Afficher le menu
Information and comments (2)
<<   <   1, 2   >>

[RP] P'tain ça fait un mal de chien !

--Cerbere.


Porte Neuve était déserte ou presque lorsque le jeune homme s’y présenta. Deux jours de marche pour rien, de quoi décourager le plus brave, même si la récompense avait été de taille et payée à terme d’avance. Une charrette pleine devant l’entrée. Un vieux qui tenait les rênes d’un poney vigoureux — ce qui veut dire avec de bonnes jambes, dans ce cas, et non pas avec un excès d’ « émoi », namé !

Qu’est ce-t-y vins faire là, mon gars ?
J’apporte un courrier dans cette maisonnée.
Mais c’est qu’y a plus personne, mon joli… A part moué… C’est quoué c’te lett’ ?
Une missive de Biron, le père…
Oh là, je suis pas « le père »… Je suis Cerbère, valeureux soldat du Périgord Angoumois ! C’te affaire ! Biron, tu dis ? Comme le vicomte, not’ capitaine ?
Oui, da. Biron, du vicomté du même nom…
Alors, qu’est ce que tu attends… monte dans la charrette… Demain nous serons à Chateaubernard et tu pourras remettre ta lettre à … quelqu’un d’ici là-bas…
Chateaubernard, vous dites ? Euh… La commanderie ? C’est pas un couvent pour Hélénines là-bas ?
Pour sûr, mon gars… Que de la donzelle que tu regardes et que tu ne touches pas… L’enfer lunaire sur c’te terre, mon gars… mais nous sommes de fiers soldats, n’est-ce pas ? On survivra…
--Agnes_erikssen


Les jours s’écoulent au rythme des moissons, des charriots de grains qui arrivent aux moulins, des lettres à envoyer et qu’elle repousse sans cesse pour faire falloir à Thénac le droit de la commanderie sur les moulins de Javrezac. Il lui a fallu quinze ans pour la retrouver, quelques semaines seulement pour en profiter et voilà qu’aujourd’hui à nouveau, elle doit faire sans elle. Mais rien ne sera plus jamais pareil.

Mâchouillant le bout de son roseau d’argent, elle se remémore. Sa mère en fait autant et cela, tout le temps. Leur similitude sur cette manie lui arrache un sourire mais il ne faut pas attendre que les larmes coulent, que la nostalgie de ses quelques jours de joie ensemble l’atteigne à nouveau. Elle se remet juste à écrire, lorsque la porte s’ouvre à la volée. Cerbère vient d’arriver, lui annonce la sœur Hélène-Clothilde ! Les lèvres de la sylphide se dérident. Les moniales vont encore être en émoi. Entre ses œillades égrillardes, ses mains qui se balladent, ses petites phrases de jeunes amants en peine de cœur, le vieux bonhomme a vite fait de semer la panique dans un couvent de jeunes filles de bonne famille. Pour sa part, elle éprouve une affection sincère pour le vieil « aide-de-camp » de sa mère. Il n’est pas très utile, pas très vaillant, pas souvent charmant. Mais il est là quand il faut.

Agnes se relève doucement, lisse du plat de la main sa houppelande et s’approche de la porte dans l’attente du visiteur. Diantre ! Il n’est pas seul. Accompagné d’un homme bien moins « trop vieux ». La jeune fille est mal à l’aise. Elle rosit même car en l’absence de sa mère, elle est la maîtresse du lieu, et c’est donc à elle d’accueillir le voyageur.

Latha math, fear og.

Elle ferme les yeux un instant en inspirant. Autre technique que lui a appris la grande. Pourquoi s’est-elle mise à parler sa langue ? Immédiatement elle se reprend.

- Bonjorn, mestre. Je suis Una McFadyen, puis-je vous aider de quelques façons ?

- Oui, da, damiselle… Voilà une lettre qu’on m’a demandé de remettre à Porte Neuve et le vieux, là, m’a accompagné jusqu’ici.

- Puis-je voir cette missive ?

L’homme lui tend sans manières. Après tout, il est sans doute heureux de se débarrasser de sa mission. Au passage, ces doigts frôlent ceux de la sylphide qui s’empourpre à nouveau.
Elle ferme encore les yeux et inspire, puis elle déplie le courrier et lit doucement.


Citation:
A Bryn McFayden

Et encore un qui écorche leur nom. La grande lui a dit de ne pas y faire attention. Elles-mêmes ont bien du mal avec tous ses noms en Ac, d’ici. Sourire.

Citation:
Madame,
Comme vous le savez sûrement, le domaine de Biron, si ce n'est pas déjà fait, va revenir dans l'escarcelle du Comté.


« C’est sans doute déjà fait. » pense-t-elle. Sa mère n’aurait jamais laissé Biron sans tutelle, ni aucun autre des fiefs du comté.
Citation:
Ainsi, aujourd'hui sans maître, il va de nouveau susciter la convoitise des brigands de tout poil qui sont légions chez nous comme vous le savez.


Que sont devenues les troupes que Mac y a envoyées après l’inhumation du vicomte ? Elle n’y était pas mais l’ordre de mission est bien dans les registres : deux bannerets de la commanderie avec leurs écuyers et des hommes d’armes, engagés exprès. Les gages sont payés d’ailleurs, ce qui a retardé le ramassage des foins.

Citation:
Nous avons appris de manière fortuite que vous aviez eu un fils et nous tenions à vous féliciter pour cet heureux évènement.


Sait-il seulement que ce fils est né grand prématuré et que sa vie est toujours en danger ? Sait-il seulement qu’à vouloir le nourrir elle-même sa mère a failli y rester ? Sait-il seulement ce que c’est que de naître sans père, ce signataire ? Les questions fusent et Agnes sent monter la colère dans ses veines. Dès qu’elle a posé les yeux sur Hadrien, elle l’a aimé, comme on aime son petit frère. Elle l’a haï aussi de pouvoir profiter des bras de cette mère dont elle a été privés. Haï aussi d’être né d’un si grand amour qu’elle pouvait voir à chaque fois que sa mère posait les yeux sur lui. Mais elle sait ce qu’elle doit faire de cette jalousie. Elle sera toujours là pour lui, elle en fait son affaire.

Citation:
Nous ne voulions pas vous importuner mais cet enfant pourrait requérir une importance considérable à nos yeux. Si celui-ci était le fruit de notre Vicomte bien-aimé…


L’infâme ! Laissez penser que sa mère ait pu courir le guilledou avec d’autres que son « vicomte bien aimé »… et la colère monte, monte encore. Elle respire plus vite et plus fort.

Citation:
la question de la descendance de Biron pourrait faire débat. Ainsi, notre Vicomté pourrait rapidement regagner sa stabilité et sa prospérité.


Rien du tout. Pas de débat. Hadrien est un McFadyen ! Si le vicomte avait voulu débattre, il aurait épousé sa mère avant de l’engrosser. De toutes manières, en Ecosse, c’est héritage par la mère. Cognati, que ça s’appelle ! Et foi de McFadyen, Hadrien est à eux… à eux seuls ! Elle s’en moque éperdument de la stabilité et de tout le reste à Biron !

Citation:
S'il vous plait madame, c'est vraiment important pour toute la population de la Vicomté et nous serions heureux de saluer à notre façon ce petit prince.

Scellé à Biron le 5 juillet 1459
Martin Rachignac, secrétaire-intendant de la Vicomté de Biron


« Martin Rachignac, vous allez entendre ce que j’ai à vous dire ! Croyez-moi ! » Mais ce ne sont pas les mots qui lui viennent, mais les larmes de sa détresse. Elle commence à pleurer, puis, de rage, suffoque, blémit. Son ire est irraisonnée.

M’zelle Una ! Faut pas vous mett’ dans st’état… Chais pas c’qui s’dit dans c’te courrier, mais ça vient de Biron… Vous savez. Le capitaine, c’était un homme bien pis c’est le papa de vot’ petit frère, même s’il a pas eu le temps de l’savoir. Alors ça doit pas être que du mauvais…

Elle sent la main du vieux dans son dos, qui la caresse comme pour la calmer. Rien de concupiscent dans son geste, juste beaucoup d’amitié.
Excuse-moi, Cerbère… Juste que je ne sais que… Tu sais où elle est, n’est-ce pas ?
Le silence du vieux est éloquent. Pour sûr qu’il doit savoir. La Gageon est partie avec Ailean. Et fort à douter qu’elle a harcelé de pauvres hères tout au long de son périple pour que Cerbère puisse la retrouver.
Tu le sais ?
Bah… j’en ai une vague idée… mouais…
Alors attend un instant.

Elle se rasseoit, sèche ses larmes du bout des doigts, sort un nouveau vélin et commence à rédiger.

Citation:
    Soraidh, mathair.

    J’espère que ce courrier saura vous trouver en meilleure forme que lorsque vous avez quitté la commanderie. Je n’ai osé demander aux deux hommes qui vous ont emportée quelle était votre destination. Je souhaite
    juste vous savoir en vie et Hadrien aussi. Je viens de recevoir un étrange courrier de celui qui se dit secrétaire-intendant du vicomté de Biron.
    L’affaire est on ne peut plus confuse mais il semble revendiquer des droits sur Hadrien.
    Dites-moi de vous rejoindre et je vous rejoindrais, dites-moi que transmettre et je le transmettrais.

    Votre fille à qui vous manquer.



Voilà, Cerbère !
Le temps de sabler et de rouler.
Et envoie quelqu'un à Biron, pour dire à ce Martin que la soeur-scribe Agnes Erikssen du couvent des Hélénines l'attend pour un entretien de la part de la Dame de Chateaubernard. Depuis quand la McFadyen devrait elle répondre aux injonctions du petit personnel ?

Elle a la tête haute, le verbe fort mais sans variation de ton. Elle cache sa colère et essaie de ressembler à sa mère.

Naméo !

Puis elle soupire : il reste beaucoup à faire. Heureusement que c'est seulement Cerbère.
___________________________________________________
--Martin
Martin bouche-bée entendit le messager répondre au courrier qu'il n'avait finalement jamais envoyé.
Il bredouilla vaguement, promettant de se rendre auprès de ladite Agnes.

Pourtant, il l'avait jetée cette lettre. Il en était certain. C'était incompréhensible....

A moins que quelqu'un n'ai récupéré sa feuille et s'en soit inspiré. Encore une de ses diablesses de servantes qui fouinait toujours partout à la recherche de nouvelles croustillantes. Ou alors, c'est quelqu'un qui avait fait la démarche en son nom.
Cela partait d'un bon sentiment. L'inquiétude succédait à la tristesse à Biron.
Enfin, le contact était pris. L'ancienne comtesse devait être absente. Il devait rencontrer une certaine Agnes dont il ignorait l'identité.
Tant mieux, la démarche serait plus aisée que face à face avec la brune.

Dès le lendemain, il prépara son paquetage et se rendit au lieu mentionné. Il demanda ladite Agnes avec beaucoup d'anxiété et un sourd espoir au fond du coeur.
--Agnes_erikssen


Quelques jours après son courrier, la lettre lui était parvenue. Elle ne cessait de la lire et la relire, les larmes au fond des yeux, se pinçant la lèvre pour les retenir. Elle en connaissait déjà chaque mot par cœur, chaque virgule, chaque insistance sur le parchemin où elle savait que la grande avait machouillé son style pour réfléchir avant de poursuivre.

Citation:

    Ma chère enfant,

    Il m’est si dur de devoir t’écrire plutôt que de te savoir près de moi et de t’expliquer toutes ces choses de vive voix. Mais ainsi va la vie, et la mienne ne m’appartient pas vraiment pour l’instant.

    Je suis à Castelnaudary où je dois subir de plein fouet chaque jour l’incompétence de la justice périgourdine à s’en prendre aux manants qui ont attaqué le château. Mais en dehors de la vue et la présence de ces malotrus, c’est une ville agréable, où l’on discute de tout et de rien, mais sommes toutes, assez peu de politiques de comptoir ou des dernières coucheries. Nous sommes donc loin de l’ambiance du Périgord et cela me convient. J’habite encore l’auberge du Banastié avec Gageon et Hadrien.

    Sans doute acquérerai-je plus tard quelque demeure, maintenant que Porte Neuve est vendue. Cela me causa tant de peine. Cette maison était magnifique non par sa conception mais parce que j’y ai vécu tant de magnifiques aventures avec des gens plus superbes les uns que les autres. Comme j’aurais aimé que tu les connaisses ! Mais cela est désormais derrière moi. Je n’arrive néanmoins pas à me décider. Quelque chose me retient, quelque chose qui vous concerne, toi et Hadrien.

    J’ai appris lors de mes tractations avec le notaire que le comté risquait de repasser dans les mains des bons à rien. Ils sont prêts à tout pour asseoir leur incompétence et vous ne serez pas à l’abri tant qu’il en restera un seul dans le pays. L’immonde sorcière est à leur solde, c’est pour dire l’étendue du malheur qui s’abat. Si jamais la pression de leur bêtise se faisait trop grande, n’hésite pas à prendre la route avec les sœurs et à me demander des escortes. Ne remontez pas sur Cognac, cela ne servirait à rien. Filez directement sur la Guyenne et à Bazas un bateau vous attendra.

    Voilà pour ce qui te concerne, ma fille. Mais venons-en maintenant à la lettre de Martin. Tu n’as pas à t’inquiéter de lui, bien au contraire. S’il est une personne sur terre, en dehors de notre maison, à qui je confierais la vie d’Hadrien sans réfléchir, il est celui-là. Ce n’est pas sans émotion que j’aimerais qu’Hadrien rencontre les gens de Biron. Car chaque jour, ce petit être ressemble un peu plus à son père. Ses yeux virent davantage vers cette sombre couleur de sous-bois et pétillent de tout instant de la vie. Chaque jour, il m’impose sans me contraindre sa façon d’être et de voir les choses, malgré son très jeune âge. Comme le faisait Ben avant lui. Je sais que cela n’évoque rien pour toi. J’espère seulement qu’un jour tu auras la chance de connaitre ce que j’ai connu là. Et tu sauras.

    Je t’en prie, prend contact avec Martin, ouvre lui les portes de la commanderie et n’aie aucune crainte. Je te fais confiance une fois de plus. Je sais que tu feras ce qu’il faut pour nous.

    Que St Michel et Ste Hélène t'accompagnent.
    Ta mère



Elle termine sa énième relecture lorsque la porte s’ouvre sur une cornette replète, affublée d’une lorgnon. Malgré cette apparence de mégère, la cornette ne doit pas être beaucoup plus vieille qu’Una, son sourire révélant l’innocence de la jeunesse.

Ma sœur ?
Oui..
Y’a le sieur de Biron qui vous demande…


Un instant de doute dans l’esprit de la sylphide. Juste l’instant où l’évocation lui a fait croire qu’elle aurait la chance de découvrir le seigneur de Biron et savoir s’il est bien en tout point celui que sa mère décrit avec tant d’emphase.
Mestre Martin Rastignac…
Faites entrer, sœur Mathilde-Hélène, faites entrer !


Tandis que la moniale s’exécute, Una se lève à la rencontre de son hôte, hésitant entre l’envie de le défier et celui de lui faire toute confiance comme sa mère le prône.

Lorsque l’homme pénétre dans le bureau, elle inspire. Son regard si semblable à celui de sa mère se pose sur le secrétaire et en un instant, elle sait également. La sylphide tend alors sa longue main diaphane vers l’homme instinctivement, sans même rosir comme elle en a l’habitude.


Soraidh, mestre. Entrez. Je suis sœur Agnes Erikssen.

Puis elle se reprend prestement. Si cet homme connait sa mère, il lui a sans doute fallu moins d’un regard pour comprendre.

… je me nomme aussi Una MacFadyen selon les rites de nos anciens. Je suis la fille de…

Elle n’achève pas sa phrase. Nul n’en est besoin. Elle sait qu’il sait et que tout désormais se passera bien. Impression étrange d’un puzzle dont toutes les pièces éparses reprennent soudainement place sans effort. Martin est-il la pièce maîtresse de ce jeu du destin ? La sylphide se contente de soutenir de ses yeux gris le regard du secrétaire, suspendue à ses lèvres, inquiète et rassurée à la fois.
_____________________________________
--Martin
Après un détour à Sarlat pour ses affaires, Martin se rendit au lieu indiqué pour rencontrer ladite Agnes : un couvent.
Une première moniale lui barra la route dès son arrivée. Il dut tant bien que mal raconter son histoire en essayant d'en dévoiler le moins possible à la curieuse religieuse.
Après quelques minutes de palabre, elle le conduisit enfin auprès d'Agnes.

Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant qu'Agnes ressemblait trait pour trait à l'Ecossaise. On eut dit sa soeur... à moins que ce ne soit...

Mais oui, bien sûr. C'était ça. Ainsi, Agnès était :


... sa fille !

Bon Jorn Demoise... ma Soeur...
Je.. vous.. la ressemblance avec votre mère est frappante. Veuillez excuser mon embaras mais je n'avais pas connaissance de votre existence...


Bravo, se dit Martin, et une gaffe, une...

Je.. Enfin, je suis ravi de faire votre connaissance.

Je suis Martin Rachignac, fidèle secrétaire de feu le Vicomte de Biron qui était.. enfin... que votre mère a bien connu. Je représente les gens de Biron qui s'inquiêtent fort du sort de la terre de feu leur seigneur.
Je dois lui parler instamment au sujet... enfin, je dois lui parler... C'est important. Se trouve-t-elle ici ?


La fille était-elle au courant. La situation était délicate pour le pauvre Martin qui n'en menait pas large.
--Agnes_erikssen


Bon Jorn Demoise... ma Soeur...
Je.. vous.. la ressemblance avec votre mère est frappante. Veuillez excuser mon embarras mais je n'avais pas connaissance de votre existence...

Una se fend d’un sourire espiègle. Ses sourires sont si rares, le moment est précieux.

Il est vrai que ma mère n’a jamais beaucoup aimé évoquer le passé dont je fais partie. Ne lui en voulez pas…

D’ailleurs le vicomte lui-même savait-il ce qu’avait été cette vie-là ? Rien n’est moins sûr. Qui pourrait comprendre ? Elle même ne sait pas quoi en penser parfois.
Se déplaçant dans la pièce, elle invite du geste le secrétaire à s’asseoir tandis qu’elle rejoint silencieusement son pupitre.


Je.. Enfin, je suis ravi de faire votre connaissance.
Rien n'est moins sûr mais nouveau sourire. Etrange situation. L’homme semble d’un aplomb inébranlable rien que par son ton, et pourtant ses mots s’entrechoquent dans la plus parfaite des confusions.

Je suis Martin Rachignac, fidèle secrétaire de feu le Vicomte de Biron qui était.. enfin... que votre mère a bien connu. Je représente les gens de Biron qui s'inquiêtent fort du sort de la terre de feu leur seigneur.
Je dois lui parler instamment au sujet... enfin, je dois lui parler... C'est important. Se trouve-t-elle ici ?

Un instant de silence. Una toise son vis-à-vis. Elle évalue également : qui protège-t-il ? La MacFadyen ? Le vicomte ? Uniquement Biron ? Martin ne donne pas l’image d’un serviteur servile mais a dû être un véritable second.

Ma mère n’est plus ici…

Que faut-il ? Jouer franc jeu directement ? Ou voir jusqu’où le secrétaire ira sans révéler la moindre information ?

Je suis au regret de vous annoncer que Brygh Ailean McFadyen a quitté le Comté, voilà déjà quelques semaines. Elle n’est pas partie d'elle-même. Elle n'aurait pas pu pour de multiples raisons. En attendant qu'elle aille mieux, des amis ont profité de sa fièvre et de son inconscience — si vous la connaissez, vous savez qu'il vaut mieux qu'elle soit inconsciente pour lui faire faire quelque chose qu'elle n'a pas décidé — pour l'emmener à l'abri, la protéger des viles ambitions. Elle et… Hadrien.

Son sourcil se soulève, son sourire s’efface. De nouveau son regard de brume scrute celui du secrétaire comme une fouille sans ménagement.

Vous savez ? Hadrien…
Elle tend alors vers Martin le courrier qu'elle a reçu de lui comme pour lui signifier qu'elle sait la raison de sa venue. Elle est MacFadyen, et une MacFadyen ne tergiverse pas.
__________________
--Martin
Je... En fait cette lettre, ce n'est pas moi qui l'ai écrite. Enfin techniquement pas complêtement.

Il prit délicatement la lettre ; ce n'était pas son écriture ; la parcourut. Quelqu'un avait recopié son brouillon, ajoutant une conclusion et falsifiant totalement sa signature.
Pourtant personne au château n'aurait été capable d'écrire proprement une lettre si longue.


Quelqu'un au chateau a récupéré un brouillon et... Enfin peu importe, vous savez donc l'objet de ma visite.

Votre mère et votre... le nourisson ne sont donc plus dans le Comté !


Le sort s'acharnait donc sur Biron et ses habitants.
Avez-vous de ses nouvelles ? Comment vont-ils ?

Je m'excuse de poser cette question, surtout en cet instant qui doit pour vous être réellement pénible mais le petit est-il bien le fils du Vicomte ?

ça y est. Il avait laché le morceau. La fille ne semblait pas du genre à s'offusquer de tel propos. Elle semblait d'une grande détermination.
Mais le secrétaire avait des principes et toutes ces histoires l'embarassaient.
Pourtant, il devait savoir.

Sur le ton de la confidence.


Vous savez, surement grâce à votre mère, le Vicomte avait retrouvé tout son allant, sa fougue et sa joie de vivre.
Pourtant, Aristote m'est témoin que je n'ai pas vu d'un bon oeil son arrivée dans notre petit univers qu'est Biron. Son personnel plus qu'étrange qui a débarqué un jour au château, ses manières très libertaires et l'influence qu'elle a eu d'emblée sur notre seigneur.
Tout cela ne me plaisait pas ; je l'avoue. Mais j'ai vu également renaître le Vicomte, séduit par votre mère certes mais aussi par son ambition et ses idées pour notre Comté.
Pour la première fois depuis bien longtemps, il croyait de nouveau à ce qu'il faisait.
Il aurait déplacé des montagnes malgré son emploi du temps chargé.

Sa fin terrible est toujours une énigme pour nous. Il aurait attaqué cette femme enceinte et sa faible escorte dans la nuit et sans sommation.
Il a asséné le premier coup, la blessant grièvement. Elle s'est défendue, lui fendant l'occiput.
Pourquoi était-il seul à ce moment-là, pourquoi a-t-il attaqué cette Déols de malheur ?
Je crois que nous ne le saurons jamais. Avec sa mort, disparaissait toute possibilité de procés dont d'ailleurs personne n'aurait voulu. Par cet assaut inexpliqué, par sa mort et la destruction de son armée, le Vicomte a entrainé le Comté dans des difficultés immenses.
Je suis certain qu'il y a pensé avant de mourir


Comme revenant d'un rêve lointain.

Depuis la cérémonie, nous n'avons pas revu vote mère. Je vous avoue que je n'y tenais pas plus que ça. J'ai longtemps attribué la mort du Vicomte à son influence.
Ils avaient l'air de vivre trop pour vivre vieux et c'était dans mon esprit le Vicomte qui avait payé cette soif d'absolu.
Mais il a voulu... Aristote m'en ait témoin... Il a voulu tout cela.
Et si les circonstances de sa mort sont toujours ténébreuses ; une chose est sûre. Votre mère n'y est pour rien.

Quand même... Il a combattu de nombreuses fois avec l'armée et notamment durant la guerre de Berry comme votre mère.
Périr de cette façon aux portes de la capitale, avec l'étendard de la Primiera qu'il vénérait. N'est-ce pas là un terrible revers du destin...

Baste, je m'égare Damoiselle, ma soeur, la plaie est encore vive. Aujourd'hui, il nous importe de sauver ce qui peut l'être.
Peut-être que votre frère, aussi frèle et innocent qu'il soit, est en mesure de le faire.
Mais pour cela, nous devons prouver que votre mère, Comtesse et donc noble et le Vicomte se sont mariés devant Aristote.
Je dois retrouver votre mère. Mais par où commencer ? Pouvez-vous lui écrire pour moi ? Lui exprimer ma requête ?

Ce n'est pas que pour moi. Je sais lire, compter et organiser toute chose ; je n'aurai aucun mal à retrouver un nouveau maître. Mais il y a tous les vilains de Lacapelle et des environs qui voient leur récoltes pillées, leurs femmes et leurs filles violées, leurs maisons incendiées.
Et puis quand même, ma famille est au service de l'étandard d'or et de gueule depuis des temps immémoriaux. Je dois réussir. Vous comprenez ?
--Agnes_erikssen


Agnès ne cesse d’être intriguée par le personnage en face d’elle. Certes les hommes en général l’intriguent, pas par intérêt mais par incompréhension. Comme s’il s’agissait d’une espèce à part, différente des femmes. A chaque fois qu’elle a abordé la question avec sa mère nourricière à l’aube de son adolescence, elle a toujours eu fin de non-recevoir sous la forme « Bah ! C’est pas possible d’être si jeune et d’avoir des idées aussi tordues… ». Elle en a aussi discuté avec La MacFadyen, autour d’un verre de cidre devant ce même écritoire, et la grande s’est contenté de sourire narquois en lui rétorquant : « C’est tellement vrai, si tu savais comme tu as raison ». Entre les deux versions, elle s’interroge… et là, son interrogation devient presque une réponse en écoutant Martin. L’homme est définitivement une espèce à part, fichtre bleu.

« Techniquement pas complètement, tu m’en diras tant mon gaillard ! Imagine seulement ce que mère ferait d’une telle affirmation dans un prétoire ! »

Lorsqu’il demande de lui confirmer la paternité de l’enfant, Agnès aurait pu se rembrunir et même sortir de ses gonds à cette simple question. Pourtant il n’en est rien. Elle se contente de l’écouter jusqu’à la fin puis elle prend son temps pour répondre.

Martin, je peux vous appeler Martin, mestre ? Vous n’y voyez pas ombrage ? Qui suis-je pour vous garantir que mon petit frère est le fils de votre vicomte ? Si ma mère le dit, alors je la crois. D’ailleurs elle ne le dit pas… Car les évidences, pour elle, ne se disent pas. Je sais juste que ma mère et votre vicomte ne se sont quasiment jamais quittés jusqu’à sa mort… Il a seulement abandonné Périgueux dans les derniers jours avant son trépas, pour venir au monastère, nous assurer la réception de la paille qui venait de Biron… car nous en manquions. Mère était en tournée alors et dormait sous sa tente avec la baillie Angelynna… Ma mère n’est plus une jouvencelle qui a besoin d’asseoir sa réputation. C’est une veuve, doublée d’une forte tête avec un caractère bien indépendant… Si elle dit, pense ou fait comme si l’enfant est celui du vicomte, c’est qu’il l’est assurément. Dans sa dernière lettre, elle m’en parle encore avec une très vive émotion… Lui faites-vous confiance vous aussi pour savoir au fond de votre cœur qu’Hadrien est bien un Le Guesclin ?

Déjà elle se lève intimant au secrétaire de la suivre. Puis c’est le parcours du combattant, dans les couloirs et les portes dérobées de ce couvent si particulier. On y croise quelques très jeunes filles en costumes civils bien que sans ornement, deux ou trois sœurs soldates, en robe de bure, dagues à la taille, regard brillant. Sans vraiment se soucier de savoir si cela peut impressionner Martin, la jeune fille poursuit dans le dédale :

Pour la mort du vicomte, je n’en sais pas plus que vous… Je pense même que ma mère en sait bien moins que tout ce que vous venez de me dire. Si la Deols ne l’avait pas ramené en permanence comtale, elle n’aurait rien su des événements. Je peux vous lire ce que mère a consigné... Elle consigne tout, vous savez, tout ce qui peut servir à se souvenir, un jour.

Elle entre alors dans une petite pièce sombre. Un tartan sur le lit délicatement plié, des étagères jusqu’au plafond, couvertes de rouleaux et de parchemins, un coffret de bois richement sculpté. La cellule de la grande. Una se saisit du coffret avec déférence, comme s’il s’agissait d’une relique sacrée. Dedans, une mèche de cheveux bruns en prémisse d’un petit carnet. Quelques gestes fluides pour trouver la page qui correspond. A l’aide de son doigt, Una se met à suivre les lignes tandis que sa voix s'élève.

De la mort de Benduguesclin

La froideur des mots contraste avec la chaleur de la voix de la jeune femme.

Je ne sais ce qui a pris à mon capitaine de batailler avec la Deols, surtout sans les hommes que je lui avais demandé de prendre avec lui. J’aurais dû retarder mon départ pour Bergerac. J’aurais dû être avec lui. Pourquoi n’ai-je pas écouté mon instinct et me suis-je encore fier à mon devoir ? Jamais je ne me pardonnerais de lui avoir mandé cette vigilance, jamais ne me pardonnerais de l’avoir conduit au tombeau.

Elle s’arrête, elle n’ira pas plus loin. Les mots qui suivent sont trop intimes. Dans la bouche d’un tiers, même elle, sa fille, cela semblerait indécent.

Vous voyez, vous n’êtes pas la seule à l’avoir jugé coupable. Elle-même le faisait. Mère se sent toujours responsable de tout et de tous. Mais lui, c’était autre chose… Je crois qu’ils se protégeaient mutuellement. Elle ne cesse de me répéter que ce que votre vicomte et elles ont partagé était vraiment exceptionnel... béni par les archanges, ce sont ses mots. A vous écouter j’ai compris que c’était vrai. Mais ça ne le ramènera pas lui, ni même ne résoudra votre problème.

Elle s’asseoit sur la table de travail, replie ses pieds sous elle, en pleine réflexion, puis tout à coup.

Quelques pages plus tôt elle parle d’un voyage en les terres de Biron, juste avant les élections… Lorsqu’elle se foula la cheville. Mais ses propos sont particulièrement étranges pour une fois, et le peu que je comprends…

Tout à coup, la vestale est pourpre comme un Castillon. Elle se penche, sourcils relevés vers le secrétaire.

C’est assurément là que… ‘fin, Hadrien… non ?

Puis elle se reprend, déglutit, ferme les yeux une seconde.

Je vous lis un autre passage… Ne lui dites jamais que je vous l’ai lu. Elle n’aime pas qu’on la dévoile… Enfin de toutes façons, ce passage là… je n’y comprends rien : De ma cheville et des conséquences

Una sourit en regardant Martin à travers ses cils, se racla délicatement la gorge et pointa du doigt quelques lignes en dessous de ce titre.

« Lorsque Ben me retrouva au pied… » non c’est plus loin… « Il existe une magie à Biron… » ça doit être part là…Arf, voilà : « Ce que nous avons fait, nous savons qu’il nous faudra le rendre public un jour. Pas pour l’instant. Il nous reste ces élections, ce mandat qui sont pour moi la dernière épreuve pour lui montrer qu’il a fait le bon choix et que je suis celle qu’il lui faut. Nos destins sont scellés, ne reste plus que... »

Elle referme le carnet précipitamment et le range délicatement.

Martin… euh… c’est quoi ça exactement ? Vous y étiez pendant leur escapade, vous en savez plus... assurément. Depuis la mort de Ben... du vicomte, mère s'est refermée sur elle-même et après la prise du château, son univers s'est restreint à elle et Hadrien... Elle est ailleurs, vivant avec l'humeur du moment, retranché derrière des silences, se défiant de tout le monde... Que s'est-il passé à Biron ?
_______________________
--Martin
Assurémment, la gamine avait du cran et le tempéramment de sa mère.
Martin pensa qu'il ne souhaitait surtout pas figurer dans la liste de ses ennemis le jour où elle sortirait de cette prison dorée. Il sentait un feu, qui couvait pour le moment certes mais un feu ardent qui transparaissait dans l'attitude et les propos de la jeune fille. Martin n'arrivait pas à chasser de son esprit la vision de l'écossaise en regardant la fille.



Non, à vrai dire, ils ont tout fait pour je ne sois pas dans les parages durant ces jours. Ce que je peux vous dire, c'est qu'ils ne se sont pas quittés d'une semelle...

De mémoire de Rachignac, je n'ai jamais vu le Vicomte ramener quiconque au château. Enfin, aucune de ses... conquêtes.

Ne vous méprenez pas... Conquêtes n'est pas un bon terme. Pour Biron, il y avait deux genres de femme. Celle qu'il rencontrait, de moins en moins d'ailleurs, en taverne. Ils riaient, dansaient, chantaient et terminaient la soirée ensemble à l'auberge.
Et puis, il y avait la Dame qu'il recherchait pour Biron. Bonne famille, bonne fortune et suffisemment indépendante pour ne pas lui casser les pieds en permanence.

Pour celà, il s'y est résolu que très tard et après maintes insistances de nous, gens de Biron. A vrai dire, il goutait peu aux réceptions mondaines et il a du faire un effort considérable pour se rendre quelques-fois à la cours de feu Levan III. Il en rentrait déprimé et dépité traitant de pinbèches fardées la moitié de la cours du Roy.

Mais votre mère s'est insinuée peu à peu dans sa vie. A ma grande contrariété, il a laissé peu à peu tombé sa quête d'une dame de Biron. Et c'est là, je crois qu'il s'est mis en tête de faire la cours à votre mère.

Je crois qu'elle l'a éconduit une fois. Un soir, il est rentré au château sans parler à quiconque ; refusant même de répondre aux bonnes lui souhaitant une bonne soirée. Personne n'en revenait au château et les rumeurs comme toujours allaient bon train.

Et puis, elle est arrivée un soir sans prévenir avec sa clique... enfin, avec ses gens. Elle avait l'air épuisé, ne sachant pas véritablement ce qu'elle venait faire ici. Je me suis littéralement fait agressé par l'asiatique ce soir là suite à une remarque il est vrai désobligeante sur sa maîtresse.

Votre mère n'est pas restée au château ce soir mais il s'est passé quelque-chose. Nous avons retrouvé le BenDuguesclin que l'on nous avait décrit avant qu'il ne devienne ségneur de Biron.
Il avait de nouveau foi en l'avenir et en lui. Il semblait apaisé.

Mais je m'éloigne encore du sujet comme un bavard impénitent que je suis...

Je ne sais pas ce qu'il s'est passé durant ces jours. Le Vicomte m'a envoyé au quatre coins du domaine pour des missions mineures.
Je ne suis pas dupe. Ils voulaient se retrouver tous les deux et ma compagnie ne semblait pas la bienvenue.
Mais il faut impérativement que je parle à votre mère, dussè-je faire le trajet jusqu'à Toulouse. Est-il possible de lui écrire faute de la voir ?
See the RP information <<   <   1, 2   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)