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Info:
Victorine et Miramaz pour une visite et un baptême

[RP] Vic ... et versa

Victorine
[Victorine]

Vic était en voyage pour le Limousin. Elle avait donc quitté ses vêtements masculins pour redevenir la douce et docile (et un peu naïve, elle le faisait si bien) jeune fille d'autrefois.

Après sa rencontre avec le Vic', elle avait suivi sa destinée avec efficacité et application. Elle avait emménagé en Bourgogne, avait coupé ses cheveux au carré et s'était glissée avec aisance dans le rôle de l'écuyer du fils du Duc. Elle avait même pris plaisir à le suivre en toutes occasions (mariages, joutes, duels) et avait recueilli toutes ses humeurs (confidences, réprimandes, gentilles moqueries) avec une humeur égale.

S'était même installée entre eux une soldatesque camaraderie, qui dégoûtait la Rasée, mais dont Vic se délectait. Être un garçon permettait un confort sans pareil, un détachement, un relâchement même parfois. Tout était donc pour le mieux dans le meilleur des mondes qu'elle s'était prévu, sa voie était toute tracée, si ce n'était cette rencontre préalable qui n'avait cessé de lui trotter en tête.

Elle avait donc écrit, faisant une peu honnête proposition. Et, comble de surprise, le Vicomte avait répondu.
Favorablement, en plus.

Dire qu'elle avait un faible pour lui aurait été bien s'avancer. Déjà, il était vieux. Et puis un peu trop grivois à son goût. Bien que de goût, la jeune pucelle n'en avait aucun de bien défini encore. En fait, elle n'était pas loin d'épouser le vœu de chasteté de Victor tant l'homme était ... comment disait le Sénéchal déjà ? un cochon.

Mais ... il faut bien avouer que le vieux avait un certain charisme, et que s'il ne lui vrillait point le ventre, il fascinait la jeune enfant. D'autant plus qu'il pimentait déjà sa vie en Bourgogne en lui donnant des mystères à résoudre, tous plus impossibles les uns que les autres.
Cela valait bien une petite visite.
Voire même une bénédiction.
Surtout que l'escorte sans cheveux avait insisté, pressé, donné ordre de départ ...
Victor avait donc demandé permission à son maître qui avait tempêté longuement avant de donner accord ... et on avait laissé renaître Victorine, avec une coiffe sur ses cheveux courts, des jupes longues et sages, et une nouvelle épée.



En chemin, les deux voyageuses tombèrent cependant sur un os. Deux Italiens, armés jusqu'aux dents, charpentés comme des armoires, deux cochons vicieux et baveux, pustuleux et poilus.

...

Peu après, Victorine se tournait vers son escorte dont le crâne chauve luisait sous la lune.


Tiens ... elle tranche bien ma nouvelle épée !

Le bon dieu sans confession ...
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--Le_sergent_bourgogne


[Burgondia Victor!]

"Tu iras à la rencontre de Mira et de.. euh.. son protégé!"
Le vicomte avait lâché cette phrase avec la gêne d'un curé devant le rejeton de sa bonne.
Le sergent en aurait bien rigolé si l'oeil jaune ne l'avait dissuadé de n'en rien faire. C'est que le Leu a la patte leste. Sans parler de la botte ou du coup de tranchoir. Le vétéran se gratte sa vieille cicatrice due à une des colères du leu en Gascogne et salue son maitre avant d'enfourcher le palefrois. Au moins a-t-il droit au destrier, et non à la vieille haquenée qui lui est normalement dévolue. Un peu d'apparat pour accueillir Miramaz et son "protégé" ne nuira pas.
Alors que Limoges s'éloigne derrière lui, il repense à sa rencontre avec la Rasée. Alençon peu avant la Noël, l'effervescence du camp assiégeant, la joyeuse agitation d'une bande de gredins et gredines dans laquelle le Vicomte avait retrouvé les meilleurs moments de sa vie de mercenaire. C'était plaisir de voir le leu, si sombre au sortir de Bretagne, retrouver le gout de vivre. Assurément la venue de Miramaz était une bonne nouvelle.

Les freux s'envolent au passage du cavalier lourdement harnaché alors que partout autour de lui, la forêt exhale ses arômes putrescents de feuilles en décomposition, de mousses humides et de bois mort. L'hiver se radoucit et l'on peut sentir la vie se réveiller lentement de son long sommeil. Un goupil traverse impudemment la route et lance un regard plein de malice au sergent. Présage de rapine et de larcin à venir? Ou de rencontre sous les auspices de la rouerie et de la facétie?

Ce "protégé" peut être? Curieux de la part de Miramaz qui avait, dans son souvenir, autant d'instinct maternel qu'une pioche. Qui cela pouvait-il être? Un parent? Un amant? Un valet? Un tire-laine de haute volée? Thoros habilement déguisé?
Le rire du sergent, aussi gai qu'un éboulement de montagne, fait fuir le goupil de la route, panache flamboyant qui se perd rapidement dans les tons ocres et bruns des fougères cuites par le gel. La gaité du cavalier ne se départirait pas jusqu'à son rendez vous mystérieux: l'idée d'un Thoros passant inaperçu fleurait bon son lot d'emmerdes et d'embrouillaminis pour le Limousin.
Miramaz
[Parce qu'au fond du trou...on ne peut que remonter]

La Rasée fuyait la Bourgogne, ou plutôt elle fuyait un borgne dont elle ne voulait plus contempler les états d'âmes, l'humeur déjà sombre en arrivant dans le duché maudit n'avait fait qu'empirer ensuite à force de voir son oncle-chef-modèle vasciller prêt à chuter du piédestal sur lequel elle le plaçait. Partir restait la seule solution pour tout oublier, faire comme si tout allait bien, changer d'air pour ne pas voir les dernières traces de son passé zokoïste disparaître dans les limbes de la consternation.

Un Vicomte ami se trouvait en Limousin, si le duché ne l'attirait guère, l'homme seul suffisait à lui faire choisir cette destination, ne l'ayant qu'à peine revu depuis l'Alençon où elle le pensait mourant, elle comptait bien vérifier qu'il était entier et toujours capable d'honorer celles qui lui tenaient compagnie. Un écuyer emprunté au Sénéchal Aimbaud, retrouvait à ses côtés sa place d'escortée, la mercenaire amenait une Vic à un Vic, pressée de voir ce que ces deux là pouvaient avoir en commun à part ce surnom.

La blondinette semblait avoir appris à retenir ces questions, Mira pouvait ainsi voyager en silence, plongée dans ses souvenirs alençonnais, rêvant d'un Thoros triomphal, battant le rappel de ses troupes pour un coup d'envergure. Songes qui finirent interrompus par de vils brigands italiens qui avaient dû les prendre pour d'imprudentes voyageuses, manque de chance pour eux la Rasée y avait vu un remède à son désespoir, et la blonde un moyen de tester sa nouvelle épée.


Mouais..'reus'ment qu'elle tranche bien.. vu comme tu t'en sers.. l'est même pas fichu d't'apprendre ça l'nain moche tsss..qu'est-ce tu f'rais sans moi..

Râlage en bonne et dû forme, l'humeur se fit plus légère: l'honneur était sauf, l'escorte n'avait pas failli à sa mission et leur destination approchait. Marmonnements qui finirent par se transformer en rire quand plus loin sur le chemin elles tombèrent face à une surprise de taille, être inattendu mais au combien rassurant par sa seule présence.

Le Sergent Bourgogne, homme de main vicomtal, rôdant souvent autour de lui, approchait perché sur un cheval de bonne valeur, d'humeur joviale. Une main se refermat sur le poignet de sa protégée pour la maintenir à ses côtés, sait-on jamais que l'envoyé du Vic' ait des envies de chair fraîche, ou que l'écervelée s'attire des ennuis avec sa manie de poser les questions qu'il ne fallait pas.


'Jour Bourgogne.V'nez nous escorter jusqu'chez l'Vicomte?
C'quoi qui vous fait rire? La trogne d'la blonde là?


Sourire chaleureux adressé au vétéran, aussi spontané que surprenant, la Chauve ne souriant plus que trop rarement et jamais aussi franchement; une main légère s'abattit sur l'épaule de la jeunette pour la mettre en garde autant que pour l'inciter à se présenter.
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--Le_sergent_bourgogne


[Victor Victoria] (*)

Le rire de gorge s'arrête net quand les deux cavaliers apparaissent au détour de la route. Le sergent en reste comme deux ronds de flan, gueule cassée et béante, oeil vide, pogne en suspens. Même le destrier s'arrête sans ordre.
Vrai que le sergent a de quoi être désarçonné.
Le vicomte avait dit "Miramaz et son protégé", il voit devant lui un soldat chauve et une blondinette.
Oui, le sergent n'est pas un foudre de guerre question intellect. Sa surcharge pondérale, elle est plutôt localisée autour du ceinturon, pas entre les oreilles. Question embrouille et débrouille il survit depuis un bon demi siècle. Question devinette, le Sphinx l'aurait becqueté en trois coups de crocs.
Un silence embarrassant s'installe, sous l'oeil amusé de Miramaz qui connait un peu le temps de mise en branle de la cervelle bourguignonne. On pourrait entendre les petits marteaux cogner dans le crâne couturé. Elle sifflote, laissant le temps au temps...


- M'zelle Miramaz?" dit le sergent au bout de quelques secondes interminables. A sa décharge, il y a un léger quiproquo. Le sergent accueille en effet un homme et une femme, du moins en apparence. Miramaz, crâne nu et brigandine masculine sur le dos, n'a pas grand chose de la demoiselle en détresse. Coupe de cheveux "à la terre brulée", moue fermée, lippe hostile, des hanches garçonnes, ses seins -pourtant merveilleusement féminins- invisibles sous le cuir et les anneaux, errare humanum est.
A son coté, une blonde, visage enfantin certes, mais coiffée d'une grotesque perruque de lin jaune, de quoi rire. elle porte bien la juppe, et monte les deux jambes du même coté, comme la morale l'exige, mais on sent qu'elle est plus à l'aise en montant normalement. De plus l'épée large et massive qu'elle porte au coté ne laisse planer aucun doute. C'est le "protégé", grimé en fille, déguisement risible au demeurant. Perseverare diabolicum.
Le sergent plisse le front sur l'effort. Les hormones féminines sont du coté de Miramaz, les masculines du coté de "l'autre".
Un clin d'oeil entendu à l'adresse de la Rasée, et c'est 5 bonnes minutes de silence qui s'achèvent.

- J'suis fort aise de vous trouver, vous et ce messi... cette donzelle! Hu hu! Le Vicomte va être ravi. L'est perclus de soucis avec sa lubie. Et la môme Vassilissa est partie en vadrouille. Tout comme la jolie savoyarde... Edlweiss. Il se sent abandonné comme un chiot égaré.
Puis le sergent se tourne vers le/la blond/e et lui adresse une mise en garde un peu sèche;
- Toi mon gars... ma fille, uh uh! Tu vas rencontrer mon maître, le vicomte d'Ysengrin. rassure toi, n'est point bougre... enfin il te laissera tranquille ma "fille", uh uh. Mais ne va pas le contredire avec trop de force, il corrige plus souvent qu'à son tour.
Le sergent plisse ses petits yeux de verrat en cherchant une quelconque ressemblance avec le "Corbeau" Thoros. Mais non, celui ci est bien plus âgé, n'a plus rien d'un enfant et même le meilleur déguisement ne peut masquer le regard rusé du maitre voleur.
Rassuré et toujours dans la méprise au sujet du "protégé", il fait faire volte face au destrier pour se placer entre les deux cavaliers.

- Z'allez tomber en pleine foire d'empoigne à Limoges; on va prendre le trône Limousin!

(*) Suis surement pas le premier à la faire. On m'excusera. Ce film est un de mes préférés de J.Andrews.
Victorine
La main de Mira sur son épaule la poussait et lui apportait protection à la fois. Mais Vic avait déjà la sienne sur le pommeau de son épée.

L'homme connaissait la Rasée, visiblement, car ils s'échangeaient moult sourires douteux. Mais soit il avait bu, soit il était vraiment simple d'esprit, il ne cessait de rire en reluquant étrangement Victorine qui commençait à le prendre mal. Puis elle réalisa que cet imbécile la prenait pour un garçon. Oui ... forcément ... prise à son propre piège, à force de se grimer.

Elle tira sur le tissu qui cachait mal ses courtes mèches blondes, et bomba ses petits seins. En Limousin, elle était une fille et si elle avait encore des progrès à faire dans l'art de la féminité, elle n'entendait pas rester Victor une fois hors de portée de vue du Sénéchal. C'est là qu'elle se fit la réflexion qu'en tant que fille, elle n'existait pas. Mais comment les filles existent-elles de nos jours ? S'enfermer à l'Académie Royale pour se faire une place ? Même pas sûr. Se faire baptiser, épouser un gentil chevalier qui ne soit pas trop souvent à la maison ? Oui sans doute. Mais rien ne pressait.
Déjà, elle était ses yeux ...

Yeux qu'elle avait fort jolis, d'ailleurs.
Émeraudes qui se fixèrent sur le cavalier venu les "accueillir" tandis que la jeune fille annonçait, d'une voix qui ne laissait aucun doute sur sa féminité :


Victorine, filleule du Vicomte. Et je l'ai déjà rencontré, qu'est-ce que vous croyez.

Demain elle écrirait à l'Archevêque.
Pour le baptême.

La main protectrice de Mira lui manquait, mais elle n'osait pas regarder son escorte à poil ras. Une grosse escorte s'était mise entre elles avec désinvolture, sans leur demander leur avis. Vic n'aimait pas les malotrus. Ces deux-là ne seraient pas copains. Finalement, elle était un peu précieuse, quand elle ne prenait pas des bitures avec l'armée de Bourgogne, ne chantait pas de chansons paillardes, ni ne se réveillait dans une tente bordélique et puant le mâle.

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Miramaz
Discussion qui s'amorce lentement, très lentement, étrange elle n'avait jamais remarqué qu'il était à ce point benêt le sergent, à moins qu'il ne soit troublé de se retrouver seul avec elle -Vic est une chose trop insignifiante pour compter dans ces moments-là-.
Sur son petit nuage, la Rasée ne fait guère attention à l'échange entre sa protégée et le vieux vicieux, le Vicomte se sent abandonné, ses principales rivales ne sont plus là, du bon temps s'annonce.

Bourgogne s'immisce entre les deux femelles sans aucune protestation, la blonde le trouverait-elle à son goût? Ce serait toujours mieux qu'un jeune bourguignon pour une première nuit.
Mira se promit de surveiller l'évolution des choses, de les pousser si besoin, foi(e) de Prunette, la jeunette ne repartirait pas du Limousin pucelle.

Haussement de sourcil alors que ses pensées redeviennent un peu plus convenables, s'emparer du trône il a dit, hum l'aventure limousine semble plus passionnante que prévue, l'escortage d'une frêle blonde se transforme en rêve de luxure et richesse.
Les yeux brillants, un sourire de plaisir se nichant sur sa trogne, elle ne dit rien se contentant de murmurer à l'oreille de Bourgogne:


La p'tiote là..l'est innocente..'tention à ses oreilles..

Ambiguïté avidement recherchée, innocente elle l'est la blonde, et dans tous les domaines, le sergent et son maître sauront-ils en profiter?
La suite du trajet sera plus ou moins silencieuse pour la Rasée, si ce n'est quelques questions sur l'humeur du Vicomte ou son entourage féminin, elle avait entendue parler d'un futur mariage et d'un héritier à venir et voulait en savoir plus.

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Attila_caligula
[Saint Pardoux]

Tu t'es vu quand t'as Bukowski?


Le parvis du Castelet est maintenant désert. Demain on lâcherait les chiens pour éloigner d'improbables emmerdeurs. Demain le combat des chefs commencerait pour le trône de la Marche.
Attila arpente son domaine austère et dépeuplé. La vieille tenaille de forge se referme sur ses boyaux avec un son mat qui résonne dans ses os. L'angoisse le vrille, jusqu'à la douleur. Ad nauseam. Il file, se carapate, se débine, s'engouffre dans l'orifice noir qui mène aux sous sols du château. Tel un rat.
Dédale de couloirs voûtés éclairés par de mesquins soupiraux obturés par des toiles d'araignées centenaires, portes en bois maintenant pétrifiés et aussi dur que du métal, lourds loquets de ferronerie noire forgés à la masse sans élégance, et finalement le refuge: la cave aux spiritueux.
La patte velue se porte naturellement sur la belle bouteille ambrée, au verre dépoli, sablé et frappé des armes de la Roche Canilhac. Le bouchon saute sous le pouce conquérant en émettant ce bruit si singulier qui fait chanter l'âme des ivrognes. Le goulot dodu embrasse les babines noires et y déverse son sang doré. C'est lui qui commande?
Pas encore!
La bouteille est sèchement remisée dans son tabernacle de pierre. Le leu lui préfère cette bonbonne vert sombre, habillée d'osier. La dame-jeanne de métayer; au vin jaune pisse acide, corrosif, nocif. Celui qui brûle et martèle l'esprit du journalier pour lui faire oublier sa gueuserie.
Le Leu ne boit pas? Non, il ne ment jamais! Il ne boit pas, il s'assomme, s'empoisonne, se consume. A en perdre toute raison, toute vie. une vraie bête. La noblesse de l'ivrognerie, ce n'est pas déguster un vin rare en le faisant glouglouter sous le palais. C'est rentrer la tête dans les épaules et charger droit devant sans jamais ralentir, quelqu'en soit le prix, la mort est au bout. Entrer dans la tourmente où tout est entier. La gorgée doit être pleine, à suffoquer, à déborder sur le menton. Et suivie d'une autre, et d'une autre. La première rasade, longue comme une prière de nonne, le laisse essoufflé et pantelant. Comme un joueur de soule sonné. Mais son esprit brûle comme il communie avec l'esprit du vin. union fertile qui soulève l'enthousiasme débridé. Le coude se relève, légèrement tremblant sous le poids de la bonbonne ventrue.
Partager son ivresse avec d'autres? Ce serait vulgaire. Et l'ivresse joyeuse ne l'est que pour les autres. Il lui faut le naufrage, le tremblement de terre, l'ouverture des portes de l'enfer et l'engloutissement total. Ça ne se partage pas un calvaire.

Dans un recoin de la cave, posée sur un reste de tabouret, une viole empaquetée dans un cuir huilé attend patiemment le moment où le regard du Leu se posera sur elle. Les doigts s'en emparent, et ça gratte, miaule et couine. Un air de fol, entendu dans un claque ou un bouge. des accords de borgne, des mesures d'hystérique.
- Charles! Ne glisse pas! Tu deviendras une Diva grégeoise!" beugle le poivrot à couronne. Trois coups de glotte et il casse la gueule à la bonbonne dans un grand soupir d'accomplissement. Les affaires commencent à aller comme dans du duvet d'oie. Un coup de tête contre le mur de moelons le confirme: le sang coule mais la douleur est ailleurs.
La viole hurle les trilles diaboliques des "Sultans de la Volte" presque sans fausses notes. Le feu monte et le Leu gronde. Une autre bonbonne est dépucelée.La première n'étant pas pleine la soif rugit encore. Longue rasade qui trace son sillage de braises dans le gosier-siphon et le joueur de viole voit la foule devant lui qui ondule au tempo. Communion de liesse ou de haine, peu importe du moment qu'il est centre du monde. Helios rouge sang dans l'univers glacé. Savoure ysengrin! Sangre y carne! La vie je peux la toucher, la détruire, j'en suis maître!
"Gens d'arme et Robins" lui vient spontanément sous les doigts, les cordes vibrent et le bois tremble. Le sang et la foule hurlent à ses oreilles.
La rasade suivante le fait tressauter comme un renardeau. La foule de spectres s'est dissipée sans même qu'il la regrette, vieux solitaire qu'il est. Et trop conscient des limites du monde, qui se nomment temporal, frontal, pariétal et occipital.

Le monde est minuscule. Il tient tout entier dans cette Dame Jeanne de piquette infâme.

Ellipse.


[Parvis de St Pardoux]
Bourgogne flanqué de ses deux ailiers a confié les montures au palefrenier. Mais le maitre des lieux est invisible. Un valet de ferme avoue avoir entendu comme des chats égorgés des sous sols et le Sergent bougonne.
- Mzelle Mira, j'crois qu'le vicomte est parti au bordel. Pis ça vaut mieux j'pense. Quand il sort la viole, ça l'inspire. Rapport au mot, ptete...
Victorine
[Saint Pardoux]

Victorine ne comprenait décidément rien aux paroles du sergent. Pas qu'il fut trop gueux, non, elle avait en Bourgogne l'habitude du parler franc des soldats, mais son esprit à lui était trop alambiqué et sa langue parlait à l'ombre de sous-entendus trop imagés pour une jeune fille innocente.

Innocente, mais pas naïve.

Elle n'avait que quelques jours à passer en Limousin, elle devait en profiter. Elle ferma derrière elle la porte et leva les yeux sur la vaste pièce froide que peinait à réchauffer un pourtant large feu.

La chambre était richement décorée, quoique bien peu moderne. La tanière du Leu avait l'empreinte d'anciennes pattes.
Qui avait dormi là avant elle ?
Victorine n'en savait bien évidemment rien. Tout ce qu'elle savait c'était que la compagnie du Vic' lui était agréable, qu'il avait promis moult missions et aventures captivantes, et qu'en sa présence elle était encline à satisfaire toutes ses lubies. Les tentures pouvaient être bleues, les tapisseries représenter des scènes de chasse, et les coussins tout un bestiaire peut-être familial, elle s'en contrefichait royalement. Victorine portait peu de considération aux choses matérielles. Elle marchait au flair. Même si à la naissance du bleu était tombé dans ses yeux jaunes.

Première chose, organiser le baptême, envoyer trois lettres à qui de droit, et se repencher un peu sur la pastorale, des fois qu'on la questionne.
Deuxième chose, écrire au Sénéchal, Aimbaud de Josselinière, pour entretenir son intérêt pour "elle" ou plutôt pour Victor. Si elle voulait continuer à extorquer des informations à la Bourgogne, il fallait l'empêcher de trouver un autre écuyer jusqu'à son retour.
Troisième chose ... Elle regarda autour d'elle, fouilla dans les coffres, sortit tout en vrac sur le plancher, jusqu'à dégoter son bonheur. De quoi se fagoter pour être ... une merveille.

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Victorine
Résumé des épisodes précédents : Victorine, en quittant le Limousin, se fait attaquer par de viles fripouilles malgré la présence de son chaperon. Elle perd ici l'usage de sa main droite et tire un trait (de l'autre main) sur sa carrière de chevalier. Après avoir été viré de sa charge d'écuyer par Aimbaud de Josselinière (qui croit toujours qu'elle est un garçon) Victor rejoint sans le savoir les dites fripouilles en suivant son chaperon et sa bonne fée dans de fabuleuses aventures éphémères.

[Sur les chemins - Victorine]

Quelque part, entre le Languedoc et le Limousin, dans des contrées dont Vic ignorait le nom et jusqu'à l'existence, on l'avait abandonnée en arrière. Pour son bien, lui avait-on dit. C'est vrai que sa blessure avait pris de vilaines teintes. Mais elle n'était pas dupe. C'était juste parce qu'elle était trop petite, trop manchote, et trop inexpérimentée. Et puis ça leur ferait une part de butin en plus : la preuve, personne n'avait pris sa défense quand le Baron avait décidé de l'envoyer à Limoges par la route la plus courte ... maudits chacals ces pèlerins ... Voila qu'elle grommelait toute seule en quittant le feu de camp éteint et en piquant droit au nord.

De la soirée de la veille, ne restait que quelques cendres dans une clairière, des fougères aplaties par les corps des mercenaires qui avaient trouvé repos ici, et le souvenir amer des adieux à toute la troupe. Pourtant, son bandage propre attestait qu'on avait pris soin d'elle. Mais tout de même ... l'abandonner ici. La pauvrette. Elle prit une grande inspiration, leva ses beaux yeux verts pour happer le bleu du ciel. Allons, direction Limoges.
Seule mais forte.

Elle avait beau se rassurer : il ne ferait qu'un détour, la rejoindrait plus au nord, assisterait à son baptême (car oui, elle n'était toujours pas baptisée avec tout ça) et même repartirait avec elle pour d'autres chevauchées à travers les Royaumes, elle n'était pas rassurée. Était-ce seulement la crainte de mauvaises rencontres en chemin ? Ou l'incertitude qui se dessinait ? Tout avait été si bien orchestré jusqu'à présent. Depuis toujours sa bonne fée veillait sur elle, ou le Baron. Finalement, elle s'était habituée à sa présence, sa prévenance, et le doux parfum de ses maîtresses, comme autant de mères pour elle qui n'avait que trop peu connu la sienne.
Sauf qu'il n'était pas son père.

Son père, d'ailleurs, qu'elle allait retrouver bientôt, lui donnait des ailes sur ce chemin inconnu. Lui raconterait-elle Mende ?
Sûrement.

Après quelques jours de marche et de réflexion, elle rangea son amertume et ses habits de garçon dans son sac. A la frontière du Limousin, elle reprenait toujours ses atours féminins.

En franchissant l'enceinte de la capitale, elle entendit à nouveau des sabots derrière elle, et à nouveau l'espoir.

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Theognis
Théo aimait le bruit des cavalcades sur le pavé, ploc ploc, ploc ploc, les sabots ferrés battaient la pierre au rythme précis des chansons.
Autrefois, il adorait (verbe de la jeunesse) épouvanter les passants, faire naître les injures, simplement en laissant filer la bride dans les ruelles obscures. Qu'un curé lui envoie son Pater, qu'un bourgeois se désole d'une flaque boueuse, ou mieux qu'une jeune fille se plaise à lever vers lui son regard doré, voilà le jeune Théo perché au sommet de l'Olympe.

Ce ne furent pas les pauvres sergents du guet envoyés à ses trousses qui purent stopper cette débandade de l'ordre civilisé.
"Protégé de la Duchesse!" qu'il s'exclamait, face à leurs figures grises, avant de filer un train d'enfer dans un quartier de la ville encore épargné.
Très jeune, en effet, Théo avait su s'attirer les bonnes grâces du pouvoir en place. Chacun sait que sous le couvert de l'autorité on peut faire n'importe quoi de pas trop grave et le Montereau nullement ne s'en était privé.

Devenu Arquian, c'était la même chanson, hobereau ou baron, le caractère ne changeait pas, comme la qualité d'une lame dans des fourreaux différents. Néanmoins, l'âge le rattrapant, la routine aidant, les folles chevauchées en ville perdaient de leur saveur. La surprise des visages effarés ne jouait plus, ni la colère grondante des hiboux en habits de dimanche. Pis, Il songeait qu'à tout moment, un enfant pouvait surgir et se fracasser le crâne sous les sabots d'airain. Pareil accident n'était pas rare mais Théo éprouvait maintenant un besoin de retenue face à cette sinistre éventualité. Quand le pire n'est pas encore arrivé, le danger qu'il survienne se rapproche d'autant.

Méditant ce proverbe hautement débile, Théo chevauchait donc d'un pas tranquille en venelles limougeaudes, observant les échoppes, riant de la belle saison avec quelques badauds, le front serein, la mèche assurée. Parfois, les yeux fermés, il respirait au coin d'une ruelle le fumet d'une cuisine, le parfum d'une femme, la puanteur des poubelles...Oui car Limoges puait comme toute bonne ville de France qui se respecte. Le Déchu jugeait alors avec contrariété que les gens ne faisaient pas d'efforts, ne s'intéressaient pas au sens civique du bien-vivre avec autrui, bla bla et bla....Bref, la quarantaine sonnante, le Baron serait devenu "vieux con", si à l'horizon n'était pas apparu un panache blond.

Victorine de Saint-Pardoux, troisième du nom.


Dudiou!

Offrant à l'autour une fraîche gasconnade, le bourguignon sentit en voyant la Vic' un reflux de sang battre comme plâtre ses tempes amollies. Le temps d'une ruade, il observa la cible, puis se mit à cavaler en sa direction, piquant des deux comme si Cerbère enragé lui courait après pour lui mordre les fesses. Un rire tonitruant l'accompagnait, gueule ouverte, dents claires, et il se serait jeté à terre aux pieds de Victorine en roulant des lazzis en pagaille si la nouvelle peur de se casser un membre ne l'avait pas, secrètement, retenu.

Là, il stoppe des quatre fers, on entend crisser le métal sur la pierre dure, et posant une main sûre contre le pommeau de la selle, saute à terre avec toute la prestance désirée pour son âge. Devant elle, il mime une révérence grotesque, proclamant:


Bonjour, jolie jeune fille, si nous sommes, hélas, aussi fauchés qu'en partant, il y a, au moins, le plaisir pour moi de retrouver ces bouclettes dorées, cette allure féminine qui te va si bien. J'espère que tu as fait bon voyage, nous à Cahors ils ne nous ont pas laissés entrer, les bougres! Finalement, ce fut un détour bien inutile!

Dans un rire, il se dépêche d'enchaîner:

Tu t'aperçois donc que tu n'as rien manqué! Que fais-tu seule, ici? Le Vicomte t'a abandonnée?

Le Baron mélangeait bonne humeur et maladresse, rires et tendresse, dans l'espoir qu'un sourire, au moins, lui soit rendu. Qu'elle puisse, miracle, oublier les souvenirs de leur séparation houleuse. La blessure de sa main droite, Théo en était sûr, conduisait Victorine aux joies de la couture, elle n'était plus bonne à l'action et impropre à la consumation. Elle rangerait l'épée pour le métier à tisser.
Mieux valait en rire et Théo essayait....Tout en surveillant avec attention la main gauche valide pour éviter la gifle.

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Les Terres d'Arquian
Victorine
Elle rentra la tête dans les épaules sans oser se retourner. Le galop se rapprochait, sans faiblir. Allait-il la doubler sans la voir ? Allait-il la kidnapper et l'assoir sur sa selle telle une amazone prise au piège ? A moins que ce ne fût point lui !... Le cavalier s'arrêta à sa hauteur, crissant des sabots, sautant à terre dans un vol de tissu. Ne pas faiblir, rester indifférente, courageuse ... Enfin, elle le reconnut et soupira, rassurée.

Seigneur, faites qu'il ne se fasse pas mal en singeant la jeunesse, osa-t-elle songer en calmant la crainte qu'elle avait eue. Quoique ... cela accélèrerait son impotence, et par là-même, leur mariage promis. (Promis dans l'esprit de Vic surtout). S'il pouvait glisser et se faire juste un petit peu mal. Mais non, le Baron était encore alerte et se redressait d'une révérence extravagante. Elle sourit avec tendresse. Elle ne pouvait pas s'en empêcher. Puis se reprit bien vite et afficha une moue enfantine :


Ce n'est pas le Vicomte qui m'a abandonnée, c'est vous, Baron. Voyez, si vous m'aviez laissée venir, Cahors nous aurait été ouverte.


Mauvaise foi, quand tu nous tiens ... Elle cacha sa main blessée dans son dos, derrière les plis de sa robe, pour faire oublier qu'elle n'aurait certainement pas été d'une grande utilité. Cela était péché d'orgueil, vanité, sans doute, et elle s'en voulut de lui faire des reproches alors que cette longue route avait calmé sa rancœur envers lui. C'était plus fort qu'elle, il fallait toujours qu'elle ait le dernier mot.

Elle se promit de ne plus en parler, et se hissa en selle puis posa ses fesses en amazone sur l'encolure.


Vous m'accompagnez à Saint-Pardoux ?

Difficile de refuser maintenant qu'elle était juchée sur sa monture. Toutefois, pour en être certaine, Victorine ajouta :

Vous croyez que je pourrai tenir une arme à nouveau, de la main gauche ? Vous m'apprendriez ?

La couture au coin de l'âtre, ce sera pour la vie conjugale. Pour l'instant, ils ont bien mieux à faire !
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Theognis
Nous verrons, nous verrons....Pour l'instant, descend de ce cheval!

Tendant les mains vers elle pour la prendre à la taille, il explique:

Le cavalier d'abord! Sinon tu risques de te prendre ma botte ferrée dans les dents, ce qui n'avantagerait pas ton sourire.

Enfin le couple en selle, ils se dirigent à allure modérée vers Saint-Pardoux, au grand bonheur du cheval car les pavés meurtrissent ses sabots. Théo jette des coups d'oeil fréquents à son précieux fardeau, sachant qu'elle présente la manie exagérée de lui baver dessus dès le moindre soupçon de sommeil. Remarquant leur manège, un homme s'écrie à leur passage:

Monseigneur, voyez cette boutique, elle vend des mouchoirs brodés d'une finesse incomparable! Pour votre fille, Monseigneur, offrez lui donc un beau cadeau!

Pour toute réponse, Théo le gifle d'un revers de main cinglant, qui fait chuter l'impudent.

Ce...N'est...Pas...Ma...Fille! Ni ma femme, ni ma cousine!

Avisé que les passants choqués par l'incident aient bien compris la chose, il s'apprête à repartir, quand une voix gaillarde lance:

"C'est donc ta mère!

_Ventre saint-gris!"

Les yeux fous de colère, Théo cherche dans la foule des badauds l'homme coupable d'une telle insolence, sans pouvoir dénicher celui qui est le plus hilare de tous. En effet, hommes, femmes ou enfants, tous rient de lui en ce moment dans une belle unanimité. Scandalisé, le Déchu étouffe un juron et pique des deux dans les ruelles de Limoges, sous les clameurs moqueuses de l'assemblée. Peu à peu, elles s'éteignirent, laissant le cavalier seul avec sa stupidité. A faire un tel grabuge, il l'avait bien cherché.

Désormais, il prend soin d'éviter les venelles marchandes, où pareille confusion ne manquerait pas de s'amplifier. La colère passée, c'est l'amertume qui prédomine. Fille, épouse, ou mère, il est trop fauché pour lui offrir le moindre radis. Pourtant, c'est la fierté de Théo de dépenser avec la même gourmandise qu'il prend à posséder. Sa générosité affermit son orgueil, battu en brèche par sa pauvreté. Heureusement que la blondine lui offre logis à Saint-Pardoux, cela le changera des paillasses infestées de punaises en dortoir de quinze, où il est interdit de rêver sous peine de se faire voler.

Seule Victorine doit encore imaginer qu'il possède grand héritage à lui léguer. Les mystères de sa naïveté étonnent l'ancien Baron et il y pense encore en pénétrant sous l'ombre du mâchicoulis de Saint-Pardoux.

Au lendemain, il se réveille avant le jour, peu habitué à des lits si confortables. Cela lui laisse tout le temps pour s'habiller de pied en cap avant de se rendre dans le couloir de la chambre de Victorine. Là, il se chope en une brève algarade avec un serviteur armé d'un chandelier, à moins que cela soit Aymeric déguisé en domestique. Quoi qu'il en soit, rien ne l'empêche de cogner à la porte en gueulant:


C'est l'heure de l'entraînement, on se dépêche!
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Les Terres d'Arquian
Victorine
Les voyages avec le Baron, même les plus courts, n'étaient jamais de tout repos. Mais au fond, c'était ce qui plaisait à Victorine. La monotonie l'endormait. Il la fallait active, stimulée, actrice. Sinon elle bavait sur l'épaule du Baron en roupillant allègrement. Aussi quand un marchand proposa un mouchoir brodé, elle faillit partir d'un rire clair et commander tout un lot, mais se rattrapa bien vite en contemplant la réaction exagérée de son cavalier.

Pourquoi s'emportait-il qu'on la prenne pour sa fille ? En serait-elle indigne ? Ou bien souffrirait-il d'être trop vieux ? Ou bien serait-il vexé d'envisager d'épouser une si jeune fille ? Oui, ce devait être cela. Ce qui signifiait donc ... qu'ils se marieraient ! Quand elle serait plus vieille, bien sûr. Elle était sauvée. Sauvée des vieux ducs magouilleurs et vicieux, ou des jeunes arrivistes politiciens et indifférents, que ses parents pourraient lui trouver pour dorer un peu plus le blason familial. Un baron, même déchu, c'était parfait, d'autant qu'il était doux, prévenant, lettré et avisé. Ne connaissait-il pas la moitié des Royaumes, n'avait-il pas interviewé les plus éminentes personnes ? Ne prenait-il pas soin d'elle, depuis des mois, chaperon discret et bienveillant, homme de confiance et de bien. Pauvre, certes. Elle le savait. Mais riche de cœur et noble d'esprit. Et inversement. S'il n'avait eu quarante ans, elle en serait tombée amoureuse, avec un tel tableau !

C'était dans ces pensées-là qu'elle était perdue, appuyée contre le buste du Baron, tandis qu'ils passaient à l'ombre des murailles de Saint Pardoux. Une lieue de plus, et elle s'endormait, bercée par le pas du cheval.


Était-ce Aymeric, qui rôdait dans les couloirs au petit matin ? Ou un serviteur lui ressemblant ? Victorine n'en savait absolument rien. Elle dormait comme une bienheureuse, en travers de son lit bleu. Elle s'était assoupie la veille, après avoir enfin pris un bain et enfilé une chemise propre, ce qui n'avait pas été du luxe après cette longue chevauchée à travers les Royaumes. Il lui tardait le retour de son père pour lui conter Mende ! Puis elle avait rêvé de coffres remplis d'or (un rêve on vous dit !) et de fuites joyeuses de troupes hétéroclites dans les bois sombres.

Ce fut le minois encore bouffi de sommeil, les cheveux hirsutes, les pieds nus, qu'elle ouvrit la porte en se frottant les yeux. Quelle heure était-il donc ?


Baron ?? Vous avez fait un cauchemar ?

Qu'a-t-il dit, déjà ? L'entraînement ? Mais il fait nuit !!

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Theognis
Il affiche un sourire satisfait. Elle est, comme prévu, mollassonne à souhait. Les mains croisées dans le dos, la posture raide, il se penche vers elle comme un clou courbé, murmure à l'oreille fatiguée:

Je connais les femmes, elles mettent toujours un temps infini à se préparer....

Soudain enfle la voix, coup de tonnerre en cette paisible matinée:

....Alors tu vas m'enfiler des habits ajustés et tes bottes cirées puis me rejoindre illico presto aux cuisines! Dans dix minutes!

Ne lui laissant pas le temps de protester, il la plante sur le pas de la porte sans un regard et tourne les talons avec une allure martiale. Mains dans le dos et port droit, si droit qu'il manque de se péter la cheville sur un pavé disjoint. Heureusement que Victorine ne le regarde plus à ce moment-là. Alors, reprenant des manières dégagées, il détend ostensiblement sa démarche pour aller aux cuisines par les couloirs déserts du manoir. Tout en restant forcément concentré sur sa mission présente. En faire baver à la baveuse, par jeu, par envie, par nécessité aussi. Lui faire comprendre qu'être avec Théo n'est pas une sinécure, en s'appuyant au besoin sur l'amitié qui la lie à l'Écuyer.

Le temps de se perdre dix fois, il parvient à la grande salle des cuisines. Pas un chat sinon un gros miaou qui ronronne à proximité de l'âtre. Heureux d'être là avant que le petit sucre ne pointe sa frimousse, il s'installe à la grande table, dans un coin proche de la cheminée. Le matou le regarde pensivement et Théo lui rend bien. Bientôt, très bientôt, matrones et cuistots vont déferler dans la pièce pour mettre en batterie leurs divisions de petits pois et de carottes, sous des effluves épaisses de graisses animales. Le chat espère du poisson, le Baron a faim. Pour s'occuper, il compte les secondes sur les poils de moustache du mistigri et caresse du regard la surprise qu'il réserve à la blonde guerrière.



Bien sûr ... Pour les épousailles, il faudrait lui laisser un peu le temps de se faire à l'idée. Je connais les hommes, pensa-t-elle, ils mettent toujours un temps infini à se décider. Ça tombait bien, elle avait des années devant elle avant d'être prête. Et puis de toute façon, à cette heure matinale, elle ne pensait pas vraiment à ça en le regardant. Elle le détestait plutôt.

Dix minutes plus tard, elle était en bas, vêtue comme un garçon, pour recevoir son enseignement. Les bottes avait souffert pendant leur récent voyage. Mais elles avaient le mérite d'être à peu près propres. A la faveur de la nuit, on n'y verrait que du feu. Elle s'était plutôt appliquée à attacher ses cheveux en une petite couette que plus tard elle déciderait de laisser pousser.


Elle est à l'heure, il est déçu. Il avait oublié qu'elle ne peut pas se perdre dans la maison de son père. Tant pis, elle ne perd rien pour attendre. Ce n'est pas sa petite couette qui va attendrir son cuir de vieux bouc, car le vieux bouc en l'occurrence ne fouette pas. Oui, il se lave, au printemps. Bref, s'emparant de son "cadeau", il se lève et lui ordonne de ne pas bouger, de ne pas se débattre. C'est alors qu'il attache à son bras droit une écharpe pour le maintenir solidement contre son sein, comme s'il était cassé ou mal en point. Curieux, il lui demande:

Est-ce assez serré?

Elle s'attendait à un petit déjeuner copieux en agréable compagnie. Au lieu de ça, c'est torture et vieux grognon au programme. Elle se laisse faire cependant, refusant d'afficher sur son visage quelque crainte ou douleur qu'il pourrait lui infliger.

Hmph ! Oui, c'est parfait.

La main gantée est bloquée contre son buste frêle. Elle a eu un peu peur, il faut avouer, quand il lui a demandé de ne pas se débattre. Mais le baron n'est-il pas un homme courtois et prévenant ? ... d'habitude. Elle se morigène intérieurement et redresse le menton fièrement vers lui.

Qu'avez-vous en tête ? Un exercice amusant ? On ne mange pas avant ?

Houla ! Trois questions à la suite, Vic, tu régresses.


Devant son minois qui frétille de perplexité, il esquisse en réponse le fin sourire qu'il aime à arborer quand il veut se prétendre matois. Un miaulement le distrait de sa concentration. Le matou va chercher son repas. Théo le suit un instant des yeux, contrarié de l'interruption, puis revient à Victorine. Un profond soupir gonfle sa poitrine, comme s'il regrettait, en la dévisageant, d'infliger pareil traitement à une si jeune femme. C'est en mimant la résignation qu'il se lève pour aller choisir de jolis navets et quelques pommes bien conservées. C'est avec une nonchalance soigneusement étudiée qu'il vient les rouler sur la table, en direction de la toute nouvelle cuisinière.
Ensuite, il prend le temps de bien articuler chaque syllabe, non pas par esprit de pédagogie, mais parce qu'il a décidé de se la jouer pédant à l'extrême, en cette belle matinée.


Hmmm ma chère Victorine, saviez-vous que je raffole des navets et pommes au miel? Voyons si vous savez déjà régler leur compte à ces pauvres légumes inoffensifs, avant de prétendre jouer de l'épée.

Croisant les mains derrière sa nuque et les bottes sur la table, il regarde le plafond sans rien ajouter, rêvant aux sirènes du large comme le loup de mer qu'il n'est pas, espérant, à fleur de narine, les odeurs de ce bon repas. A moins qu'il n'entende en premier les cris de douleur d'une cuisinière qui aurait perdu un doigt dans la bataille.

Elle fulmine. Il aime jouer à lui faire perdre ses moyens et y parvient assez bien, là, de bon matin, au saut du lit. Mais Victorine n'est pas désarmée bien longtemps devant tant de morgue. L'arrogance, le Baron ne l'a réservée jusqu'ici qu'à ses poulettes envahissantes. Elle n'est pas une poulette et ne cherche pas à lui plaire. Elle préférait quand il se contentait d'être une oreille attentive à ses confidences.

Ces pensées ne font qu'envenimer sa colère sourde. Pourtant, elle affiche un gentil sourire avant qu'il ne fasse mine de faire sa sieste de vieux loup de mer. Elle dégaine de la main gauche sa dague qu'elle ceint maintenant du côté valide, près de l'épée, et coupe le tout en gros quartiers inégaux en faisant le plus de bruit possible pour troubler le repos du Baron. Met dans une marmite, souffle sur le feu, tartine de beurre et de miel et flanque un bruyant couvercle dessus, puis revient à la table qui porte encore les balafres de l'exercice.


Je ferai une bonne épouse, pas vrai ?


Bien malin qui pourra distinguer les pommes des navets une fois cuits. Il suffit d'aimer les surprises gustatives (et les pépins).

On commence, pendant que ça cuit ?


Sous une apparente somnolence matinale, il n'a pas loupé une miette du spectacle, l'oeil en biais et les pensées vives. Cette façon de trancher les aliments à la dague, sans se soucier de les laver, de les peler, de les découper en parts égales, avant de les foutre à la volée dans la première marmite. Cette précipitation qui exclue toute prudence, pour la table de la cuisine ou pour ses propres doigts, alors qu'elle n'a qu'une main valide. Cette furie qui transpire de chacun de ses gestes, tant et si bien qu'elle brûle, il le sent, de lui chatouiller les côtes de son arme grossière. C'est Victorine qui galope dans les rues de Villefranche en dépit du tocsin.

Une renarde dans un poulailler...Ni femme du monde ni domestique, ni épouse ni mère...Allez!

Il se redresse dans une position plus confortable pour son dos et joint ses mains sur la table. La position du maître face à son élève, bien que le lieu soit incongru pour des leçons d'escrime.
A l'évidence, Théo ne sait pas vraiment ce qu'il fait. Jamais il n'a vu quelqu'un s'entraîner à devenir une "fausse patte", ou alors cela ne l'intéressait pas. Néanmoins, il prend un grand plaisir, dans son désoeuvrement actuel, à s'occuper de cet apprentissage. Pour la bonne raison qu'il apprécie de mettre à l'épreuve la volonté de Victorine et la dureté de son caractère. Les mots font mal, les postures sont blessantes, combien de temps pourra-t-elle résister? Cette femme, qui porte l'armure sous la robe, les bijoux sous les mailles, les couettes sous la salade, Théo doute qu'elle puisse aller jusqu'au bout.

En attendant, il ne peut la laisser souffler un seul instant. Parcourant la salle du regard, il cherche une tâche à lui faire accomplir. Il suffit des couteaux et de la cuisine, le carnage en la marmite est assez grand pour ne pas y ajouter du sang, voire des crachats baveux. Alors ses yeux marquent un objet cerclé de fer, un seau, vide. Un sourire entérine son choix. Il a une idée.
Se levant, il s'empare du seau et le présente sous le museau de la blonde.


Va aux étables ou au marché, bref débrouilles-toi pour me ramener ce seau débordant d'un bon lait crémeux. N'oublies pas que tu as les navets et les pommes au feu. Alors dépêches-toi.

Son regard sans ciller soutient celui de l'aventurière, fera-t-elle ce qu'il exige?
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Les Terres d'Arquian
Victorine
La séance de découpage l'a un peu calmée. Rien de tel que trancher un ennemi imaginaire en rondelles, pour se mettre de bonne humeur. Seulement, le Baron se redresse. Avec sa mine professorale, elle sent qu'il cherche le truc le plus improbable qu'il soit à lui faire faire. Devra-t-elle passer par toutes les taches ménagères pour avoir accès enfin à l'enseignement suprême : se battre à l'épée de la main gauche ?

Quand deux têtus se rencontrent ... ça donne ça. Le plus vieux devrait pourtant fléchir, par sagesse, et cesser les bêtises, le bras de fer. Ça va finir à coups de casseroles et ils casseront la vaisselle avant même d'être mariés ! Mais il n'est pas plus sage qu'elle. Et de toutes façons, les épousailles sont loin d'être faites.

Elle soutient son regard, sourit même un peu, gentiment (ce qui n'est pas bon signe) et répond sur le même ton que lui :


A cette heure, même les vaches dorment, Baron. Il n'y a que les vieux insomniaques et les folles comme moi qui les suivent, pour être debout.


Mais le chat, qui a reconnu le seau, vient se frotter contre les jambes de Victorine, entourant lascivement sa queue autour de sa botte, et levant vers elle de grandes amandes amoureuses.

... Et les chats.

Elle soupire, lève les yeux au ciel et obtempère, le chat sur ses talons. Trouver du lait, à pas d'heure. Du lait d'hier, forcément. Le marché est trop loin et l'on dort, à l'étable. Ou bien ... si la servante n'a pas fait sa chambre ...

Le temps que pommes et navets mélangent leurs saveurs, Vic redescend avec un seau de lait. Elle ne dira pas qu'il vient de son bain d'hier. Elle sourit, victorieuse. Le chat lape le liquide qui s'égoutte sur le carrelage et bientôt pose ses deux pattes sur le rebord du récipient. Elle le chasse.

Pose le seau devant le Baron, comme s'il s'agissait de son bol du matin. Sort les marrons du feu. Enfin ... la compote étrange, plutôt.


Voilà, on va pouvoir manger et commencer !

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