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[RP ouvert] Quand le hasard n'est pas de la partie.

Terwagne_mericourt
[Perdue dieu sait où en Champagne, le 24 août 1459 :]

Une île, entre le ciel et l'eau
Une île sans hommes ni bateaux
Inculte, un peu comme une insulte
Sauvage, sans espoir de voyage
Une île, une île, entre le ciel et l'eau

Ce serait là, face à la mer immense
Là, sans espoir d'espérance
Tout seul face à ma destinée
Plus seul qu'au cœur d'une forêt
Ce serait là, dans ma propre défaite
Tout seul sans espoir de conquête
Que je saurais enfin pourquoi
Je t'ai quittée, moi qui n'aime que toi.

(Serge Lama)


Perdue?
Oui, perdue!
Perdue... Totalement perdue...

Aucun adjectif n'aurait pu mieux la définir en cet instant, pas plus que la veille, pas plus que depuis des lustres.

Un rire nerveux la prit, alors qu'elle se faisait la réflexion que quelques jours plus tôt à peine elle s'était affreusement trompée en affirmant ne pas pouvoir se sentir plus perdue que ce qu'elle ne l'était à cet instant là. Perdue dans cette ville de Sainte Ménéhould où elle ne connaissait réellement personne à part cet homme qui... cet homme qu'elle avait choisi de laisser à une autre, où elle commençait à peine à reconnaître certains visages, certains noms, où elle n'avait aucun repère, où personne ne la connaissait vraiment sauf ce même homme, où elle n'était après tout qu'une étrangère sur le point de s'installer, où elle essayait tant bien que mal de se reconstruire entre deux séjours dans un couvent.

Elle ne pouvait pas se sentir plus perdue que cela?
Tout faux !!!!

Là elle l'était bien plus!

Les joues noyées de larmes, elle jeta au loin la carte qui quelques secondes plus tôt à peine était le centre de son attention.

A quoi bon?!

A quoi bon tenter de quitter la Champagne avant la fin du délai imparti? A quoi bon tout mettre en oeuvre pour éviter de se faire tuer par des armées ayant épousé le mode "faucheuse" comme disent les militaires dans leur jargon?

A quoi bon se battre pour survivre quand la mort est sans doute la solution à tout? Quand le sommeil éternel reste votre seule planche de salut?

Elle ne savait plus!

Fermant les yeux, elle repassa dans sa mémoire les évènements de la veille...

D'abord, il y avait eu la sortie du monastère, avec l'envie folle de se rendre en taverne pour savoir si Aimelin était toujours en ville, si il allait bien, si son silence des derniers temps n'était dû qu'à un manque de temps, mais plus encore le besoin de rejoindre sa chambre d'auberge pour voir si aucune lettre inespérée de Kernos ne l'y attendait.

C'est d'ailleurs sous la porte de cette chambre qu'elle avait trouvé une toute autre missive, une missive lui intimant l'ordre de quitter le territoire de la Champagne...

Quitter la Champagne avant le surlendemain? Mais c'était impossible! Elle était bien trop loin de la première frontière en dehors du domaine royal! Il lui faudrait au moins trois jours pour exécuter l'ordre! Et puis elle ne connaissait personne pour l'accompagner, pour la soutenir, pour la guider!

La main tremblante, elle avait adressé un courrier à qui de droit, Dame Hersent, un courrier rempli de sa détresse, et teinté d'idées noires.


Citation:
Mes respects,


C'est d'une main tremblante que je prends la plume pour vous écrire ces quelques mots, une main tétanisée par la peur....

Je suis sortie de retraite il y a une petite heure à peine, et ai trouvé sous ma porte une missive du douanier de Sainte Ménéhould, le sieur Nono18, me donnant pour consigne de quitter la Champagne avant le 25 août, soit dans deux jours, et m'expliquant qu'avant mon départ je devais vous demander un laisser-passer.

Ma lettre a donc pour but de vous demander ce laisser-passer, et ce afin que je fasse le maximum pour sortir le plus rapidement possible de votre duché.

Là où je me sens perdue, c'est que... Me trouvant à Saint Ménéhould, je ne peux pas avoir franchi les frontières me faisant sortir du domaine royal dans le délai imparti... La Bourgogne, et Tonnerre, se trouvant à trois jours de marche...

Pouvez-vous me confirmer que je puisse bien entreprendre ce voyage et me rendre à Tonnerre sans risquer de me voir mise en procès ou pire encore la cible de vos armées?

Dans tous les cas, c'est plus le déshonneur d'une telle fin que la mort en elle-même que je crains, puisque dans tous les cas ma santé étant de plus très très faible - raison de ma retraite spirituelle - et ne connaissant personne pour m'accompagner, ni même me protéger, je ne crois pas survivre à ce voyage...

Si d'aventure l'on retrouvait ma dépouille sur vos routes, auriez-vous l'obligeance de prévenir le sieur Kernos Rouvray, en Lyonnais-Dauphiné. Il est sans doute le seul à qui j'ai envie de dire "adieu".

J'attends votre accord avant de prendre la route...

Bien à vous.

Terwagne Méricourt,
Vicomtesse d'Orpierre
Présidente de la Cour d'Appel Royale


La réponse n'avait pas tardé.
Une autorisation de laisser-passer, et une promesse de prévenir Kernos si jamais...

Alors, toujours tremblante, elle avait pris la route, immédiatement, sans se retourner, sans même passer en taverne pour dire au revoir aux visages croisés les derniers temps, craignant trop de ne plus être capable de cacher sa détresse à qui que ce soit.

En quittant la ville, elle s'était malgré tout arrêtée devant le panneau d'affichage des annonces ducales, et était restée perplexe... On y parlait de la nécessité d'obtenir un laisser-passer pour franchir les frontières, mais nullement d'une obligation de quitter le territoire.

Etrange...

Avait-elle mal compris le courrier, ou plutôt les courriers?
Aurait-elle du demander plutôt une autorisation de rester en Champagne?

Il était de toute façon trop tard pour se renseigner, ses bagages étaient faits, sa note d'auberge réglée... Elle franchit donc sans plus tarder les portes de la ville, emmitouflée dans sa solitude et son désespoir, certaine que le premier visage qu'elle croiserait sur sa route serait celui de sa délivrance, celui de la mort.

Une nuit et une journée s'étaient écoulées sans qu'elle la croise, une nuit et une journée qui l'avaient menée au pied de cet arbre où elle ne savait plus si elle devait avancer vers la droite ou vers la gauche, où elle ne parvenait même plus à repérer sur cette satanée carte où elle se trouvait au juste.

Et là, aussi incroyable que cela puisse paraitre, alors qu'elle-même n'avait aucune idée de l'endroit où elle se trouvait, un messager parvint à la trouver! Un messager lui délivrant une missive signée Aimelin...

Il n'en fallut pas plus pour faire redoubler ses larmes, ni pour la plonger à nouveau en plein doute.

Devait-elle réellement quitter la Champagne et risquer sa vie, ou existait-il une possibilité d'obtenir un droit de séjour?

Un droit servant à quoi, au juste?
A prolonger son agonie?

A renouveler le bail qu'elle avait passé avec la vie il y avait de cela bien trop longtemps déjà?

_________________
Terwagne_mericourt
[Un peu moins perdue, toujours en Champagne, le 25 août 1459 :]

Et si on laissait faire le temps,
Le temps d'être à sa place, toujours vivant.
Et si on se donnait le temps,
De se voir face à face, tout simplement
Se laisser faire, sans décider.
Partir ou rester...

(Calogero)


Le messager, elle l'avait retenu un instant auprès d'elle, non pas pour lui tenir compagnie, non pas pour briser sa solitude, mais bien pour lui demander de lui indiquer le chemin vers le sud, et aussi pour lui confier à son tour une missive à délivrer.

Cette missive, qu'elle rédigea au final fort rapidement, n'était pas - comme on pourrait s'y attendre - une réponse à celle d'Aimelin, mais bien une demande de précisions adressée à la Dame Hersent.


Citation:
A Dame Hersent,
Salut et paix!


J'ai bien reçu votre autorisation de voyager hier soir, et vous en remercie grandement.
J'ai effectivement pris immédiatement la route afin de me diriger vers le sud, le plus vite que me le permet mon état.

Par contre, m'étant arrêtée un instant devant le panneau des annonces ducales juste avant de quitter la ville où je me trouvais, je vous avoue avoir été prise d'un doute... En effet, sur celui-ci, on fait mention de l'obligation d'obtenir un laisser-passer pour entrer ou sortir du Duché de Champagne, mais aucunement d'une quelconque obligation pour les étrangers de quitter le duché.

Je reviens donc vers vous ce soir afin d'éclairer ma lanterne sur ce point bien précis : existe-t-il un moyen d'être autorisée à rester en Champagne?

Je pense humblement que ma fonction d'Officier royal dans le domaine de la justice devrait vous prouver que je suis loin d'être une truande, une guerrière, ou quoi que ce soit de ce genre... De plus, comme je vous l'ai déjà dit, je suis quelque peu souffrante et crains vraiment de me trouver seule sur les routes.

Si il n'existe pas d'autre solution, je quitterai le duché sans plus vous importuner, cela va de soit...


Avec tous mes respects,

Terwagne Méricourt,
Vicomtesse d'Orpierre,
Présidente de la Cour d'Appel Royale.


Et en attendant, elle avait repris la route que lui avait indiquée le messager, celle qui devait la mener à Troyes, puis plus bas, vers les frontières et le point de non-retour sans doute.

Mais à peine était-elle arrivée à Troyes que déjà on lui remettait deux nouvelles missives, deux vélins remplis de mots qui allaient tout changer... Elle était autorisée à rester en Champagne, et mieux encore on lui proposait l'inattendu : l'hospitalité d'une Baronne.

Emue, mais surtout soulagée il faut bien l'admettre, elle chercha une taverne où pouvoir s'installer confortablement en vue de rédiger réponse à la proposition.


Citation:
A la Baronne d'Arzillière,
Avec toute ma gratitude.


J'ai reçu votre missive ce matin, alors que je venais de franchir les portes de Troyes, espérant y reprendre quelques forces avant de poursuivre la route qui me ferrait quitter la Champagne, et je tiens à vous dire qu'elle m'a été d'un grand réconfort, tout comme l'a été l'autorisation de résidence illimitée que j'avais reçu de la part de Dame Hersent quelques instants plus tôt à peine.

Vous parlez d'audace? Pour ma part je dirais que votre geste est emprunt d'une grandeur de coeur qui fait malheureusement défaut à bon nombre de personnes en ce Royaume.

Et puisqu' à présent je suis officiellement autorisée par Dame Hersent à rester dans votre beau duché, sachez que j'accepte humblement votre invitation.

J'espère être un jour en mesure de vous remercier comme il se doit pour la gentillesse qui est la vôtre, et espère que vous ne regretterez pas cette main que vous m'avez tendue.


Avec toute ma reconnaissance,

Terwagne Méricourt,
Dame de Taulignan,
Vicomtesse d'Orpierre,
Présidente de la Cour d'Appel Royale


Et puisqu'elle était assise, puisqu'elle avait devant elle de quoi écrire encore, elle chercha les mots à adresser en réponse à Aimelin... Des mots pesés, réfléchis, torturés à force d'être retournés dans tous les sens, tant elle les voulait ni trop transparents, ni trop froids. Elle ne savait que trop bien à quel point il chercherait à comprendre entre ses lignes, à quel point il se blesserait de la moindre froideur, se chagrinerait de la moindre note de détresse.

Dieu que tout était compliqué entre eux depuis sa venue en Champagne!
Dieu qu'elle regrettait le temps où leur relation n'était faite que d'envie et de fantasme de mieux se connaitre, de finir par se trouver.

Aujourd'hui, elle se disait que de se trouver n'avait servi qu'à les faire se perdre en partie.


Citation:
Messire l'Ebouriffé,

Je suis revenue de mon séjour chez les moines, oui, pour trouver sous ma porte cette missive officielle de demande de quitter le territoire à laquelle vous faites allusion.

Je ne vous cacherais pas qu'à ce moment plus qu'à aucun autre j'ai senti s'écraser sur moi le poids de la solitude qui est mienne depuis que j'ai quitté Kernos et ai décidé de venir chercher quelque réconfort auprès du seul ami qui était mien alors : vous-même.

Ne sachant vers qui me tourner, mais ne désirant pas me mettre en défaut vis à vis de la loi, j'ai pris la route, seule, persuadée qu'elle me mènerait vers la mort. Mais c'était sans compter sur la gentillesse de deux dames bien nobles de coeur, qui m'ont aidée à pouvoir rester, et même offert l'hospitalité pour l'une d'elle.

Je me trouve donc actuellement à Troyes, d'où je ne compte pas partir avant d'avoir repris des forces, ce qui risque de demander quelques temps, soit dit en passant.

Je ne veux pas que vous vous inquiétiez pour moi, mais je suis incapable de vous mentir, aussi dois-je bien vous avouer que ma santé est quelque peu en berne depuis plusieurs semaines à présent. Mon manque d'appétit depuis mon départ du Lyonnais-Dauphiné s'est aggravé, mon corps encore quelque peu amaigri, et je crains fort que si d'aventure le hasard nous faisait à nouveau nous croiser vous vous retrouviez sans plus rien à épier dans mon décolleté, et soyez obligé de vous contenter de croiser mon regard, pas totalement éteint.

Je vous taquine, rassurez-vous, en parlant de mon décolleté. Je ne pense pas que cela soit dans vos habitudes à mon égard, ou alors vous êtes sacrément discret.

Quoi qu'il en soit, je puis au moins vous rassurer sur un point : je n'ai pas oublié moi non plus cette salle d'archives, ni nos promesses. Je les ai rangées quelque part dans un coin de ma tête, comme toutes ces petites choses qui nous permettent de tenir quand la vie nous donne envie de lui dire au revoir.

Concernant Etampes, je vous remercie pour cette invitation que je n'ai pas oubliée non plus, mais je crains fort de ne pas être en mesure de supporter le voyage... Pas pour le moment en tous cas.

Merci pour le sourire posé sur votre parchemin, sourire que je voudrais vous voir garder longtemps sur le visage.


Prenez soin de vous, Aimelin, et promettez-moi de ne point trop chercher à lire entre mes lignes toutes ces choses que vous craignez depuis mon arrivée en Champagne... Mon amitié vous est acquise, à jamais, quand bien même elle me semble parfois bien pâle en regard de mes rêves de jadis.

Terry,
Celle qui voudrait quelques fois retrouver cette salle d'archives.

_________________
Aimelin
[Conflans, le 4 septembre.... les jours passent… les souvenirs restent]

"Il y a des luttes dans mon royaume
Mais elles ne sont pas éternelles
Je ne veux plus être un fantôme
Un simple gamin sans rêves"
(Kirsie - A bout de force)



Ils étaient à Conflans depuis le trente du mois d'août. Mobilisation et puis il devait représenter sa Suzeraine, Dotch de Cassel, chargée d'une tutelle dans le Maine. Depuis quand n'avaient ils passés une nuit tranquille, sans entendre au beau milieu de la nuit, le cri de ralliement : "Alerte !!!". Ah c'est qu'elles étaient animées les nuits à Conflans. Des voyageurs insousciants qui prenaient les chemins champenois pour des chemins de promenades tranquilles, il y en avait à la pelle. Et chaque nuit, le jeune ébouriffé testait la solidité de son bouclier et le tranchant de sa lame. Mais tout cela n'avait rien à voir avec Vae et cette attente insoutenable de ces attaques que l'on savait inévitables et inégales.

Vae... indubitablement, ce mot le ramenait en Béarn, deux étés avant. Le Béarn. Il savait maintenant qu'il ne reviendrait pas vivre en ce comté étrange où vivre en paix n'existait pas, où le respect n'avait pour visage qu'une fugace et flou apparence.
Il savait juste que s'il y revenait ce serait pour aller sur une tombe à l'orée de ce bois, dans ce petit cimetière à la sortie de Pau. Pour palier à ce manque, à ce vide qui l'avait englouti l'été 58, il avait planté à Etampes, une petite croix de fer ornée d'un soleil aux abords d'un massif de fleurs des champs, dont l'ombre bienveillante d'un arbre à quelques pas l'abritait quelque peu, et faisait de cet endroit, son jardin secret, là où ses pas le ramenaient lorsque le vide et le manque d'elle devenaient à nouveau insupportables.

Les hautes herbes bougeaient doucement sous la brise qui laissait passer un doux murmure, comme un appel. Assis sur un tronc d’arbre, à quelques pas de la tente, le jeune gars leva les yeux vers l'agitation fébrile qui commençait à réveiller le campement, laissant le vol de sa plume en suspend. Le peu de vent soulevait son parchemin sur lequel il s’appliquait à coucher quelques mots, pour une jeune femme qui malgré elle faisait partie de sa vie.


Citation:
Conflans, le 4 septembre 1459

Terry,


Je n'aimerais pas qu'il vous arrive quelque chose et serai triste à jamais, comme je le suis lorsque mes fantomes reviennent me hanter.
Vous n'avez pas été raisonnable de quitter Sainte, et surtout seule. Votre solitude j'y creuse un petit nid où je viendrai vous voir et parler, vous écouter et vous voir sourire.

Je suis néanmoins rassuré que vous soyez à Troyes, et avec des anges gardiens. Et vous ne m'empêcherez pas de m'inquiéter pour vous, surtout si vous êtes fatiguée et je le sais... lasse. Mais même si je ne suis pas à côté de vous, je vous promets que je suis là, comme peut l'être quelqu'un qui se soucie de vous.

Pour ma part je suis à Conflans dans l'armée de la duchesse Maltea. Tout ça me rappelle Compiègne et puis Vae... comme si le destin se faisait un malin plaisir à nous remettre face à ce passé que l'on veut parfois oublier. Mais je vous promets d'être prudent.

L'allusion à votre décolleté m'a fait sourire malgré tout.

Nul besoin de regarder ce décolleté pour vous voir, même si je suis persuadé que sa beauté ne peut être que tentation. Aussi je préfère penser à vos yeux, à votre bouche où ce joli sourire m'a toujours ravi.
Quoique ça n'est peut être pas une bonne idée non de penser à votre bouche mais quelle que soit la partie de vous que vous voudriez me cacher, je ne pourrai m'empêcher de vous voir.. vous.. telle que vous êtes... vous, celle que j'aurais sans doute dû encourager à goûter d'avantage le parfum des baisers dans cette salle, parfum qui nous aurait conduit je le sais, à nous mêler et à savourer ces moments.

Mais la vie nous ramène souvent à ce qui doit être, et je garde au fond de moi des souvenirs que rien ne pourra jamais effacer.

Je suis rassuré que cette salle d'archives soit rangée à l'abri dans un coin de votre tête comme elle l'est dans la mienne. Etampes, qui se situe à côté de château-Thierry en Champagne, n'est qu'à deux journées à cheval de Troyes, à l'ouest de Sainte Ménéhould, et vous est ouvert quelque soit le jour, si vous aviez besoin d'un endroit où vous poser le temps que vous le désirez. Je vous l'ai déjà dit mais vous le redis car je suis très têtu, en plus d'être ébouriffé.

Je voudrais également vous voir garder ce sourire et vos rêves. Quant à vous promettre, je n'en suis pas capable, et ne veux point vous mentir alors je vous répondrai juste que je vais essayer de moins lire entre vos lignes, et de me conforter dans l'idée que votre amitié, quelle qu'en soit la couleur, est là à jamais, comme vous avez la mienne avec tout ce que cela comporte de tendresse et d'attentions, et cela, quel que soit ce que réservera cet avenir auquel je ne pense pas, profitant du présent que je vis et mords à pleines dents.

Donnez moi de vos nouvelles, n'oubliez pas votre ébouriffé.

Je vous embrasse et vous recommande encore de prendre soin de vous.


Aime, dict l'ébouriffé
qui aime autant vos yeux, votre sourire que votre décolleté, oui je sais je suis infernal.


Dernière lecture avec un sourire qui s'afficha. Pourquoi taire cet humour qui avait fait partie de leur relation que personne ne pourrait jamais briser. Un froncement de sourcils en espérant qu'elle n'ai pas quitté Troyes et soit restée chez cette personne qui lui avait offert l'hospitalité.

Il laissa son regard se porter vers les arbres où était délimité un espace pour les chevaux. Ses mirettes grises se posèrent sur Altaïr. Les chevaux étaient une tres bonne thérapie pour ceux qui ne voyaient plus le bout de leur chemin et ne marchaient qu’au milieu de brumes. Combien de fois l'avait il aidé à avancer. Il secoua la tête et se repencha sur sa missive qu’il signa, avant de l'attacher à la patte de son messager et de le libérer pour le regarder s'envoler. Puis il se dirigea vers le feu et se saisit d'une timbale qu'il remplit de tisane chaude.

Les matins étaient frais, l'été trainait encore les pieds mais l'arrière saison allait bientôt prendre le dessus, et apporter sa fraicheur. Tout en buvant il laissa son regard parcourir le campement qui s'éveillait lentement.



En quelques phrases, en quelques lettres
Il me semble si bien vous connaître
On écrit bien mieux qu'on ne dit
On ose tout ce que la voix bannit..."
(Goldman - Nous ne nous parlerons pas)




[pardonnez moi... je suis une truffe qui n'avait pas fait attention à son oubli de post ^^]

_________________

Merci aux merveilleuses rpistes avec qui je joue
Terwagne_mericourt
[2 octobre 1459, Paris, bureau privé de la Présidente de la Cour d'Appel :]

Les lueurs immobiles d'un jour qui s'achève
La plainte douloureuse d'un chien qui aboie
Le silence inquiétant qui précède les rêves
Quand le monde disparu l'on est face à soi.


("Veiller tard", J.J.Goldman)

Une porte claquant sous la violence de l'impulsion que vient de lui donner la main de celle qui n'a qu'une hâte, se retrouver seule... C'est par ce bruit aussi sec qu'inhabituel que les meubles de son bureau privé entendirent arriver Terwagne ce soir-là.

A ses oreilles, les échos de sa propre voix, les relents de ces mots qu'elle venait de prononcer dans la salle d'audience où s'était tenue la révision de l'affaire "Stamildon contre Béarn", comme l'avait intitulée son requérant, audience à laquelle elle venait de mettre un terme en attendant le verdict sur lequel il fallait à présent qu'elle se penche...

"Cher Procureur Adjoint...

... je vous remercie pour ce réquisitoire fort complet et fort clair, que nous avons bien écouté et entendu.

Ecouté, pris en compte, apprécié, et j'en passe, ce qui ne signifie pas que nous le suivrons forcément aveuglément, et Aristote en soit loué!

Aristote en soit loué, oui!
N'en déplaise à certains!

Parce que si c'était aussi simple que cela, à quoi bon nommer des Juges et obliger tout le monde à attendre le retour de ceux-ci pour les écouter ânonner ce que les Procureurs auraient dit quelques heures plus tôt? A rien!

Quoi qu'il en soit, l'heure est donc venue pour tous de quitter cette salle pour se dégourdir les jambes en attendant notre verdict, qui si il n'est pas un simple écho à votre réquisitoire ne remettra en rien en question votre travail, soyez en assuré, si besoin en était encore."


Oui, les mots lui avaient échappés!

Oui elle avait ainsi laissé entre-apercevoir à tout un chacun la tension qui régnait depuis quelques temps entre elle et un procureur frustré de voir que certains verdicts n'étaient pas des répétitions de ses réquisitoires!

Et elle le regrettait, s'en mordait même la lèvre comme pour se punir de ne pas avoir été capable de retenir ses mots, mais il l'avait poussée à bout aussi, il fallait bien l'admettre, avec ses allusions grotesques dans son réquisitoire.

Jetant sur son bureau les vélins remplis de la soigneuse écriture du greffier, ces feuillets remplis des minutes de l'audience qu'elle venait de quitter, elle soupira, puis se dirigea vers la fenêtre, derrière laquelle il n'y avait rien à observer, pas même la lune qui semblait absente ce soir, à moins qu'elle ne soit simplement cachée derrière les nuages.

La direction qu'elle donnerait à sa proposition de verdict, celle qu'elle présenterait le plus rapidement possible aux autres Juges afin de rendre un verdict collégial, elle la connaissait d'ores et déjà, l'affaire était somme toute assez simple, de ce genre d'affaires qu'on aimerait traiter plus souvent tant elles semblent légères en regard d'autres... Le travail serait léger, juste des tournures de phrases à trouver, et les articles de Coutumier à chercher pour les retranscrire.

Rien de bien lourd, donc.
Rien dont le poids puisse être comparé à celui de sa lassitude de tout et de tous, ou presque.

Béarn... Hum... Elle avait sans doute déjà du avoir la charge d'audiences passées concernant ce Comté... Un petit tour aux archives l'aiderait sans doute à retrouver la façon dont elle avait tourné alors ses verdicts, et plus précisément celui où elle se souvenait avoir axé sa sentence sur un "alignement" des peines.

Quittant la fenêtre, elle jeta un coup d'oeil au tableau où toutes les audiences qu'elle avait menées étaient répertoriées et trouva la liste bien longue. Vingt-sept! Elle en était à sa vingt-septième audience! Le chiffre l'étonna... Vingt sept audiences, quatre encore ouvertes, deux en attente de verdicts, trois fermées pour des raisons diverses, et dix-huit verdicts rendus... Y avait de quoi confondre parfois les unes avec les autres quand on cherchait une chose bien précise pour se la remettre correctement en mémoire.

Vingt sept, oui, mais uniquement deux concernant le Béarn : celle qui ce soir la préoccupait et celle qui correspondait à un des tout premiers verdicts qu'elle aie eu à rendre, puisqu'il s'agissait du second pour être précise... L'affaire "Ptitmec Vs Béarn".

L'esprit obscurci par les relents de colère qu'elle ressentait encore à l'égard du Procureur qui venait de la mettre hors d'elle, elle ne réalisa pas de suite que l'audience Ptimec avait habituellement une place bien précise dans ses souvenirs, pas plus qu'elle ne pensa au fait que de pousser la porte de la Salle d'archives risquait de faire déferler en elle bien des souvenirs justement...

Elle quitta des yeux son tableau, quitta son bureau, et prit la direction de cette fameuse salle, sans se douter un instant que son coeur allait y vaciller.


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[2 octobre 1459, Paris, Salle des archives d'audiences de la Cour d'Appel :]

Ces visages oubliés qui reviennent à la charge
Ces étreintes qu'en rêve on peut vivre cent fois
Ce raisons-là qui font que nos raisons sont vaines
Ces choses au fond de nous qui nous font veiller tard

Ces paroles enfermées que l'on n'a pas su dire
Ces regards insistants que l'on n'a pas compris
Ces appels évidents, ces lueurs tardives
Ces morsures aux regrets qui se livrent à la nuit

(Le même)


Si elle ne s'y était pas attendue, eux en tous cas l'attendaient là-bas, tels un raz de marée contre lequel elle ne put guère lutter, pas même essayer. Les souvenirs étaient là, et ils la prirent de face.

A peine avait-elle franchi la porte qu'elle l'avait aperçu... Le fantôme d'Aimelin, là, lui tournant le dos, penché vers la fenêtre derrière laquelle tous deux avaient jadis observés les toits de Paris afin d'éviter de laisser leur regard se croiser, s'embraser.

Ensuite, il y eu sa voix et ses silences, ses mots et ses pauses, toutes ces choses dites ou tues entre eux...

Il y eu son souffle, sa respiration dont elle eut soudain l'impression de la sentir à nouveau dans sa nuque, jouant avec les quelques cheveux qu'elle n'avait pas réussi à relever avec les autres...

Il y eu l'écho du frisson, la chaleur, la brûlure, puis le froid...

Il y eu ce froid atroce qui soudain la glaça, la figea sur place, incapable d'encore faire un pas ou un geste...

Ce froid qu'elle sentit s'élancer dans son coeur comme une lame, le transperçant, le faisant voler en éclats.

Ses mains s'y portèrent, comme si elle espérait empêcher ces milliers d'éclats de se répandre en elle, et sa bouche s'ouvrit en un cri muet, juste avant que son corps ne rejoigne le sol, le sol de cette Cour d'Appel qui représentait le seul endroit où elle existait encore réellement, mais qui un jour l'oublierait à son tour.

_________________
Terwagne_mericourt
[15 octobre 1459, bureau privé de la Présidente de la Cour d'Appel:]

"Dehors, derrière mes barreaux,
J'entends l'eau d'un ruisseau,
Fredonnant des croisières,
Des montagnes à la mer.

On est fin septembre,
Le froid se fait attendre."

(DLZ, "Fin septembre")

Devant elle, comme chaque soir, un dossier était posé.
Derrière elle, de l'autre côté de la fenêtre, comme chaque soir la ville s'endormait.
Pourtant, ce soir-là, elle n'arrivait pas à plonger son regard vers les vélins couverts de mots...

Par moment, elle s'y obligeait, mais cela ne durait que quelques instants, quelques fragments d'éternité, et bien vite ses prunelles sombres comme des nuits sans étoiles retournaient à leur guet impuissant de la porte qui la coupait du monde, cette porte que malgré elle elle espérait voir s'ouvrir sur quelque greffier tenant à la main une missive.

La porte ne s'ouvrirait pas, elle le savait, mais c'était plus fort qu'elle elle espérait sans même en avoir réellement conscience. Comme une rengaine qu'on murmure sans s'en rendre compte, qu'on ne parvient pas à chasser de ses pensées, sans savoir pourquoi, même pas parce qu'on l'apprécie spécialement, ou du moins pas consciemment. On la chantonne et en même temps elle nous agace. On voudrait s'en débarrasser, mais elle nous tient au corps et à la tête.

Un long soupir s'échappa de ses lèvres, tandis que de sa main gauche elle repoussait plus loin le dossier sur lequel elle avait prévu de travailler cette nuit-là, faisant par la même occasion apparaitre quelques vélins bien différents, puisqu'il s'agissait de courriers privés et non de minutes d'audience. Sa main les caressa un instant, comme si elle espérait les obliger à se rendormir dans sa mémoire. Pourtant, elle les relut, s'arrêtant sur un passage bien précis de l'un d'eux, le brouillon d'une missive qui avait été écrite par elle-même quelques jours plus tôt.


Citation:
... cette seconde lettre qu'étrangement j'attendais. Pour tout dire une partie de moi l'espérait les premiers temps, un peu comme on espère - sans savoir ni qui ni quand ni pourquoi - que soudain quelqu'un frappera à notre porte pour briser la solitude funèbre où l'on s'est enfermé pour fuir le bruit et le monde. Alors on regarde la porte, on attend, on espère tout en se disant que si c'était le cas on serait bien ennuyé, puisqu'on aurait même pas de conversation à lui offrir, pas de chaleur, pas de siège, et pas non plus de liqueur pour lui faire oublier le terne de notre intérieur.

Vous avez frappé à cette porte, et derrière je me sens bien ennuyée...


Nouveau soupir de la femme, qui brusquement se lève et va s'adosser à la porte, cette fameuse porte qui occupe toutes ses pensées depuis des heures à présent.

Vous avez vu qu'il faisait bien terne, en effet, et vous ne viendrez plus frapper pour entrer...
Et si même vous veniez malgré tout, je ne vous ouvrirai pas.
Il me faut vous empêcher d'entrer, de voir, de parler...
M'empêcher moi-même de répondre et d'ouvrir surtout...


Elle laissa les mots franchir ses lèvres, avec l'espoir idiot que de les rendre sonores rendrait sa détermination plus forte, plus réelle. Mais c'était idiot, elle le savait.

La vérité c'était que ces quelques échanges lui avaient remis en mémoire d'autres échanges avec un des protagonistes d'une autre audience, jadis. Jamais avant lui, ni depuis, elle n'avait laissé l'approcher, ne serait-ce que par écrit, quelqu'un rencontré lors d'une audience dont elle avait la charge. Jamais non! Jusqu'à quelques jours plus tôt...

Oh, elle ne craignait pas que ces quelques échanges mettent à mal sa neutralité, pas non plus qu'ils influencent le verdict qui dans tous les cas serait rendu par l'ensemble des Juges et non par elle seule, loin de là même, puisque de toute façon ils y parlaient de tout sauf de l'affaire! Non, ce qu'elle craignait c'était de... De quoi au juste? De se dévoiler? De rêver? De prendre la tangente? De se laisser blesser? Un peu de tout cela, sans doute...Toutes ces choses auxquelles l'avait menée sa rencontre en pleine audience avec Aimelin des années plus tôt.

Aimelin qui...

Aimelin qui lui aussi lui avait si souvent écrit ou dit qu'il fallait profiter de chaque instant, des portes entrouvertes.

Aimelin dont elle avait fuit les dernières invitations, et surtout celle de lui rendre visite en son domaine, là où personne ne viendrait troubler leurs non-dits, leurs aveux.

Aimelin...

Son dos quitta alors la porte, et ses pas la conduisirent vers sa cape, qu'elle termina d'enfiler en franchissant cette satanée porte.


"Et ce soir, je laisserai s'envoler
Mes rêves de liberté ;
Cent mille espoirs inavoués.
Peut-être qu'en chemin,
Ils s'uniront aux possibles.

Et que demain...
Et que demain..."

(idem)
_________________
Aimelin
[Sainte Ménéhould, le 21 octobre ]

"Nous Ne Nous Parlerons Pas
Nous oublierons nos voix
Nous nous dirons en silence
L'essentiel et l'importance

Utilisons nos regards
Pour comprendre et savoir
Et le goût de notre peaux
Plus loquace que des mots "

(Goldman - Nous ne nous parlerons pas)
*


Les mirettes grises sont soucieuses malgré qu'elles soient posées sur le lac, ce lac qu'il aime tant, qui a vu ses larmes, ses rires, ses incertitudes, ses espérances. Juste une brise assez froide en ce début de journée du mois d'octobre qui s'étiole déjà sur sa fin et qui annonce l'arrivée de jours bien plus froids. Bientôt la Champagne crisserait sous ses pas, ferait craquer le moindre brin d'herbe qu'elle envelopperait d'une gelée blanche avant que la neige ne la recouvre d'un tapis immaculé qui cacherait la désolation de certaines terres.
S'il est soucieux ça n'est pas tant à cause du froid mais de ce qui se passe dans ce Duché qu'une poignée mène et malmène. La Champagne… cette terre qui le rattache à son passé, à tant de personnes si chères à son coeur. Sa petite Lily, Magdeleine, Mélissande, Shandra, Sosso, Lara, May, Quasi… certains visages ne sont plus, d'autres sont quelque part dans le royaume. Les reverra-t-il un jour ? il est si vaste ce royaume.

Un soupir en remontant les rames et les bloquant sur la barque avant de sortir de la poche de sa veste une missive reçue peu de jours avant, que lentement il déplie à nouveau, une petite lueur au fond des yeux, prenant bien garde à ne pas la faire tomber sur le fond humide de la barque. A la première lecture il a ressenti une boule dans son ventre, une impression d'abandon, alors il a fait ce qu'elle déteste qu'il fasse, lire entre les lignes, chercher ses mots qu'elle cache derrière d'autres, cette tendresse dont il a besoin égoïstement.

Il s'est surpris à sourire à son bonheur, a revu pour la millième fois cette salle d'archives. Bien sûr que lui aussi aurait aimé que cette salle ait plutôt laissé la place à une rue, un parc ou la campagne enneigée, mais on ne choisit pas toujours le lieu d'une rencontre, si forte soit elle.
Il ne garde de cette salle que la chaleur de leur discussion, que la sensation douce et étrange de leurs non dits, de leurs regards et de leurs gestes, comme ce doigt qu'elle avait posé sur les lèvres du jeune homme pour lui faire signe de se taire alors que des bruits se faisaient entendre du couloir.

Il porte son doigts à ses lèvres en fermant les yeux se souvenant du contact, mais c'est un autre regard qui s'affiche en face de lui. Des prunelles aciers, un visage aussi doux mais sur lequel il lit des tourments, des questions, des peurs qu'il ne comprend pas. Non point celui de la Vicomtesse son amie auteur de cette missive, mais celui de cette jeune femme brune qu'il connait depuis l'été 55, son amie, celle avec qui il a traversé tant d'aventures, avec qui lorsqu'il était Connétable du Béarn et elle Capitaine, il avait travaillé deux mandats durant, essayant d'abord sous le mandat de Gnia et puis sous celui de Vanyel, de mettre un peu d'ordre dans un ost moribond et livré à lui-même, supportant le mépris affiché de certains piètres soldats, leurs insultes et leur insubordination. Les mêmes qui aujourd'hui pourtant ont des fonctions et tiennent sans doute les mêmes discours que les deux jeunes conseillers d'alors.

Kirika… son amie, sa complice de toujours, où est elle aujourd'hui… et "la pas plus haute que trois pommes".. a-t-elle toujours ses couteaux en bois et son petit chat ? La boule s'est déplacé de son ventre à sa gorge tandis qu'il relit le courrier de la Présidente de la Cour d'Appel.
Un sourire empli de tendresse tant il est fier d'elle, fier d'être son ami à défaut d'être autre, fier de ce qu'elle lui a apporté et lui apporte encore sans le savoir, fier de cet étrange lien si fort qui les unit.

Un regard vers la berge avant qu'il ne se décide à farfouiller dans sa besace pour en sortir son précieux flacon d'encre qu'il cale soigneusement à ses pieds, et un parchemin sur lequel il laisse glisser ses mots avec simplicité comme il le fait à chaque fois avec elle.

Citation:
Sainte Ménéhould le 21 octobre 1459


Terry,


Je suis désolé, la lettre glissée sous la porte n'est pas celle que vous espériez, mais seulement celle de l'Ebouriffé.

Je suis heureux d'avoir enfin de vos nouvelles et qui plus est, rassurantes, même si je sens le ton de vos mots étrangement différent, dépourvu de cette tendresse et complicité habituelles, du moins en apparence. Mais où vous vous trompez, c'est que je ne peux détester des personnes qui vous rendent le sourire et vous rendent heureuse, même éphémèrement, malgré que je les mette en garde sans les connaître, s'ils vous faisaient souffrir.

Lorsque vous parlez de cette rencontre avec qui vous échangez par la voix, vous êtes injuste, oui. Combien de fois vous ai-je demandé de passer à Étampes, combien de fois vous ai-je proposé de venir parler où que nous soyons. Nos discussions me manquent, vos sourires et vos regards, cette complicité faite de mille petites choses me manque. Et pourtant je suis heureux moi aussi.

Quoi qu'il en soit, bien qu'aux côtés d'une jeune femme jolie et agréable, qui me fait oublier bien des choses et enveloppe ma vie d'un voile de tendresse et d'attentions, ce qui ne m'était pas arrivé depuis si longtemps, je ne vous oublie pas et je suis resté le même à votre égard, et le resterai jusqu'à mon dernier souffle. Vous m'aviez promis de ne point changer, et je prie pour que cela n'arrive pas car moi je ne changerai point.

Oui je me bats pour la Champagne malgré que ses dirigeants ne le méritent pas. Ils sont méprisants, ne s'adressent à moi et à d'autres, quand ils me voient bien entendu, que pour me demander si je suis "opérationnel", se fichant éperdument de la gravité de mes blessures, où si j'irai combattre l'ennemi à poings nus. D'ailleurs j'ai laissé à la Curia un courrier faisant état des armes détruites pour ma section en demandant leur remplacement, où si cela coûtait trop cher, de nous fournir alors des caisses de gobelets gravés du blason de la Champagne, afin que nous puissions les balancer sur nos ennemis afin qu'ils sachent leur provenance.
Je vous ferai parvenir à votre Domaine, quelques exemplaires de ces gobelets qui vous rappelleront l'ébouriffé et vous feront peut être sourire en pensant à lui.

Heureusement que ma Suzeraine, la grande Dotch de Cassel, a d'autres considérations pour moi et se soucie de ce qu'il peut m'arriver, ce qui m'évite de m'énerver après cette bande de gougnafiers. Oui vous l'avez deviné, je suis en colère et dégoûté par certains qui sont vraiment prêts à tout pour recevoir honneurs et titres.

Donc en ce moment, je suis en convalescence à Sainte où je pêche sur le lac en essayant d'oublier toutes ces choses, tout en veillant néanmoins sur ce village où pour l'instant je me sens bien avant d'aller voyager sur les chemins, si Aristote le veut bien. J'ai des envies de voir la mer, de respirer cet air parfumé d'embruns, de marcher le long de grandes plages de sable ou cailloux, ou sur des sentiers bordant des falaises lorsque le vent vous fouette le visage et vous oblige à fermer les yeux pour mieux en ressentir la force.

la plume se pose pour repartir

Bien sûr que j'ai auprès de moi un morceau de vous, comment pourrait il en être autrement. La vie ne se construit qu'en mettant bout à bout des souvenirs, des morceaux de vie que l'on aime, d'autres qui nous font mal mais qui sont nécessaires afin de nous rendre plus forts.

Lors de nos discussions avec Aliénor, nous évoquons souvent vos phrases et vos mots. La pluie, où l'on y entend les mots d'amour de ceux qui nous ont quitté, souvent trop tôt, comme vous nous l'aviez si joliment dit. Vous voyez, vous êtes là que vous le vouliez ou non, et vous êtes loin de n'être personne pour moi, et ce ne sont pas les grands discours qui font la sincérité du cœur.

A défaut de salle d'archives qui en fin de compte ne sert qu'à y déposer des dossiers qui deviendront poussiéreux au fil du temps, je souhaite que nous puissions discuter encore, mais avec pour compagnie le vent qui court et joue autour de nous, même si je garde précieusement au fond de moi cette salle, notre salle.

Je glisse un autre baiser que vous pourrez à nouveau poser où bon vous semble, afin qu'il vous porte chance et vous permette de garder à l'esprit toute l'importance que vous avez pour moi. Je vous donnerai toujours de mes nouvelles régulièrement.



Avec toute ma tendresse et mon amitié inaltérable.


L'Ebouriffé
qui vous demande encore de prendre soins de vous

Une lecture, une relecture pour être sûr de ses mots et regard qui se lève pour se poser à nouveau sur le lac, tandis que le petit vent qui souffle fait danser doucement le parchemin entre ses doigts, laissant l'encre s'y graver à jamais. Il fait froid. Encore une missive et il rentrera se mettre au chaud.

Il doit écrire à sa Suzeraine, ne jamais remettre à demain ce que l'on peut faire le jour même, il l'a appris à ses dépends. Alors il roule soigneusement sa missive qu'un pigeon emportera très vite, et prend un autre parchemin.





*un cadeau pour la joueuse ^^
_________________

Merci aux merveilleuses rpistes avec qui je joue
Terwagne_mericourt
(Merci. Je l'adore. )


[19 octobre 1459, fin de matinée, bureau privé de la Présidente de la Cour d'Appel :]

Deux jours... Cela faisait deux jours que la lettre reçue de la part d'Aimelin attendait une réponse, et que Terwagne reportait celle-ci. Répondre quoi? Elle se sentait tout sauf d'humeur à lui répondre.

Pour tout dire, elle était bien plus inspirée par une autre missive, celle reçue quelques minutes plus tôt de la part d'un mystérieux inconnu qui signait "Un admirateur". Un masqué dont elle avait rapidement deviné l'identité, et qui la faisait sourire.

Et puis, il fallait bien admettre que par dessus tout, ce dont elle avait envie c'était d'enfin voir se glisser sous la porte la réponse à sa dernière missive envoyée à cet homme dont elle avait fait la connaissance suite à une audience encore en cours... Cet homme dont plusieurs jours plus tôt elle se languissait idiotement de recevoir à nouveau des nouvelles et qui avait fini par lui en donner, de façon toujours aussi étrange et aussi surprenante, faisant leur correspondance ne ressembler à aucune autre.

Repoussant au loin les vélins vierges destinés à recevoir les mots qu'elle se devait d'adresser, au moins par politesse, à Aimelin, elle relut pour la vingtième fois ceux adressés à celui dont tout la séparait.


Citation:
"Paris, un soir comme un autre."


Bonsoir, étrange étranger.


Ici, tout est sec, la brume nocturne comme la rosée matinale semblant déserter les alentours de cet imposant édifice où je stagne, n'y pouvant plus évoluer, mais me refusant à décliner. Ainsi donc vous aimez le soleil? J'aime la pluie. Sa mélodie, son odeur, sa caresse sur ma peau, ce fantasme de la voir laver ma mémoire comme elle lave les toits de Paris. J'aime aussi le vent.

Je ne sais si j'ai mérité la place que j'occupe, mais j'ai oeuvré pour, en effet, enfin si on veut... Je n'ai pas donné de mon temps, de mon énergie et de mon âme pour une fonction ni pour une charge. J'ai donné de tout cela sans compter, m'y perdant parfois moi-même, pour une valeur avant tout. Une valeur que j'avais vue bafouer, un combat utopique et égoïste, espérant guérir ainsi par la revanche la douleur d'une sentence que d'autres ont jadis infligée à tord à celui avec qui j'avais découvert le sens du verbe "vivre".

J'ignore pourquoi je vous parle de cela. Personne ne sait mes vraies raisons. Personne n'a le droit de les connaitre. Elles n'appartiennent qu'à moi.

Je ne sais si je mourrai de dépit et avec panache. Je m'en moque. La mort n'a pas voulu de moi lorsque je me suis offerte à elle. Peut-être préfère-t-elle prendre de force que de recevoir? Peut-être fait-elle partie de ces garces qui aiment à se faire désirer? Je vous souhaite en tous cas de l'épouser sous une pluie de pierres et auréolé de lumière, si tel est votre souhait. Moi je préfèrerais des noces funèbres sans témoin.

J'ignore pourquoi je vous écris. Je ne choisis pas. J'obéis sans besoin d'explication. Et cela me surprend. Vos lettres sentent un autre monde et brisent le silence plein du vacarme de mes cris muets.

Si vraiment dans votre tête je suis bien, si j'y souris, si j'y existe et si j'y suis plus qu'un nom, alors gardez-moi donc. Oui, gardez-moi une existence cachée, interdite, peut-être même condamnable, fantasmée, ou que sais-je, mais une existence, un visage, une odeur! Plus qu'un nom! Plus qu'une fonction!

Je n'ai pas mangé, pas prévu de le faire, pas pris de chambre pour cette nuit, juste dégagé un coin de table dans mon bureau pour y poser la tête entre deux lectures de dossiers.

Demain... Un autre jour...

Terwagne


Pourquoi ne répondait-il plus depuis? Elle s'interrogea un long moment, puis finit par répondre à Aimelin, mais le coeur n'y était pas vraiment. Elle avait beau tenir à leur amitié, l'amertume prenait ce jour-là le pas sur tout le reste.

Citation:
Paris, le 19 octobre 1459.

Cher ami,

Je vous remercie de prendre de mes nouvelles, et plus encore de me donner des vôtres. Je n'ai pas réellement suivi le conflit dans lequel vous êtes fort logiquement impliqué, étant comme toujours bien trop plongée dans mes dossiers pour regarder ailleurs, si ce n'est dans mes souvenirs et fantômes, mais je me doutais fort bien que vous faisiez partie de tous ces hommes et toutes ces femmes qui ont pris les armes, forts de leurs convictions et de leurs devoirs, qu'ils soient envers un Duché, un Comté, un Suzerain, un idéal...

De mon côté, point d'arme... Je n'en serais physiquement pas capable depuis mon amaigrissement de l'année écoulée, celui qui sur un champs de bataille ferait de moi un oiseau pour le chat.

Je continue donc de servir le Royaume de France de la seule façon dont j'en sois capable, en oeuvrant pour une de ses institutions, sentant parfois bien fort les effluves du conflit arriver jusqu'aux portes des salles de réunion ou d'audiences parmi lesquelles je déambule. Bien évidemment, cette guerre a des répercussions dans tous les domaines, pas uniquement le militaire, et la justice n'est pas oubliée dans la distribution des dommages collatéraux.

A ce propos, figurez-vous que ces dommages ont conduit il y a quelques jours à présent un Champenois que vous connaissez sans doute, au moins de nom, à faire le déplacement jusque Paris, et ce dans le but de se renseigner sur la possibilité ou non de mettre en procès les Artésiens ayant envahi le territoire champenois. Le hasard est quelque fois bien étrange, puisqu'il aura fallu un voyage à Paris pour que nous nous rencontrions, alors que je séjourne en Champagne depuis des mois et des mois. Enfin bon, je m'égare, et cette rencontre, aussi surprenante et étrange soit-elle, ne vous intéresse sans doute guère.

Je suis touchée de vous entendre dire, ou plutôt de lire, que vous avez laissé un morceau de vous auprès de moi, et je me demande si vous en avez emporté un de moi également... Sans doute, oui.

Quoi qu'il en soit, je suis heureuse - même si cela vous parait étrange - de savoir que vous cheminez toujours aux côtés d'Alienor. J'ai donc bien fait de m'effacer, et n'ai aucun regret à avoir à ce niveau-là. Puissiez-vous déguster longtemps le fruit, sans vous lasser du goût, et sans penser au trognon qui se cache dans chaque pomme.

Pour ma part, je vais bien, rassurez-vous! Je me noie dans le travail, comme toujours, mais la vie et le vent semblent bien décidés à se rappeler à moi par instants, grâce à certaines rencontres, auxquelles je ne m'étais pas attendue, et qui m'ont pris de plein fouet.

L'une d'elle m'a fait repenser à nos échanges écrits de jadis, ceux où nous nous confiions réciproquement à l'inconnu qui était en face, sans crainte d'être jugés ou incompris, sans faux-semblant, sans masque et sans pudeur. Cet inconnu à qui je me livrais en oubliant mes chaînes, jusqu'à ce que le désir et le rêve s'en mêlent. Aujourd'hui, je me surprends à regarder fixement la porte sous laquelle chacune de ses lettres se glisse, et n'en comprends pas vraiment la raison, pas plus que celle qui me pousse à lui répondre... Vous le détesteriez, sans même le connaitre, mais peu importe. J'aime cette relation qui n'en est pas vraiment une, mais dans laquelle je me sens exister, ailleurs...

La seconde de ses rencontres est tout autre, faite de mots échangés à voix haute, de vent et de frisson, de sourires et de murmures, de trouble et de peur, je crois. Une impression de déséquilibre, de fil tendu et prêt à rompre au moindre faux pas. Vous la détesteriez sans doute tout autant, et me diriez que je vaux bien mieux que cela, bien mieux qu'une rencontre improbable dans un lieu rempli de courants d'air...

Je repense à cette salle d'archives, et ce soir cette pensée me rendrait presque cynique... Une salle d'archives.. Si j'étais un ouvrage, je voudrais être un livre de poésie posé sur une table d'auberge, et faire rêver les gens, en les berçant de douceur et de musique, ou encore sentant tournoyer ses pages au gré du vent... Pas un livre d'aventures anciennes posé dans une belle pièce, à l'abri des regards, prenant la poussière mais choyé car précieux, gardé jalousement, et qu'on ressort du placard quand on a besoin de retrouver quelque inspiration.

Je sais, je suis injuste sans doute, à vos yeux...

J'ai adoré cette salle d'archives, vraiment, et je la garde précieusement dans mes souvenirs, mais ce soir j'ai envie de regarder devant, de suivre le vent, ne serait-ce que quelques heures, comme un papillon s'envolant vers le soleil en étant conscient que sans doute il s'y brûlera les ailes. Alors je vais prendre le baiser que vous m'envoyez et le poser sur une de ces ailes, espérant qu'il me portera chance jusqu'à la brûlure, ou me poussera à retourner me terrer pour m'enfermer avec lui au milieu de mes dossiers.


Prenez soin de vous, Aimelin, et ne me faites pas regretter de m'être effacée devant une chrysalide bien plus prometteuse.


Terry,
Qui ne vous oublie pas, quelle que soit ses humeurs.


Il détesterait, elle le savait! Mais il ne pourrait pas lui reprocher de n'avoir pas répondu, ou pire encore de l'avoir fait hypocritement. Cette lettre était le reflet de ses pensées du moment, et elle aurait été incapable de faire autrement.

Pourtant, alors qu'elle ouvrait la porte de son bureau pour confier celle-ci à un messager, un sourire naquit sur ses lèvres.... Sous la porte qu'elle venait d'ouvrir dormait une missive signée de la main de l'étrange étranger... Rapidement, nerveuse comme une petite fille, elle décacheta celle-ci et s'usa les yeux à la lire et la relire.


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[20 octobre 1459, fin de soirée, même endroit, mêmes protagonistes :]

La journée avait été longue, entre les diverses audiences à redistribuer en raison des disparitions et retraites de certains officiers, des départs d'autres, sans oublier les nouvelles arrivées... Le jeu des chaises musicales qui se déroulaient depuis quelques temps dans les diverses audiences traitées commençait doucement mais sûrement à la lasser, lui faisant s'arracher les cheveux pour essayer de combler sans cesse de nouveaux "trous" dans les effectifs sans en faire pâtir les témoins et requérants qui - quoi qu'elle fasse - continuaient pour certains à se plaindre et larmoyer, quand ce n'était pas mordre par les mots.

Fermant la porte de son bureau à double tour, elle se servit un verre de calva, un de ses rares plaisirs humains, puis attendit d'être un peu plus calme pour enfin répondre à "l'admirateur pas si bien masqué que cela", puisqu'elle avait parfaitement deviné de qui il s'agissait.


Citation:
Il était une fois une jeune femme qui avait tout pour être heureuse : la liberté, le vent, la musique, l'amour. Mais le ciel et les hommes en décidèrent autrement, lui reprenant celui qui était comme le "la" de la partition sur laquelle elle avait cru écrire la mélodie de toute une vie, une mélodie sans fin. Sans le "la", tout n'était plus que requiem et long decrescendo, rempli de silences et de bémols.

Oh bien sûr d'autres clés se posèrent sur la partition, lui permettant d'écrire de nouvelles mesures, parfois même par deux, la faisant s'emmêler les pinceaux... Mais la demoiselle avait décidé d'épouser l'anamour, de fuir le bonheur avant de le voir s'en aller de lui-même. Elle n'écrivit donc plus que des introductions, ne dépassant guère deux ou trois mesures, faites de démesure surtout.

Jusqu'au jour où elle croisa non pas un nouveau "la", oh non, le "la" il n'en existait qu'un, elle le savait, mais un "ut"... Son "tu", la clé de tout selon elle, celui par qui tout recommençait, celui qui lui donnait envie de chanter à nouveau, d'écrire, et surtout de vivre. Mais là aussi, les hommes en décidèrent autrement.... Ou plutôt la poussèrent à cesser de chanter, à le libérer de sa présence et de leur relation, cette relation qui provoquait le chaos dans son existence à lui... depuis l'éloignement de ses enfants qui ne lui pardonnaient pas d'en aimer une autre que leur mère jusqu'à la mise au ban de la société "bien pensante" du Duché pour lequel il avait donné tant d'années.

Elle l'abandonna, sans un au revoir, juste une lettre de quelques lignes... Elle ne voulait pas que leur relation devienne un jour pour lui synonyme de douleur et de deuil, elle ne voulait pas que les autres lui fassent payer si cher le prix de leur amour. Elle quitta tout et alla se réfugier en Champagne, auprès du seul véritable ami qu'elle avait, auprès de cet homme au charme et aux avances muettes duquel elle avait résisté durant des années, par amour pour celui qu'elle abandonnait à présent. Elle arriva trop tard... Son épaule était déjà occupée, et elle refusa son offre de partage en toute discrétion, qui pour tout dire la choqua grandement, ce qu'il ne sembla ni comprendre ni accepter.

De peur de finir par succomber, de peur de renier ses valeurs, elle se terra, se cacha, n'échangea plus avec lui que par missives, de plus en plus espacées. Et quoi de mieux pour s'isoler et cesser de penser que le travail? Celui-ci devint sa planche de salut, le radeau auquel elle s'accrocha pour ne pas sombrer, résumant rapidement sa vie à sa fonction.

C'est au coeur de cette fonction que le destin frappa un jour... Une rencontre au détour d'un couloir, un courant d'air qui lui remit en mémoire la douceur du frisson, le bienfait que procure l'entente des battements de son propre coeur quand il s'éveille, cette sensation de vertige qui vous poursuit même lorsque vous quittez la falaise devant laquelle vous l'avez ressenti.

Elle se débattit, retourna à son ouvrage, luttant contre vent et marée pour retrouver le calme et l'oubli... En vainc...


Une femme,
Qui n'a d'autre excuse au temps mis à vous répondre que celle d'avoir été touchée par vos mots.


Si elle s'était attendue le moins du monde à ce qu'il lui répondrait ensuite, elle aurait sans doute déchiré cette missive au lieu de l'envoyer, tant la déception qui l'attendait était grande... Déception qui le lendemain matin lui ferait prendre la route pour la Champagne, à coeur et à corps perdu.

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[22 octobre 1459 en soirée, sur la route entre Paris et la Champagne, dans une petite auberge de fortune :]

Le moins que l'on puisse dire, c'est que chaque personne présente dans cette auberge où elle s'était arrêtée le temps de prendre quelque repos et forces avant de reprendre la route put entendre la nervosité avec laquelle sa plume frottait le vélin sur lequel elle était occupée à répondre à celui dont elle préférait encore qu'il garde son semblant de masque. Si il espérait une réponse comme la première, il allait être bien surpris et retomber vite fait de son petit nuage.

Citation:
Messire masqué,

Me pardonnerez-vous d'être franche? Je l'espère, puisque dans tous les cas je suis incapable de ne pas l'être... Si tel n'était pas le cas, alors ne m'écrivez plus, puisque vous n'obtiendriez que réponses franches dont vous ne voudriez pas. Si vous supportez la franchise, alors continuez donc à m'écrire autant que vous le voudrez.

Franche donc, je vais l'être d'entrée de jeu, en vous disant que si votre précédente missive m'avait touchée, troublée, la première ligne de la seconde m'a... hum... déçue, blessée, fait retomber de plein fouet dans la réalité que j'avais quittée en lisant vos précédents mots.

"Ma Dame la Président de la Cour d'Appel, vu que cela est votre titre"... C'est ainsi que vous commencez cette seconde lettre, et à l'heure où je vous cite ces mots, je me surprend encore à grimacer. Certes c'est mon titre, ma fonction, mon rang, mon étiquette. Et dans ma grande naïveté, j'avais cru que dans nos échanges vous vous adressiez à la femme, à cette femme que vous aviez entraperçue derrière le masque, derrière la robe d'Officier royal, à la femme que je suis et que je cache, à cette femme en moi que j'avais réussi à endormir telle la "Belle au bois dormant" et que vous avez en quelque sorte réveillée il y a quelques jours.

Aujourd'hui, vous vous adressez à celle que je suis en surface, et cela me ramène à la réalité... Cette réalité froide et insipide à laquelle je m'étais habituée avant que vous n'en fissuriez le vernis.

Pourtant, la suite de votre missive semble s'adresser à la femme, avec cette sensibilité et cette chaleur qui m'avaient poussée à m'ouvrir un peu à vous, et j'en suis déstabilisée... Perdue... Ne sachant plus de qui vous attendez au juste une réponse. De Terwagne Méricourt, Vicomtesse d'Orpierre, Dame de Taulignan, Présidente de la Cour d'Appel du Royaume de France, ou bien de Terry la "Tempête essoufflée"?

Laquelle des deux trouvez-vous donc désirable? Intelligente? gentille? Tous ces mots tracés par votre plume et dont je ne sais même plus à qui ils s'adressent...

"Elle".


Ensuite? Ensuite elle avala quelques gorgées, ou plutôt verres, de la bouteille de calva qu'elle avait commandée pour accompagner son semblant de repas, et répondit à la dernière lettre qu'elle avait reçue de celui dont la morale aurait voulu qu'elle se méfie, dont sa charge aurait du la faire prendre ses distances, mais qui l'intriguait tout autant que sa plume la charmait, depuis les tous premiers mots qu'il lui avait adressés suite à sa convocation à témoigner.

Citation:
"De Paris à Reims, ou Etampes..."

Cher étranger mystérieux,

Je crois, non je suis certaine, que vous êtes le premier à trouver que je sens apocalyptiquement bon. Je ne sais comment prendre ce compliment, mais je mentirais si je disais qu'il m'a laissée indifférente, et j'en suis profondément incapable.

Pour répondre à votre interrogation voilée concernant l'éventuelle "drôlerie" de mon visage et de mon corps, disons que je pense avoir un visage on ne peut plus commun, entouré d'une chevelure noire qui est tout sauf domptée, et où jadis devaient briller deux yeux sombres qui aujourd'hui semblent éteints comme une nuit sans étoile. Mon corps n'a rien de drôle, non plus, sauf si bien entendu la maigreur et les empruntes de lames vous font sourire et vous amusent. Moi je m'y suis habituée, du moins j'essaie de m'en convaincre. Ce corps incapable de donner la vie ne m'importe plus, puisqu'il ne sert que de pupitre à une fonction.

Mais qu'importe tout cela? Rien, au fond, puisque nous ne nous rencontrerons sans doute jamais, nos existences étant par trop opposées, nos mondes à mille lieues l'un de l'autre.

En lisant votre dernière lettre, je me suis surprise à me dire que cette femme à laquelle vous faites allusion, cette femme inanimée sur le bord de la route et dont vous vous demandiez après l'avoir dépouillée si elle avait le goût du poulet... Cette femme aurait pu être moi, au fond, et vous n'en auriez rien su, vous qui ne connaissez de moi que le nom. Etrangement, cette pensée ne m'a pas effrayée. Je me suis même surprise à ne rien ressentir. Comme si tout cela ne m'importait pas, ou plus.

Pourquoi m'écrivez-vous au juste?

Pas pour tenter de m'influencer dans la révision de l'affaire où vous êtes impliqué, puisque jamais vous n'y faites allusion, et que dans vos missives vous faites tout sauf tenter de vous faire passer pour un agneau, que du contraire... Pour tout dire vos lettres auraient plutôt tendance à plaider en votre défaveur, et je sais que vous en êtes conscient.

Est-ce pour libérer votre conscience?
Pour tester mes valeurs à moi?
Pour briser votre solitude?
Ou réellement parce que vous me trouvez incroyablement humaine, de cette trop grande humanité qui me fait tant souffrir certains soirs?

Je ne sais même pas si j'ai envie de connaitre la réponse à ces interrogations... Que changerait-elle? Rien, au fond.

J'ai souri en lisant vos derniers mots, ceux où vous dites que je semble être faite pour une autre existence. Sans doute, oui. Mais laquelle? Ce soir, alors que bientôt sonnera l'heure de clore l'audience qui nous lie indirectement, et dont vous ne parlez jamais, pas plus que moi, j'ai plus que jamais l'envie de fuir, de tout abandonner, et de me jeter dans les bras de l'oubli. De prendre la tangente, comme vous dites, pour rejoindre une inéquation à deux inconnues, dont vous ne faites pas partie... L'oubli, le néant, l'apocalypse...

J'ai donc quitté Paris et pris la route pour la Champagne, là où un autre loup m'attend selon ses lettres. Je ne sais si j'irai jusqu'au bout, mais j'ai besoin d'oubli, d'endormir ma tête en écoutant mon corps.

Gardez-moi cette place apaisante et souriante que vous me donnez dans vos pensées, elles me rendent sans doute plus belle que ce que je ne suis. Et donnez-moi de vos nouvelles, si vous en avez l'envie, j'aime à vous lire.


Dangereusement,
Terwagne.


Pourquoi ce titre? Pourquoi parler de Reims ou Etampes? Au fond d'elle, elle savait très bien que c'était vers Etampes qu'elle crevait d'envie de courir, ne serait-ce que pour y déverser de vive voix le cynisme qui coulait dans ses veines et qu'elle détestait. Jamais auparavant elle n'avait éprouvé ce sentiment qu'elle détestait par dessus tout, mais qui plus que tout lui semblait faire d'elle-même une étrangère, une femme dans laquelle elle ne se reconnaissait plus.

Peut-être que de le laisser quitter son être par des mots prononcés face à face le ferait disparaitre?

En tous cas, elle l'espérait...

Follement...
Douloureusement...
Dangereusement....


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Terwagne_mericourt
[D'une démission avortée et d'un verdict accouché dans la douleur : ]


Démissions, disparitions, absences sans explications, révocations, modifications, nouvelles attributions, récriminations, complications, démotivations... Qui aurait cherché avec quoi faire rimer "Cour d'Appel" en ces jours d'octobre aurait été bien avisé de chercher une rime en "on", c'est le moins que l'on pouvait dire.

La présidente venait de nouveau de courir dans tous les sens durant deux jours, ou peut-être trois... Quand on ne prend pratiquement plus le temps de dormir, on finit par s'y perdre un peu.

Quoi qu'il en soit, les yeux rivés sur le "Tableau de bord des affaires en cours" trônant dans la même salle que la Table ronde des Officiers, elle vérifiait une ultime fois que cette fois chaque audience avait bel et bien un Juge et un Procureur attribués et présents. Oui, cette fois cela semblait en ordre! Mais pour combien de temps?

Démission de Jackleptit, puis de Klesiange avant même d'avoir commencé à travailler lui, disparition de Grégoire, disparition de Lotx, révocation du De La Mirandole, mise à l'écart de Aldin... Ca commençait vraiment à faire beaucoup! Quel serait le prochain mauvais coup du destin? Qui frapperait-il?

Depuis des semaines Terwagne avait l'impression que jamais elle ne parviendrait à faire comme ses prédécesseurs, superviser et encadrer sans gérer d'audiences propres... A chaque fois qu'elle voyait le nombre de Juges ou de Procureurs approcher du quota espéré et planifié, ça s'effondrait de l'autre côté! Alors elle reprenait des audiences ouvertes par d'autres, le plus possible, pour ne pas surcharger les autres Juges à qui elle demandait malgré tout d'en prendre chacun une ou deux de plus, dans la mesure de leurs possibilités.

Quand cela allait-il enfin cesser?!
Quand?!

Mais le pire, c'est que quand on a le caractère de Terwagne et qu'on est capitaine d'un bateau où il faut sans cesse écoper, on en arrive vite à douter de ses propres capacités, à se demander si on est à la hauteur, si un autre ne ferrait pas mieux que nous, ne parviendrait pas mieux à remotiver son équipage, ne trouverait pas de meilleures solutions, ne serait pas simplement plus à sa place que nous-même.

Oui, en un mot comme en cent, Terwagne doutait d'elle... Comme jamais! Ou plutôt comme toujours!

C'était en partie, en grosse partie, ce doute-là, ajouté à un autre qu'elle essayait de faire taire en elle, qui l'avait poussée à écrire sa démission, cette démission où elle parlait de sa passion pour la Justice, de tout ce que la Cour d'Appel lui avait apporté durant toutes ces années, mais aussi où elle appuyait l'éventuelle candidature de son Vice-Président à prendre sa relève.

Elle ne lui en avait pas parlé, elle n'en avait parlé à personne, ne sachant que trop bien qu'ils chercheraient à la faire rester, à lui rendre confiance. Elle voulait partir en silence, sans se retourner, parce que partir c'était un peu comme mourir au fond, et que la décision avait été difficile à prendre. "Le plus dur ce n'est pas de prendre une décision, c'est de s'y tenir" lui avait dit Bragon le jour où elle avait choisi Hugoruth et brisé le coeur de Maleus... Se retourner c'était risquer de ne pas tenir.

Mais c'était sans compter sur les résultats des élections du Comté de Toulouse, sans la mise à l'écart forcée de Aldindethau. Un Juge de moins, encore un, de nouvelles audiences à réaffecter, une nouvelle crise des effectifs à traverser, un nouveau surcroit de travail pour tous.

Elle ne pouvait décemment pas leur faire ça en plus! Elle ne pouvait pas les lâcher dans ces conditions! Alors elle avait déchiré sa démission... Se disant que peut-être les deux mois à venir lui rendraient confiance en elle, que d'ici-là les choses iraient mieux, qu'il serait encore temps de repenser ensuite à prendre du repos, du recul, à recommencer à vivre en dehors d'une fonction, ce qui n'était plus son cas depuis des mois.

Démission avortée...
Personne n'en saurait rien, ou presque...

Pas plus qu'on ne se douterait de la difficulté avec laquelle elle accoucha de la proposition de verdict qu'elle présenta en salle de délibérations des Juges le lendemain soir.

Accouchement dans la douleur...
Sans un cri, juste la lèvre mordue à sang...

Quittant le "Tableau de bord des affaires en cours" devant lequel elle était toujours, elle se dirigea vers son bureau et remplit nerveusement deux vélins de son écriture haletante, essoufflée, pressée, désordonnée.


Citation:
Bonsoir, source de mon tiraillement.

J'ai été longue à vous répondre, j'en ai conscience, mais ne m'en excuserais pas, puisqu'après tout rien ni personne ne m'oblige à vous écrire, si ce n'est ma propre âme, ou encore mon libre arbitre, ce libre arbitre que je voudrais voir disparaitre!

Cette lettre sera sans doute bien différente des autres que je vous ai adressées, remplie de choses incompréhensibles, de pensées s'entremêlant, s'entrechoquant, me déchirant tel un morceau de viande entre les crocs de plusieurs loups tous plus affamés les uns que les autres.

Je n'ai pas envie de réfléchir aux mots que je trace, pas envie de les peser, pas envie de me relire, pas envie de mettre de l'ordre parmi eux, parce que cela supposerait que je parvienne à mettre de l'ordre dans mes pensées, et c'est tout sauf le cas.

J'ai levé l'audience vous concernant, il y a plusieurs jours à présent, invitant chacun à attendre dans les couloirs un verdict que j'avais décidé de ne pas rendre, jamais! Oui, vous avez bien lu, j'avais décidé de fuir, de tout quitter, avec lâcheté. Et il aura suffit d'une mise à l'écart de deux mois de l'un de mes Juges, en raison de son élection à la tête d'un Duché, pour que je laisse une fois encore le devoir prendre le pas sur tout, et surtout sur moi.

J'ai déchiré ma démission, ai paré au plus urgent, redistribué les audiences dont il avait la charge, me suis noyée dans les responsabilités et le travail, étouffant la femme remplie de peurs et de doutes pour laisser l'Officier Royal faire ce qu'on attendait d'elle... Une bête d'efficacité et n'obéissant plus à rien d'autre que son sens du devoir.

Oui mais voila... Sans fuite, pas d'échappatoire! Ce verdict, il me faudra le rendre, et surtout il me fallait le proposer aux autres Juges!

C'est fait.... Je l'ai fait!

Un verdict semblable en tous points à ce qu'il aurait été sans nos échanges! Un verdict on ne peut plus professionnel! Un verdict rempli de cette objectivité, de cette impartialité qui est plus forte que tout, plus forte que moi! Plus forte que les cris et les larmes que verse la femme étouffant derrière l'armure de Juge. J'ai fait mon devoir.... Je l'ai fait, oui! Et j'ai détesté ça! Détesté penser que derrière ce nom, derrière cette condamnation, il y avait un homme, et de l'autre côté une femme qui ne lui était en rien supérieure, qui jugeait un de ses semblables. Semblable et si différent pourtant.

Sans doute cela vous ferra-t-il sourire, mais jamais jusque là je n'avais envisagé les choses sous cet angle (.... )

(... ) Et tout me parait si différent maintenant...

Je ne vous parlerai pas plus longtemps de ce fichu verdict, je sais qu'il vous importe peu et ne torture que moi au fond. Je sais que vous y survivrez, qu'il ne vous pèsera pas, ou si peu. Je sais aussi qu'en moi il a changé quelque chose, que nos échanges m'ont changée, fait réfléchir, sourire, douter, trembler, rêver aussi, et puis exister ailleurs, autrement... En un mot, ou plutôt cinq : ils m'ont fait vivre! Et la vie est tout sauf simple, comme toujours.

Personne jamais ne m'avait dit vouloir occuper son temps à graver mon prénom dans la pierre des murs! Personne jamais n'avait donné mon prénom à une de ses oeuvres! Personne sauf vous...

J'ai peur, j'ai froid!
Je ne veux pas de ce silence dont vous parlez comme d'une chose inéluctable!

Et le pire, c'est que je ne sais même pas pourquoi...


Dame T.

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Terwagne_mericourt
[C'est quand on ne les attend pas, ou plus, que les choses arrivent...]


Après avoir déchiré sa démission et proposé le verdict accouché dans la douleur, la Vicomtesse s'était octroyé quelques jours de repos, mais surtout de recul. Etampes l'attendait depuis des mois, elle fuyait l'invitation depuis toujours, mais n'avait au final nul autre endroit où aller, nul autre ami vers qui se tourner.

Aimelin, fidèle à lui-même et à ses promesses, avait été là pour elle, pour l'écouter, pour la comprendre, pour la faire sourire au milieu des larmes, pour lui rendre cette confiance en elle qui lui manquait depuis longtemps, depuis toujours. Oh bien sûr elle avait une fois de plus frôlé le précipice, plus fort que jamais d'ailleurs, mais elle était repartie de son domaine avec la certitude d'avoir au fond d'elle suffisamment de ressources pour tenir encore un peu, et un objet à serrer dans sa main les jours où elle chercherait à quoi se raccrocher.

A son cou se trouvait à présent une chaîne, mais surtout un anneau... L'anneau qui avait donné naissance à leur rencontre... Un anneau lourd de sens pour tous deux, et plus encore pour lui sans doute.

Elle était donc revenue à Paris, plus forte, et soulagée d'avoir malgré tout tenu la promesse qu'elle s'était faite de ne pas trahir Alienor. Elle pourrait continuer à se regarder dans une glace. Ca n'avait pas été simple, loin de là, et elle ne s'en était tirée que par une nouvelle fuite devant le vertige, préférant retourner sur la terre ferme et dans le travail.

Se noyer dans le travail, encore et toujours... Annoncer le verdict qui l'avait déchirée... Désespérer de recevoir un jour une nouvelle lettre de cet homme qu'elle avait condamné et dont les derniers mots, juste avant, disaient "Nos lettres finiront par se taire...".

Il est des choses qui ne s'expliquent pas, que jamais on ne comprendra, et ce qui suit fait partie de ces choses.

Quelques jours à peine après son retour, Terwagne avait retrouvé une motivation et une énergie qu'elle n'avait plus senties en elle depuis des mois! D'annonces en recrutements, de débats en décisions prises, elle avait retrouvé non seulement l'envie d'oeuvrer - et plus seulement le sens du devoir - mais surtout elle avait enfin pris conscience qu'il lui fallait parfois oser imposer ses choix et décisions, se montrer décisive et décidée. Certes, cela ne plairait pas à tout le monde, mais elle n'était pas là pour faire plaisir, juste pour mener une barque, en s'en donnant les moyens et avec un équipage digne de ce nom.

Rapidement, cet équipage commença à prendre le visage qu'elle lui avait toujours rêvé, et cela ne fit que renforcer encore sa motivation et sa confiance retrouvées.

C'est au coeur de cette plénitude que le destin frappa... L'annonce d'une prochaine levée de ban du Lyonnais-Dauphiné, l'ordre de repartir vers là-bas pour aller prendre les armes. Le devoir se rappelait à elle!

Mais comment faire pour y retourner seule, depuis la Champagne, malgré l'interdiction qui lui avait été faite par le Connétable de quitter Troyes où elle venait de s'installer après des semaines d'hésitation? Malgré les frontières fermées de la Bourgogne? Jamais elle n'arriverait là en vie, c'était impossible.

Perdue, elle écrivit à qui de droit, espérant obtenir réponse et solution.


Citation:
De Terwagne Méricourt, Présidente de la Cour d'Appel Royale, Vicomtesse d'Orpierre, Dame de Taulignan,
A sa Grâce Samthebeast, Duc du Lyonnais-Dauphiné,
Au héraut Dauphiné et à son poursuivant,
A Dame Isabeau de Hauterives, Major par interim.



Salut et Paix!


Par la présente, tenions à vous dire que nous avons bien reçu, et pris en considération, la missive qui nous a été adressée par le Major par intérim, Dame Isabeau de Hauterives, concernant la levée du ban du Lyonnais-Dauphiné.

Malheureusement, nous sommes actuellement coincée dans l'enceinte de Troyes, en Champagne, où nous venons de nous installer...

Coincée, oui, puisque consigne (ordre) nous a été donnée par le Conseil ducal champenois - par l'entremise de son Connétable, le sieur Nono18 - de ne pas sortir de la ville pour emprunter les routes, sous peine de nous voir attaquée par les armées qui sillonnent le territoire suite aux affrontements entre les armées du Ponant et celles de Champagne.

De plus, nous craignons que notre santé fragile et notre constitution légère ne vous soient pas d'une grande utilité en cas de combat, le voyage risquant de réduire encore peu plus ces dernières. Pour tout dire, nous ne sommes même pas certaine qu'elles puissent supporter le voyage jusqu'en Lyonnais-Dauphiné, quand bien même nous obtiendrions autorisation de quitter la ville de Troyes et de traverser la Bourgogne.

Cependant, nous demeurons fidèle à nos serments envers le Duché du Lyonnais-Dauphiné, soyez en assurés, et souhaitons les honorer de notre mieux, soit en apportant notre soutien aux troupes de Champagne au nom du Lyonnais-Dauphiné - ce dont nous serions extrêmement fière - soit en payant l'hériban en lieu et place de notre participation physique (qui serait peu notable) au ban.


Que le Très-Haut vous protège.


Faict à Troyes le douzième jour de novembre de l'an de grâce mil quatre cents cinquante neuf.

Terwagne Méricourt,
Vicomtesse d'Orpierre
Dame de Taulignan
Présidente de la Cour d'Appel royale.



Trois jours s'écoulèrent, sans réponse aucune. Et puis, enfin, une missive de son Duc, dont elle espérait qu'il l'éclaire un minimum sur la marche à suivre, mais qui se contentait d'officialiser dans les formes la levée du ban, faisant totalement abstraction de la lettre qu'elle lui avait écrite.

Que faire? Réitérer, sans doute... Et c'est ce qu'elle fit, dans les formes.


Citation:
De Terwagne Méricourt, Présidente de la Cour d'Appel Royale, Vicomtesse d'Orpierre, Dame de Taulignan,
A sa Grâce Samthebeast, Duc du Lyonnais-Dauphiné,

Salut et Paix!

Puisque nous n'avons toujours pas eu réponse à notre première lettre, et suite à votre annonce concernant toutes deux la levée du ban du Lyonnais-Dauphiné, nous prenons à nouveau la plume afin d'obtenir votre avis sur notre proposition de nous joindre aux défenseurs champenois au lieu de nous rendre en Lyonnais-Dauphiné pour remplir notre devoir d'aide, ou bien de verser l'hériban en compensation.

A ce propos, nous aimerions connaître les modalités pour le payement de ce dernier. Il y a-t-il un délai pour le verser? Doit-on se déplacer ou bien quelqu'un peut-il venir le récupérer directement où nous résidons?

Bref, nous attendons vos réponses à nos propositions et interrogations avec impatience, afin de nous organiser au mieux selon votre décision finale.


Que le Très-Haut vous protège.


Faict à Troyes le dix-septième jour de novembre de l'an de grâce mil quatre cents cinquante neuf.

Terwagne Méricourt,
Vicomtesse d'Orpierre
Dame de Taulignan
Présidente de la Cour d'Appel royale.





Ensuite? Elle attendit, un jour, deux jours, trois jours... Mais ne vit rien venir! Le Duc n'avait visiblement soit pas le temps, soit pas l'envie, de répondre à ses vassaux. Mais elle n'avait pas envie de soustraire à ses serments, et était prête à tout mettre en oeuvre pour les respecter.

C'est forte de ces certitudes qu'elle décida de prendre la direction des locaux où siégeait le Conseil de Champagne, espérant trouver là-bas des réponses aux interrogations qu'elle avait adressées au Duc du Lyonnais-Dauphiné, à savoir comment répondre au ban.

Ouvrant la porte pour se mettre en route, elle découvrit une autre surprise... Leurs lettres n'avaient pas fini par se taire... Après trois semaines de silence il lui donnait enfin de ses nouvelles. Elle poussa la missive qu'elle désespérait de recevoir un jour dans sa besace, décidée à en découvrir le contenu au calme, dans la solitude de sa nuit, et se rendit au siège du Conseil ducal champenois.

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Terwagne_mericourt
Petite invitation à ceux que ça tenterait de s'y glisser : cette petite parenthèse dans mon RP se poursuivra sur le parvis de la CA


[Paris, Cour d'Appel : "Vous chantiez? Et bien dansez maintenant!"]

Danser?
Mouè...

Déjà elle n'était pas certaine de le faire aussi bien que de chanter, n'ayant pas souvent eu l'occasion de trouver partenaire digne de ce nom, mais le vrai soucis c'était que pour bien danser encore fallait-il savoir sur quel pied. Et que pour l'heure c'était tout sauf son cas à elle.

Comme souvent lorsque sa tension nerveuse avait atteint un certain stade, la "Tempête" n'était plus d'humeur à l'averse - comprenez aux larmes - mais tout le contraire. Une espèce d'euphorie incompréhensible s'emparait d'elle, la laissant la proie de réactions et de comportements décalés qu'elle-même ne comprenait pas. Terminé le courant alternatif, les hauts et les bas, terminées les baisses et hausses de tension, c'était le court-circuit intégral.

Le théâtre de cet incident? Le parvis de la Cour d'Appel, sur lequel elle déboula soudain avec une bouteille et des verres, qu'elle s'empressa de déposer sous le premier banc venu, se souvenant tout à coup que si elle était allée les chercher dans son bureau c'était pour les porter autour de la table de réunion de la Procure et non pour venir trinquer avec son amie la Lune.

Baste!
Ils attendraient!
On n'était pas à quelques minutes près, après tout! Et quitte à y passer la nuit, autant se comporter en vraie femme...

Vous savez, ce genre de femme qui se fait attendre, désirer, laisse l'autre mariner tandis qu'elle-même se conditionne, hésite sur la position qu'elle adoptera, et tant d'autres choses encore.

Elle déposa donc ses ustensiles sous le banc, et non dessus, sait-on jamais que quelqu'un vienne à passer et s'interroge sur le pourquoi du comment, mais surtout sur ses desseins. Ensuite, elle s'assit, leva les yeux au ciel, prit une grande inspiration, commença à réfléchir, mais sentit brusquement le brouillard de ses pensées se déchirer pour laisser place à... un éclair de folie passagère.

C'est cet éclair foudroyant qui la fit se relever, d'un bond, et qui d'un second bond la fit sauter sur l'assise où son fessier s'était posé quelques instants plus tôt, lui donnant l'allure d'une petite fille jouant les saltimbanques, prenant place sur quelque scène imaginaire devant laquelle personne ne viendrait jamais l'écouter chanter.

Personne ne la verrait? Et bien tant mieux! Comme ça elle pouvait se lâcher... Et c'est ce qu'elle fit, dédramatisant par le décalage ce qu'elle avait malgré tout sur le coeur, se mettant rapidement à chanter, oubliant sa robe, son rôle, le parvis, la table ronde, et même la lune.


Ne me demandes pas pour la dernière fois
Si enfin j'ai choisi entre toi entre lui
Si je ne réponds pas, je sais tu partiras

J'ai besoin de toi, j'ai besoin de lui
Voila la vérité!
J'ai besoin de lui, j'ai besoin de toi
Mais ça ne se dit paaaaaaas....

_________________
Alienor_vastel
[Reims, le 10 janvier 1460]

"Être à la hauteur
De ce qu'on vous demande
Ce que les autres attendent
Et surmonter sa peur
D'être à la hauteur
Du commun des mortels
Pour chaque jour répondre a l'appel
Et avoir a coeur
D'être à la hauteur"
Emmanuel Moire - "Etre à la hauteur"



Elle avait fini par les comprendre, ces points de suspension, la blondinette, ceux de cette missive reçue mi juin. Et elle s'était mise en retrait. Parce qu'aucun d'eux ne parvenait à être naturel lors de ces quelques soirées partagées dans ces tavernes troyennes, comme gêné, mal à l'aise face aux deux autres.
Elle aurait pu continuer à écrire, elle aurait aimé le faire même, mais pour dire quoi au final, si ce n'était, par ces lettres, rappeler concrètement sa présence. Elle se doutait qu'Aimelin et Terwagne continuaient de correspondre, qu'ils se voyaient peut-être, sans doute, mais elle ne posait pas de questions. Pas par indifférence, non, ou parce qu'elle ne se sentait pas concernée, après tout elle l'était, du fait même qu'elle était finalement une des parties de ce curieux triangle.
Non, c'était parce qu'elle ne voulait pas interférer entre eux, parce qu'elle avait compris ces points de suspension, parce qu'elle savait combien Terwagne comptait pour Aimelin, et qu'elle se faisait discrète pour préserver cette "relation trouble" entre eux comme l'avait écrit la Vicomtesse, et pourtant si nécessaire pour eux. Et sans jalousie aucune, mais avec le malaise, parfois, d'être celle qui les empêchait par sa présence de vivre ce qu'ils avaient à vivre, au delà de la complicité, de la tendresse, et peut-être davantage, qui les liait, même si le jeune homme avait tenté de la rassurer à ce sujet lorsqu'elle le lui avait dit. Elle avait hésité, partir et disparaître, mais en auraient-ils été tous trois plus heureux pour autant ? Alors elle était restée, profiter égoïstement de ce que la vie lui offrait et de ces moments de bonheur.

Les semaines avaient passé, puis les mois, et puis cette annonce qui avait attirée son attention, au milieu d'autres, la nomination de Terwagne à la charge de Grand Chancelier de France. Une charge, oui, dans toute l'acception du terme, la fille d'un ancien Connétable de France, la petite protégée d'une ancienne Première Secrétaire d'Etat puis Grand Prévôt de France était bien placée pour savoir, pour l'avoir vu et vécu auprès de ceux qui lui avaient été chers, combien la fonction de Grand Officier de la Couronne pouvait paraître lourde à ceux qui la remplissaient dès lors qu'ils la menaient avec coeur et courage.

Alors elle avait pris la plume, pour la féliciter. Elle n'était pas douée à un tel exercice, trouver les mots justes, mais sa démarche était sincère, lui dire combien elle était fière et heureuse pour elle de voir ses compétences et ses qualités enfin reconnues, et lui souhaiter du courage.

Un sourire sur les lèvres à la réponse qui lui était parvenue, et les pervenches qui plongèrent pensivement vers le feu crépitant de la cheminée qui répandait sa douce chaleur dans la chambre de l'hôtel Wagner où elle s'était installée le temps de son séjour en la capitale, profitant de l'hospitalité de sa presque suzeraine.

Les flammes qui dansaient sous ses yeux s'évanouirent doucement pour faire place à d'autres, en un autre lieu. Le petit salon de musique du château du Griffon, à Chelles. La fillette assise à côté de l'âtre joue avec Héril, le chaton de la maîtresse de maison, tout en écoutant distraitement la discussion entre les deux jeunes femmes assises dans les fauteuils posés près du luth de Pisan. Pisan, qui vient d'être nommée Grand Prévôt de France, et les doutes, les questions, auxquelles Magdeleine, sa vassale, son amie, sa confidente et la mère d'Aliénor, tente de répondre au mieux.

Pourquoi cette image revenait-elle maintenant dans l'esprit de la blondinette ? Sans doute parce qu'elle avait entendu, ressenti, au cours de ces conversations entre ces deux femmes qui avaient tant compté pour elle -ces conversations auxquelles elle assistait bien souvent, présence effacée dans son coin-, combien même si l'on est entouré, l'on peut être seul, "là-haut".
Qu'était-elle, qui était-elle, pour penser que parfois il suffit de quelques mots, l'assurance d'une compréhension, d'une écoute, d'une présence, pour justement se sentir moins seul, après tout il y avait sans nul doute, auprès de Terwagne, d'autres personnes bien plus proches pour la rassurer, l'encourager, mais elle sentait au fond d'elle ce besoin de dire ces mots, parce qu'elle l'appréciait, une amitié faite de distance apparente mais qui n'était au fond que de la pudeur, de la discrétion et du respect.

Les jours suivants ne lui permirent pas d'évoquer cette missive avec la Vicomtesse, aussi ce ne fut qu'un peu plus tard que la blondinette reprit la plume, pour coucher par écrit ce qu'elle voulait lui dire.


Citation:
Reims, le 10 janvier


Chère Terwagne,

Votre missive m'a fait sourire, oh, pas d'amusement mais bien parce qu'elle reflète ce que vous êtes, avec votre honnêteté et votre profonde humanité. Car les doutes, les peurs, ce sont bien justement des sentiments humains, et le fait que vous les ressentiez montre bien à quel point
vous prenez à coeur cette fonction et les responsabilités qui y sont liées.

Vous vous demandez si vous serez à la hauteur de la charge qui vous échoit. N'est-ce pas mettre en doute -encore ce fameux doute me direz-vous- la confiance de ceux qui vous ont poussée et ont soutenu votre candidature, n'est-ce pas remettre en cause le jugement de ceux qui vous ont estimée digne de ce poste, que de poser cette question ? N'est-ce pas aussi sous-estimer tout le travail que vous avez accompli au sein de la Cour d'Appel, en faisant l’institution efficace et active qu'elle est devenue sous votre présidence ?
Vous me répondrez sans doute que vous n'y étiez pas seule, que vos officiers y sont aussi pour beaucoup, alors je vous dirai qu'un équipage sans un bon capitaine n'a que peu de chances de traverser les tempêtes et mener le bateau à bon port.

Ne laissez jamais les insatisfaits, les frustrés et les jaloux vous laisser penser le contraire, tenter de vous déprécier, car il y en aura sans nul doute, peut-être y en a t'il déjà... Pisan, la suzeraine de ma défunte mère, avait pour devise "Noblesse naît de bon courage", faisant fi de toutes les critiques, bassesses et obstacles que certains ne se privaient pas de mettre sur sa route, oeuvrant au mieux dans ses fonctions, et je dois vous avouer que je pense à vous lorsque cette phrase me revient en mémoire. Vous évoquez les "grands" que vous allez côtoyer, la grandeur ne s'obtient pas par les titres ou les fonctions, mais par les actes. Et en cela, vous n'avez plus rien à prouver.
Et sinon, je sais qu'Aimelin a de forts charmants gobelets qui résonnent bien joliment sur certaines têtes, il paraît qu'en plus ça défoule !

Et puis de toute façon, il n'y a qu'une façon d'avoir réponse à cette question que vous vous posez, c'est d'y aller et de donner le meilleur de vous même, comme vous l'avez toujours fait.

S'il advenait que vous ayez envie de discuter plus paisiblement qu'il n'est possible de le faire lors de nos gardes sur les remparts de Reims, autour d'un verre de calva -ou d'une flasque pourquoi pas, soyons fous !- ou simplement de vous changer les idées, vous savez que vous pouvez compter sur mon écoute et mon amitié.

Et c'est en vous ré-assurant de toute mon amitié justement, que je conclus cette lettre.

Prenez soin de vous, et gardez-vous des vipères qui peuvent pulluler en haut lieu...

Alie


Ces mots, elle les avait écrits d'une traite, comme ils lui venaient à l'esprit. Et un léger sourire ironique en songeant qu'il serait temps qu'elle applique à elle même certaines des phrases qu'elle avait couchées sur le vélin, et lève les doutes et les hésitations concernant une envie qui lui trottait dans la tête depuis quelques temps.
Mais pour l'heure, elle s'était arrêtée là. Elle demanderait conseil plus tard. Bientôt...




Edit pour ajout^^
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Terwagne_mericourt
[Novembre-Décembre / Paris-Reims /Dossiers-Epée et bouclier/ Des nuits et des jours]

"Moi aussi j'en ai rêvé des rêves. Tant pis.
Tu la voyais grande et c'est une toute petite vie.
Tu la voyais pas comme ça, l'histoire:
Toi, t'étais tempête et rocher noir.
Mais qui t'a cassé ta boule de cristal,
Cassé tes envies, rendu banal?"

(Alain Souchon - Le Bagad De Lann Bihouë)

Inexorablement, le temps s'était écoulé, trop vite par instants, trop lentement à d'autres. Les jours, les nuits, les semaines, les mois au final...

Ses jours, elles les avait consacrés à la justice, et plus précisément à la Cour d'Appel, que ça soit à étudier des dossiers, à répondre à des courriers, à tenir des audiences, à encadrer l'ensemble des juges et procureurs, à prendre des décisions, à animer des débats, à trancher quand il le fallait, à recruter, à organiser,... Des journées noyée dans le travail, encore et toujours, prête à tout pour faire avancer les choses, à atteindre les objectifs qu'elle s'était fixée en arrivant à la présidence, mais aussi par besoin de se concentrer pour oublier tout le reste.

Ses nuits, une sur deux du moins, elle les avait passées sur les remparts de Reims, à protéger la ville, sous le regard bienveillant de la lune. Des nuits étranges, en compagnie de Aimelin et Alienor, faites fort logiquement de sentiments contradictoires, et où elle avait une fois de plus eu la sensation que le destin s'amusait des sentiments des hommes, jouant avec leurs vies pour emmêler de plus en plus les fils des pantins qu'ils étaient tous.

Aimelin, Alienor, Terwagne... Triangle quelconque, au fond, dont la base devenait malgré tout bien plus stable au fil des nuits.

Jamais son amitié et son respect pour la jeune femme n'avaient été aussi forts, et elle était réellement et profondément heureuse pour les tourtereaux de les voir écrire ensemble de nouvelles pages à leur histoire, mais il fallait bien avouer que certaines nuits elle se surprenait à repenser à certaines phrases qu'il lui avait dites lors de son séjour à Etampes, des regrets dont il lui avait fait part... Alors une fois de plus elle le fuyait, évitait les têtes-à-têtes, les courriers personnels, et se contentait de banalités dans leurs rares échanges, qui il faut bien l'admettre se faisaient de plus en plus rares, de plus en plus brefs.

De fil en aiguille, elle avait fini par trouver un certain équilibre dans ce triangle qui un jour ou l'autre se résumerait à une paire, puisqu'elle-même, lentement mais sûrement, s'en éloignait, sereine, sans même en avoir vraiment conscience. La flamme dévorante et le vertige avaient finalement fait place au doux crépitement agréable et rassurant mais aussi à la stabilité de l'amitié.

Aimelin en avait-il conscience? En était-il heureux ou au contraire déçu? Elle n'en avait aucune idée et ne se posait même pas la question. Les choses changeaient, c'était ainsi, et si il n'y avait plus de fièvre ni de passion, il n'y avait plus non plus de larmes, plus de culpabilité, plus de sensation de danger, plus de hauts et de bas, juste un mouvement régulier comme celui d'un métronome.

A la Cour d'Appel aussi, l'équilibre était enfin atteint. Une équipe complète, soudée, une salle des dépôts enfin débarrassée de plus de six mois de retard accumulés avant sa nomination, une vitesse de croisière atteinte, le choix difficile de la nomination du nouveau Procureur Général enfin réglé,... Tout coulait avec limpidité et calme, et les tensions qui avaient pu exister jadis entre certains semblaient avoir disparu suite à certaines discussions où enfin les abcès avaient été crevés, au grand soulagement des deux camps.

Seulement, lorsque comme Terwagne on a longtemps été surnommée "La Tempête", on a du mal à se satisfaire de l'équilibre en tout, de la sécurité simple, de ce qui à nos yeux donne surtout à nos nuits et à nos jours une teinte de banalité. Même en travaillant ou en défendant, on finit par s'ennuyer, et ce ne sont pas les soirées en tavernes qui parviennent à briser cet ennui.

Terwagne avait besoin de se trouver de nouveaux objectifs, de nouveaux défis à relever, de tout remettre en jeu, de se sentir tremblante et risquant la chute, de se prouver à elle-même elle ne savait trop quoi au juste... De jeter les dés, pour ne pas regretter plus tard de ne pas avoir osé, d'avoir lâchement préféré la certitude à l'envie de se surpasser.

C'est ce besoin inexplicable de tout remettre en jeu, mais surtout cette peur de regretter plus tard de ne pas avoir eu le cran de se jeter à l'eau sans avoir d'abord pris la température de celle-ci du bout du pied, qui la poussa à rédiger la lettre qui quelques jours plus tard changerait bien des choses.

Une lettre écrite dans la solitude, sans en parler à personne avant de l'avoir confiée à un messager et uniquement à deux personnes ensuite, Aimelin et Bettym. Une lettre écrite avec le même sentiment qui étreint celui qui lance les dés après avoir misé l'entièreté de ses avoirs.

Mais Terwagne ne croyait pas au hasard...

Après avoir écrit et envoyé cette missive, elle abandonna pour une petite semaine ce qui était devenu son quotidien banal - la Cour d'Appel et la défense de Reims aux côtés d'Alienor et Aimelin - pour se retirer quelques jours dans un couvent, ne se sentant pas la force de regarder les autres festoyer à deux pour les fêtes de fin d'année.


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[3 janvier 1460, sortie du monastère :]

A sa sortie du couvent, à la nuit tombée, elle était incroyablement sereine et paisible.

La missive adressée à Sa Majesté et au Grand Maître de France juste avant sa retraite, elle ne l'avait pas oubliée, mais elle ne se faisait aucune illusion à ce sujet... Sa candidature ne serait pas retenue, d'autres ayant sans doute batailler bien plus - par les mots ou par les appuis -qu'elle-même qui ne s'était après tout contentée que d'émettre un souhait, un espoir, et de relater son parcours au niveau de la justice royal, ainsi que son parcours fait d'implication au niveau municipal et ducal en Berry et en Lyonnais-Dauphiné. Une candidature lui ressemblant en tous points : discrète, humble, motivée par son envie de servir toujours plus, toujours mieux.

Pas d'illusions ni d'espoirs vains sur ce qu'il adviendrait de cette candidature, donc... Et un choc qui n'en fut que plus grand en trouvant sous la porte de sa chambre d'auberge une copie de l'annonce datant de la veille et annonçant qu'elle occupait à présent la fonction de Chancelier de France.

Un choc, oui! Un choc tel qu'elle se pinça le bras pour être certaine d'être bien éveillée.

Le lendemain, après une nuit où elle n'avait pas réussi à trouver le sommeil, elle se renseigna afin de vérifier si tout cela n'était pas une blague de mauvais goût, si... Non! Tout cela était bien réel! Sa vie allait changer... Pour le meilleur ou pour le pire? L'avenir le lui dirait.

Ce qui était certain par contre, c'est que le premier sentiment qui l'étreignit alors fut l'angoisse, la peur... Cette fameuse peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être celle qu'on attendait, qu'on espérait.

Le second sentiment fut la solitude... Cette solitude sans nom qui était sienne, sans famille, sans compagnon, avec trop de doigts sur la main pour compter ses amis... Personne avec qui fêter l'annonce de sa nomination, mais surtout personne à qui s'ouvrir de sa peur...

Alienor l'avait-elle deviné? Peut-être... Toujours est-il que la missive qu'elle adressa ce jour-là à Terwagne pour la féliciter lui fit bien plus chaud au coeur que ce qu'elle ne pourrait jamais le dire.

Dix jours plus tard, elle la relirait encore, en se disant que la seule personne à lui avoir écrit pour la féliciter et lui rendre confiance en elle était celle que la vie aurait pu la faire détester, et réciproquement... Celle devant qui elle s'était effacée par amitié, par respect, et par amour d'un même homme.

Cet amour, au lieu de les faire se détester, les avait fait s'apprécier, se respecter, et plus encore s'admirer l'une l'autre. Le mot amitié prenait entre elles deux tout son sens.

C'est cette amitié qui en date du 11 janvier 1460 fit couler l'encre de celle qui resterait quoi qu'il arrive Terry aux yeux de certains.



Citation:
Très chère Alienor,

C'est avec une certaine gêne que j'ai découvert votre courrier ce matin, me sermonnant intérieurement de ne pas avoir encore trouvé le temps de répondre au précédent. A ma défense, je comptais m'organiser un peu mieux aujourd'hui soir pour essayer d'en trouver le temps, mais vous m'aurez devancée.

Quoi qu'il en soit, avec un peu de retard donc, je tenais avant toute chose à vous remercier pour vos aimables mots, et surtout ceux où vous me qualifiez de profondément humaine... Hier encore je disais à l'un des Officiers de la Cour d'Appel avec qui je m'entretenais d'une affaire que si je ne devais posséder qu'une seule qualité j'aimerais que ce soit celle-là. Vous comprendrez donc à quel point ces mots tracés de votre plume m'ont touchée.

Pour le reste, vous avez sans doute raison : je pense pouvoir dire, sans fausse modestie aucune, qu'à force de travail et d'énergie j'ai du réussir à prouver à tous ceux qui enterraient déjà la Cour d'Appel le jour de ma nomination à sa tête qu'ils m'avaient bien mal jugée au départ, et sans raison, si ce n'est celle que mon nom n'était pas connu des hautes sphères.

De nos jours, trop de gens ont tendance à confondre mondanité et réputation avec capacité. J'en ai souvent été victime et le serai sans doute encore souvent, de par ma discrétion et ma vie d'ermite bien souvent.

Bref, vos mots m'ont une fois encore rendu confiance en moi, et je dois bien avouer que depuis lors, tout comme petit à petit l'oiseau fait son nid, j'ai pour ma part commencé à prendre lentement mais sûrement mes marques, ce qui n'était pas très simple je vous l'avoue.

En effet, les langues de vipère ne se sont pas faites attendre, et même si je les ignore je dois bien vous avouer que...

....

....

Avec toute mon amitié, et à ce soir.

Terry

_________________
Aimelin
[pardon pour mon manque de temps des dernières semaines]



[Retour arrière - Château de Reims le 3 décembre]


La plume qui crissait sur les parchemins n’était pas celle habituelle qui laissait couler les mots destinés à ses amies ou à la blondinette. D’ailleurs, en songeant aux amies, il était peut être temps de leur donner des nouvelles. La plume qui s’appliquait était celle qui avait pour tâche de répondre aux demandes de LP et autorisations en tout genre qui arrivaient continuellement dans la boite du jeune Connétable, ou par erreur dans d’autres boites, mais qui finissaient de toute façon sur son bureau, avec un léger retard pour les dernières. Un dernier courrier remis par le prévôt et un petit haussement de sourcils en lisant le nom du demandeur… Kernos… Kernos… il était certain d’avoir entendu ce nom quelque part.

Sans lâcher la missive qu’il parcourut du regard il s’appuya contre le dossier du fauteuil, avant de lever les yeux vers la porte. Mais ce nom bien sûr, c’était l’homme qu’avait quitté Terwagne avant qu’elle ne parte sur les chemins. Sa main libre se porta sur sa joue, geste habituel du jeune homme tandis qu’il se remémorait les discussions avec son amie la Vicomtesse, laissant un sourire éclairer son visage avant de s’assombrir légèrement.

Depuis le dernier soir où elle était venue dans son bureau prendre les consignes et où avait suivi une discussion entre les deux jeunes gens, les mots de la jeune Présidente de la Cour d’Appel résonnaient dans sa tête tandis qu’il revoyait son visage fatigué et son sourire triste. Toute l’affection qu’il avait pour elle n’avait pas suffit à lui faire naitre son si joli sourire. Elle l’inquiétait et il se maudissait souvent de ne pouvoir lui donner ce qu’elle aurait voulu, et lui aussi sans doute, et tout deux vivaient leur tendre amitié avec toute la force de l’attachement qu’ils avaient l’un pour l’autre. Ce soir là, elle lui avait dit des paroles qui lui avaient fait peur et il avait tenté de la réconforter tout en se montrant faussement en colère. A son retour près d'Aliénor, il avait évoqué cette discussion et il lui avait fait part de son inquiétude. Alors il veillait dans l’ombre, comme l’on pouvait veiller sur quelqu’un de cher à qui l’on tenait comme à la prunelle de ses yeux.

Abandonnant ses pensées il se mit à rédiger la réponse, un LP comme un autre. Puis il appela le garde pour faire partir les documents. Pourquoi était il persuadé qu’il allait recevoir une réponse qui lui parlerait de Terry.



[Château de Reims le lendemain]

La réponse était arrivée, comme il s’en doutait. Lecture avant de lever les yeux et prendre la chope de liquide chaud que lui tendait le jeune soldat.

mmm.. qu’est ce que je vais bien pouvoir lui répondre moi.
Je n’ai pas envie de raconter sa vie. Et puis elle lui aurait écrit si elle en avait eu envie non ?


Bien sûr qu’il comprenait l’homme, et savait ce que l’on ressentait lorsque l’abandon était là, souvent sans vraiment d’explications, juste parce que c’était un fait, un besoin ou une évidence pour l’autre. Avait il le droit de lui dire où était Terwagne ? Peut être qu’elle lui en voudrait de parler de sa vie et il n’aimait pas le faire. Leurs discussions à Etampes revenaient sans cesse, leurs promesses. Elle avait confiance en lui et leurs confidences n’appartenaient qu’à eux. En serait il autrement si Aliénor ne lui avait dit dès le début qu’elle n’envisageait aucun engagement. Elle était jeune, et même s’il n’avait que vingt et un printemps, il se disait qu’il faisait peut être une erreur d'être avec quelqu'un de si jeune. La passion qui l’avait liée à Dance l’avait laissé anéanti à sa mort et lui qui avait besoin de se sentir exister pour quelqu’un et de lui appartenir ne savait plus ce qu’il voulait. Alors il avait répondu à la facilité … oui… sans promesses de demain.

Il soupira regardant un instant le ciel qui se chargeait doucement de ces nuages qui se font malin plaisir à déverser leur eau quand ce n’est pas leur neige. Où était elle ? elle devait se cloitrer dans l’attente de ce que le destin déciderait pour elle, et lui n’avait pas envie d’aller la déranger dans ce mur de silence qu’elle bâtissait autour d’elle pour se protéger. Non, il ne pouvait pas lui dire où elle se trouvait, du moins pas avant de l’avoir vue et de lui avoir parlé de cette lettre, chose qui n’allait pas être facile pour lui, même si le bonheur de la jeune femme était primordial à ses yeux. "Un jour je viendrai vers vous et je serais heureux de vous voir heureuse… " … serait il vraiment heureux.

Il jeta un œil sur Ernest et abandonna ses réflexions à haute voix pour prendre la plume
.
Citation:
Reims, le 5 décembre

Baron Kernos,

Je ne sais pourquoi j’attendais votre réponse et vous avoue ne savoir trop quoi vous dire. Toutefois je puis déjà vous rassurer sur le fait que Terwagne est en vie et qu’elle est quelque part en Champagne. Ne me demandez pas où, ce serait la trahir que de dire telle chose sans savoir si elle le souhaiterait.

Je sais ce que c’est que de chercher quelqu’un pendant des semaines et des mois, de sentir le vide tout autour, et le sol qui s’effondre lorsqu’au bout du voyage, il y a ce vide encore et toujours.

C’est pourquoi je vais essayer de la joindre afin de lui faire part de votre missive. Elle m’a bien sûr parlé de vous également, et vous ne vous trompez point en disant que nous sommes chers l'un à l'autre. C’est une jeune femme que j'aime sincèrement, et je veille sur elle du mieux que je le peux, lorsqu’elle m’en laisse l’occasion.

Mais j’ai bien trop de tendresse ou d’amour, appelez ce sentiment comme vous le voudrez, mais ne dit on pas que l'amitié est l'amour du coeur, et de respect pour elle, pour me permettre de dire ce que peut être elle souhaite taire. Je connais ses colères et ses tempêtes et ne veux en aucun cas les provoquer, comme je connais ses douleurs et ses doutes et ses rares sourires ou l’on devine tant de choses qui la blessent.

Mais je vous promets d’essayer de la trouver afin de lui porter votre pli.
La Bourgogne n’est pas bien loin, et nos frontières sont encore fermées, mais quoi qu’il en soit, soyez assuré que je vous écrirai aussitôt des nouvelles reçues, à moins qu’elle ne le fasse elle-même.

Qu’Aristote vous garde.


Aimelin de Millelieues
Seigneur d’Etampes sur Marne


Lecture et relecture, il n'avait pas de sceau, mais sa signature suffirait. Le courrier déposé sur la pile qu'il donna au garde avec moultes recommandations, il se leva et posa sa cape sur ses épaules, la mine soucieuse tout en crochetant le fermoir. Sa blondinette serait de bon conseil et bien qu'elle ne lui posait jamais de questions elle savait l'importance de la Vicomtesse pour lui, et chose qui l'étonnait, elles s'appréciaient toutes les deux. Un salut de la tête aux gardes et il s'éloigna dans le couloir tout en repensant à une phrase qu'il avait dite à Terry, ce jour de juillet à Sainte... "s'il revient je suis certain que vous oublierez votre ébouriffé".


[Janvier - Reims, encore et toujours]


Si ma chute durait trop longtemps
Déploies tes ailes
Et sauves moi.....

Se noyer dans son travail, des jours et des nuits à s'investir, à répondre aux demandes, à aider, à s'inquiéter. Des gardes un soir sur deux sur les remparts. Depuis combien de temps défendait il le DR et la Champagne ? l'année qui venait de finir l'avait vu sans cesse mobilisé pour la levée de ban.

Terwagne... il ne l'avait pas revue, elle ne sortait pas, sauf pour leurs patrouilles qu'ils faisaient avec Aliénor et Yunab. Au fil des semaines il se persuadait qu'elle était une amie, une amie chère, de celles qui vous connaissaient par coeur. Le peu qu'il passait en taverne le soir afin de retrouver Alie et Yunab il ne la voyait pas. Et puis ce soir de fin décembre où elle était passée le voir au château pour lui parler de sa candidature en tant que Chancelière. Il avait lu avec attention sa demande, avait sourit en voyant ce côté humble et humain, ses doutes, ses peurs. Il l'avait encouragée et poussée, persuadé de sa valeur. Le Grand Maitre de France n'était autre que la suzeraine de l'ébouriffé et il connaissait trop la Comtesse d'Armentières pour savoir qu'elle choisirait avec objectivité en voulant le meilleur pour le Royaume.
La noël était passée, le voyant seul à Reims, travaillant pour ne pas trop penser. Et puis les premiers jours de janvier, était elle passée lui dire son succès et sa peur de mal faire, de ne pas savoir. Avait il sorti deux gobelets et de quoi boire pour cette occasion ? il ne savait plus. Peut être devenait il fou à ne plus se souvenir de ce qu'il avait fait des jours avant.

Il avait en mémoire néanmoins cet autre soir où elle était venue le trouver à nouveau. Une vipère la salissait, salissait par la même occasion Dotch, sous entendant de quelconques manoeuvres. Cette femme... qu'il avait vu aux joutes des Grandes Ecuries, méprisante et tant indifférente qu'elle n'était même pas venu féliciter le vainqueur qu'il était. Il se souvenait des paroles de Terry, blessée par une missive et des propos. Calomnies, ragots et messes basses étaient hélas les seules armes de certains pour exister. Et puis la discussion avait dévié vers Aliénor et sa noblesse et le jeune Etampes avait souri, étonné des propos de son amie, touché de ses intentions survolées à l’ égard de la blondinette.

"Ne donne pas trop de ta personne pour cette province, ne laisse pas ta vie te glisser entre les doigts, erreur que j'ai faite et que je regrette amèrement.... " lui avait dit la Duchesse de Brienne.
Qu'était il en train de faire ? Faisait il la même erreur ? Etait il en train de se tromper de route et de foncer droit dans un mirage qui une fois atteint s'évaporerait et fondrait comme neige au soleil ? Elle ne voulait pas de demain, et lorsqu'il la voyait rire avec des inconnus il se sentait de trop, comme elle se sentait de trop entre Terry et lui qui pourtant ne se voyaient que rarement. L'absence de tant de mots si importants, ce vide le bouffait.

Et les mots de Malt résonnaient. Personne à qui se confier, à qui parler de tout cela. Il écoutait les autres, il essayait d'aider, de conseiller, ne demandait jamais rien. Et cette rencontre, ce jour là avec la petite Marine. Cette jeune femme qu'il regardait comme s'il la connaissait, ses yeux, cette petite chose imperceptible qui l'avait troublé sans qu'il en comprenne la raison. Non pas une attirance, c'était autre chose, quelque chose de bien plus fort. Il fallait qu'il passe à Etampes farfouiller dans les missives et documents que lui avait remis sa tante. Et puis château Thierry n'était pas bien loin d'Etampes, il profiterait de sa journée de repos pour aller rendre visite à la Duchesse de Saint Florentin.

Et sans le savoir, lui qui s'inquiétait sans cesse pour elle, oubliait quelque chose, quelque chose d'important qu'il s'était pourtant promis de faire, et bien au chaud dans le tiroir de son bureau, une lettre attendait d'être parcourue, sans doute entre des mains tremblantes.

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Merci aux merveilleuses rpistes avec qui je joue
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