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Info:
Novembre 1458, Cerridween et Karyl partent sur les routes pour une mission importante...

[RP] Memento quia pulvis est...

Cerridween
[Minuit a sonné aux cadrans des pendules,
Ta robe de bal s'est évaporée.
Alors que chacun de tes pores reculent,
Tu es obligée d'avancer.]



Elle est redevenue une silhouette noire, cachée sous un grand mantel de lourde laine doublé de fourrure grossière. Un vent froid souffle sur les routes que le grand shire cadence lentement le chemin qu'ils empruntent. Le ciel est blanc, de ces ciels qui annoncent l'hiver et les neiges qui deviendront éternelles un temps, accompagnés de cette odeur si particulière, douce et suave... l'odeur du repos. La capuche relevée, elle a fermé les yeux. Sous sa carapace de tissu, les sons arrivent plus feutrés. Elle ferme les yeux, à l'abri de son rempart. Elle se rassasie des volutes de pensées qui restent attacher à sa tête, dans la chaleur ouatée. Elle s'y accroche, comme une morte de faim à son pain du jour. Encore, un peu, de cette comédie, du bout des mots et de l'être, où les masques tombent la nuit. Encore, un peu, tourner, valser, du bout des doigts et des lèvres, à la faveur de ces souvenirs qui sont encore là sur sa peau. Encore, un peu, ne pas voir le jour qui se lève. Encore un peu, ne pas sentir la nuit venir... et pourtant elle est déjà là, sur elle, sombre. Le rouge s'est évanoui, au fond d'un coffre. Tout n'est pas perdu... mais elle a encore tant à perdre.

Elle tourne la tête, sa main valide dégageant la capuche pour mieux y voir. Derrière elle, le chariot bâché et cahotant. Karyl hésite entre continuer sur sa petite jument ou rester près du cocher. Celui ci d'ailleurs, lève les yeux au ciel, surement après une nouvelle salve de questions suivant un flot d'explications sur les bateaux, les chevaliers trop-super-forts, comment on fait l'aventure, la Turquie, les copains, Georges et comment on refait une maison. Elle sourit doucement avant qu'un soupir ne se trahisse en volutes de fumée passant ses lèvres. Elle se retourne vers l'horizon.

Elle est de nouveau en mission. Elle espère pourtant. Le héraut franc comtois avait signalé sa disparition. Elle ne veut pas le croire. Cela ne se pouvait pas. Il est le dernier et un des meilleurs, malgré son esprit torturé et ses cicatrices à fleur de peau. Elle l'avait senti fatigué et usé. Comme tous ceux qui portant la licorne sur le dos de leur mantel, arrivaient à cet âge. Elle avait lu dans le regard sur les murs du Mans, la fougue, toujours vivante malgré une étincelle de désespoir. Il n'a pas pu, le vieux Corbeau décati, baisser sa garde. Il ne peut pas. Il fait parti des légendes, comme le Destructeur. De ceux qui ont des ombres bien plus grandes que la plupart des mortels. Face à lui, elle a toujours le regard craintif et pourtant admiratif qu'elle avait quand elle était une simple écuyère. « Emmerde le pouvoir royal pour mieux le servir ». Comment y arriver sans lui qui en connait si bien les rouages.

Les deux mains se crispent sur les rênes quand se profilent les murs du domaine du monastère où elle pensait l'avoir laissé.
Pile ou face ?
Face à face avec le destin d'un grand.

Le petit convoi s'arrête devant les lourdes portes de la petit enceinte. La Pivoine se laisse tomber de son cheval. Elle marche vers Karyl qui la regarde, sans un mot. La main valide gantée de cuir se pose sur la joue rosie et elle essaie de sourire.

Je vais voir s'il est là... tu peux venir si tu veux... seulement si tu le veux.

Elle le regarde le petit homme dans les yeux. Y puisse-t-elle du courage ? Une dernière étincelle ? L'espoir ? Un baiser vient se poser sur le front où se battent quelques mèches blondes...

Elle se retourne et marche d'un pas lent vers l'huis. Elle baisse la tête un instant et prend une grande inspiration. La main valide délasse le mantel pour faire apparaître le collier d'argent où pend sa chimère.

Un murmure... entre les mâchoires qui se desserrent et les paupières qui abdiquent un instant.


Que nul n'ignore que la Justice et la Bravoure guident ma route, et que je ne crains pas le mal...

Pour qui répètes-tu ce serment, Pivoine ?
La main se porte à l'anneau qui pend à une chainette et elle tire d'un coup sec la clochette qui sonne.
Victoire ou glas ?
Ton coeur en attendant la réponse ne se calme pas...

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--Pneuje
Tire la chevillette
Et la bobinette cherra
Toi jeunette
Ta peine tu trouveras


On venait de célébrer prime. Le froid s'insinuait chaque jour un peu plus à travers les rocs qui enfermaient le monastère. Comme pour se protéger de l'extérieur, et les laisser seuls à prier pour le salut de ce monde. La neige bientôt les recouvrirait tous et rendrait encore plus impressionnant leur cérémonial et le calme qu'ils mettaient dans chacun de leurs gestes. Au beau milieu d'un duché qui figurait fièrement parmi les plus turbulents du royaume, des hommes vivaient leur foi. Entre lectures, prières, écritures, copies et travaux des champs, ils ne comptaient plus le temps qui passait, emplissant tous ces instants d'une dévotion profonde. Un haut lieu de culture aristotélicienne sur une terre gouvernée par un Spinoziste. Un paradoxe de plus.

Ce jour-là, Lanfranc, Normand de naissance, se trouvait près de la porte quand un son comme neuf se fit entendre. Le dehors ne se manifestait que rarement. Quelques retraitants, de rares fournitures de marchands plus ou moins ambulants et c'était tout. Et ce n'était pas pour leur déplaire. Aussi eut-on presque pu deviner un soupir sortir de la bouche du moine, si on y avait prêté attention.

La porte s'ouvre, et celui qui avait été allaité au calva découvre une femme. Une rousse. Un pas de recul mêlé de surprise. Était-il l'élu? Celui qui devait affronter le démon et délivrer le monde de l'Apocalypse? Elle porte babiole d'argent, preuve de sa luxure. Il se signe. Deux fois. Empoigne la médaille qu'il porte depuis le jour de son baptême. Au point qu'ils partagent aujourd'hui la même odeur.


- Que me veux-tu, femme rousse comme le diable? Es-tu prête à entendre la vraie parole du seul Dieu et de son prophète Aristote? Où viens-tu nous tenter?

Eh oui, haut lieu de culture aristotélicienne ne veut pas obligatoirement dire que l'on voit des anges à tous les coins de rue...
Karyl
Petit homme a prit la route,
Un chevalier est à retrouver coute que coute,
Et l'enfant sourit insouciant,
son rire s'envole au firmament
.



[Vers Craon, le même soir]


« Mais non je ai pas dis que tu es dans le nul hein! Mais je crois c’est mieux si c’est moi qui fait avec la charrette c’est tout ! C’est parce que moi je fais beaucoup l’aventure sur la route et pas toi. Alors il faut tu me laisses faire avec le cheval et toi en plus tu as déjà fait beaucoup depuis que on est parti alors c’est à mon tour de faire, parce que c’est à chacun son tour de faire hein ! Et puis toi tu es vieux alors il faut tu dors quand c’est la nuit ! »

Si pour la licorneuse le voyage vers Craon avait allure de pèlerinage dans le froid d’un automne désormais bien installé, c’était en revanche une toute autre scène qui se jouait derrière elle dans la carriole. «
Si tu me donnes le chariot et ben en échange moi je veux bien te raconter comment j’ai fait sur le bateau, comme je ai fait tout à l’heure pour la bagarre et se sera bien hein ! » Décidé à devenir une fois encore le maître des opérations, karyl, assis près du cocher entendait bien convaincre ce dernier de le laisser conduire le véhicule. Pour cela il n’y avait pas à hésiter, toutes tactiques et autres ruses pour faire le céder étaient acceptables et notamment la plus efficace de toute… L’usure.

Et à en croire la mine de plus en plus déconfite et bougonne qu’arborait le cocher, le gamin n’était pas loin d’avoir raison. Assommé d’un flot de paroles ininterrompu depuis maintenant de longues heures, sur des sujets aussi divers que la navigation et les filles en passant par les règles du cache-cache et autres combats en lice, le pauvre cocher ne devait pas être loin d’avoir des envies de meurtres. Car bien qu’étant d’ordinaire un gamin des plus attachants, le petit blond pouvait aussi être particulièrement fatigant lorsqu’il avait une idée fixe en tête, surtout à une heure aussi avancée de la nuit.

«
Cerridween et moi on fait de la mission importante hein. Faut que on retrouve le chevalier avec les cheveux blancs je te ai déjà dit en plus. Alors je crois on a pas trop le temps à perdre pour que tu te amuses avec le cheval je trouve. Et si tu continues à faire le bête et ben moi je vais sur mon cheval et on te attends pas voilà. Et quand tu vas arriver et que on le aura déjà retrouvé je vais lui dire que tu as pas voulu que je fais et il va te gronder mais se sera tant pis pour toi ! ». Les menaces maintenant, bah tient tant qu’à faire ! Menaces terrifiantes annonciatrices d’une future engueulade qui firent lever les yeux au ciel au cocher suppliant probablement pour que l’on abrège son calvaire. Qu’avait-il donc bien pu faire pour mériter telle punition ? Il était de notoriété publique qu’Aristote aimait à tester ses fidèles, mais tout de même, il ne méritait pas tel supplice !

Par chance, c’est ce même moment que choisit la chevalière pour se retourner faisant taire les jacasseries enfantines aussitôt que l’onyx croisa l’émeraude. Bien qu’elle avait tenté de sourire, Karyl avait perçu dans ses yeux une certaine tristesse lorsqu’elle lui avait annoncé la disparition du chevalier un peu plus tôt dans la journée. Fidèle à lui-même, il lui avait alors assuré qu’ils allaient le retrouver et que, dès le soir même, ils seraient tous réunis autour d’un bon feu de cheminée à raconter tout un tas d’histoires terrifiantes. Et puis, Rhuyzar était le plus fort des chevaliers qu’il avait jamais vu et il était bien trop malin pour que des méchants l’attrape aussi il ne pouvait rien lui être arrivé. Il n’y avait donc pas à s’inquiéter, le petit naïf en était convaincu. C’est d’ailleurs parce qu’il en était convaincu que le môme voulait temps arriver au monastère avec les rennes en main. Il fallait bien trouver une façon de prouver au chevalier aux cheveux blancs qu’il était un homme maintenant et quelle meilleure preuve que de conduire la carriole ?
Il avait cependant promis d’être bien sage, aussi le regard de Cerridween eut pour effet immédiat de refroidit ses ardeurs. Ne voulant pas contrarier sa marraine plus qu’elle ne l’était déjà, le marmot finit alors par enfin se tenir tranquille se contentant de raconter plus tranquillement à son voisin quelques unes de ses aventures de pêche. De toute façon il faisait bien trop froid pour que le chevalier les attende dehors aussi il n’en saurait jamais rien de qui avait réellement conduit la carriole…

Plus tard, les murs du monastère se profilèrent enfin et le petit convoi s’arrêta finalement devant les lourdes portes du domaine religieux. Pour y avoir passé de longs moment avec Maeve durant l’été, le petit garçon savait qu’il fallait garder le silence dans de tels lieux aussi en fit-il la recommandation au cocher d’un air très sérieux avant de descendre de la carriole et d’attendre que Cerridween fasse le chemin vers lui.
Un demi-sourire, une caresse, des regards qui se croisent… Viens si tu le veux, seulement si tu le veux…

Et l’enfant sembla rester figé, son regard posé sur la licorneuse qui déjà s’éloignait en direction de l'huis. Avait-il peur de ce qu’il allait trouver ? Non, juste ce regard, ce regard qu’il connaissait et n’aimait pas. Il mit alors un certain temps avant d’esquisser le moindre geste et de se décider à la rejoindre en courant lui demandant de l’attendre. Cerridween avait actionné la cloche faisant venir un homme qui parlait déjà lorsqu’il arriva à sa hauteur et ce qu’il entendit ne lui plut pas du tout mais alors pas du tout et sans attendre qu’on ne l’y invite il s’empressa de rétorquer :

«
T’es du fou toi ! C’est ma marraine de la licorne et c’est pas le diable tu dis vraiment les bêtises toi hein! En plus on est venu voir le chevalier qui a les cheveux blancs et on se en fiche de toi ! Et si tu lui fait le mal à ma marraine je te préviens je ai l'épée hein! Alors faut tu dis à le chevalier que on est là et que on veut que il vient, c'est tout!... Euh.. S'il te plait quand même parce que je fais bien la politesse!»

Voilà une entrée en matière des plus polies et civilisées… Mais qu'importe, foi de karyl, on ne touche pas à sa marraine !

_________________
Un simple gamin des rues.
--Pneuje
Quand tu découvres la vie
Et sors de ton oubli
C'est la surprise qui te prend
Et tu découvres les garnements


Le sourcil s'était levé, levé, levé, au point de quasiment se noyer sous les cheveux. Qu'est-ce que c'était que cet hurluberlu? Encore un enfant perdu. Et c'est pas la clochette que la Rousse avait secoué qui lui ferait quitter le pays des rêves. Sérieusement, pour qui se prenait-il? Aborder un moine en le traitant de fou, il y avait clairement mieux pour établir le contact.

- Et quoi? Tu tuerais un homme de Dieu? Quelle ambition dis-moi. Et plus tard, tu mettrais Rome à sac avec les soi-disant réformés? Belle éducation que la tienne. Enfin, au moins tu essayes d'être poli. C'est toujours ça de pris. Donc tu me dis que vous venez pour voir un chevalier.

Oui, tant qu'à faire, autant ne pas rester à s'échanger des amabilités sur l'univers, l'infini et tout le reste. Plus vite les géneurs auraient débarassé le plancher, plus vite il pourra retourner prier. Et enluminer ce Commentarius de glosà interpretationis translationis tractatus inutile dont on lui disait le plus grand bien. S'élever l'esprit, encore et toujours. Et après il y en aura encore pour dire que la recherche ne sert à rien...

"Un chevalier dis-tu. Âgé visiblement. Oh que oui nous en avons eu parmi nous. Ceux qui n'ont pas oublié les vraies valeurs des croisés, saints guerriers qui reposent dans les plus hautes sphères du soleil, viennent souvent se recueillir parmi nous, se confesser, et trouver dans la vraie foi la bénédiction qui rend leur tâche bien plus noble que celles de soudards au service d'un seigneur sanguinaire."

Un petit silence, tant pour reprendre son source que pour laisser les paroles se graver dans la tête du petit blond. Les Sainctes armées ont toujours besoin de bras pour répandre la bonne parole. Alors autant ne pas perdre d'emblée cette potentielle recrue...

"Et que lui veux-tu à cet homme? Que lui voulez-vous à ce chevalier?" demanda-t-il en relevant le regard vers la Vergy. "Désire-t-il seulement vous voir ou osez-vous le tourmenter dans sa retraite? Car jusqu'à présent vous me semblez plus être des enfants du malheur que des héritiers d'Aristote."
Cerridween
[Tais toi mon coeur
Je ne te reconnais pas
Tais toi mon coeur
Je ne connais que l'espoir qui s'emballe]



La main s'est posé sur l'épaule de Karyl.
Ni trop pesante, ni trop discrète.
La diatribe était... enfantine. Elle venait de ses tripes de môme. Mais il ne voyait pas ce qui se jouait là. Ni qui était devant lui. Il n'a pas encore les yeux désabusé d'un adulte, ni la capacité de lire entre les traits. Et la stratégie de l'impulsivité n'était pas de mise. Le monde ne fonctionne que rarement sur ce ton. Elle serre légèrement les doigts sur la frêle épaule comme pour lui dire qu'elle prend en main, ce qui semble être une situation particulièrement étriquée et qui lui rappelle beaucoup trop de choses.

Créature du diable... cheveux roux, barre de bâtardise, femme. Chevalier.
Du petit bois de bucher. Il faut la jouer serrée.
Oublier le regard suspicieux et supérieur de cet homme qui se prétend de Dieu alors qu'il haït une bonne partie des hommes. Aimez vous les uns, les autres... et lui reconnaît les siens. Elle en fait encore moins partie que ce qu'il croit. Se draper d'un aura de sainteté sera impossible, au vue des balafres et de son regard qui trahit à lui seul tous les secrets. Mais pêcher par omission, cela, elle sait en maîtriser toute les ficelles.

Les premières paroles font naître quand même une partie d'espoir soufflée par les suivantes comme une bougie qu'on éteint sans cas de la lumière qui part.

Ceux qui n'ont pas oublié les vraies valeurs des croisés, saints guerriers qui reposent dans les plus hautes sphères du soleil....

Le reste des paroles se perdent. Le Corbeau n'entrait pas vraiment dans cette catégorie. Croisé, il ne l'était pas, de saint il n'avait rien, il était plutôt de la catégorie des damnés et de ceux qui avaient fait et referait des choses à faire pâlir le diable.

Mais peut-être... oui peut-être... peut-être qu'il n'était plus là... peut-être que sa retraite était ailleurs... peut-être qu'il n'avait pas supporté ce et ceux qui étaient entre ces murs. Peut-être qu'il s'était retiré à Delle sans rien dire. Ou ailleurs, bien loin. Retourné en Espagne, aux côtés de sa garde dont les seuls yeux dépassaient des voiles. Il l'avait pourtant dit... là bas tout est calme et volupté. Tout était art, comme la lame qui pendait à son côté.

Peut-être...

"Désire-t-il seulement vous voir ou osez-vous le tourmenter dans sa retraite? Car jusqu'à présent vous me semblez plus être des enfants du malheur que des héritiers d'Aristote."

Elle serre les dents et prend une grande respiration.
Allons ne tente pas le diable... calme toi... desserre tes doigts à ta main droite qui se sont crispés inconsciemment et qui trahisse ton ire du bout de leurs jointures blanches. Respire. Une fois. Les muscles se détendent, lentement, le corps devient moins imposant. Deux fois. Le regard vert perd peu à peu de sa dureté pour se draper dans une douceur presque inconnue avant que les deux émeraudes se baissent, dans une pudeur calculée. Peu importe la manière, elle le fera. Elle a fait pire...


Nous sommes de simples pêcheurs, mon père, qui essaient de trouver la rédemption pour être dignes du Très Haut. Je suis ici en tant que Capitaine de l'ordre royal de la Licorne. Un héraut est venu nous dire que le vicomte de Delle avait disparu et qu'il voulait que nous le déclarions mort. Imaginez mon affliction, mon père... me demander de faire ce que seul le Très Haut et votre saint office peut faire... j'en étais toute retournée. Comme je sais l'avoir laissé en votre sainte garde, je veux m'assurer qu'il y est toujours. C'est un homme assez secret. Vêtu de noir la plupart du temps. .. les cheveux grisonnants... on l'appelait aussi le Corbeau. Il a été Grand Ecuyer de France. Ainsi, mon père, cet homme qui a servi le royaume est un frère d'arme dont nous faisons grand cas, un ancien Grand Maitre de l'Ordre que je sers. Vous avez dû remarquer des gantelets quand il est venu vous voir, peut être... Je veux seulement pouvoir deviser avec lui, m'assurer de sa santé et le laisser en ces lieux de dévotion dont je suis bien indigne...

La prière silencieuse résonne dans sa tête... dis moi... que la route ici ne s'arrête pas... qu'il est parti.... loin.... loin d'ici...
_________________
--Le_peneuje
[Dans la nuit noire,
Dans la nuit obscure et sombre,
J'écris l'histoire,
J'écris l'histoire d'une ombre]


Politesse et flagornerie. Les deux extrêmes entre lesquels la lame rousse balance. A-t-elle peur? Le moque-t-elle? Que veut-elle de lui, elle qui se cache derrière les mots? Un sourire intérieur se dessine dans le coeur du Normand. Il retrouve la joie de la dissimulation, et du combat que l'homme de Dieu doit mener contre ce fléau. Un adversaire à sa mesure, peut-être. Grimée en créature du Sans Nom, de tout ce qu'il hait.

"Saint Antoine montre-moi le chemin. Aide-moi à garder mes atouts dans les manches de ma bure, à la vaincre à petit feu, à la laisser briser, ouverte enfin à la parole de Deos".


- Indigne tu l'es, femme. Quoi que puisse en penser l'univers entier. Tu ne poursuis que vaine gloire. Guerre, mort et noblesse, tryptique de la destruction et de l'inutile prestige. Cela ne t'apportera rien. Pas plus que cela n'a apporté à l'homme que tu mandes aujourd'hui. Mais lui au moins a accepté ses échecs, et a plongé dans la prière et le retrait du monde pour ressortir purifié. S'il était ton grand maître, suis donc son exemple. Repends-toi.

Les mots s'étaient tus un instant. Lanfranc les laissait s'insinuer dans les brumes de l'esprit du chevalier. Comme le vin qui se répand sur le linge, il s'étendait lentement, mais irrésistiblement. Mais il ne fallait la perdre. L'ennemi était amorcé et, comme à la bataille, il fallait l'attirer à lui, par des promesses, un espoir. La voix se fait moins cassante, presque doucereuse.

"Les noms des gens, je ne les sais. Ils ne sont point ici pour se faire connaître ou parader. Ils sont ici anonymes, n'existent plus par leur passé mais par leur foi. Aussi des gens tels que ce vicomte, j'en ai vu nombre. Mais plus rares ces derniers temps. Comme si la guerre refusait à ses champions de voir l'hiver de leur vie. Mais entrez, vous ne devez rester hors du pouvoir saint de ce lieu".

Et les ceindre des murs du couvent, leur couper tout retrait vers la vanité mondaine, les courber et enfin les vaincre, ceux qui répandaient sang, feu et souffrances hors des remparts consacrés de la foi.
Cerridween
[ Un pas en avant
Le danger devant,
La sortie derrière,
Pas de machine arrière ]


Pourquoi ce malaise quand les portes se referment.
Ce tout mêlé de rien.


Lui au moins a accepté ses échecs, et a plongé dans la prière et le retrait du monde pour ressortir purifié. S'il était ton grand maître, suis donc son exemple. Repends-toi.

Un léger frisson parcourt son échine. Du plus loin de ses souvenirs, remonte l'Inquisition et ses troupes noires qui avaient déferlé sur le Languedoc avec une odeur de bûchers. Le même discours, les mêmes mots. Elle les revoient se faufiler sur un parchemin, demandant des preuves sans accusation réelle envers un maire. Elles n'annoncent rien de bon. Elles annoncent la mort d'une vie d'insouciance en tuant amour et compassion dans l'oeuf en les portant en étendard.

Pénitence... ses pêchés... lesquels ? Tous peut être. Mais qu'importe, le vent les emporte, à chaque pas. Ses échecs... ses échecs... le mot vient de s'insinuer et se lover comme un serpent dans sa conscience. Ses échecs... il y en a tellement. Trop. Dans sa vie à elle, trop d'abandons, trop de choix difficiles et trop de morts qu'elle n'aura pas retenus, sauvés. Le Corbeau lui avait parlé des siens à demi mots. Le souvenir revient de deux coeurs blessés et las. Et pourtant cette étincelle... elle s'accroche à ce feu comme une morte de faim à sa pitance.


Aussi des gens tels que ce vicomte, j'en ai vu nombre. Mais plus rares ces derniers temps. Comme si la guerre refusait à ses champions de voir l'hiver de leur vie. Mais entrez, vous ne devez rester hors du pouvoir saint de ce lieu

Pourquoi ce malaise quand les portes se referment.
Ce tout mêlé de rien.

Elle n'aime pas cette route. Elle n'aime pas cet homme. Elle doute que le Corbeau l'ait aimé aussi. Elle n'aime pas ce ton. Elle n'aime pas ses silences. Elle n'aime pas ce qu'il sous entend. Et pourtant elle s'entend dire, malgré chaque once de sa peau qui se rétracte, qui se hérisse :


Menez moi à lui.

Le ton n'est pas autoritaire, il n'est pas violent. Mais il est ferme.
Jouer en déjouant sans être jouée.
Tu es en équilibre instable, Pivoine.

_________________
--Le_peneuje
Cerridween
[ J’implore ta pitié, au milieu des Enfers même,
Du fond du gouffre obscur où mon cœur est tombé.
C’est un univers morne à l’horizon plombé,
Où nagent dans la nuit l’horreur et le blasphème
]


Elle reste immobile. Comme fauchée en vol.
La respiration coupée.
Point d'orgue.
Les yeux passent et repassent sur les monticules de terre gelée. Ils cherchent l'impossible.


S'il doit être quelque part, il est ici.

La tête s'affaisse.
Les épaules se rentrent.
Une lame de fond.
Elle la sent arriver au fond de ses tripes et remonter lentement.
Les mots rentrent dans son cerveau.

Nous n'avons plus de retraitants en ce jour, et ceux qui nous ont quitté depuis les quinze dernières années ne l'ont fait que pour cette destination.

Ses jambes tremblent. D'un tremblement de plus en plus grand, de plus en plus visible.
Les émeraudes abdiquent pendant que les dents se serrent.
Tout vient de s'arrêter.
Autour d'elle rien. Rien. Elle voit sans voir, entend un murmure qui se perd au loin.

Il est mort seul... le vieux Corbeau. Il est mort seul... Dans cette antre, dans ce coin de terre qui ne lui ressemble pas. Elle n'a pas écrit, elle n'a pas cherché à savoir. Elle avait tant l'habitude des silences et des non dits, des regards qui sont lourds de ce qu'on sait. Il est mort seul... ici... le seul qui pouvait encore entendre ses confidences, ses doutes et ses peines. Sa peine. Qu'il partageait d'un regard à la mention d'un temps, d'un nom. Celui qui comprenait le point d'un gantelet, d'une canne de maître d'arme... celui qui avait tout vu de l'Empire à la Bretagne. Il est mort seul... ici... celui qui a sauvé Laval il y a tant d'années, qui infiltrait les ombres auprès du Destructeur, qui a servi le Royaume à s'en brûler les ailes... le dernier des légendes... il s'est éteint sans bruit... ici... aucun hommage à rendre, aucun mémorial entre ces croix de bois sans âme.. aucune distinction... elle ne sait où pleurer, la Pivoine qui tangue...

Lentement les genoux ploient... elle tombe à genou comme une pénitente, au yeux de celui qui l'a amené là. Il la voit de dos. Il ne verra que des épaules qui se secouent au rythme de sanglots diffus. Les larmes coulent lentement sur les joues gelées de froid et de peine. Elle y restera longtemps. Elle vide son chagrin et sa rancœur...

Lorsqu'elle se relève enfin, la main valide ne balaie pas les larmes. Elle contemple un dernier instant les tombes clairsemées. Elle sait qu'elle ne reviendra pas. Lorsqu'elle se retourne, ses pas vont jusqu'au moine et elle se plante devant lui. Le regard se plonge dans celui d'en face. Elle lui fait lire tout ce qu'il abhorre. Elle lui promet de le tuer si un jour il avait le malheur de sortir de sa retraite séculaire. Elle lui jette son mépris en plein visage. Elle s'est retenue de lui cracher dessus.

La main valide enlace les épaules de Karyl et le pousse doucement vers la sortie.
Elle ne dira pas un mot jusqu'au soir. Le soir où à la chandelle elle écrira à une mercenaire.
Cette fois... l'ombre... le Corbeau... c'est devenu toi.
Triste héritage.

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Karyl
[Quand la vérité s'étale et que le rêve s'enfuit...]

Une main posée sur son épaule et l’enfant s’était tu. Seul son regard ombrageux posé sur l’étranger pouvait encore refléter la colère qui l’inondait. Comment cet homme tout moine qu’il puisse être pouvait se permettre de parler ainsi? Karyl ne l’aimait pas, pas plus qu’il n’aimait cet endroit aux allures plus qu’austères et l’envie de repartir, de prendre Cerridween par la main et la conduire loin d’ici lui traversa l’esprit un instant.

Son regard glissa alors vers le chevalier, détailla ses traits. Elle avait la mine grave des mauvais jours, cet air que l’enfant lui avait si bien connu : Ils devaient entrer en ce lieu, elle devait savoir. Silencieux, l’enfant suivi alors sa marraine précédée du moine lorsque celui-ci ouvrit enfin la lourde porte. L’atmosphère pesante régnant de ce lieu de repos entraina une question dans l’esprit enfantin : Pourquoi donc le chevalier aux cheveux blancs était-il venu ici ? Et l’enfant frissonna rien qu’à l’idée de devoir y rester enfermer.

Songeur, il n’écouta que distraitement l’échange entre les deux adultes, conversation dont le sens lui échappait totalement. Mais qu’importe, Karyl n’avait en cet instant qu’une seule envie : sortir d’ici et emmener avec lui les deux chevaliers. Distrait, il ne fit même pas attention au chemin que ses pas empruntaient et le choc fut rude pour le petit bonhomme lorsqu’une vérité qu’il ne pensait concevable s’étala devant ses yeux.

Une terre mainte fois retournée, des croix… L’enfant resta paralysé ses pieds refusant le moindre mouvement. Ca ne pouvait être vrai ! Rhuysar était le plus grand de tous les chevaliers et puis ils avaient encore tant à se raconter, il avait tant à lui apprendre et puis… Le regard de l’enfant se posa sur sa marraine et pour la première fois, il vit le roc s’ébranler. Image plus insoutenable que la mort elle-même, il resta cloué sur place, incapable de bouger. Petite marionnette de papier pensant pouvoir changer le monde, il était sans arme contre la peine de sa marraine. Pourquoi cette épreuve ? N’en avait-elle pas eu assez déjà ?

Et la colère envers le moine submergea alors tout le reste, le regard qu’il posa sur lui était lourd tandis qu’enfin ses pieds acceptaient un mouvement, un pas, vers celle qui se relevait avec dignité. Il eut alors envie d’hurler sur cet homme, ce bougre qui prenait délectation à la voir souffrir, ce monstre qui se réjouissait du spectacle… Mais une fois encore la main de Cerridween vint de poser sur son épaule pour l’entrainer loin d’ici.

Il n’était plus temps de s’occuper de cet homme, il devait être là pour cette rousse au cœur serré. Dans le silence d’une fin de voyage, il lui revenait le devoir de lui murmurer qu’elle n’était pas seule malgré tout...

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Un simple gamin des rues.
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