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[RP] Sous les quais de Montpellier...

Cristòl
Un sourire dans le vague, et Cristòl répond :

-« Retrouvez la mémoire, Maëlie, et si à ce moment vous avez encore envie de me remercier, alors je vous dirai ce qui me plaira de recevoir de vous.
Sinon, vous ne me devrez rien. »


Son pardon. C'était ce qu'il voulait. Mais lui en parler, lui accabler l'esprit avec cela, il s'y refusait.

Ils arrivèrent bientôt en vue de l'Hostel Desage, et Cristòl posa son regard vairon sur Maëlie.


-« Nous y sommes. Si Adrien est là, je vous laisserai avec lui, il saura prendre soin de vous et de votre mémoire. Prenez soin de vous, Maëlie. »

Il détacha son bras des épaules de son ancienne promise, et s'avança vers l'intendant de Desage :

-« Ola, Intendant... Votre maître est-il céans ? Une sienne amie, Maëlie, est de retour après un long voyage, et requiert audience et hospitalité. »

[C'est ici que je vous abandonne pour l'heure ^^]
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Ma seule étoile est morte,& mon luth, constellé - Porte le soleil noir de la Mélancolie.
--Uc
L'attelage venait de quitter la rue Mauguio, grand boulevard marchand qui menait à son extrêmité Sud-Est, à la porte du Peyrou, pour s'engager dans la rue de la Justice. Ils entraient ainsi dans le Quartier de la Saunerie. C'était ce qui faisait l'Est de Montpellier, à l'intérieur du vieux mur d'enceinte. Ce quartier bourgeois et calme, abritait les résidences de quelques riches marchands et fonctionnaires parvenus. On n'y trouvait peu d'ateliers et beaucoup de demeures. De grandes bâtisses qui étaient récentes pour la plupart, avec des fenêtres en nombre et parfois quelques colonnades. La foule y était moins dense que dans les rues du Quartiers des Garmes, où se trouvait le marché et d'où venait la charette de la famille Desage. Les gens, dans la Saunerie, étaient souvent beaux. Cette beauté un peu fausse qu'ont les gens riches et dont il semble qu'on ne peut leur retirer d'aucune manière. Les potagers dans les jardins rivalisaient en couleurs et dégageaient dans les rues, des odeurs sucrées et enivrantes.
Il y avait également dans ce quartier quelques administrations et des établissements de trésorerie. Enfin, lorsque l'on arrivait au croisement de la rue de la Justice et de la rue de la Comédie, on trouvait quelques tavernes richement meublées. Malgré leurs caractères bourgeois, ces établissements de joies qui bordaient le vieux mur d'enceinte, formaient une frange qui annonçait derrière la muraille, les grands quartiers populaires des Faubourgs du Peyrou.

L'Hotel de la famille Desage était situé en plein milieu de la rue de la Justice. C'était particulier pour qui connaissait le caractère rugueux du baron de Crussol, plus encore d'ailleurs pour qui avait déjà visité la rigueur du rocher de Crussol et son château si martial, d'imaginer qu'il eut pu établir sa demeure dans un endroit à la richesse si affichée.
C'était tout simplement un lieu qu'il affectionnait et il ne fallait pas y chercher plus en avant. En arrivant à Montpellier, Adrien Desage était dans une période extrêmement tourmentée de sa vie, et avait vu dans ce quartier paisible, un endroit de quiétude, dans lequel les rigueurs de la vie pourraient s'adoucir. A ce temps d'ailleurs, la Saunerie était peuplée de bâtiments bien plus vétustes. Il avait suffit qu'elle devienne le terrain de jeu de quelque école d'architecte, soutenues par le mécénat bourgeois, pour qu'elle prenne ce caractère doré d'aujourd'hui.

Dans cette ambiance, la "charette à l'âne" ne manquait d'ailleurs pas de faire jaser tant elle avait l'air d'être un chou dans la salade du roi. Mais on prenait soin de rire sous cape et en silence, car partout dans le quartier, on savait de qui elle tenait et quelle considération militaire l'on donnait au baron de Crussol. A la crainte de l'ancien général, s'ajoutait du reste, tout le respect que vouaient les habitants montpelliérains à sa fille Liloïe, bourgmestre emblématique de la capitale.
L'attelage arrivait enfin devant l'Hotel familial. Uc fît ouvrir deux lourdes portes en chêne sur le côté de l'édifice, qui montaient bien à six coudées de haut et qui s'ouvraient sur une petite cour carrée et parfaitement pavée. Alors qu'il allait s'y engager à la suite de la charette, une voix le héla par derrière.
Il ne reconnu pas Cristol, et il était probable qu'il ne l'eut d'ailleurs jamais vu. Néanmoins, à l'allure et au ton employé, l'esprit vif de l'intendant ne prit qu'un instant avant de lui décider d'être un personnage d'importance. Il considéra avec étonnement la jeune femme. Maëlie, c'était un nom familier, et même, il l'avait déjà vu plusieurs fois. Dans la Maison Desage, Uc était un cache-secret et avait lui-même prit soin que rien de l'Amour qui liait le baron et l'ancienne dame de Lauzière, ne soit dévoilé au personnel.
Pourtant, il lui fallu scruter ce visage, par delà la pauvreté et la crasse, trouver la noblesse derrière les haillons reconnaître ce regard doux derrière l'ignorance affichée. Uc ne fût pas trop long à se tirer de cet exercice. Par chance pour Maëlie, cet homme au physique singulier était lui-même particulièrement physionomiste.
Il ouvrit des yeux ronds d'étonnement:


"Do... Donà Maëlie!" s'exclama-t-il, figé de stupeur.

Uc, profondément respectueux de toute forme de tradition, ce qui s'accomodait bien avec la rigueur de son maître, s'inclina. Il y avait devant lui, au moins deux fois matière à plier le genou.

Reprenant quelques peu le fil de son esprit, il répondit cette fois au comte du Gévaudan, ignorant du reste tout de son rang réel:


"Senher, mon maître le baron de Crussol est absent en ce jour. Il est parti combattre à Lodève, pour défaire la ville des renégats qui l'ont prise. Si le Très Haut le veut bien, il sera de retour demain, au soir."

Il y eut un instant de silence, mais Uc renchérit immédiatement:

"Mais qu'à cela ne tienne, il y a bien de l'hospitalité pour dame Maëlie, dans la maison. Elle pourra si elle le souhaite, attendre le baron et..."

L'intendant paru gêné, et termina d'une voix mal assurée:

"... se vêtir de façon plus confortable..."
Maelie
Maëlie leva les yeux au ciel lorsque l'intendant s'inclina devant eux. Evidemment, Cristòl était du genre intimidant et persuasif : elle-même avait accepté de jouer le jeu, alors comment s'étonner que l'intendant s'y plie ? Elle haussa les épaules, avec l'espoir de lui faire comprendre plus tard ce qu'il en était.
Ses sourcils se relevèrent lorsqu'il évoqua une bataille dans une ville voisine : Adrien était un guerrier. Il reviendrait surement blessé et fatigué... Avait-elle le droit de s'imposer ?
La dernière remarque sur sa mise lui fit retrouver sa bonne humeur et elle éclata d'un rire franc. Elle s'inclina devant Cristòl qui s'éloignait déjà.


Encore merci! Merci pour tout, mon Seigneur ! Je ne vous oublierai plus !

Puis elle adressa à l'intendant un sourire malicieux.

Mestre, laissez donc tomber le "Dame". Quoiqu'en dise ce Seigneur, je ne suis qu'une pauvre femme, certainement pas une dame. Je suis venue porter un courrier au Seigneur votre Maître, mais s'il revient de la guerre, il aura surement mieux à faire que de recevoir une pauvresse... Cela dit...

Elle se mordilla la lèvre inférieure, songeuse et soudain gênée.

C'est-à-dire... Je n'ai guère d'endroit où loger, alors si votre hospitalité tiens toujours, je pourrais rendre de menus services aux cuisines et au ménage pour la nuit ? Le temps de remettre ce courrier et je vous jure de ne plus importuner personne dans cette demeure. Juré !

Elle lui sourit, essayant de laisser transparaître toute sa sincérité et de cacher sa crainte : après tout, si la chance se prolongeait et qu'elle pouvait passer une nuit au chaud, pourquoi tourner le dos à un don du ciel ? Son regard alternait entre l'intendant et le somptueux bâtiment qui les surplombait : peu à peu, elle commençait à perdre de son assurance en mesurant l'importance et la richesse du Baron de Crussol. Peut-être était-il encore temps de mettre les voiles..?
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De l'art de recevoir...
Occitania per totjorn !
--Uc
Le malheureux intendant ne su plus à quel saint se vouer. Quelle drôle de farce était-elle entrain de se jouer là? Cette femme si vertueuse qu'il avait connu se trouvait là, déguenillée devant lui, avec des airs de bougresse et lui tenant des propos d'ignorante? Mais il n'était pas si nigaud. Si cétait une ruse du Sans Nom pour le perdre, il se vantait déjà intérieurement de déjouer les plans démoniaques les plus malicieux. Balayant l'air d'un revers de main - quel maheureux geste n'eut-il point fait, Maëlie empestait le poisson et il venait de s'auto-gazer - il s'exclama:

"Nenni, vous n'y pensez pas? Vous en cuisine? Par la sainte Vierge, le baron me fera bouillir dans du vinaigre pour vous avoir laissé ainsi vêtue, et pis encore si je vous faisait par malheur travailler avec le petit personnel!"

Uc tira derrière lui le battant de la lourde porte, sorti de sa besace une lourde clé d'étain et ferma la serrure avec une certaine frénésie. Il entraina ensuite Maëlie jusqu'à l'entrée principale. Cette porte était moins massive que la précédente, mais autrement plus travaillée: il y avait sur les poignées en cuivre, de petits hiboux gravés. Au dessus de la porte, il y avait un gable, à l'intérieur duquel étaient grâvées les armoiries familiales, celles de La Voulte à la droite, et au dessus, celles de Crussol. Les armes de Crussol étaient fraîchement peintes sur la pierre. En effet, elle n'étaient dans la famille que depuis tout récemment. Et chaque côté du gable, était orné jusqu'au sommet, d'une branche d'olivier taillée dans la pierre.

L'intendant ouvrit la porte et invita Maëlie à entrer dans le vestibule. Il ne fallait pas qu'elle résiste, elle devait avoir comprit que son tour avait été déjoué. Elle dirait au baron combien son serviteur était dévoué et censé et il serait chaleureusement récompensé. Uc était satisfait.
Maelie
Un instant, elle était dehors, et l'instant d'après, elle était dedans. Paf, pouf ! Eussions-nous été au vingtième siècle qu'elle aurait pu le confondre avec Gérard Majax ! Un peu plus et il allait lui dire que le Baron allait surgir d'un mur sans crier gare...Mais non, ce n'était qu'un intendant, efficace, zêlé, à fond les ballons dans sa tâche et contre laquelle une jeune femme paumée - plus si jeune, notez bien - ne pouvait pas grand chose.

Elle se laissa donc bringuebaler jusqu'à l'entrée. En passant, elle fut terrassée par les armes gravées et peintes, le hibou côtoyant les riches armoiries du Baron. Elle eut le sentiment soudain et désagréable d'être une espèce de souris crottée coincée dans une cage trop belle pour elle. Par un effort de volonté, elle s'obligea à se redresser, tête carrée bien droite sur les épaules et se tourna vers l'intendant, affichant une mine faussement détendue. Puisqu'il la prenait pour une dame, autant la jouer à fond, hein...


Soit, je vous remercie pour votre hospitalité, Mestre. Elle est digne d'une maisonnée aussi noble et honorable; et cet hostel est une splendeur, je suis positivement impressionée ! Puisqu'il en est ainsi, auriez-vous l'amabilité de m'indiquer où je pourrais me décras.. euh... me laver un peu ?... je vous prie ? Je m'en voudrais de souiller d'avantage la demeure du Baron de Crussol.

Bon, ce n'était pas encore tout à fait ça, mais elle sentait que ça venait - peut-être un peu trop vite pour que ce soit normal, d'ailleurs - et finalement, c'était assez marrant, si on exceptait ses pieds plein de gadoue et le parfum "effluves de poissonnerie". Satisfaite, elle le regarda bien droit dans les yeux avec un sourire charmeur.
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Maelie
[Ambiance musicale]
Elle ne sut pas si sa prestation avait été convaincante ou non, mais peu lui importait au fond. On la fit patienter pendant qu'on préparait le baquet d'eau, dans une chambre à l'écart, puis on l'invita à s'y rendre pour s'y baigner. Les yeux de la jeune femme s'émerveillaient de tant de rafinement et de richesses réunis, comme si elle voyait ce spectacle pour la toute première fois - ce qui pour elle était bien le cas - s'abreuvant de la splendeur qui des boiseries, qui des tapisseries qui ornaient les murs avec sobriété et goût. Parfois, elle s'arrêtait pour prolonger sa contemplation, vite rappelée à l'ordre avec diplomatie mais fermeté pour qu'elle poursuive sa route. A ses lèvres flottait un sourire rêveur, comme si elle ne parvenait pas tout à fait à croire à la réalité de ce qu'elle vivait.
L'on poussa la porte de la chambre qui lui était allouée et elle poussa un petit cri émerveillé.


"Que c'est beau !"

La chambre comprenait des meubles de qualité et encore une fois, la décoration, sobre et chaleureuse, démontrait un goût artistique qu'elle approuvait sans réserve - sans s'étonner d'ailleurs de la sureté de son propre goût. Elle se tourna vers son guide, incrédule, qui la poussa à l'intérieur en lui confirmant qu'il s'agissait bien de sa chambre, et que le baquet d'eau était à sa disposition. On lui proposa bien l'aide d'une servante, qu'elle déclia le plus poliment possible, prenant sans s'en rendre compte les attitudes et les mots qu'elle avait déjà eus, par le passé. Ce fut donc seule qu'elle se défit de ses hardes et se glissa, d'abord prudemment puis avec un soupire de délice, dans l'eau tiède de son bain. Elle pencha la tête en arrière, s'abandonnant au bonheur de ce luxe sans prix, laissant sa chevelure flotter comme un nuage d'algues sombres autour de sa poitrine et de ses épaules. Les yeux fermés, elle finit par s'assoupir et ne vit pas entrer les domestiques, qui déposèrent en silence linges propres et sortie de bain immaculée. Peut-être, sachant la curiosité des domestiques et leur propension aux bavardages, peut-être saurait-on bientôt combien Dame Maëlie avait maigri, mais combien sa peau conservait encore sa teinte presque dorée et son corps sa féminité, quoiqu'il fut difficile à deviner dans l'eau grisâtre où flottaient les résidus de poussières et de boue sêchée. Quelques gloussements finirent par tirer l'endormie de son doux sommeil aquatique. Comme une nuée de moineaux, les servantes s'égaillèrent et sortirent précipitamment de la pièce.

"Attendez! Combien de temps ai-je dormi ?"

Un visage rond et aimable se pencha dans la porte et répondit.
"Voilà deux bonnes heures au moins que vous vous baignez, ma Dame."

La serviable servante sursauta et s'enfuit lorsque la naïade s'extripa brutalement du bain, exposant sans pudeur sa nudité. Boudiou, deux heures ! Pas étonnant que ses doigts soient tous ridés et l'eau si trouble. Beurk...
Elle sortit du bain et entreprit de se sêcher, tout en songeant à sa situation. Dans son insouciance, elle avait accueillit chaque bienfait comme un cadeau du ciel, sans malice ni arrière-pensée. Mais que penserait-on d'elle ? Que penserait le maître des lieux s'il découvrait combien elle avait profité de l'hospitalité de son intendant ? Elle pourrait jurer en toute sincérité qu'elle n'avait pas menti, et qu'elle avait tenté de détromper l'homme, mais le Baron la croirait-elle ? Qui pouvait prévoir les réactions d'un homme à qui elle rapportait une lettre qui n'était jamais parvenue à sa promise ? Elle se mit à frémir puis à trembler, soudain consciente du danger qu'elle courait. Ses yeux voltigeaient dans la pièce sans la voir, lorsqu'ils tombèrent sur les vêtements propre qui lui étaient destinés. D'où venaient-ils ? A qui appartenaient-ils ? Allait-elle encore alourdir sa faute ?
Avec un soupire résigné et rétissant, elle se mit en devoir de se vêtir. L'opération lui parût moins compliquée qu'elle n'en avait l'air, et la robe aurait pu lui aller à merveille si elle avait eu quelques kilos en plus : c'était une robe pour une femme bien née, une femme qui n'avait pas connu de privations. Cependant, en trichant un peu avec la ceinture dorée, elle parvint à faire ressortir sa poitrine et à attenuer sa minceur. La robe était d'un vert forestier sombre qui n'était pas sans rappeler ses yeux, à cet instant si inquiets. Les longues manches s'achevaient en une série de broderies fines et ouvragées à la hauteur du poignet, tombant jusque sur le dos de sa main. Les jupons blancs l'encombraient et lui alourdissait les hanches, rendant sa démarche plus malaisée et entravant la liberté de ses jambes. Enfin, elle passa de longues minutes à fixer les souliers sans oser les enfiler, craignant pour ses orteils. Quand elle dépassa finalement ses craintes, elle laissa échapper une exclamation de surprise : comment pouvaient-ils être à sa taille ? Quelle sorcellerie était-ce donc ?

Elle passa la tête par la porte et appela, espérant qu'on puisse répondre à ce mystère angoissent. Tandis qu'on la reconduisait en bas pour le souper, on lui raconta comment "elle" avait oublié cette robe lors qu'elle était de visite auprès du Baron, après qu'ils soient tous deux revenus de Paris, où elle avait reçu une magnifique broche des mains de la brue du Roy elle-même, la Princesse Armoria, pour avoir participé au patrimoine poétique du pays. La femme soupira : encore un autre pan de l'histoire de cette Maëlie, qu'elle découvrait... et qu'elle revêtait maintenant. Ce rôle commençait à lui faire un peu peur, tant il semblait lui coller à la peau. Etait-ce possible ?

Toute à ses pensées, elle ne vit pas passer le restant de la soirée, grignotant sans y goûter vraiment les merveilles culinaires qui sortaient des cuisines de l'Hostel, plongée dans une mélancolie pensive et inquiète qui privait tous les aliments de leur goût. Finalement, on la reconduisit patiemment à sa chambre en lui souhaitant la bonne nuit. La jeune femme se déshabilla et s'allongea dans le lit aux draps fins et immaculés, l'angoisse lui nouant le ventre : le retour du baron était pour le lendemain. Qu'adviendrait-il d'elle ? Elle se sentait comme ces condamnés à mort à qui l'on offrait un dernier banquet avant de les pendre, et eut toutes les peines du monde à se défaire de ce sentiment. Enfin, le sommeil miséricordieux l'emporta.

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Maelie
Après la nuit étrange qu'elle venait de passer, la jeune femme s'était démenée pour gagner le droit de sortir de l'Hostel et de se promener en ville seule : à croire que l'intendant avait peur qu'elle s'évanouisse dans la nature ! Bon, il fallait avouer que c'était un peu le projet initial, mais quelque chose poussait la gueuse à vouloir rembourser sa dette et mener sa mission jusqu'au bout. Elle put donc affirmer en toute sincérité au brave Uc que ouioui, elle reviendrait avant la mi-journée, et que ouioui, elle serait là pour le retour du Baron de Crussol. Heureusement pour elle, son nouveau rôle lui donnait le crédit suffisant pour qu'il lui accorde cette semi-liberté.

Elle poussa un soupire ravi lorsqu'elle put enfin humer à nouveau l'air de la ville : une seule journée était passée, mais il lui semblait une éternité depuis qu'elle n'avait librement fureté de ci de là. Elle entreprit de se rendre sur la place principale de la ville, où elle entendait des voix hêler les passants avec force et enthousiasme. Que se passait-il donc là bas ?


(A suivre)
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Maelie
(Précédemment)

De retour à l'Hostel des Desage, elle se laissa guider, songeuse, vers la table du repas - il était midi largement passé, ce qu'on lui fit remarquer avec force commentaires inquiets dont elle ne fit pas grand cas - plongée dans ses réflexions toutes récentes. L'activité frénétique de la ville, la rencontre avec cette inconnue qui lui avait sourit comme à une amie, cette brusque et soudaine soif d'apprendre, mais aussi l'impassibilité courtoise des miliciens envers elle depuis qu'elle était déguisée en noble dame, et la façon qu'avaient les gens de s'écarter sur son passage, de façon spontanée... tout cela la plongeait dans un trouble nouveau et profond.
Elle avait l'impression de se fondre trop vite, trop bien dans ce moule; l'impression que quelque part, il s'accordait au vide de sa vie, et cela provoquait chez elle à la fois fascination et rejet. Qui aimerait que sa vie soit déjà écrite à son insu ? Elle, en tout cas, n'aimait pas cela. Pas du tout. Et pourtant comment rejeter totalement l'attraction que provoquait sur elle ces promesses à peine voilées, cette vie de princesse, cette vie de grandeur qui semblait lui tendre les bras un peu plus à chaque instant ?
Elle devait résister. Elle devait absolument résister, coûte que coûte, sans quoi la chute serait rude lorsque le Baron mettrait fin à son mensonge. Mais pour un temps, encore, elle voulait bien être Maëlie.

A la fin du repas, elle prit l'après-midi pour se promener dans l'Hostel, passant quelques heures dans la bibliothèque, faisant connaissance avec la cuisinière - qu'elle félicita au passage - puis, en fin de journée, se retrouva aux écuries. Etrange parcours, en vérité, et seul quelqu'un ayant connu la vie de Maëlie pouvait en goûter la justesse. Il n'y avait pas beaucoup de bêtes, mais elle se sentit immédiatement à l'aise, avec le sentiment désormais familier d'y être à sa place et en même temps déplacée. Joyeusement, elle se mit à chanter à l'adresse des museaux curieux tendus vers elle.


"Un ange s'en est venu
Tout simplement vêtu
Tralalilalèreuh, tralalilalèreuh
Il m'a fait la promesse
Que j'étais un' princesse
Tralalilalèreuh, Tralalilalaaaaaaa!

Tout d'abord j'ai bien cru
Que j'avais la berlue
Tralalilalèreuh, tralalilalèreuh
Et pour bien vérifier
Je me suis fort pincée
Tralalilalèreuh, Tralalilalaaaaaaa!

Avec douce tendresse
Il refit la promesse
Tralalilalèreuh, tralalilalèreuh
Alors j'ai répondu
Ok, tope-là, vendu !
Tralalilalèreuh, Tralalilalaaaaaaa!

Il nous faut maintenant
Trouver un prince charmant
Tralalilalèreuh, tralalilalèreuh
Charmant oui, mais d'abord
Un prince qui m'aime très fort !
Tralalilalèreuh, Tralalilalaaaaaaa!"

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Occitania per totjorn !
Adriendesage
L'Astre était couchant lorsque le baron de Crussol et son homme de main arrivaient à Montpellier, accompagnés par les soldats de la garnison de la capitale. Adrien Desage n'était plus général de l'armée du Languedoc, ni même officier, depuis sa récente démission, mais il représentait encore cette figure patriarcale autoritaire pour ces hommes et ces femmes de guerre, qu'il avait si longtemps cotoyés et dirigés.
La route était encombrée par de nombreux convois, marchands pour beaucoup, voyageurs et pélerins pour d'autres. Tous s'écartaient prestemment devant l'étendard levé du Languedoc, que portaient les soldats de l'armée comtale, le lieutenant Auriia à leur tête. Lorsqu'ils eurent traversé le faubourg de Piles Saint Giles, et descendus jusqu'à la Porte de la Blanquerie, par la ronde nouvelle, le baron et son compagnon s'éclipsèrent dans quelques ruelles montpelliéraines.
Adrien avait mis pied à terre et tenait son destrier par la bride. La monture portait l'armure vide de son chevalier. L'ancien général s'était plus librement vêtu pour le voyage. Il ne portait plus le heaume, mais un chapeau noir élégant. Il avait laissé les plaques de métal de son armure pour s'entourer d'une cape blanche. Le blanc d'un deuil, deux amis chers, qui étaient désormais perdus et qu'il fallait oublier.
Les deux hommes marchaient silencieusement dans quelques ruelles étroites et sombres, où l'on ne cotoyait pas trop de monde. Les quelques rencontres étaient brèves: des hommes saoûls surtout.

Que fait un homme après une guerre? Ce dernier mot pourrait paraître grand et trop prétentieux, pour ceux des lecteurs qui savent qu'Adrien Desage revenait de Lodève, où les seuls adversaires combattus par toute l'armée languedocienne, avaient été un homme et une femme: Spartan et Christina. Néanmoins, le baron de Crussol revenait de Lodève bien plus las que lors de son retour de Provence, où il avait faillit mourir. Ce qu'il avait perdu à Lodève, c'était en plus d'amis, un lien dernier avec Elle.
Elle qui avait rendu douce la meutrière guerre provençale, et qui avait rendu prospère un coeur longtemps resté désolé. Adrien sentait peser sur ses épaules une solitude qu'il n'avait jamais enduré jusqu'alors.

Que fait un homme après une guerre? Il est des hommes, après une guerre, qui vont aux femmes, d'autres qui vont à l'alcool. Ce sont deux infîmes parties de réponse, que nous ne saurions prétendre à la rendre exhaustive. Adrien Desage apporta son lot à cette réponse et sans doute fît-il la même chose que bien d'autres. De façon que l'on puisse là peut-être éclaircir un pan entier de réponse à notre question.
Le baron de Crussol erra sans but, pendant longtemps. Sa langueur était communicative: ni lui, ni son compagnon n'eurent de reflexions pendant cette marche silencieuse. L'homme trouve parfois tant de déception que son corps se trouve ôté de toute forme d'âme pendant un temps. Qui sait où va se réfugier celle-ci, avant qu'elle ne revienne prendre possession d'un corps à l'âbime? Mais elle revient, au bout d'un temps. A cet instant, l'on croit s'éveiller d'un long sommeil. Adrien eut cette sensation. Pourtant, malgré qu'il n'y avait que peu de gens sur son chemin, nous pourrions trouver nombre de témoins, attestant que ce jour là, le baron de Crussol eut bien marché dans Montpellier tout éveillé, tirant son cheval par la bride.

La nuit tombait doucement lorsque le baron et son compagnon entrèrent dans la rue de la Justice. Un garde était en faction devant la porte et se chargea d'ouvrir la porte de la cour. Dans la bâtisse, une cloche sonna: l'on battait toujours le rappel de la maisonnée, lorsque le maître des lieux rentrait d'un voyage. Le personnel s'activa et des chandelles s'allumèrent un peu partout dans les couloirs.
Le baron n'entra point et se dirigea tout droit vers les écuries. Il n'y avait de place que pour quatre chevaux, et l'une de celle-ci était prise par l'âne d'Uc. La plus grande était vide et était réservée au destrier du baron, qui renacla à l'approche de sa chambre et d'un repos promis. Lorsqu'il entra, Maëlie chantait. Adrien aait les yeux rivés sur le sol et cette voix montait en lui comme un rêve étrange, venu des limbes. A aucun moment il n'eut le coeur qui accéléra, car il était persuadé d'entendre un songe. Les sabots du puissant cheval claquèrent sur les pavés de l'écurie...
Le baron jetta son chapeau sur un tabouret, mais conserva sur lui sa cape blanche, immaculée. Il se permis simplement d'en desserrer le col.
Alors, il fallait libérer l'étalon, il dû bien lever les yeux.


"Ma... Maëlie?" souffla-t-il de façon presque inaudible.

Sa main dextre s'était défaite du pommeau de son épée, qu'il tenait machinalement, et tomba dans le vide. Son coeur avait sans doute passé quelques tours et il était presque à présent, aussi blanc de peau que sa cape. Il aurait semblé livide, si un léger et timide sourire n'avait commencé irrésistiblement à ouvrir ses lèvres.
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Maelie
Toute à ses rêveries éveillées, Maëlie ne prêta aucune attention au son de la cloche. Ce ne fut que lorsque le clapotis métallique des fers annoncèrent l'arrivée d'un cheval qu'elle se retourna. Son coeur s'interrompit dans son oeuvre et son sang se figea dans ses veines lorsque son regard tomba sur l'homme qui venait d'entrer. Elle ignorait encore qui Il était, mais elle savait qu'elle n'oublierait jamais cette image, cette première impression. Il y avait un mélange de félin et d'homme, quelque chose de puissant, de sauvage et d'infiniment triste aussi, quelque chose qui lui semblait briller et s'étouffer à la fois. Il était comme un soleil assombrit par un énorme nuage, mais qui pourtant dardait aussi fort qu'il pouvait.
Elle inspira brutalement : quand avait-elle cessé de respirer ? Qui était-Il ? Etait-ce un valet ? Un Ecuyer ? Sa mise était très belle, sobre mais impeccable, laissant dénoter d'un statut indéniablement élevé. Il portait une épée à son côté. Se pouvait-il ..?

Alors, Il leva les yeux, et elle fut foudroyée par deux azurs limpides, où les émotions jouaient comme l'eau claire d'un ruisseau sur les rochers de son âme. A nouveau, elle entrouvrit la bouche pour chercher de l'air, marquant un mouvement de recul, terrassée par tant d'émotions, se mettant à trembler légèrement.


"Ma... Maëlie?"

Ce fut comme si un archet jouait une drôle de mélodie sur les cordes de ses nerfs, et tout son corps répondait à l'unisson. Oui, elle était Maëlie puisqu'ainsi Il en avait décidé. L'évidence parvint peu à peu à traverser le nuage de félicité qui obscurcissait son esprit... Maëlie ? Non elle n'était pas... Le Baron ! C'était le Baron de Crussol ! Ce ne pouvait être que lui, n'est-ce pas ?
Ses genoux ployèrent lentement d'eux-même, elle se retint à la porte d'un box, sans parvenir à détourner le regard. Une écharde maligne s'enfonça alors dans sa paume, lui arrachant un petit cri surpris et indigné, et la tirant tout soudain de cet état d'hypnose où l'entrée de l'inconnu l'avait plongée.


"Ah!"

Elle se tint de l'autre main au box, les yeux maintenant fixés sur sa main tremblante, au milieu de laquelle trônait une petite écharde de bois. Puis, comme dans un état second, elle plongea enfin dans une révérence profonde, espérant ne pas se fourvoyer une fois de plus.
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De l'art de recevoir...
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Adriendesage
Le regard que lui lança Maëlie à l'instant où il avait prononcé son nom, souleva chez le baron de Crussol une frayeur dont il ignora, à l'instant, tout de la teneur. Une ombre si mince, qu'elle fût presque immédiatement balayée par le bouleversement de joie et d'Amour qui bouillait en lui. Mais il se contînt, car le Malin usait de toutes stratégie pour dessiner son oeuvre. L'aurait-il rendu fol? Après tant d'attente, d'ignorance, de désespoir qu'était-ce? Un Ange? Un démon? Un rêve? Celle qu'il chérissait était-elle réellement là, devant lui?

Elle paru fébrile et vacilla. Elle s'écorcha, et s'exclama. Tout ceci paraissait réel. Adrien fît un pas. Rien ne s'était dissipé, alors il en fit un second, puis un troisième. Enfin, il se précipita. Il prit entre ses doigts les mains de Maëlie et la releva avec une infinie tendresse. Fallait-il qu'elle se trouva fort mal pour qu'elle s'abaisse ainsi devant lui?
Le visage du baron était à présent éclairé par milles feux. Ses yeux resplendissaient: ils étaient deux zéniths.
Alors, il la considéra. Elle était amaigrie et paraissait faible. Pourtant, ainsi vêtue de beaux et nobles atours, elle le confondit et Adrien cru la retrouver comme il l'avait quittée, trois mois auparavant.
Il lui écarta délicatement une longue mèche qui lui barrait le visage et s'approcha encore, car il voulait sentir contre lui son souffle. Un bonheur trop grand, qui arrive d'une manière abrupte, laisse toujours croire à l'illusion et il faut s'en faire la preuve deux fois, trois fois, quatre fois encore peut-être, pour en jouir pleinement.


"Maëlie, c'est donc bien-vous, là dans mon écurie, avec mes chevaux! Avais-je tant pêché pour que vous me laissiez ainsi sans nouvelles? Mais je n'ai point failli! Je vous ai cherché, puis attendu et enfin le Très Haut vous ramène à moi! Mordious, où étiez-vous?" déclara-t-il sans retenir sa joie.

Il voulait entendre sa voix, mais comme un enfant excité par la promesse d'un jeu prochain, il la pressait de questions:

"Ne vous-est-il rien arrivé? Par Dieu non, c'est impossible, vous étiez dans quelque monastère! Mais dites-moi lequel? Qui a pu échapper à mes investigations? Quelle maison du Très Haut entre Lodève et Montpellier a pu se soustraire à mon regard?"
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Maelie
Sa main blessée ne la lançait pas autant que son coeur. Car les mots qu'elle entendait, ces mots-là ressemblaient beaucoup trop à ceux qu'elle avait fini par apprendre par coeur en lisant la missive.
"Clic". Les choses se remettaient à leur place tout en perdant de leur substance, comme un puzzle imaginaire. Il était Adrien, et elle était Maëlie. Il fallait bien le croire, car lui entre tous, qui aurait dû la détromper, venait de le lui confirmer. Elle était Maëlie. Quelque chose en elle se fêla : que s'était-il passé pour qu'elle se perde ainsi ? Qui était-elle ? L'angoisse creusait son nid de plus en plus profondément dans son être. Le rôle qu'elle avait endossé par jeu allait-il l'étouffer et la tuer ? Devait-elle renoncer à elle-même pour être... Maëlie ? Mais qui était-elle d'autre, de toute façon ?

Pas le temps d'y réfléchir, déjà il s'approchait et lui prenait les mains dans les siennes. Elle frémit, sentant l'écharde s'enfoncer encore un peu, mais ne se plaignit pas. La tendre rudesse de ces mains avait quelque chose de rassurant et d'électrisant à la fois. Comment était-ce possible ? Quel tour du Sans-Nom était-ce là ? Et que lui répondre ? Comment lui dire ?

Elle resta là, quelques instants silencieux, noyée dans ses azurs, submergée par les émotions qu'elle y lisait. Enfin, elle baissa les yeux. Sa voix s'éleva alors, rauque, tendue et un peu effrayée.


Mon Seigneur Baron, je vous demande pardon. Je ne me souviens de rien... Je ne savais pas qui j'étais hier encore, et je ne voulais pas le croire avant de l'avoir entendu de votre bouche. Car vous êtes Adrien Desage de Crussol, n'est-ce pas ?

Elle leva à nouveau vers lui un regard interrogateur, scrutant ses réactions avec inquiétude. Une goutte de sang suinta dans sa paume droite.
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De l'art de recevoir...
Occitania per totjorn !
Adriendesage
Le baron fronça les sourcils comme le font les bergers montagnards, lorsque l'orage se présente sur les hauts sommets. Toute l'intensité de ce bonheur qui venait de le submergé fût presque instantanément figé. Ses mains pressèrent un peu plus encore celles de Maëlie et sa respiration, qui juste avant était profonde et volptueuse, se fût courte et discrète: une peur glaciale venait de l'envahir. Etait-ce un mauvais tour, pour le punir de l'avoir laissée au retour de Provence, pour encore guerroyer contre les armées brigandes qui sillonnaient le Languedoc? Tentait-elle là de mettre à l'épreuve sa détermination et sa vérité? C'était bien Maëlie, le baron en était certain. Sa voix, son visage, sa peau, ses mains... Il n'y avait rien qui ne puisse le tromper. Elle était bien devant lui. Alors, les mystères nés par le tas de missives qu'il avait reçu trois jours plus tôt trouvaient là leur explication.

L'Hibou se mit en garde. L'homme sentait poindre quelque douleur nouvelle. Mais il se fit violence et ne se résolu pas à entrer entièrement dans ce jeu là. Désormais, il restait deux solutions: Si c'était une farce, il se fâcherai. Avec la douceur d'un homme aimant, il aurait soin de lui dire comme c'était mal de faire ainsi se pâmer de remords un homme de bon coeur. Si c'était vrai, il irait avec elle chercher ces souvenirs, et même se dit-il "s'il faut aller jusque dans les latrines du Sans-Nom, je le ferai!". Cette perspective binaire suffit à rassurer l'ancien général sur l'avenir immédiat. A quelque cause que cela soit, de la première ou de la seconde option, après tout, Maëlie était enfin avec lui.
Ses sourcils se détendirent et l'Amour réchauffait à nouveau son sang. Il répondit avec bienveillance:


"Maëlie, si c'est de confiance qu'il s'agit et de me punir de ma maladresse, je vous jure qu'après avoir combattu aux frontières du Languedoc, devant Lodève et après encore, devant Le Puy, j'ai voulu vous retrouver et vous faire chercher. L'on m'a dit que vous étiez dans quelque monastère, mais je n'ai pu trouver votre piste. Ce n'est qu'il y a trois jours que sur la route de Lodève que je prenais à nouveau pour..."

Il s'interrompit. Fallait-il là parler là de Spartan et de Christina? Le sujet s'annonçait douloureux... Adrien résolu de contourner l'épreuve pour l'instant:

"Enfin, je n'ai reçu ces missives qu'il y a trois jours... J'ai fait un détour par l'abbaye de Valmagne d'où ces missives étaient cachetées, mais l'on n'a pu me compter plus que ce que les écrits contenaient. J'avais résolu d'aller jusqu'à Lauzière après les évènements de Lodève.
Maëlie... Je vous l'ai juré, je donnerai ma vie pour vous... Est-ce donc vraiment la vérité? Vous ne vous souvenez plus de moi?"


A cet instant tout - ou presque... - était crispé chez le baron de Crussol.Et dans le creu de la main de Maëlie, le sang s'apprêtait à goûter...
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Maelie
Lorsqu'elle L'avait vu entrer, elle avait été secouée jusqu'aux tréfonds de son âme : elle ne pouvait pas affirmer qu'elle L'aimait, mais il était certain qu'Il l'attirait et la mettait toute chose. Elle se refusait à analyser plus avant cette sensation, préférant croire qu'il s'agissait des aléas de la vie et de la nature plutôt qu'une forme de preuve de son identité.
Maintenant, les regards plein d'amour et de tendresse du Baron lui étaient autant de couteaux plantés dans le coeur. Il fallait se plier à l'évidence, elle était Maëlie, qu'elle le veuille ou non, désormais. Mais une Maëlie amputée, une Maëlie nouvelle, qui ne connaissait rien de ce qu'elle était sensée savoir. A commencer par la réponse à donner à celui qui, face à elle, lui déclarait sa flamme avec un sincérité et un absolu qui lui fit mal. Ce n'était même pas elle qu'Il aimait, c'était l'Autre. Un pincement de jalousie lui piqua le coeur, vite effacé par un soupçon de culpabilité : que n'avait-elle fuit plus tôt ? Elle aurait peut-être évité toute cette confusion, toute cette peine. Mais quel mal pouvait-il y avoir à vouloir savoir..?

Toute à ses pensées, elle laissa un nouveau silence s'installer, avant de s'en rendre compte. Elle se gratta la gorge, mal à l'aise. Comment dire à un homme que sa bien-aimée l'avait oublié ?


"Mon Seigneur, il serait bien imprudent de ma part de vouloir vous mentir, moi qui ne suis rien. Je suis venue en ville pour trouver le propriétaire d'une lettre que j'avais en ma possession depuis mon réveil, une lettre signée du nom d'Adrien, adressée à Maëlie et portant la marque du hibou. Il paraît que j'ai été trouvée inconsciente par le paysan qui m'a hébergée. Dieu merci, c'était un brave homme, il ne m'a point forcée ni frappée. Il paraît aussi que je serrais dans mon poing un médaillon", fit-elle en baissant les yeux sur son corsage, sans oser retirer une main pour le lui montrer, "et que je le serrais si fort que l'on n'a pu me le prendre. C'est tout ce que j'avais sur moi, ce médaillon, cette missive et quelques vêtements. Et dans ma tête, le vide."

Elle se tut, ne sachant qu'ajouter. En silence, elle serra les dents, dans l'attente d'une colère qui ne manquerait pas d'arriver, tête baissée.
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De l'art de recevoir...
Occitania per totjorn !
Adriendesage
Il y eut un instant de silence, que le destrier troubla en renaclant nerveusement. Peu échaudé par ces histoires, l'animal avait faim et souhaitait être délivré de son arnachement. Quoi de plus légitime après une semaine et demie de chevauche.
Le baron de Crussol retira ses mains et libéra ainsi celles de Maëlie. Il n'y avait plus de trouble en lui: c'était un homme abrupt, nous l'avons vu à maintes reprises. Des deux solutions imaginées plus tôt, c'était donc la seconde qui prévalait. Ainsi soit-il, mordious! Le chemin était tracé, nul besoin de s'y pâmer plus encore. Après tout, le Très Haut ne mettait les hommes en épreuve que pour toujours les rappeler à la route du Bien. Maëlie était sauve et à ses côtés, c'était heureux et c'était le principal. Les pensées d'Adrien s'étaient immédiatement et toutes entièrement tournées vers un nouvel objectif: retrouver la mémoire perdue de Maëlie et, si quelques mauvaises gens étaient responsables de cette mauvaise situation, les punir de bonne façon. Le baron de Crussol avait dépassé cette incertitude qui fait la peur. Ce sont ces hommes que l'on dit impulsifs. La peur chez eux est brève, car pour y échapper, il leur faut ordonner les choses rapidement.


"Allons observer tout ceci dans un endroit plus confortable. Il est une chose certaine: vous êtes Maëlie et en vertu de l'Amour que j'ai pour vous, je vous prie de ne plus m'appeller "seigneur". Adrien, c'est ainsi que vous m'appeliez, par mon prénom. Souffrez donc de reprendre dès maintenant cette habitude." déclara-t-il avec l'autorité d'un général qu'il était encore dans l'âme.

Il avait reprit la longe du destrier et l'attacha à un gros clou de fer rouillé qui était planté dans un mur. C'était à ce clou qu'étaient généralement suspendus les licols de travail. Puis, par une petite lucarne ouverte, qui était taillée dans le mur et qui donnait sur la cour, il héla un serviteur, afin que l'on prenne soin de sa bête. C'était à présent un militaire, qui entraine ses officiers vers l'Etat-Major, pour étudier les plans de bataille. Trois grands pas le conduisirent à l'entrée de l'écurie, tandis qu'il clamait:

"Suivez-moi!"

Il reprit en main son chapeau qu'il avait laissé sur le tabouret. C'est alors qu'il sentit sa paume visqueuse. Du sang la maculait. Il fronça à nouveau les sourcils:

"Mordious, êtes-vous blessée?"
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