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[RP]On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille...

.mahaut.
Mais désormais, en France, on choisit son roy. Partout dans le monde, des hommes se sont battus pour que chacun puisse avoir voix au chapitre et déterminer qui était l’homme capable de mener le royaume vers de hautes destinées. Pour ces hommes là, les hommes sont égaux, ou presque. Tous ont un cerveau, des yeux, des oreilles et sont donc capables de les faire fonctionner pour réfléchir à la situation. Et après cette analyse poussée, leur sens moral et leur discipline naturelle les pousse à désigner le plus apte d’entre eux à diriger.
Cela s’appelle la démocratie élective. En des termes moins compliqués, cela s’appelle une grande connerie. Parce qu’en matière d’utilisation de cerveau et d’égalité…



-Héééé, tavernier ! Héééééééééééé ! Machin ! Du schnou ! Du schnok, voilà ! Hééééééééé !
- Toi et ton jumeau, r’mets nous un coup !
- Nan mais moi j’maintiens, c’te équipe de soule, à la mi-temps elle était déjà défaite ! Y’avait plus personne au niveau défensif.
- Je crois que bon… Taquetiquement, l’équipe a bien travaillé, le groupe est soudé, on était bien en place mais qu’il y a encore des petites choses à revoir au niveau de l’ensemble, quoi. Le Match a été riche en apprentissements.
- Naaaaaaaaaaaaan mais *hips* vous z’allez voir, ils vont se refaire pour le prochain match.
- Ah ouais ? Et comment ? En buvant d’la soupe ? Nan parce que là ils ont plus de dents, hein ?
- Tavernieeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeer ! Y’a marée baaaaaasse !


Les voix qui s’échappaient de la taverne rebondissaient dans la ruelle sombre de la petite ville bourguignonne. Mahaut et Anatole visitaient la région, et la brune insistait toujours pour faire les petites ruelles tortueuses, « plus à même de faire ressentir l’identité locale des lieux » et surtout nettement moins froides que ces « p… de saleté de c… de satanées églises jamais chauffées ». D’autant plus que dans toute ville qui se respecte, il y avait au moins une taverne pleine d’habitués en train d’écluser un fût de bière et de commenter l’actualité.

- Juste ciel, j’en aperçois un qui vomit à côté du comptoir. C’est répugnant.
- Mais nooooon, comme vous y allez. Regardez, le tavernier le fout dehors et balance de la sciure. C’est très hygiénique je trouve.


Un nouveau cri à base de « Santééééééééééé » retentit et la brune poussa la porte d’un air décidé. Anatole la suivit, nettement moins rassuré et prenant bien soin d’inspecter le sol histoire de ne pas avoir de mauvaise surprise.

- Bonsoir tout le monde ! Mahaut, ‘chantée. Tavernier ! Tournée générale !
- Ouaiiiiiiiiiiiiiiiiiis !
- B’vnue mamzelle Macho !
- C’est Mahaut, dame de Nabinaud, bande de péquenots !
- Il a fait une rime en « o » ! Ho Ho Ho Ho Hoooooooooo ! Santéééééééééééé !
- Ils sont complètement cons ou quoi ?
- Gais, ils sont gais. Messires, excusez-moi, mais Anatole est limousin.
- Houuuuuuuuuuuuu !
- Qu’on le pende !
- Que fait la douane ! On laisse entrer n’importe qui !
- Mais il est à mon service et j’en ai besoin. Tavernier, remettez-nous ça.
- Ouaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis !
- Vivent les limousins en service !
- Et les limousines !
- Je ne suis pas limousine, Aristote m’en préserve, je suis périgo… nan, laissez tomber. Remettez nous une tournée, Machin.
- Ouaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis !
- Les limousines, pour se déplacer, c’est ce qu’il y a de plus confortable. J’sais c’que j’dis, chuis él’veur, hein.
- Ouaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis !
- Les gars, y’en a un qui veut bien taper Riton ? On dirait qu’il est coincé.
- OUAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIS !


Mahaut leva prudemment ses pieds de son tabouret et considéra d’un air serein la cohue qui se faisait autour de l’homme à terre et de ses compagnons avinés, lancés dans une figure artistique compliquée dite « de la pyramide » qu’un juge roumain n’hésita pas à noter d’un très flatteur 7.8.

- Ah, Anatole, je commence à me réchauffer. Installez-vous, que diable ! Mettez vous là.
- Mais je suis persuadé qu’un homme a vomi par terre à cet endroit !
- He bien tenez debout sans les pieds, alors !
- Je vais prendre un tabouret.
- C’est ça, prenez une initiative, vous verrez, vous vous sentirez mieux.


Il la considéra, mal à l’aise et très raide sur son tabouret tandis que des « A poil Ritoooooooon ! Ouaiiiiiiiiiiiiiiiiis ! » résonnaient au niveau du sol.

- Quelles sont les nouvelles, Anatole ?
- Pas grand-chose. Votre fiancé est toujours silencieux.
- Il prépare les décorations de table, je vous l’ai dit et redit. Quoi d’autre ?
- Le teuton a été élu Comte du PA.
- Juste ciel. Prenez en note qu’on n’y retournera pas pendant deux mois au moins. Mon dieu, j’espère qu’ils ont fait agrandir les portes, sa tête ne passera jamais. Quoi d’autre ?
- Il y a des prétendants au trône royal, ça y est.
- Vraiment ? Des gens qu’on connait ?
- Je pense, au moins une. Vous voulez lire les programmes ?
- Excellente idée. Messieuuuuuuuuuuurs ! Silence je vous prie, nous allons écouter les programmes des prétendants pour l’élection royale. Tournée générale. Riton, rhabillez vous je vous prie, c’est très dérangeant pour une demoiselle de vous voir ainsi.


Les hommes se relevèrent en se donnant de grandes tapes sur le dos et quelques minutes après, ils étaient tous plus ou moins silencieux en regardant Anatole parcourir les programmes des yeux.

- Je vous les fais passer ?
- J’sais pas lire, moi.
- Moi j’sais écrire mon nom.
- Ouaiiiiiiiiiis !
- Ta gueule, Riton.
- Anatole, lisez les à voix haute, et nous commenterons ensemble. Tout le monde a à boire ? Merveilleux. Nous vous écoutons.

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.mahaut.
- Alors, il y a 6 prétendants.
- Comme les doigts de la main.
- Non c’est cinq. Et je ne suis pas sûr qu’ils s’apprécient.
- Ben rien ne nous dit que le pouce ne peut pas blairer l’annulaire, mon gars. Rien.


Hochements de tête motivés. Anatole regarda la brune. Evidemment, elle avait hoché la tête aussi.

- Il y a pas mal de femmes. Quatre, en fait. J’imagine que vous allez faire des remarques.
- Du genre quoi ?
- Du genre « une femme, reyne ? Mais elles savent même pas réfléchir, nan, il faut un homme, un vrai, un qui en a. »
- Qui en a quoi ?
- Ben euh… des… euh…
- Femmes ?
- Ah non hein. Moi j’veux un roy qui n’ait qu’une femme. Sinon à la maison on va en entendre parler tous les quatre matins, j’ai pas que ça à faire.
- Donc ça ne vous dérange pas qu’une femme dirige le pays ?
- Bah, à la maison, c’est ma femme qui gère la bourse.
- Héhéhéhéhéhéhé.
- Ferme-la, Riton. Tavernier, à boire !
- Et j’dois dire, elle gère ça bien. Moi, j’sr’ai du genre à dépenser pas mal, mais elle, pas touche ! Elle gère tout l’argent et ça marche bien.
- Oui enfin gérer un état, ce n’est pas exactement comme gérer une ferme, excusez-moi.
- Ben c’est jamais qu’une grande ferme. Avec un gros gros élevage.


Hochements de tête toujours aussi motivés. Ma foi, si même les habitants prenaient plaisir à être comparés à des veaux, hein… Anatole poursuivit.

- Donc les relations diplomatiques inter-états, pour vous c’est ?
- Ah ben pareil, c’est ma femme qui gère les invitations à déjeuner. Et croyez-moi, si vous êtes pas sur sa liste pour le banquet communal, z’avez du mouron à vous faire.
- Vous voyez Anatole, ils sont plein de bon sens.
- Vous dites ça parce que vous avez géré une chancellerie en dépensant autant que dans une taverne.
- Vous ne comprenez pas Anatole. La diplomatie, c’est 10% de débats sérieux et 90% de représentation. Sauf que si vous ne faites pas les 90% de représentation, tout le monde s’accordera à dire que vous êtes minable. N’est-ce pas messieurs ?
- Ah ben moi, quand j’arrive quelque part et qu’on me paye un coup, j’dois dire que ça détend et que je suis plus souple sur le prix du grain à débattre, hein.
- Vous voyez ? Le souci principal des gens en charge, c’est qu’ils s’y prennent un peu trop au sérieux, ça donne une envie folle de les taper pour voir s’ils sont vivants. Et nos prétendants, alors, comment ils présentent ça ?
- Alors, ça commence par le programme d’une certaine dame Beatriz.


Il défit le rouleau. Des sifflements accueillirent la vision du vélin qui tomba jusqu’au sol.

- Ah ben déjà, on peut dire un truc.
- Oui ? Resservez-vous, au fait, c’est sur mon compte.
- M’ci bien, m’zelle Mahaut. J’disais, déjà, on peut en déduire un machin de son programme.
- Quoi donc ?
- Ben qu’elle s’est pas présentée sur un coup de tête, elle a préparé ça. R’gardez ! Elle a bien dû tuer quatre moutons pour écrire ce machin !
- Donc, l’un dans l’autre, on peut aussi déduire qu’elle est riche.
- Et ouais.


Hochements de tête archi-convaincus. Anatole regarda le règlement.

- Vous ne croyez pas si bien dire. Elle a versé 7000 écus pour pouvoir être inscrite.
- 7000 écus ? Sans déconner ? Pfiouuuuu !
- Purée, c’est pas pour les péquenots, ce machin !
- Et vous-même vous devrez payer si vous voulez exprimer votre avis.
- Donc on choisit pas qui on veut, on se tape forcément un richard, et en plus on doit payer ? Ils nous prennent pas un peu pour des pigeons, dites ?
- Question intéressante… Mais je n’ai pas de réponse, je lis juste le règlement. On s’arrête là, du coup, ou on continue ?
- Nan, nan, continuez, on veut savoir qu’est-ce qu’ils disent. Après tout, ça nous concerne, hein.
- En effet.
- J’espère qu’ils diront quelque chose sur le prix du blé qu’est en chute libre.


Nouveaux hochements de tête partagés et grognements à base de « plus de respect du producteur ».

- Je crains qu’ils ne soient plus généraux que ça, malheureusement.
- Elle dit quoi, alors, la Beatriz ?
- Alooooors… D’abord, « conserver les compétences des institutions ».


Petit silence.

- C’est-à-dire ?
- He bien, j’imagine que c’est… euh… l’armée reste l’armée, la justice reste la justice, ce genre de choses.
- Ah ouais, elle s’est foulée, là.
- Mais c’est très important d’assurer une continuité !
- C’est sûr que si on remplaçait l’armée par des ballerines, on s’rait moins pertinents sur l’champ de bataille.
- Oh ben chuis pas sûr, hein. Ma sœur, elle danse, ben quand elle est pas contente, tu la verrais, c’t’une furie. Elle m’a tapé avec ses chaussons d’danse l’autre fois !
- Ah oui pis ces professeurs qui forcent à être souples, ça aussi, pfiouuuu, ça fout les j’tons.
- On s’éloigne du sujet je crois. Elle veut aussi « recentrer les objectifs dans une bonne compréhension de l’essence duale du Royaume de France. »
- ‘Tendez, elle a dit ça comme ça, paf ?
- Littéralement, oui. Paf. Comme vous dites.
- Et… quelqu’un sait ce que ça veut dire ?
- J’ai compris « bonne compréhension ».
- Ouaiiiiiiis ! Santé !
- Et c’est quoi l’essence duale du Royaume de France ?
- Ben… euh… Le Nord et le Sud ?
- Ben et l’est et l’ouest alors ?
- Ben alors main gauche/main droite ?
- Oh la la, s’il faut savoir jongler, ce s’ra sans moi, hein…
- Vous croyez qu’elle a compris ce qu’elle voulait dire ?
- Ben moi j’pense qu’elle devrait d’vnir entraineuse de soule avant d’être reyne. Ca l’obligerait à être plus compréhensib’.


Toutes les têtes opinèrent, avant de replonger dans leurs choppes.

- Elle veut aussi « offrir à l’Eglise les moyens nécessaires à sa mission spirituelle ».
- Quelle église ? Celle du bourg ?
- Naaan, l’Eglise avec un grand E.
- Y’a une église avec un grand E ?
- Je crois qu’elle veut dire l’église en général, l’Eglise Aristotélicienne. Par comparaison au spinozisme, ce genre de choses.
- Ah, elle veut plus de curés. Normal. Mais les curés ça court pas les rues.
- Sauf les jours de grand vent, à cause des soutanes qui se soulèvent.


Toujours autant de mouvements affirmatifs autour de la table. Ils étaient soit débiles, soit d’un second degré faisant passer un gentleman anglais pour un clown à gros nez rouge.

- C’est très important, elle dit là que l’Aristotélicisme sera religion d’Etat.
- L’Etat, c’est moi.
- Ben non, c’est elle.
- Ah ben elle a le droit d’être aristotélibidule, ça m’dérange pas.
- Mais du coup, on va devoir se battre contre ceux qui sont pas d’accord ?
- J’en ai bien peur.
- C’est pas encore un coup à nous faire crever pour un rien alors qu’on vit très bien comme ça ?
- Ecoutez, vous voyez ça à votre petit niveau… mais pour l’Etat, c’est important.
- Et gérer ma ferme, c’est pas important ? Si je les traie pas tous les matins, vous allez entendre mes vaches, hein !
- Bien bien bien, passons. Elle veut faire vivre la Cour de France.
- Hein ?
- Les nobles, toussa, quoi. Elle veut les faire vivre.
- Dans la cour ?
- Elle a p’t’être plus de place ailleurs.
- Paraît que c’est grand, le Louvre.
- Ben ouais mais y’a déjà un paquet d’nobles que ça finit par s’agglutimérer.
- Ahem.
- Pardon, m’zelle Mahaut, j’voulais pas dire qu’vous étiez un grumeau.
- J’espère bien, Machin, j’espère bien.
- Mais p’t’être qu’elle les préfère tous regroupés.
- Ben une cour, ça devient vite une basse cour, hein. Va falloir faire gaffe. Vous prendrez soin d’vous, m’zelle Mahaut, c’est un coup à se faire pourchasser par des dindons, ça. Quand y’en a plein, ça finit toujours par des poursuites à coups de becs.
- Vous en faites pas, j’ai l’habitude des bécasses et des paons. J’ai un élevage de poules.


Des hochements et de tête et même quelques applaudissements. Désespérants.

- Elle veut aussi réformer « en concertation avec les acteurs politiques concernés ».
- Vous voulez dire que c’est des acteurs, ces types là ?
- Ben mince alors, j’croyais que c’était des vrais gens, moi… Pfiou la laaaa.
- Mais ce sont des vrais gens ! Elle dit acteurs dans le sens où ils agissent !
- De droite à gauche ?
- ‘tention hein, ça peut être de haut en bas.
- Moi j’dis, les diagonales, c’est fourbe.
- Gnnn… Je crois que ce qu’elle veut dire c’est qu’elle veut réformer avec l’aide des gens déjà au pouvoir.
- J’comprends plus. Elle conserve ou elle réforme ?
- Ben… les deux.
- J’pas sûr d’être bien clair, là. M’faudrait une autre chopine.
- Tavernier !
- Elle veut garder les gens compétents là où ils sont.
- Ben manquerait plus qu’elle maintienne des incompétents !
- Et comment elle sait qu’ils sont compétents ? Va y avoir des concours ?
- Ah ben ouais, c’t’une solution, ça. Comme quand on fait des concours de force, on fera des concours de machins qui sont pas des acteurs.
- Si, ce sont des acteurs.
- Ah, vous voyez !
- On les a déjà vus dans des pièces ou ils jouent qu’à Paris ?
- Bah, ça reste à Paris, ces machins là, tu peux en être sûr.
- Des acteurs POLITIQUES.
- Ah ben alors c’est à Paris. Ici, les seuls spectacles qu’on a c’est des machins avec un gamin qui veut une gamine mais l’père veut pas et après tout le monde meurt.
- Elle détaille tout ça dans les rouleaux suivants, voulez-vous que je les lise ?
- Houlaaaaaaa !
- Nan ! Nan ! Merci bien !
- Pfiouuu j’préfère pas, non, j’dois être chez moi pour vêpres, hein.
- Mais elle a mis des fleurs de lys, regardez !
- Ma femme dit toujours qu’il faut se méfier des lys, ça fait des tâches impossibles à partir au lavage. Alors m’en veuillez pas, mais j’préfère pas approcher.
- Faites voir Anatole ? Houuuu… Non, je rejoins ces messieurs, ça ne donne absolument pas envie d’être lu, ça. C’est réfectoire.
- Rédhibitoire.
- Si vous voulez. Messieurs, je propose une pause latrines et jeu de fléchettes, puis nous passerons au suivant. Tournééééée !

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.mahaut.
- Rrrrrrrrktttpff.
- Il vient de cracher par terre, là, non ?
- En effet.
- Le fait qu’il ait visé mes chausses, c’est…
- Normal. Vous êtes limousin, mon vieux. Je pensais que vous vous étiez habitué à être le paria de la société.
- Vous savez quoi ? ça me fait quand même bizarre.
- Messieuuuuuuuuurs ! Nous ouvrons maintenant un tonneau de vin de bourgogne année 1452.


Ils rappliquèrent tous en un instant, l’air d’enfants de chœur attendant l’hostie.

- Mais d’abooooord ! Le second programme ! Tavernier, des verres propres, je vous prie, on ne mélange pas le vin avec la bière.
- Mamz’elle Mahaut, ça vous f’rait un bon début d’programme, ça.
- Ah oui, en effet, mais ce s’rait de la triche, Robert. J’ai l’appui d’Aristote dans toutes mes actions alors vous comprenez…


Et ils comprenaient. Elle leur balançait des conneries plus grandes que l’église et ils comprenaient. Cette capacité à affirmer des choses avec un aplomb sans faille était décidément plus une qualité qu’un défaut.

- Bien, de qui s’agit-il ?
- De Clemence Carpadant.
- Attendez un instant… La Clémence à laquelle je pense ?
- Elle-même.
- Celle qui a été chancelière du PA de façon catastrophique ?
- On dit ça de vous aussi hein. Enfin deux personnes bien précises le disent, je sais pas si ça vaut pour un consensus.
- Naaaan, un consensus faut être quinze.


Hochements de tête de toutes parts pour confirmer. N’importe quoi. Anatole décida de ne plus en tenir compte.

- Mais, Anatole, excusez-moi de revenir là-dessus, mais quand même. En étant chancelière, pendant la guerre, elle est passée chez l’ennemi.

Des raclements de gorge apparurent de ci de là. « Passer chez l’ennemi », même si c’est vague, ça restait un crime aux yeux de tout le monde. Quel que soit l’ennemi.

- Elle a été enlevée !
- Euh, excusez- moi mais aller dans le camp de l’ennemi, rejoindre leur armée et ensuite clamer au kidnapping quand votre conseil vous demande ce qui se passe, c’est délicat. Limite c’est elle qui a enlevé l’armée d’en face, là.


Des ricanements retentirent.

- Et en plus, à cause de ça, son mari a préféré mourir plutôt que d’être associé à elle.
- Il est mort de maladie.
- Ouais, c’est ce que je dis. De dépit. Pourtant c’était un homme sympa. Il payait plein de tournées à tout le monde. Je lève mon verre au prince Hugues.


Evidemment, tous les verres se levèrent. Quand il s’agit d’honorer la mémoire d’un poivrot, les frontières n’ont plus d’existence.

- Bon, écoutez, c’était y’a longtemps. Vous voulez écouter son programme ?
- C’est long ?
- Ah non, pour le coup, c’est très court.
- Ah. Elle a pas préparé alors ?
- Mais il faudrait savoir ! Quand c’est long vous n’avez pas envie de lire et quand c’est court vous dites que c’est nul ! Vous voulez quoi ?
- Un juste milieu.
- Ecoutez, avouez de suite que vous allez tous les critiquer et arrêtons nous là.
- Ha mais nooooooooon ! Où est le plaisir si on s’arrête ? Non, non, on veut tous les critiquer. Par principe.
- Sainte Boulasse a raison. Déjà qu’on a pas un quotidien facile, alors si on n’a pas le droit de critiquer ceux qui s’prennent pour des sauveurs, hein…


Sainte Boulasse, rien que ça… Ils l’avaient crue. Ou à défaut de croire, ils acceptaient de l’appeler comme ça. Et le fait qu’elle se prenne pour une sainte, ça, ça n’embêtait personne.

- Bon. Elle est princesse, ça joue pour ou contre elle ?
- Ca dépend. Est-ce qu’elle sent un petit pois coincé sous quinze matelas ?
- Elle est prête à embrasser un crapaud pour prouver qu’elle est vraiment princesse ?
- Est-ce que ses cheveux tombent jusqu’au sol depuis une tour pour que le prince puisse grimper ?
- Mais il doit lui arracher les ch’veux en f’sant ça, c’est pas malin !
- Ben les princes et les princesses, tu sais… Pis ils ont p’t’être un truc. Genre en fait c’est les ch’veux d’une servante.
- Ah, alors c’est d’la triche.
- Moi j’dis, les princesses, elles ont un cheval qui parle, même si on lui coupe la tête.
- A la princesse ou au ch’val ?
- Ah… tu m’mets un doute. Les deux ?
- BIEEEEEEN. Revenons à nos moutons.
- C’pas un mouton, c’est une princesse. Vous frôlez le crime de lèse majesté, là.
- C’est vrai, vous n’êtes pas respectueux.
- Il est limousin.
- Mais vous-mêmes vous étiez en train de dire tout et n’importe quoi des princesses !
- Mais pas d’celle-ci. Pas directement. Ca compte pas.
- Bon mais elle dit quoi alors ?
- C’est vrai, vous êtes lent, mon vieux.



Anatole ronchonna un coup. Ils n’avaient qu’à lire eux-mêmes. Ou trouver l’un d’entre eux qui savait le faire. Ou mieux, ne pas s’occuper de choses qui ne les regardaient pas et qu’ils ne comprenaient pas.
Une pression d’un talon aiguille très affuté sur son pied le tira de ses réflexions. Il risquait de perdre un orteil très rapidement.


- Bien. Partie I : La Charte du Royaume, Les États Généraux, et les Cahiers de Doléances.
- Et elle en dit quoi ?
- Elle dit qu’elle a écrit ça ailleurs.
- Ah super dites donc. Donc on va ailleurs ?
- Elle nous dit d’aller voter ailleurs ?
- Non, mais c’est juste qu’il faut envoyer un pigeon à cette adresse pour pouvoir le lire.
- Vous croyez qu’on a que ça sous la main, des pigeons ?
- Bon ben imaginez ce qu’elle peut dire alors. Charte du Royaume, Etats Généraux, Cahiers de Doléances.
- La Doléance c’est quand on a mal, non ?
- On doit marquer dans un cahier là où on a mal ?
- Elle est médicastre ?
- Mais non ! Elle saura vos problèmes et tentera d’y répondre !
- Ah ouais, une guérisseuse, quoi. C’est pour ça qu’elle s’occupera de l’Etat Général du Royaume.
- Tout s’explique. Après, elle dit quoi ?
- Oh, ben elle va nous dire de pas faire d’excès pendant les fêtes, ça va pas rater.
- Elle dit « L’Eglise Aristotélicienne ».
- Encore ??
- Elle a copié ?
- Ca s’fait pas d’copier.
- J’espère qu’on la mettra au coin.
- Au coin du Louvre ?
- Ecoutez, le coup de l’Eglise Aristotélicienne, on risque de l’avoir dans tous les programmes. C’est un peu le truc qu’on entend dans « religion d’Etat ».
- Ouais donc pareil, faudra qu’on aille tuer des spinos parce qu’elle l’a décidé ?
- Vous le faisiez avec Levan.
- Ah ouais mais non. J’étais exempté, moi. Paix Quatre.
- Pardon ?
- Paix Quatre. C’t’un article du code militaire qui dit que si on est né dans la quatrième période de paix du royaume, on se bat pas.
- Laissez-moi deviner, vous êtes tous Paix Quatre ?


Grands sourires rayonnants sur tous les visages. Il y avait dû y avoir pas mal de naissances à ce moment là…

- Je vois… Bon, ensuite elle dit « Le Domaine Royal ».
- Et ?
- Ben pareil, faut aller voir ailleurs.
- Ah ben c’est pas tout près.
- Ouais, ça nous fait une trotte d’ici. Fallait partir ce matin pis prendre des vivres.
- Moi j’trouve ça amusant comme programme. Ca fait un peu chasse au trésor. « faites vingt pas en avant puis tournez à droite. A la grande souche, creusez et trouvez l’indice ».
- Ouais mais ça dit pas c’qu’on gagne.
- Ouais, pis la dernière fois les gars, vous m’avez tout retourné mon terrain. Bordel, « à la grande souche » c’était quand même pas compliqué !
- Ben on s’est dit qu’on allait gagner du temps, tu vois. On a creusé partout.
- Mais c’était sur la grande branche du chêne qu’il était, le panier surprise !
- Ben on pouvait pas l’savoir, ça. On nous dit « creuse », on creuse.
- Elle vous dit « Les relations entre la Couronne et les Feudataires ».
- Elle a pas l’air commode, dites donc, on dirait qu’on est grondés.
- Les Feudataires…
- Ca m’étonne qu’elle les connaisse.
- Pardon ??
- Ben les feux Daterre, qui vivaient à Grandchigny. La famille est morte de maladie y’a 3 ans, pas bien beau à voir. J’me demande comment elle les a connus.
- Et pourquoi ils avaient une relation avec une couronne.
- J’me doutais qu’il y avait un truc mystérieux, là d’ssous.
- Chasse au trésor, j’vous l’avais dit !



Anatole se pinça l’arête du nez. Il le faisait de plus en plus souvent, ça allait finir par devenir un véritable tic nerveux. Ils étaient pires que la brune. Non, pas pires. Parce qu’elle, elle souriait dans son coin. Elle ne faisait pas le moindre effort pour expliquer ce qu’elle connaissait. Parce que sous ses airs de cruche, elle connaissait quand même pas mal de choses. Mais quand ça l’arrangeait, paf, elle restait silencieuse avec un petit sourire.

- Bien. Terminons. Elle évoque aussi la Cour royale et…
- Moi, à mon avis, ils font des travaux au Louvre. C’est pour ça qu’ils mettent tout le monde dans la cour.
- Ah ben si c’est du plâtre, oui. Ca met d’la poussière partout.
- ET ELLE DIT AUSSI :
- Pourquoi il crie ?
- Il a l’air nerveux, votre écrivaillon, c’est fou ! Vous le nourrissez à quoi ?
- ELLE DIT AUSSI Amélioration du système de contrôle des élections par la Pairie.
- Prairie.
- Non, Pairie.
- Ah, c’est plus p’tit ?
- Non, c’est autre chose. Les Pairs de France.
- Ah ouais, l’association, là ?
- Ceux qui ont mis en place la fête des pairs ? Une belle connerie, hein, chaque année je reçois un porte bougie en boîte de fromage et pâte à sel. C’est mignon mais bon…
- Ouais pis les gamins vous débitent un poème en 30 secondes, on comprend rien, et ils pleurent quand on leur demande de répéter.
- Encore une idée du curé, ça.
- Elle dit quoi d’autre ?
- Rien. Plus rien.
- Bon ben voilà, ça c’était facile.
- Mais elle a rien dit pour le trésor ?

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.mahaut.
- Mahauuuuuuut va à Vesoul euh ! Pour daaaaaaaaanser la sans bas ! Elle vaaaaaaa complèt’ment soule euh ! Pour apprendre qui est roy !
- Mais vous ne pouvez pas les laisser chanter ça !
- Un hymne rien qu’à moi ! Qui chante ma grâce ! Youkaidi !
- Ils disent que vous êtes complètement pétée et que vous dansez des danses peu chastes !
- Me déconcentrez pas, sapristi, j’apprends la chorégraphie !


Anatole les regardait, complètement abattu sur son tabouret. Ils étaient là, au beau milieu de la taverne, à tituber en chantant à tue-tête. Ils avaient d’abord chanté « Qui ne saute pas n’est pas bourré, Hé ! » puis le fameux et complexe « Allez allez alleeeeeeeeeeez ! Alleeeeeeeeeez ! Alleeeeeeeeez ! ». Et là, ils en étaient à construire une chorégraphie à base de « je touche mes genoux, je touche mes épaules, je touche ma tête, je rigole comme un baudet, je tourne sur moi-même, je me relève en faisant mine de rien et je recommence avec un temps de retard ».
Il n’avait pas bien saisi comment ils en étaient arrivés là mais les verres vides sur la table et les cadavres de bouteilles pouvaient contenir quelques données là-dessus.
Ils avaient beau jeu de dire que c’était le froid qui les poussait à se réchauffer. La moitié d’entre eux étaient torses nus, leurs chemises remontées derrière leurs épaules de manière à leur bloquer tout mouvement mais qui faisait apparemment viril. Pour autant qu’une panse digne d’un éléphant fusse virile, certes. L’autre moitié était trempée à cause de la très amusante bataille de boules de neige lancée par on ne savait qui. Elle aurait pu rester bon enfant s’ils n’avaient pas eu l’idée d’y adjoindre leurs crosses pour se renvoyer les boules, puis d’imaginer une règle dicte de « hors jeu » qui servait à tabasser celui qui en était l’auteur. Et évidemment, si Mahaut n’avait pas eu la bonne idée de jeter des cailloux quand elle en était venue à court de boules de neige.
Mais l’un dans l’autre, qu’était-ce qu’un nez en sang quand on a réussi à détruire le Levan de neige de l’équipe d’en face, hein ?


- Anatole, regardez !
- Quoi ?
*BAM*
- Huhuhuhuhu…
- Bien. Je vais donc lire tout seul les programmes de notre futur souverain.
- Ouais ! Et vous nous ferez un résumé !


Il poussa les verres devant lui pour sortir les autres parchemins, d’un air de premier de la classe trop intelligent pour se vexer de n’avoir été choisi dans aucune des deux équipes. Alors qu’il visait vachement mieux que Robert et que LUI, il avait compris la règle du hors jeu. M’enfin bon.

- Pour information, le suivant est messire Dragonet.

Il pencha la tête à temps pour éviter la boule de neige farcie de graviers qui lui était destinée.

- Anatole, je vous en supplie, restons sérieux deux minutes. Dragonet… n’importe quoi.
- Mais c’est parfaitement sérieux ! Il a même un programme.


La bataille s’arrêta un instant et tout le monde s’approcha. Ah, enfin un peu d’intérêt pour la politique.

- Dragonet, c’est pas un félon à la couronne ?
- A MORT !
- Pis c’est un limousin, non ?
- Dites donc il cumule tout.
- Roudoudou avait bien envie de le pendre avec ses viscères, si je me souviens bien.
- Un mec bien, votre Roudoudou. Mais un poil trop tendre si j’peux m’permettre. J’l’aurai d’abord énucléé avec une cuillère, moi.
- Vous voulez que je vous lise le programme ?
- Non.
- Non, non, on va pas perdre notre temps comme ça, hein.
- Il cite beaucoup Aristote.
- Ah ben normal, c’est un type qui a beaucoup d’espoir. Peu d’amis, pas de conscience, mais beaucoup d’espoir.
- Je dois reconnaître que même en étant limousin, ce messire Dragonet n’est pas un modèle à suivre pour la jeunesse.
- Bien dit, mon gars !
- Ouch ! Vous m’avez presque démis l’épaule !
- Bon ben on passe Dragonet. Je propose qu’on se réchauffe près de la cheminée le temps de découvrir les autres programmes.



Ils se disposèrent tous autour de la cheminée, tendant leurs mains ou d’autres parties de leurs anatomies vers les flammes.

- Tavernier ! Du vin chaud pour mes amis !
- Ouaiiiiiiiiiiiiiiiis !
- Anatole ! Programme suivant !
- Il s’agit d’une dame, que vous connaissez.
- Hé dites donc ça fait la deuxième que vous connaissez m’zelle Mahaut !
- Je fréquente du beau monde, c’est indubitable.
- Comment qu’vous faites ?
- Je m’invite aux soirées, je vais remercier l’hôtesse de l’invitation et je parle avec tout le monde. Du coup, tout le monde croit que c’est normal que je sois là. J’vous apprendrai. Alors, de qui s’agit-il, Anatole ?
- D’une dame à qui vous avez demandé des fiefs.
- Oh. Voilà qui limite le choix à un bon millier de personnes.
- Et à qui votre sœur a reniflé les pieds, encore très récemment.
- Ah, Kilia !
- C’est pas une angevine, elle ?
- Vous fréquentez les angevins, m’zelle Mahaut ? Mais ils mangent leurs enfants et ils vendent leurs mamies !
- Aaaaaah, mes amis, mes amis. Ne vous y trompez pas. Il nous faut chérir les angevins.
- Pourquoi donc ? On les aime pas trop, ici.
- He bien déjà pour leur vin, qui est excellent, même s’il ne vaut pas le nôtre.
- Ouais, c’est d’la piquette, là bas. Mais ça s’boit.
- Mais les angevins sont également un peuple plein de ressources. On peut compter sur eux pour n’en faire qu’à leur tête. Tenez, vous prenez un royaume calme et paisible, en pleine expansion commerciale. C’est d’un ennui mortel. Mettez un angevin au milieu, et ça deviendra le chaos.
- Et c’est bien, ça ?
- He bien il faut pouvoir compter sur ses adversaires. Un adversaire mou, c’est le signe que vous l’êtes tout autant.
- M’enfin quand même, les Penthièvre et dégénérés, là…
- Des gens charmants ! Plein d’ambition ! De rêves ! A vrai dire ils sont comme nous, Ils sont juste un peu plus tenaces que la moyenne. Ils veulent être riches et puissants. Rien de bien répréhensible là dedans. Suffit juste de leur montrer que tant qu’on sera là, ils n’y arriveront pas, mais que c’était bien tenté. Par ailleurs, ça ne nous empêche pas d’aller à des fêtes ensemble où l’on guinche jusqu’à pas d’heure ! On peut tous être amis avec des angevins, du moment qu’on ne leur fait jamais confiance.
- Vu comme ça…
- Et elle dit quoi, du coup, la Kilia ?
- Elle dit « Votez Killia ».
- Et ?
- C’est tout.
- Ah c’est court.
- Non, c’est long. Elle le répète très longtemps. Tenez, si je prends la ligne 23 par exemple, je lis « Votez Kilia ».
- Et ligne 62 ?
- « Votez Kilia ».
- Ligne 18 ?
- « Votez Kilia ».
- Ligne 41 ?
- « Votez Kilia ».
- Ligne 1 ?
- « Changez à Châtelet. »
- Hein ?
- Non, elle dit « Votez Kilia ».
- C’est sûr que quelque part, c’est un programme assez fiable.
- Ah ben on voit bien la perspective qu’elle veut donner à la chose, ouais.
- Ligne 37 ?
- « Votez Kilia ». Me dites pas que vous êtes surpris ?
- Z’avez raison, m’zelle Mahaut, ils sont pas si compliqués qu’ça.
- Ligne 14 ?
- Dites, vous me prenez pour un con, non ?
- Mais naaan, j’veux savoir ! Ligne 56 ?
- Vous voulez vraiment que je vous réponde ?
- Ligne 19 ? Aieu ! C’est ma crosse ! Z’avez pas le droit d’vous en servir ! ligne 21 ? Aie ! Ligne 32 ? Mais aieu ! Aucun humour ! Ligne 87 ?

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