Bonjour !
Ce RP est un RP ouvert, faisant suite à l'idée de LJD Mordric de créer en Languedoc un espace pour les personnages atypiques, de classes sociales défavorisées ou peu représentées (mendiants, voleurs, brigands, pauvres de toutes espèces, etc.). Âmes sensibles, s'abstenir.
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PJ et PNJs sont bien entendu les bienvenus
Bon jeu !
[Lengadòc, lo meu amor]*
(Musique d'ambiance)
La potence l'attendait. Là, debout sur ces planches en bois vermoulu, en tête à tête avec le nud coulant qui serait son dernier compagnon de route, il tentait encore de résoudre le mystère de son parcours.
Quelques semaines avant, il n'était encore qu'un bourgeois confortable, marié à une jeune donzelle qui lui avait apporté une dote assez ronde pour lui assurer de beaux jours et l'asseoir comme un notable incontournable de sa ville.
Peut-être que cela avait commencé à ce moment-là, ce jour où il était rentré un peu plus tard qu'à l'accoutumée et s'était attardé dans une taverne. En fait de taverne, on aurait plutôt dit un bouge de troisième zone, sombre et sale.
Pourquoi y était-il entré ? Il ne le savait même plus. Par contre, il savait pourquoi il était resté.
Une paire d'yeux noisettes entourés d'une cascade de boucles rouges feu. Voilà ce qui l'avait dévoyé. Il ne savait plus trop par quel sorcellerie il s'était retrouvé entre ses cuisses, sur une paillasse au fond d'une chambre de ce minable bâtiment, mais il se souvenait encore de sa jouissance, de son sentiment de pouvoir et de liberté. De son sentiment de virilité invincible. Ce jour-là, il était enfin un homme. Il avait pu oublier, l'espace d'un soir, son épouse aussi laide que frigide, qui lui donnait tant de fois envie de la frapper à mort.
Et il en était devenu dépendant. Chaque soir, il venait là, comme un assoiffé près d'une source d'eau claire, quémander sa part de fierté, mendier sa dose de luxure, vendre un peu de son âme contre une heure ou deux de puissance illusoire, en échange de quelques largesses en bijoux ou en écus. Ces yeux noisettes avaient quelque chose d'indéfinissable. Les gestes félins de cette catin, la plénitude de sa croupe, la fermeté de sa poitrine, sa voix rauque et ses soupires quand elle se donnait à lui avec un art consommé du plaisir, avec ce mélange de retenue et de vice, tout lui donnait l'impression d'un envoutement indicible. Sans avoir recourt à ces artifices grossiers qu'utilisaient les catins ordinaires, la féline l'avait possédé. Il était aux anges.
Bien entendu, il avait tout fait pour que ses frasques demeurent cachées : corruption, menaces, tout était bon pour assouvir son vice en toute tranquillité. Puis un jour, l'animale lui avait refusé ses faveurs. Il en tremblait encore de rage et de frustration. Qui était-elle pour se refuser à lui, l'un des plus riches notables de la ville ?
Elle avait alors demandé, de cette voix rauque à laquelle ses sens obéissaient plus vite que sa raison, de la protéger. Elle disait que certains avaient eu vent de leur liaison, et que sa vie était en danger.
Il avait ri. Oh, comme il avait ri ! Une liaison ? Cette catin croyait-elle donc qu'il l'aimait ? Il avait ri, puis il l'avait à nouveau chevauchée avec fougue. Non, il ne l'aimait pas, mais il en était fou. Il ne laisserait personne la lui prendre. Personne !
Sa passion n'eut plus aucune prudence. Il venait la voir, de jour comme de nuit, pour s'assurer qu'elle était encore sienne. Il avait engagé des gardes étrangers pour protéger la taverne, qui patrouillaient en permanence. Les habitants de la ville avaient commencé à gronder : était-il devenu fou ? Sa femme commençait à faire scandale. Les rumeurs courraient bon train, et ses pots-de-vin n'y pouvaient plus rien.
C'est alors qu'il perdit pied. Les élections auxquelles il venait de se présenter tournèrent au désastre et au massacre politique. Tous ses soutiens et ses partenaires commerciaux le lâchèrent d'un coup, lopprobre populaire le condamna à la faillite. Et lorsqu'il vint retrouver un peu de réconfort dans les bras de la féline, elle avait disparu. Disparu !
Maudite ! Sorcière ! Catin des enfers !
Fou de rage, il s'en était pris au propriétaire de cette taverne et l'avait tué par accident, sous le regard des quelques clients rassemblés là.
Le nud coulant balançait indolemment sous le souffle d'un vent du nord glacial et nerveux. En s'avançant, il repensa à ce mot que les gardes du cachot lui avaient fait parvenir, peu avant qu'on l'emmène.
Et depuis lors, il ne cessait de chercher à comprendre. "Votre honneur pour une vie" ? Quelle vie avait-il pu prendre dont il ne se souvienne plus ? Il n'avait jamais été un meurtrier jusqu'ici. Évidemment, on ne devenait pas un homme comme lui sans se salir les mains, et les faillites sur son passage ne se comptaient plus.
Un coup dans ses côtes le fit avancer en direction de sa fin. Non, décidément, il ne savait pas. Mais pouvait-il dire en toute certitude qu'il était innocent ?
Il passa la tête dans le nud, les yeux fermés. Le grincement du bois ne se fit pas attendre, et soudain le sol se déroba sous ses pieds. Il rouvrit brusquement les yeux, paniqué, se débattant contre l'inéluctable.
C'est alors qu'il les vit. Deux yeux noisettes le fixaient, là, dans la foule. Elle était de retour. Un violent mélange de douleur, de rage et de désir le traversa une dernière fois, tandis que son dernier souffle le quittait.
"A..A..li.."
La rousse lui sourit, de ce sourire qu'elle lui offrait après l'extase. Dans un dernier sursaut, le corps du mourant lui rendit un dernier hommage involontaire. Le sourire de la rousse s'élargit tandis qu'elle se détournait du spectacle d'un pas tranquille pour disparaître à nouveau.
* Languedoc, mon amour.