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Souvenir, souvenir...

Mort de Erwyn of Kylebonhamm, alias Wanou35

Loicisdumb
wanou35 a écrit:
( Bande sonore )

Le soleil allait bientôt se coucher, et céder la place à la lune, quand les deux voyageurs arrivèrent au but de leur voyage.

Il existe entre Bayeux et Honfleur une longue falaise de calcaire blanc, semblable à celles de Douvres, que l'on dit d'ailleurs jumelles. Elles surplombent l'océan, abruptes, comme si la Terre démontrait alors à l'océan sa puissance, et donnant l'impression lors des nuits de tempêtes d'un affrontement échevelé entre les deux puissances. La Terre et l'Eau, mêlées au Feu du Soleil couchant, et à l'Air marin ambiant. L'équilibre était parfait, pour celui qui, pareil à ce soleil, voyait désormais sa vie parvenir à son terme.

Ils arrivèrent par Bayeux, trottant joyeusement jusqu'au sommet de la falaise qui se jettait dans la mer.
Ils paraissaient certainement graves et sérieux, l'un sachant la fin inéluctable, l'autre encore rêveur de sa dernière rencontre avec celle qui avait changé sa vie.
3 chevaux surplombaient maintenant la mer, arrivant par un fin chemin de terre.

Le premier était gigantesque, noir à la crinière de jais, caparaçonné de pièces de métal ouvragées au poitrail et à la croupe. Le suivait un cheval de bât, alezan à la robe unie. Le dernier était derrière les deux premiers, jeune jument à la robe grise.

Le chevalier surmontait son palefroi, le capuchon sur le visage comme à son habitude, pour se protéger de l'air marin frais qui emplissait l'atmosphère. Il tirait encore ce sempiternel cheval de bât, où il transportait quasiment toutes ses possessions. Toutes? Il ne manquait que celles de sa vie...Celles qu'il avait aimé.

Il goûtait l'atmosphère paisible de ce dernier soir, et voyant le soleil disparaitre au-dessus de la mer alors que celui de sa vie disparaissait à la même allure, implacable et silencieux.
Il avait peur et hésitait...Parviendrait-il à rester sérieux, et à mener son plan à bien? Parviendrait-il à mourir ce soir? Il s'en voulait d'avance de ce qu'il allait faire, mais il le savait mieux que quiconque, il le fallait.

L'on dit souvent que l'homme qui approche de l'orée de sa mort est le plus lucide qu'il se puisse imaginer. C'était assurément vrai pour lui. Il était envahi de souvenirs, de moments forts, meme alors qu'il n'avait rien d'un homme mort.

La Normandie...Il avait vécu le début de sa vie ici. Il y vivrait sa fin. Un peuple fort et fier...Pour un coeur de même. Il y avait vécu une bonne douzaine d'années, il était jeune alors. Il avait combattu dans toutes les batailles de l'époque, des chansons qui ne seraient plus chantées bientôt que par des trouvères. Drole de destin pour l'homme de guerre, que de se battre en sachant qu'il ne sera bientôt plus que chant glorieux et notes dans les livres d'histoire.

Il avait aimé ici. Il avait vécu ici. Il avait conçu un fils ici. Il avait combattu ici. Il avait prié ici. Il était juste qu'il meurt ici.

Vanes...baronne d'Etreham, sa première bien-aimée. Ils venaient souvent ici, sur cette même falaise, et s'aimaient des journées entières, à l'abri des regards indiscrets, avant qu'il ne retourne à Lisieux, à son poste de maréchal en chef de la ville, et qu'elle ne fasse le chemin inverse jusqu'à Bayeux, où elle rentrait chez elle, rentrait vers Elgrande...

Il pensa un moment à cet homme. Avaient-ils été rivaux? Avaient-ils luttés l'un contre l'autre pour elle? Non, il ne le pensait pas. Cela aurait pu être le cas, mais il avait accepté le fait qu'elle ne l'aime plus. Son bonheur, quand elle était venue lui annoncer qu'elle vivrait avec lui...Et son malheur devant sa mort.

Il avait frôlé la folie, à deux reprises. Dans les deux cas pour une femme. Dans le premier, il avait été inoffensif. Dans le second, il s'était damné pour l'éternité. Car il était damné. Dieu ne voulait plus de lui. Et il le savait, comme une évidence, comme une feuille accrochée à sa botte, à chacun de ses pas. Comme sa malédiction...

Etait-ce cette malédiction qui l'avait fait choisir Valandil? Il n'en était pas sûr...Il avait eu un rôle à jouer chez cet enfant. Dieu le lui avait dit, il en était sûr alors, par l'entremise de sa déesse, de sa Vie, de son amour. Mais en était-il toujours aussi sûr?

Une chose lui apparaissait maintenant: comme Il avait montré le couteau à Abraham pour tuer son fils, Il lui avait montré Valandil comme l'instrument de sa mort. Le chevalier ne craint pas la mort. Il la révère, comme la fin logique de la vie.
Et servant son maistre, à plus forte raison le roy de France pour le chevalier, elle est sa seule amie, sa seule consolation. Car il est le seul à pouvoir en choisir le jour, l'heure et le moment.

C'était la seule chose que l'on leur laissait: pour toute consolation de leurs services, l'on les laissait mourir. Et il l'avait accepté, voilà maintenant 28 ans, lorsqu'il était entré au sein de la Licorne. Maintenant, il en était presque au sommet, et était accueilli dans les plus hautes cours. Etonnant destin en vérité que celui de cet Artéso-Breton, à ancêtres écossais, qui avait réussi à devenir un personnage au sein du royaume, en servant son roy.

Désormais, à 50 ans, il était temps de tourner la page. La génération qui venait prendrait sa charge à coeur, et l'espérait-il, la poursuivrait. Meme s'il sentait que son temps venait à sa fin, et que les chevaliers dans leur ensemble étaient voués à leur perte, il pensait que ce temps n'était pas encore venu. Etait-il l'un des derniers chevaliers? Il n'en savait rien...

" Qu'est ce qu'un chevalier", avait-il un jour demandé.

"- Un homme fort, qui défend sa famille, la veuve et l'orphelin, qui a une épée et sait s'en servir?" lui avait alors répondu Valandil, sans aucune certitude.

Amusé, il lui avait répondu:

"- N'est-ce pas le rôle de chaque homme, cela?" et devant l'absence de réponse du jeune garçon, de surenchérir:

" Un chevalier n'est pas un guerrier. Il n'est pas un justicier. Il n'est pas un combattant non plus.

C'est un homme qui a fait un choix de vie difficile et complexe, celui de mettre pour la durée de sa vie son épée au service de ce qu'il estime etre le Bien, la Justice, et l'Honneur. Sa vie entière et tournée vers le Bien et l'Honneur, ainsi que sur le fait de faire le bonheur des autres. Il n'a aucun autre but que le bonheur du plus grand nombre, et aucun autre ennemi que la bêtise, l'intolérance et la violence, ainsi que l'individualisme.

Souviens-toi de cela, car c'est ce que tu es amené à devenir", lui avait-il alors dit.

Se retournant sur son palefroi, il se retourna vers le jeune homme qui regardait fixement droit devant lui, ne semblant quasiment pas voir le soleil qui se mariait à l'écume et à la mer, devant eux. Il avait désormais 16 ans, et était majeur devant Dieu et les hommes. Aujourd'hui, il pouvait devenir chevalier. Et l'ultime épreuve, la plus intolérable, devait venir ce soir...

Il pensa alors à la Licorne, à ce qu'elle endurerait. Il espérait qu'elle ne souffrirait pas de son absence. Il espérait que...l'on suivrait son exemple pour certains aspects, et non pour d'autres. Il espérait que l'on se souviendrait de lui sur les bons aspects, et surtout, que son départ ne chagrinerait personne.

Il avait laissé beaucoup de monde derrière lui, et était venu ici, dès que Valandil l'avait rejoint. Tous étaient en Maine, pour la défendre contre les Bretons. Il n'avait alors pas conscience de déserter. Juste que ce qui l'attendait était plus important que de défendre la France. Il devait alors etre important pour lui de mourir...

Il hésite. Son cerveau lui crie de reculer, qu'il y a des dizaines de façons différentes de mourir, que sa mort n'est pas ici. Mais le corps, inflexible, qui a déjà compris l'issue de tout cela, demeure, et stoppe le palefroi devant la falaise. Pourquoi mourir ainsi? Pourquoi infliger cela? Pourquoi? Pour qui?

Ces questions tournent, retournent, et repartent. Il restera là, et il le sait. Alors que le soleil couchant provoque les dernières éruptions de couleurs qui enflamment la forêt de lueurs mordorées, la mer de reflets furieux, et l'air de particules enflammées, il abaisse son capuchon, et, d'un geste répété des milliers de fois, met pied à terre.

Puis, de quelques pas rapides effectués vers le rivage, et le bord de la falaise, il s'approche pour mieux voir, bientôt suivi par le jeune homme. Et c'est ainsi que commence la soirée qui mettra un terme définitif à la vie terrestre d'Erwyn of Kylebonhamm, 35e du nom, chevalier d'Inzinzac Lochrist, Baron d'Etreham, Vicomte de Chamberet devant Dieu et non devant les hommes, Garde du Corps des personnes royales, Colonel de l'Ost du Languedoc, premier prévost des Maréchaux du Languedoc, ancien lieutenant de la garnison de Mende, ancien lieutenant de la maréchaussée de Lisieux, Capitaine de l'Ordre Royal de Chevalerie de la Licorne.

Et c'est ainsi que l'on mourrait, en ces temps là: face au soleil couchant, les cheveux battus par le vent du large.


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Loïc le viking, baron de Mouthe, comte de Sochaux,
....maitre des lieux....
Loicisdumb
Valandil a écrit:
Les goélands chantaient, leurs voix se mêlant à l'harmonie impétueuse des vagues se brisant sur les rochers, en contrebas.

La soirée était belle, le temps magnifique. C'était une belle soirée de printemps.

Le jeune homme voyait ses longs cheveux blonds danser dans les bourrasques évanescentes du vent de la Manche qui descendait ce soir là. Halé, la tête ailleurs, il regardait le large, voyant s'y refléter le visage de l'être aimé...

MARGOT! Il avait de plus en plus envie d'hurler ce nom, d'hurler ce bonheur à la terre entière. Depuis qu'il l'avait rencontrée, il se sentait aérien, changeant, bouleversé...La jeune femme avait su dépasser les épaisses murailles qui encerclaient son coeur, et voir au-delà de toutes les apparences de son être...

Face à elle, il avait été feu et glace mêlés, humidité et sécheresse, trouble et hardiesse. Il venait de connaitre l'amour, le vrai, et il en était encore bouleversé. Il l'aimait...

Il comptait bientôt annoncer au capitaine son choix, son bonheur. Il ne voulait plus être chevalier. Il voulait retourner là bas. Retourner la voir, puis l'épouser, avant que de vivre ensemble. Il voulait une vie simple et heureuse, avec des enfants, avec un avenir qui ne se solde pas par une mort l'épée à la main.

Il ne voyait plus la chevalerie comme une voie d'avenir. Certes, il respectait les chevaliers, il respectait leur combat. Mais il n'était maintenant plus le sien. Il ne voulait pas vivre pour les autres, mais vivre pour lui. Il voulait faire ses choix, et ne pas s'en remettre à ceux d'un organisme supérieur quel qu'il soit.

Il voulait être heureux...

D'Arles, où il avait enterré sa mère, il avait rencontré Margot à Carcassonne, où il devait lui remettre missive en bonne et dûe forme de la part de son maistre. Là...l'entrevue avait été étrange.

Il s'était senti imbécile, maladroit, poussah. Il s'était senti benêt ; il avait cru qu'elle n'aurait aucun intérêt pour lui, et malgré cela, ses sourires obsédaient ses nuits, meme alors qu'il se lamenta sur la froideur de la couche à coté de lui.

Maintenant, il voyait son visage dans les rayons du soleil. Il le voyait dans l'écume des vagues et les formes imprécises des rochers de basalte noir sur la grève.
Il l'aimait...

Et il aimait aussi son maistre. Plus qu'aucun autre hormis ses parents, il l'avait aimé, et lui avait enseigné beaucoup de choses. L'épée, la lance, le bâton et l'arc, il priait pour ne plus s'en servir, mais les lettres lui seraient certainement précieuses. En plus de lui avoir appris la vie...

" Maitre?

- Oui, Valandil?

- C'est quoi, Dieu?"

Là, son maistre l'avait regardé, amusé, et avait observé le feu un long moment, qui crépitait entre eux.

- Il y a longtemps, ce monde naquit, Valandil. Comment, on en sait peu de choses sûres, et pourquoi encore moins. Mais il est une chose indiscutable dans ce monde: l'énergie de vie y est partout. Cette énergie coule en toi comme en tout un chacun.

Dieu, c'est l'entité créée par toutes les énergies de vie. C'est le Tout et le Rien, l'Infini et le Fini. C'est l'harmonie universelle qu'ont trouvés les hommes pour expliquer l'inexplicable, et exprimer leur création, ainsi que pour trouver un penchant à leur finitude.

C'est aussi un modèle vers lequel ils tendent à arriver..."

Et il avait médité longtemps sur le sujet. Cela voulait-il dire que la Chevalerie, c'était essayer d'imiter Dieu? Que construire des duchés, des villages, des royaumes, c'était tenter d'imiter Dieu?

Désormais, il avait sa réponse. Oui, l'on cherche à imiter Dieu. L'on cherche à être heureux...Et il entendait bien l'être.

C'est en pensant à cela, alors qu'il se revoyait faire un baise-main à Marguerite, que le chevalier s'arrêta aux falaises susnommées. C'était la meilleure idée que l'on pouvait concevoir, de mémoire d'homme, sur la rencontre du Ciel, de la Terre, de l'Eau et du Feu.

Car oui, l'Equilibre de Dieu se trouvait partout. Et surtout ici, et surtout ce soir...
Le chevalier s'arreta alors, mettant pied à terre. Le jeune garçon attendit quelque peu, le voyant s'avancer vers la falaise, puis le suivit, sautant lestement à terre, laissant les 3 chevaux brouter gaiement.

Il rejoignit son maistre devant le spectacle grandiose de l'oeuvre de Dieu, et alors qu'il lui tournait le dos, regardant le large, il lui demanda alors:


Maistre, quel est ce lieu? Où sommes nous, que vous ne me disiez rien depuis Lisieux, que je ne puisse savoir où nous sommes?

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wanou35 a écrit:
Alors que les vagues allaient mourir sur les rochers en contrebas, une mère goéland rentra à son nid, quelques algues au bec. Les donnant à son petit, elle était la plus parfaite incarnation de l'ordre du temps:

La roue tourne. Et chaque génération remplace la précédente, implacablement. Pour le chevalier, elle approchait du terme. Mais pas encore...encore quelques instants...

Les yeux rivés sur le spectacle magnifique de la vie qui passe à travers ces quelques algues, devenant mort pour redevenir vie, le capitaine respire plusieurs fois profondément, avant de répondre.


Il y a longtemps, j'ai vécu ici. Enfin...en Normandie.

J'y étais important. J'y ai vécu ma jeunesse. J'étais impétueux...Insouciant. Je répondais à tort et à travers sur la place publique, ne tenant pas compte des autres. Je suivais juste l'envie de servir les autres, et de devenir quelqu'un.

C'est là que j'ai fais mes premieres armes, livrés mes premiers combats. J'ai combattu à tel point que ce duché, plus que tout autre, connait mon sang et ma valeur.
J'y ai fais mes premiers amours, les premieres femmes que j'ai aimé...

J'y ai eu mes premiers amis, Amoulesolo, Hubert, Thamior...

Et aujourd'hui...Il ne reste plus que moi. Je...je suis aujourd'hui un être de nostalgie et de souvenirs.
Il sourit alors.Bien sur, je ne dis pas que c'était mieux avant, mais...

C'était différent. Ils me manquent...

Un jour, j'ai rencontré une femme. Elle...elle m'a ouvert son coeur, m'a aimé sans jamais demander à comprendre, à savoir, ce que je pouvais faire pour le roy. Un amour intégral et exclusif. Elle s'appelait Vanes', baronne d'Etreham.

Nous venions souvent ici. Nous...nous nagions, nous...nous aimions, et nous admirions la mer pendant des heures, jusqu'à ce que la marée montante et le froid nous fassent nous rhabiller, et remonter jusqu'à chez nous.
Là, un sourire nostalgique lui vient aux lèvres, à l'évocation de ce souvenir.Je crois pouvoir dire que c'était les heures les plus heureuses de ma vie. J'étais jeune alors, fort, insouciant...Je pensais que le monde m'appartenait, que je pourrais tout faire, vaincre tous les ennemis.

J'y ai rencontré celui que j'ai en même temps le plus apprécié et le plus craint...

Il se nommait Caedes. Il était duc de Champagne, pair de France et Cardinal de la Saincte Eglise Aristotélicienne.

Il était...magnifique. L'homme surement le mieux placé apres notre roy pour diriger ce royaume. Il m'avait fait cadeau de son estime et de son amitié, et nous avions devisés durant des heures sur des problèmes théologiques sur la grand-place de Rouen.

De cela, aussi, je me souviens. Cet endroit...est très spécial pour moi.


Alors, il se tait, ferme les yeux, les souvenirs affluant tout à coup...

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Loicisdumb
Valandil a écrit:
Bande sonore

Il se rend peu à peu compte de qui était son maistre. Il ne parlait jamais beaucoup de lui-même, caché dans ses problèmes, dans ses émotions. Caché dans ses devoirs et le soutien de la nation. En fait, qu'avait-il su de lui, depuis ce jour où, alors qu'il avait 10 ans, il l'avait vu arriver à la porte des murailles d'Arles, pour l'emmener entamer sa formation beaucoup plus loin au nord, loin de sa Provence natale?

Il le connaissait par les mots des autres. Par ces mots que grands et petits répétaient dans son dos ou sur son passage, comme autant de lettres d'or au-dessus du nom d'un homme. Les persifleurs, il les connaissait. Les admirateurs aussi. Les vrais amis, il en était de même. L'image que l'on donne d'un homme est toujours déformée par ses sens, par ses perceptions, et il avait parfois été amusant de remarquer comment l'on pouvait déformer certains détails insignifiants de sa personne.

Comment, par exemple, on l'avait un jour prit pour un vagabond pouilleux à l'entrée d'un domaine ducal et que l'on le rosse quasiment sans ménagement, avant de découvrir, à ce bras que l'on prenait pour jeter dehors, le gantelet.

Ce gantelet qui faisait sa fonction. Celui qui représentait qui il était, ses possibles, ses attentes. La pièce de métal, qui lui faisait les deux avants-bras, qui était finement ciselée et incrustée de bronze, d'airain et de cuivre.
Ce gantelet qui était l'armure la plus efficace, comme il avait pu le voir en Franche-Comté, où il avait sauvé un homme en interposant de son gantelet le carrel qui devait le tuer.

C'est ce gantelet qui avait proprement fait voler en arrière celui qui allait le maltraiter, et l'enfuir confusément en s'excusant platement de sa maladresse. Il avait alors compris que non, son maistre ne devait pas etre n'importe qui...

Meme chez ses pairs, où il était unanimement respecté, peu en savaient réellement sur lui.

Il avait dû interroger Bralic, un soir, alors qu'ils se trouvaient dans les bois, en Franche-Comté, pour avoir une réponse. Quelle était-elle? Quelque chose comme:

" Ton maitre est certainement l'un des pires emmerdeurs de ce royaume et du monde entier. Il est l'une des plus fines lames du royaume, et l'un des amis les plus collants que l'on puisse imaginer "

Oui, ca devait etre quelque chose du genre...

Et maintenant, il le voyait se dévoiler à lui! Il lui annonçait ses amours, sa vie passée! Il ne savait pas qu'il avait été en Normandie. Il ne savait meme pas qu'il y avait demeuré longtemps! Il ne savait pas non plus qu'il avait été amoureux...

Cela changeait beaucoup de choses, à présent. Valandil s'était bien servi de ses leçons: il devinait là un écart de conversation qu'il pourrait utiliser pour argumenter! Si le chevalier avait eu lui aussi des amours, pourquoi ne comprendrait-il pas qu'il aspirait à la paix, comme lui autrefois?
Pourquoi ne le laisserait-il pas vivre comme il l'entendait?

Confiant, il se permit lui aussi un sourire et de répondre:


Vous voilà bien bavard face à cette côte, maistre. Elle a dûe se révéler bien importante pour vous, pour qu'elle délie votre langue de la façon.

Observant cette côte, à droite vers Honfleur, et à gauche vers Bayeux, il poursuivit ensuite:

Oui, l'endroit doit etre agréable pour aimer et vivre...Cette terre symbolise presque autant que ma Provence natale la violence et la paix du monde. Quelle ambivalence fabuleuse...

Ce ciel et cette mer, doux et calmes, plus que tout autres inspireraient volontiers à la paix de l'âme, avec ces falaises blanches irréelles. Et d'autres jours...Je n'aimerais pas me retrouver icelieu face à une tempête.
Observant à nouveau son maistre:

Est-ce la nostalgie qui vous amène tant de souvenirs du temps passé, dont vous ne m'avez jamais parlé?

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Loicisdumb
wanou35 a écrit:
Et en effet, il ne lui avait jamais beaucoup parlé de lui...

Il l'avait considéré parfois comme une miniature de lui-même, comme une possibilité d'avenir qu'il espérait. Parfois, il pensait qu'il était tel l'argile qui encercle le tour du potier, qu'il devait modeler pour prendre une forme bien précise.
Mais était-ce cela, éduquer un enfant? La voie du chevalier était-elle pour lui? Lui qui ne vivait que pour voir cet enfant un jour devenir un Etre Humain, il en arrivait à se demander s'il ne s'était point toujours trompé sur son compte.

Les enfants sont-ils ce que nous faisons d'eux, ou bien ce qu'ils cherchent à devenir?

Avait-il été juste avec lui? C'était une question qu'il se posait, et en vérité, il n'était pas si sûr de la réponse...
Regardant cet enfant qui était, depuis maintenant 6 années son ombre, son autre lui-même, il voyait désormais clairement les signes de leur différence, de son individualité.

Et qui était-il, pour lui? Un tuteur? Un maitre? Un autre pere? En vérité, la question n'était point absurde, et point si aisée à répondre...
Soupirant, il le regarda à son tour, et, lui souriant:


Il est vrai que je n'ai jamais été particulièrement bavard sur ce qui concernait mon passé...

Cette côte en effet représente quasiment toute ma vie. Elle est, en fait, ce qui m'a toujours le plus fait penser à une famille, à une maison, à une terre. Je n'ai jamais réussi à retrouver cette sensation ailleurs...

Cela t'a t'il manqué, que je sois si peu prolixe sur qui j'ai été?

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Loicisdumb
Valandil a écrit:
Et Ryes? N'était-ce pas l'endroit où vous auriez pû, plus qu'ailleurs, vous sentir chez vous?

Vous avez contribué à l'établir, cette forteresse. Vous lui avez donné une bonne part de son charme actuel. N'était ce pas là une demeure?

Chaque homme a un lieu, une histoire, un mythe. Meme les vagabonds, qui prétendent ne pas avoir de maison, ou les amnésiques, qui prétendent ne pas avoir d'histoire se trompent.

La demeure, l'histoire de sa vie, la légende, voilà ce qui nous fait tous. Vous n'avez pas voulu me parler de vous? Quel mal à ça? Parce que vous aviez peur de paraitre prétentieux, suppureux ou égoïste? Pourquoi vous en voudrais-je?

De plus, vous n'êtes pas différent des autres. Nous avons tous une part de notre vie, ni belle ni bonne, que nous cherchons à taire à tout prix. Que vous m'ayez fermé votre mémoire ne me dérange pas. Vous m'avez ouvert votre coeur, et je vous en remercies...Maitre, puis-je vous ouvrir le mien, maintenant?


Il regarde alors, inquiet de la réponse, celui qui, bientôt, ne serait peut-être plus son mentor. Il passe les bras autour de son torse, l'épée toujours au côté, et regarde le large, espérant qu'il parviendrait à trouver ses mots...


wanou35 a écrit:
Ryes était pour moi comme une maison d'ami. Ce n'était pas chez moi. C'était le lieu où nous nous retrouvions entre amis, pour boire, s'entrainer et parler jusqu'au matin. Mon coeur a eu beaucoup de moments forts, là bas.

Si tu tiens à m'ouvrir le tien, ne t'en prives pas. T'en ai-je déjà empêché?


Et le jeune homme de se tourner vers lui, tremblant quasiment de ce qu'il allait dire. Il tripotait une fine branche du bout de la botte, et le capitaine dût insister avant qu'il ne commence son long récit:

Maitre...si vous avez déjà été amoureux, vous pourrez surement me comprendre...

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Loicisdumb
Valandil a écrit:
Maitre...Si vous avez déjà été amoureux, vous pourrez me comprendre...

Et c'est ainsi que commença la confession du jeune homme, le coeur ouvert et vulnérable, comme le plus jeune de tous les nouveaux nés. Il exhalait l'amour de tous ses pores, il était Amour, et il le montrait, et de quelle façon!

Il parlait, vibrant, élogieux, le coeur se libérant d'un coup d'un seul d'un poids lourd à porter depuis des semaines, celui d'un amour naissant, que l'on ne peut contenir. Il avait besoin de parler, comme l'on a besoin de s'épancher dans les latrines au lendemain d'une bonne soirée de beuverie. Il avait besoin de hurler à la terre entière son bonheur, et ce soir-là, pour cet être solitaire, qui n'avait jamais grandi que dans les jupes de ses parents, ou au milieu d'autres escuyers, oubliés de la plupart qui accomplissaient leur travail, comme lui, était un soir où il entendait, à travers sa courte vie, à travers les frontières des possibles et des enjeux, crier qui il était à la terre entière, crier qu'il voulait devenir quelqu'un et vivre, vivre par-dessus tout, mais à deux maintenant, comme le Yin et le Yang fusionné, comme le soleil et la lune imbriqués, comme la terre et la mer embrassés...

Le chevalier écouta attentivement l'exposé du coeur du jeune homme, admiratif devant le flot de sentiments et de paroles qu'il exhalait aux 4 vents. Il déversait pleinement son énergie dans cette tâche, il se vidait en elle, comme un fleuve restreint à un lit trop faible, et cette énergie débordante atteignait le chevalier, et le fit vaciller sur ses gonds. Alors que le jeune homme parlait, parlait, sans cesser de parler, de ses cheveux, de ses yeux, de ses mains et de tout son être qu'il n'avait qu'entraperçu, mais qu'il désirait désormais au-delà de tout possible, l'homme mûr en face de lui prenait conscience des différences grandissantes qui s'installaient entre eux désormais.

Car le jeune homme voulait vivre sa vie, quoi de plus normal? Avait-on le droit de lui dire de mourir pour un suzerain, un royaume? De sacrifier sa jeunesse, sa vie, son énergie à protéger les autres?
Et soi, en cela? Quand s'occupait-on de soi, alors que l'on s'oubliait pour les autres? Comment arriver à atteindre le bonheur, que tous convoitent, et que si peu trouvent?

Et alors que l'Amour, sous les rayons du couchant, s'exprimant pleinement, comme si sa Muse avait été au-dessus de la tête du jeune homme, le doute assaillait encore ce vieux cerveau. Le Destin était cruel...Ce qu'il devait faire, était-ce bon pour lui? Sûrement pas à priori. Mais à postériori? Etait-ce la meilleure solution? Il se la posait, et il le fixait...


...et elle est si...parfaite, parfaite, vous comprenez? J'ai en permanence l'impression qu'elle me regarde d'un nuage, d'un arbre, d'une vague...J'ai...Je me sens bien, ainsi...

Vous me comprenez? Maitre? Qu'en pensez vous?


Regard alors inquiet vers son mentor qui affiche le regard sombre, la tête penchée en avant des mauvais jours...Le regard se perd dans le vague, vers le rivage...

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Loicisdumb
wanou35 a écrit:
J'en penses que tu viens de vivre surement l'une des expériences les plus fortes de ta vie, et j'en suis heureux.

On devient plus conscient de l'importance des autres, lorsque l'on est amoureux. Mais il ne faut pas que cela te détourne de ton but, Valandil. Ton but est de mourir pour ce royaume, tu le sais. Tu n'as aucun autre avenir que celui là. Penses-tu qu'il serait une bonne chose, que tu partages cela avec celle que tu aimes? Ce poids la satisferait-il?


- Mais...maitre...Mais pourquoi devrais-je forcément devenir chevalier? Pourquoi ne pourrais-je pas mener une vie différente, loin de la chevalerie, loin de la guerre? Je veux avoir une famille, moi! Une famille que j'aime, qui m'aime, des enfants, un lopin de terre...

Je ne veux pas de la guerre. Je ne veux pas de la mort. Je ne veux pas des larmes et du sang! Pourquoi refuserais-je le bonheur à celle que j'aime, et à moi-même?

Parce que tu ne comprends pas...Il tourne alors, lentement, son regard vers lui. Ce regard fixe, dur et froid, qui en avait fait plier plus d'un.

Crois tu que tu aies le choix pour quoi que ce soit? Crois tu que tu aies choisi d'être né ce que tu es? D'etre devenu noble, à la suite de tes parents? D'avoir été choisi par Dieu comme mon filleul?

Allons, Valandil...S'il n'y avait pas la volonté de Dieu, je t'en écouterais presque.
Mais viens ensuite le pire...

Imaginons que tu ne suives pas la voie du chevalier. Que deviendrais-tu? Petit cultivateur, ou jeune noble, bien à l'abri dans ton chateau?

Et lorsque la mort, qui ne manquera pas de continuer sa fauchée pendant ta villégiature, pointera le bout de son nez à nouveau dans ta vie, que diras-tu? Que diras-tu lorsque le malheur, la mort et les larmes à nouveau te rattraperont? Qu'au moins, tu es épargné? Qu'au moins, tu as réussi à vivre sans problèmes?

Valandil, l'Homme ne cherche que son Bonheur individuel. Je pensais que tu aurais compris que justement, un chevalier ne cherche pas son bonheur, car il ne peut etre heureux tant que les autres souffrent...

Tu es déjà un chevalier. Que tu le veuilles ou non. Alors meme que tu regardes cette falaise, que tu regardes cette vie qui foisonne autour de toi, tu imagines la guerre et la destruction y faire des ravages. Tu imagines les villages cotiers dévastés, en flammes, les femmes violées, les enfants étripés, les hommes tués, les vieillards pendus, ou brulés vifs. Est-ce cela que tu veux laisser faire? Si tout le monde choisit sa propre personne, son propre confort, c'est ce qui arrivera. C'est une chance, qui t'es donné! Une chance!
Une chance que Dieu met entre tes mains d'aider ton peuple, les tiens, à vivre dans la paix, l'harmonie, la gaieté, sans se préoccuper de la guerre! Veux tu le leur enlever, parce que tu es amoureux?


Et valandil ne répondit pas, car il savait qu'il avait déjà perdu...Qu'aurait-il pu ajouter? Il ne pouvait désormais que se lamenter sur son sort, car le sort d'un Homme n'est jamais facile...

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Valandil a écrit:
Il continua malgré tout à observer la cote, le regard perdu vers les îles de la Bande.

Il ne savait que répondre...Il était perplexe, coupé en deux. Les bottes calées dans l'herbe de ce promontoire rocheux, il entendit alors les paroles qui allaient tout changer. Celles qui détruiraient leurs deux vies...


- C'est ici que j'ai pris la décision, comme tu la prendras un jour, de protéger ceux que j'aime. C'est ici que j'ai vécu. Et...c'est ici que je voulais mourir...

C'est alors que Valandil tourna la tête vers son maistre, et ce qu'il lut le glaça d'effroi jusqu'au tréfond de son être. Plus tard, alors que ses nuits ne seraient jamais douces, il reverrait indéfiniment, encore et encore le regard que son maistre lui avait alors jeté.

Un regard non de compassion, non d'amour, non d'amitié.

C'était un regard de démon. Un regard de feu, sec et froid, destructeur et écrasant. Celui qu'il arborait sur le champ de bataille, à ses ennemis et à ceux qu'il combattrait.
La tête inclinée en avant, les yeux abaissés vers son ennemi, fixes, raides et emplis d'une colère et d'une froideur sans limite.

Il avait des yeux de tueurs...


wanou35 a écrit:
( Bande sonore à ne pas écouter trop fort! :wink: )

Alors que Valandil faisait instinctivement deux pas en arrière devant l'incarnation d'horreur, de puissance et de mal incarné qu'il avait en face de lui, et que le chevalier en faisait 2 en avant, un léger " Pwof! " se fit entendre.

Le mantel du chevalier venait de tomber au sol, masse de pélerine grise ayant combattu sous maints hivers, maints étés et maints combats, trouée de multiples impacts de flèches, de carrels et de perforations diverses.

L'herbe humide de ce début de printemps resplendissant de goutelettes d'eau gardée, et le sol spongieux restituant le bruit des bottes s'avançant.

" Splortch". " Splortch".

Lentement, le chevalier avance.

" Tziiiiiiinnng ". Raelinch est tirée, cette lame qui ne s'est jamais séparée de lui, avec qui il a failli mourir plusieurs fois. Le chevalier, regard fixe, avançant lentement, effraye de plus en plus le jeune homme face à lui. La lame tendue à droite, pas après pas, il se rapproche du jeune homme, et une seule phrase sort alors de sa bouche, fatidique, sinistre, résumant tout ce qui allait se passer alors:


Mets toi en garde, Valandil...

Le temps ralentit...Et se stoppe. Respirations, sifflantes, ou ralenties, battements de coeurs, accélérés et apeurés d'un côté, ralentis, sereins de l'autre.

Todom...todom...todom...todom...

Et voilà que le bal commence...

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Valandil a écrit:
L'attaque part, sifflante et tranchante comme une armée d'épées en ligne de bataille. Le chevalier a fait un coup de tranché, en oblique de bas en haut, et Valandil laisse alors échapper un cri de surprise et de terreur, qui lui monte des tripes, puissant et incontrolable.

La seule esquive qu'il trouve à l'attaque est de tomber au sol. Mais le chevalier n'arrête pas. Il frappe, d'estoc comme de taille, il vire, tourne et danse, le regard toujours fixé sur son adversaire qui doit se servir de toute la souplesse de son corps pour penser l'éviter. Le sol tremble, l'eau tombe en goutelettes perlées d'argent pur des fines touffes d'herbe, alors que la fureur se déchaine, fureur de l'océan chevaleresque, montant à l'assaut des défenses, des pitons rocheux apeurés qui plient, se tordent, et se cachent face à lui.

Hurlant, esquivant, il ne peut se résoudre à tirer son arme contre son maistre. Il danse avec la lame, jouant ce jeu inventé de nuit des temps par les combattants des âges oubliés, celui du duel d'honneur. L'ordalie est là, elle se poursuit face au soleil couchant qui arbitre le débat, et Odin, ou Dieu ( mais qui se soucie encore de qui tourne son visage vers l'action en cet instant? ), assistés de leurs saints et des anges, ou bien de tous les habitants du Niflheim, observent, impassibles, le duel de Titans, où l'on lutte pour sa vie, pour ses amours, et pour sa mort...

Puis, alors que la fureur retombe, la question, suppliante, apeurée, sifflante et tremblante:


Pourquoi? Pourquoi, maistre? Pourquoi faire ça? Que...que vous ai-je fais? Je...je ne comprends pas...

Et c'est l'effet consécutif à la question qui le fascine le plus. La froideur, comme une maladie enfin soignée, ou une gangrène amputée, retire ses longs tentacules de son visage, ramenant à lui son mentor, qui l'observe alors, empli d'une tristesse sourde et glaçante. Le témoin aurait alors pu jurer voir les arbres, eux mêmes, pleurer...

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wanou35 a écrit:
( Bande sonore ( faire abstraction des voix et bruitages...) )

La colère est alors telle la foudre, pétrifiante de puissance et d'ampleur, qui retombe aussi soudainement qu'elle s'est levée. Et ce que le jeune garçon aurait pu interpréter comme de la folie meurtrière, qui en fait n'était que résignation et détermination à accomplir son oeuvre, se fissure et se craquèle.

Le chevalier gémit intérieurement, il sait qu'il ne doit pas faiblir, que c'est la seule solution possible...Les chevaux effrénés des remords montent à l'assaut des remparts de son coeur, et, malgré la farouche résistance acharnée et désespérée de son cervelet, de son esprit et de son âme, le coeur succombe aux assauts insidieux, et rend les armes.


Penses-tu qu'il faille faire quelque chose à un homme pour qu'il veuille te tuer, Valandil? Penses-tu que la colère, la haine et l'envie de meurtre ont des causes, à leur origine?

Crois-tu que meme l'Amour, lui-même, insaisissable et évanescent, a une cause, un effet, et une conséquence?

Les émotions ont-elles besoin de quoi que ce soit pour s'enflammer? Foutaises...

Depuis que je t'ai aperçu pour la première fois, dans les bras de ta mère, j'ai su.
Elle était venue voir la troupe des notres qui passèrent alors dans les ruelles d'Arles, après qu'ils aient aidés à la prise de leur mairie de malfaiteurs reconnus.
Je t'ai vu dans ses bras, tu n'avais que quelques jours. Déjà à ce moment-là, malgré ton jeune âge, et...ton absence totale de conscience de ce qui t'entourait, tu...tu as soutenu mon regard. Je pensais cela stupide, crétin. Mais tu l'as soutenu comme un homme adulte. Alors même que tu me voyais pour un étranger, tu gardais les yeux fixés sur moi, comme si j'étais une vieille connaissance.

Je n'ai compris que plus tard la probable vérité. Tu ne me reconnaissais pas parce que j'étais un signe de curiosité, une attraction. Tu me reconnaissais parce que je correspondais au but qui t'étais fixé...

Plus tard, quand ta mère est entrée en notre ordre, elle m'a proposé d'être le parrain de son fils. TON parrain, Valandil. Celui qui doit te diriger sur le chemin de Dieu.

Y vois-tu hasard? J'y vois destinée...

Quelles étaient mes chances que l'enfant soit le même? Elles étaient là...

Plus tard, que tu me croies ou non est le cadet de mes soucis, j'eus droit à une...apparition...d'un genre, comment dire?...Particulier. Ce qui en résulta est que je n'avais pas été choisi comme ton parrain pour rien.

Dieu nous regarde toujours, Valandil. Et le Destin, alors, avait choisir d'unir nos destinées. Je l'ai suivi, ce Destin. Je t'ai formé, éduqué. Je t'ai nourri, logé, blanchi, j'ai fais en sorte que tu puisses t'épanouir de la façon que tu jugerais satisfaisante. Je t'ai appris la voie du chevalier.

Mais vient l'épreuve suprême du chevalier, peut être plus importante encore qu'un combat contre toute une armée. Le combat contre ceux que l'on aime...

Tu me demandes pourquoi fais-je cela, Valandil? Je te répondrais par une autre question:

Que ferais-tu, si l'un de tes amis, ou meme Margot se plaçait devant toi, un poignard à la main, et menaçait de te tuer? Tu hésiterais à te défendre, parce que tu les aimes? Tu mourrais, laissant ton pays derrière toi?

Meme alors, Valandil, tu dois etre capable de faire abstraction de tout lien d'amitié. L'intérêt d'un pays, la Raison d'Etat, ne sont pas restreints aux sentiments. Et meme face à un élément traitre de ton entourage, meme face à ta mere qui désirerait te tuer, tu dois pouvoir te défendre.

L'élève doit dépasser le maistre...Tu dois me dépasser. C'est ton ultime épreuve, Valandil. La seule qu'il te restera à affronter par la suite, ce sera le combat contre toi-même. Contre tes travers, tes mauvais penchants, tes excès, tes défauts. Tu devras les combattre chaque jour, et chaque jour faire triompher le bien en toi.

Mais cela, tu devras le faire seul. Mon rôle s'arrête désormais ici, face à toi. C'est en tuant ton maitre que tu pourras le dépasser, et te mesurer à l'aune de tes possibles, en dépassant les miens.

Comprends-tu ce que je te demandes?

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Valandil a écrit:
- Comprends tu ce que je te demandes?

Oui, il le comprenait, même trop bien...Il lui demandait de dépasser toutes les barrières qu'ils s'étaient mutuellement instaurés, de dépasser le respect de l'élève envers son maitre, et de le tuer froidement, comme s'il n'était qu'un vulgaire tueur. Et il espérait que l'explication selon laquelle relever un défi, subir une épreuve réussirait à lui laisser la conscience en paix, face à cette mort?

Son maitre lui avait toujours caché une part de la vérité. Parce qu'il était trop jeune, parce qu'il n'était peut etre pas assez expérimenté pour comprendre les tenants et les aboutissants de chaque circonstance. Ou, peut être, parce que son maitre agissait ainsi comme il l'avait toujours fait: en gardant pour lui ce qui aurait pu le mettre en danger, ou lui en faire savoir trop.
Un joueur de cartes dévoile-t-il tous ses atouts, lorsque l'heure vient?

Ou ne les garde t'il pas en main, attendant le moment opportun?

Il le sentait, le chevalier n'abattait pas toutes ces cartes devant lui. Et cette déclaration, bien que solenelle, ne put l'empêcher de se sentir méfiant. Que lui cachait-il? Il n'allait tout de même pas accepter de mourir pour son enseignement? C'était si...stupide! si puéril! Qu'est ce qui clochait?


Vous osez me répondre que c'est pour me former? Vous osez me dire que vous voulez me tuer, et que je devrais vous tuer à mon tour, parce que je dois devenir un chevalier?

Cela n'a aucun sens...Dans d'autres circonstances, j'en rirais peut-être.

Vous prétendez que nous aurions été destinés à nous entretuer, et j'en ris aussi. Le Destin n'est affaire que d'interprétations, de vues qui concordent ou non. Il n'y a que ceux qui ne se sentent aucune responsabilité dans leur vie qui croient au destin. Le monde tourne surement par la volonté de Dieu, mais il n'interviendra jamais dans nos échanges. Parce qu'il nous laisse libre, parce qu'il ne veut rien nous interdire, si nous sommes ses enfants.

Il veut que nous l'imitions, et que nous parvenions à ce qu'Il est. Un chevalier, bien que ses buts soient nobles, tente de le faire en combattant, en luttant pour les autres. Mais ce n'est pas la seule voie possible...J'en veux une autre. L'épée a d'autres buts que ceux de tuer, de détruire. L'escrime a d'autres visées que la destruction ou la mort, la guerre, et je veux m'entendre à les trouver.

L'épée ne servira jamais qu'à tuer. Je veux l'utiliser pour autre chose, et vous ne m'en empêcherez pas. En tout cas, pas avec ces arguments.


Et, pour la première fois en 6 ans de tribulations communes, se produisit alors l'inconcevable pour tous deux. Le jeune homme, haletant, en nage, hors d'haleine devant l'attaque brusque et rapide, le regarda alors, et soutint son regard. Nul ne baissa alors son regard, prunelles face à prunelles, iris face à iris, s'affrontant dans le combat le plus dévastateur de ce monde: le combat des Volontés...

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modius a écrit:
une ombre s'approcha des deux hommes, s'arreta à une distance raisonnable et regarda la scene qui se produisait devant elle.

des milliers de question fourmillaient dans sa tete, mais aucune voix ne se fit entendre. Elle restait à coté des deux hommes qui se regardaient intensement...leur corps tendu l'un vers l'autre dans une danse qui allait s'averer etre mortelle pour l'un des deux.

Cette hombre reconnu de suite, l'homme le plus agé des deux. Une vieille connaissance à vrai dire. Un homme d'une gentillesse sans limite et d'une bravoure sans borne.
Le temps avait coulé depuis leur séparation, qd Erwyn n'était qu'un chevalier errant avec ses compagnons et aidant leur prochain à resoudre les adversités de la vie.

ce bon vieux Erwyn dit doucement l'ombre.

le jeune homme qui lui faisait face était de la même prestance, de la même carrure.

un deuxieme Erwyn? se demanda l'ombre.

Le choc viril venait de se produire.Un éclair de fer jaillissait de l'impact des épées. L'ombre se résigna à ne pas bouger et à ne demeurer que spectateur... ou plutot juge et homme de confiance.
Chaque combat à son Juge. L'ombre remplissait cette fonction.

Une petite caissette dans sa sacoche, une missive lui avait demandé d'apporter cette dernière à l'endroit ou elle etait à présent.
Le vent etait printanier et souffler plus fort, à chaque impact, chaque attaque. Il accompagnait la vigueur de chacun, la rendait plus intense encore.

un belle nuit pour mourir se rendit compte l'ombre.

elle se posa pres d'un rocher et attendit la fin de l'affrontement. Meme si le combat entre les deux hommes allaient s'averer long et violent.

Modius serra le paumeau de son épée comme pour donner sa force à chacun.

M.

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wanou35 a écrit:
Et l'échange se poursuivit...Les yeux dans les yeux, celui qui s'acheminait vers la vieillesse répondit, cinglant:

L'épée est une arme, l'escrime un art de tuer. Le chevalier est un tueur, un tueur qui pense avoir de bonnes raisons pour tuer.

Malgré tous tes beaux mots, toutes tes belles paroles, il ne restera jamais que cette vérité. Un chevalier vit par sa lame, qu'il brandit quand il le juge opportun, et par son esprit. On tue parce que l'on doit tuer. On tue parce que d'autres doivent vivre. On tue des forts, voulant tuer des faibles, pour que les faibles puissent vivre. On tue des hommes, pour que la violence et la mort cessent enfin un jour d'exister. Tu peux juger cela stupide, tu peux juger cela inutile, il n'empeche que depuis des générations, le flambeau passe, avec ce seul objectif.

Comme lorsque je t'ai sauvé, en Franche-Comté. J'ai tué des malandrins, pour te sauver. Beaucoup de brigands. Mais ils étaient des hommes, aussi. Et ils tâchaient uniquement de survivre, dans cette époque troublée. J'ai accepté le poids de ce sang, parce que tu étais sans défense, et que tu devais vivre.

La lame, tu l'as déjà. L'esprit aussi. Tu pourras tourner le dos tant que tu voudras, tu raisonnes d'ores et déjà en chevalier, et vivras en chevalier. Je t'ai trop bien formé, et tu as été trop bon élève...

Mais tu te leurres. Nul, à partir du moment où il a appris à penser aux autres, ne peut plus penser à son intérêt personnel. C'est une éducation. C'est un mode de fonctionnement.


Et alors, le vent du large s'engoufrant dans leurs cheveux, les mouettes et les albatros assemblés tournoyant en une ronde funèbre autour d'eux, vint ce qui, plus que ce qui allait suivre, allait faire tourner l'issue du duel. Les yeux du chevalier se baissèrent, se ramenant sur l'océan. Une inspiration, à peine ourdie, partit de sa poitrine, à destination des dieux des océans.

Je me fais vieux, Valandil...

Tu veux une autre raison pour me tuer? Tu as réellement besoin de ça? Alors écoute...

Je suis devenu chevalier à l'âge de 18 ans. Je n'ai pas cessé depuis lors de défendre ce royaume. ( HRP: Le personnage de Wanou est maintenant créé depuis 32 mois, ce qui lui donne 50 ans).
J'ai toujours été l'un des meilleurs bretteurs de la Licorne, si ce n'est peut etre du royaume. J'ai cotoyé les meilleurs hommes, les meilleures lames. J'en ai défait certains, j'ai été défait par d'autres.

Mais je me fais vieux...Mon art décline, lentement mais sûrement. Aujourd'hui, je ne peux plus faire les memes prouesses qu'à mes vingt ans. J'ai failli plusieurs fois, à Angers, mourir pour des actions stupides, ou des manques de vigueur, de rapidité. Et cela continuera...

Je ne veux pas voir ma déchéance. Je ne veux devenir un poids pour personne. Je veux...mourir en ayant le sentiment d'avoir toujours été utile, et de ne pas avoir été une bouche inutile à nourrir. Tu voudrais, Valandil, me refuser cette mort? Tu voudrais me dire de vivre encore, si c'est pour vivre de plus en plus dans le noir, sans bientôt entendre ou comprendre ce qui m'entoure, sans bientot pouvoir tenir une épée ou quoi que ce soit?

Et de quel droit? De quel droit me le refuser?


Et le regard vif, il redresse les yeux, brillants d'eau translucide, prête à sourdre.

De quel droit refuser à ceux qui souffrent une mort digne, rapide? De quel droit refuser à ceux qui ne veulent plus vivre la mort?

Je suis vieux, Valandil...Vieux, empli de souvenirs et de fantomes...Beaucoup de mes amis sont morts, et je peux dire que je suis plus attendus en Son paradis que regretté ici bas.
Je t'ai choisi pour me tuer, je t'ai choisi pour etre celui qui triompherait de moi, et tu ne veux pas de cela? Tu refuses ce dernier cadeau que tu puisses me faire?

Tu ne comprends pas que je puisses mourir pour te voir devenir un homme, un chevalier? Tu ne comprends pas que je veuilles succomber de TA lame, plus que toute autre, car elle est tienne, et que c'est moi qui l'ai formée?

Que...que dois-je faire de plus, pour que tu acceptes de me tuer? Que dois-je dire, que dois-je penser? Que dois-je même imaginer, pour te faire changer d'avis, toi qui ne peut même abréger les souffrances de quiconque?


Et, ceci étant dit, il essuie ses yeux qui, piquants, l'éprouvaient autant qu'un rasoir, et, reniflant de façon retenue, fixe son élève, celui à qui il a tout appris.

Celui à qui il a donné la vie, et qui veut lui refuser la mort...

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Valandil a écrit:
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Citation:

" Sur mon honneur je déclare, qu'il n'existe nul labeur, nulle souffrance, nul mal qui puisse m'empêcher d'accomplir mon devoir.

Bien que notre royaume traverse crises, troubles, guerres, trahisons, complots et vilainies, notre ordre s'élévera toujours là, toujours tel un astre flamboyant pour rappeler aux hommes notre règle: justice et bravoure.

Tel un soleil au milieu des nuages, que je devienne l'élément organisateur du bien, et que je serve la veuve et l'orphelin, le faible d'esprit comme le malingre, et que je choisisse avant toutes les solutions celles qui engagent au dialogue et au partage plutot qu'au conflit et à la guerre. "



Bande Sonore ( écouter à partir de 3 min 07 )

Le jeune homme se tourna alors, pour regarder la mer. Etait-ce son destin? Avait-il été désigné pour se faire? En avait-il le droit, le pouvoir? Oter la vie à un autre homme n'est pas si aisé, surtout quand on ne le veut pas...Erwyn avait fait son choix. Il devait le respecter, meme si cela lui coutait.

Dieu, que la vie parfois était dure...Tremblant, tâchant d'éviter les pleurs qui menaçaient ses yeux, il dégaina sa lame, qui n'avait encore pas de nom, et se tourna vers son maitre, la lame levée, prêt à frapper.

Serait-il digne de rester en vie? Il le verrait ce soir, face à son vieux mentor. Il le verrait de la pointe de sa lame...


Je vous hais. Je vous hais et je vous maudis, pour ce que vous me demandez de faire. Vous me forcez à prendre ce pêché sur moi parce que vous n'avez pas le courage d'en finir par vous-même. Parce que...parce que...sa voix s'étrangle alors, et une bille d'argent, en forme de perle, roule sur sa joue, allant jusqu'au sol.Parce que vous ne m'avez jamais vu que comme un outil, destiné à vous tuer un jour, et à prendre votre place...

Mais...Mais je le ferais.


Il prend alors une longue inspiration, ferme les yeux, chassant les larmes qui affluent et, relevant la tête, finit enfin.

Qu'il en soit ainsi...

- C'est un beau jour pour mourir...entendit il le chevalier répondre, soupirant à son tour, avant que de se mettre en garde, et de foncer vers lui, en un fracas des armes chaotique, digne de saint Michel, de Lancelot ou d'Achille...



















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