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[RP] Du sang dans l'écume...

Amarante.
Dimanche 12 décembre 1458
Sant Brieg.


Une missive de plus ou de moins, quel différence cela faisait ? Depuis quelques temps, le ciel de Bretagne était noirci par le vol incessant d’une flopée de « pigeons marinés ». La différence qui faisait qu’un courrier était plus important qu’un autre, c’était bien sûr son contenue. Ce matin là, celui qu’elle venait de recevoir, allait chambouler sa vie … Et surtout celle de l’homme qu’elle aimait …

Citation:


Bonjorn jeune dame


nous ne nous connaissons que de façon épistolaire et croyez moi, j'en suis fort marrie. J'espère que le pigeon que je vous ai renvoyé est bien arrivé.


Vous avez devant vous ma mouette, nourrissez la et elle sera rieuse.


Je viens mander de l'aide. Cerdanne vient de couler, corps et bien comme on dit, avec le navire sur lequel elle naviguait. Nous faisions la course, et, malheureusement pour elle, j'étais trop loin devant : le temps que je fasse demi tour, il ne restait qu'une épave. Il n'y a pas de pire situation pour une mère que de se découvrir incapable de protéger son enfant.


Les vents et l'onde me glissent qu'elle a du dériver, en mauvais état, jusque Vannes. Ne cherchez pas à savoir comment j'entends ce que disent les vents et l'eau... le dernier à avoir tenté y est resté.


Bref, Cerdanne a besoin d'aide, pour se remettre, et surtout de compagnie. Pouvez-vous lui faire parvenir tout cela ? Je crains pour sa santé mentale, et pour l'enfant qu'elle porte.


Merci d'avance
Harpège, mère éplorée


Respiration difficile, elle dut s’asseoir pour relire encore et encore les mots noircie par l’ancre, pour assimiler la nouvelle … Pourquoi ? Comment ? Par qui ? Cerdanne ! Le bébé !! Ses yeux s’agrandirent d’horreur, sa gorge se noua d’une boule douloureuse et ses yeux se remplir de larmes … Comment annoncer cette nouvelle à Baudouin ?

Cerdanne était en vie, certes, mais le bébé ? La relation de cet homme avec son amie s’était dégradée, mais ce bébé il y tenait. Sa venu au monde le rendait tellement heureux et cela ce voyait. Elle aussi l’attendait avec impatience cet enfant. Après tout, elle aimait Cerdanne comme une sœur. C’était bien plus qu’une amie pour elle, même si elle n’était pas certaine que ce soit réciproque …

Annoncer cette nouvelle à son compagnon, était un gros problème. Baudouin n’était déjà plus là, parti travailler depuis un bout de temps déjà. Devait-elle aller le déranger et risquer un coup de colère devant tous les autres villageois ? Non, ce n’était pas une solution. Elle savait qu’il voudrait partir pour Vannes sur le champ, alors elle lui laissa un mot bien en évidence avec la lettre que la mère de Cerdanne avait envoyé …


Citation:


Amour, je viens de recevoir une très mauvaise nouvelle ! Assieds-toi pour la lire, car le choc va être dur. Je pars arranger notre départ pour Vannes, je reviens rapidement … Cerdanne est a Vannes …

Je t’aime Amy


Elle posa les lettres l’une sur l’autre pour qu’il lise son mot avant le courrier d’Harpège, puis elle enfila rapidement sa cape et partit pour la mairie, annoncer son départ imminent. Il lui fallait trouver un remplaçant pour le port … Et vite …

Quand elle rentra, quelques heures plus tard, elle le trouva en état de choc. Un mélange de colère et de douleur se voyait sur ses traits. Voulant être seul, refusant le réconfort qu’elle voulait lui donner. A force de patience, il finit par s’ouvrir un peu a elle et ce qu’elle entendit lui déchira le cœur … il voulait partir. Il voulait la laisser pour aller se venger. Mais où et contre qui ? Elle ne voulait pas le perdre … Non elle ne voulait pas …

S’en suivit alors une discussion, un peu tendu mais sans élever la voix, ni l’un ni l’autre. Appuyant un peu plus sur le fait qu’elle était là pour lui et pas seulement pour les moments agréables. Pour lui, mais pour Cerdanne aussi. Elle comprenait son besoin de vengeance, mais pas comme ça, pas sur un coup de colère. Une vengeance de cette taille là, ça se préparait avec minutie, sans laisser la moindre chose de côté. Surtout bien réfléchir et ne rien laisser au hasard. Agir sous le coup de la colère n’amenait rien de bon et il était hors de question qu’il l’abandonne pour assouvir cette vengeance sur un coup de colère dominé par la douleur …

La soirée se passa dans le calme et un silence pesant, mais elle lui laissa son moment de solitude, tout en gardant un œil sur lui. Elle avait tellement peur que, si elle le perdait de vue, ne serait-ce qu’un moment, il allait lui échapper pour ne plus jamais revenir … Elle prenait soin de toujours l’avoir dans son champ de vision. Elle aimait cet homme, elle l’aimait plus que tout, plus que sa propre vie et s’il s’éloignait d’elle, elle ne s’en remettrait pas …

Aimer, ce n’était pas seulement être là pour les bons moments et elle voulait qu’il voit qu’elle était là pour l’épauler jusqu’au bout. Elle serait là pour lui, mais aussi pour Cerdanne, dont elle ne connaissait rien de l’état dans laquelle elle la retrouverait …

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Le fil d’or enchanté, créations de Bannières.
Baudouin
Un dimanche de décembre comme les autres me direz-vous. Gris, neigeux, froid. Baudouin avait travaillé d'arrache-pied, comme il le faisait ses derniers temps. Ce qu'il faisait le mieux d'ailleurs. Il ne se trouvait pas à la hauteur, il portait la culpabilité d'avoir laissé partir Cerdanne et d'être tombé amoureux de son amie, l'inquiétude de la savoir enceinte, et loin de lui, l'incertitude de ne pas savoir ce qui pouvait se produire. Il redoutait de ne pas pouvoir rendre Amy heureuse, il avait le coeur et l'âme tourné vers un petit chardon qui voguait sur la mer et qui portait le fruit de leur amour.

Il rentrait donc, las, le coeur gros, comme souvent. Amy était le baume qui apaisait son coeur, parfois il arrivait même à oublier. Il poussa la porte, savourant la vague de chaleur qui l'accueillit à son entrée. Tout était calme et silencieux, visiblement sa jeune compagne n'était pas là.

Fatigué, il se laissa tomber sur une chaise, alluma une chandelle et son regard se posa sur le petit mot qui traînait là. Deux bouts de phrases qui lui sautent aux yeux: "le choc va être dur"... "Cerdanne... à Vannes".

Un bondissement dans son coeur, Cerdanne est à Vannes, la joie... le bonheur... elle est là tout près et puis, le questionnement... choc? quel choc? Froncement de sourcils, pincement dans le coeur. Fébrilement, il déplie la missive sous le petit mot, ses yeux la parcourent, une fois, deux fois, trois fois.

Un râle rauque et douloureux s'échappe entre ses lèvres, le souffle court, la rage monte, sourde et violente. D'un geste sec, il froisse le papier et le jette dans l'âtre.

Non! Pas elle! Tout mais pas elle! Pas Cerdanne! Pas leur enfant! Dans sa colère, il balaya la table, brisant au sol le peu de vaisselle qui s'y trouvait, tentant de réfréner cette douleur rageuse qui l'envahissait et cette soif de vengeance... Il devait se contenir, se maîtriser.

Il était encore dans une rage sans nom lorsqu'Amy rentra, il fit tout pour ne pas s'en prendre à elle, pour ne pas hurler sa rage. Elle était douce, elle était là et ça n'était pas sa faute, même si en cet instant, il en voulait au monde entier, même à cette jeune femme qui ne le quittait pas et qui était toujours près de lui. Il avait envie de taper, de tuer, de faire mal comme il avait mal. Pour éviter toute action exagérée, il décida de ressortir prendre l'air. La mer l'apaisait souvent, peut-être parce qu'elle lui rapelait Cerdanne, leur bonheur passé, leurs projets avortés, peut-être parce qu'elle pouvait être aussi violente et dangereuse que lui.

Il marcha, longtemps, le visage fouetté par les embruns. Une fois apaisé, il reprit le chemin de la demeure. Amy était toujours là, il admirait sa constance, sa présence toujours fidèle, son amour indéfectible et il lui en voulait, il lui en voulait d'être là, d'être en vie, d'essayer de le comprendre alors qu'elle ne pouvait pas comprendre, il en était convaincu.

La soirée se passa, sombre et lourde. Il ne voulait pas s'ouvrir, il ne voulait que penser à Elle, à leur enfant et inconsciemment, il entretenait cette sourde colère douloureuse qui grondait en lui.

Oui, Vannes et puis... la vengeance, la mort... peu importe. Plus rien n'avait d'importance. Sans cet enfant plus rien n'avait de valeur. Malgré tout il essayait de ne pas repousser Amy, de ne pas la rejeter, elle n'avait pas mérité ça! Alors, il ne disait mot, l'écoutant lorsqu'elle tentait de l'apaiser. Demain ils partiraient et puis peut-être Amy avait raison, peut-être Cerdanne allait aller mieux, peut-être l'enfant... ne pas y penser... à l'inévitable...

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Amarante.
Jour du départ ...


Il faisait froid, comme souvent ses jours-ci, mais elle ne devait pas y faire attention. Dans un petit baluchon, elle mit leurs provisions pour les trois jours de voyages et dès que le soleil fut levé, Elle s'équipa d'une cape bien chaude, d'un bonnet et d'une écharpe et ils se mirent en marche pour rejoindre Rohan le plus rapidement possible.

Comme Baudouin voulait arriver le plus rapidement possible, il marchait d'un pas très soutenu et après avoir fait la moitié du chemin qui menait à Rohan, elle n'en pouvait plus. Elle aurait été avec son frère Drian, elle n'aurait pas arrêté de se plaindre en lui disant qu'elle avait froid, qu'elle en avait marre de marcher comme ça, qu'elle avait mal aux pieds, mais là il lui suffisait de regarder Baudouin pour garder la bouche fermée ...

Même quand la nuit fut tombée, ils continuèrent à marcher un peu, mais là ils avaient grandement ralentit. Peut-être Baudouin avait-il remarqué qu'elle ne suivait plus du tout, car au bout d'une heure de marche dans la nuit noire, ils s'arrêtèrent enfin pour allumer un feu de camp. Les voyages n'avaient jamais été son fort et marcher comme cela, encore moins. Son frère se moquait souvent d'elle à ce propos ...

Après avoir mangé un morceau, elle se roula en boule près de Baudouin et s'endormit comme une masse épuisée qu'elle était. Elle se réveilla en sentant un grand froid, le feu était éteint et le soleil n'était pas encore levé. Elle ne sentait plus la présence de Baudouin auprès d'elle. Elle sortie un peu la tête de sa couverture et le vit près au départ. Elle soupira en ce levant, déposa un doux baiser sur ses lèvres puis avala un morceau avant de se remettre en route.

La traversée de Rohan fut rapide et la fin de la deuxième journée fut tout aussi expédiée. Deuxième nuit à dormir dehors. Ce n'était vraiment pas une saison pour dormir à la belle étoile, mais avait-elle vraiment le choix ?! Elle aussi, était inquiète pour son amie et régler cette affaire, devenait urgente. Baudouin ne se confiait pas et ce voyage était légèrement pesant. Il l'écoutait d'une oreille distraite et elle avait déjà l'impression de ne plus exister ... Et Cela lui brisait le coeur ...

Dernier jour de voyage, le plus court. Vannes n'était plus très loin maintenant. Ils se remirent en marche et en moins d'une demi-journée ils étaient arrivés. Elle poussa un soupir de soulagement quand elle vit les premières maisons. Elle savait que la nuit à venir, elle dormirait au chaud, mais pour l'instant une chose importait, c'était de retrouver Cerdanne dans cette grande ville ...

Ils allèrent de partout, demandant à ceux qu'ils croisaient, s'ils avaient vu jeune femme blessée. Entrèrent dans tous les dispensaires et endroits où on pouvait soigner et loger des personnes malades où sans toit. Comme ils ne trouvèrent aucune trace, ils finirent par faire toutes les tavernes et auberges ... Et cela paya. Un taulier leur dit qu'il avait bien une jeune femme brune du nom de Cerdanne dans son auberge.

Soulagé de l'avoir enfin retrouvé, elle demanda une chambre pour deux, pour plusieurs jours et demanda le numéro de la chambre de son amie. C'est avec une impatience non dissimulé qu'elle monta à l'étage ...

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Le fil d’or enchanté, créations de Bannières.
Baudouin
Entre Saint Brieuc et Vannes.

Marcher, ne plus penser, les yeux fixés sur l'horizon, avec une seule attente, un seul espoir, une seule pensée: Elle. Il ne supportait plus rien, il ne parlait plus où s'exprimait sèchement, supportant à peine la présence d'Amy et il le faisait parce que, malgré tout, même si parfois il aurait voulu lui dire de partir, de le laisser, de l'oublier, il lui était redevable de sa présence, de son attention constante.

Marcher, encore et encore. Rohan, puis encore la route. Amy ne devait plus en pouvoir, parfois il ralentissait un peu, tout de même. Elle était là et elle ne disait rien, respectant le lourd silence, respectant sa douleur, mais sentait-elle sa rage? Il évitait de trop l'approcher où même de la toucher, redoutant ses réactions, redoutant que sa colère se déchaîne contre elle qui était son alliée, qui était son épaule et son soutien.

L'arrivée à Vannes fut tout aussi triste que le voyage. Il était rongé par la culpabilité et il redoutait de revoir Cerdanne, dans quel état était-elle? Comment allait-elle réagir?

Enfin, ils dénichèrent où se trouvait la jeune femme et alors qu'Amy, épuisée, montait dans la chambre qu'ils avaient retenue, il lui attrapa le bras et la regarda au fond des yeux.


Amy... va te reposer, dors... dors pour nous deux. Moi je vais la voir, je la veillerai cette nuit.

Lui caressant doucement la joue, il fit demi-tour et prit le chemin de la chambre de Cerdanne. S'arrêtant devant la porte, indécis, le coeur douloureux, la tête en feu. Il inspira lentement, prenant son courage à deux mains, il avait tant besoin de la voir. Il poussa la porte et pénétra dans l'antre de la rescapée.

Il faisait nuit noire et il s'approcha du lit, elle dormait, son souffle était irrégulier, elle devait sans doute souffrir, ce qui lui brisa le coeur. Il la distinguait à peine et s'agenouilla près du lui, posant sa main sur son ventre et de l'autre caressant sa joue.


Cerdanne... petit chardon... je t'en prie... pardonne-moi... de ne pas avoir été là.

Il posa sa tête près de la sienne, elle ne se réveillait pas, sans doute assommée par quelques décoctions. Alors sans un bruit, il laissa ses larmes couler.

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Cerdanne
Une chambre… Réveil sur un petit matin frileux..

Ouvrir les yeux c’est peut-être le plus difficile…
C’est accepter de reprendre pied dans la vie.
Elle a du mal la Provençale.
La main légèrement posée sur son ventre, cherche encore les mouvements d’un bébé qui n’est plus.
Gardez les yeux fermés malgré le jour qui insidieusement frappe son visage.
C’est ce qu’elle a trouvé de mieux pour se protéger encore un peu. Prolonger la nuit.
Mais elle est a double tranchant cette obscurité et Cerdanne n’a pas pour habitude de subir longtemps les évènements.

Cela fait maintenant une bonne semaine qu’elle se recroqueville.
Cherchant les mouvements d’un enfant, de celui de la mer qui les berçait tous les deux, d’une chanson marine, des rires…

Les yeux finissent par s’ouvrir sur le jour qui se lève.
Le regard encore un peu hésitant balaye la chambre et s’accroche à la lumière qui entre dans la pièce.

Il est temps de se lever.
Il est temps d’enfouir le chagrin.
Il est temps de ne garder que la mémoire et d’avancer pour elle.

La silhouette oscille, cherchant le roulis familier et finit par se redresser pour ouvrir d’une main rageuse la fenêtre et la refermer aussitôt.
Le bruit de la ville l’insupporte.
La foule l’agace.
Son pas devient plus sur et elle arpente les quelques mètres carrés avec obstination.
La brune peu à peu se calme, et ordonne ses pensées. Ecrire …Donner des nouvelles et rejoindre la mer.
Les doigts tremblent un peu encore mais la plume docile noircit le parchemin avec rapidité.


Citation:
Ma Capmam…

Je ne sais pas vraiment par ou commencer, mais je crois qu’il ne sert plus à rien d’enrubanner les mots.
Nous avons été attaqué et le Royal a sombré...
Peut-être le sais- tu déjà, remarque.
J’ai perdu la notion de temps depuis ces heures sombres.
Je ne me souviens que de ce bruit sinistre et de la cabine qui s’est refermée sur moi.
M’entrainant vers le fond.
Ensuite…Ensuite...Le Royal m’a fait cadeau d’un bout de lui pour m’y accrocher.
Mais en échange, la mer a exigé une vie.
J’ai été repêché, ramenée vers Vannes et l’enfant est né.
Trop tôt, trop vite.
Je ne serais pas maman et tu ne seras pas grandma’…
J’ai du mal encore à l’admettre.
Une raison plus que suffisante pour vouloir la vengeance a tout prix.
Gil, heureusement est là. Sans lui, je ne sais pas si j’aurais la force de me battre encore.
Nous n’avons pas de nouvelles de James, par contre.
J’espère que tu sauras m’en donner et des bonnes.

J’espère que toi tu vas bien. …ne t’inquiète pas.
Nous nous retapons et gardons au chaud la haine nécessaire pour avancer…

Prend soin de toi Mam.
Bises au frérot.

Cerdanne.


La silhouette bascula contre le dossier de la chaise et resta immobile un moment. Ecrire, décrire le naufrage lui laissait les yeux secs, emplis d’une colère sourde.
Il lui fallait affronter la ville.
Mais c’était un mal nécessaire. Le port…voir les bateaux, la mer l’aiderait à supporter l’attente.


--La_mouette..


pont du Likorn, 17 décembre

Le pâle soleil d'hiver faisait miroiter les haubans couverts de glace. Le navire devait avoir pris au moins deux tonnes ces derniers jours et chaque matin, avant que les marins ne se mettent à la tâche et cassent cette glace, Harpège aimait venir admirer la beauté de ses reflets multicolores et lumineux.

Une ombre dans le soleil, elle plissa les yeux. Le fou …. Et en piteux état.

Elle se hâta de nourrir le volatile et s'installa tranquillement, au soleil, pour lire la missive. Elle n'en faisait part à nul, mais était inquiète pour sa fille, dont personne, malgré ses appels angoissés, ne lui mandait nouvelle. L'écriture était tremblée, mais lisible.

Soupirant de soulagement, elle se mit à l'abri dans sa cabine car des morceaux de glaçons pointus commençaient à tomber sur le pont, et prit plume. Que dire pour consoler son enfant ? Sans compter qu'elle n'avait pas échoué au meilleur endroit pour une convalescence…


Citation:
ma toute douce

Tu me vois aise de recevoir des tes nouvelles. Le Royal était un fier navire, il a empli son devoir jusqu'au bout….

Je vais te demander une chose qui va te sembler étrange, mais tu vas le faire parce que je te le demande. Oublie la haine. Je m'en charge.

Oublie la haine pour regarder devant. J'ai reçu missive du timonier du Royal… il va falloir que je fasse un bout de chemin pour aller clamer mon enjeu sais tu ? Mais je suis heureuse de pouvoir le faire.

Cette missive porte aussi de tristes nouvelles. Je n'avais pas voulu t'en parler auparavant, pour ne pas t'inquiéter. Au milieu de l'automne, ton père a croisé une sirène. Ce ne sont pas, comme on le croit souvent, ces superbes créatures marines élancées que peignent les artistes, mais des choses antiques, vieillottes et emplumées. Celle-ci a chanté dans la mature et ton père a perdu son âme. Lorsqu'il y a peu il a chu sur le pont, cette âme l'avait depuis longtemps quitté…. J'ai hésité à offrir son corps à la mer lors du naufrage, mais elle n'en n'a pas voulu ; j'irai donc confier sa dépouille à un monastère dans une ville portuaire, comble de l'ironie pour un païen.

Toi, tu vas regarder devant. Moi aussi je te rassure. Ton frère vient te distraire, enfin dès que nous aurons touché terre. Il va devoir faire la route seul, mais il est grand maintenant.

Toi, tu vas aussi aller voir le père de cet enfant et lui annoncer la nouvelle. Et tu regarderas devant. Hop hop hop.

M'ame

"hop hop hop", formule magique qui remuait les montagnes. Harpège mit un moment à plaquer le fou au sol pour lui attacher la missive à la patte. Les mains lacérées par l'oiseau récalcitrant, elle l'observa un instant pour s'assurer qu'il prenait la bonne direction, et se concentra sur la manœuvre. Au fur et à mesure qu'il s'allégeait de la glace qui l'enveloppait, le Likorn redevenait manœuvrable, non sans faire quelques embardées.

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"posté à la demande de l'auteur qui n'a pas la gargote"
Baudouin
Vannes...

Il finissait par avoir la nausée. Il rageait, écumait, n'avait plus goût à rien qu'à la mort qui l'obsédait. Il n'arrivait même pas à parler avec Cerdanne. Lui en voulait-il? La haïssait-il? Non... il était fou d'elle mais cette douleur là, parce qu'il sentait qu'il n'avait plus sa place, le rendait tout aussi fou, mais d'une folie bien plus insidieuse, bien plus sournoise.

Oui, il la haïssait autant qu'il l'aimait mais la haine qu'il pouvait voir dans son regard quand elle le regardait lui donnait la nausée. Alors que faire... Il n'avait plus qu'une chose dans sa vie, la seule qui lui donne envie de vivre, de continuer. La seule qui puisse l'apaiser et, peut-être le faire renaître.

Mais pour pouvoir renaître, il fallait se dépouiller de la peau du vieil homme, mourir un peu. Il avait essayé pourtant, mais il s'y prenait mal, bien mal, Cerdanne et lui étaient sur deux barques en péril et dans la brume, elle ne le voyait même plus. Leur amour était mort, il était souffreteux mais il avait fini par mourir avec l'enfant qui aurait pu être leur rédemption.

A force de tourner dans sa chambre comme une cage, d'être insupporté par la haine et le mutisme de Cerdanne, par l'attention amoureuse d'Amy, il avait fini par prendre un premier parchemin. On règle souvent mieux ses comptes par missive.





Vannes, 17 décembre 1458.
A Cerdanne...

Petit chardon,

Cette missive est très douloureuse à t'écrire. Tout d'abord, sache que même si nous passons notre temps à nous déchirer, je ne t'en veux pas, de rien. Ce qui est arrivé devait sans doute arriver, alors voilà, nous avons perdu notre enfant mais je te sais forte, j'espère qu'un jour tu réussiras à t'ouvrir et à en parler sans doute avec un autre que moi...

J'ai compris que tu avais ta vie et que je n'en faisais plus partie, la mort de notre enfant était la seule chose qui pouvait peut-être nous réunir à nouveau, mais là, je sens bien que ma présence ne t'es pas utile.

Amy reste à Vannes, vous pourrez vous retrouver, sans moi. Je ne te tourmenterai plus petit chardon, tu sais combien je t'ai aimé mais sans doute ne sais-tu pas combien aujourd'hui encore je te désire et combien ça peut être douloureux. Alors pour protéger la seule chose qu'il me reste, la seule personne qui veut de moi, je dois m'éloigner de toi. Parce que même si tu ne veux plus de moi, même si tu me repousses, je te voudrai encore.

Sois heureuse ma belle Cerdanne, j'espère que ton marin te rendra plus heureuse que je n'ai su le faire et pardonne-moi de n'avoir pas su, de n'avoir pas été là quand il le fallait et d'avoir failli à mon devoir, à te protéger, à vous protéger.

Quoiqu'il en soit, si un jour tu as besoin de moi, même si je doute que tu aies besoin de qui que ce soit, je serai là, il te suffit de m'envoyer un pigeon et de me dire que tu veux me voir.

Adieu donc, ma femme, mon amour, adieu. Je garde le souvenir de la Cerdanne radieuse que j'ai rencontrée, du petit chardon qui a enchanté ma vie, de celle qui aurait du être la mère de mon enfant.

Prends soin de toi et que les vents veillent.

B.


Il reposa sa plume, la nausée au bord des lèvres. C'est ce qu'il avait à faire de mieux. Amarante s'occuperait bien de Cerdanne, elle était la plus fidèle des femmes en amour mais aussi en amitié et sa capacité d'aimer impressionnait le vieux baroudeur qu'il était. Oui, Amy était l'espoir, elle était la vie.

Une autre missive, plus courte celle-là. Celle qui l'emmenait vers la mort, cette mort dont il avait besoin pour revivre. La main fébrile, presque rageuse, il traçait les mots.




Vannes, le 17 décembre 1458.
A Harpège.

Ma Dame,

Je ne m'éparpillerai pas en tergiversation. Je suis à Vannes, près de votre fille. Il ne m'a pas fallu longtemps pour comprendre que je n'ai plus de place dans sa vie. Elle se remet doucement et Amarante reste auprès d'elle, je suis sûre qu'elle peut lui apporter un peu de paix et de sérénité, au moins de façon temporaire.

N'ayant plus rien à faire à Vannes, je prends la route pour le sud. J'espère que vous me comprendrez, mais avant de mettre un point final à toute cette histoire, avant de pouvoir dire adieu à votre fille la tête haute, il me reste une chose à faire et vous êtes la seule à pouvoir m'aider.

Je veux leur peau. Dussé-je y laisser la mienne. Ce n'est qu'à ce prix que je pourrai espérer vivre à nouveau, même sans Cerdanne. Je fais donc route vers le sud, j'espère vous y retrouver afin que vous puissiez me donner les informations dont j'ai besoin pour pouvoir faire justice.

J'espère que vous pourrez répondre favorablement à ma requête. Après cela, je disparaîtrai de vos vies. Dans l'attente de votre réponse, je vous prie de croire à mes salutations.

Baudouin de Brélidy.


Voilà, il avait fait ce qu'il avait à faire, il ne lui restait plus qu'à dire au revoir à Amy, la rassurer, lui promettre qu'il reviendrai, qu'il lui écrirai, sans trop lui dire. Il ne voulait pas qu'elle s'inquiète outre mesure. Et puis... il reprendrait la route, comme autrefois, vers la vengeance, vers la justice, vers la mort s'il le fallait. Amy serait sa rédemption, plus tard, si le Très-Haut lui laissait la vie.
_________________
--La_mouette..



Likorn, bel après midi d'hiver

elle avait bien fait d'installer une piste d'atterrissage sur le pont avant parce que la noria de pigeons devenait incessante. Évidemment, toujours comme ça lorsqu'on se rapproche des cotes. Pas facile de répondre aux dizaines de missives en tenant la barre en plus, heureusement que la mer était d'huile.

Harpège sourit en pensant à ce que serait une situation similaire en pleine tempête, la moitié des pigeons noyés….

Un pigeon roux attira son attention. Il volait droit, pas comme les irlandais ou les anglais, mais il manqua la piste d'atterrissage. Elle déplia la missive, visiblement écrite d'une main rageuse. Elle se retint de rire à la lecture, après les capitaines profitant de son récent veuvage pour lui proposer soutien, support, consolation et plus si affinités, au fait vous avez bien une caraque ?, voilà l'ex-amant ex-futur-père en rogne réclamant rien moins que de tuer ou mourir pour effacer sa culpabilité supposée, alors qu'il n'y était pour rien.

Elle suçotât le bout de sa plume. Marre, en fait, d'aider aux voyages initiatiques, il n'y a pas assez de druides en Bretagne pour cela ? Une vie pour une vie, cela n'a jamais rien résolu. Soupir. Essayons le langage ampoulé, ça a une chance de fonctionner.


Citation:
A vous, Baudouin de Brélidy,
De Nous, Harpège d'Orkney, Baronne de Laguiole, Capitaine du Likorn A-Leizh

J'ai bien reçu votre missive, et comprends votre ire.

Sachez tout d'abord, si cela peut vous rasséréner, que le nécessaire a été fait. Mes colères sont légendaires : la mort de Cerdanne sera vengée et sera payé le prix de sa vie. Qui est élevé, croyez moi.

Que vous veniez prendre un bain de sang ne changera pas cela, il n'est que d'attendre. Attendre n'a jamais calmé la colère, ni redonné à un homme une haute opinion de lui-même, je le conçois. Mais tuer non plus. Cela ne ferait que vous abaisser à vos propres yeux.

Je vous imagine fort bien, tournant en rond autour de ma fille alitée, fulminant. Si vous pensez que vous avez besoin de ce bain de sang, rendez-vous à [grosse tache d'encre], mais je ne puis vous offrir ce que toute prêtresse accorde à un homme en désarrois, renaissance après mort purificatrice, je l'ai fait pour un homme qui m'a trahi et ne recommencerai pas. Il vous faudra cheminer seul en ce chemin.

Vous pourriez pourtant avoir attitude plus constructive : allez voir une druidesse, ouvrez lui votre cœur, elle vous aidera à reprendre contenance. Et restez auprès de votre dame, elle aussi a besoin de votre amour. S'il le faut, ce conseil deviendra un ordre.


Bien à vous
Harpège


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