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Rp se déroulant à Ryes, forteresse de l'ordre royal de la Licorne. Rencontre entre Cerridween de Vergy et Adrian Fauconnier, qui vient de passer la herse pour rencontrer un chevalier.

Sangre y furia

Cerridween
Elle se tient là, la Pivoine droite dans ses bottes, à l'abri dans son mantel licorne de la brise légère mais froide de ce petit jour de février.

Aujourd'hui est un jour particulier.
Elle rencontre Adrian Fauconnier.
Rencontrer est un mot galvaudé. Elle l'a connu déjà. Croisé serait l'expression plus appropriée. Meymac. Jours encore gris comparés au ciel noir qu'elle a traversé ces derniers temps. Des joutes perdues et une passe d'arme gagnée. Le soleil blond de Varenne perce encore les nuages à ses côtés. Un cri qui résonne au dehors alors qu'elle goûte, à l'abri, dissimulée derrière la maigre barrière d'une tente, à un moment de calme, de répit, lèvres contre celles de celui qui lui avait promis de l'aimer toujours et qui était encore en vie. Sinoples qui s'ouvrent, pupilles qui s'agrandissent quand la voix de son neveu hurle, quelque part dans le camps, le cry de ralliement des De Vergy. Panique, peur, et fuite vers l'appel. Arrêt. Coup d'oeil en grondement d'orage sur les deux bruns qui se battent à même le sol dans la boue. Rancœur. De l'avoir privé pour des enfantillages d'un des rares moments de bonheur qu'elle s'accorde et qui lui est accordé. Réaction. L'un après l'autre ils avaient été empoignés et plongés la tête la première dans le cours d'eau à proximité.

Il a dû grandir depuis. A-t-il changé ?
Elle ne connait rien de plus de lui. Rien d'autre que son nom et ceux qui l'ont entouré. Il est le fils d'une légende qui hante encore les murs de pierres qui entoure le jardin encore endormi qui l'entoure. Bralic. Le chevalier noir. Un caractère à faire pâlir l'orage, un regard à glacer le sang. Mais derrière la carapace, un homme droit, un chevalier qui avait dévoué son corps et ce qu'il avait d'âme à la Licorne. Elle ne l'a pas connu la rousse à son grand regret. Pas directement. Tout ce qu'elle savait était ce que le vent soufflait encore de contes et de hauts faits à travers Ryes et le Royaume et tout ce que son frère lui avait légué, lors de discutions, aux temps bénis où encore vivant, tard dans la nuit, elle se serrait contre lui pendant qu'il lui contait au coin d'un feu, après de longs mois loin d'elle, sa vie, ses amis, ses emmerdes. Elle en avait su beaucoup. Ils étaient confidents et liés d'un amour d'une autre nature. La dernière chose dont elle se souvient, concernant le Fauconnier, est le souvenir des traits de son frère. Le jour où il lui avait appris sa mort. Une phrase simple et sans détour. Comme une nouvelle quelconque et anodine. Mais la tristesse était là, dans ses yeux... et ne l'avait pas vraiment quitté. La rousse avait foi en ses jugements comme en une religion. Mais ce fils, ce fils... il semblait bien différent.

A-t-il changé le petit brun qui la toisait du haut de ses trois pommes ?
Elle n'aurait pas eu cette incertitude latente, la rousse, avec ce qu'elle savait. Les réactions d'enfants ne sont pas à prendre en compte. Il était trop jeune pour présager de quelque chose. Mais elle en sait un peu plus... lorsqu'Enguerrand lui avait fait le récit de ce qu'il avait vu en taverne, son front s'était plissé. Quels étaient ses mots déjà ? Arrogant. Le premier. Il avait prit de haut le vieux tavernier de Ryes selon ses dires, qui avec son caractère trempé par les ans, n'avait pas assez bien servi sa noblesse. La réaction avait été directe. Un claquement de doigt et quatre hommes de ce qui semblait être sa garde rapprochée avaient entouré le tavernier, main à la garde en attente d'un ordre qui n'était pas venu. Les capitaines présents s'étaient interposés... quatre hommes d'armes contre un vieil homme si charpenté soit-il. Ce qu'on peut appeler un rapport de force déséquilibré. Elle revoit le visage du Grand Maitre, non sans ironie au coin des lèvres, lui faire mention de l'absence totale d'esprit chevaleresque dans un combat par procuration et déloyal par le nombre. Elle était resté un instant silencieuse devant la lettre que le jeune homme avait envoyé. Quelle différence entre le discours qui se déroulait en lettres appliquées sous ses yeux et l'attitude qu'elle venait d'apprendre et dont elle n'avait aucun doute quant à la véracité. Enguerrand était un meneur d'hommes et savait les juger. Elle lui faisait comme à son frère une confiance aveugle sur le sujet. Elle avait relu la lettre encore une fois sans lever les yeux vers le Grand Maitre.

Je veux aider à la paix en le biau royaume de France, devenir l'être honorable et désintéressé qui secourt les faibles dans la nécessité. Je consens aux sacrifices, à la patience, à l'humilité qui en découle.

Humilité... il semble que tu aies beaucoup à apprendre en la matière, jeune homme. En premier lieu que ce n'est pas qu'un mot qu'on peut coucher sur du vélin sans le comprendre. Ces valeurs là, pour s'en targuer, il faut les vivres à chaque instant et sans les trahir.
La tête de la rousse s'était relevée... un dernier instant de silence et elle avait accepté. Il serait son écuyer personnel. Enguerrand avait sourit sans rien dire. Elle y avait répondu sans rien ajouter de plus.
Décision annoncée au Haut Conseil réuni. Rédaction d'une missive pour qu'il vienne la rejoindre sans rien préciser d'autre qu'il devait rencontrer un chevalier.

Elle attend donc la Pivoine noire dans le silence le plus complet.
Harnachée à son habitude, sombre de pied en cap, bracelets qui enferment ses avants bras dans une gangue de cuir couleur nuit où se reflète dans un éclat matifié le faible soleil qui luit encore, elle attend, impassible. Canne devant elle dont le pommeau d'acier repose sous ses mains. Cheveux feu qui se déroulent, allant au grès de la brise, simplement disciplinés par deux tresses partant de ses tempes et qui se lient sur sa nuque. Derrière elle, contre un banc, son écu, retourné, ne laissant voir que les lanières de cuir qui servent à le porter.
Elle attend de le voir... elle attend sa réaction. Il semble très attaché à son nom. Il n'a peut être pas compris encore. Ce qu'elle a compris très tôt en venant ici. Un nom tel que le sien est loin d'être une garantie ou une liberté. Bien au contraire... il sera d'un poids innommable et il va falloir qu'il en fasse sien. Qu'il se détache de l'ombre de son père, comme elle a dû se détacher de l'ombre de son frère. Il va devoir rivaliser peut-être plus que les autres, ceux qui ne sont pas des "fils de" ou des "soeur de", pour cela. Il va falloir l'égaler d'une manière ou d'une autre. Il va falloir le tenir à bout de bras, l'honorer. Là est le double tranchant de l'hérédité. Un passé glorieux ne l'est que pour celui qui l'a tracé. Ton chemin jeune Fauconnier, entre ces murs, il ne fait que débuter. Et tu as posé apparemment des jalons malhabiles...

Elle attend la Pivoine noire...
Elle attend l'écho d'une légende affirmée, balbutiant, pour en juger de ses propres yeux la teneur... ainsi que la lourdeur de la tâche qui se profile... et qui lui incombe.

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Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Adrian
Ryes. Un début de journée.

Il était enfin réussi à passer. Il avait enfin accompli son désir. Dire que c'était un rêve aurait été placer bien trop haut ses aspirations, car il n'avait rien de la volonté acharnée du rêveur. Le jeune garçon se félicitait d'avoir été accepté, cela principalement par égard pour la mémoire de son père. Il se félicitait d'avoir posé le pied dans l'enceinte sacrée de ceux qui respectent Dieu et les Hommes, les apôtres de la paix du Royaume et de l'exécution des Ordres Royaux. Il n'éprouvait rien de la folle satisfaction du jeune homme qui parvenait à ses fins, n'ayant jamais connu le manque ou l'échec. Il n'était même plus capable de manifester outrancièrement un certain contentement. Pour lui, tout était encore normal. Si tu savais, Adrian, à quel point cette matinée allait te tirer de tes références, et de ton modèle standardisé de vie...

Le vent soufflait, et de plus en plus fort. Les nuages commençaient à s'amonceler en des grappes agressives qui menaçaient d'éclater au-dessus de la Citadelle dans l'heure à venir. Les sarclages étaient toujours en cours, malgré la gadoue des terrains. Dans la cour, Adrian vit des hommes d'armes s'entraîner. Habillé de ses plus beaux atours, il eut enfin l'opportunité de passer le Poste de Garde de la Citadelle, après avoir montré le justificatif de son entrée. Il ne fut pas familier avec les gardes, comme c'était souvent le cas pour les admis. Il les remercia simplement de la tête, encore royal dans son attitude. Toujours noble. Il fit avancer son cheval, et pénétra dans la Cour inférieure de Ryes. La période où les maçons recommenceraient à s'occuper de l'entretien des murailles n'était pas encore arrivée, car l'on craignait toujours encore quelque gelée matinale qui briserait le mortier dans les coulées. D'ici quelques semaines, en revanche, la Forteresse recommencerait à bruire du lent martel des pics, des marteaux, des burins, le bruit sableux du mortier s'écoulant dans les fissures de la roche, l'odeur pailletée des débris de roches que les tailleurs de pierre répandraient, au niveau de leur loge, à main dextre. Pour l'heure, la Cour intérieure montrait surtout des hommes d'armes s'entrainant à la lutte, des écuyers enchainant des mouvements d'escrime, au milieu de la gadoue. Des chiens errants vaquaient, se tenant à distance respectueuse des militaires, et regardaient le spectacle, qui n'avait rien d'étonnant en pareil lieu, mais était toujours divertissant.
Adrian se dirigea vers les écuries, longeant l'espace d'entraînement central. Il aperçut de même un géant noir, ce qui l'étonna grandement, se rendre à un puit et en extraire à grande vitesse un plein saut d'eau. Il découvrait l'une des plus grandes citadelles du Royaume avec l'étonnement amusé de l'enfant comblé qui découvre l'une des réalités des histoires de chevalier de son enfant. Il ne pouvait montrer de satisfaction, mais savait montrer de l'intérêt pour chaque chose qu'il apercevait. Il avait le regard profond et appliqué du maçon tâchant de comprendre comment les choses tenaient debout, et celui du charpentier tâchant de déceler les parties d'un bois. A sa façon, il explorait la Forteresse pour la comprendre instinctivement. Les écuries n'étaient pas vides, bien au contraire: et des palefreniers s'activaient à changer les litières, à panser des chevaux qui venaient d'arriver et fumaient encore. D'autres faisaient briller des harnais, réparaient des sangles, des selles. A proximité, d'autres sortaient de pièces annexes des chiens, de race ceux-ci, qui devaient sûrement servir pour la chasse, ou quelque chose se rapprochant. Le jeune Vicomte mit alors enfin pied à terre, descendant de cheval en plusieurs temps, se retrouvant sur un sol de paille mêlée de boue, avec autour de lui des odeurs de sueur, de paille fraiche, d'humidité, de terre, de cuir, de liniment et de fumier qui formaient un mélange vivant, presque boisé, se confondant avec celui de la charpente en une création unique, qui approchait presque du divin. Le genre d'odeur dans lequel le jeune Vicomte prenait parfois plaisir à se trouver. Parfois. Car il n'avait guère de désirs durables, n'ayant par essence aucun manque: le désir vite rassasié, il disparaissait vite. Il attendit un peu, habitué à ce que l'on lui prenne le cheval des mains. Et curieusement il n'en fut rien!
Premier étonnement du Vicomte. Pardieu, il était noble! Vicomte! Seigneur! Bougres de crétins paysans, comment osaient-ils? Il commença à taper énergiquement du pied, une certaine rougeur devant se faire au visage, le vent ébouriffant quelque peu ses cheveux. Un palefrenier, le voyant faire, tourna les yeux vers lui, et lui demanda:


- " V'venez pour quoi?

- On dit SEIGNEUR. Et je viens confier mon cheval, bougre d'âne. "

Temps de latence. L'homme ne comprend pas. Il regarde l'extra-terrestre, qui lui demande de lui donner du seigneur. Ne connait-il pas les règles du lieu?

- " Hum... Sauf votre respect, hormis le Grand Maistre ou les Capitaines, voire les Commandeurs, nul ici n'a droit à du Seigneur, Monsieur. Sauf votre respect. "

Interloque. Tentative d'assimilation. Décidément, les lieux étaient bien étranges! N'appliquant pas l'une des règles fondamentales de l'étiquette. Bien... Expiration. Tentative de retour au calme.

- " Bien... Pourriez-vous vous occuper de cette bête, hum... Comment dit-on?

- ... S'il vous plait?

- Voilà! Merci. S'il vous plait... "

Deuxième découverte d'une longue série, dans cette journée. Ce nobliau, dans ses atours de parade, découvre le simple fait de demander l'approbation de l'autre. Le "s'il vous plait". Il suit des yeux le palefrenier lui prendre les rênes, et rester là. Pourquoi n'emmène-t-il pas le cheval, l'imbécile? Il ne va pas rester planté là!
Non. Celui-ci s'approche des oreilles du cheval. Il lui parle, bas. Des paroles qui semblent apaisantes, car la bête n'accueille pas mal l'importun. Etrange, encore. Une bête de ce prix n'accepte pas vite grand monde autre que son propriétaire: ce genre de chevaux, nerveux et élancés, est conçu pour la course, la chasse. Pas pour les rapports sociaux. Le palefrenier le caresse, lui fait respirer son odeur. Contact simple et éphémère de deux animaux qui se reconnaissent, et de l'un montrant respect et bonhommie à l'autre. Pour le Vicomte, qui ne s'est jamais servi des chevaux que comme monture, l'étonnement est total. Il observe, encore une fois interloqué. Et stupéfait de constater que le palefrenier, rien qu'en posant une main sur le dos du cheval, le guide paisiblement jusqu'à sa stalle, ou l'on s'occupera de lui. Un cheval qui aurait sûrement, en d'autres circonstances, piaffé, et rué même. Le Faucon suit des yeux, et constate que sa bête est prise en charge. Il ressort.

Esquivant les flaques de boue, il avance, se demandant comment se présenter à son chevalier. Il l'imagine, son chevalier. Il se souvient de Deny Ferré, qui s'est occupé de lui durant un Chapitre de la Licorne. Il se souvient de son père. Il voit Rufus. Il imagine son prochain mentor. Il le voit grand. Fort. Râblé. Il le voit puissant. Une armoire à glace en acier forgé, aux bras comme des cuisses, aux cuisses comme des troncs d'arbres. Le genre à boire son tonneau de bière, à hurler dans les batailles, ravageant les rangs ennemis, à mettre en charpie ses adversaires par honneur, à taquiner trois gueuses en même temps, et à courtiser une noble dame le soir. Un personnage de conte, de roman. Un être quasiment surnaturel, à la limite de la déification. Il y appose le visage de son père. La gentillesse du Ferré. Il le voit armé d'une hache, faisant face, furieux, à une armée anglaise. Oui. Il est sûr qu'il aura un bien beau chevalier.

Mais peut être pas, aussi.

Peut être aura-t-il de ces anges blonds, respectueux de la religion, qui prient Dieu avant chaque bataille, sont miséricordieux pour leurs ennemis, se battant en harnois blancs, les couleurs de leurs dames aux chevilles? Armé d'une puissante épée, sauvant des villages entiers d'agresseurs terrifiants, protégeant des communautés de la Peste par sa seule sainteté, barrant un pont en quelque forêt sombre et perdue à une armée de morts-vivants, qui s'enfuiraient de par son seul charisme. Un être de légende, qui serait vanté aux petites filles, et dont on pousserait les jeunes à s'inspirer. Un éphèbe grec, au physique Apollinesque, au sens de l'Honneur proverbial, ami des puissants, conseil éclairé du Roy!

Et ce fut sur ces pensées, ces réflexions, que le jeune Faucon atteint le rempart abaissé qui séparait la cour basse de l'Hospice, où se trouvaient l'infirmerie, l'herbularius, le jardin des simples, et les jardins de la Forteresse en tant que tels, sur des contreforts rocheux sur lesquels s'appuyait le Donjon, massif, puissant, ceint d'autres ensembles qui le faisaient sembler pareil à un vaisseau de pierre, au-dessus de la tête du Vicomte. Il passa par la double porte massive qui marquait l'entrée dans le repère des malades, des simples et des médecins. Il pénétra dans un monde de fragrances, de couleurs et de contacts doux et non-familiers. Il arpenta quelques instants les jardins, s'émerveillant de certaines plantes dont il ne soupçonnait même pas l'existence auparavant. Et, ses pas aidant, il se retrouva finalement...

Face à une femme.

Il leva les yeux, perdu encore dans sa rêverie. Il avait pensé à sa soeur. A la dure discussion qu'il devrait avoir avec elle. A son père, et à sa mère. A leur fierté, assurément, de le voir pénétrer ce lieu privilégié, pour y inscrire sa marque. A sa famille au complet, à son cousin mort depuis peu dans les mêmes circonstances que son père, à Eiddin, nouvel héritier de Condé, de Hainaut et des possessions Bourguignonnes. Avec les terres d'Eragon de Roncevaux, avec celles de son père, et celles de sa future femme, le jeune homme promettait ainsi de devenir un poids politique considérable dans l'Empire Germanique et le Royaume de France. Il pensait donc à cet homme, qui risquait bien de devenir un puissant chef de famille s'il ne faisait rien. Et il ferait quelque chose. Mais qui était cette femme...?

Il la regarda. Habits sombres, avec cuirs apparents, il la prit pour une infirmière, une nonne, ou quelque femme qui devait aider au soin des pauvres âmes qui se trouvaient ici. Chevelure de feu. Maigre. Pas belle, car pas assez féminine. Couturée. Le visage triste et déterminé, les sinoples pailletées qui bruissent d'une sourde volonté, et en même temps d'un poids incommensurable. Sûrement celui de s'occuper de tant de malheureux qui, malades ou blessés, requièrent ses soins. Il ne voit pas l'écu derrière elle. Peut être ne veut-il pas le voir. Peut être son esprit n'assimile-t-il pas. Quoi qu'il en soit, il n'a pas compris. Le visage fait un écho, très faible, dans sa mémoire. Il ne se souvient pas. Mais il l'a déjà croisée. Sans doute au vieux chapitre de l'Ordre, voilà près de 5 ans. Bref. Sous un ciel noirâtre, annonciateur de tempête, le jeune homme ne comprend pas qui lui fait face. Ce visage avec lequel il vivrait, ainsi, plusieurs années de sa vie.
Elle se tenait sur une portion de pré, au milieu des jardins, où seules des fleurs pousseraient le printemps prochain. Le sol était nu, et boueux. Il y avait un petit banc, sans doute pour que les malades profitent du lieu parfait qui se trouvait séant. Il y avait un arbre, plus loin. Adrian ne distinguait pas les races d'arbre.

Il s'avance, lui souriant. Il se comporte comme face à n'importe quelle passante, observant ce qui l'entoure. Il lui passe devant, devant la canne de bois dur ferrée qu'elle tient, et continue son chemin. Il est maintenant de dos, par rapport à elle. Mais où peut bien se trouver son chevalier? Il est fort étonnant. Se disant qu'elle pourrait sans aucun doute le renseigner, il se retourne, et, après s'être râclé la gorge, lui demande:


- " Humhum... Excusez-moi ! Vous n'auriez pas croisée un chevalier? Il m'a dit m'attendre dans ces jardins. "

Pas de s'il vous plait. Pas de bonjour. Pas de "ma damoiselle". car sûrement pécore, quoi d'autre? On ne perd pas une mauvaise habitude si vite. Et le jeune Faucon de regarder ce jardin, encore endormi par l'hiver qui vient juste de se finir, et pas encore pleinement éveillé par le renouveau du printemps.

Mais où pouvait donc bien se trouver son chevalier?

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Cerridween
Un sourire en coin s'esquisse sur les lèvres de la Pivoine noire...

Ses yeux sinople ont dévisagés le jeune homme qui a fait son apparition dans les jardins.
Il a bien grandi oui, le petit garçon de Meymac.
Le temps passe Pivoine, vite, si vite... c'est un petit bout d'homme qui est devant toi. Un adolescent. Les traits du visage ont un peu changé, les années s'étant chargées de gommer un peu les traits ronds de l'enfance, pour tailler un peu plus son visage. Fin, dessiné, presque acéré sur certaines arrêtes. Elle retrouve les yeux sombres d'où sont absent la colère de jadis. Les cheveux bruns moins en bataille du garçonnet haut comme trois pommes de son souvenir. La mise également est différente. Bien différente. Il est armé maintenant. Armé d'un blason sur un tabard qui tombe au millimètre, comme sa cape grise. Au bout d'une ceinture de cuir une épée et une dague, que la rousse croit reconnaître. Il s'agit des lames de son père. Des bracelets autour des poignets, sur lesquels se déroulent des entrelacs. Vêtements d'excellente facture qui apparaissent sous le tissu et le cuir. Couleurs chatoyantes, marquant la richesse par leurs teintes saturées. Tunique jaune, avec des galons brodés sur le pourtour de couleur argent et azur. Couleurs choisies ? Elles annoncent bien des promesses. Or... la couleur de l'astre du jour, faisant écho à la noblesse, la raison et la vertue . Azur... le ciel, la contemplation, la fidélité et persévérance. Argent... l'astre lunaire, la sagesse et la richesse. Il a rassemblé sur ses atours les deux astres et le firmament ainsi que les plus belles qualités...

Le sait-il ?
Peut-être. Les yeux continuent à regarder le jeune homme qui s'avance dans les jardins cherchant du regard quelque chose. Le port de tête est franc. Trop. Sourire de complaisance. Le regard assuré, presque condescendant lorsqu'il se pose sur elle et note la cicatrice à sa tempe, sa mise sombre, ses traits fermés. Elle sent, vibrante chez lui, la conscience de sa condition. Elle sent dans le regard, cette puissance, la puissance de celui qui sait son rang, sa place. Ce poids... Elle entend de nouveau le récit de la taverne avec les mots d'Enguerrand. Elle l'imagine d'autant mieux, la Pivoine noire, silencieuse, qui n'a pas bougé. Il passe devant elle sans s'arrêter et cherche encore du regard dans la terre nue du jardin.


" Humhum... Excusez-moi ! Vous n'auriez pas croisée un chevalier? Il m'a dit m'attendre dans ces jardins. "

Un sourire en coin s'esquisse sur les lèvres de la Pivoine noire...
Ainsi il ne l'a pas reconnue. Chose naturelle. Les souvenirs de l'enfance commencent à être loin pour lui. Mais cette question... cette question marque un sensible manque de jugeote ou un occultation certaine de la réalité.

Es-tu aveugle, jeune Fauconnier ? Tu n'as pas noté ce qui pare ma taille ? Regarde donc au lieu de voir, d'effleurer, de te cantonner aux apparences et aux jugements de surface. Regarde bien Adrian Fauconnier. L'épée longue qui dort là à mes côtés. Regarde donc la garde. Avers tête de femme, envers... Licorne. Regarde attentivement. Une dague, une dague dépasse aussi de l'autre côté. Tu ne sais pas encore son pouvoir, tu ne peux le deviner puisqu'il est aussi invisible que mortel. Regarde bien mon mantel. Et note, s'il te plait... note le renflement qui est sous mon doublet. Ce renflement circulaire, ce léger éclat de métal qui pointe là au col... un collier. Attarde toi un peu... ton orgueil t'aveugle, petit rapace. Dans toute l'arrogance de la jeunesse, de ton condition. Tu penses arriver dans un terrain conquis alors que tu n'as pas idée de la terre que tu foules. Tu ne peux pas en avoir idée. Ton attitude sinon changerait du tout au tout.

Le regard de la rousse se pose sur le dos du jeune homme et ne le lâche pas. Plusieurs secondes de silence pendant lesquelles elle le laisse s'enliser dans ses certitudes. Pendant lesquelles elle le laisse à la poursuite de ses chimères.
Assez jouer...
Rendons lui la vue.
Ou ouvrons lui les yeux.


Bonjour, Adrian Fauconnier.

La voix de la rousse s'est faite entendre dans le jardin. Aucune animosité dans le ton qui n'est pourtant pas amical. Une voix qui n'est ni trop haute ni criante, mais qui marque sa présence. Il pourra juste noter une intonation appuyée sur le premier mot énoncé.
Voilà retourne toi.
Surpris que je te connaisse ? Flatté ? Fier ? Irrité que je ne mentionne aucun titre ?
A moins que cela ne te fasse ni chaud ni froid...


Cerridween de Vergy.

Allons cherche maintenant. Cherche.
Cherche d'où ce nom te paraît familier. Cherche pourquoi je suis là.
Les émeraudes taillées à vif se plantent dans les deux joyaux sombres qui lui font face.
Duel imperceptible de regard.
Lentement enfin elle bouge. Une main se détache du pommeau de la canne et se porte vers l'écu qui repose non loin. D'un geste assuré, elle le retourne en dévoilant la face cachée. La forme ne laisse pas de doute. La face gueule éclate maintenant souligné par le chatoiement des trois quintefeuilles d'or. Le tout jure, détruit par la présence criante d'une barre de bâtardise sable jaillissant du pourtour.

Les mots enfin ne font que souligner ce qu'il a dû déjà comprendre en voyant l'écu.


Je suis le chevalier dont tu seras au service.

Légèrement assassins cependant... le tutoiement et le dernier mot ont sciemment été choisis.
Elle le laisse assimiler, sans rien ajouter encore.
Oui c'est moi.
Difficile à croire peut-être.
Il est vrai qu'elle contraste grandement avec son père et son beau-père.
Mais méfie toi de l'eau qui dort, jeune faucon...
Elle n'a pas leur physique imposant. Son corps est sculpté différemment. Parce que femme, elle n'a pas la musculature de Goliath. Elle n'a pas non plus l'éclat d'un Jeneffe, sa noblesse de port et d'attitude. Elle n'a pas la stature d'Enguerrand, son aura tranquille, cette présence qui impose, dès qu'elle apparaît, le respect. Elle n'est pas un chevalier d'enluminure... elle est sombre comme la nuit, rendue insignifiante par l'étoffe noire qui la pare et qui l'amincit, la rapetisse.
Son aura à elle est logé à l'intérieur et transpire dans son regard. Si tu y avais été plus attentif, Fauconnier, tu l'aurais vu l'éclat que tu recherches, la force que tu voulais voir apparaître dans la stature qui devrait être la sienne. Sa noblesse à elle n'est pas celle des atours et des titres. Elle a été forgée à vif, dans les sacrifices, la douleur, le feu des combat et l'abnégation. Cachée en apparence, comme le poignard de lancer qui dort lové dans son dos ou la jusquiame qui pare sa dague. Insignifiante et pourtant mortelle.

Les sinoples se sont replantées dans le regard d'Adrian.
La main s'est reposée sur le pommeau de la canne.
De nouveau, elle est immobile.
Le toisant du bout des yeux...
Et bien la tâche va être aussi vaste que difficile...

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Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Adrian
Bonjour, Adrian Fauconnier.

Raideur subite de l'épiderme. Contraction involontaire des dorsaux, avec les bottes qui crissent sur la terre boueuse du jardin.

Le tambour de son coeur, lentement, fait écho à ses oreilles qui bourdonnent soudain, alors qu'il se retourne. Son coeur a sauté un battement. Ses doigts, qui s'aventuraient sur les plantes encore endormies, se sont crispées. Le souffle du vent, lent, puissant, souffle encore, et le fait frissonner. Il n'ose pas croire ses oreilles. Il n'ose comprendre. Il se retourne, lentement, extrêmement lentement, tâchant veinement d'assimiler l'information, faisant voler ses yeux en direction d'Elle. Cette... femme.


Cerridween de Vergy.

Instant long, long, où les quatre yeux se mirent, s'observent, se soupèsent. L'on a toujours sous-estimé ce que deux yeux peuvent se dire, et lorsque l'on est de la race des guerriers, les yeux sont des éléments qui ne doivent jamais être pris à la légère. Pour les samurais, ils représentent la force vive corporelle, l'incarnation extériorisée de la puissance intérieure, le Ki, cette puissance immanente qui, selon les légendes, créait des éclats verts autour des plus puissants maîtres de sabre jamais vu dans la lointaine Cathay, semblables à la pureté flashy des lucioles, sans en avoir aucunement la consistance. Le Ki. Ce cri primal, poussé du plus profond des tripes, que l'on nomme en occident "Cry", cette poussée de force brute, féroce, animale, qui est l'une des différences primitives du Chevalier avec le commun. Cette puissance qui, au-début du vingtième siècle, continuerait toujours à défier la science, alors que ses derniers maîtres mourraient.(1)

Le Faucon regarde ces prunelles. Sinoples pleines et pailletées de feu, l'élément primitif le plus abondant chez la jeune femme qui lui fait face. Il la regarde de haut, la dominant de quelques centimètres. Le duel est engagé. Vif. Saignant. Avant même que d'avoir échangé une parole, ce sera à qui baissera le regard le premier. Pas d'effets hollywoodiens. Pas de vent, emportant une botte de paille désséchée au milieu des rues arides d'une petite ville fatiguée, avec des desperados, la main à la ceinture, prêts à tirer. Pas de stetsons en décalage sur la tête, de brindille dans la bouche, ou de cibiche décrépite. Pas de barbe mal taillée, et la puanteur de ceux qui ont fait plusieurs jours de cheval. Les revolvers colts, ici, sont simplement remplacés par des yeux. Charbons contre sinoples, et qui vaincra.
Le jeune noble a beaucoup de détermination et de force intérieure à revendre. Il a beaucoup de volonté. Il en faut, pour prendre les décisions essentielles aux terres de ses parents alors que l'on n'a que douze ans. Il en faut, pour se faire commander au doigt et à l'oeil par des hommes comme les siens. Il en faut, pour pousser bientôt sa soeur dans une voie où il devra se séparer d'elle, dernier pont prouvant à cette soeur qu'elle existe bel et bien. Mais... Penses-tu réellement gagner, petit? Car ce n'est pas la volonté propre aux nobles, encouragée et développée, qui se voit dans ces yeux. Ce n'est pas la puissance conférée par le sang, le statut. Ici, à Ryes, non... Les yeux des hommes sont différents. Et des femmes, aussi. Il y voit la glace. Il y voit le chagrin, la colère, la tristesse infinie et la lassitude. Il y lit ses peines, ses joies, qu'elle tenterait si elle savait de subtiliser. Elle, de son côté, peut observer à travers le tremblotement des prunelles l'être sûr de lui, de ce qu'il est, qui se tient à présent devant une prétendument faible femme. Il observe les combats, les horreurs, les déchirements. Elle mire la mort du père, la folie de la mère, la solitude. Un lien, inconscient aux deux, se tisse peu à peu par les prunelles. Et aucun des deux ne lâche. Jusqu'à ce que, finalement... Le jeune homme baisse les yeux. Jeunesse? Faiblesse? Innocence? Manque d'autorité? Et quoi d'autre encore? Malgré tout ces questionnements, une chose est sûre: le chevalier vient de remporter le premier combat. Le Faucon ne le sait pas encore, mais il vient d'être vaincu. S'il avait eu plus d'expérience, et de jugeote, il aurait peut être pu éviter ce qui allait suivre, dans quelques minutes...

Un écu. Vergy, oui. Il ne sait pas qui elle est. Il ne fait pas de rapprochements. Il ne pense pas. Il sait qu'il l'a vue, il sait que ça lui reviendra, il ne se fait pas de soucis: il a l'innocente croyance de la jeunesse, lui disant qu'il n'oubliera jamais rien, de toute façon. Qui est-elle? Que veut-elle? C'est quoi cette barre de bâtardise? C'est quoi cet écu? Ca veut dire quoi? Les yeux se portent aux quintefeuilles, s'entrouvrent, ne parvenant pas à garder leur trouble interne. Le vent souffle, encore une fois, journée de l'Air, entre le Feu de la chevelure et des yeux, et l'Eau tranquille de ce jeune homme qui veut à toute force tenter de ne rien éprouver. Sur la Terre de Ryes, le bois et le métal environnant. Tous les éléments sont donc présents au début de l'acte.


Je suis le chevalier dont tu seras au service.

Instant de flottement. Les tambours jouent toujours, ne les ignorez pas! Les cordes du vieil homme pinçant son instrument, dans son coin, existent toujours. Vous ne le voyez pas, ce vieillard asiatique, aux cheveux blancs tirés en arrière? Aux longs vêtements blancs, comme une robe? Jouant d'un instrument à corde allongé sur ses genoux? Et que fait-il là, d'abord? Est-ce qu'on est en Chine, ici, de Dieu? (2)

Le jeune homme n'assimile pas l'information. Il pensait à un géant, on lui envoie une naine. Il pensait à un être capable de soulever des montagnes, on lui envoie une maigrichonne qui semble à peine capable de se déplacer sans sa canne! Il pensait à... Un homme. Et c'est une femme! Non pas que le jeune Faucon ait une vision machiste de la femme, bonne gens. Mais qui le nourrissait? Qui le lavait? Qui a-t-il toujours vu dans des tâches domestiques? ...? Vous paraît-il aberrant que, pensant à un homme de guerre, il ne soit surpris par cette... surprise? De taille, par ailleurs.
Nonobstant, quelque chose ne passe pas. Primo, le ton. Assassin. Cassant. Il sent la tension. Il sent la réprobation de qui il est. Il sent qu'elle n'est pas neutre, en face de lui. Ses prunelles, aussi, le lui ont dit. Il se braque. Secundo, il commence sérieusement à douter des capacités de jugement de cet Ordre! Il en avait une image confiante, sereine. Emplie de visions de sages chevaliers, capables de comprendre les besoins de ceux se présentant chez eux, comme de leurs serfs. Il ne pensait pas à Zalina, en l'occurence: il ne la voyait pas comme un chevalier. Comme une femme, portant épée, d'accord. Mais il ne se serait par exemple jamais imaginé à son service. Jamais-jamais-jamais. Pas possible. Quelque chose ne passe pas. La femme, cette créature inférieure à l'homme en les écritures, soumise à son père puis à son mari, ici, en ce lieu, à l'écart des temps, des moeurs, des coutumes... Cette femme, ici, peut avoir hommes sous ses ordres? Par Dieu, oui, Ryes était lieu bien étrange. Tertio, elle était batarde. Et sa fierté de fils légitime se trouvait heurtée, de voir une batarde, une FEMME, venir lui en remontrer, alors qu'il lui serait de toute façon supérieur en tout. Mais quarto, sa fierté de mâle s'en trouvait touchée. Autant que sa fierté de noble! Il veut un chevalier. Pas une femme. Pas quelqu'un qui devrait oeuvrer en cuisine, ou au chevet des malades. Pas une pisseuse, ne sachant pas manier le bâton, l'épée, et plus apte à utiliser la cuillère ou le rouleau à pâtisserie! Il était mâle. Il était noble. Deux erreurs de jugement fatales, qui allaient le pousser à se braquer. Mais peut être, Adrian, vas-tu apprécier ce qui va suivre?

La tension, loin de s'évacuer, s'augmente avec le souffle haché sortant de la gorge du jeune homme. Revenant se fixer aux prunelles sinoples, il énonce alors questionnement, détachant chaque mot, chaque syllabe, pour qu'ils soient compris par elle. Gravir les échelons de l'opposition, pour aller à la confrontation directe. Là, il lui montrait qui était le plus fort, à savoir l'homme, c'était plié, on n'en parlait plus, et il allait voir le Haut-Conseil pour un VRAI Chevalier. Par Dieu, quelle farce!


- " Quelle est donc cette saillie(3), dont je n'ai eu vent ? "

Mots simples. Tranchants. Et frappent les tambours, pour faire hausser, progressivement, la pression débordante, entre les deux êtres qui se faisaient face. Dont un animal, enchaîné dans un corps d'enfant, qui allait bientôt vouloir montrer qu'il était plus fort qu'elle. Chez les adolescents, on appelle ça rébellion contre l'autorité. Voire, besoins de prouver la force physique. Mais le Faucon ne savait pas encore que, au jeu de la rébellion, il ne jouait pas forcément les bonnes cartouches... Le vent, encore, toujours. Emportant des notes de musiques, et des tambours.

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(1): Katsuhiro Tenshu, Chef de la 3e division du Shinsengumi japonais lors de l'extrême fin de l'ère Edo (milieu du XIXe siècle), révélât ainsi que deux duellistes japonais échangèrent dans des combats un combat de Ki sans même bouger leurs sabres, les deux volontés s'affrontant l'une l'autre.
Plus récemment, en 1929, Ogawa Chûtaro dans ses mémoires racontât le duel d'exception auquel il avait assisté au Butokuden de Tokyo, entre Takano Sazaburo et Naitô Takaharu, duel illustrant la notion de Ki japonais encore mieux: Takano attaqua lors de ce duel Naitô à cinq reprises, toujours aux mêmes endroits, au niveau du poignet "kote" (gauche), Naitô restant tout du long imperturbable et stoïque. A la fin du duel, on proclama la victoire de Naito Takaharu, dont la volonté, le Ki, avait annihilé celui de Takano Sazaburo, et l'avait forcé à l'attaquer. ( Les deux références sont tirées de "Miyamoto Musashi", de Kenji Tokitsu.)

(2): Référence à Hero, de Zhang Yimou, avec notamment une scène de duel de Jet Li et Donnie Yen dans des conditions similaires.

(3): Plaisanterie.
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Cerridween
Le sourire s'est agrandi sur le coin gauche des lèvres de la Pivoine noire qui n'a pas cillé...

Hardi le petit faucon. Ou inconscient. Peut-être les deux...
Sourire en coin donc, affiché, en réponse à l'insulte des mots et du ton, soutenue par les deux charbons incandescents qui rougeoient devant elle. Le visage n'a pas bougé, pas plus que les mains sur la canne, toujours en repos sur le pommeau. Le corps reste stoïque. La posture hiératique. Les sinoples seulement se sont allumées d'une petite lueur, une petite flamme qui a fait crépiter les cendres dorées qui y reposent. Cette lueur qui prend corps et qui flambe là devant lui. La seule trace peut être de réaction, chez la Pivoine noire. Flamme de vie, son deuxième élément, qui joue à cache cache avec la glace qui la pare. Tu as allumé une poudrière, Fauconnier, de celle dont tu n'as même pas idée.

«C'est tout ce que tu as trouvé ?» semble demander le rictus. «C'est un peu court, jeune homme. Ce refrain là ne me fait à vrai dire plus rien.»

Les émeraudes ont bien noté l'agrandissement des pupilles lorsque les yeux du jeune rapace se sont posé sur l'écu et que les mirettes sombres ont souligné le trait épais qui le barre. Bâtarde oui. Exactement. Parce que mon père a culbuté ma mère. Parfaitement. Je suis à demi noble de part le sang, l'autre partie étant celle d'une métayère. Je suis le fruit d'un péché, d'un instinct bestial, d'une nuit, d'un jour. Je ne suis rien qu'une erreur, un instant de destin. Marqué jusqu'au bout de la chevelure, du nom et de l'écu, je suis une ignominie vivante, une preuve criante d'une faute passée. Bâtarde. Ce doux mot que tu n'as pas prononcé, mais que tu as pensé si fort qu'il en a transpiré de tes yeux hautains jusqu'à tes paroles. Ce mot, si tu savais jeune faucon, combien de fois il est arrivé à mes oreilles, à mes yeux de la même façon que tu me le présentes... Mais crois-tu sincèrement que si je n'assumais pas ma naissance, si j'en avais honte, je porterai cette marque au fer rouge aux yeux du monde ? Crois-tu sincèrement que je t'offre sur ce plateau de bois, une faiblesse, une chose que je ne saurai porter la tête haute ? Cette blessure là est cicatrisée depuis bien longtemps. Elle est devenue une force. De part le nom qui y est associé. De Vergy. Ce nom qui m'a été donné et que je sers sans discontinuer depuis qu'un géant blond m'a reconnue comme telle. Un être à part entière, ayant sa place dans une maison. Je n'ai pas à rougir de le porter, jeune faucon, même lacéré, parce que mon souffle et mes actes l'ont porté bien mieux que toutes les légitimités. Ton dédain glisse, regarde, sans impact aucun... c'est un fait Adrian, je le suis. Et je le sais. Tu ne m'apprends rien de plus que ce que je sais déjà et que j'assume, jusqu'au bout des armes. Que je revendique même , imagine toi...

Tu m'attaques, jeune faucon, en piqué, sur ce qui à tes yeux semble risible, qui semble en dessous de ce que sont tes jalons. Je suis tout ce qu'il n'est pas lieu d'être dans ton monde. Je suis une mal née. Je suis une femme. Quelles tares déjà n'est ce pas. Et je suis un chevalier.
La main dextre se lève vers l'encolure du doublet, écarte le tissu et sort le collier qui dormait sous la chaleur de la laine pour le porter au dehors. L'éclat d'argent hurle sur le sable. Au bout de la chaine une licorne cabrée. Provocante dans l'attitude et la position, sur sa poitrine. Sa poitrine de femme. Ici malgré tout, malgré le sort, malgré le destin, je suis, Fauconnier, une autorité. Tu as loupé une marche, une donnée que tu n'as pas vu, parce que tu es resté encore une fois à la surface des choses... au lieu de t'offusquer et de te braquer devant les apparences, de ce qui selon toi n'a pas lieu d'être et pourtant se trouve devant tes yeux, demande toi comment j'ai pu en arriver là. Si ton esprit est retors, il te dirait que j'ai pu accorder mes faveurs pour me hisser à mon corps non défendant à cette place. Mais tu sais, que ce n'est pas possible, jeune faucon. Et même si cela l'était, tu saurais que se tient devant toi un esprit machiavélique dont il faut se méfier et qu'il ne faut pas attaquer de front. Et si ton analyse se borne aux faits qui se déroulent là sous tes yeux, que tu remarques les gardes de mes armes qui ne sont pas neuves, mais polies par mes mains, noircies par la sueur et le sang, alors tu devrais en déduire qu'il m'a fallu des qualités et une abnégation exceptionnelle pour me hisser à la force du poignet et de la volonté à ce rang que bien des hommes n'atteignent pas. Que se tient devant toi une petite fleur insignifiante en apparence, petite, simple mais qui sous sa corole toujours vivante malgré les coups, doit dissimuler autre chose de bien plus dangereux.

Tu n'as pas encore assez ouvert les yeux.
Alors nous allons continuer ce petit jeu. Et au jeu des duels, jeune homme, qu'ils soient régit par le fracas des armes ou des mots crois bien que ma technique comporte peu de failles. Je ne te ferai pas le plaisir de plier sous l'affront, sous le poids de ton regard et de ton mépris. Parce que tes sous entendus du bout du regard, je les prendrai comme un compliment. Je suis une exception, de celles qui confirment les règles, établies ou non. Ta colère me ravie, m'enchante et m'amuse. Parce que ce que tu es actuellement, ce qui te fait et ce qui te donne ta grandeur, tout cela ne compte pas dans mon monde. Et que tu es ici, sur mon territoire, jeune faucon. Je te laisse les grands airs, les horizons, les hauteurs et les cimes, je n'aime pas m'en approcher, je ne m'y sens pas à l'aise. Je te reconnais sans ambages que ce n'est pas ma place. Je garde les pieds au sol et dans la boue. Mais auréolée de ce que tu recherches, de ce que tu es venu trouver, au milieu de la fange, de la sueur et de la douleur. J'ai beau être en bas de ton échelle, ici les cieux sont inversés. Et c'est bien ça au fond qui t'énerves...

Le sourire se ponctue d'un petit rire, une note, qui s'échappe, narquoise.
Les émeraudes brillent d'une lueur mesquine, presque mauvaise, effrontément plantées, poignards cuisants lancés avec le même dédain dont il a fait preuve, le toisant de haut.


Et bien, jeune homme, je suis ici par décision et accord du Haut Conseil réuni. Et j'ai rarement entendu dire que ces décisions étaient des galéjades. A toi d'accepter ce fait ou non. Pour ma part, peu me chaux, je n'ai pas de temps à perdre avec des freluquets dont la qualité n'a d'égal que l'engeance. Si cela ne te sied pas , tu connais déjà le chemin de la herse. Mais il sera dit que la pomme est tombée bien loin de l'arbre et que la chevalerie et le courage, contrairement aux titres, ne se transmettent pas par le sang...

Traits lancés.
En rafale.
Qui sème le vent, récolte la tempête.
Qui des deux soufflera le plus fort, Fauconnier ?

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Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Adrian
Nuages amoncelés dans le ciel de Ryes. Pattes noirâtres, grisâtres, blanchâtres, tourbillonnant, frôlant et lévitant au-dessus des hommes. Le soleil jouait à cache-cache avec les éléments. Le vent soufflait. Les arbres commençaient à se plier sous le vent. Les vagues de Manche, de façon incontournable, implacable, léchaient les rochers noirs aux formes érodées par la patience immuable de l'eau salée qui emportait tout, et ne laisseraient rien. Bientôt, la tempête se déchainerait, et pousserait les hommes à se mettre à l'abri. On allait bientôt fermer les portes de la forteresse pour la nuit, et prendre les repas du soir. Et, dans un jardin empli de plantes en devenir, la jusquiame s'opposait à la pivoine. Les paroles tranchaient l'air, aussi vivement que des lames d'épées. Les énergies en confrontation, bouillonnantes, montaient, montaient, crescendo lent et dévastateur, pour bientôt atteindre un point de non-retour destructeur, apocalyptique. Pour cette partie de la Citadelle, entendons nous. Combat en règle était, de toute façon, toujours dévastateur. Les plants emplis de tuteurs observaient la scène, et des chenilles fumeuses de narguilé, des chats mauve et rose, regardaient un combat entre deux visions du monde, deux aspects de la vie.
Quel paradoxe que celui d'Adrian Fauconnier... N'ayant plus personne, il était venu ici dans le but de trouver une famille. D'une famille, il avait surtout découvert un monde en marge du monde, un univers clos et symbiotique, à la hiérarchie simpliste et reposant davantage sur la confiance que sur les menaces. Il n'était pas à son aise. Etait-ce donc cela, ce que son père valorisait? Etait-ce cet état d'esprit, ce militarisme associé de symbiotique, cette forteresse où les hommes vivaient presque à l'écart du monde, n'en sortant que pour dresser l'épée contre le "méchant"?

Paradoxalement, toute arrivée dans un environnement nouveau pousserait à la condescendance, à la politesse exacerbée, au silence parfois mesquin devant des avis divergents. Adrian aurait ainsi pu accepter de façon courageuse son sort, et accepter cette personne que Dieu, par l'entremise du Haut-Conseil de l'Ordre Royal, mettait sur sa route. Seulement... seulement... Le jeune homme ne croyait guère en Dieu. Oh, non pas qu'il soit d'un athéisme fulgurant, ni catastrophique. Il connaissait les bases du livre des vertus, l'amitié aristotélicienne et tout le saint-frusquin. Mais il s'avérait éviter d'approcher de l'autel, tout simplement. Avoir perdu son père avait brisé quelque chose en lui. Les prières naissantes que, comme tous les enfants, il faisait parvenir au Très-Haut pour l'avantager au détriment des autres, pour avoir les faveurs du roy du Ciel, avaient été éteintes, dès la mort de son père. Comment croire en quelque chose de bon, qui n'empêche pas les pères de mourir? Il avait ainsi basculé dans un scepticisme poli, n'étant pas encore à l'âge où la pensée religieuse se structure. La folie de sa mère, opposée aux leçons des précepteurs reçues à Saulx, chez son cousin, avait achevée de dérégler une pensée aristotélicienne certes encore balbutiante, mais en désaccord avec ce qu'il pouvait vivre. Depuis sa mère folle, en somme, il avait cessé de s'adresser personnellement à Dieu, réservant cet us aux moines et prêtres qui pullulaient sur les terres de France, créatures expansionnistes plus ravageuses que des sauterelles, grenouilles de bénitiers chastes aux têtards qui s'épanouissaient plus vite que la peste!
Et l'arrivée d'Adrian Fauconnier à Ryes ne correspondait guère à une arrivée... standard. Il s'attendait à ce que l'on le testât, après la scène à l'auberge. Il s'attendait à ce que l'on lui fasse prendre conscience de qui il était, ou plus précisément de qui il n'était pas encore, et qu'on lui fasse baisser pavillon. Mais c'était là s'opposer violemment au fonctionnement taciturne et solitaire du jeune homme. Il avait toujours fonctionné plus ou moins seul, toujours plus penché sur ses actes que sur ceux des autres. Seul Luthi', Moustique, ou Bérénice pouvaient se targuer de l'avoir parfois pour eux. Il ne développait pas d'amitié avec les autres. Des domestiques, il en avait eu. Des nounous, il en avait connu. Il n'avait jamais su briser son lien avec sa mère, et créer quelque chose de temporaire avec les nourrices. En somme, il frôlait le niveau 0 de l'affectuosité, la base de la socialisation, ne cherchant jamais à plaire, mais bien à ce que l'on reconnaisse sa place. De plus, comme tous les enfants, il avait ce regard candide sur la vie, cette attitude désinvolte face aux contraintes, le "Ben pisque c'est comme ça on change de jeu!", qui s'échapperait bientôt pour laisser place à une volonté de manipulation. Il avait ses illusions. Illusions sur les non-nobles, sur les non-chevaliers, sur les infidèles, sur les femmes, sur les rousses.
Pivoine, de par ton être, tu rentrais dans trois, voire quatre de ces catégories...


Et bien, jeune homme, je suis ici par décision et accord du Haut Conseil réuni. Et j'ai rarement entendu dire que ces décisions étaient des galéjades. A toi d'accepter ce fait ou non. Pour ma part, peu me chaux, je n'ai pas de temps à perdre avec des freluquets dont la qualité n'a d'égal que l'engeance. Si cela ne te sied pas , tu connais déjà le chemin de la herse.

Défenses. Parades. Les deux premières phrases ne lui sont pas destinées. Elles servent à la conforter elle-même dans sa pensée d'être dans son droit, ou bien veulent lui montrer la façon de penser de Ryes.

Fente avant. Vite esquivée. Ce n'est pas parce que l'on critique sa qualité qu'il va s'échauffer. Il se contient encore, le jeune Faucon. Il ne succombe pas encore. Couronné intérieur, paré. Lui parler de partir n'est pas une attaque profonde, il ne serait pas là sinon.

Il se retourne, et esquisse quelques pas, dédaigneusement. Décidément, si elle ne parvient pas à faire mieux... Les bottes font trois pas.


Mais il sera dit que la pomme est tombée bien loin de l'arbre et que la chevalerie et le courage, contrairement aux titres, ne se transmettent pas par le sang...

Soupir. Yeux qui se ferment. Visage du père qui s'impose, obstruant sa réalité. Que ferait-il, à sa place? Sans doute rien. Peut être lui réglerait-il son compte. Peut-être accepterait-il le marché. Qui peut savoir? Il n'est pas son père. Il ne sait pas encore quelles horreurs il a accompli, et quelle était la face cachée de l'homme. Celle-ci lui sauterait au visage, dans moins d'un mois, par une lettre, adressée par l'une des plus puissantes nobles du royaume, Alois de Malemort, dicte Nebisa, en lui avouant qu'il avait un demi-frère. Sotte Nébisa. Sotte caille. Pensais-tu vraiment qu'un enfant qui plaçait son père au pinacle de ce qui était humain prendrait bien le fait de voir l'Ange fauter? Tu n'as pas réfléchi, Marche. Et tu n'as pas encore conscience des larmes de désespoir que créerait cette nouvelle, cette annonce de l'absence d'amour du père pour sa mère. Tu n'as pas pensé non plus à comment le jeune homme te verrait, toi. Ou son frère. Comme une erreur, peut être. Comme quelque chose qui ne devrait pas exister. Mais il était certain que le jeune Faucon ne prendrait pas du tout bien l'annonce.
Père mythique, dont l'on suit la trajectoire. Pour la première fois, l'attaque déchire un voile de tissu. Le jeune noble se retourne, et fixe son chevalier, l'oeil peu amène.


- " Allez-vous faire foutre. "

Il voudrait... Faire quoi? Probablement tâcher de la détruire. Cette erreur de l'équation naturelle, cette moins que rien, cette tâche, cette... Rousse, qui se targuait de lui enseigner des choses! Cette monstruosité dans un corps de femme, qu'il n'aimait déjà pas. Ce serait bien à lui, de lui apprendre des choses ! Notamment le respect dû à ceux qui vous sont supérieurs. Il ne retient plus les quelques règles de Ryes. La colère monte. ON NE DOUTE PAS DE LUI! Il suit son père, nom de dieu! De quel droit en douter? De quel droit remettre cela en question?

Salope.

Il prend un tuteur, à côté de lui. Bâton robuste et souple de près de 7 pieds, collé de terre. Il le frappe plusieurs fois au sol, pour en détacher le plus gros de la motte dans laquelle il est pris. Le regarde. Ce serait assurément une bonne arme... Bien en main, alors que le vent pousse des sifflements blafards, il se tourne vers elle, Dieu et les éléments eux-même attendant un combat qui n'en sera pas un. Celui où Adrian Fauconnier tâchera de se confirmer, à lui-même, que la pomme descend bien du même arbre.Il se retourne vers elle.


- " La pomme vous emmerde, Vergy. Car elle sait ce qu'elle vaut. "

En a-t-il conscience, lorsqu'il prononce ces paroles, de ce qui risque de se passer? A-t-il conscience du léger fléchissement de ses genoux, des deux rides apparues entre ses sourcils, de la poigne avec laquelle il tient le bâton? A-t-il conscience de ses bottes plantées fermement dans la terre? De l'air, qui lui fouette le visage, et humidifie ses yeux? Te rends-tu compte, Adrian, que tu vas au-devant d'un combat perdu d'avance?

Adrian s'en contrefiche. Car il n'y a pas plus beau combat que celui qui n'a pas de sens et dont on ne peut sortir vainqueur. C'était l'une des maximes de son père.

La tête se penche en avant. Les cheveux barrent un instant la vue, et le bâton devient peu à peu arme, entre les deux êtres qui se font face.

Tant de haine en si peu de temps... Les sentiments sont-ils donc si prompts à se déchainer, pour tout et n'importe quoi?

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Cerridween
La silhouette qui partait s'immobilise. Une seconde et il fait volte face.

Touché.

Les charbons se posent sur elle, brillants, profonds. Colère. Une vrai. Pas celle de façade qu'il lui a présenté tout à l'heure. Le dédain est balayé, le mépris l'accompagnant main dans la main. Il n'est plus qu'une colère sourde qu'il essaie de lui envoyer comme un trait.

- " Allez-vous faire foutre. "

Bien... voilà un de tes points faibles. Deviné, mais la rousse ne se contente pas d'approximation. Jamais. Même si son instinct commence à être rodé au jeu des suspicions, elle préfère les certitudes. Dévoile toi donc un peu, jeune faucon. Je sens que tu as mal... tu as une blessure que je connais bien. Regarde un peu j'ai la même. La même celle du deuil, celle des larmes, de la pierre tombale et de l'abandon. Mais elle n'est que le terreau de tout le reste... un jardin, un peu comme celui où nous nous trouvons, labouré, où poussent anarchiques, les fleurs de tes douleurs, de tes rêves et de tes passions. Il va me falloir du temps pour déterminer toutes les espèces, pour aider à grandir celles qui te seront bénéfique et désherber celles qui n'ont pas lieu d'être. Il me faudra du temps pour cerner celles que je ne pourrai jamais arracher et pour t'apprendre les plus dangereuses. Te mettre en garde contre leurs piquants ou leurs poisons. T'apprendre à les reconnaître et à les maitriser parce qu'elles seront une part de toi indéfectible.
Pour ça jeune faucon, il faut que je te pousse à bout. Que tu sondes tout ce purin toi-même. Que tu te retrouves dans une terre inconnu pour y refaire des fondations, solides, saines, de celles qui seront assez fortes pour pouvoir gravir les échelons, malgré les coups de béliers et les coups de sapes, de ce que tu voudras atteindre. Pour cela peut importe la manière. Tu veux me détester ? Déteste moi... si cela peut t'aider à avancer dans la voie que je te trace, imperceptiblement, sans que tu t'en rendes compte, avance, les yeux bouillants de rage, je ne t'en dissuaderai pas. Bien au contraire. Il est des chutes bénéfiques...

Les yeux sinoples suivent les mains qui arrachent un tuteur dans le jardin endormi. Les coups au sol résonnent comme les coups du nouvel acte qui se joue. La terre tombe du bâton improvisé, pour le rendre nu, lui donner un statut d'arme. Elle n'a toujours pas bougé d'un centimètre. Hiératique même sous la menace qui se profile. Mains sur le pommeau de la canne. Regard vers lui. Sourire en coin qui ne fond pas sous l'injure. Elle attend. Elle le regarde sans broncher. Elle sait que c'est énervant. Elle sait qu'elle l'irrite, à rester stoïque. Elle sait aussi qu'il ne sait rien d'elle, de ce qu'elle est ici. Et elle aime bien les surprises. Surtout quand elles servent de leçon. Pas un mouvement pour mettre en garde la canne ferrée donc. Pas un appui plus prononcé sur ses genoux pour prendre position. Pas un froissement de muscle. Pas un indice qui pourrait lui dire qu'elle est rompu à l'exercice de l'affrontement ou du duel. Rien.
Juste une cape qui vole au milieu des bourrasques...


- " La pomme vous emmerde, Vergy. Car elle sait ce qu'elle vaut. "

Sourire qui écarte un peu plus ses lèvres.
Une main se lève du pommeau de la canne et se tend vers Fauconnier. Mouvement de doigts, invitation en deux mouvements et une phrase.


- Et bien viens donc me prouver ça, jeune homme.

La main retombe sous la canne et le bois se retourne quittant le sol, pointe vers le ciel , passant d'un appui à une arme. Un éclair sur le bout ferré pendant qu'un rayon de soleil arrive à transpercer le plafond nuageux et inquiétant qui s'est installé, menaçant de noir.
Invitation entendue et acceptée. Il prend appui dans la terre froide.
La rousse d'un coup change, pendant qu'il s'élance.
Les pupilles s'agrandissent mangeant un peu l'eau verte qui le fixe avec plus d'acuité. Le sourire vient de disparaître pour laisser un visage lisse et sans expression. Les muscles se sont tendus, les genoux ployant un peu pour affirmer son emprise. Le temps se ralentit un peu pendant qu'il charge. Toujours pas un mouvement. Elle cherche du bout des yeux, l'instinct en marche, en fauve, ce qui va le perdre, les indices criants que vont lui donner sa posture, l'emplacement de ses mains, l'allure et le dosage de son pas, les endroits où il posera ses yeux.
Il approche.
Un pas.
Trop sûr de lui.
Manque d'équilibre.
Deux pas.
Trop d'envie de la dessouder.
Aucune analyse.
Aucune protection.
Trois pas.
La danse commence...
Le bâton part vers sa dextre...
Viens, viens donc valser avec moi...
Pas en rompant, du pied droit, premier temps.
Mouvement de la canne qui prend simplement appui sur le bois. Le coup est encore peu assuré. Test ou manque d'expérience ? Parade. Elle sent le pression passer à senestre. Il va rabattre son arme sur son flanc opposé...
Pas en rompant, pied gauche, tu penses que tu mènes notre duo, n'est ce pas ?
La canne lâche son emprise et est lancée dans une volte vers le bâton. Bois contre bois, prise de fer. Elle mesure la pression, n'en fait pas trop, ni trop peu, juste ce qu'il faut pour qu'il ne rentre pas plus dans le cercle qui la protège.
Regard droit vers sa tête.
Volte de l'arme de bois.
Le bâton se lève et commence sa chute vers elle.
Un pas.
Quart de tour. Son pied dextre se porte vers l'arrière et se plante dans la boue du jardin.
Elle se retrouve parallèle à l'axe du bâton qui continue sa chute dans le néant...
Le corps d'Adrian passe devant elle. Son épaule pourrait presque la frôler.
Appui sur son pied droit bien ancré.
Le corps du jeune faucon continue son mouvement lent.
Levée du pied gauche.... qui vient apposer une marque terreuse et gluante sur son postérieur, en le propulsant violemment vers l'avant.
Le jeune homme finit son avancée en quelques pas, déséquilibré, manquant de s'empêtrer dans son bâton.

Quelques pas feutrés, pour se remettre dans une position plus en retrait. Sa main dextre reste toujours sur la canne qui pend innocemment sur le côté. Les émeraudes piquées d'une lueur inhabituelle détaillent la cape d'excellente facturée, souillée, maculée de boue. Le sourire est revenu, toujours aussi narquois et horripilant.


- Et bien qui emmerde qui à présent ?


Elle le laisse réaliser, se retourner et elle reprend sur le même ton railleur, qui doit être un crissement d'ongle sur de l'ardoise lorsqu'il parvient à ses oreilles...


- Ah ces nobles de souches... beaucoup de paroles, beaucoup de froufou, de voilettes... mais peu d'actions valables et une ténacité aussi inexistante que leur aptitude à se taire et arrêter de flatter leur petite personne à tout vent, dans l'unique espoir de se donner une consistance. Dire que ça te ressemble grandement... et que c'est tout ce que détestait un certain Destructeur.

Soupir de théâtre attristé, posé avec soin...
Tournons le couteau dans la plaie.

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Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Adrian
Vertige.

Sergio eut été bluffé d'un ralenti si parfait. Leone, le réalisateur, eut copié pour aller chercher l'oscar. Mélange de genres, de parfums, d'odeurs et d'humeurs. Illusion des sens. Illusion des êtres.

Les pieds se soulèvent. Le talon s'arrache de l'herbe boueuse, comme un scratch sur les baskets souillées d'un petit d'homme rentrant chez lui crotté. Le bout du pied effectue une rotation de 45°, pas plus, pas moins, laissant la botte noire, pliée par le geste, se détendre et soulever le pied du sol. Près de l'empreinte de pas laissée vacante, un ou deux insectes téméraires, n'ayant pas peur du froid, s'approprient le territoire inexploré.

Caméra qui remonte le long d'un dos. D'une cape. Un corps en mouvement. Foncer. Les pieds se soulèvent, retombent.

Pas de pensées. Ceux qui pensent lors d'un combat sont des crétins. Pas parce qu'il n'y a pas de spontanéité dans la pensée, non ; parce qu'alors, chacun des pores de sa peau n'est plus tendu vers un seul but, une seule pensée: la victoire finale. Adrian était tendu. Telle une flèche, le corps, une seule extension, un seul but, un seul mouvement, s'était avancé. Goutte qui tombe d'un nuage fleuri, tombant au sol près d'un pied qui ne retombe que pour se relever, comme si le sol était brûlant et non glacé. Pas de prévision. Pas de calcul. Juste une envie, là, présente, comme toutes celles qu'il avait toujours eu: là, maintenant, il avait envie de la détruire. Point. Pas de chichis, de circonvolutions, de ronds de jambes. Lui péter la gueule. Lui dézinguer la face. Ratiboiser la tronche. Refaire le portrait façon grands travaux. Le ravalement de façade manière pointure 38 fillette. La bagarre, comme un enfant la fait. Face à la guerre... Comme une machine de guerre sait la faire.

Il a quelques rudiments d'épée. Quelques coups à l'épée en bois, dans un jardin, avec deux ou trois parades dont il ne se souvient plus. Il ne s'est jamais battu au bâton ; arme de péquenot ; de trou du cul ; de paysan. Pas une arme noble, mais la seule qu'il ait sous la main.

Tu ne sais tellement rien, petit... De la peur de mourir. De la rage de vaincre, s'opposant à la première. Du sentiment atroce, parfois grisant, d'enfoncer une lame dans le corps d'un homme. Y prendras-tu goût, petit? Deviendras-tu de ceux qui cherchent le goût du sang, pour mieux se sentir vivre? Quel guerrier seras-tu? Tu viens avec tes illusions et tes désirs de freluquet, te confronter comme une chiasse venue à un monde de symboles, de règles, spiritualité non-ecclésiastique. Celle d'hommes se sentant investis d'une mission divine. Et toi, petit nobliaux... Tu voudrais leur ressembler? Alors que tout ce que tu sais faire, c'est donner des ordres?
Le coup part, côté gauche. Il ne calcule pas. Ne regarde pas si elle est faible de ce côté-là, si l'appui est bon, si le corps a l'inclinaison adéquate. Ces choses qu'instinctivement l'homme d'expérience sent, parfois avant même de s'élancer face à son ennemi. Les corps dansent, luttent, et bougent. Passage à droite. Prise de fer. Les regards, qui s'entrechoquent. Celui d'un jeune garçon ayant une petite colère, un petit chagrin, un petit caprice. Face à l'expression tranquille, implacable, féline, d'une machine de mort rodée à la bataille, aguerrie au combat.

" Béni soit l'éternel, mon rocher, qui exerce mes mains au combat, mes doigts à la Bataille "(1)

Sinople, charbons.

Feu, contre glace.

Ignes Glacies.

Dour... Ah Tan(2).

Vieillesse de l'expérience, de la fatigue, de la désillusion. Jeunesse de l'illusion, des innocences qui perdurent, et... De celles qui ne sont plus.

Les bras se portent en arrière. Le mouvement est flèche, contre elle, par elle. Tuer. Goût de sang. Instinct de mort. Thanatos...

Dérapage. Vide. Bizarrement, seule un perce-neige effleure son regard. Contact moite, dur et claquant contre son postérieur. Puissance de la flèche qui continue, autre dérapage, demi-tour. Elle lui a BOTTE LE CUL, cette salope! Yeux qui se portent à sa cape. DU DRAP DE FLANDRES, MORUE! Ca vaut plus que ta propre petite vie méprisable de MERDE!


- Et bien qui emmerde qui à présent ?

...

- Ah ces nobles de souches... beaucoup de paroles, beaucoup de froufou, de voilettes... mais peu d'actions valables et une ténacité aussi inexistante que leur aptitude à se taire et arrêter de flatter leur petite personne à tout vent, dans l'unique espoir de se donner une consistance. Dire que ça te ressemble grandement... et que c'est tout ce que détestait un certain Destructeur.

Mais tu ne le connais pas, mon père! Mais je vais te BUTER, toi! Bâton qui vire à l'horizontale. Respiration sourde, accentuée volontairement. Les pieds se fléchissent, s'enfoncent dans la terre. Torse qui fait avant-arrière. Deuxième charge. Pas de pin-up siliconnée pour mieux montrer le ring unique créé par ce combat. Pas de pancarte blanche aux chiffres énormes pour montrer ce que tout le monde a compris. Pas de revolver hurlant le départ. Pas de startings-blocks, ou même de ligne d'arrivée. Rien. Un simple souffle de vent, soulevant les cheveux, emportant quelques reliquats de l'hiver, alors que les nuages craquent soudainement, donne le départ. Pluie, vient, et délivre les terres. Une goutte. Deux gouttes. Plusieurs gouttes. Pluie. Pourquoi faut-il toujours que, dans ce genre de combats, comme aux enterrements, il pleuve? Nouveau départ en avant. Stratégie différente. Pique du bâton, au visage. Déviation de la rousse, vers sa droite. L'autre extrémité qui revient, impitoyable. Parade de Pivoine de l'autre côté, à deux mains pour le principe. Frappe au genou à senestre du Faucon, parée par un genou replié. La droite frappe l'épaule. Parade en quinte de la canne, alors que la pivoine recule consciencieusement. Pique au visage, puis à la cuisse, avec le bâton-lance, parées avec brio par le chevalier. Lent couronné du bâton, articulé par un cri de gorge animal, montrant bien l'énervement croissant du bourriquet.

- " RAAAAAAAHHHHHH ! "

Parade en quinte. Adrian est trop près. Beaucoup trop. La jambe droite se lève, et le bout du pied botté vient cueillir le jeune homme juste sous les côtes. Souffle coupé, un pas en arrière. Bouillonnement de colère, de celui à qui l'on résiste.

Pour la première fois de sa vie, peut être, Adrian recommence enfin à avoir peur. Et, comme bien souvent alors, la colère reprend le dessus. Colère contre soi, brève, éphémère, que l'on redirige rapidement contre l'Autre, qui en est cause. Salope! Pique au visage, que la rousse esquive d'un mouvement rapide de tête. Nouvelle avancée du godelureau, qui ne regarde plus du coup... LA CANNE, FOUTU IMBECILE! Heurt. Craquement sinistre. Sang qui jaillit de la bouche. Une mâchoire hurlant de douleur à la mort. Bâton lâché, qui rebondit avant de s'affaisser. Genou en terre, mains au visage. Grommellement, qui fait à nouveau monter le sang à la bouche. Crachat rapide. Sang qui coule dans sa main, que le garçon regarde, comme ébahi. L'une des premières fois qu'il souffre réellement... Adrian n'a jamais souffert. On l'a parfois brimé, on l'a parfois puni. Il n'a jamais été fouetté. Peu de claques. Peu de bagarres, voire pas du tout, pour le jeune homme solitaire habitué à l'obéissance aveugle, et aux sourires hagards des domestiques. Monde d'hypocrisie et de gentillesse, même de ceux qui ne l'aimaient pas. Comment, enfant, pouvais-tu être préparé à ce que tu es en train de vivre...? Il est presque heureux. Enfin, il sait ce qu'est Douleur. Enfin, il a une réelle réaction en face de lui. Pas celle d'un enfant face à ses pairs, disproportionnée, inepte, parfois sans fondements. Pas celle d'un adulte face à un enfant, de ces mignardises où l'on tire la joue, où l'on parle rudement, comme à un mauvais chien. Non. L'une de ces réactions d'homme face à un autre, de bête, d'animal, face à face entre deux potentiels de mort, deux possibles ennemis. Enfin, enfin, petit, tu vois dans les yeux d'un adulte le regard que l'on adresse à un égal, qui plus est à un homme...

Les charbons se redressent, et se vissent aux sinoples. Presque comme un "Regarde, bordel, ce que tu viens de faire ?!".

Ce jour-là, face à Cerridween de Vergy, Adrian Fauconnier de Riddermark fit le premier pas vers la définition de l'Homme qu'il deviendrait, un jour, si Dieu lui prêtait jamais longue vie. Ce qui, lecteur, sera fort probablement le cas, si votre serviteur reçoit choppine. Une rousse, vous pries-je ; de Flandres, de préférence ; et sans faux-col !

Vous serez bien aimable.


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(1): Psaumes, 144-1, De David.

(2): Feu et Eau, en breton.
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Cerridween
Pluie...

De coups...
Aussi insignifiants que l'eau qui commence à s'écouler sur sa peau. Combat inégal. Danse qui pourrait être macabre si les deux adversaires n'avaient pas des armes de bois. Fatale pour lui. Les émeraudes ciselées à vif analysent, scrutent comme son corps, à chaque coup, ressent les vibrations dans l'essence sylvestre qu'il lui oppose. Elle le laisse déverser sa rage désordonnée qui se déploie en de multiples essais de la toucher. Simple essaim de mouches qu'elle efface d'un bout de canne, d'un geste de main. Elle ne force pas. Elle contrôle. Se paie même le luxe d'esquiver plutôt que de parer. Jouant en chat avec la souris qui lui fait face. Je te laisse courir. Je te donne l'illusion que tu vas t'en sortir, qu'il te reste une échappatoire, que j'ai quelques faiblesses là, quelque part. Et puis je t'attrape, coup de patte, un pied levé et qui vient caresser, acéré, tes côtes. Tu devrais commencer à comprendre. Tu devrais.

Tourne et virevolte, Adrian, dans ma cadence, ma danse, celle que tu crois pouvoir suivre dans cette cadence molle d'une pavane, alors que je suis virtuose et maitre de ballet. Je suis en train de t'envouter lentement et de te faire sentir petit à petit, le danger qui te fait face.
Le félin commence à perdre patience.
Tu joues un peu trop...
Tu commences à me lasser...

Le bout de bâton arrive vers sa tête... pas déjà joué. La tête se déporte. La main droite monte, monte. Ton bâton, tu vas le retirer. Me laissant le champ libre. La canne est maintenant armée pendant que le bois se retire. Et le revers tombe. Bout ferré contre gencive. La tête d'Adrian suit le mouvement du coup pendant qu'un filet de sang gicle. La canne finit son mouvement fendant les gouttes d'eau qui tombent maintenant en rideaux balayés par le vent et s'immobilise à l'horizontale à dextre, en prolongement de son bras toujours levé. Les émeraudes n'ont pas lâché la proie qui vient de poser un genou au sol dans une giclée de boue. Le bâton est au sol, tombé sous la douleur et la surprise. Elle le regarde ainsi, immobile, statue de sel noire... n'ajoutant rien... faisant fie de l'eau qui ruisselle maintenant sur sa cape et ses joues d'albâtre. Un crachat pourpre vient rejoindre le sol, laissant un mince filet à la commissure des ses lèvres troublé très vite par les gouttes de l'onde qui s'abat sans discontinuer. Les charbons toujours aussi orageux se lèvent vers elle, au diapason du temps, avec une lueur de reproche.

Fauconnier...

Je suis la réalité. La réalité du chemin que tu empruntes. La réalité des armes et du combat. Si dure qu'elle fait mal, toujours. Je ne suis pas un bourreau malgré le sobriquet dont on m'affuble. Je suis juste la main de la vie pour toi. Celle qui va te maltraiter, te plier, te tordre, te battre, te faire mal et te mordre jusque dans la chair. Cette réalité là ne ment jamais. Elle ne s'encombre pas de courbettes, de faux semblants, de parades, d'atours, de costumes. Elle est nue... sans détour. Contre elle, pas de pirouette... un échange frontal. Je suis implacable. Je suis sans pitié. Pas parce que j'aime l'être. Mais tout simplement parce que je lui ressemble. Parce qu'elle m'a forgée. Parce que je forge maintenant les autres au fer rouge, pour qu'ils puissent l'endurer. Endurer cette réalité crue, violente. Connaître sa rigueur, son visage, son goût métallique. Savoir sa férocité, son inclémence, son austérité. Tout simplement parce que jamais, si tu la choisis comme maitresse de ta vie, jamais tu ne pourras lui mentir. Jamais tu ne pourras te cacher devant elle. Jamais tu ne pourras la fuir.

La fleur que je veux voir grandir, elle pousse là dans tes yeux. Encore en bouton. Je dois la laisser s'épanouir pour l'instant avant de la cueillir pour qu'elle meure et qu'elle te laisse lorsque le temps sera venu. Elle fait mal elle aussi, elle a ses piquants qui commencent bien que minimes à s'enfoncer dans ta chair et dans ton âme. Elle a un petit nom que tu vas apprendre à connaître et à souffrir dans les prochains mois.

Le doute.

Debout.

La voix a claqué. Un ordre. Oui. Qui ne souffre rien d'autre que son exécution. Le fauve s'est réveillé maintenant. Ce n'est plus un chat qui s'amuse devant lui. C'est un prédateur qui vient de se mettre en garde et qui diffuse un parfum de péril qui se mêle aux effluves de son sang. La main est crispée sur la canne. Les émeraudes taillées comme des rasoirs qui le transpercent. La silhouette noire est plantée sur ses appuis, tendue, menaçante. Ruisselante de danger...

Tout avant n'était que brise. Maintenant Adrian prépare toi à affronter la tempête...
Tu n'as pas le choix. Tu vas te relever. Tu vas empoigner ton arme, glissante de boue et d'onde. Tu vas te mettre en garde et garder ce regard qui se veut bravache, alors qu'un éclair me dit que son ciel n'est pas sans nuage. Parce qu'on va toujours jusqu'au bout d'un combat.
Tu vas charger à nouveau.

Les pas du jeune faucon s'impriment dans la terre gluante faisant jaillir des gerbes d'eau à chaque fois qu'ils la rencontrent.
Assez jouer.
Elle attend le premier assaut. La canne enroule le bâton et réplique vertement.
Premier coup au flanc. Estoc.
Crispation du volatile, fauché en plein vol.
Deuxième coup, de taille, après une volte, quand l'arme ferrée s'abat violemment sur son flanc opposé.
Un tressaillement en face. Un sursaut de désespoir peut-être.
Trop faible après les coups reçus.
La canne arrête le coup, qui sera son dernier, en se plaçant juste entre les mains du Faucon.
La main libre agrippe le bois près de la canne qui s'efface d'un coup. La rousse tire sur l'arme de son adversaire, tête en avant.
Choc frontal. Coup de crâne contre le sien.
Un mouvement léger vers l'arrière pour lui faire prendre de l'élan...
Et elle l'envoie valser comme un fétu de paille, vers l'avant.

Le corps d'Adrian s'écrase dans la boue du jardin...
La rousse reprend tranquillement sa canne comme appui et tourne autour de sa proie qui reste allongée. Ses bottes s'arrêtent devant le visage grimaçant. Lentement, sa main senestre prenant aide sur le pommeau d'acier, elle s'accroupit pour se mettre à hauteur. Sa main dextre soulève le menton et le force à venir affronter les sinoples sans amitié qu'elle lui offre.
Un moment de silence pendant qu'elle le scrute à travers l'eau qui souligne ses traits, Pivoine apparemment insensible aux éléments qui se déchainent autour d'elle.
La voix claque à nouveau.

Quel était le cri de ton père ?
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Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Adrian
Debout.

MMMhhh? Quoi? Qui me parle?

Espace noir. Confusion.

Adrian est... cotonneux. La douleur a des effets si... ambivalents. Il la regarde. Les yeux se plissent, se contractent. Dormir... Oui, il serait doux de dormir. Il se sent... Comme un rat, dans une cage immense, pouvant la faire avancer ou reculer à son gré. Sa perception du monde diffère. Elle a évolué, avec la douleur. Il s'est replié de ses perceptions. Les images parviennent d'un univers lointain, œil-de-bœuf lointain, aussi lointain que Mars. Les sons sont étouffés, ouatés, annihilés. Un retour absolument stupéfiant à l'essentiel. Il ne perçoit plus rien du contact de l'eau sur sa peau, de la douleur dans sa mâchoire, des tremblements dans ses membres. Il se sent... fatigué. Si fatigué. D'un coup, une fatigue vieille de plusieurs années lui est retombée sur le râble. Mais... à quand remonte-t-elle? La mort du père? La dernière fois qu'il a vu sa mère? Réfléchis, petit. Depuis quand, t'es-tu senti si fatigué...? Est-ce de, depuis la mort de ton père, d'avoir voulu être l'homme de la famille? Est-ce depuis le départ du Jeneffe, où tu l'as été de fait? Depuis que tu sais que ta soeur aura furieusement besoin de toi...? Rôles que tu n'aurais pas dû prendre. Mais que tu as choisi d'assumer, reléguant la fatigue, physique, mentale, psychologique, au loin, être gestionnaire, pour ceux que tu croyais compter sur toi. Fatigué...

DEBOUT.Que...Quoi?J'ai dis DEBOUT.Noooonnnn... Encore un peu, là, bien, si bien... Fatigué, dormiiiiiirr...

L'impression de fin d'un rêve, qui va bientôt se dissiper. Celle de début de journée, surtout lorsqu'elle se révèle désagréable. Reviens, Adrian. Reviens...

Clignement d'yeux. Tremblement compulsif des membres. Pieds mal assurés. Une cape d'écarlate lombarde, désormais réduite à de la bouillie boueuse. Tout le corps, exprimé en une douleur... Atroce. Bouger un doigt provoque une plainte. Bouger un membre est difficile, face à l'engourdissement pesant qui émane de sa mâchoire. Le sang en sort librement, s'épandant sur les armes de Parcey. Pas de dents cassées. Pas de crâne fracassé. Un simple coup... Imparable, et déroutant. Les yeux s'agitent. Regard au sol. A sa tunique. Au Chevalier, comme s'il ne comprenait pas ce qui lui arrive. Puis... Fouille des yeux. Où...? Là. Se tord sur le côté, pour reprendre le bois. Mal...

Il s'en aide, pour se remettre debout. Incroyable, mais vrai. Alors que son père, le jour de sa mort, était toujours debout, après près d'une dizaine de coups d'épée dans le corps, alors qu'encore, à ce moment, la rage convulsait ses traits, agitait ses membres, fendait l'air, détruisant l'ennemi... Son fils, lui, n'était absolument pas capable, après un simple coup à la figure, de... Repartir à l'attaque. Tarlouze!

DEBOUUUUUT !

Comme un pantin, agité de soubresauts extatiques par un marionettiste volage, comme une vache piquée aux fesses par quelque pointe rougie au feu, Adrian, lentement, reprend arme en main, et avance. Les coups sont sans force. Les forces sans volonté. La volonté, sans envie. L'envie, uniquement centrée sur la FIN. Plus de colère, plus de haine. Eteintes, comme une flamme, par les endorphines. Petites molécules du plaisir, contrant la douleur, soufflant toute colère, car incompatible avec le plaisir, de la ouate satinée dans laquelle il se prélasse. La vie... est bien trop bonne, pour se satisfaire de ça.
Il frappe.
Il tente de parer. Coup à gauche, coup à droite. Comment tient-il sur ses jambes? Mystère, et boule de gomme. Les deux coups lui scient les côtes, l'empêchent de respirer. Il vacille, tangue, mais ne tombe pas. Fluctuat nec mergitur(1).

Et... Chute. En avant. Vers elle.NON! TROP PRES! TROP... choc. Sang qui lui monte au nez. Pas cassé, non. Le chevalier a bien visé: il saigne, mais n'est pas cassé. Chute, lente, douce, vers... la terre. Il n'a plus de force. Il ne peut qu'agripper la terre, et l'étreindre en un baiser fraternel du pénitent. Le sang coule du nez, de la bouche. La douleur monte de son nez, de sa mâchoire, de ses côtes. Il n'a plus la force de se redresser, et ne peut que glisser sa tête de côté, pour éviter l'étouffement. Respire... La respiration est lente, profonde. Basse. Elle siffle, halète. Difficile chose, que l'ouverture d'un chemin, au milieu de tout ce sang. Il fait des bulles, ce sang, entassé devant le nez et la bouche.
Le sang se mêle à la terre. L'eau lave ce corps. Lave cette présomption. Cette rage. Cette colère. Elle n'est plus sienne, désormais, et retourne à la terre. Des crépitements de nuages qui se crèvent bruyamment de leur eau bourdonnent autour d'eux. Adrian est loin, loin... Il n'a même plus la force d'avoir mal. Les coups lui ont brisés toute envie de faire quoi que ce soit.

Lorsque... Schlorf.

Quoi, schlorf? Comment ça, schlorf ? Bruit de vêtements qui se froissent. Une main. RAAAAAAAAAH ! Pas le menton ! Pas le menton ! Mal au cou. Mal partout. La respiration s'accélère, siffle. Hiiiiiifuuuuuu... Hiiiiiiiifuuuuu... La douleur revient, peu à peu. Pourquoi ne peut-on pas le laisser en paix? Il a perdu. Qu'on le laisse mourir, par Dieu ! Qu'on lui accorde au moins encore cette dignité ! Car il ne peut que mourir, de tant de douleur, non? On ne doit pas survivre, à tant d'horreur?
Et le futur Imperceptible, le futur tortionnaire qui aurait parfois à coeur d'éclater les chairs, de polir les sangs, pour extirper la vérité de corps détruit, comprenait enfin comment fonctionnait la douleur. Ironie du sort? Cela ne lui éviterait pas de l'infliger, bien assez tôt, aux autres...

Il a le menton levé. La respiration est horrible, alors que le sang dégoute sur les doigts gantés de la Pivoine. Les dents se serrent comme elles peuvent.


Quel était le cri de ton père ?

Hiiiiii... Fuuuuuuu... Hiiiiiiiiii... Fuuuuuuuu... Hiiiiiiii... Fuuuuuu... Les yeux s'ouvrent, comme on s'extirpe d'un rêve. Il n'a rien compris. Il ne peut que ressentir, cette douleur sourde, qui lui vrille le corps et l'âme. Les charbons se teintent. Douleur, tristesse, fatigue, demande de pitié. Pitié? TARLOUZE ! Et ta fierté !

REPONDS ! ALLEZ ! REPONDS !

Les charbons s'emplissent de volonté. Relève cette douleur, dedieu! Allez! Allez! Allez! Les lèvres tremblent. Tout le corps tremble. Elle a été sans pitié, et n'en accordera pas. Salope!
Il entrouvre les lèvres, grimace. Ses yeux se chargent de colère. De haine. Avec la douleur, les vieilles amies reviennent. Et se développent. Assourdies, autour d'un seul but, une seule force, une seule envie : lui répondre, lui cracher au visage. ALLEZ! REPONDS!


- " Nun... Nun... Quam... " Allez, sangdieu! ALLEZ ! Les yeux la fixent. Sinople contre charbons, Emeraudes contre sable, ils la fixent, avec une dureté implacable. Enfin. Bralic, enfin, te voilà...

- " Nunquam... Renuntia... "

Jamais ne renonce. Bordel.

Extinction des feux. Switchage de l'écran. Reboot. Et Adrian retombe. Encore, encore, et encore. Les yeux se ferment. Il ne peut qu'entendre, encore, quelques mots, avant que de... Sombrer.


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(1): Flotte, mais ne coule pas: devise de la ville de Paris, comme tout un chacun le sait! ( )
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Cerridween
Les sinoples vrillent le regard d’Adrian.

Elle voit son effort pour parler… elle sent la difficulté, elle entend le souffle rauque, elle voit les traits déformés par la douleur.
J’attends…
Un balbutiement…. Et les deux mots attendus se font entendre. Jamais ne renonce. Un dernier éclair dans le regard noir. Un dernier éclair de colère et de détermination. Les paupières vacillent comme sa conscience, une seconde… une seconde encore. Et il chute…
La tête brune retombe dans sa main...
Le sang se mêle à la boue et à l'eau qui continue à tomber.

Soupir. Difficile de traduire ce que transporte ce souffle imperceptible qui vient de passer les lèvres de la Pivoine. Lassitude ? Déception ? Regret ?
Tu as voulu jouer au grand, Adrian... mais ici tu n'es plus un enfant. Tu ne peux plus te le permettre. Et je ne peux pas te le permettre non plus. Ni laisser place à la pitié pour ta carrure et tes failles en matière d'arme. Parce qu'on ne te fera pas de cadeau sur un champ de bataille. Pas parce que tu as encore sur ton visage les signes d'une enfance qui fuit petit à petit. Tu as décidément énormément à apprendre, jeune volatile. Et déjà, en premier lieu, que tu n'es pas de taille à te mesurer à tous les oiseaux de proie... en second lieu, il faudra que tu apprennes aussi à les reconnaître.

La réaction, cependant, ne se fait pas attendre. La canne est lâchée et vient s'enfoncer dans le sol mou. La Pivoine noire fait pivoter le corps évanoui pour le mettre sur le flanc. Ses mains enserrent les poignets du Faucon et les tire pour le mettre assis. Aucune réaction des deux charbons noirs qui restent absent sous les paupières fermées. Elle en garde un dans sa main droite et pivote pour que son dos rencontre le ventre du jeune homme. Ses genoux rentrent dans la boue du jardin et s'imprègnent d'eau et de fange. Elle s'arqueboute, tête touchant presque le marasme terreux, et attrape le jeune homme sous le genou avec sa main libre.... les bras de la maitre d'arme affermissent leur emprise. Un genou se relève.... trépied et inspiration. Elle pousse de toutes ses forces pour se lever, le corps d'Adrian en travers de ses épaules, en serrant les dents.
Une seconde pour se stabiliser... tu me le paieras ça, jeune homme.
Un coup sec pour le mettre bien en place et les pas entament la route vers la sortie.
Elle a noté un mouvement dans les arcades, maintenant que son esprit n'est plus tout à Adrian. Une silhouette se cache, derrière un pilier... silhouette fine et cheveux bruns. Une femme. Elle doit être là depuis le début... sinon elle aurait noté son entrée.
Elle ne cherchera pas à connaître l'identité de l'observatrice. Pas de remontrance. Pas de réflexion. Elle n'est pas intervenue... c'est le principal. Elle aurait sinon subi le même courroux et la même correction.

Sans un regard pour l'espionne, le corps de la rousse s'engage vers l'infirmerie. Elle avise deux hommes d'armes et leur donne ordre de la suivre. Elle sent la respiration sifflante à ses oreilles et voit un filet de sang sur son doublet. Grognement. La porte du bâtiment des soins est ouverte d'un coup de pied fracassant. Elle dépose le corps inanimé sur les dalles de la salle. Vide, la salle des soins en ce jour... tant mieux...


Déshabillez le, passez lui des braies et étendez le sur le lit près du mur...

Laissant les hommes remplir leur tâche, la Pivoine noire tourne le dos et s'en va près du feu en fauchant une chaise au passage. La chaise est posée près de l'âtre et le mantel licorne souillé et détrempé y atterrit. Les mains pressent la chevelure léonine qui laisse échapper un filet d'eau... le doublet rejoint la cape. Puis les ceintures maintenant ses armes sont détachées et suspendues au dossier. Deux buches viennent rejoindre les flammes, qui s'empressent de les pourlécher de leur langue rougie. La rousse les aide en soufflant un peu sur les braises. Moment de répit, les mains devant le feu, en attendant qu'ils aient fini leur office. Un avis de l'un d'entre eux lorsque c'est enfin fini. La rousse se retourne et les congédie.

Elle s'approche de l'armoire des remèdes et sort ce dont elle a besoin. Trousse de chirurgie, baume à la consoude, solution de ciste, linge. Le tout se pose sur la table près du lit. La Pivoine avise un tabouret et le colle près de la tête de lit pour pouvoir officier. La trousse est ouverte d'un geste sec. Un premier linge torsadé vient se caler dans la bouche ouverte d'Adrian du côté du coup de canne pour éponger le sang. Les paupières papillonnent. Elle attrape ensuite un petit couteau aiguisé et taille une bande infime de tissu qu'elle accroche à une curette. La main senestre vient soulever légèrement le menton... tu ne vas pas aimer. La curette passe successivement dans les deux narines pour enlever le sang qui commence à coaguler. Le jeunot pousse un gémissement les paupières encore clauses et remue.


La paix...


La voix est calme mais autoritaire. Une fois le nettoyage fait, nouvel assaut de l'appendice nasal avec un bout de tissu imprégné de ciste. La curette se repose enfin. La rousse se lève pour récupérer des bandes. En revenant elle rabat la couverture pour voir le torse du Faucon. Hum le coup d'estoc et de taille sont visibles, striant la peau d'un point et d'une marque rouges. Tu vas dérouiller. La main se saisit alerte du baume de consoude et l'applique sur les parties rossées jusqu'à ce que le baume pénètre. Nouveau gémissement même si les yeux restent ostensiblement fermés. Nouveau découpage de tissu... onction généreuse des morceaux qu'elle pose sur les deux parties endolories. Ensuite elle assied le jeune homme. Le corps alangui retombe mollement vers l'avant. Partie périlleuse du bandage du torse ponctué par des plaintes de plus en plus faibles.
Une fois les soins terminés, elle rallonge Adrian et le couvre. Il va dormir... les ustensiles sont lavés et rangés, l'infirmerie remise en ordre, en silence.

Attente.
La rousse va se sécher près du feu... les sinoples se perdent dans la contemplation des flammes. Une fois réchauffée, elle s'en retourne vers le lit et prend le tabouret qu'elle pose près du pied du lit. Elle s'y assoie le dos calé sur le mur qui court, parallèle à la couche et patiente, bras et jambes croisées.
Longtemps...
Le soleil décline lorsque qu'Adrian ouvre enfin les yeux... lentement les prunelles aux éclats d'obsidienne se dévoilent et cherchent où elles ont bien pu tomber... une main retire le linge de la bouche et retombe mollement sur le matelas.


La réponse était correcte.

La tête du nouvel écuyer se tourne lentement vers elle. La Pivoine attend, quelques instants, le laissant réaliser que tout ceci n'était pas du tout un mauvais rêve. Les sinoples le regardent, impassibles, les bras restent croisés.

Tâche de t'en rappeler et de t'en montrer digne... et nous ferons peut-être quelque chose de toi.


Lentement, elle quitte son assise et se déporte vers le feu. Elle se vêt lentement, enfilant doublet et cape, sans prendre cas de leur état. Les ceintures reviennent enserrer sa taille. Une buche encore vient alimenter le brasier qui en ronronne de plaisir. Puis tournant les talons elle vient se planter au pied du lit.

Dans deux jours. En salle d'arme. A laudes. Entrainement. Ensuite tu laveras mes affaires.

Les émeraudes sondent un instant les charbons... les mains burinées viennent attraper la capuche qui se pose sur les boucles rougeoyantes. Puis, la silhouette noire se dirige vers la porte.
Un instant de flottement pendant qu'elle met la main sur la poignée. Un fin sourire vient perturber un instant les traits implacables, pendant qu'elle reste là, immobile... il meurt ensuite, laissé au secret.
La Pivoine encapuchonnée se retourne.


Ah oui... j'avais omis de dire.... Je suis le Maitre d'arme.

La porte grince sur ses gonds et avale la silhouette qui se fond dans la nuit qui reprend ses droits.

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Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
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