Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] La vie paisible de Jean Valier

--Jean_vall


Huguenot depuis quelques années déjà, Jean Valier s'était installé avec sa petite famille hors les murs de la bonne ville Montalbanaise où il officiait discrètement en tant que lecteur auprès de quelques pieux paysans. Se tenant aussi loin des papistes zélés que des réformés revanchards, il ne manquait pas de s'attirer du même coup la suspicion des deux partis. Sous sa maison rustique au toit de lauzes, il avait toujours tout fait pour éviter les querelles religieuses et les grands dangers qui en émanaient non seulement pour lui, mais également pour toute sa petite famille qui avait fait le choix d'une vie rurale paisible et laborieuse. Ce soir là, Jean avait 38 ans, et ce soir là, il était resté au dehors un peu plus tard que d'habitude, scrutant les miroitements du soleil couchant qui, agonisant sur la ligne d'horizon, magnifiait le paysage Aquitain sous sa lumière réconfortante. Lénifié par cette vie humble et pieuse qui le rapprochait chaque jour du divin, Jean rentra embrasser ses enfants avant d'aller se coucher auprès de sa femme.

Sans jamais se douter un instant de la nuit épique qui l'attendait ...
--Lynx_rouge
[Lynx Rouge est un PJ masqué]



Les derniers feux du jour venaient embraser les champs fumant encore sous la chaleur de la journée passée. Au loin, le bois se mouvait en cadence sous le souffle d’un vent léger, semblable à quelque géant assoupi et ronflant. Le bourdonnement de la ville diminuait peu à peu, laissant les cloches des églises seules sonner les heures de la nuit. Là, tapi dans le creux du petit fossé qui bordait la route hors des murs de Montauban, le Lynx attendait l’heure propice.

Lynx Rouge… Ce nom était bien connu dans certaines contrées du Royaume. L’histoire du Lynx Rouge évoquait selon les régions des images fort différentes mais toujours reliées d’une manière ou d’une autre à une indescriptible angoisse. Bien des contes farfelus couraient au sujet du dangereux félin. La légende la plus répandue voulait que sa cape, naguère immaculée et d’une blancheur lumineuse, fut trempée par l’inquiétant personnage à chacune de ses chasses nocturnes dans le sang de ses victimes, ce pourquoi elle avait désormais une teinte écarlate. Aux dires des commères, il possédait en place de doigts des griffes terrifiantes dont la blessure brûlait comme les tourments du bourrel. Certains le disaient fils d’une sorcière et d’un incube, d’autres le pensaient lointain parent de ce comte sanglant qui faisait trembler les villages de Transylvanie, d’autres encore le considéraient comme l’instrument du Très-Haut, descendu sur terre pour venir châtier l’injuste et le blasphémateur. Quoiqu’il en soit, les aventures du sinistre félin restaient un conte apprécié lors des veillées paysannes et une menace efficace employée par les mères contre des enfants trop indisciplinés. Le Lynx n’avait en vérité ni sang légendaire, ni parenté surnaturelle. De jour, il avait tout d’un homme affable et benoîtement honnête. Il travaillait aux champs, côtoyait les bonnes gens en taverne et ne manquait aucune occasion de s’impliquer dans les diverses institutions des bonnes villes dans lesquelles il résidait. Rien n’eut pu faire douter qu’il mena une vie simple et sans histoires.

L'habit ne fait cependant pas le moine.

Cette nuit là s’annonçait particulièrement sombre. Le Lynx resta un long moment couché parmi les herbes sauvages. De sa cachette, il observa les faits et geste de ce huguenot qui répondait au nom de Jean Valier. Ce dernier resta un temps, devant sa modeste demeure, observant rêveusement le déclin du soleil puis rentra paisiblement chez lui et referma la porte de bois sombre qui gardait l’entrée du logis. Le félin attendit encore pendant une heure à peu près. La nuit déploya peu à peu son long manteau d’étoiles et les dernières chandelles du foyer furent soufflées. L’atmosphère tranquille qui baignait à présent les environs avait pour le mercenaire l’effet enivrant d’un calme avant la tempête. A la tranquillité du sommeil succèderait bientôt l’agitation brutale d’un ouvrage sanglant.

La lumière vacillante de quatre torches apparut bientôt au loin sur la route. Le Lynx se releva, réajusta son masque et sa cape écarlate et se tint bras croisés au milieu du pavé. La troupe était maintenant à portée de sa voix. Il avait rassemblé pour cette occasion macabre un petit groupe d’une dizaine d’aristotéliciens romains zélés. Tous étaient convaincus que la Bête hérétique était une engeance du Sans-Nom qui menait la Guyenne à sa perte désastreuse, persuadés que l’inaction du Conseil, autre œuvre du Malin, devait être contrebalancé par quelque action salvatrice. Purger, purger maintenant ce corps guyennais rongé par le mal abominable de l’hérésie. Le Lynx était assuré de trouver en ces hommes des serviteurs zélés d’une œuvre qu’ils pensaient vitale à leur Duché.
Sans un bruit, il leur indiqua d’un geste la maison de Valier et prit la tête de ce groupe dont la fervente fureur bouillait en silence. Ils arrivèrent bientôt devant la porte de chêne. Le félin leva le poing et s’apprêta à frapper sur le bois sourd. L’instant était délectable. Il goutait en ce dernier la jubilation intense que connaît l’homme qui se trouve sur le point de déclencher une chaîne inextricable d’actes terribles et violents dont il ignore les conséquences. En cet instant précis se mêlait dans le cœur du Lynx l’excitation procurée par la conscience simultanée de la maîtrise de destins et d’un plongeon abyssal vers l’inconnu. Il tambourina à la porte.


- Ouvrez par le sang de Christos ! rugit-il

De nouveaux coups résonnèrent sur la porte, réguliers comme ceux d’un glas.
--Jean_vall


On tapait à la porte comme un homme pressé frappait à la portière d'une diligence bondée, et ce, au moment même où le huguenot était en pleine séance de cajoleries avec sa légitime. Le visage faussement ensommeillé de Valier ne tarda point cependant à faire son apparition à la fenêtre.

- Qu'est cela, caïmans ? Qu'est cela ?!
Tournez casaques pendards et partez à rebours avant de finir au gibet, le miel n'est point fait pour la bouche de l'âne !


Ce n'était sans doute pas la première fois que l'homme recevait ce genre de visite aux enjeux battus et rebattus par le destin. Mais de nouveaux coups retentirent au portillon, plus déterminés que jamais. Le souffle saccadé, Valier se rendit compte à cet instant que si une patrouille de maréchaux ne passait pas dans le coin au plus vite, sa nuit avait tout pour accoucher d'une lente et insoutenable agonie.
--Lynx_rouge


« Foutredieu ! Vous deux, défoncez moi cette porte ! » rugit le Lynx à deux larrons de sa sinistre troupe, « Vous autres, faites le tour de la maison et veillez à ce que personne ne s’échappe. Ce fot-en-cul d’hérétique va me payer cette insolence. »

Sans répliquer, les vaux-riens s’exécutèrent. La porte subit bientôt les assauts répétés de colosses excités par l’odeur du crime tandis que le reste du groupe se répartit autour de la maison pour veiller sur les fenêtres et la porte arrière. Seul Enguerrand l’Illuminé, moine défroqué que le Lynx n’avait pas eu de mal à recruter étant donné son zèle religieux, qui confinait à la folie, se mit à entonner une psalmodie en latin. Ses yeux exhorbités et le chant discordant que crachait sa bouche édentée donnait à voir un spectacle à la fois comique et effrayant. Le félin, quant à lui, ne goutait que fort peu la chanson. S’emparant d’une torche, il s’approcha de la fenêtre la plus proche. D’un violent coup de son poing ganté, il brisa la vitre fragile et jeta à l’intérieur de la pièce commune le flambeau ardent. La paille qui recouvrait le parterre de l’humble chaumière se laissa sans résistance dévorer par les flammes gourmandes. Voila qui forcerait la maisonnée à se lever en vitesse.

« Debout, marauds, debout ! Il est temps de répondre de sa foi et de payer pour ses crimes ! Sortez, sortez céans, montrez donc vos gueules de païens à la justice divine. » exulta le félin en levant le poing vers la fenêtre de l’étage que Vallier avait laissée entre-ouverte. On entendit bientôt à l’intérieur de la bâtisse des bruits sourds et précipités. Les rats sortiraient bientôt de leur trou.

La porte céda en un fracas de bois et de métal.

« Brusquez moi toute la petite famille hors de là. » ordonna le Lynx aux deux casseurs qui venaient de terminer leur labeur. « Ne m’abîmez personne, nous nous amuserons avec ensuite. Et dépêchez vous, sottards, avant que le logis ne brûle. »

Puis, il vociféra de nouveau à l’adresse des huguenots « Allons, sorciers bouseux, l’heure n’est plus aux sabbats. Au Sans-Nom les fornications et les blasphèmes d'antan ! C'est le glaive de l'Archange qui vous attend.»

Le feu rampait à présent sur une bonne partie de la pièce basse, menaçant de ses langues vermeilles le mobilier noirci. Son éclat tremblant luisait au dehors, jetant des nuances sanglantes sur le masque du félin. Des cris jaillirent de la chaumière. Les victimes seraient bientôt tremblantes sous la voûte obscurcie. Le Lynx tourna son regard vers les remparts de Montauban. La ville endormie sous le ciel couvert semblait fermer les yeux sur les troubles de cette nuit de juillet.
--Jean_vall



Comment oses-tu jurer, noiraud ? Toi qui te revendique si belle croyance, tu es sans nul doute le bâtard incestueux cadet d'une famille tuyau de poêle ! vociféra le bon père de famille huguenot, seul à sa fenêtre, à l'infâme caracal et à son troupeau de beaux malfaiteurs qui se trouvaient en contrebas. Ton corps pourrira à un arbre avant que ton âme de maboul ne rôtisse dans l'enfer de la montagne de désolation, toi ainsi que tes béjaunes bondissants pour prix de votre idolâtrie nauséabonde ! Avec de la chance, un religionnaire s'occupera lui-même de ton dévidage à l'estorgue !

Mais déjà les flammes accomplissaient leur œuvre sordide et voici venir dans la chambrée le macabre fumet d'une odeur de cendres. Ne pouvant se résigner à s'éloigner de sa famille ivre d'une panique muette et paralysée par la terreur, il décida de la garder à ses côtés. Mais pour combien de temps ? Désespéré, il donna l'ordre irrationnel à sa femme d'aller faire le ménage en vitesse, pour se donner le temps de réfléchir à un plan qui viserait à les sortir de la fournaise. En vain. Car tous s'étendirent bientôt sur le sol à la recherche d'un air respirable qu'ils avalaient à fond les naseaux, collant leurs faces livides au plancher brûlant qui leur donnait déjà un avant goût de l'enfer. L'heure approchant, le bon Jean agrippa la main de moite de sa femme, les yeux noyés de larmes et s'adressa à elle de la voix chevrotante d'un homme qui se sait déjà condamné et qui, honte ultime, n'est plus en mesure d'offrir protection à sa famille bien-aimée.

Barberine, ma femme. Faites sortir les pitchounes en vitesse de par la fenêtre de la chambre des droles avant que nous ne finissions noirs comme suie et retrouvons nous aux pieds du grand saule qui a vu naître nos premières amours. Et la gorge étranglée par l'émotion, le souffle rendu court par le manque d'air il lui fit part de l'avenir au travers d'un espoir que les circonstances rendaient désuet: C'est faire preuve de sagesse que de laisser passer les mauvaises influences des astres qui en ce moment prédominent. Après les ténèbres vient toujours la lumière.

La campagne n'avait point la même substance que la ville. Ici, nul ne viendrait à leur secours. Il savait à cet instant et dans cette apocalypse faite de cris déchirants, de pleurs, d'injures et de larmes, que la portière ne chicanerait pas devant les brutes épaisses entraperçues au rez-de-chaussée et que plus jamais il ne gouterait aux joies de la quiétude et du silence. Hormis au jardin des délices, si tel était le souhait du Grand Juge.

- Faites ce que je vous dis, corne de bouc ! tança à sa femme le père de famille qui au lieu d'accouplement avait à mener une retraite urgente, craignant plus que tout que les chats de l'autre hurluberlu teinté de rouge ne l'interceptent. Finalement, elle abandonna son occupation et y alla, abordant son entreprise avec le fatalisme glacial de ceux qui se savent condamnés.
- Dépêchez-vous Barberine, dépêchez-vous ! Pour les enfants !

Subséquemment à leur disparition dans la fumée, le parpaillot se faufila de nouveau vers la fenêtre avec une étonnante agilité et voulut crier à l'adresse du Lynx on ne sait quels jurons orduriers, mais chaque mot mourait sur ses lèvres en chuchotements insignifiants. Épuisé et même vaincu sans avoir eu à combattre, il s'écroula au sol, et se mit à réciter le livre des vertus:

Livre des Vertus - II - 8 a écrit:
Alors, Dieu créa deux astres au-dessus du monde. L’un, rayonnant de lumière, fut appelé “soleil”. L’autre, luisant froidement, fut nommé “lune”. Dieu expliqua à Oane: “Que votre fidélité soit celle des enfants envers leurs parents ou je serai aussi sévère que les parents envers leurs enfants. Car, lorsque chacun de vous mourra, Je le jugerai, en fonction de l'amour qu'il aura pour moi. Le soleil inondera chaque jour le monde de sa lumière, par preuve d’amour pour Ma création. Mais entre chaque jour, la lune prendra la relève. Elle fera tomber la pluie sur le monde et accroitra la fécondité des femmes, toujours par preuve d'amour pour Ma création. »


Aux alentours, le jour à peine naissant en ce messidor, la cambrousse semblait s'éveiller au vacarme. Au loin et au dessus du seuil des maisons s'ouvraient quelques volets pour découvrir les reflets miroitants de l'enfer qui venait fracturer leur sommeil à la place des oeillards actionnés par les moulins. Mais depuis quand demandait-on l'accord du populaire pour régler au fer les querelles de partis ?
--Lynx_rouge



« Alors ? Où en êtes-vous de votre besogne ? » s’agaça le Lynx en apercevant les deux larrons qu’il avait envoyé chercher tout le beau monde à l’intérieur redescendre presque bredouille de l’escalier.

« Nous en avons une ,dit le second,tenant fermement par le bras une femme à l’air résigné. Les autres se sont enfuis par la fenêtre »

« Peu importe, ils seront cueillis avant d’avoir fait trois pas au dehors. Et le Jean, où est il ? »

« Il est resté à l’étage, mais il doit être mort, je l’ai vu s’effondrer sur le plancher. Il y a trop de fumée maintenant. »

« Abrutis ! C’est lui qu’il me faut ! Sortez donc et gardez moi cette femme » ordonna-til sèchement avant de se précipiter à l’étage.

La chambre de Vallier était à présent envahie d’une épaisse fumée blanche qui se répandait en volute dans le corridor. Le plancher était noirci et sans doute bien fragile. Le Félin n’entendait cependant pas en rester là. Il voulait à tout prix récupéré Vallier ou sa dépouille dans un état à peu près correct. Sans plus réfléchir, il rabattit sa cape sur son visage pour protéger son nase et ses yeux et s’engouffra à vive allure dans la pièce enfumée en direction de la fenêtre. Vallier était là qui gisait, marmonnant on-ne-sait-quelle prière. « L’heure n’est plus aux bondieuseries mon brave » se dit le Lynx en saisissant le corps sans force sous les aisselles. Rassemblant ses forces, il hissa le buste du huguenot jusqu’au rebord de la fenêtre ouverte. L’air irrespirable et la chaleur exténuaient le félin qui commençait à manquer de souffle. Vivement, aiguilloner par une bouffée soudaine d’anxiété suscitée par sa situation périlleuse, il saisit les jambes de Vallier et les fit vigoureusement basculer de manière à le défenestrer tout à fait. Le corps chut lourdement sur le pavé bordant la maison en flammes.

Il fallait à présent sauver sa propre peau. Le Lynx monta alors à son tour sur le rebord et entrepris de descendre comme il le pouvait, cherchant des prises sûres sur le mur inégal. La fatigue et les exhalaisons du logis enflammé rendaient les acrobaties du Rouge incertaines. Sa vue commençait à s’obscurcir et il se sentit bientôt pris d’un vertige tel qu’il lâcha soudainement prise. La chute fut courte et sans dégât. Deux de ses hommes se précipitèrent pour tirer le Lynx loin des flammes. Ce dernier, toussant et crachant, retrouva peu à peu ses esprits. A la peur du trépas succéda la colère de s’être laissé saisir par cette faiblesse.

Rasséréné, il se releva et fit l’état des lieux. Comme il l’escomptait, ses hommes avaient récupéré les trois marmots qui tentaient de s’échapper par l’arrière du logis. Deux étaient des garçons d’environs cinq printemps. Le troisième était une fillette d’une dizaine d’année, en larmes, qui se défendait comme elle pouvait des assauts d’un des pendards visant à lui découvrir le sein. Sans sommation, le Lynx attrapa l’excité par l’épaule puis le saisissant par le col, il plaça son visage masqué de rouge à quelques centimètres du sien et lui asséna d’un ton péremptoire :


« Tu te crois peut-être à la Saint Jean un jour de foire ? Une tentative de plus sur la mignotte et c’est mes caresses auxquelles tu auras droit. Suis je clair ? » L’autre déglutit péniblement tout en hochant sa tête ahurie pour signifier qu’il avait en effet compris. Le félin continua à voix plus haute pour l’ensemble de sa mauvaise troupe. « Ses hérétiques sont miens et je veux qu’on les traite comme je l’entendrais. Vallier est à vous. Dégraissez le un peu avant qu’on ne l’emporte.»

A ces mots, les va-nu-pieds se jetèrent comme des chiens à une curée sur le cadavre du parpaillot. L’excitation que causait l’odeur mêlée de feu et de sang, la haine de l’hérésie, la nervosité et l’agacement que suscitaient chez eux les réprimandes de leur chef n’attendaient que ces ordres pour briser les dernières barrières retenant une fureur meurtrière jusque là contenue. On se jeta sur le huguenot, on mit en pièce ses vêtements, on lacéra sa dépouille à grands coups de coutel, on lui coupa mains, pieds, couillons et guilleri, de sorte qu’il ne resta bientôt plus qu’une tête et un tronc sanguinolent et émasculé. Dans leur cruelle sottise, les pouilleux se mirent alors à jouer avec les macabres trophées que constituaient les membres détachés du cadavre, rythmant leurs plaisanteries par des rires gras et des gestes scabreux.

Se tournant vers Enguerrand qui poursuivait bruyamment sa psalmodie, le Lynx reprit tandis que ses fauves s’amusaient au cruel dépeçage :
« Choisis qui tu voudras pour t’escorter et emmène donc ces trois marmousets au couvent le plus proche. Demande à ce qu’ils soient hébergés et éduqués selon les principes de la vraie et unique foi jusqu’à leur majorité. »

La mise en pièce du réformé touchait à sa fin. On passa une corde autour de son col meurtri pour qu’un des larrons puisse le tirer plus aisément, tandis que les autres forçaient sa femme encore bien vive et tremblante à avancer, à grand renfort d’insultes et de crachats.
« Allons ! Nous en finirons avec Vallier et sa putain sur la grand’place » s’exclama le Lynx en prenant la tête de ce furieux cortège.

Les alentours du bosquet de l’ermite retrouvèrent en l’espace d’un instant leur calme habituel. Plus de cris ni de bataille. Il n’y avait plus là âme qui vive. Seul le ronronnement sourd des flammes et par moment l’effondrement de poutres calcinées troublaient encore le repos de la campagne montalbanaise.
Tetard
Était-ce les fragrances morbides portées par un vent d'été, chaud et poisseux, qui venaient caresser son visage par cette nuit d'orage sans pluie. Était-ce l'instinct du sang, ancestral, ancré en son sein par cet élan animal qui nous mène parfois aux comportements les plus irrationnels. Était-ce ses insomnies récurrentes qui la tirait du lit aux heures les plus improbables pour lui faire battre le pavé telle l'ombre sans but d'un revenant. Les pupilles abyssales de la brune scrutaient l'obscurité ambiante que ne venait troubler aucun cri, aucune clameur de taverne. Même les gagneuses s'étaient terrées dans leur taudis en quête d'un peu de fraîcheur salvatrice qui viendrait soulager le martyre de leurs corps besognés des heures durant. Seule, silencieuse, elle suivait les aléas des rues jonchées d'ordure de ses quartiers, se laissant porter par les aspirations de son cœur qui battait à tout rompre dans sa poitrine. L'odeur du buché remontait les allées de Montauban, annonciateur de destruction. De mort. Absorbée par ses pensées funestes, elle n'y prit pas gardes. Et ce n'est qu'aux cris barbares des bouchers qu'elle eut la présence d'esprit de se dissimuler dans l'ouverture d'une mansarde.
Recroquevillée sur elle même, sa respiration réduite à un simple murmure, la souris se terra contre la porte, attendant. Une voix intérieure lui soufflait de décamper de là en vitesse. Ces clameurs ne ressemblaient en rien aux braillements avinés des joyeux lurons de céans. Non. Ceux là dégoulinaient de la jubilation du meurtre, de l'infâme jouissance qu'apporte le sang lorsqu'il est versé chaud par des mains abjectes. Elle avait déjà entendu des cris semblables. Il y a fort longtemps.
Les silhouettes indistinctes se précisèrent à la lueur des torches, épouvantails fantasques dansant sur les pavés. Au bout d'une corde, les restes de ce qui fut un homme laissaient gicler ses fluides corporels en un sillon qui dessinait son dernier voyage. Elle laissa passer les premiers sans plus faire un geste, les battements de ses veines lui assourdissant les oreilles comme un tambour infernal destiné à révéler sa présence. Pourtant, ce fut une femme qui attira son attention. Enchaînée, trainée derrière le corps de son époux, son visage souillé de suie et de larmes n'était qu'un brouillon indistinct tordu par l'angoisse. Sur son sein à la chemise déchirée battait une croix d'argent.
Une croix huguenot.
Portant la main à sa poitrine, la jeune femme laissa échapper un souffle, estomaquée. Aucun doute sur le sort que ces sinistres assassins réservaient à cette drôlesse, uniquement coupable de la foi qu'elle portait en son âme. Sans qu'elle s'en aperçut, sa main gauche s'agrippa au bâton qu'elle gardait au côté, ses doigts basanés se resserrant sur le bois en une pression réconfortante. Que faire... Que faire nom de Dieu !


Halte !

Cria-t-elle d'une voix forte. Sortant de l'ombre, raide et droite comme la justice, la brune tenait son arme de fortune sur le côté. Luisant par à coups à chacun de ses mouvements, son propre bijou était largement visible dans le col débraillé de son vêtement. Ne laissant aucun doute quant à son appréciation de la scène. Avait-elle seulement conscience de la stupidité de son geste ? Il y avait fort à parier que non.

Cette femme vient avec moi. Un cadavre devrait suffire à ce que vous souhaitez démontrer. Autrement, c'est toute la cité de Montauban qu'il vous faudra détruire par le fer et par le feu.
--Lynx_rouge


Tout se déroulait jusqu’ici fort bien, lorsqu’une voix importune s’éleva dans l’ombre de la rue déserte que la troupe furieuse remontait en hurlant pour escorter ses victimes jusqu’à la grand’ place. La silhouette gracile d’une femme sortit bientôt de la pénombre. L’inconsciente ! Voila qui ferait bientôt une martyre de plus à ajouter au calendrier réformé, pensa le mercenaire en réajustant son couvre-chef.

« Lorsque l'on veut purifier un corps d’un membre putréfié, c’est tout le membre que l’on se doit d’amputer. Nous traquerons et détruirons ces hérétiques un par un s’il le faut. » répondit-il à la bougresse avec agacement. Puis, à l’adresse de ses ouailles, il ordonna : « Saisissez vous de cette femelle là. Si elle apprécie l’hérésie, laissons lui partager le sort de ces chiens. »

La meute lâché, il était difficile, même pour le Lynx, de maîtriser ses loups. Ils se ruèrent vers la jeune femme sans plus attendre. Le loup affamé ne prête que bien peu d’attention aux ressources de sa proie. A tort. La damoiselle s’avéra plus résistante qu’escompté. Déjà l’un des pendards se retrouvait à geindre à genoux sur le pavé, la main plaquée sur sa joue béante et ruisselante de sang. Les autres, échaudés par la mésaventure de leur compère, menaçaient de leurs rapières la malheureuse sans oser s'approcher son bâton trop rapide. Le Lynx, vexé par la sottise de sa troupe, tira vivement sa navaja et, profitant de ce que ses hommes venaient de reculer de quelques pas, la jeta hargneusement sur la justicière improvisée.


« Garde ! » hurla la femme de Valier qui n’ayant rien perdu de la scène – et c’était bien là la seule chose qu’elle n’avait encore perdu-, ne put réprimer ce dernier sursaut de charité.

La lame frôla la chevelure de la nouvelle arrivante qui eut tout juste le temps de baisser le chef et de sauver ainsi sa vie.


« Vile putain ! Comment oses tu ? » vociféra le Lynx en proie à une colère dévorante.

D’un revers de main, il gifla de toute sa haine la huguenote, qui, sans force, tomba violemment à la renverse et se brisa le crâne sur le pavé mouillé. Le Lynx resta un instant interdit, tel un garnement venant de briser dans son caprice un jouet nouvellement offert. Ironie du sort, le visage de la morte, couronné par une auréole de sang frais, souriait.
Tetard
Sous l'excitation du moment, le premier sous-fifre sous estima l'avantage de la détente que procurait un simple morceau de bois à son adversaire féminin. Elle le cueillit en pleine pomme d'Adam, l'envoyant choir sur le pavé, avant de calquer le chêne sur le front de son camarade, y creusant une marque rougeoyante. Une voix retentit qu'elle ne compris pas, seul le réflexe qu'elle eut de baisser la tête lui évita que la lame redoutable lancée à pleine puissance ne la décapite. Frôlant son front, l'arme entailla sa chair en une ligne béante, avant d'aller raisonner sur le sol. L'œil dégoulinant de sa propre hémoglobine, la femme n'eut que la vision floue teintée de pourpre de sa sauveuse s'affaissant sur le sol, où son crâne délicat éclata comme un fruit trop mur.
Son cri de rage fut noyé par les vociférations victorieuses de son adversaire qui, profitant de cet instant d'inattention, lui asséna un soufflet en plein visage, comme on gifle une garce insoumise pour lui enseigner le respect. Sonnée, la jeune femme fit deux pas chancelants en arrière, avant qu'un quatrième homme ne la saisisse par les cheveux pour lui faire fléchir les jambes, enfonçant profondément sa dague dans l'épaule dénudée pour affermir son geste. Hurlant de douleur, elle s'affaissa sur les genoux, la tête tirée en arrière, ses jugulaires vibrant sous la pression de sa gorge tendue.
Elle aurait pu rétorquer que d'autres seraient bien plus difficile à abattre qu'elle. Que la Réforme grondait au sein des masses, et que dix brigands de grand chemin ne suffiraient pas à briser cette croyance revigorée. Qu'ils pouvaient toujours supprimer cette existence vaine qui n'avait rien su accomplir de glorieux pour vanter ses mérites devant le Créateur. Nul mari aimant, nul enfant en bas âge pour la regretter. Mais en cet instant, la seule pensée qui obnubilait l'esprit de l'inconsciente, c'était ce masque écarlate qui se rapprochait inéluctablement de son faciès tuméfié. Ses pas qui raisonnaient avec la tranquillité de celui qui se sait dominant face à une proie déjà à l'agonie, et ne se baisse plus que d'un geste dédaigneux, pour achever son œuvre.
--Lynx_rouge


L'incident était sur le point d'être clos. La sauvageonne, maîtrisée par ses sbires, était à présent hors d'état de nuire davantage. Lentement, Lynx Rouge s'en alla ramasser sa navaja avant de se diriger vers l'impudente donzelle. Il la saignerait lentement, en prenant le temps d'apprécier son agonie pitoyable. Cela ferait une âme inutile de moins sur ce sol ingrat. Elle était de ces vermines qui viennent vous démanger lorsque vos affaires vont si bien, de ces bestioles inoffensives et stupides, qui ne peuvent s'empêcher de déranger lorsque l'on en a le moins besoin. Ces insectes là, le Lynx les écrasait d'un grand coup de poignard.

Imperturbable à présent, il saisit la chevelure en bataille de la huguenote et fit violemment basculer sa tête vers l'arrière, de sorte que sa gorge palpitante se révèle tout à fait. Humant avec délectation l'odeur de sang qui émanait de ce cou qu'il allait ouvrir sous peu, le Lynx, d'un geste grave et lent, approcha son coutel de la chair tel un prêtre s'apprêtant à sacrifier.


"Eh oui, ma jolie ! , lui chuchota-t-il à l'oreille, tu aurais mieux fait de rester sagement sous ton toit ce soir".

Un de ses hommes, désireux de faire du zèle auprès de son maître, approcha de lui sa torche pour qu'il puisse admirer à loisir son odieux sacrifice. La lueur du flambeau éclaira un instant le visage effrayé de cette femme que le Lynx connaissait bien. Fort heureusement, le masque du Lynx dissimula l'expression de surprise que ce dernier ne put s'empêcher de manifester. Se reprenant promptement, il s'exclama tout haut :

"Hé bien, mignotte, tu nous cachais ton visage et ton corps de puterelle ! il serait fort dommageable que j'exécute ainsi un si joli minois. Ta peine serait trop douce si je t'égorgeais maintenant. Non, tu mérites encore moins que ça. Je te convie céans à assister à une dernière petite cérémonie pour tes amis les cadavres."

Il pointa de son gant rouge, les deux corps sanguinolents des Vallier.

"Et puis, même le Très-Haut, dans sa grande miséricorde ne pourrait m'en vouloir de désirer profiter encore un peu de ces appâts qu'il t'a octroyé. La fin des humiliations n'a pas encore sonné pour les putains huguenotes." conclut-il avec un large sourire que son masque même laissait deviner, tout en passant une main furtive sur la poitrine de sa victime.

On maugréa dans la troupe, mécontent de n'avoir vu le sang jaillir de suite. Mais le Lynx se releva et confia la femme à deux de ses hommes. L'on se tut. Puis, sur les gestes du mercenaire, la troupe reprit son cortège sordide vers la grand'place.
--Tetard_bis
 « J'aime qu'à mes desseins la fortune s'oppose : Car la peine de vaincre en accroît le plaisir. »

Assurément la sauvageonne n'était point de celles qui hésitent face au nombre quand leurs convictions sont en jeu. La lâcheté est une de ces vertus qui perdent en gloire ce qu'elles ajoutent en longévité.
La main de l'assassin lui empoigna fermement la crinière avant qu'il ne glisse son visage masqué contre sa joue, son genou se fichant sous le dos arqué de sa victime. Sentant approcher l'instant de la mise à mort, l'animal se repaissait, humant son parfum comme une drogue enivrante, le tissu rouge caressant sa nuque dégagée. Le souffle de ses mots sur sa peau arracha à la brune un frisson qui lui parcouru l'échine en une onde glacée. Étreinte sordide sous le regard de la Lune. Elle regardait le ciel, les narines emplies de l'odeur de fumée et de sueur qui se dégageaient de son persécuteur.


Attaquer hardiment, c'est vaincre à demi.*

Murmura-t-elle pour lui répondre, comme une ultime ironie face à un destin maintenant assuré. Les paroles de la prière réformée se refusaient à elle. Tant pis pour la sanctification. La lumière se fit plus intense, et le bourreau redressa la tête pour la contempler bien en face, et recueillir l'éclat défaillant de ses yeux au moment du trépas. Les prunelles noires croisèrent leurs vis-à-vis, aussi sombres, aussi froides, dans lesquels un mutuel mépris se lisait. Elle serra les dents, inspirant profondément avant que ne s'abatte le fil de la lame... Et l'instant se figea. Irréel et suspendu alors qu'il la reconnaissait, et qu'elle ne comprenait pas cet éclair soudain qui traversait son regard. De la... Surprise ?
Le discours de chacal du misérable éclaira bien vite le doute soudain qui s'était tracé une voie, s'inscrivant en lettres de feu dans sa mémoire alors qu'il effleurait son sein. Un coup de genou dans le dos l'engagea à se mettre en train sans tarder, tandis que les d'armes dirigées vers elle dissuadaient toute tentative d'acte héroïque. L'Occitane se redressa et se mit en route dans cette marche funèbre dont elle était maintenant actrice, ses jambes la portant par automatisme. Tremblante de dégoût, elle observait le dos de son tourmenteur. Dépucelée par un opportuniste sans doute au service d'un noble vaseux quelconque, juste assez courageux pour envoyer son laquais prendre les risques pour lui ? Par un trublion de foire nécessitant dix servants pour maitriser une femme seule ? Sans doute un de ces guignols qui se sentent pousser des coilles en égorgeant un poulet après avoir baisé les pieds d'une grandeur de naissance. Elle aurait de loin préféré crever sur le pavé comme une pestiférée que de subir les outrages d'un insecte imbu de pouvoir. Et ça, il le savait sans doute. Le Très Haut réduirait l'âme impie de ce fils de gouge en cendres une fois quittée sa prison de chair. De cela au moins elle était certaine.
Se mordant les lèvres assez profondément pour y creuser des entailles, elle arracha la dague fichée dans ses muscles sans un bruit, et dissimula l'acier dans les plis de ses vêtements. L'ombre d'un sourire fleura sur ses lèvres. Si cet maraud croyait pouvoir l'esforcer sans résistance, il ferait mieux de retourner à la syphilis de ses habituées. Son pendeloche l'attendrait patiemment dans l'au delà.
Serrant son bras mort compulsivement, saoulée par les ondes de douleur qui remontaient ses nerfs, elle vit se dessiner la place de Montauban.



*Proverbe basque
--Lynx_rouge


On arriva sur la grand’place. Tout avait été prévu par le Lynx avec soin. Sous un porche proche où on les avait entreposés, on alla chercher des fagots et l’on dressa un bûcher à la hâte sur lequel on jeta les restes de Valier et de sa femme après que le Lynx ait récupéré autour de leurs deux cous bleuâtres leur croix huguenotes. Lentement, les langues de feu rongèrent le petit bois jusqu’à devenir brasier. Le bûcher bourdonna et crépita bientôt en une multitude de volutes colorées et brûlantes. Les saints et les rois de pierre de l’église Saint Jacques, dont les faces ternes tremblaient sous le rougeoiement vacillant du feu, semblaient former l’impitoyable tribunal de cette exécution pour la plus grande gloire du Très-Haut. Des dormeurs dont les logis donnaient sur la place, éveillés par les cris d’enthousiasme que lançaient les bourreaux à la vue de ce triomphe du Ciel sur l’Hérésie, regardaient peureusement, cachés derrière leurs volets, le terrible spectacle.

« Que périssent ainsi les ennemis de la Vraie et Unique Foi ! » conclut le Lynx en observant avec fascination le bûcher purificateur dont les exhalaisons putrides baignaient à présent tout le voisinage.

Il ne fallait cependant point traîner. La maréchaussée apesantie serait désormais bientôt là pour se saisir des perturbateurs de cette nuit qu’on avait espérée tranquille.


« Mes frères, l’heure est venue de nous disperser avant que les maréchaux n’arrivent. Vous pouvez aller prendre un repos mérité en paix, dans la certitude d’avoir fait le bien pour le salut de notre bon Duché. »
« Mais…cette catin… » tenta l’un des larrons.
« Je me chargerai d’elle, coupa court le mercenaire d’un ton péremptoire, Le temps presse à présent. A trop faire couler de sang, on finit par irriter le Ciel. A chaque jour suffit sa peine… »

On maugréa dans l’auditoire. Cependant, on put bientôt percevoir en bas d’une rue, la lumière de quelques flambeaux. La maréchaussée n’avait pas tardé, il fallait en effet se résoudre à quitter la place. Chacun s’en fut furtivement de son côté. Il n’y eu bientôt ni cris ni éclats de voix. Seul les flammes continuaient de ronronner sourdement. Un calme étrange pesait sur les lieux déserts où ne se trouvaient plus que le Lynx et sa prisonnière blessée. Le mercenaire resta immobile un instant à la contempler. Malgré sa blessure, elle se tenait droite et fière, son vêtement tout maculé de sang frais, baignée par la lueur rougeâtre du brasier, comme quelque antique allégorie de la vengeance ou de la tragédie.

« Rentrez chez vous » lui dit il enfin.

«Vous pourrez porter cela à votre maître Sancte, et lui dire que je n’aurai aucune pitié pour lui ni pour les siens. » ajouta-t-il en lui jetant vivement les croix huguenotes de ses deux victimes.

Puis, sans dire un mot de plus, et dans la plus grande discrétion, il disparut à son tour dans les ténèbres.
Tetard
Machinalement, son poing s'était refermé sur les chaînes qu'il lui avait lancé. Elle le regarda s'effacer comme une ombre, l'œil vide, interdite. La place à présent vidée ne raisonnait plus que du doux craquement des branches livrées aux flammes, dégageant une chaleur sourde au fumet de chair brûlée. Un souffle de vent emporta les premières cendres de l'atypique sépulture qui vinrent se perdre dans ses cheveux bruns.
Sous la chute de l'adrénaline, ses muscles tendus semblèrent se liquéfier, et un long tremblement gagna chacun de ses membres ankylosés. Ce baiseur de vaches ne lui avait pas même laissé une opportunité, une ouverture dans sa garde, et s'était enfui, son forfait accompli, tel un petit voleur à l'étalage. Que lui valait cette grâce soudaine ? L'homme n'avait nul besoin de témoin pour se porter héraut auprès de Sancte, quand tout Montauban ou presque pouvait déjà témoigner de ce qui se tramait céans.
La brune ouvrit les doigts sur les bijoux des défunts. Illuminés par le supplice de leurs anciens porteurs, ils luisaient d'un éclat malsain. Lentement, presque sans y penser, elle les fixa en longues méandres autour de son poignet. La mort n'est jamais un boulot comme un autre. Lorsqu'on s'y attèle sans avoir la cruauté nécessaire pour effacer ses traces, mieux vaut avoir conscience des risques encourus.
Les lambeaux de sa chemise vinrent étancher l'épanchement de ses veines avant qu'elle ne se mette en route.
Quelques curieux malavisés croisèrent peut-être une mendiante en loques, couverte de sang et d'ecchymoses, dont le regard flamboyant et le sourire malsain n'annonçaient que revanche.
--Lynx_rouge
Le lendemain, on put lire l'affiche suivante, placardée sur bien des portes de Montauban :
Citation:



Habitants de Montauban,

Notre bonne ville est depuis trop longtemps soumise au joug de l’hérésie et du scandale. La Guyenne, autrefois fidèle et sage servante de Dieu et de son Saint Royaume est en passe de devenir la grande prostituée du Sans-Nom, forniquée outrageusement par la méprisable secte huguenote. Chaque jour dans nos rues, l’on voit ses prêcheurs malsains empoisonner les brebis perdues de leur blasphèmes trompeurs; chaque jour l’Eglise une et indivisible, la Cité éternelle et son Saint Père sont injuriés de la manière la plus ignominieuse et détestable qui soit ; chaque jour, le Sans Nom récolte un peu plus d’âmes qui se vendent sans prendre garde à l’hérésie. Abomination de la désolation ! Où sont donc passés les jours glorieux qui voyaient le fier peuple montalbanais défendre courageusement notre très Sainte Mère l’Eglise ? Ces églises naguère pleines lors des offices, dont les cloches annonçaient glorieusement l’arrivée de la multitude des fidèles en liesse, sont désormais abandonnées et souillées. L’on a répandu la rumeur selon laquelle ce courant hérétique était le remède nécessaire à une Eglise qui ne se préoccupait guère de ses brebis. Si notre mère se montre négligente, est ce là une raison pour souiller son visage de crachats et lui enfoncer un poignard dans le cœur ? Les troubles que nous connaissons en ces temps ne sont que le fruit pourri du Sans Nom qui cherche à saper les fondements de la Très Sainte Institution. Aristote, Christos, tous les saints et les cohortes célestes d’anges doivent rougir de honte à la vue de l’abominable situation de Montauban.

La prière et la patience ne suffisent plus. Nous, habitants de Montauban fidèles aux enseignements et à la doctrine de la Très Sainte Eglise Aristotélicienne Romaine, face à l’inaction de notre conseil et de nos dirigeants, nécrosés par les infâmes mensonges de la fausse religion, et désireux de soutenir nos évêques qui, dans leur désir légitime de se montrer patient et d’éviter que le sang ne coule, n’ont encore combattu l’hérésie qu’avec modération, avons décidé de nous attaquer à l’hérésie par le fer et le feu car c’est bien là l’unique solution pour remédier à ce fléau. Lorsque la branche d’un arbre séculaire devient pourrie, on la coupe et on la jette au feu. C’est bien ce que nous ferons car telle est, nous en avons la très ferme conviction, la volonté du Très-Haut. Comme la saignée est parfois nécessaire pour évacuer d’un corps malade, le sang impur qui l’empoisonne, de même, il est de notre devoir de purger par la force le corps guyennois de l’hérésie et de l’opprobre. Sancte et sa clique d'huguenots seront traqués sans merci. Ceux qui s’obstinent dans l’erreur et la dépravation, subiront un sort similaire au dévoyé Jean Valier. Nous chasserons le Sans-Nom de ces terres, qui n’appartiennent qu’à Dieu, par l’épée s’il le faut.

Tous les hommes et les femmes de bonne volonté sont invités à se joindre à nous et à grossir ainsi nos rangs pour combattre à nos côtés la Bête démoniaque et prier Dieu qu'Il nous accorde son soutien et sa Victoire.

Que Saint Michel, Archange des archanges, veille sur la sainte entreprise que nous sommes déterminés à accomplir pour la plus grande gloire de Dieu !

La Confrérie Saint Michel



[RP désormais ouvert à ceux qui souhaiteraient réagir, le lendemain des évènements]
Sancte
Au même moment, des venelles tortueuses de la cité martyrisée monte le lamento discordant des massacres. La population Aristotélicienne Romaine prend d'assaut les maisons huguenotes Montalbanaises, balance dans les eaux sépulcrales du Tarn les corps flagellés.

Chi va piano va sano. Si la veille avait été sanglante, l'aube n'a pas cessé de se lever, irradiant la cité réformée d'une lumière nouvelle. Dans l'impossibilité d'identifier immédiatement les fauteurs de troubles, les services de la maréchaussée avaient fini par ignorer l'affaire, comme en témoignait leur manque de réaction. La réponse vint donc au travers d'une affichette qui affirmait courir sus à tous les fanatiques romains qui auraient l'idée saugrenue d'user de la force contre les huguenots de Montauban qui ne se laisseraient pas plaquer au sol, couci-couça, sans se fendre d'une réaction. Sa voiture parcourant la ville, le Chevalier du Lion cloua son communiqué sur chaque message de la confrérie.


Citation:
A tous les Fils et Filles de Montauban,
Post Tenebra Lux ! Après les ténèbres, la lumière !

    Les évènements qui se sont déroulés dernièrement en notre bonne Cité constituent une injure adressée à la face de Dieu. Par leur infâme idolâtrie et les massacres forcenés de religionnaires aristotéliciens réformés, les ressortissants de la confrérie St Michel viennent de se perdre dans les méandres du Sans-Nom.

    Moi, Sancte Iohannes, Chevalier de la Réformation Aristotélicienne et Sicaire du Lion de Juda, enjoint tous les religionnaires Montalbanais de la Réformation à s'armer de lames et de masses, de couleuvrines et bâtons de feu, de morions et de plastrons, de cottes et de chiens ; de ne jamais se déplacer la nuit par groupes de moins de cinq invididus, et à ne pas hésiter à courir sus à chaque homme qui se revendiquera de la Confrérie St Michel en appliquant impitoyablement à leur égard la plus dure loi du Talion en souvenir de notre estimé confrère Jean Valier.

    A dater de ce jour, ne pourra être requis ni pitié ni clémence à l'endroit de ceux qui se permettront de porter le fer ou le feu sur le moindre Huguenot, car les coupables en répondront de leur vie avant d'être exhibés au gibet de la municipalité où leur corps pourrira en compagnie de l'ignoble souvenir de leur nom.

    Chaque individu coupable de rétention d'informations susceptible d'amener à l'arrestation de criminels religieux, de collaboration avec les fanatiques, et de participation aux massacres perpétrés par la confrérie St Michel et ceux qui s'en revendiquent se verront cloués au pilori et torturés jusqu'à l'obtention de leur pénitence avant de finir enchaînés et battus dans les cachots les plus sordides de la Cité des Saules jusqu'à ce que le Tout-Puissant ne les libère enfin, dans l'expression de sa plus grande miséricorde, avant que leur âme aussi noire que la suie ne passe au Tribunal du Grand Juge.


Aux hommes la droiture et le devoir,
Et à Dieu seul la Gloire !


S.I.


_________________

"Aux hommes la droiture et le devoir, et à Dieu seul la Gloire !"
Sancte Iohannes - Lecteur Aristotélicien de la Nouvelle Opinion et Gouverneur de Montauban-la-Réformée.
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)