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[RP] Ainsi soit-elle!

Strakastre
Groumpf... Mais où était-elle bien passée ?

Des jours à présent qu'il n'avait pas eu de nouvelles de sa fille Clelia... et cela n'était pas pour rendre l'humeur de l'Ours particulièrement avenante. Il la savait partie pour il ne savait quel péril... et cette attente silencieuse lui pesait de plus en plus sur les nerfs...

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Killijo_de_denere
Je pose 2 je retiens 4, plus ce stock là, à cent écus, que je retire, sans compter le mandat ici et...

Messire Diacre ! Messire Diacre !

Killijo leva la tête, surpris. Il y avait un petit moment qu'il n'avait plus entendu ce nom. Il est vrai qu'il était diacre, aussi, mais actuellement, il était surtout maire, gestionnaire, comptable, et parfois accessoirement, négociateur. Sans compter le reste aussi, mais que ne ferait-on pas pour son duché... Il entendait que l'on s'agitait derrière la porte.

C'est urgent ! Damoiselle Clelia... Confession... pas bien... Vous demande...

Il se leva d'un bond, laissant les parchemins clairsemés sur son bureau, la plume bavante sur ses comptes, tant pis. Il alla vite ouvrir la porte, et une jeune dame s'agitait en lui intimant de la suivre immédiatement pour voir la damoiselle au couvent. Il la suivit en tentant d'avoir quelques explications, mais elle était trop affolée pour tenir un discours cohérent. Il arriva vite au couvent, où il fut conduit directement dans la cellule de Clelia où régnait une odeur... Qu'il ne voulait plus sentir. Encore moins chez une jeune fille. Il salua d'un signe de tête la jeune nonne qui se tenait aux côtés de la moribonde, et lui prit la main.

Je suis là Clelia, que se passe-t-il ? Vous mandez une bière ? Savez-vous que je fais un très bon vin aussi, maintenant ?

Il voulut faire un peu d'humour, tracassé déjà par l'état de la jeune damoiselle.

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Chez moi
Clelia
Plongée dans les rêves auxquels elle s'attachait encore, elle n'entendit pas qu'on appelait un diacre, que Killijo arrivait, qu'il lui parlait, la faisait changer de cellule, qu'on la déplaçait, qu'on lui passait de nouveau un linge mouillé sur son front. Son coeur bouillait plus fort à mesure que les minutes s'écoulaient.

Les paupières closes, sa respiration se faisait plus saccadée au fil des rêves les plus tortueux qui s'enchainaient à la vitesse de l'éclair dans son esprit déjà loin.


Il était vaguement question de l'écureuil, à nouveau, de l'écureuil qui n'avait pas repointé le bout de son nez... il était question du Lyonnais Dauphiné aussi et de cette église... Et puis tout d'un coup, de Cerise et du bébé qu'elle n'avait pas vu, de Guy qu'elle ne connaissait pas.. De sa mère... laquelle? de celle qui l'aimait comme sa propre fille... celle qui avait repris vie après cette lettre qu'elle avait écrite dans une nuit, quand elle lui manquait trop, une fois de plus... "Si tu n'étais pas disparue, je te dirais que..."
Et puis, ce meilleur ami, qui n'était pas là... "je suis comme la vie, décevant, injuste" lui avait-il écrit. Il avait oublié désolant, désespérant... et que dire des autres pour qui l'appât du gain était plus fort, ou non, l'appât de l'Aventure, avec un grand A.. celle qui ne permettait pas d'attaches. "Tu n'aurais jamais du partir" lui avait-il dit aussi.. Non, elle n'aurait jamais du rester, s'en tenir à ce qu'elle avait demandé à Jaja, l'obliger à partir d'Anjou au risque de ne plus pouvoir en partir à jamais.
Une promesse était donc une absence de liberté.. c'était ainsi...

Alors que sa liberté à elle commençait à la prendre, elle sentit une main sur la sienne, chaude, réconfortante, anormalement chaude - ou peut-être était-ce la sienne-... Elle laissa entrer la lumière dans ses yeux.. depuis combien de temps était-elle là? Elle n'aurait su dire, tout s'effaçait petit à petit.

Killijo.. Mais que faisait-il ici? Une confession? Mais non! Elle n'était pas mourante tout de même.

Pâle à faire peur, elle fit un petit sourire en coin avant de s'y contraindre, elle ne voulait plus lutter.


Je.. Je ne sais par où commencer... Jamais... Je... Le commencement.. les gens.. les reproches.. les aveux... ah... ma famille.. ce qu'il en reste...

Mon père... mon père que j'ai toujours malmené... par.. vengeance je crois... Quand on m'a appris.. la mort.. de Mali... je n'étais pas invitée... à l'anoblissement... je ne faisais plus.. partie.. de cette famille... je.. me suis promis... de lui faire payer... au centuple... cette déchirure... je lui ai toujours.. dit.. que je ne l'aimais.. pas... alors que... il m'a juste.. manqué...

Ma mère.. à qui.. que je n'appelais plus... quelqu'un d'autre.. est ma mère... je le lui ai dit.. pour la faire souffrir.. aussi.. après la mort de Mali... elle a failli mourir.. en oubliant.. qu'il en restait.. de vivants.. de ses enfants... j'ai appelé une autre du nom de mère... en me forçant à y croire... mais elle n'avait pas le droit.. de vouloir partir..


Elle ajouta qu'à la mort de Sauvane, elle avait voulu elle aussi mettre fin à ses jours, ayant perdu tous ses repères. De ce secret, seul Jaja avait été dépositaire et pourtant, elle s'était juré que si par hasard elle croisait l'armée qui l'avait tuée, elle aurait soulagé sa colère en se battant contre eux, elle aurait laissé la mort prendre le dessus sur elle aussi. Le suicide était-il puni par l'église? Elle reposa la question plusieurs fois. Il lui restait tout contre elle ce qu'elle avait envoyé à Thibauld il y avait quelques semaines, quelques mois maintenant.. alors le suicide? hein? le suicide?

Quelques secondes d'esprit lucide.. elle avait soif.. on lui apporta de l'eau. Elle y plongea ses lèvres brûlantes avec une avidité telle que celle qui tenait le verre eut du mal à le maintenir droit. Elle sentait la fraîcheur de cette eau se répandre en elle, apaiser pendant quelques secondes cette chaleur. Elle reprit son souffle...


Je crois.. que.. un bébé... j'attendais.. un bébé... sans être mariée.. vraiment... mais.. je suis.. purifiée maintenant... Mon père.. il n'aurait pas.. aimé.. et je l'ai tellement.. déçu... déçu.. déçu...

La fièvre reprenait, rappelée par le souvenir triste de son père à qui elle n'avait pas su dire combien elle l'aimait. Il avait toujours veillé sur elle, elle le savait, mais elle aurait juste voulu qu'il soit plus présent pour elle. L'indépendance, quand on est trop jeune.. ça se transforme en défiance, en distance.. en manque de confiance...

A la fièvre se mêlaient les sanglots.. Des "Pères" entrecoupés de "Mon Dieu"... On l'obligea à se calmer.. On.. elle ne savait plus très bien qui.. mais un on impérieux à qui elle obéit. Ses larmes cessèrent, elle se tut..

Elle avait soif.
--Soeur_domitille
Un peu en retrait, comme à son habitude...

Situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles...

On ne donnait pas le nom des pensionnaires d'habitude mais là, la soeur Agnès était redevenue Clélia de la Croix de Bramafan, fille d'un Comte et d'une Duchesse. Et il n'était pas question qu'elle meure dans leurs murs sans que les parents ne soient informés.

On lui donna l'adresse du château de Beaucouzé, il fallait faire vite. Ainsi, ce ne fut pas elle qui s'y rendit, elle aurait mis trop de temps mais un commis de cuisine à qui l'on confia cette lourde responsabilité de devoir ramener quelqu'un de la maison de la Croix de Bramafan sous peine d'être fouetté, voilà qui venait à bout des plus récalcitrants.

Le jeune homme partit, arriva aussi vite qu'il le put et chercha par tous les moyens, et en oubliant la bienséance de trouver un membre de la famille. Manque de chance, ce fut sur l'Ours qu'il tomba et ses manières ne furent pas appréciées. Il allait subir un châtiment tout aussi conséquent que la menace des coups de fouets quand, hurlant plus que ne parlant, il délivra le message, face contre terre, totalement éberlué.


Monseigneur, Monseigneur.. votre fille! Clélia! Au couvent!! Le diacre est près d'elle! Elle a perdu un bébé!!!

Le Comte l'avait alors suivi, et deux chevaux étaient arrivés en trombe devant la porte du couvent qu'ouvrit à grande hâte Soeur Domitille.

Elle le conduisit à moitié en courant vers la cellule où Killijo était déjà là.


Elle est très faible... Monseigneur...

Et elle s'empressa de se remettre aux côtés de la jeune fille -prête à lui éponger le front- qui n'avait pas réagi quand ils étaient entrés. Elle l'avait juste regardé, avec de grands yeux sans émotion, essayant tant bien que mal de porter toute seule à ses lèvres le nouveau verre d'eau qu'on lui avait apporté.
Strakastre
Nul n'aurait su dire tout ce qui était passé dans la tête du Comte d'Isle Jourdain lorsqu'on vint le quérir d'urgence auprès de sa fille Clélia... Encore nourri de la douleur des derniers évènements, l'esprit de Charles était devenu un océan déchaîné, où se mêlaient colère, inquiétude et désespoir. Plus il se rapprochait du lieu où semblait être sa fille, plus il redoutait ce qu'il ressentait déjà comme inévitable... Il avait déjà perdu tant d'êtres aimés... Pourquoi donc la fatalité s'acharnait ainsi ?

Malgré l'urgence du moment, il avait pris soin de laisser des consignes à ses gens, pour transmettre l'information à son épouse et à son fils...

Lorsqu'il arriva sur les lieux et pénétra dans la pièce, malgré la blessure profonde de voir ainsi son enfant au plus mal, il s'approcha d'elle doucement, sans même considérer les personnes autour de lui. Son regard de père était désormais solidement posé sur son visage, tentant de lui insuffler la force qui lui manquait pour vaincre le mal qui la rongeait en cet instant.

Il prit sa main dans la sienne, la serrant doucement, posant l'autre sur sa joue, la respiration profonde et les yeux embués.


- Je suis là, ma linotte..., lui souffla-t-il.
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Clelia
Le temps qu'elle réalise qui était entré... Il était le seul à l'appeler comme ça, en référence aux trop nombreuses lettres qui étaient restées sans réponse quand elle était petite et qu'il s'inquiétait pour elle. Dans ce surnom se reflétait tout l'attachement qu'il avait eu pour elle.

Le temps qu'elle réalise donc qui était devant elle, à lui tenir la main, elle lâcha le gobelet qui alla rouler par terre jusqu'à finir dans un coin de la cellule. L'émotion l'étreignit à la gorge, juste au moment où elle avalait sa dernière gorgée d'eau.


Keuf keuf keuf keuf... *inspiration profonde* keuf keuf...

Elle eut du mal à reprendre son souffle. L'effort qu'elle faisait pour calmer la toux avait coloré ses joues anormalement pâles et amaigries.

Et soudain, les pensées fusèrent.. S'il était là.. s'il était là, c'est qu'on avait prévenu à Beaucouzé, c'est que sa mère était peut-être au courant.. sa chère maman, si faible, si triste, si fantomatique, qui aurait du mal à se relever si un autre de ses enfants disparaissait.
Il ne fallait pas qu'elle vienne, il ne fallait pas qu'elle s'inquiète, il ne fallait pas qu'ils s'inquiètent.. tous.. autant qu'ils étaient.. elle ne voulait pas, pas maintenant...

Ce qui c'était passé il y avait maintenant quelques heures, elle ne voulait pas l'expliquer, elle ne voulait pas parler de l'impression de vide qui l'habitait maintenant que son ventre ne portait plus rien, elle ne voulait pas d'explication, pas d'émotion. Son chagrin, elle voulait le garder pour elle seule, comme elle aurait voulu protéger son petit bébé, le protéger du monde extérieur.. au lieu de cela, il n'y avait plus que la tristesse qu'il lui restait. Elle voulait la garder en elle, la couver, parce qu'au moins, cela montrait qu'elle n'était pas tout à fait morte si elle pouvait encore ressentir une peine pareille.

Elle reposa sa tête contre son oreiller, dégagea sa main de celle de son père et cacha son visage de ses mains alors que quelques larmes commençaient à couler.



Que fais-tu ici? Pourquoi es-tu là?? Pourquoi.. je n'ai.. je n'ai besoin.. de personne... personne...


Mais ses yeux qui savaient si bien fusiller les indésirables, si bien refléter ses états d'âmes étaient comme éteints à présent. Sans aucune détermination, ses paroles disaient aussi tout et son contraire.
Mais elle préférait encore que son père reparte, elle préférait être seule et ne pas inquiéter sa chère maman.



Maman... ne doit rien savoir.. Maman ne doit pas s'inquiéter.. je t'en supplie... pars.. je vais.. bien...


Elle recouvrait un peu de détermination... Voyant que ses paroles n'avaient aucun effet sur son père qui ne bougeait pas et avait repris sa main glacée dans les siennes, elle tourna des yeux suppliants vers Killijo qui regardait la scène en silence.


Dites-lui... je vous en prie...
Killijo_de_denere
La pauvre enfant était blanche comme un linge sortant des mains d’une servante, il lui embrassa le front. Il l’avait connue pétillante, amusante, à se faire promettre des pintes en taverne, et là, elle était malade. Il lui caressait la main de son doigt.

Clelia a écrit:
Je.. Je ne sais par où commencer... Jamais... Je... Le commencement.. les gens.. les reproches.. les aveux... ah... ma famille.. ce qu'il en reste...

Mon père... mon père que j'ai toujours malmené... par.. vengeance je crois... Quand on m'a appris.. la mort.. de Mali... je n'étais pas invitée... à l'anoblissement... je ne faisais plus.. partie.. de cette famille... je.. me suis promis... de lui faire payer... au centuple... cette déchirure... je lui ai toujours.. dit.. que je ne l'aimais.. pas... alors que... il m'a juste.. manqué...


Mali…Sa chère et douce Mali. Il avait oublié que Clelia était sa sœur. Il aurait dû reconnaître en effet cet air de famille, mais il avait rangé sa Mali dans un coin de son cœur, et ne voulait plus en parler. Personne ne savait quelle douleur l’avait transpersé lors de sa mort. Et là…Cette enfant… La jeune amie de sa fille, Clelia…Il l’écoutait en pensant à la vengeance, celle qu’Atthénaïs lui avait promise, suite à son annonce de mariage, à l’enfant qu’il avait fait à Fanta sans le vouloir.

Il s’assit plus près d’elle pour la prendre dans ses bras, laissant son cœur de père prendre le dessus sur le rôle du diacre. Il la serra contre lui, et écouta la suite de sa confession, presqu’au creux de son oreille en lui chuchotant que Aristote lui pardonnait tout cela.Quand au suicide, il ne put la rassurer. Il réussit à ne point s’énerver, ce qui était de sa part, un énorme effort, déjà, et il lui la calma doucement. Il lui murmura


Point de suicide, ma belle, ce que Aristote donne, on ne peut le reprendre. Il t’a donné la vie, et tu ne peux décider toi-même de retirer cette vie qu’il t’a confiée. Pendant qu’elle buvait, il lui caressait la main, attendant qu’elle se calme un peu. Puis il la laissa se caler contre lui en la serrant. Elle avait besoin de sentir la chaleur humaine, une personne qui lui montre qu’elle était importante, et que ce n’était point si grave. Cette enfant lui rappelait sa petite Annelyse, elles étaient amies d’ailleurs, et si sa fille lui expliquait tout cela… Il écouta la suite.

Clelia a écrit:
Je crois.. que.. un bébé... j'attendais.. un bébé... sans être mariée.. vraiment... mais.. je suis.. purifiée maintenant... Mon père.. il n'aurait pas.. aimé.. et je l'ai tellement.. déçu... déçu.. déçu...


Un bébé ? Et tu l’as… Oh ! Ma pauvre enfant ! Ce n’est point un acte anodin, tu sais, l’église aussi réprouve ce genre d’attitude, même si parfois, cela évite de nombreux soucis.

Une pensée rapide pour sa Fanta qui voulait aussi faire passer le leur, mais il ne le voulait point. Cet enfant était le fruit de leur amour. Et….

Tu sais, s’il n’était point le fruit de l’amour, cela peut aussi se comprendre, mais… Aristote te pardonne, ma jolie.

Point de morale à ce moment, elle n’en avait point besoin. Il voulait juste la rassurer, l’écouter, et s’il le pouvait, aussi retirer cette souffrance si ancrée en elle. Le comte était entré. Killi s’était doucement retiré pour laisser la jeune fille et son père se retrouver. Il regardait cet homme qui avait déjà perdu une fille, et qui en avait une autre gravement malade maintenant. La malédiction semblait s’abattre sur cette famille. Il priait silencieusement Aristote de donner son pardon à Clelia. Il restait proche d’elle, sentant sa main qui le retenait.

Clelia a écrit:
Dites-lui... je vous en prie...


Il regarda Strakastre et lui dit

Je crois qu'il vaut mieux en effet protéger Fifou. Elle ne s'en relèverait...

Il devait déjà se lever pour aller chercher un parchemin et une plume. Elle voulait apparemment donner ses dernières volontés. Ou autre chose, elle semblait délirer sous la fièvre. Il préférait la suivre dans son délire, pour ne point la contrarier.
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Chez moi
Clelia
Elle avait demandé à Killijo qu'il prenne de quoi écrire, ce qu'il partit chercher à la hâte.
Elle demanda alors à son père de lui ramener le petit pendentif qu'elle avait laissé dans sa cellule, celui en forme de demi-lune et auquel elle tenait comme à la prunelle de ses yeux.


Laissée seule quelques instants, elle tira de ce qu'il restait de son corsage un mince petit sachet. Elle savait que le mélange de sucs de ciguë et de pavot pouvait se conserver indéfiniment sans la moindre altération. Il avait fallu qu'elle se retrouve ici, seule avec ses pensées noires pour penser à cette délivrance, à ce poison absolument sans remède qu'elle avait entre ses mains.


Elle se signa, demandant par avance pardon pour ce geste inconséquent, un pardon dans le vide, un pardon qui se perdit dans l'air. Déversant le contenu du sachet dans sa main, elle vida la fine poudre dans sa bouche avant de prendre une énième rasade d'eau. Toujours avec ce souci de ne pas porter préjudice à ses parents, elle ne garda pas le sachet dans la main mais le cacha sous le matelas du mieux qu'elle put. Ainsi donc, personne ne devrait savoir ce qu'il s'était vraiment passé. Ses parents croiraient à une mort naturelle et ils pourraient ainsi lui offrir une sépulture décente, sans se poser de questions sur ce qui avait put la conduire à cela.

Une dernière gorgée acheva de faire couler en elle la fine poudre.


Killijo revenait, son père aussi. Il avait de quoi écrire et elle dicta. Elle tenait dans sa main gauche la main de son père, qui rachetait des années d'absence par sa présence aujourd'hui.



Il me reste... une épée et un bouclier... Donnez-les à Josselin... J'ai pensé.. les offrir à Aurile... ma petite cousine.. mais.. déjà... c'est.. un soldat...lui...


Elle prit dans ses mains le pendentif que son père lui avait ramené. Souriante, elle le tendit à Killijo qui le prit avant de continuer à noter.


Donnez-le.. à Annelyse... Qu'elle en fasse ce.. qu'elle veut... il a beaucoup... compté... il...


Elle n'acheva pas. Elle pensait à son petit lapin qu'elle avait laissé chez ses parents... Ce mignon petit lapin sur le nez duquel elle appuyait il y avait quelques semaines, pour qui elle avait déjà fait des provisions de carottes au cas où la guerre obligerait à faire des rationnements, n'imaginant pas du reste que ça serait plutôt le lapin que les carottes qui serait mangé en pareille situation. Mais elle avait fait une promesse à Globs, son grincheux charmant comme il avait signé une fois au bas d'une lettre. Elle allait la tenir.


Globule.. mon lapin.. chez mes parents... donnez-le à Globs.. je sais... qu'il en prendra soin...


Elle reprit son souffle. Elle s'habituait petit à petit à la fièvre. Ses jambes faiblissaient, elle le sentait et savait que cela faisait partie des symptômes, on le lui avait appris. Bientôt, elle ne les sentirait plus. Cela la rassura.

Elle ne sentait presque plus déjà les couvertures sur ses pieds, les mains posées, ou pas, sur ses doigts. Les perceptions se perdaient dans un confortable flou artistique dans lequel elle s'apaisait petit à petit.

Son esprit restait lucide cependant. Aussi continua-t-elle.. il ne restait plus grand-chose à ajouter... juste une petite.. une infime.. un détail...

Elle se pencha vers son père, pas suffisamment pour que Killijo n'entende pas ce qu'elle lui révélait. Elle parlait de Théo, le fils de Tiss, de ce qu'il s'était passé et lui demandait de veiller à ce qu'il n'ait pas ce qu'il désirait, cette seigneurie qui avait appartenu à Aurélien. Elle connaissait sa mère, suffisamment pour savoir que d'apprendre toute cette histoire allait la peiner beaucoup et faire perdre au descendant d'Aurélien toute la bienveillance naturelle qu'elle aurait pu lui accorder. Elle ne s'attarda pas, consciente de réveiller chez son père une haine passée pour l'ancien Duc d'Anjou.

Ses forces continuait à l'abandonner petit à petit.



Killijo... Merci... J'espère.. que.. votre mariage... sera réussi... et que... votre enfant... se portera.. bien...


Il n'y avait plus rien à ajouter. Son père était près d'elle à présent, il la soutenait. Elle ne pouvait s'empêcher de demander pardon, pardon et encore pardon. C'était probablement le dernier mot qu'elle dirait avant de s'en aller définitivement. Mais elle l'avait si peu prononcé de toute sa courte vie que cela lui faisait un petit quelque chose que de le répéter sans cesse à présent. Quoi comme petit quelque chose? Allez savoir.. elle le sentait, c'était tout..

Pardon pour avoir été aussi intransigeante dans ses jugements sur les gens, en particulier envers sa cousine Lexy. Elle s'était rendue compte, en faisant elle-même ses propres erreurs, qu'Aloara n'était pas tant que ça à blâmer. Chacun faisait des erreurs, elle n'était même pas sûre que la dernière en date en ait réellement été une, mais qu'importe. L'intransigeance...

Pardon pour avoir menti au sujet de son enfance qui n'avait rien de si malheureux que cela. Si ses parents n'avaient pas été présents autant qu'elle l'avait voulu, d'autres avaient pris le relais et combien d'autres... Elle était couvée par les Lunes, même lorsqu'ils avaient attaqué le convoi de la Reine, quand ils étaient encerclés par les armées royales, ils l'avaient mise à l'abri, lui refusant de l'accepter dans leurs rangs.. déjà dans le Languedoc, ils l'avaient fait. A l'époque, elle leur en avait voulu, mais aujourd'hui, elle avait compris que mettre à mal son amour propre était le cadet de leur souci quand sa vie à elle était en danger. Il y avait eu Ali, il y avait eu Sauvane, il y avait eu Crow, il y avait eu Khip, et puis Jaja.

Ses pardons, ils étaient également motivés par son geste, quelques instants plus tôt. Le suicide, quelle chose affreuse.. et pourtant.. en être réduite à cela... Elle posa ses yeux châtaigne sur Killijo, qui s'assombrissait au fur et à mesure que les minutes passaient. Elle décelait en lui un chagrin plus profond, une blessure, pas tout à fait identifiée... Etrange.. Mais la fatigue ne lui permettait plus de faire le rapprochement avec sa petite soeur. Si elle avait pu le faire, elle aurait compris.. cet air... à la fois si proche, et si loin...

Elle s'était tue, ayant dit ce qu'elle avait à dire. Bien sûr, il manquerait toujours quelqu'un à qui elle n'avait pas pensé, comme Alinea ou la Baronne et comme tant d'autres, mais il était trop tard.

Un mot seulement, encore, de dire à son parrain, Messiah, qu'elle pensait à lui. Et sa marraine lui demanda-t-il? Quelle marraine? Elle n'avait plus de marraine.
Killijo_de_denere
Elle était pâle, assaillie par la fièvre. Il aurait donné beaucoup pour lui accorder quelques années de plus. Clelia lui demanda d’écrire, car elle n’avait plus la force de faire quoi que ce soit.

Clelia a écrit:
Il me reste... une épée et un bouclier... Donnez-les à Josselin... J'ai pensé.. les offrir à Aurile... ma petite cousine.. mais.. déjà... c'est.. un soldat...lui...


Il prit le pendentif sans comprendre, et le rangea dans sa bourse avant de noter à qui elle voulait le donner.

Clelia a écrit:
Donnez-le.. à Annelyse... Qu'elle en fasse ce.. qu'elle veut... il a beaucoup... compté... il...


Son cœur se serrait de plus en plus, mais il n’en montrait rien. Il intérioriserait le chagrin d’assister aux derniers instants de Clelia, cette jeune fille qu’il trouvait pleine de vie et si intéressante. Elle n’aurait point eu une longue vie, mais elle laisserait un gros vide en Anjou. Il continua à noter ses paroles, qui sortaient plus difficilement.

Clelia a écrit:
Globule.. mon lapin.. chez mes parents... donnez-le à Globs.. je sais... qu'il en prendra soin...


Il prenait son temps d’écrire, laissant la fille parler à son père. Il trouvait qu’il n’aurait bientôt plus sa place auprès d’eux, il devrait les laisser ensemble, car la fin de la jeune fille semblait imminente.

Clelia a écrit:
Killijo... Merci... J'espère.. que.. votre mariage... sera réussi... et que... votre enfant... se portera.. bien...


Il lui sourit, préférant ne rien dire plutôt que de lui parler de la peine que Fanta aurait en apprenant cette triste nouvelle, sans compter Annelyse. Il laissa son parchemin et sa plume pour revenir vers elle. Il lui prit la main et la baisa tendrement.

Fanta est une femme merveilleuse, comme tu l’as vu, et j’espère que je saurait la rendre heureuse.

Il s’était arrêté d’écrire pour rester auprès d’elle, espérant lui transmettre un peu de force vitale pour qu’elle se remette. Elle ne pouvait pas partir si vite, pas maintenant.
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Chez moi
Clelia
L'heure était venue.


Tout son corps était apaisé. Son esprit aussi.

Elle avait soulagé son coeur, lourd depuis trop longtemps.

Elle avait senti la présence de son père, elle le savait près d'elle, une dernière fois.

Elle avait épargné à sa mère le chagrin de voir une de ses filles partir, encore.. Secrètement, elle espérait que le chagrin ne l'emporterait pas sur la Rousse penthiévrique et qu'en souvenir de ce qu'elle avait fait depuis des mois pour lui faire sortir la tête hors de l'eau, pour la faire revenir parmi les gens, parmi la vie..

et bien qu'en souvenir de tout cela, elle vivrait, pour elle... comme elle avait voulu mourir, pour Mali.

Une première contraction violente de tout son corps la secoua. Elle savait ce que cela voulait dire. Elle congédia tout le monde, prétextant qu'elle avait besoin de se sentir un peu seule, de dormir, d'être seule, d'être seule, d'être juste seule, que tout ce monde, ça ne faisait que la fatiguer, d'être seule, que pour se rétablir, elle avait besoin de repos.


Il sortirent, enfin.

Seule, enfin.

Plus un bruit tout autour ne vint troubler les minutes qui suivirent.

Elle n'avait jamais imaginé ce que seraient ces minutes là. Les dernières, les ultimes, celles après lesquelles il n'y a plus rien. Maintenant, elle y était, elle avait un délai, de combien de temps exactement? Tout au plus quelques minutes... quelques infimes minutes...


Elle soupira.. attendit.. cela ne vint pas... Alors, elle se demanda, si c'était le bon choix qu'elle venait de faire, si tout cela n'était pas condamnable.. bien sûr que si, bien sûr que si, condamnable, répréhensible, impardonnable... Odieux... Tromper leur vigilance ainsi alors qu'elle savait que son sort était scellé, qu'elle l'avait scellé elle-même. La tentation survint, recracher ce qui avait été avalé, ce poison qui s'insinuait en elle. Peut-être après tout? Ou non.. non, il était trop tard.


Un geste désespéré, voilà ce que cela était. Désespéré par ce qui venait de se passer ces derniers jours, par ce qui ne s'était pas passé, par ceux qui étaient revenus, puis partis, par ceux qui n'étaient jamais venus, ceux qui n'étaient pas partis, tous ceux là.. et puis les autres.. ceux qui ne répondaient pas, ceux qui ne lui parlait plus... Désespéré et un peu lâche.. s'ils pouvaient lui pardonner...


Elle combattait depuis trop longtemps ses idées grises pour qu'elles ne finissent pas par la vaincre à un moment donné. Et ce qui venait de se passer dans ce couvent, la perte de cet enfant qu'elle avait fini par attendre, l'avait plongée dans un désarroi total. Elle s'était sentie devenir folle, elle s'était sentie mourir à ce moment-là, au moment où elle avait compris qu'elle n'avait plus de vie en elle, c'était comme si sa vie à elle aussi était sortie de son ventre pour mourir à ses pieds, ne lui laissant qu'un petit répit pour se repentir.


Elle n'arrivait plus à pleurer à présent, c'était bien un signe. Les larmes asséchées.

Un signe.

Une nouvelle contraction de son corps la rappela sur terre. Elle voulut crier à l'aide, ne pas être seule au moment fatidique mais aucun son ne sortit de sa bouche quand elle l'ouvrit.

Au fil des convulsions, elle perdit davantage du peu d'énergie qu'elle avait encore en elle.

Epuisée, elle ne trouvait plus le courage de lutter, se contentant de se laisser glisser doucement vers le vide, comme attirée vers le fond, comme si c'était son corps qui était devenu un boulet dont elle devait à la fois se défaire et qui résistait du mieux qu'il pouvait pour ne pas céder.


Et pourtant, il finissait par céder.


Il y eut deux soubresauts. Une pensée vers La flèche. Deux mots lâchés.



Sauvane...


Josselin...



Ce furent les derniers.

Elle expira.

L'heure était venue.
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