de février sous la voute étoilée ? La crainte de ce chemin qui s'ouvre sous ses pas, de ces lendemains qui semblent ne pas vouloir chanter comme les dernières années parcourues... ce chemin nouveau et inconnu... celui de sa vie à elle, cette vie sans eux, sans ces lumières éteintes l'une après l'autre, les phares de sa vie... sans leur appui, cette route future ne sera tracé que par ses propres pieds au fur et à mesure qu'elle avancera, que par ses propres décisions. Il lui reste peu et beaucoup à la fois. Elle n'a plus de toit, plus de chez elle, plus de foyer. Elle erre depuis des mois sans que rien ne lui appartienne hormis cette chambre millénaire cachée dans le coeur de la forteresse de Ryes. Il y a sa charge de maitre d'arme portée à bout de bras, à bout de force, la salle d'arme, son nouveau repère, sa nouvelle tanière. Elle a sa fille quelque part, protégée par une panthère des maux de sa propre vie, des guerres, des dangers. Un soupir passe les lèvres vissées et gercées par le froid. Le manque... ce trou béant, qu'elle connait aussi bien que la mort elle même.

Et il y a lui... sa tête tourne un instant vers les deux corps des chevaliers endormis près du feu. Lui. Qu'elle a entrepris de sauver, au péril même de sa propre vie dans les tréfonds d'une cellule dont la pénombre inquiétante ressemblait à un écho d'une partie de son âme. Celui dont la chaleur des ambres qui la regarde parviennent encore à maintenir la maigre flamme qui brûle à l'intérieur de sa poitrine. Là encore pas de conte de fée, pas d'amour flamboyant en apparence. Ils se sont abimés dans la noirceur des geôles et si lui est sorti un peu plus libéré, elle n'a pas vu ses peines abrégées.
Pourtant, pourtant, malgré tout, elle ne peut plus vivre sans sa présence rassurante. Son arrivée à Loches a été comme une libération. Ses propres gestes sont encore emprunts de méfiance, de retenue. On ne veut pas retourner dans le brasier de la passion quand on s'y est brûlé au quatrième degré... son coeur est juste un agglomérat suturé à la va vite. Il n'est pas en état de supporter après tous les coups reçus, une autre attaque. Il le sait.... et il l'apprivoise lentement. Ce chevalier droit et intègre, ce grand maitre qu'elle a connu Errant comme elle, qui lui rappelle parfois certaines postures et certains sourires d'un lieutenant commandeur...
Des gestes simples. Qui serait pure galanterie aux yeux de qui les regarderaient. Son mantel posé sur ses épaules avant de prendre la route. Une aide pour monter sur le grand cheval, ce héritage vivant de son frère qui la suit à chaque pas. Un regard rassurant, au détour d'un virage. Une main qui remet la couverture qui couvre son corps laissé à un repos épart. Un baiser, caché par la nuit, sur sa joue au milieu de ses rêves agités, suivi d'une caresse fugace sur sa peau d'albâtre, du bout des doigts . Un bout de pain et de fromage apportés près d'elle, qui s'est écarté du groupe bruyant des hommes d'armes. Un bras qui se tend parfois pour l'aider à gravir une hauteur...
Si peu, n'est ce pas. Et pourtant tellement... des attentions simples, de celles qu'elle a besoin pour exister, pour avancer.

Pourquoi est-elle ici ? Parce que comme à son habitude, lorsqu'elle est perdue dans ses propres douleurs, elle part s'occuper de la douleur des autres. Oublier dans l'abnégation d'une tâche ses propres maux, sa propre douleur. Elle a déjà préparé l'expédition en trouvant à Loches le nécessaire pour essayer d'éviter la contagion dans la colonne. Vinaigre amélioré de plantes qu'ils portent près de leur bouche sur des tissus de lin lorsqu'ils s'approchent de trop des villes frappées de la peste. Nécessaire de chirurgie dans ses fontes. Réserve de remèdes. Notes sur des parchemins. Et ses serments de servir et de porter assistance à toute personne dans le besoin... un serment encore. Et la rousse malgré elle, n'en a jamais trahi aucun. Viscéralement elle ne peut pas le faire... sinon cela ferait longtemps que son corps aurait été se reposer dans les flots de l'océan qui frappe les falaises non loin de Ryes...

La route continue... à côté d'elle Nith, le Perplexe, qui se charge pour une fois de la conversation. Elle l'en remercie intérieurement la rousse, car sinon leur colonne ressemblerait à un cortège funèbre. Elle le connait peu ou prou. Elle n'a jamais été à ses côtés dans les conflits du Royaume, toujours en renfort dans une armée autre. Mais elle l'apprécie. Pour sa tranquillité, pour sa bonne humeur qui semble ne pas être trop altérée, malgré son propre mal qui secoue son corps encore parfois de quinte de toux violentes. Elle s'inquiète aussi pour lui. C'est elle qui a conseillé à Enguerrand qu'il reste le plus confiné possible, car déjà bien trop affaibli pour se frotter à une épidémie aussi destructrice qu'est celle de la peste. Mais elle ne peut aller contre sa volonté, sa volonté d'être là et de respecter le même serment qu'elle a prononcé. Elle ne le comprend que trop bien... mais cela n'empêchera pas la rousse de veiller à ce qu'il ne prenne pas des risques inconsidéré si tenté que venir dans une contrée frappée par un fléau n'est déjà pas un risque énorme.
Limoges s'était imposée à leur vue au détour d'une colline. Vaste cité protégée par des murailles. Ville pétrifiée. Le spectacle y est désolant. Ils avaient pourtant eu le temps du voyage pour s'acclimater à ce qui s'offrait au fur et à mesure que les lieues étaient avalées par leurs chevaux, mais le sentiment d'horreur, de surprise et d'impuissance se lit sur tous les visages. Spectacle désolant de douleur, de malheur, d'injustice. Des corps qui jalonnent les rues, comme des détritus. Des volets et des portes closes. Un silence de mort. La rousse n'est pas sortie de son silence et de son cocon protecteur. Sa main dextre mène Hadès à travers les rues étroites à la suite de Nith et Enguerrand, pendant que la senestre maintient sur sa bouche le tissu de lin imprégné de vinaigre dont l'odeur acre, écœurante au premier lieu, et devenue familière, même si elle pique la gorge et le nez à chaque fois qu'elle la respire. Ils ne peuvent rien faire dans l'immédiat. Pas après la fatigue du voyage. Pas sans concertation avec les autorités en place, ni sans stratégie. Le travail viendrait après une nuit de sommeil, une pitance méritée et une réunion de travail.

Enguerrand arrête sa monture devant un hôtel particulier. Ainsi c'est ici. Ici sa demeure. Les sinoples de la rousse contemple la façade simple, les petites fenêtres à meneaux dont on voit les volets clos à travers les vitres. Chacun descend avec une petite satisfaction de sa monture, détendant ses muscles fourbus par le voyage et le Grand maitre entre laissant la porte ouverte pour que chacun entre. Le silence de la rue semble avoir gagné la maisonnée. Pas un bruit de cuisine, pas d'affairement, pas de pas qui foule le sol dallé pour voir qui entre... juste le silence et la pénombre d'une maison apparemment endormie. Morte ? Frappée par le mal ? Le sourcil de la rousse se lève, empruntant la perplexité à Nith qui se tient près d'elle.Le maitre des lieux allume des chandeliers. La lumière des bougies rende aux arrivants un sentiment de sécurité relatif. Elle observe. Si la maison est dépeuplée, l'ordre y règne encore. Pas de poussière, le mobilier est en état. Pas d'odeur suspecte... un bon point. Les serviteurs seraient-ils parti se réfugier dans quelques coins reculés hors de la ville laissant l'hôtel fermé ? Peut-être.
La Pivoine noire sort de ses pensées lorsque le grand maitre propose une collation. Nith semble assez réjoui de la perspective et propose une visite au comte le plus vite possible. Grimace de la rousse. Elle a déjà noté sa fatigue et sa respiration parfois anarchique ou trop appuyée. Ses lèvres se desserrent enfin...


Oui pour une collation je crois que nous en avons tous besoin.... comme de repos, frère. Tu as déjà la fatigue du voyage sur toi, je pense qu'en premier lieu avant d'aller arpenter de nouveau les rues infestées par la peste, il te faudrait un peu de sommeil... quelques heures de repos seraient bien plus profitables dans ton état, et n'auront aucune incidence sur l'épidémie. Par contre, la précipitation pourrait être fatale...
_________________
Nith
Non ! Alors qu’il avait encore bon espoir de pouvoir profiter de la table du Comte, voilà que la Rouquine sortait de son mutisme quasiment complet depuis qu’ils avaient entrepris leur voyage. Bon, le Perplexe se doutait bien des raisons de son silence, même s’il aurait apprécié qu’elle participe aussi aux conversations. Au moins, cela lui aurait permis de la connaître un peu mieux, enfin autrement qu’autour d’une table à discuter des sujets à l’Ordre du jour pour le Haut Conseil de la Licorne… Bon, il avait cependant profité de l’occasion pour connaitre un peu mieux leur Grand Maistre. Bizarre quand même, une conversation à trois dont une muette…

De ce qu’il en connaissait, il pouvait comprendre un minimum les sentiments de la Rousse. La mort de son Frère il y a de cela un an, cet homme de la Licorne, qui fut le parrain du Normand. Malheureusement, il n’avait pas eu l’occasion de pouvoir nouer une relation digne de ce nom avec lui, chacun étant pris dans ses propres obligations. Et puis plus récemment, la résurgence d’un nouveau décès. Il avait pu voir qu’elle était affectée par ce départ, accueillant pratiquement seule la famille du défunt, s’occupant de l’oraison funèbre… Et finalement ce voyage qui tourne à la promenade des pendus… ou plutôt des pestiférés… Enfin, le résultat final était toujours le même…

Revenons à la présente conversation. D’un côté, elle avait raison : ils venaient tous de parcourir de longues distances à un train d’enfer, et c’est pratiquement en enfer qu’ils se retrouvaient maintenant. La fatigue accumulée lors de ses jours de chevauchée, le manque de repos lié à ces nuits inquiètes et peu confortables, campement en plein air au lieu de tavernes chaleureuses… Sans compter l’inquiétude qui les minait au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient du lieu du drame. Repas et repos, voilà le duo de choc que la Vergy proposait. Mais, car il y avait un mais : pour l’instant, pas de mets préparés, pas de plats sur la table, pas de rôti sur la broche. Loin le délicat fumet de la viande cuisant tranquillement sur le feu. Oui, c’était l’estomac sur pattes qui parlait… Surtout que visiblement, il n’y avait pas de serviteurs dans la maisonnée, donc pas de repas prêt rapidement. Ce n’est pas qu’il dévalorisait les qualités de cuisiniers de ses compagnons, mais à dire vrai, il les connaissait plus dans une salle d’armes ou sur un champ de bataille qu’aux fourneaux… Alors qu’au Château Comtal, il y aurait assurément un banquet préparé et prêt à être englouti. Il avait hâte de pouvoir mettre les pieds sous la table, se remplir la panse jusqu’à en éclater, puis dormir tout son saoul dans un bon matelas en plume. Enfin, on pouvait toujours rêver.

Non, ce qui le chagrinait le plus était le fait que l’on venait, encore, de lui rappelait sa maigre condition, comme s’il était le cinquième roue du carrosse, l’élément perturbateur qui les empêchait de pouvoir poursuivre rapidement et sans délai la suite de leur périple. Et comment réagir lorsque l’on se prenait la vérité en pleine face ? En se braquant, faisant preuve d’une mauvaise foi, mais ce n’était pas du tout son genre. En acceptant calmement, presque stoïquement, sans répondre, comme un enfant se faisant réprimander. Là non plus ce n’était pas son genre, il n’était pas connu pour garder sa langue dans la poche, d’autant plus qu’ayant été un personnage public de Normandie, il lui fallait bien s’habituer à ouvrir sa bouche et à se retrouver sur le devant de la scène. Alors il ne lui restait plus qu’une seule solution…

Si cela avait été Zalina, il n’aurait eu aucun mal à lui répondre. On tire la langue et on passe par-dessus… Après tout, il se connaissait assez bien tous les deux pour ne pas avoir à tout exprimer par les mots pour se comprendre. Il lui aurait ainsi fait comprendre que cela allait, qu’il connaissait ses limites et qu’il était apte à poursuivre, ne voulant pas être un boulet que l’on traine derrière soi. Mais là, ce n’était pas à la petite peste qu’il avait affaire, mais avec la Rousse. Comme il ne la connaissait pas aussi bien que la Capitaine, il ne pouvait pas jouer avec elle comme avec la Poitevine. Et l’effronterie ne marcherait sûrement pas, étant donné qu’elle avait en charge l’éducation des jeunes escuyers, il lui fallait une poigne de fer ainsi qu’un caractère d’acier. Quoique cela ne le gênerait pas trop de tester les murailles de la Maistresse d’armes… Après tout, que pouvait-il lui arriver de pire maintenant ? Mais non, ce n’est pas vraiment le moment, d’une part la situation ne se prêtait pas vraiment à ce genre de jeu, d’autre il avait la faim qui le tenaillant, et enfin il n’était peut être pas encore assez en forme pour pouvoir tenir longtemps à ce jeu de qui est le plus têtu… Même s’il avait sa réputation de Normand à tenir, qui ne sont pas têtus, je vous le rappelle, mais déterminés une fois qu’ils ont arrêté leur choix, bien sûr…

Bien, il avait établi son plan d’action, il était temps d’entrer en scène. Tout d’abord, une façade de circonstance : la mine renfrognée, comme s’il n’accepta pas que l’on puisse ainsi mettre ses capacités en doute. Ce qui était vrai dans l’absolu… On prend une grande respiration, on se prépare pour un grand laïus avec une argumentation à en faire pâlir le Héraut de l’Ordre toujours aussi pointilleux sur les textes et les lois. Et non, même si on sent qu’il y a quelque chose qui gêne au fond de la gorge, on se retient, non, pas maintenant, ce n’était vraiment pas le moment…


Euheuuuuuuuuuuuu…. (Bruits de toux, pour ceux qui n’avaient pas compris…)

Arf, et zut, avec cette maudite quinte, ton son plan tombait à l’eau. Une bonne part de ses arguments venait d’être réduite à néant, mais ce n’est pas pour autant qu’il devait aussi perdre tout espoir d’une bonne assiette… Tant pis, on va devoir réduire la longueur du discours pour aller à l’essentiel… On tente de reprendre une certaine contenance et une certaine crédibilité, même s’il savait depuis longtemps que ce n’était pas avec son allure qu’il allait être convaincant dans le rôle de la grosse brute. Il était plus à ranger dans le coin des taciturnes rêveurs, ou alors des comiques en devenir… Son regard se fit noir, comme pour la réprimander d’avoir remis le sujet de sa santé sur le tapis.


Sœur, je comprends ton inquiétude, mais je suis encore apte à parcourir les quelques lieues à peine qui nous séparent du castel comtal. Alors, même si je reconnais volontiers que ce voyage m’a épuisé, je ne suis pas encore à l’agonie au point de ne pouvoir monter en selle. Et puis, une heure ou deux de plus dans les rues infestées, je ne sais pas si cela fera une grande différence après notre longue traversée en terrain contaminé…
Je ne suis point contre de quoi me sustenter pour le moment, mais à mon avis, nous devrions prendre rapidement connaissance de la situation, après tout, c’est pour cela que nous sommes là.


Bon, c’est pas mal, il avait réussi à déblatérer ton son discours sans interruption par la toux. Enfin, maintenant il restait à voir si ses arguments allaient faire changer d’avis la Rouquine…

Des coups frappés à la porte. Tiens, bizarre. Ce ne devait pas être les hommes d’armes qui les avaient accompagnés jusque là, il ne se serait pas donné la peine de frapper, ayant été invité dans la demeure du Grand Maistre. Qui cela pouvait-il bien être, qui était au courant de leur arrivée pour pouvoir frapper justement au moment où ils arrêtaient enfin leur course ? Il faillit crier un « qui est-ce ? » retentissant, avant de se rappeler qu’il ne s’agissait pas de sa demeure…


Nous devrions peut être voir qui peut bien frapper à la porte alors que nous venons juste d’arriver. Peut être un messager venant nous inviter à nous rendre sans délai à château… dit-il avec un sourire ironique… Après tout, on peut toujours espérer… Et puis dans son état, il fallait bien profiter de ces rares moments, alors autant rire de tout !
_________________
Cerridween
Ce sont les chevaliers Licorne
De la Bretagne en Anjou!
Bretteurs et têtus sans vergogne,
Ce sont les chevaliers Licorne !
Parlant blason, lambel, bastogne,
Tous plus nobles que des filous,
Ce sont les chevaliers Licorne
Encore et toujours debout

Oeil d'aigle, jambe de cigogne,
Moustache de chat, dents de loups,
Fendant la canaille qui grogne,
Courage en étendard, en proue,
Au moindre soin se renfrognent,
Se fichant des plaies et des trous,
Irritables, butés, sale trogne,
Refusant de se mettre à genoux!


Ah ces fichus encornés... tous plus têtus qu'un troupeau de mule, et encore que ce ne soit pas courtois de faire une telle comparaison pour les ongulés.
Il n'est pas le premier à refuser de se soigner... elle le sait la rousse depuis le temps qu'elle fréquente les salles de l'infirmerie de Ryes. Salles délaissées depuis un temps pour celles, différentes, de la salle d'arme et de la salle de réunion du Haut Conseil. Pourtant elle garde un oeil là bas comme sur ses frères et un regard de lynx qui sait toujours observer, à défaut de parler. Elle a déjà vu cette situation quand elle était encore écuyère. Il est maintenant Capitaine celui qui l'avait affronté avec des côtes en compote, bariolées d'un mélange bleu,vert, violet. Il était Errant, elle était moins gradé. Elle l'avait tout de même soigné avec l'aide de Zalina, avec force menaces dissimulées et grâce à quelques arguments de poids. Le duel entre les deux caractères têtus avait vu la victoire de la Pivoine. Par sa détermination et sa ruse, elle avait réussi à lui oindre un onguent et lui faire avaler des remèdes.

Un fin sourire moqueur se profile en coin, défaisant légèrement la ligne droite que ses lèvres avaient gardée tout le long du voyage, pendant que la réponse se déroule accompagnée d'un regard noir. Elle a noté la quinte de toux. Les sinoples ne se baissent pas... l'intimidation ainsi c'est sa défense. Il ne la connait pas assez. Il a connaissance surement le Perplexe de ce qu'elle a enduré, mais pas du fait que son regard noir du moment est une pâle copie de celui qu'elle a affronté dans les noirceurs de Ryes. Ce regard noir là, n'est qu'une épine, qui pique son talon... elle n'a rien à voir avec l'armée déployée par le regard qu'elle a du soutenir quelques mois auparavant. Petite, la rouquine. Si fragile en apparence, avec sa peau diaphane, ses yeux en amande vert eau. Une stature svelte, faite des privations, des nuits sans sommeil, des exercices quotidien, des chevauchées longues. Roc qui tient malgré l'érosion des éléments contraires. Roseau chahuté par les vents. Svelte mais solide. Si elle est encore debout, rien n'est moins sûr.

Elle regarde un instant le diplomate. Diplomatie...  Tact, habileté dans les relations avec autrui, dans la négociation d'une affaire... elle n'allait donc pas la jouer aussi franche qu'avec Caturix. Car la rousse n'est pas qu'une bretteuse aux armes, c'est là son moindre défaut. Il est un temps où les joutes verbales étaient sa passion, dans la rouge Carcassonne, au détour d'une taverne et d'un verre de vin, auprès d'amis chers... Piquerouge en particulier, adversaire doué, l'avait initiée jusqu'à ce qu'elle égale le maitre. C'est de ce temps et de cet homme qu'elle tenait son emblème et la devise, qui l'a accompagnée tant d'années... Pivoine, le rouge vous va si bien. Elle avait délaissé l'exercice avec son départ en Guyenne et la vie s'était chargée de lui clore peu à peu la bouche, au fur et à mesure des aléas et des deuils qui s'étaient abattus. La Rouge avait laissé place à la Pivoine noire... elle s'était tapi dans un coin... elle resurgit parfois, piquée par les attraits fugaces de cet ancien brasier et jeu qui fait ressurgir et jouer les ombres de ce passé riant avant ses lendemains qui avaient déchanté.

C'est là l'instant... où le petit éclair fugace, allumé par le briquet du défi, passe dans les yeux sinoples, avatar de ce qu'elle fut, de ce qu'il reste d'elle derrière sa carapace noire. Elle sait très bien qu'il a sa fierté. Comme tous. Comme tous les licornes. Elle sait les efforts qu'il a fait pour ne pas être à la traine, pour ne pas les importuner. Alors qu'ils ne demandaient qu'à l'aider et le laisser se reposer. La fierté. Pêché d'orgueil. Elle le connait aussi. Celui d'être debout par ses propres moyens, elle qui refuse également d'appeler à l'aide. Mais s'il connaissait lui, son frère d'arme l'étendu de son mal et du gouffre qu'elle traverse sur une corde raide, la laisserait-t-il sans conseil et sans appui ? Il y a dans la salle du Chapitre encore en écho les paroles réconfortante à Ethan... il lui avait raconté. Alors elle ferait de même, surtout qu'il risque gros le Diplomate, plus qu'un égarement de l'esprit, ou alors ce dernier égarement avant que ses yeux ne se ferment définitivement. La voix s'élève sans animosité aucune mais ni avec amitié pourtant. Neutralité politique.

Cher Perplexe... à votre guise. Mais laissez moi tout de même vous informer... Les terres traversées n'étaient pas aussi peuplées que l'est Limoges où le mal se propage de corps en corps plus facilement. Et ces une ou deux heures que vous mentionnez pourraient être la goutte d'eau faisant déborder le vase.

Elle se rapproche un instant pour le regarder de plus près sans ciller, pour ensuite porter sa tête près de son oreille. Ne pas négliger l'effet scénique. Sa voix se fait confidence.

Imaginez mon cher, imaginez... vous ne vous en rendriez pas compte au début... des frissons, un peu de fièvre, vous penseriez à un simple rhume ou mal du froid... puis votre corps commencerait à vous doler de plus en plus, votre tête semblerait être une poudrière... la fièvre commencerait à avoir raison de vous... et alors, alors... vous allez vous sentir d'une langueur extrême tant que vos pieds auront du mal à vous porter... ce n'est que le début d'un long calvaire...des bubons vont apparaître petit à petit sur votre corps... la douleur ensuite insoutenable... les délires ensuite, des saignements, nausées... avant que vous mourriez trempé de sueur et ressemblant à un fantôme...

Elle se recule un instant et reprend sa voix habituelle, neutre et sans émotion.

Mais vous êtes libre de vos gestes cela va de soi et d'aller au château comtal d'un trait. Ou bien Enguerrand peut partir seul et escorté voir le comte, vous resteriez ici et en ma compagnie si vous ne vouliez pas être seul, à faire pitance et repos à loisir le temps que nous sachions comment nous pouvons œuvrer. Notre héraut pourrait venir aussi dans ce havre de paix si le coeur lui en dit, en revenant avec le Grand Maitre, cela limiterait ainsi les allers et venues.... et je vais voir qui vient toquer à l'huis...


Le regard vert se déporte vers Enguerrand en guise de demande. Il est maitre des lieux à lui de disposer... celui-ci hoche de la tête, la gratifiant d'un petit sourire. Sourire en écho alors que les sinoples s'attardent un peu, regrettant toujours de ne pas être un peu plus seule, un peu moins renfermée, un peu plus près de lui. Signe de tête en guise de salut avant de se déporter dans l'entrée. La rousse détache prudemment le judas pour apercevoir le visage du visiteur. La petite trappe s'ouvre dans un grincement de charnière sur le visage de... Sepa. Homme d'arme de la Licorne. La rousse referme le judas qui n'en finit pas d'hurler la douleur de ses gonds et ouvre l'huis.

La bienvenue, Sepa... qu'est ce qui t'amène ici ? Mais entre, ne reste pas sur le pas de la porte... tu n'as pas l'air dans ton assiette...
_________________
Sepa
Sepa était à la porte, ayant toqué et ne voulant pas rester comme un piquet et prendre racine devant cette grande porte. Il recula un peu puis regarda autour de lui pour examiner la propriété. Il allait bientôt être seigneur et avait une femme qui comptait énormément à ses yeux, la famille et cette femme lui donnait de plus en plus de courage. Ces jours ci avaient été des plus difficile, pas de repos ou très peu, et il ne devait pas faiblir, pas dans un moment pareil. Il devait se montrer fort et courageux pour que les autres aussi gardent espoir. Cette épidémie était vraiment tombée au plus mal, enfin le jeune soldat qui demandait de l’action et bin cette fois, il était servi mais bon, il aurait préféré que ça tombe plus tard. Qu’il puisse s’occuper de sa compagne et des affaires familiales. Ah la famille, dans sa jeunesse, il n’avait pas pu en profiter car l’église les avait tous séparé. Il la retrouve et là une vipère se met en travers de tout, l’exile en Armagnac où il prit vraiment confiance en lui, on lui donna de grande responsabilité, assez tendu pour une première mais toujours encouragé par son entourage. Il avait été félicité pour son travail malgré son peu d’expérience.

Enfin il se rappela de ses années en Lorraine, pfiou, grand tournant de sa vie. Il était parti habiter à Vaudémont quelque temps puis après il était parti à Epinal. Il eut un léger sourire, quelle année, il s’était fait de vrais amis, débuté à l’armée puis bon, sans le savoir, il avait son frère comme Capitaine. Enfin quelques mois plus tard, il l’avait appris, gros chamboulement dans la petite vie de cet enfant éduqué par des paysans. Malheureusement, il n’avait pu de nouvelles de sa famille adoptive, il ne savait pas ce qui leur été arrivé, c’était bien dommage même si la vie avait été difficile à cause de leur soucis financiers, le jeune Licorneux avait appris qu’avec peu, on pouvait quand même vivre, son statut de noble de noms et bientôt titré lui faisait ni chaud, ni froid. Enfin ce nouveau poste qui l’attendait faisait plaisir à son frère ainé et chef de famille. Il serait peut être fier de lui pour une fois vu qu’en Lorraine, Sepa tirait au flanc à l’armée, n’étant été que Caporal car il faisait le stricte minimum au sein de la caserne. Cet exil en Armagnac l’avait vraiment fait murir, prenant conscience de ses capacités, il avait encore plus progressé, bon il était seul dans la ville d’Eauze et n’avait pu être que sérieux.

Sérieux, arf, mot qu’il avait enfin réussi à respecter en Armagnac même dans le Château de Bléré, il avait du mal et encore moins quand la vipère était dans les parages, cette femme qui avait fait du charme à son frère et maintenant qui allait épouser son neveu. Il se demandait encore ce qu’il avait dans le crane, cette histoire l’énervait, ça sentait les tentions au sein du Château quand elle serait, il ne pouvait s’empêcher de lui envoyer des piques. Ce n’était pas digne pour quelqu’un qui voulait devenir Chevalier mais c’était plus fort que lui. Enfin il ne pouvait pas lui faire que des reproches, elle ne serait pas venu, il serait certainement encore en Lorraine à vouloir montrer ses valeurs sans entendre que tout ça était grâce à son frère Sénéchal et son neveu Colonel. C’était toujours des comparaisons, ça l’énervait mais bon, c’était comme ça. Au moins dans le Royaume de France, on le voyait pour ce qu’il était et non par rapport à sa famille. Sa vie allait changer et avec ce froid et l’attente, il pensait, il en vain à penser au Limousin.

Limousin, grand changement aussi, il y fut baptiser, y avait trouvé une adorable compagne et il avait de grosse mission. Il avait la chance enfin de rentrer à l’Université, il y apprenait les bases de l’Armée, c’était vraiment intéressant, domaine qui lui plaisait vraiment et où il voulait vraiment progresser rapidement. Il était pressé d’apprendre et en voulait toujours plus comme à la Licorne. Il attendait impatiemment les prochains cours, n’ayant pas pu participer à celui des Écuyers étant donné que le cours était déjà bien rempli. Enfin grâce à ça, il avait pu suivre un apprentissage dans le Haras du Taureaux, fort intéressant aussi, des chevaux vraiment particulier, c’est là qu’il vu qu’il devait encore s’entrainer avec Chidori. Il ne s’inquiétait pas trop, dans une chevalerie, c’était une des bases d’apprendre à contrôler parfaitement l’équidé.

Fini de rêvasser, il fut sorti de ses pensées lorsqu’il entendit un grincement. Il se retourna vers la porte et vit une trappe s’ouvrir. Il regarda dans l’ouverture et tomba nez à nez devant Cerridween. Bon déjà, deux chevaliers sur trois, Enguerrand et Cerridween, il allait être bien entouré le jeunot et il devrait faire de son mieux devant ces deux personnes. Enfin, s’il fait des bêtises ou mal son rôle, il sait qu’il serait vite remit en place par ces deux personnes. Il ne la connaissait pas vraiment, il l’avait entre aperçut quelque fois mais n’avait jamais discuté clairement dans l’enceinte de Ryes. Enfin ça serait l’occasion de faire plus ample connaissance et de progresser avec ce genre de personne. Il était impatient de faire sa première mission mais bon, vu comme les hommes d’armes dehors étaient, il ne devait pas avoir encore les ordres à suivre. A entendre la question de celle-ci, il ne devait pas l’attendre de si tôt.

Moment fatidique pour répondre à la question avec des preuves, il fouilla dans la poche de son mantel. Il n’y avait pas grand-chose dedans, ah enfin, il arrive à attraper la missive qu’on lui avait envoyée. Il la retira de sa poche et fit une légère grimace. Papier totalement froissé comme s’il l’avait écrasé. Il essaya de le déplier et à le faire ressembler à une missive correct mais avec les plis ça ne faisait pas très convainquant. Il se décida quand même à répondre après avoir rentré dans l’enceinte du bâtiment.


Bonjour Sœur Cerridween, je viens en ces lieux dire que j’ai enfin rejoins le groupe. Le Grand Maistre Enguerrand m’a envoyé une missive pour que je vienne prendre par aux ordres donc je suis venu au plus vite. Ne vous inquiétez pas pour ma santé, c’est le métier qui rentre un peu plus. Un peu de manque de sommeil mais tout ça ira mieux d’ici quelques jours.

Il sourit pour montrer que ça allait, le sourire n’était pas des plus grands mais il était quand même là. Il ne voulait pas qu’on le retire de la mission à cause du peu de sommeil qu’il avait. Il aurait du prendre plus son temps et vraiment se mettre un bon coup sur la figure pour se réveiller. Enfin à l’intérieur, il faisait déjà meilleur, le vent n’était pas présent ce qui était déjà un soulagement pour lui. Première voir qu’il voyait la demeure du Grand Maistre et du Sénéchal, c’était un honneur pour lui d’être ici surtout qu’il n’était qu’un simple Homme d’Arme. Il était assez timide d’être ici, il suivit Cerridween pour rejoindre les autres Chevaliers qui devaient être déjà tous arrivée. Enfin il avait l’habitude d’être en retard, cette fois c’était assez gênant mais bon, il était trop tard et il ne pouvait pu revenir en arrière. Il avançait attendant d’arriver dans la pièce où se tenait la réunion
_________________
Nith
Non, elle ne pouvait pas utiliser cette technique sur lui, quand même ! C’était sa méthode, sa meilleure stratégie pour mettre de la distance avant de contre-attaquer. Une tactique testée et approuvée à de nombreuses occasions, le plus souvent vis-à-vis de sa propre femme… A force, il commençait à devenir expert dans cette stratégie, il avait appris, au fil du temps, de ses charges et de l’expérience qui en découlait, à manier assez habilement les mots, autant pour la médiation que pour accabler sa « victime », en fonction de ses buts ou de son humeur du moment. Mais cette fois-ci, ce n’était pas lui qui avait la main, et il avait visiblement un fort parti devant lui. La brusquerie ou l’intimidation ne risquait pas de marcher, alors il fallait adopter un nouveau plan d’action.

Mais les paroles de la Rouquine retentirent dans la tête du Perplexe, pour s’imprégner, enfin un tout petit peu, hein, il n’était pas connu pour percuter du premier coup. Comme le disait un certain philosophe, c’est par la répétition que l’on apprend… Donc ce n’était pas avec uniquement ce premier tableau quelque peu noir et un peu inquiétant qu’il allait prendre tout à fait en mesure la réalité de la peste.

Cependant, il pouvait relier chacun des détails évoqués par la Rousse à ses propres expériences personnelles. Ce n’était pas comme s’il ne souffrait pas déjà d’une maladie invalidante… Frissons et fièvre. Humpf, il avait passé trois mois à subir les assauts de la fièvre, souffrant de sueurs nocturnes qui l’empêchaient de dormir, alors qu’il avait terriblement besoin de repos. Son corps va le doler ? Pareil, ce n’était pas comme s’il n’arrêtait pas de perdre du poids, des forces et de l’énergie… Quoiqu’à force, il ne resterait bientôt plus que la peau sur les os, mais ce ne serait pas pour autant qu’on allait le laisser tranquille et reposer en paix… Sa tête, une poudrière ? Bof… Entre sa santé encore fragile et les dossiers à traiter qui s’accumulaient, il ne devrait sûrement pas ressentir une grande différence, les céphalées induites par la peste se noyant dans la masse de tous ses soucis. La fièvre, raison de lui ? Et bien, cela fait plus de trois mois qu’il se bat contre elle, et pour le moment, il est encore en vie, même s’il n’est pas encore au meilleur de sa forme. Langueur extrême, incapacité à tenir sur ses pieds ? Pas un grand changement comparé à ce qu’il ressentait sur le moment, mais à force, il s’y était accommodé.

Mais des bubons ? Quoi, il y avait des bubons ? On ne lui avait pas dit qu’il s’agissait de la peste noire ! Non, ils étaient alors tous en danger, encore plus que ce à quoi il s’était attendu. L’avait-il su, il aurait probablement réfléchi à plusieurs fois, parce que deux fois ca n’aurait pas suffi, avant de prendre la route et de les suivre dans ce périple. Les trépassés qu’il avait vu en cours de route étaient méconnaissables, les traits fondus par l’intensité du brasier qui les a consumés. Il n’avait donc pas vu ces excroissances noirâtres, synonymes de morts dans d’atroces souffrance, enfin de ce qu’il avait entendu dire et selon les rumeurs qu’il avait entendus. A l’idée de devoir approcher des bubons, ou plutôt des personnes sous les bubons, il eu un frisson lui parcourant l’épine dorsale. Mais pourquoi fallait-il qu’elle dresse un tableau si horripilant ? Ah, on était bien plus heureux lorsque l’on restait dans l’ignorance…

Gloups…

Avec ça, il y avait de quoi devenir paranoïaque, d’autant qu’il souffrait déjà d’une bonne partie des symptômes qu’elle venait de décrire. Et s’il avait déjà contracté le mal sans s’en rendre compte ? Et si, à cause de la maladie qui le frappait déjà il ne se rendait pas compte que quelque chose de pire venait de prendre possession de son corps ? Pourquoi le fait de souffrir d’un mal ne le protégeait pas des autres ? Il avait assez souffert déjà, non ?

Bon, il se rend compte que, pour une fois, il se devait de rendre les armes. Mais que cela ne devienne pas coutume… Vivement qu’il aille mieux, ainsi, il pourrait préparer une meilleure argumentation et pouvoir la soutenir convenablement… Mais voilà que sa vue se trouble, que ce soit par fatigue ou par la faim qui le tenaille, il ne saurait le dire. Devant lui ne se trouvait plus le visage de la Maistresse d’armes, mais les traits de son visage se firent plus flous, les lignes marquant son visage s’étirèrent, devinrent plus marqués, plus ridés… Pendant un bref instant, il ne vit devant lui qu’une vieille femme sénile radoteuse, avant qu’il ne se secoue le chef pour retrouver une vision nette, où il retrouva et son accommodation et le visage de la Rousse qu’il avait toujours connu. Bizarre les effets du manque de sommeil et de nourriture de qualité…


Et bien, chère Maitress… euh… Cerridween, je dois, pour un fois, m’avouer vaincu par les arguments que tu as apportés. En effet, s’il y a une autre alternative, autant en profiter. Et pourquoi risquer la vie d’un malade lorsque l’on peut risquer celle d’une personne plus importante…
Mais je prends bien note de ta proposition de compagnie, et, si cela ne te gêne pas, serai ravi de pouvoir en profiter. Bien sûr, tant que nous aurons de quoi subvenir à nos besoins essentiels.


Alors que la de Vergy allait ouvrir à la porte, le Perplexe continua un peu seul l’exploration de la demeure, cherchant un endroit où il pourrait se reposer, s’assoir et se prélasser, au chaud, à défaut d’être au soleil… Ce qu’il trouva assez rapidement et prit ses aises. Les volets maintenant ouverts laissaient passer assez de lumière pour se passer de chandelle, et il put voir un carré de ciel, gris et morne, comme l’ambiance qui semblait planer dans ce pays. Un homme entra dans la pièce, qu’il aurait reconnu même si Cerridween n’avait pas prononcé son nom. Non pas qu’ils se connaissaient, mais pour l’avoir côtoyé à Ryes.

Et bien, Sepa, le bonjour. Quel bon vent t’amène ? Viens, prends place pendant que nous discutons de ce que nous allons faire. Mais peut être, étant donné que tu es dans la région, que tu peux nous informer déjà de la situation actuelle à Limoges ?

Et voilà, à peine arrivé que le Perplexe le bombardait de questions. Mais il ne pouvait s’en empêchait…
_________________
Seleina
[D'une arrivée douloureuse en territoire limousin. Limoges au petit matin]


Avoir parcouru le territoire breton de long en large pour aller chercher un petit bout d'homme d'à peine 6 ans et déjà impétueux comme les vagues de la manche, qui n'avait qu'une hâte, retrouver sa maman.
Pour l'heure ledit ouragan dormait paisiblement installé à l'avant de la monture de son père. Flaiche.

Soupirant, elle se remémora les semaines précédentes où tout était allé très vite. D'une simple boutade qu'elle avait prise au mot et là voilà emportée dans le tourbillon du cortège royal puis escortant son ami et mentor au diable vauvert. Jusque là de quoi se sentir vivante.

Et puis le périple avait tourné au cauchemar... La peste... Ennemie au combien furtive et insidieuse dévastant bien plus sûrement une population que mille armées réunies...

Ils avaient évité dès que faire se pouvait de pénétrer les villes, préférant bivouaquer dans des endroits tranquilles, les provisions engrangées le leur permettant.

Elle en avait entendu depuis quelques jours, angoisse chevillée au corps, images du désespoir latent fiché sur les visages en souffrance...

Pour les vivants, les rescapés, c'était un châtiment de Dieu contre les péchés des hommes.
D'autres affirmaient que le passage d'une comète avait empoisonné l'air et que des particules invisibles, poussées par le vent, propageaient la maladie.
Et fait bien plus grave certains accusaient les cathares d'avoir empoisonné les puits...

Ce besoin que l'homme avait de trouver justification voire un bouc émissaire dès qu'une catastrophe s'abattait sur lui.

Et cette impuissance face à cette terrible maladie qu'on ne pouvait guérir la plupart du temps... Certains en réchappaient mais les plus faibles eux...

Un regard furtif en direction du petit qu'elle aimait désormais profondément. Personnalité attachante. Malgré elle quelques mots en prière comme pour conjurer le sort, sorte d'automatisme réccurent... Superstition oui.... Rituel rassurant, apaisant. Un regard à son père, un sourire en retour, en guise d'encouragement.

Et par tous les chemins l'exode vers d'autres provinces où le mal frapperait tout aussi implacable...
Eux dirigeaient leur pas inexorablement vers ce terrible enfer.

Limoges...

Haut le coeur permanent. Mains crispées sur les rênes, regard vague osant à peine se poser sur les cadavres déjà entreposés au départ des ruelles désertes.

Limoges sentait la mort, les effluves insoutenables des corps calcinés, le désespoir latent, le mal grouillant, invisible.

Au fur et à mesure qu'ils s'enfoncaient dans les artères de la ville, le quartier changeait d'allure et à la place des façades sombres, étrécies, marquées de cette horrible croix, s'étalaient les façades cossues aux fenêtres colorées des hôtels particuliers, remparts rassurants, mais pour combien de temps ?

Ils s'arrêtèrent devant une bâtisse de bonne facture.
Ils devaient être arrivés.

_________________
Enguerrand_de_lazare
Quelques mets et victuailles dénichés en le cellier jouxtant la cuisine, rapidement apportés sur l'antique table de chêne placée tel trône aux délices du palais dédiée en le plein milieu de la pièce.

Echanges de propos entre la rousse et le perplexe. Celui là n'avait pas été facile à ramener à raison acceptable. Mais les propos de Cerrid et la promesse de quelque repos, même des plus court, avaient su convaincre le chevalier.
Longue avait été leur chevauchée et courte serait leur halte en ces lieux. Autant donc faire en sorte que chacun puisse trouver repos à sa guise afin de reprendre force face aux mille périls à eux promis par la Main Noire.

Arrivée d'un homme d'arme, limousin de surcroit, en la personne de Sepa.
Il avait missive envoyé afin que de le prévenir de leur arrivée en ces terres dévastées, et il fut des plus satisfait de l'avoir vu répondre diligemment à la convocation.
Signe de tête du Grand Maitre en guise de bienvenue tandis que déjà le perplexe assaillait le pauvre arrivant de mille questions.


La bienvenue à toi Sepa. Installe toi si tu le souhaites autour de cette table et prends même si l'envie te prend, quelques forces assez avant que de répondre au feu roulant de notre cher diplomate.

Fin sourire se frayant chemin sur le visage du Grand Maitre.
Regard amusé à l'attention de la jeune femme. Voilà au moins, entre discussions et rôts qui allait occuper le perplexe et lui ôter l'idée d'aller courir par les rues et ruelles en son état.
Quelques pas vers Cerrid avant de lui glisser à l'oreille.


Je vais laisser ici comme tu l'as proposé. Je vais envoyer de suite contingent d'hommes d'arme en mes terres du Bazaneix. Ils sécuriseront ainsi la route menant vers Ventadour par de régulières patrouilles. Quand à moi je vais aller encontrer le Comte au plus vite. Après cela, nous pourrons nous atteler à notre mission sans plus perdre de temps.

Un signe de la tête en direction de la porte de la cuisine.

Si le temps et l'envie vous en dit, vous pourrez trouver chambres en nombre suffisant pour vous reposer quelques courts instants. Je ne gage hélas rien de l'état de propreté des lieux, mais cela sera toujours préférable aux pierres et à la terre qui nous ont servi de couche durant ces derniers jours.

A voix basse.

Je ne sais où sont mes servants, mais prends garde toutefois. L'état conservé des lieux ne signifie pas pour autant absence de présence inopportune. J'ai entendu bruits lorsque nous sommes arrivés. Peut être n'était ce là que quelque rongeur ou porte grinçant, mais il ne faut jamais être par trop prudent.

Un sourire. Plus large. A elle seule dédié. Une main gantée se posant doucement sur sa peau d'albâtre. Un regard. Profond. Sincère.
Dernier signe de tête avant que sans un mot de plus il ne quitte la pièce, se dirigeant à grands pas vers la porte de derrière menant à la cour et aux écuries. Il allait devoir faire vite et prendrait par sécurité deux hommes d'arme à ses côtés. Sa main était sure et son épée fidèle mais Aristote savait ce que désespéré l'homme aux abois pouvait être capable de faire.

_________________
Cerridween
Elle reste là la main suspendue dans le vide...

Il s'en va en la laissant là, la bouche entrouverte...
Il n'y avait rien eu pourtant. Quelques mots chuchotés à son oreille. Un avertissement. Une main sur sa joue.

Mais il y avait eu bien plus pour une Pivoine en mal de tout et surtout en mal de lui. Il était si proche... à portée de doigts, à portée de peau, à portée de lèvres. Il est plus proche qu'il ne l'a été ces dernières semaines. A cet instant la pièce s'est effacée, évanouie quand elle a fermé les yeux...
Il y a sa présence... rassurante, charismatique... cet aura qu'elle peut ressentir, familier, cette sensation d'éternité quand il est prêt d'elle.
Il y a son odeur qui l'emporte vers un souvenir, celui d'un baiser fatal, dont les effets s'estompent peu à peu, dont les conséquences se font moins lourdes avec le temps passé près de lui, pour commencer à souligner le souvenir plus envoutant du goût de ses lèvres...
Il y a son souffle qui caresse son cou, entrecoupé de mots, qui a imprimé un frisson imperceptible qui est descendu dans son dos...
Il y a non loin, si présente, sa bouche qui murmure et qui l'appelle doucement...

Car vous ne savez pas apprécié la musique de ses mots, lire entre les lignes des paroles échangées... elles semblent si vaines, si anodines... il lui offre tout dans ce simple verbiage.
Je pars... je reviens au plus vite...
Ici tu es chez toi...
Fais attention à toi et sois sur tes gardes...

Les yeux sont réouvert pour accueillir un sourire.
Un sourire presque taquin, un sourire juste à elle dédié, dévoué, sculpté... qui se fond dans une dernière note de tendresse.
Une main qui vient souligner sa joue, d'un revers de doigts, sous une gangue de cuir...
La rousse lève un peu prestement la main et glisse ses doigts contre sa paume, pour maintenir un instant, un seconde le contact contre sa peau...
Les ambres rencontrent les émeraudes qui lui parlent ce langage silencieux, ce que sa bouche ne peut dire à cet instant et à cet endroit. Ce langage dont ils sont les seuls à connaître la traduction, apprise par cœur à travers les épreuves, les coups du sort et une complicité qui s'est mue en un sentiment profond... ils se connaissent jusqu'aux tréfonds de l'âme pour se l'être montrée sans atour, sans masque, dans toute sa noirceur, dans toute sa nudité criante... elle n'a pas besoin d'ouvrir la bouche pour l'énoncer.
Je garde un œil ouvert...
Ne commets pas d'imprudence...
Je vais t'attendre... difficilement...

Elle reste là la main suspendue dans le vide...

Il a franchi la porte...
La pièce revient doucement à sa place... elle semble bien plus vide maintenant. Les doigts de la rousse se referment lentement comme pour garder un peu de ce qui vient de disparaître et descendent pour se replacer près d'une de ses lames.

Elle tourne la tête... le Perplexe la regarde. Crispation de doigts... difficile de cacher quoi que ce soit après cela. Peu importe ce qu'il a vu, ce qu'il a compris... l'évidence est faite et s'impose plus que jamais à la Pivoine noire qui a remis d'un geste, le masque qu'elle porte depuis des mois.


Je vous laisse vous restaurer... je vais inspecter la demeure.

Elle ramasse un bout de pain sur la table et s'en va vers les étages.
Goûter à elle seule, son moment de tendresse et de répit.
Le visage froid, les pensées dans les nuages et accompagnant de loin, un cavalier aux cheveux piqueté d'argent.

_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)