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[RP] Si Corleone m'était contée

Milo
Rp ouvert à qui le souhaite, bien entendu. Ce RP se passe quelques jours après les évènements du RP "Et au septième jour, il reposa"


[Dracy-lès-Couches]

Le corps est étiré avec lenteur, chaque mouvements économisés, un peu comme cette fois là, lorsqu'il portait sa croix. Il reste de longues secondes ainsi, les mains jointes et les bras tendus au maximum vers le plafond, sur la pointe des pieds. Appréciant la chaleur qui se diffuse dans ses membres, souriant lorsque les os craquent de mécontentement.

Il se retourne et fait face au lit conjugal, observant avec une certaine fierté la silhouette endormie, protégée par les draps. Il glisse sa main gantée dans les cheveux roux, jouant un instant avec les flammes renvoyées par les lueurs de l'aube. Il sourit, benoîtement, juste avant de déposer un baiser sur ses lèvres et de s'en retourner vers la porte jouxtant la leur.

Chambre des enfants, du sien, du leur, de ce fils qu'il n'aura probablement jamais et de cette fille qui lui fait peur. Avec précautions, il s'approche des deux lits, se penchant sur le premier, jouant de l'index sur la main du renard, avant de se tourner vers celui de sa soeur. Il dépose un baiser sur les fins cheveux blonds, prenant garde à ne pas la réveiller. Sourire tout aussi béat que le précédent, car elle a beau lui faire peur, elle n'en fait pas moins sa fierté, malgré sa surdité.

Mais cela, il ne sait comment le montrer. Comment expliquer à cette chose si frêle, cet être qu'il pourrait briser d'une seule envie, qu'elle est sa plus belle réussite ? Un jour, lorsqu'elle aura assez grandi sans qu'il n'ai crainte de lui rompre le cou à chaque manipulation. Un jour, il le lui dira, de vive voix, non plus en lui adressant des prières muettes comme il le fait actuellement.

Dernier regard, juste avant qu'il ne franchisse le seuil pour aller en cuisines puis au dehors, croisant la vieille Berthe déjà derrière les fourneaux, se délectant par avance des odeurs de pain et de brioches dorées qui montent du four remis en marche depuis peu, lui apportant salive en bouche. Il croise le commis, le hélant d'une voix claire.


- Holà, gamin, j'ai b'soin d'toi. Faudrait qu'tu trouves Sadnezz Corleone, tu vois qui c'est ? Elle est d'jà v'nue ici. Une brune aux yeux noirs, italienne, avec des rides au coin des yeux. Dis lui d'm'r'trouver... Là où elle sait. Elle comprendra. Et dit à Gontrand de seller Grani.

La commission passée, il retourne aux cuisines, s'attelant à la table où son bol de lait et une brioche luisante et encore chaude l'attendent. D'un sourire et d'un gargouillement, il remercie la vieille avant de s'attaquer à son frugal repas. Le tout est englouti avec contentement, tant la cuisine de ce qui est bien plus qu'une simple bonne devient délicieuse de jour en jour.

Il se lève et ressort encore une fois, pour se diriger cette fois-ci vers les écuries. Message laissé à la rouquine qu'il avait à faire non loin de Nevers, qu'il rentrerait probablement à la tombée de la nuit, si ce n'est avant. Et tandis que le vent glacial d'hiver lui fouette le visage, il songe à ce qu'il s'est passé cette fois là, sous l'oeil ricaneur de la blafarde.

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Sadnezz
[Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire
J’ai vu tous les soleils y venir se mirer
S’y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire.*]



Les yeux sombres de la Corleone se laissent porter au fil des flots calmes de la Loire, entre les remous qui se perdent et les affluents qui se créent. Le fleuve dort, lové dans son lit l'onde opaque s'est abreuvée des milles petites rivières que les dernières pluies ont fait serpenter dans la campagne Bourguignone ces derniers jours. Son regard suit les lignes diffuses de celui à qui elle avait confié la tâche ingrate... Effacer l'erreur. Le courant avait accepté le corps meurtri de l'Eroz, l'emportant loin des yeux impurs de l'italienne à jamais. Les eaux froides en avaient vu tant d'autres, mais la Corleone elle, gardait encore en mémoire la caresse marmoréenne de son dernier amant, ultime contact avant le saut de l'ange. Sonder les flots comme elle le ferait pour des yeux tristes qui déversent leur larmes était difficile, mais comme l'enfant est fasciné de la flamme, Sad ne pouvait détacher son regard des abysses trompeuses. L'eau purificatrice, dernière demeure de l'Adonis, pour bière les courants et pour monument les profondeurs...

Depuis ce jour fatal, la Corleone s'est trainée, chassant avec grand peine le souvenir tenace de la présence condamnée. Personne ne savait, personne ne jugerait. Sauf lui, lui pour qui elle ne lève plus les yeux aux cieux. Pourquoi ne pas l'avoir remis à la terre, peut-être pour ne pas avoir à connaitre le lieu où git l'inexplicable et impardonnable. Pas de tombeau sur lequel étendre ses plaies béantes, pas de sépulture à regretter, pas d'édifice pour lui rappeler ce qu'elle ne veut. Seuls les azurés avaient été inquisiteurs, bien que les lèvres closes. Il était venu le grand blond, et il n'avait pas profané le secret.

Lorsque le jeune valet était venu lui donner rendez-vous au nom de Milo, elle avait compris après quelques hésitations le lieux des retrouvailles redoutées. Il ne se déplacerait pas pour rien avec sa belle gueule, il y avait quelque chose derrière le silence des derniers jours... Sad lâcha une pierre plane dans le dragon bleu qui s'étalait à ses pieds, docile et inquiétant. Sa position commençait à anesthésier ses membres, et le froid se chargeait de terminer à engourdir ses méditations. D'un grand mouvement la cape fut ramenée sur ses épaules, fouettant l'atmosphère figée du bord de la Loire où elle se fondait immobile, l'esprit expectateur . L'attente...



* Louis aragon, passage favori des Yeux d'Elsa.

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Milo
[Quelque part, près de Nevers]

Il met pied à terre lorsqu'une fine silhouette se dessine non loin de là, accrochant les rênes d'un geste rapide à l'un des arbres. Ses yeux se plissent, il observe les contours de la statue d'ébène, voûtée sur son piédestal. Perdu, l'éclat d'antan, depuis ce jour qu'il ne comprenait guère. Il s'assied à côté d'elle, jambes croisées devant lui et bras reposants sur ses genoux, silencieux. Les Azurs elles, fixent la profondeur de leur jumelle aqueuse, à la recherche de réponses.

Il souffle légèrement, plissant les yeux sous les remouds étranges formés par un vent joueur. Surface torturée et tortueuse, pointant du doigt l'impardonnable, fantôme accusant depuis les limbes le complice qu'il était devenu malgré lui. Le visage blafard de l'éphèbe pourrait surgir devant lui comme un diable hors de sa boîte qu'il ne s'en étonnerait même pas. Pourtant, il reste serein. Il ne sait pas ce qu'il s'est passé entre la madone et l'éphèbe, ce qui les a poussé à en arriver là : elle, exsangue et le regard perdu, lui, marmoréen et le regard éteint.

Ses mains quittent leur position initiale, dextre massant sa senestre, dans l'attente et l'infime espoir, que la Corleone prenne la parole. Que ne se voûtent pas plus ses épaules qu'elles ne le sont déjà. Espérant, peut-être, que sa voix brisera le silence qu'elle s'est imposée depuis le soir où l'Eroz a trépassé.

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Sadnezz
[demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.*]


Et pour une fois, la Belladone ne feint pas l'ignorance. Oui pour cette fois elle tourne son visage vers le sien et ne parle même pas avec les yeux. Elle l'avait entendu arriver sans bouger d'un cil, comme on attend le sommeil ou l'apaisement. Le mari de la rousse rusée avait certainement des interrogations, comme tous ceux qui fréquentaient de près ou de loin la brune... Et qui pouvait se vanter d'une soirée de confidences sur sa vie chaotique et les lignes qui la composaient? Loin d'elle l'idée de paraitre mystérieuse, il y avait quelque part derrière ses yeux une indifférence réelle. Et dans cette vie, les livres ouverts n'intéressaient personne, seules les vieilles couvertures poussiéreuses posées sur les plus hautes étagères semblaient receler secret. L'aveu est un compte rendu, un devoir difficile et bien que souvent nécessaire; rarement donné. Le déni qui a cloué ses mots et ses pensées depuis quelques jours se brise sur quelques mots à voix basse, pour rompre le charmogne.

Tu m'as faite mander...


Hé bien me voici, je suis là et toute ouïe, je suis venue t'attendre comme on se rend à la confesse et peut être que pour cette fois ce ne sera pas vain. Aujourd'hui je n'userais pas de leurre, et sans trop savoir pourquoi je suis disposée à reprendre une conversation qui ne fut jamais achevée. Je n'oublie pas. Je te dois beaucoup.

Lasse de se dérober, Sad a tombé le manteau de silence pour quelques heures du moins... Elle se souvint en baissant les yeux sur la main gantée de son voisin d'un soir où ils avaient été laissés seul à la quiétude d'une taverne déserte. Il lui ressemblait. Dans ses réticences à conter l'origine de sa singularité elle s'était vue, et bien qu'ils n'aient pas achevé l'échange leur silences étaient promesses d'au revoir.

Elle lâcha les pierres plates qui s'étaient échauffée dans le cocon de sa paume tannée et détailla le visage de Milo. Ses cheveux ont poussé, son visage lui est toujours ce masque impassible et quiet. La jouvence lui sied bien quand la sienne est désuète...


* Victor Hugo

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Milo
Il reste immobile, le regard fixe. Il se sait détaillé, de ce regard que l'on pose parfois sur les gens, celui qui fait naître un picotement désagréable au niveau de la nuque. Mais il reste ainsi, devenant statue à son tour, amusé intérieurement des troubles et des questions qu'il peut faire naître. Ho, bien sûr, la Corleone n'a rien dit ou fait qui pourrait l'amener à cette réflexion. Mais le picotement qu'il ressent en dit long. Tout comme sa voix, si basse. Comme une enfant prise en faute, attendant la sentence de l'adulte.

- Je t'écoute.

Il n'a pas besoin de dire plus. Lui, il s'est déjà confessé par le passé. Exercice difficile, souvent redouté. Avouer est une faiblesse, envers soi, envers l'autre. Raconter ses crimes, qu'ils soient justifiés ou non, n'est jamais une sinécure. Mais, et il espère que la femme le sait, il ne jugera pas ses actes, pour avoir lui même été sur la corde raide voilà plusieurs années et pour ne s'être confié que beaucoup plus tard, lorsque le temps avait estompé la douleur et que les contours de leurs visages s'étaient fait plus flous.

Un sourire se dessine sur ses lèvres, tandis qu'il tourne la tête vers la brune. Détaillant à son tour le visage parcheminé qui lui fait face. Son visage s'est creusé, les rides se sont ancrées plus profondément sur sa peau tannée et burinée par le poids des années et des voyages, traçant des pattes d'oies au coin de ses yeux qui ne se révélaient que quelque fois. Et ce n'est que lorsque les Azurs viennent s'ancrer dans les Onyx ternies, qu'il penche légèrement la tête sur le côté, mèches blondes échappées de sa lanière en cuir bleue retenant ses cheveux.

Parle.

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Sadnezz
Et quoi? C'est tout? l'explicite n'a jamais été ton fort l'azuré... Je me souviens...Je me souviens de l'unique fois ou tu t'es laissé allé à la confidence, et déjà les demi mots m'avaient laissés un gout de trop peu.

Sad secoue la tête, presque mortifiée. Il était venu pour savoir, pour tirer à ses lèvres trop closes des choses qu'elle n'osait laisser échapper. Son silence pesait plus que mille questions, il la laissait désemparée face à une montagne de mutisme.

Et quoi? Que veux tu que je dise? La vérité n'a jamais été mon fort, et ce que tu as vu était assez parlant...

Elle vient croiser son regard, oubliant quelques secondes le bruit paisible du fleuve dans son lit. Parler avec les yeux comme elle parle avec les mains, quelle obstination. Elle recommença à secouer la tête comme le font les coupables, les menteurs, comme pour lui dire dans un sourire quasi contrit que non.. Non Milo, tu ne me tireras pas ces mots là de la bouche.

La honte l'étreint, comme le machiavélique souvenir de sa machination. Evitant le regard une ultime fois, elle murmura comme pour se convaincre...


C'était un accident.


Pourtant, le travail du remord avait déjà commencé son oeuvre. Elle se sentait gonfler de haine, de tristesse, enfler et frôler l'implosion. Elle savait qu'elle finirait par l'ouvrir sa putain de gueule, au moins autant que le trou béant dans sa poitrine...

Tant qu'à être vouée aux enfers, autant se damner avec application.

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Milo
Il tendit l'oreille, pour recueillir sa confession, qu'il entendit à peine. C'était juste un accident. Il détourna le regard et se mis à observer la berge, juste en face, fixant un point invisible parmi le feuillage balloté par le vent. Parler de lui n'avait jamais été son fort, il ne se confiait que rarement. Peu de personnes étaient au courant de son histoire, ses blessures. Sa confiance était une chose qu'il distillait trop peu, préférant recueillir les confidences d'autrui et laisser les siennes en suspens.

- J'n't'juge pas, Sad.

Il ne pourrait pas lui jeter la pierre, lui même portant une croix que le poids des années n'avait pas étiolé. Des questions, il en avait des tonnes, qui se bousculaient à ses lèvres closes. Pourtant, il ne les poserait pas, car comme à son habitude, la confession devait venir d'elle même, si repentie elle devait se faire.

- Vivre avec ses démons...

Il laissa sa phrase en suspens, flotter dans l'air et trouver échos aux murmures du vent. Écoutant religieusement les complaintes rapportées, celles du passée, celles d'inconnus. Essayer de deviner l'histoire de chacune d'elles, trouver l'alter ego qui permettrait à la brune de s'épancher. Sans la brusquer toutefois, car il ne se voulait accusateur ni bourreau.

De nouveau, sa main droite vint masser celle recouverte du manicle tant de fois honni. Un peu pour se laisser le de temps réfléchir, surtout parce que les mots n'avaient jamais été son fort. Pour autant, il resta le regard fixe. Qui sait ce que la pudeur empêchait de faire, dans des moments pareils. Elle parlerait, il le savait. Il fallait juste laisser le temps au temps, la journée était à peine entamée.

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Sadnezz
Non, tu ne me juges pas.. Parce que tu ne sais pas. Combien de fois on s'est vus, reconnus, entendus? Peu n'est-ce pas. Et nous accorder des affinité est déjà miraculeux hein... Toi, tu es mon reflet, en plus clair, plus opalin, au masculin. Mais les ondes qui te déforment sont identiques aux miennes. Tu portes ton silence en bandoulière, et ne laisses parler que tes yeux. Tu restes droit face à l'adversité et tu méprises ce qui se veulent bien pensants. Tu sais que nul n'est parfait, et que chacun nait de la même façon. Tu en dis peu, pour en écouter plus. Non, tu ne me juges pas, mais tu es comme moi, tu n'en penses pas moins. Et de tes phrases inachevées, et de tes mots en pointillés, il faut en distiller le sens pour mieux en apprécier le fond.

Vivre avec ses démons n'est pas vivre. C'est un mensonge. C'est puiser en nous ce que l'on a de meilleur pour étouffer ce que l'on a de pire. C'est marcher dans l'ombre de choses qui nous ont un jour échappées et se rendre compte que l'ombre est devenu sombre horizon. Je ne connais pas les choses qui te hantent, et tu connais bien peu les miennes. Mais elles ont forgé notre image, ce masque que l'on ne sait qu'enlever dans un lit, pres d'un corps chéri, ou dans la tombe lorsque plus personne ne nous entoure. Tes démons tu les tais, et tu veux que je te serve les miens. Tout est toujours à double tranchant, tout n'est pas tout noir ou tout blanc. Dans ta voix les nuances, dans tes gestes les choses passées sous silence.

C'était un accident, un terrible accident. Il a commis une erreur, et je n'ai su que me rendre justice. Toi tu verrais l'image inverse, dans le reflet de l'aveu: j'ai commis une erreur, ma folie a été injustice. Mais il n'y a pas de repos pour l'âme qui en a pris une autre, et chaque jour que dieu fait je paye le prix de mes actes. N'est-ce pas là le juste châtiment? Plus d'enfants, plus d'attaches, plus de confiance envers les miens, et presque plus le courage d'assumer mes travers.

Les mots sont vains, pourtant je te les dois. tu t'es sali les mains, tu t'es souillé les doigts. Et chaque minute de plus à sceller mes lèvres sont injures, à toi qui n'a su qu'être là lorsque le sang coulait de la fêlure...


Pour un larcin une main, et pour une vie? Quelle est la peine?... Je l'ai aimé. Je l'ai aimé si fort que j'ai entrevu des choses que je pensais désuètes.


Et je l'ai détruit, comme il m'a détruite, lorsque j'ai cru que ma vie avant lui avait été un leurre.

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Milo
Un léger sourire vint orner son visage, tandis qu'il baissait le regard sur l'étrange serpent aqueux. Il lui renvoya l'image d'un homme jeune, aux traits puissants et au teint clair, visage encadré par de longs cheveux blonds. Mais surtout, ce qui pouvait frapper, était cette désinvolture avec laquelle son reflet lui souriait : les lèvres placées de telle manière qu'elles en devenaient railleuses et des Azurs qui se foutaient de tout et de tous, creusant des pattes d'oie en leur coin.

Pour un larcin, une main.

Se souvenait-elle du peu de choses qu'il lui avait raconté ? Probablement. Ils étaient de ceux qui écoutaient avec attention l'histoire des autres, s'en faisaient les gardiens malgré eux lorsque plus personne n'y prêterait attention. Leur histoire était tout autant une leçon qu'un avertissement, une mise en garde pour les ignorants.

Ils payaient chers de ce qu'ils avaient acquis par la grâce des autres. Car pour un larcin, il avait perdu bien plus qu'une main. Son honneur avait été bafoué, plusieurs fois, son corps, lacéré tout autant et son esprit, soumis à plus fou que lui.

Pour un larcin, il y avait perdu beaucoup plus qu'une simple main.


- Pour une vie ? Il ricana, amer et acide. Les biens pensants t'répondraient la tienne. Mais toi et moi, on sait qu'ça n's'passe pas ainsi.

Oui, jamais volonté ne sera autant inutile que dans un cas comme celui-ci. Les bourreaux préféraient le remords et la honte comme arme, plus tranchants que le fer. Que pourrait-il lui dire d'autre ? Lui mentir ? Elle connaissait autant que lui la suite du maelström dans lequel ils évoluaient tout deux. Milles souffrances ne sauraient les repentir.

- L'goût du bonheur s'paie souvent l'prix fort, brunette. La mort... Etait-ce la seule issue ?
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Sadnezz
Le poing se serra, et d'un éclat de voix elle le coupa presque, frêle bouée à la mer...

Je l'ai vu, là dans les bras d'une autre! J'ai vu le plaisir qu'elle prenait, et ses lèvres, et ses yeux... J'ai pensé que pour une fois, je pouvais m'offrir sans remords. Mais c'était un leurre. Il n'a jamais été qu'un terrible leurre dans ma vie.


Oui, la colère et l'amertume mêlées, Sad en oublia que l'Eroz avait été plus que cela. Un acolyte, un adversaire, un amant, un combat. Qualifier cette relation en un mot était un affront, une injure, mais sa mort était trop récente. Trop proche encore pour pouvoir suivre le chemin du deuil et toutes les étapes qu'il comportait. Flasback.

Du choc.
Son sang ne fait qu'un tour. Un vertige terrible l'ébranle. Le choc est si violent qu'il lui coupe le souffle, un coup de poing ne lui aurait pas fait plus d'effet. Il est là... Et ses pires craintes aussi. Il n'est pas seul. Lovée contre lui.. Une femme à la crinière de feu embrasse la peau nue de son cou. Se retenant au mur pour ne pas tomber, Sad a un mouvement de recul. Elle se sent défaillir, s'effondrer. L'air manque, elle suffoque.

Du Déni.
Comment... Comment a-t-il pu? Lâche. C'est plus fort que lui, toujours en cavale... Il était là haut, il y est encore. L'image est plantée dans ses yeux, la blessure est foudroyante. Le sel de ses larmes vient inexorablement, la pression est trop forte. Il l'a trahie. Il l'a tuée. Le cheval est laissé là, titubant jusqu'à chez elle la Corleone ne se remet pas de cette déchirure... Les choses la dépassent.

De la colère.
Elle ne peut contenir sa haine et sa rage, détruisant tout ce qui se met en travers de sa route, jetant aux loups chacune des affaires à celui qui l'avait bléssée et humiliée . D'un geste vif, hurlant et pleurant, elle se saisit d'un vélin où elle couche quelques mots à peine lisibles. Une larme s'écrasa sur le papier, souillant l'écrit. Vite, la missive devait être envoyée. Essuyant rageusement ses pleurs, son regard se voila. Il était temps de faire les choses à sa manière...

De la tristesse.
S'il y avait bien une chose dont Sadnezz n'était pas dotée, c'était cette faiblesse des à cotés. Où était-elle lorsqu'il fallait voir qu'en lui, ils étaient deux? Perdue dans l'extase d'un amour désuet... Absorbée par le souffle nouveau de promesses et de mensonges. Ses joues s'étaient creusées de peine, désormais la fêlure coupait aux idées qui s'y pressaient.

Retour à Milo. Manquait encore du chemin, sur la route du deuil... Résignation, acceptation et surtout... Surtout, reconstruction. Des étapes qu'elle n'était pas prête à accueillir. Peut-être serait-elle comme ces personnes qui ne les gravissent jamais, restant prostrées dans leur progression figée, mutiques et éternellement inachevées de l'intérieur. Seul le temps en avait réponse. Dans un murmure comme un aveu, elle se laissa aller un peu contre le blond, comme on s'appuie à un mur pour reprendre son souffle.


Je n'aurais pas pu vivre avec l'idée qu'il m'aie trahie sans payer son erreur.


Car le voilà le triste crédo de la Corleone, oeil pour oeil... Et personne n'y a coupé, comme une malédiction qu'elle ne peut contrôler. La rancune ronge son coeur, et les délires de vengeance pervertissent son âme.
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Milo
Toujours impassible, il se contentait de fixer son étrange reflet mouvant au fil de ses paroles. Il se laissait imprégner de ses doutes, ses remords et ses pensées. Il devenait elle, pour tenter de mieux la comprendre et comprendre son geste. La trahison était une chose qu'il n'avait connu qu'une fois. Certes, elle lui avait laissé plusieurs marques indélébiles, l'empêchant d'oublier totalement. Mais il suffisait d'une seule fois, pour changer un être.

Et pour elle, l'Eroz n'était qu'un traître.

Il se demanda soudain ce que raconterait l'homme, si, par une quelconque magie, il pouvait revenir à la surface, sortant de sa crypte liquide par indignation. Peut-être se défendrait-il avec ardeur, arguant qu'elle était aussi absente que lui volage. Ou bien essaierait-il de justifier les raisons de son acte. A moins qu'il n'avoue tout simplement les faits et demande son pardon.

Son regard se reporta sur sa voisine, lorsqu'elle s'appuya à lui. La colère était mauvaise conseillère, il le savait mieux que quiconque pour se laisser aller plus souvent qu'à son tour à lui prêter une oreille attentive. Chienne et bâtarde, elle ne faisait que susurrer son fiel pour mieux en distiller les graines par la suite. Elle avait agit par fureur, aveuglément. Et maintenant ? Elle payait. Trahie pour trahir à son tour. Tout comme lui, il y a longtemps.

Il secoua la tête, massant sa senestre de nouveau. Il ne savait quoi lui dire, le deuil était trop récent pour lui faire part de ses conclusions et pour la questionner plus avant. Le temps se chargerait de lui faire regretter son geste, jusqu'à sa mort. Elle n'avait pas besoin de lui pour ça.


- Et maint'nant ? Qu'vas tu faire ?
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Sadnezz
Le regard se voile dans un tourment pensif, les prunelles comme deux étoiles perdent leurs éclats incisifs.

Hé que veux-tu que je fasse... Si ce n'est prier pour le salut.

inexorablement le temps qui passe rappelle en moi le manque de vertu. Et mon coeur est bridé de ces amants que j'ai aimé, pas d'amour mais de corps et c'est déjà bien assez. Ils avaient la vie bien libre, mes libertins des heures perdues, volages et toujours un peu ivre de nos vies décousues .. Mais pour l'Eroz il le savait, pas d'arrangement et pas ce genre d'amusement. C'était silencieusement entendu tu sais, pas de partage pour l'impossible amant. Il est parti l'Adonis , il n'est plus, et j'entends encore nos voix s'accabler, quand je pense qu'on s'est perdu je sens l'enfer s'ouvrir sous mes pieds. Le chemin reprend et la route et bien longue, je me suis perdue un instant je ne le ferais plus. Je reste cette femme aux formes infécondes sur laquelle le temps un court moment s'est tut.


Ma vie est sans attaches
, mais à la fièvre enchainée, torrent sombre qui tache mes longs soirs de péchés. Fais toi le tombeau de mon secret avoué, toi qui a su ranger les azurs frondeurs, je t'offre ma reconnaissance à jamais et mon amitié que l'on croit sans coeur. Retourne toi en auprès de ta rousse et garde tes claires lèvres scellées sur le souvenir qui sur moi s'émousse et me fera l'hiver en plein coeur de l'été.

Le corps se redresse, la Belladone se reprend, son regard se referme et son ton confident se dérobe aux oreilles du géant.


N'as-tu jamais fauté?
Toi que tes yeux insolents font reluire de beauté tu as le verbe bien trop gardé...
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Milo
- D'nombreuses fois.

De trop nombreuses fois, même. Comme tout un chacun, il avait eu son lot d'horreur, de tristesse, de joie éphémère et de goût amer en bouche. Les regrets étant ceux qui laissaient l'odeur et la trace la plus forte, la plus indélibile.

Il ricana amèrement, comme si la question était la plus idiote qui soit et la réponse la plus évidente possible. Elle devait la connaître, pourtant. Ils n'étaient pas si différents, bien loin de là. Pire, certains chemins de leur vie étaient commu
ns.

- J'en suis pas fier. Il leva ses deux mains qu'il se mit à contempler, plissant légèrement les yeux alors que la lumière du soleil les frappait de plein fouet. J'ai trop d'sang sur les mains pour une vie comme celle-ci, Sad. Il tourna la tête vers elle, moqueur. J'ai vu et vécus plus d'horreur qu'tu n'voudrais en connaître, crois moi. Il se laissa tomber à terre, les bras repliés sous la tête. Mais c'pas pour parler du sang qu'j'ai versé qu'on est ici... Non ?

Ils n'étaient pas là pour lui, pour remuer le couteau dans les plaies qu'il avait parfois profondes et que le temps avait réussi à refermer si difficilement, bien que certaines soient encore rose vif.

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Sadnezz
Les mots comme souvent moururent sous le palais, futiles palabres avortées, pauvres mots inutiles envolés. Puis le sourire, presque narquois, tout juste avoué vient se loger dans la ride.

Et c'est pour parler de quoi au fait, que "l'on est ici"...

Ici, au pied du tombeau, à la fraicheur de la bière, liquide et presque immatérielle, pourtant si froide... Non, décidément non. Sadnezz ne saurait confier, ouvrir la brèche, offrir la faille. Dieu dans sa grande mansuétude lui a cloué la bouche, mais a oublié de lui couper les bras. Quand on raconte qu'elle parle avec les mains, on passe souvent à coté de la subtilité. Car parler avec les mains évite de parler avec les lèvres... Le buste de l'italienne se redresse, rassemblant les bribes de fierté qui font d'elle une butée de la vie, une braquée, une incapable de la compassion. Les faiblesses qui peuvent la faire faillir sont pour la grande majorité déjà mortes, avec leur temps et leur lot de conséquences... Depuis, il n'y a plus rien a espérer de cette plante qui a poussé trop tordue, pour faire oublier qu'ici bas personne ne pousse bien droit.

Elle est vieille la Corleone, mais vieille d'une façon bien plus laide que celle imaginée. Ce n'est pas le corps qui s'affaisse, ni les gestes qui se font plus lents le plus vilain . C'est la putrescence de l'intérieur, la défection de la raison, l'âge qui fait que plus grand chose ne tourne rond.

Hein c'est pourquoi Milo? Qu'est-ce que tu vas en foutre de mes confesses, de mes tourments? Qu'est-ce que tu vas croire, ce que je dis? Ce que tu sais?

Elle est vieille la Corleone, et ces paroles désabusées sont aussi laides que ses réelles pensées. La chanson de la vie, elle la connait, elle la fredonne encore parfois quand au détour d'une couche elle fabule sur des lendemains fallacieux. Elle déteste plus qu'elle désire, et son regard ne ment pas quand elle méprise, quand elle défie. Sad ne détourne pas les yeux lorsque dans l'onde, son reflet lui rappelle combien vivre est usant, combien vivre est laid... Car tout fout le camps. Le dialogue est sourd, et à peine animé, mais sous les regards et les silences il y a plus de mots qu'il n'y parait.

J't'aime bien le blond, avec ta gueule et ta jouvence, mais tout fout l'camps. L'optimisme est l'elexir des cons.

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Vilain pas beau en quête d'action?Par ici...
Milo
- D'tout. D'rien.

De ce que la vie leur avait réservé, de ce qu'elle leur avait pris et de ce qu'elle ne leur donnerait jamais. Des vies qu'elle avait prise, les offrant aux pieds de la putain nécrosée sans un mot. Des tourments qu'elle leur avait infligé, se moquant des conséquences et de l'avenir. Des actes de chacun et de cette croix qu'ils portaient, qui leur faisait courber l'échine sans toutefois la rompre.

- Qu'ai je à y gagner ? Il gloussa. Rien. Mais d'mande toi plutôt, Sad, c'qu'toi, tu as à y gagner.

Il se redressa, pliant une jambe qu'il ramena sous son menton, mèches blondes échappées de son catogan virevoltant devant ses yeux. La danse des fous était entamée, lui l'avait déjà commencé bien avant elle. Et lorsque la danse perdait un peu de son rythme, il prenait le temps d'observer ses partenaires, quels qu'ils soient. De les étudier minutieusement. Il était fasciné par tant de mépris, de haine et de douleur, de ce qu'ils étaient capable d'accomplir, pour une seule phrase déplacée. Tout comme ce bonheur que certains affichaient, faussement enjoué. La nature humaine le fascinait et cela, nul ne pourrait le changer.

- Toi et moi, on est pas si différents... A part l'âge et l'sexe, j'doute qu'beaucoup d'choses nous séparent.

Il plongea son regard dans le sien, resserra la lanière de cuir bleue qui retenait ses cheveux et pencha la tête sur le côté, avant de masser sa senestre, lueurs moqueuses éclairant les Azurs et sourire en coin dessiné sur les lèvres.
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