Ava_lafiole
P'tain! Tout avait été trop vite. Elle sentait encore les mains du client tripoter sa poitrine et l'invitant à boire un peu de cervoise. Soudain, le vacarme causé par des hommes de mains lancés par monsieur Paul : les gnons donnés en veux-tu en voilà, de la castagne à toutes les tables, des perturbateurs mis à terre, des catins giflées, ... Ava La Fiole eut le droit à un peu tout : un client la bouscula lui assénant malencontreusement un coup de coude sur la tempe, un videur lui agrippa une touffe de cheveux noirs avant de la trainer à même le sol, sa jupe épongeant au passage la pisse fraiche d'un ivrogne. On la précipitait au bas de marche à travers une bousculade d'hommes inconscients, de femmes apeurées, et de pochtrons violents.
Une paire de main la jeta donc, LaFiole, comme un sac de farine, en bas d'un escalier peut éclairé. Arrivée à ras le sol, d'autres doigts agrippèrent ses épaules et en peu de temps, elle fut ligotée, dos à dos avec un rustre barbu qui peinait à articuler deux paroles. Ses jambes recroquevillées servaient bientôt de dossier à un client tombé dans les vaps, la mâchoire encore engorgée dans son propre vomi. Pendant tout ce temps, la Ava n'avait pas mâché ses mots qu'elle lançait dans le vide :
Coquebert, viens t'forter à LaFiole s't'as encore un peu d'bravoure, hein? T'as la ch'touille ma parole! ... Sottard! Merdaille!
A un autre videur qui venait "livrer encore" un corps sur le sol de la cave :
Espèce de fot-en-cul! T'aimes donc si peu les donzelles qu'tu les frappes!
Le tas de muscle la fit taire d'un coup de poing en plein sur la joue, mais la langue de la catin de fortune ne perdit pas le rythme de son joyeux vocabulaire:
Facile d'frapper une gouge quand elle est attachée...! hurla LaFiole, les larmes lui brûlant les yeux, mais trop fière pour les laisser couler. La brunette tirait sur ses liens, tirant sur le barbu dans son dos. Rien à faire, fallait qu'elle se tire vite fait... Le barbu semblait se réveiller et marmonnait des choses inintelligibles jusqu'à un prénom ... :
Safranne...
Safranne? La LaFiole aurait pu se taper un torticolis tant elle voulait voir la tête de celui qui avait prononcé ce nom. Elle se tortillait comme un goujon cherchant à échapper au filet d'un pêcheur, se dégageant assez pour entrevoir l'individu:
Et l'lourdot? Émerge un peu, t'veux-tu, s'tu veux pas t'noyer dans ton sang... On s'croirait l'jour où on tue l'cochon, sauf qu'c'est toi le cochon...
La chemise du barbu était imbibée d'un rouge écarlate qui n'engageait rien de bon sur l'état physique de son compère de "geole".
Psst... l'cochonnou.. C'est qui c'te Safranne? Ta bonne femme? Foi d'LaFiole, si c'est pas elle, t'la tellement dit qu'ça doit être ta maitresse.