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[RP] Sang baptismal

Iban
"Ainsi parle l’Éternel : A ceci tu connaîtras que je suis l’Éternel.
Je vais frapper les eaux du fleuve avec le bâton qui est dans ma main ;
et elles seront changées en sang." Ex, 7, 17


[Tarbes]


« Je viens récupérer la commande de la Comtesse ainsi que la concoction que je vous avais indiqué, Maitre. »

Antoine Sonneur renifla en un signe de tête qui fit office d’acquiescement. Il s’attendait à revoir le Basque. Placidement, il contourna d’un pas lourd le comptoir de bois et disparut avec lenteur entre deux étagères massives. Des flacons, parfois rendus opaques par une épaisse couche de poussière, remplis de liquides brunâtres, reflétaient la faible lueur des bougies, projetant sur les murs délabrés d’inquiétantes tâches colorées. Dans certains de ces ballons de verre, nageaient des tissus et des chairs dont la viscosité et la couleur incertaine faisaient hésiter le spectateur quand à savoir si ces choses étaient mortes ou vivantes. Sonneur réapparut bientôt les mains chargées de boîtes odorantes. Comme à l’accoutumée, il remplit de façon machinale les petits sacs de toile destinés à transporter à bon port les plantes dangereusement miraculeuses.

« Votre borgne n’est pas là pour vous débarrasser des importuns ce soir ? » reprit le Basque, ayant pu constater à l’entrée de l’échoppe l’absence de l’œil jaune et inquisiteur qui attendait d’ordinaire en bon chien de garde le sésame des clients qui passaient après minuit.
« Point. Voila ben trois jours qu’on n’a pas revu sa sale trogne. Il s’est sans doute tiré bien loin, à moins qu’on ne l’ait abattu. Je crois bien qu’il avait quelques dettes qui trainaient depuis longtemps. »
« Fâcheuse perte pour votre échoppe. Vous devriez le remplacer promptement : un malheur est si vite arrivé… » dit le Basque en haussant le sourcil avec une feinte compassion.

Sonneur resta silencieux. Une fois ses paquets remplis et fermés, il les poussa sur le comptoir vers le Basque.

« Voila pour la Comtesse, conclut l’apothicaire, mon père vous attend dans l’atelier. » L'apothicaire n’eut pas à indiquer au mercenaire cette petite porte au fond de la boutique qu’Iban connaissait si bien.

Au fond de l’arrière-boutique, les mains fébriles, le père de Sonneur malmenait la dépouille éventrée d’un oiseau à l’aide de deux petites pinces dont on pouvait deviner à leur lames toutes rongées par la rouille qu’elles lui servaient depuis fort longtemps pour mettre au point ses préparations.

« Maître Sonneur, quelle joie de vous retrouver en aussi bonne santé que lors de mon dernier passage ! » le salua Iban avec un soupçon d’ironie, fixant de son œil perçant la tête tremblante sous le poids des années de cette carcasse ambulante que devenait le père Sonneur. Le vieil empoisonneur laissa là ses savantes manipulations et releva la tête. Avant même de le laisser radoter, le mercenaire poursuivit : « Avez-vous la préparation dont je vous ai fait la demande avec insistance il y a déjà des mois de cela ? »
« Elle est fin prête, Messer Etxegorry. Préparée avec le plus grand soin comme toujours, et je dois l’admettre en toute modestie, c’est là l’une des plus belle concoctions que j’ai effectuée depuis des années… » répondit poliment le vieillard en tendant au Basque un superbe flacon.

Le Basque huma l’onguent dont le parfum suave et exquis fit frémir sa narine, puis referma le flacon aussitôt.

« Quant à cet autre poison que je vous réclamais tantôt, et dont les essais infructueux ont tué plus de chats dans ce quartier que la peste d’hommes en l’hiver 1352 ? » reprit-il brutalement.
« Le voila fin prêt lui aussi ! » se félicita le vieil homme en tendant au mercenaire un second flacon bien plus discret que le premier.
«L'avez vous essayé ?"
"Non, messer, mais je puis vous assurer que..."
"Dans ce cas..."


Le vieillard n’eut pas le temps de comprendre les insinuations dangereuses de son client, encore moins de répondre quoique ce soit. Le Basque avait déjà saisit brutalement d’une main sa faible et douloureuse mâchoire pour verser de l’autre sa seconde potion entre les lèvres flétries de Sonneur père. Ne sachant ce qui lui arrivait, ce dernier déglutit péniblement, manquant de s’étouffer, tentant en vain de se débattre.

Etxegorry le lâcha enfin, recula de quelques pas, et attendit avec intérêt et amusement la morbide expérience qui ne manquerait pas de suivre. Le vieux était courbé en deux, les mains autour de la gorge, toussant et crachant de toute la force de son corps débile pour tenter de rendre la boisson fatale qu’on venait de lui administrer sans pitié. Son teint devenait peu à peu d’une pâleur lunaire tandis que de grosses gouttes de sueur perlaient son front ridé. Il tituba jusqu’à la porte et parvint à l’ouvrir avec grande difficulté. Enfin, devant les yeux médusés de son fils qui se trouvait derrière, il rejeta sur le sol déjà crasseux de l’échoppe un infâme mélange de vomi et de sang avant de s’effondrer inerte. « Toujours trop rapide… » se dit le Basque en s’approchant lentement de la dépouille mortelle du vieillard. Sonneur fils était tombé sur ses genoux, frappé d’horreur et de tristesse. Il demeurait muet. Ses yeux écarquillés de stupeur ne parvenaient à quitter le funèbre tableau.


« Il semblerait que votre pauvre père ait malheureusement confondu sa chope et son récipient expérimental… » dit Iban goguenard à l’apothicaire qui s’avérait pour le moment bien incapable de rien répondre. « Je sais ce que vous devez ressentir à la vue du départ de cet être qui vous était si cher, de ce père aimant… » poursuivit-il en adoptant le ton affligé de quelque prédicateur un jour d’obsèques. « Bien qu’en vérité, il me faut bien vous l’avouer, j’ai oublié le mien avant d’avoir eu le temps de le voir mourir. Mais, nul doute que j’en eusse été fort affecté. »

Le mercenaire ôta solennellement son gant noir et posa sa main griffue sur l’épaule de Sonneur.

« Contre ce genre de douleur, croyez en mon humble savoir médical, Messire l’apothicaire, il n’existe qu’un unique remède. »

Alors, sans rencontrer plus de résistance de la part du fils que du père, il passa ses griffes sous la gorge de Sonneur et l’égorgea.
Une fois débarrassé du père et du fils, retrouvant ses esprits, altérés par l’excitation que lui prodiguait la vue et l’odeur du sang, il chercha le livre dans lequel Antoine avait l’habitude de noter scrupuleusement ses commandes. Lorsqu’enfin il l’eut trouvé, il déchira soigneusement la page qui le concernait, le referma, et se dirigea vers la sortie.

C’eut été le dernier acte de cette sanglante soirée si un bruit suspect provenant d’une étagère n’avait attiré son attention.

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Griotte
Le nom de Maître Sonneur était de ceux chuchotés discrètement sous le revers de la cape, à l’ombre d’une ruelle aussi sordide que celle où il vaquait à ses petites affaires. La môme n’avait eu aucun mal à être aiguillée vers celui-ci, après avoir interrogé une ou deux connaissances peu recommandables qu’elle fréquentait de temps à autre. On lui avait murmuré qu’il était l’un des meilleurs dans son domaine et qu’elle n’aurait aucune crainte à avoir quant à sa discrétion, ce qui avait suffi à la convaincre de prendre la route pour se rendre jusqu’à Tarbes.

L’apothicaire ne montra aucun signe de surprise face à la demande de la jeune fille. Il se contenta de mander des détails sordides sur la façon dont elle souhaitait se débarrasser du nourrisson inopportun.


« Il faut que ça se fasse en douceur et que ce ne soit pas trop rapide. Quelque chose qui agira durant son sommeil, de préférence. », répondit-elle d’une voix qui ne trahissait aucune émotion. « Je ne tiens pas à ce qu’il se torde de douleur et se mette à brailler à pleins poumons. » Sinon bonjour la discrétion.

Antoine Sonneur fronça les sourcils et passa une main sur sa joue, d’un air songeur. La Blanc-Combaz le voyait venir à des lieues à la ronde. Il allait lui sortir que sa demande était délicate, qu’elle demandait un certain temps de réflexion et que la réalisation d’un tel breuvage serait des plus compliquée. Le baratin habituel, en somme.


« Je suis sure que ce n’est pas si difficile que ça… », insista-t-elle en posant une bourse rebondie sur le comptoir les séparant. Se délester d’une somme rondelette n’était qu’un modeste prix à payer en comparaison de ce qu’elle gagnerait à se débarrasser de l'héritier de la famille.

L’argument ainsi exposé sembla convaincre l’apothicaire, qui s’empara de l’escarcelle et invita la bâtarde à le suivre d’un signe de la tête. Elle lui emboita le pas en silence, se faufilant entre deux étagères emplies de bocaux au contenu peu ragoûtant parmi lesquels le Sonneur se mit à fureter, en quête des ingrédients qui lui permettraient de satisfaire sa jeune cliente, mais ses gestes s’interrompirent soudain aux sons de râles étouffés, provenant de l’arrière-boutique. Alerté par les toussotements, il s’avança de quelques pas en direction de la porte séparant les deux pièces. La poignée de celle-ci s’agita plusieurs fois avant que le battant ne pivote sur ses gonds pour dévoiler le corps d’un vieillard à l’agonie.

La morveuse se mordit la lèvre pour ne pas laisser échapper une expression de surprise et de dégoût face à la scène morbide qui se joua alors sous ses yeux écarquillés. Le fils pleurant son père se fit trancher la gorge d’un geste vif et s’écroula sur la dépouille de son géniteur, offrant à la jeune fille une vision des plus macabres, tandis que le meurtrier s’éloignait déjà de ses victimes. Par chance, il n’avait pas remarqué sa présence. C’était le moment de se faire aussi petite que possible.

Cachée derrière les étagères, la môme observait l’assassin. Elle le vit s’emparer d’un livre avant de se diriger vers la porte. La couche de poussière recouvrant les bocaux se trouvant sous le nez de la gamine commença à la faire renifler bruyamment. Retenant un éternuement, elle fit un pas en arrière et heurta les rangements se trouvant derrière elle. Serrant les dents, elle retint son souffle en voyant l’inconnu s’arrêter sur le pas de la porte. Craignant le pire, la morveuse se tint sur ses gardes, prête à se défendre en se servant des flacons qui l’entouraient pour en faire des projectiles, si nécessaire.

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Iban
Les yeux du Lynx se fixèrent brusquement sur l’étagère de laquelle il lui avait semblé que ce bruit suspect venait de provenir. Ce pouvait être quelque bestiole nocturne, ou juste une imagination de son esprit méfiant, comme il lui en arrivait souvent. Tirant sa navaja, il s’approcha à pas feutré de ladite étagère, à l’affut du moindre mouvement. Quelqu’un se cachait là, il en était à présent certain. Quelqu’un qui ne devait pas être si dangereux que cela, puisqu’il s’était terré là sans rien tenter pour prévenir ses crimes ou entraver sa fuite. Un sourire méchant vint lentement déformer le visage du Basque à l’idée qu’il allait pouvoir se livrer à ce jeu du chat et de la souris qu’il appréciait tant. Son regard attentif parcourut en prenant son temps l’interstice qui séparait les deux rangées de bocaux alignées avec soin sur les étagères qui s'étalaient à hauteur de son visage. Il ne put rien distinguer. Sans doute sa prochaine victime se tenait elle accroupie, ou calfeutrée dans quelque recoin, et Iban se plaisait à imaginer qu'elle devenait plus désespérée et tremblante encore à mesure qu’il contournait lentement l’étagère pour venir mettre un terme à ses jours.

Sa surprise fut grande lorsqu’il découvrit enfin une fillette d’une quinzaine d’année qui se redressa à sa vue et le toisa sans s’émouvoir. Iban l’envisagea de haut en bas. Un beau bout de jeune femme en devenir, et qui cachait fort bien sa frayeur.


« Que fais tu donc dans ce lieu mal famé à cette heure de la nuit, mignotte ? » lui demanda Etxegorry tout en rangeant sa lame.

Elle resta silencieuse, sans le quitter de ses yeux insolents. Il la dévisagea de nouveau.

« Tu es bien jolie », reprit il en avançant de quelques pas, « sans doute encore pucelle… »

Son souffle devenu rauque et l’éclat concupiscent des prunelles du Gascon devaient avoir plus que clairement révélé à la jeune et jolie donzelle la noirceur de ses intentions. Ses petites mains se crispèrent autour des bocaux qu’elle avait saisis et dont elle s’apprêtait à faire usage comme de bien pauvres projectiles contre le malfaiteur.

Si elle parvenait à le contenter à la mesure de ses espérances, Etxegorry se promettait de faire acte charitable en lui laissant grâce de la vie...

« Ne t’inquiète point, va, ma belle. Cela fait un peu mal la première fois, mais tu es entre de bonnes mains » conclut-il le cynisme aux lèvres en exhibant les deux griffes métalliques de sa main estropiée.

Là-dessus, il s’élança d’un bon vers elle, évitant de justesse son premier projectile de fortune, n’ayant cure du second qui lui atteint l’épaule sans lui faire bien mal. Elle se débattit tant qu’elle put, sans même tenir compte de la menace des griffes du félin qui s’efforçaient d’empêcher qu’elle se meuve. Mais le désir, à mesure qu’il est malsain, décuple, dit-on, les forces. Consciente de l’inégalité du combat, elle entendit cependant préserver tout de sa fierté, faute de pouvoir conserver sa vertu et cracha de toute la force de ses poumons sur ce visage hideusement déformé par la passion.


« Foutre de puterelle ! » rugit le Basque qui décocha sans vergogne un coup de poing étourdissant au visage de la jouvencelle.

Tels furent ses derniers mots avant que de commettre l’innommable.

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Gnia
"Si je n'ai jamais mis en colliers les perles de la prière,
Je ne t'ai jamais caché cette poussière de péchés qui souille mon visage ;
C'est pourquoi je ne désespère pas de ta miséricorde,
Car je n'ai jamais dit que le Un était Deux."
      Ainsi parlait Assad, pèlerin du Lion, I.


[Blaye]

Plus que la froidure de l'eau, ce fut la puissance insoupçonnée des vagues qui lui coupa le souffle.

Elle l'avait contemplé longtemps, circonspecte, la masse grisâtre de l'océan venir lécher le sable jusque sous ses bottes pour s'enfuir aussitôt. Moue ennuyée tandis qu'elle ne parvenait qu'à trouver des différences avec les eaux familières qui lui avait été donné de voir au Nord. Sourcils qui se froncent à l'idée que là, quelque part en dessous, se trouve la Montagne de la Désolation.

Puis un à un étaient tombés sur le sable les effets de la Saint Just et, après une profonde inspiration, elle était entrée dans l'eau. Elle restait moins froide que la Mer du Nord et le Crinchon à Arras en plein hiver. Mais le ressac puissant l'avait tétanisée, déséquilibrée, comme si, tout à la fois, l'eau refusait de l'accepter en son sein et tentait de la happer pour la plonger dans ses abîmes.

Puis elle avait apprivoisé le mouvement, ne l'avait peu à peu plus perçu comme une violence mais comme un doux bercement à mesure qu'elle progressait dans les flots. Elle s'était laissée aller dans le liquide froid, les pieds parfois ne grattant plus les milliers de grains, le va et vient lent et immuable lui conférant étrangement une douce sérénité.

Et dans le brouhaha confus des murmures de l'océan lui parvint le sifflement strident d'un des gardes postés derrière le monticule qui se dressait au devant de la grève, rempart naturel. La tête casquée apparut bientôt sur le faîte de la petite dune tandis qu'approchait par une sente une silhouette à cheval.

Agnès la contempla un instant, les yeux plissés, avant de se résoudre à regagner lentement le rivage. Le cavalier n'était plus qu'à quelques toises de là où elle avait parsemé sa vesture alors qu'elle s'extirpait des bras puissants d'écume qui cherchaient à la retenir avec eux.
Amphitrite sortant des eaux.

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Iban, incarné par Asophie


Le soleil gris répandait ses rayons agressifs sur l’épaisse couche de nuages qui le couvrait ainsi que l’ensemble du firmament, rendant l’atmosphère de ce jour de février particulièrement douce et lumineuse. Les rives de l’estuaire se dessinaient à présent nettement à l’horizon. Une brise légère portait dans ses tourbillons presqu’impalpables une fraîcheur océanique vers laquelle la végétation du rivage s’inclinait comme avec soulagement. Bordé de jeunes arbrisseaux bourgeonnant déjà malgré la rigueur de l’hiver finissant, et de ronces épaisses qui obligeaient le voyageur à le suivre scrupuleusement, le sentier poussiéreux serpentait de collines en petites plages où se mêlaient sable et galets bruns.

Sur ce chemin désert avançait avec tranquillité un voyageur et son cheval. L’homme avait un faciès peu avenant, les cheveux noirs et grossiers, un visage buriné et tanné par le soleil et la crasse qu’envahissait une jeune barbe désordonnée. Sa cape vermeil et ses gants noirs, sa cavale, aussi brune que son cavalier, lui donnaient l’allure de quelque messager de mauvais augure. Une cicatrice sous l’œil droit de ce dangereux voyageur venait achever son portrait d’homme peu fréquentable. Il était de ceux que, au premier coup de leur œil averti, les ménagères auraient su ranger dans la catégorie des mauvais drôles et que les nobles dames d’un haussement de leur cil hautain auraient pu couronner du qualificatif méprisant de « mauvais genre ». D’humeur maussade, il se laissait porter par le pas lourd et régulier de son cheval, espérant apercevoir bientôt quelque signe de vie de l’armée qui, lui avait on dit, campait dans les environs.

Le sentier finit par déboucher sur une plage plus importante que les précédentes, qui s’étendait en aval d’une dune de sable grossier. Le mercenaire arrêta son cheval un instant et se prit à contempler l’onde. Il y avait là de quoi faire une fort jolie pêche. Une femme – sans doute quelque paysanne des environs – s’était dépouillée imprudemment de ses atours pour aller profiter des vagues. Il n’en couterait sans doute rien au Basque d’aller la déranger un peu, voire de pousser un peu plus loin l’amusement, si elle s’avérait gentille. Sous les coups de talons, le cheval reprit sa marche vers les habits de l’ondine d’un instant.

Il était à mi-chemin lorsqu’un sifflement retentit. La dame était donc accompagnée. Iban crut tout d’abord qu’apparaitrait une de ses connaissances paysannes, mais ce fut l’éclat métallique d’un casque qui frappa bientôt sa pupille. Voila qu’il s’était mépris sur le rang de la baigneuse. Cette dernière, alertée, sortit des eaux avec un soupçon de plus de précipitation que Vénus lors de sa légendaire naissance.

Rêvait-il ? Ou venait-il bel et bien d’apercevoir Agnès de Saint-Just, dans son plus simple appareil, sortir des eaux glacées pour courir revêtir quelque vêtement ? Avec une feinte pudeur, le Gascon détourna les yeux de la noble créature.


« Comtesse… Je ne m’attendais point à vous surprendre en une situation si incommode… vous m’en voyez fort navré… Qui pouvait deviner que la Louve d’Artois s’improvisait à ses heures Sirène de Guyenne ? »

Lorsqu’elle eut revêtu quelque vêtement qui lui permette de l’envisager sans trop d’indécence, le Basque descendit de sa cavale et tourna de nouveau son regard vers la Saint-Just.


« Je reviens tout juste de Tarbes où vous m’aviez envoyé. Mon cheval est là qui peut vous ramener à votre tente. J’espère alors avoir le loisir de vous conter mes mésaventures. A moins que vous ne préfériez comme lieu de conversation les rivages marins sur lesquels la Providence a voulu que nous nous rencontrions. »

Le garde, qui venait de dévaler la dune à toute allure pour venir protéger la Comtesse, toisait à présent l’étranger d’un œil mauvais, prêt à se ruer sur lui au moindre signe de sa maîtresse. Le ton du Basque se voulait humble et courtois. Surprendre ainsi la nudité d'Agnès pouvait s’avérer d’autant plus dangereux qu’elle avait eu naguère la faiblesse de lui laisser y goûter. Qui sait ce que peut une femme noble, fière et outragée ?

L’art dans ce cas - Etxegorry ne l’ignorait pas - est de se mettre en avant tout en se montrant humble, de se faire aimable sans devenir flatteur, de plaire en somme… tout en sachant rester à sa place.


Gnia
Et à la vérité, la Comtesse ne se pressait pas.
A mesure qu'elle sortait de l'onde et que la cavale s'approchait, elle avait fini par reconnaitre la silhouette musculeuse du Basque. S'amusant de la discrétion travaillée du mercenaire qui donnait l'illusion de conserver regard détourné, elle mit beaucoup d'application à passer et lacer la courte chainse de laine, puis à ajuster braies et bas tout en l'écoutant dispenser excuses peu crédibles et flatteries de bon ton, un discret sourire en coin relevant la commissure de ses lèvres et sans le quitter du regard. Elle rechaussait ses bottes de cuir lorsqu'il parla de mésaventures.

Aussitôt, un sourcil s'arqua et le front se plissa, se substituant à la mine amusée d'avant. Elle vit également du coin de l'oeil le garde qui semblait inquiet et aussitôt un énergique sifflement eut tôt fait de répondre à l'alarme du garde qui l'accompagnait.


Des mésaventures, vous dites...
De celles qui vous font revenir les mains vides par exemple ?


Tout en interrogeant Iban, elle passa le pied gauche dans l'étrier de sa monture, répondant par les actes à sa proposition d'offrir monture à la Comtesse. Une fois en selle, elle s'avança pour laisser place à un deuxième voyageur puis elle ajouta d'un ton agacé


Votre roussin peut porter deux cavaliers ou bien-ferez vous le chemin à pied ?
Vous pourrez alors entamer le début de votre récit et le finirez s'il le faut sous ma tente.
Je suis aussi pressée de vous entendre que d'ôter tout ce sel sur ma peau.
Un bain ne vous serait pas inutile non plus d'ailleurs...


Le nez se plissa et l'oeil prit un éclat moqueur tandis qu'elle le toisait du haut de la cavale.
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Iban, incarné par Gnia


Lorsqu’elle évoqua ses mésaventures, l’ironie vint effleurer les lèvres craquelées du Basque.

« Je ne m’imaginais point votre science de la nage, Comtesse, ni votre amour des paysages marins pittoresques, mais quant à votre don pour la divination, je l’ignorais bel et bien. »
lui répondit-il « En effet, il s’avère que je vous reviens bredouille et bien peu fier… »

Il se tut un instant comme un mauvais garçon après l’aveu d’un larcin ou d’une bêtise.

« Je vous conterai cela plus en détail lorsque nous nous trouverons sous votre toit, loin d’oreilles indiscrètes » ajouta-t-il tout en haussant un sourcil moqueur à l’intention du garde qui affichait benoitement, pour le plus grand amusement d’Etxegorry, un visage ahuri à la vue de la familiarité – toute relative – qui semblait exister entre les deux causeurs.

Sans relever l’affront de la Comtesse quant à sa propreté, qu’il jugeait tout à fait acceptable, il se hissa en selle à son invitation. Puisque cette journée semblait placée sous le signe de l’inconvenance, mieux valait ne pas contrarier le destin. En outre, force était de l’admettre, l’idée de faire scandale n’était pas pour déplaire au Basque.

« Voila qui est bien audacieux de votre part, noble Dame, de chevaucher en si méchante compagnie. L’on ne manquera pas de jaser en nous apercevant… Mais puisque les rumeurs ne vous blessent et qu’elles m’enchantent, tout semble pour le mieux, n’est ce pas ? » glissa le mercenaire à l’oreille de la Saint Just une fois qu’il fut en mesure, assis derrière elle, de humer les fragrances océaniques de son humide chevelure.

L’on se mit en route et l’on arriva bientôt en vue des premières tentes du campement. Lorsque que les soldats aperçurent ce curieux assemblage de cavaliers, Iban crut discerner quelques sourires entendus et plaisanteries grasses que s’échangeaient entre eux ces pitoyables drôles. Le Basque jubilait quant à lui de se trouver ainsi en si malséante position, à la vue de ces méprisables fot-en-culs dont il supputait la concupiscence envers ce si désirable capitaine que représentait aux yeux de n'importe quel mâle normalement constitué la Comtesse de Saint-Just. La rumeur ne mettrait sans doute pas longtemps à traverser le campement tout entier.


« Voyez… notre entrée est fort loin d’être passée inaperçue. »

Gnia
Ce que le Basque ne voyait pas tant il était occupé à profiter de sa position des plus avantageuses, c'est que la Saint Just s'était parée de son visage le plus austère et hautain. Les mâchoires serrées, elle maudissait l'infortune qui lui faisait encore repousser à plus loin ses besoins en fuites et abandon.
Et plus le Basque caracolait et fanfaronnait, plus la sourde colère qu'elle sentait monter en elle tâchait de se frayer un chemin sous la peau qu'elle faisait frémir.

Bieuheureux le soudard qui ne s'était pas laisser aller à faire réflexion salace trop audible, car l'enfer de la tyrannie et des subites envies de torture de la Saint Just lui restait hermétiquement clos.
Oui, bienheureux.

Elle mit pied à terre sans avoir desserré les dents et écarta d'un geste brusque les pans de l'entrée de sa tente, en aboyant l'ordre sec de lui faire porter de l'eau en grande quantité et invita d'un geste du menton Iban à la suivre à l'intérieur.
A peine entrée, elle servit d'autorité deux godets de vin d'une bouteille qu'elle extirpa d'un coffre, but le sien d'un trait et se tourna vers le basque dans la pénombre de la tente.


Putain, Extegorry, bredouille ?
Comment vous vous êtes démerdé ?


Elle allait continuer lorsque l'eau demandée se matérialisa sous la forme de deux gaillards transportant chacun un seau de flotte suspendu dans chaque main. Ils déposèrent leur fardeau derrière le paravent qui séparait une partie de la vaste pièce de fortune aux murs d'étoffes.
Passablement irritée, la Comtesse planta là le Basque et passa derrière le paravent tout en continuant à lui parler.


Sonneur ne m'a jamais fait défaut. Il ne sait que trop bien ce qu'il risque...
J'en déduis donc que la faute vous incombe...


Le silence est ponctué par les doigts nerveux et rageurs qui retirent et délacent les effets déjà enlevés et remis plus tôt. Puis, l'on entend l'eau se déverser bruyamment, ricochant pour moitié sur les bords d'une cuve en bois et pour l'autre au sol.
Un juron, une exclamation pleine de contrariété.


Ah puis merde !
V'nez donc vous rendre utile, si vous savez encore faire !
Tout ce sable m'insupporte en sus de votre office d'oiseau de mauvaise augure...

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Iban, incarné par Gnia


Tandis qu’elle buvait d’un trait sa coupe, Iban trempait quant à lui de temps à autres ses lèvres dans la sienne, jetant sur son visage tenaillé par une sourde colère des regards furtifs. Son humilité ne lui évita cependant pas l’amertume de quelques reproches brefs et brutaux. Il ne répondit rien. Il était nécessaire de faire profil bas tant que l’orage comtal n’avait pas dardé ses redoutables foudres. Agnès de Saint Just, dont l’exaspération semblait avoir peine à retomber, s’en fut en lui jetant un dernier regard lourd de reproches derrière le large paravent qui protégeait l’intimité de son bain des regards trop curieux. Elle n’en avait cependant pas fini de l’accabler pour cet échec. L’énervement semblait atteindre son comble. Enfin elle fit appel à lui. Il était temps à présent de lui révéler la triste fausse vérité. Mensonge formulé, faute entièrement pardonnée.

Il but la fin de sa coupe d’un trait puis, lentement, se leva et passa derrière le paravent. Tranquillement, en se gardant encore de jeter des regards déplacés sur ses formes d’albâtres, il saisit le seau encore rempli, posa un genou à terre et le vida sans mot dire et avec le calme d’un dévoué serviteur.

« Hélas, Comtesse, vos reproches sont immérités et je suis fort contrarié que vous ayez pu soupçonner un instant que j’ai pu mal vous servir ou commettre un impair dans la bonne conduite de vos intérêts. Je n’ai point manqué de zèle, que le Ciel m'en préserve… » répondit-il avec douceur, « Sonneur et son pauvre père non plus, Dieu les ait en sa Sainte Garde… Mais lorsque je suis arrivé à leur échoppe il y a trois nuit de cela à présent, ils n’étaient malencontreusement plus en mesure de vous être d’un quelconque support. J’ai fait la découverte de leurs cadavres dans un état dont l’horreur m’interdit, étant donné votre agacement, de vous en faire la sordide description… "

La Comtesse restait silencieuse.

"Je ne sais qui a bien pu faire preuve de tant d’acharnement dans l’exécution de sa basse œuvre. Même les assassins n’ont hélas plus de manières de nos tristes jours… Sans doute quelque créancier malcontent. Sonneur avait évoqué lors de mon précédent passage ses soucis pécuniaires. »

Les dernières gouttes du sceau glaçé vinrent brouiller le sombre reflet du mercenaire. Le Lynx, toujours agenouillé, leva en étrange vassal ses yeux vers la comtesse, fixant ses prunelles afin d’éviter tout autre regard inconvenant.

« Je sais les tourments qui sont vôtres lorsque vos paradis de substitution vous font défaut. Mais je poursuivrai mes recherches, soyez en bien certaine. Mon dévouement envers votre personne ne s’est il point montré indéfectible jusqu’ici ? »

Gnia
Longtemps, elle conserva ses azurs sombres comme la nuit dans ceux du Basque.
Longtemps, elle jaugea son attitude et ses paroles, oubliant l'eau glacée qui faisait frissonner sa peau.
Longtemps, elle scruta le visage du basque, hiératique, assise dans le grand baquet de bois, telle une statue figée par le froid.

Enfin, elle poussa un profond soupir et se leva brusquement, se moquant bien de l'éclabousser. Profitant de sa position agenouillée, elle usa de son épaule comme d'un appui pour passer le rebord de la cuve, et, en deux pas, se saisit d'une large étoffe de toile dans laquelle elle se drapa.

Puis, elle daigna enfin réagir.
Si lorsqu'Agnès exprimait haut et fort son agacement, la rage froide et la sourde colère qui l'habitait comme en cet instant était autrement plus dangereuse car nettement moins palpable et bien plus réfléchie.


Iban. Je ne sais pas pourquoi, mais vous me mentez. Vous êtes transparent, plus vous flattez et jouez d'humilité, plus vous sonnez faux à mes oreilles.
Je ne sais pas pourquoi, ni ce que vous nourrissez comme sombre dessein, mais soyez sûr que si vous deviez faire mentir votre dévouement à ma personne, je saurai vous le faire amèrement payer.


Elle chassa d'un geste sans appel toute tentative de lui répondre par la négative et poursuivit, le regard ancré dans celui du Basque.

Puis-je à présent savoir vers où vont vous porter vos recherches et quand puis-je espérer que vous m'apportiez des résultats ?
Ou dois-je dès à présent me mettre en quête de quelqu'un qui saura mieux me servir que vous ?

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Iban, incarné par Gnia


L' invétéré menteur avait bien l’habitude que ceux qui connaissaient de lui plus que son apparence de Montalbanais bonhomme, se méfient de sa prétendue franchise. Il fallait cependant dans le cas présent qu’il parvienne à tout prix à gagner la confiance de la Duchesse, ou du moins, à ne pas susciter plus que d’ordinaire sa méfiance. Sa première tentative de persuasion s’étant avéré vaine, un changement radical de tactique s’imposait. Sa feinte servilité ne plaisait guère à la Comtesse, qu’à cela ne tienne ! l’éclat de sa virilité aurait peut être plus de succès auprès de la coléreuse dame. Toute noble qu’elle était, elle n’en était pas moins femme, et Iban avait déjà pu constater que ce rempart de fierté qu’elle avait érigé sur le roc inébranlable de son rang pouvait, devant les assauts ingénieux du charme, s’effondrer sous le poids redoutable de la concupiscence. La nature, qui avait doté la Comtesse d’une force de caractère dont Etxegorry connaissait peu d’exemples, ne l’avait cependant pas gardé de la faiblesse de son sexe.

Le mercenaire, aux derniers mots de la Comtesse, se releva de tout son haut. Son visage comme son ton se firent moins amènes.


« Mieux vous servir que moi, Comtesse ? Cherchez donc si c’est là votre bon plaisir…Mais je crains fort que votre quête ne s’avère vaine. J’ai la lame vive, précise et prompte, l’astuce qui sied au métier, la menace éloquente, l'éloquence acérée et le courage ferme. Vous seriez bien la première de mes commanditaires à vous plaindre de moi. En sus, n’est-on le mieux servi que par les hommes de mains qui le mieux nous connaissent… »

Son regard s’était fait vague, presqu’hautain. Il n’était nul besoin d’appuyer du regard une remarque dont l’impertinent sous-entendu n’aurait pas manqué de toucher la Saint-Just.

« Ces injustes reproches me semblent le signe que vous dédaignez mes services. S’il s’avérait qu’ils ne soient plus à votre convenance, je me devrais, afin de préserver mon honneur, de vous rendre mon fer. Ce ne sont après tout pas les Comtesses en mal d’âmes damnées qui manquent en ce royaume. »

Imperceptiblement, la véhémence contenue avec laquelle il avait répondu à Agnès l’avait rapproché de son corps drapé dans l’étoffe pourpre. Silencieux, il baissa légèrement les yeux pour venir affronter résolument le regard impérieux de sa maîtresse.

Gnia
Un sourire en coin souleva la commissure des lèvres au sursaut d'orgueil du mercenaire. Quand bien même elle aurait voulu le masquer qu'elle en aurait été bien incapable tant cela lui semblait être la réponse logique aux paroles qu'elle avait prononcées plus tôt. Aussi le regard qu'Iban trouvait à affronter s'était teintée d'une lueur cynique qui annonçait quelque piquante répartie. Et pour cause.

Certes, elles ne doivent point manquer en ce Royaume... Mais combien y en a t-il que vous ayez voulu servir avec tant de force, même contre leur gré ?

Un sourcil se hausse accompagnant le sourire sarcastique qui se fait plus large.


Et puis... Combien dont vous pouvez vous targuer de profiter de leurs faveurs ?

Du revers de la main, elle effleura alors délicatement une joue à la barbe naissante. Le visage s'était départi de sa glaciale autorité, le sourire s'était fait carnassier, le regard plus affable, et la voix suave

Ceci étant réglé, si vous répondiez à ma première question ?
Comment escomptez-vous vous faire pardonner votre échec ?

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Iban, incarné par Asophie


Le ton de la Comtesse s’était fait derechef plus doux et ondoyant. Mais le subterfuge du Basque, s’il avait eu quelque succès, n’était pas parvenu à lui faire oublier l’objet premier des inquiétudes de la Saint Just. Avant qu’elle n’ôte sa main si délicatement caressante de sa courte barbe en bataille, le Basque la retint de sa paume rugueuse et la porta à ses lèvres avec cette galanterie à la fois ferme et subtile dont il avait l’habile maîtrise.

« Il n’en est qu’une, ma Dame, que je serve avec tant d’ardeur, et qui ait jusqu’ici récompensé mon fidèle empressement auprès d’elle avec tant de gracieuses bontés. Vous comprendrez donc bien pourquoi sa froideur d’aujourd’hui me surprend et m’offense. »


Il baissa par trois fois ses yeux fiers et sauvages pour venir honorer de trois baisers brûlants la douceur de ces doigts si fins.

« Je me remettrais en quête d’un meilleur apothicaire, je vous en fais la promesse, dés que j’aurai pris du repos et que vous me l’ordonnerez, Comtesse. Mais oublions un peu ce Sonneur, voulez-vous ? Sa sinistre mémoire ne peut plus raviver désormais que votre injuste mécontentement et la colère que suscite en moi l’idée de cet échec. »


Des pâles phalanges d’Agnès, les lèvres d’Etxegorry s’en furent vagabonder jusque sur sa paume fraîche puis de sa paume sur l’orée de son bras suavement odorant. Alors, poussé par l’élan violent de son désir, il se redressa brusquement et glissa son bras autour de sa taille pour attirer la Comtesse jusqu’à lui. Dans son impulsivité, Iban ne prit pas garde à un mauvais clou du bac à eau qui vint écorcher son mollet. Le désir eut raison de la douleur : Etxegorry n'en tint pas compte.

Et tandis que, enlaçant le noble corps d’Agnès, le Basque commettait insoucieux une audace de plus, son sang, en une fine larme, vint rouler jusqu’en bas de son talon et se mêler à l’eau renversée par la belle.


Gnia
Deux félins en cage qui se tournent autour, l'un cherchant à dompter l'autre.
Elle avait rugit, il avait fait le dos rond.
Il avait grogné, elle s'était faite chatte.
Et le reste ne suivrait que le cours immuable des bas instincts.

Une once de flatterie, quelques baisers chastes mais enfiévrés, un soupçon de promesses que l'on se fiche bien d'honorer, une pincée de reproches et l'on abat les atouts maîtres. Ne reste plus qu'à tenter de venir caresser en propriétaire la Louve ainsi domptée.

Ainsi donc, il la tenait enlacée contre lui et elle eut alors une infime hésitation.
Lui signifier qu'elle n'était pas dupe et que cela n'ôtait en rien son mécontentement...
Ou...
Plus d'une semaine déjà qu'elle devait faire sans ses passeurs vers un monde meilleur, ses guides dans la fuite, ses sirènes de l'abandon, ses messies de l'oubli...
Fallait-il se priver de l'opportunité de ne plus y songer ne serait-ce qu'un instant ?


Oublions Sonneur oui...

Un souffle tandis qu'elle se laisse aller contre lui. Un bras qui vient s'enrouler autour des épaules. Elle se hisse sur la pointe des pieds et sa bouche joue un instant avec celle du Basque, la frôle, la fuit avant d'enfin lui dispenser un baiser à la sensualité sauvage, langoureux.
Sentant le corps musculeux y réagir, la défiance du félin désormais endormie, ses lèvres quittent lentement les siennes, ses incisives retiennent un instant la lèvre inférieure avant que, brusquement, elles ne s'enfoncent dans la chair tendre.
Devançant le mouvement de recul, le bras autour des épaules se fait plus ferme, la morsure plus vive, jusqu'à ce que la peau cède comme celle d'un grain de raisin sous la dent et qu'elle ne sente le goût douceâtre du sang se mêler à la salive dans sa bouche.


Ne vous avisez pas de me trahir, Extegorry, jamais...

Et sur ces mots, la Louve de se lécher les babines.
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Iban, incarné par Asophie


« Je vous trahirai mille fois, précieuse Agnès, si cela devait me permettre de jouir ne serait ce qu’une fois de plus de vos généreuses bontés… »

Tout deux se turent. L’heure n’était certes plus aux flatteries ni aux reproches. Le gout douceâtre du sang qui coulait de sa lèvre percée éveillèrent davantage les papilles déjà saliveuses d’Etxegorry. Cette résistance animale de la Saint Just était le prélude d’un combat dont l’issue –ni l’un ni l’autre ne l’ignorait – serait l’abandon de la dame aux assauts de son assiégeant. La légère serviette pourpre qui couvrait jusqu’ici la Comtesse laissa bientôt paraitre des épaules de reine et deux seins dont l’attrayante rondeur aurait sans nulle doute été cachée par le Sultan de la Sublime Porte au plus profond de ses intimes sérails, eût il eu la fortune de pouvoir poser ses yeux dessus. Pourtant, comme souvent dans les contes d’Orient, ce sont les voleurs et les gens de peu qui découvrent quelque fortune (caverne merveilleuse ou lampe à l’incomparable valeur) ; et le Basque affamé était en l’occurrence plus heureux que le plus nourri des vizirs. Bientôt, ce jardin de volupté qu’il parcourait à présent de ses baisers rudes et aventureux serait à sa merci. Il la prit dans ses bras et la porta jusqu’au lit de camp.

Dehors, les franges marines de la nuit commençaient à voiler le jour en déclin. Les soldats s’attroupaient en petits groupes autour des feux, dans l’attente impatiente de leur repas. L’aumônier, petit homme poli et bon vivant, plaisantait avec eux avant que de se mettre à table sur les vilénies que suggère le péché de gourmandise. Nul ne soupçonnait que la Comtesse et son intrigant invité s’apprêtaient quant à eux à gouter à un festin de chair autrement plus scandaleux. La Comtesse était à présent étendue moelleusement sur le bord du haut lit, s’offrant comme la proie consentante et lascive de ce sacrifice luxurieux. Ses mollets enserraient de toute la force de leur lubricité la taille du Gascon qui se tenait encore debout. Celui-ci envisageait encore un délicieux instant ce corps tout ardent de passion qui allait être l'objet de son rut. Il se dévêtit enfin et céda à l’appel de ces jambes brûlantes et aux échos ronronnant que lui renvoyait tout le reste de cette source frémissante de débauche.

Il était temps à présent d’honorer et de régner en maître l’espace d’une nuit.

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En contrebas du village, une mer luxuriante de collines s’étendait jusqu’à la côte, chatoyant sous les quelques rayons de soleil que de grosses nuées daignaient laisser passer. Sur le pas de la maison, le jeune Iban, du haut de ses dix printemps, servait déjà avec l’orgueil d’un jeune prince sa sœur, de quatre ans son aîné, à l’occasion d’une des multiples quêtes fabuleuses qui débordaient de l’imagination de cette petite tête brune et bouclée. Turbulent et sauvage, le garçon qui provoquait par son insolence le bougonnement des anciens, l’énervement des femmes, le mépris de ses frères aînés et la colère redoutable de son père, se montrait pourtant d’une douceur et d’un dévouement affectueux pour sa sœur, qui s’amusait tendrement de ce zèle et lui rendait bien cette affection dont on le sevrait par ailleurs.

Qui incarnait-il ce jour là sur les galets qui bordaient la ferme familiale, brandissant un bâton de hêtre en guise de lame ? Sans doute le valeureux duc Osoa et ses fidèles Euskal se vengeant de l’empereur à la barbe fleurie en le privant de la compagnie de son fieffé neveu ; ou bien cet aventureux capitaine qui, disaient les anciens, avait découvert un nouveau continent de l’autre côté de l’océan. Il était entrain de rejouer une fois de plus un de ces contes abracadabrants sous les yeux amusés de sa sœur lorsque les soldats arrivèrent. Pâles et blonds, ils n’étaient pas d’ici. Très vite, les villageois avaient disparu à l’intérieur de leurs fermes et les portes s’étaient refermées à leur approche.

Sa sœur quant à elle n’avait pas eu le temps de refermer une porte trop lourde pour ses mains trop jeunes.

Tout se passa si vite. Sa naïve tentative de combat contre les deux étrangers. Les coups dont ils l’avaient roué. La cendre froide et amère dont ils avaient brûlé ses yeux. La poigne douloureuse de l’un des deux hommes qui l’avait retenu pour l’empêcher de se mouvoir. Les cris, surtout, les cris insupportables et déchirants de sa sœur qui luttait en vain entre les mains de l’autre. Le silence enfin, assourdissant d’horreur, qui tomba lorsqu’elle ne cria plus.

On relâcha alors l’emprise sur ses poignets meurtris. Le violeur relaçait ses braies devant la table d’où pendait deux jambes pâles et inertes, maculées d’incarnat. Son compère riait aux éclats. L’agresseur s’apprêtât à partir. Iban était incapable de se mouvoir. Il fixait de ses pupilles rougies la chevelure de celui qui venait d’assassiner l’innocence et la joie. Enfin, le meurtrier tourna son regard vers lui. Iban recula et chût sur le sol pierreux.

Dense chevelure brune et désordonnée, pupilles aux couleurs de la nuit, sourire impitoyablement narquois. Cet odieux visage qu’il se promettait de haïr et de poursuivre, de défigurer enfin de ses propres mains, c’était le sien.

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Etxegorry se releva soudainement de la couche comtale. De longues larmes de sueur baignaient le front du mercenaire. Les sinistres images de ce songe mémoriel se bousculaient en un magma confus sous son crâne endolori. Il faisait encore nuit. Tout était silencieux alentour. Agnès semblait encore profondément endormie, épuisée et ravie, sans doute, par les caresses expertes qu’ils s’étaient dispensés jusqu’à une heure avancée de la nuit. Ils s’étaient livrés l’un à l’autre sans rancune ni retenue, ondulants et avides, trouvant dans cette commune jouissance le moyen de chasser leurs névroses les plus sombres et tenaces, ne se quittant par instant que pour mieux revenir dépenser en étreintes indécentes leurs maux et leurs scrupules. Lorsqu’enfin, assouvis, ils s’étaient quittés, le sommeil n’avait pas tardé à prendre de ses songes le relais de leurs fantasmes.

Que signifiait donc ce retour soudain d’images et d’instants qu’il avait si ardemment désiré rejeter dans les plis sinueux et lointains de sa lourde mémoire ? Si encore ce songe néfaste lui avait permis de se ressouvenir de ce visage maudit dont il avait perdu l’impression, plutôt que de renvoyer à sa pénible conscience l’image de son miroir.

Silencieusement, il se leva et sortit de la tente pour aller uriner un peu plus loin. Au dehors, tout dormait, à part un ou deux gardes qui surveillaient les abords du campement et dont on devinait les silhouettes à la lueur de feux de camp mourants. Une légère et fraîche brise berçait les branches sombres des arbres du bois proche. Iban frémit. Il était encore las. Si on l’apercevait ainsi dévêtu aux abords de la tente comtale, on ne manquerait de jaser. Aussi se pressa-t-il de regagner sa couche. Là, fermant de nouveau ses yeux fatigués, il tenta de retrouver un semblant de repos, à la chaleur des bras de la belle Agnès.


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