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[RP - Archives-Aout] « On n'a pas un enfant ... »

--Desiree



[« On n'a pas un enfant comme on a un bouquet de roses. » Federico Garcia Lorca ]


Un répit. Une pause. Un peu d’air par cette soirée brulante. Voilà ce qu’il fallait à la blonde. Avant de descendre à la recherche d’un troisième client.
Assise face à sa coiffeuse, elle brossait ses cheveux d’or pâle. Le temps de reprendre des forces.
Elle ne s’épargnait pas, depuis son retour de l’horreur. Elle n’était pas une seule fois sortie du cocon rassurant de la Rose, et travaillait avec acharnement, acceptant tous les clients. Plus son ventre s’arrondissait, plus leur degré de perversité augmentait. La plupart du temps. Oh, elle avait bien parfois du répit avec un qui serait plus intrigué qu’émoustillé par sa condition, ou un trop jeune qui aurait voulu s’entrainer avec elle avant de savoir besogner leur grosse épouse. Mais la plupart du temps, elle avait droit au plus glauque. Peu lui importait. Plus c’était tordu, plus le client payait. Et plus le client payait, plus elle avait d’arguments pour que la Rouge la garde, et la nourrisse après la naissance, pendant les quelques semaines où elle ne pourrait travailler.

Encore nue dans son fauteuil, elle s’efforçait de respirer calmement, pour calmer les crampes douloureuses de son ventre. Cela lui arrivait de plus en plus souvent, elle savait qu’elle soumettait son bébé à rude épreuve. Mais la naissance ne devrait avoir lieu que le mois suivant, aussi espérait-elle calmer la douleur avant de redescendre à la recherche de son détraqué suivant. Ce dernier client de la soirée pourrait difficilement battre le record de celui qui venait de la quitter, de toute façon. Besognée debout, cramponnée aux montants de son luxueux lit, ce dernier avait semblé prendre grand plaisir à sentir le liquide qui s’était écoulé entre ses jambes à un moment, redoublant de vigueur sous la souillure. De vigueur, et d’endurance. Qu’il avait été long à se répandre entre ses cuisses ! Son ventre n’en pouvait plus, perclus de crampes. Mais l’homme prenait ses gémissements de douleur pour du plaisir, et il l’avait payé plus cher que prévu encore.
Il y avait longtemps qu’elle ne cherchait plus à comprendre ni expliquer la perversité de l’être humain. Elle en avait fait son gagne pain, ces dernières semaines.

Il lui fallut encore de longues minutes pour comprendre. Les crampes ne s’apaisaient pas, malgré ses efforts, sa concentration à de lentes respirations. Pire, elles augmentaient en fréquence et en amplitude. Ce n’est qu’en faisant le rapprochement entre le liquide qui tâchait encore le parquet et les douleurs refusant de se calmer qu’elle comprit que ça avait commencé. Il y avait des heures, déjà, que ça avait commencé.
Brusquement l’angoisse lui serra la gorge, lui coupant le souffle et brisant le bel effort de ses inspirations pour contenir la douleur. Les ongles crispés sur l’accoudoir du fauteuil, elle attendit que la crampe passe, et se leva péniblement. Elle ne pourrait pas descendre l’escalier. Il ne fallait pas briser la joyeuse ambiance du salon de toutes les façons. Ni celles des chambrées. Son seul espoir résidait dans la présence d’une des nombreuses petites mains de la maison close dans le couloir, à un moment où un autre. La porte entrebâillée, elle n’eut pas à attendre longtemps. Une porte ouverte signifiait en général qu’il y avait un lit à refaire dans l’attente du client suivant.

Le bras de l’enfant fut saisi, serré probablement trop fort alors qu’une contraction lui coupait à nouveau le souffle.


Toi. Trouve quelqu’un de disponible et envoie le moi. Vite.

L’enfant terrifiée par la blonde habituellement tyrannique s’enfuit sans demander son reste.
Il ne lui restait plus qu’à espérer que quelqu’un dans la maison serait libre et viendrait. La blondine, angoissée par l’inconnu qui s’offrait brusquement à elle, priait pour que ce fut sa Mère. Leur Mère à tous. Elle, elle saurait surement.
La jeune catin s’effondra dans le fauteuil le plus proche de la cheminée et serra les dents, étouffant une plainte. Il ne fallait pas qu’elle trouble la soirée. Une larme perla à son œil. Seule, elle n’y arriverait pas. C’était certain.


__________
--Lucrece


[ Moi, je m'ennuie...]

Seule...désespérement seule assise à ce bar depuis le début de soirée, la sulfureuse catin se sustentait de quelques doigts de liquide licoré sur fond de soupirs. Tendresse de l'alcool qui d'une caressante chaleur vient raviver le rouge des joues trop pâles de la revenante...

La mort elle l'avait côtoyé à de si nombreuses occasions, qu'elle avait cru cette fois n'en pas réchapper, mais les soins et la patience du personnel de maison avait fait leur oeuvre et l'empoisonneuse, appréciait ces petites mains qui avait su utiliser ses potions à profit. Restait à retrouver sa place après cette longue absence forcée dans le bordel.

Encore un soupir et le fond de verre se loge de nouveau dans le gosier déjà chaud du précédent, elle repose le contenant qu'elle caresse de l'index sur le comptoir, s'apprêtant à redemander une troisième consommation à Emilla.
Un bruit de cavalcade provenant des escaliers la fait pourtant se détourner des bouteilles qu'elle fixe longuement depuis que les rideaux ont cessé de l'attirer...depuis que le dernier client qui est entrés'est fait alpaguer en vérité.

Un bambin essoufflé regardant à droite, à gauche et ne sachant pas bien vers qui se tourner est là, planté au milieu de la salle commune, alors que dans tout coins la luxure règne, petite tâche blanche au milieu d'un tissu sombre, incongru.
Les sourcils clairs se froncent, sûr que La Rouge ne va pas apprécier de voir ce mioche traîner là entre les coureuses de remparts et les visiteurs en mal d'amour. Oh, et puis de toute façon, Lucrèce n'a rien de mieux à faire que la nounou à cet instant, elle descend de sa chaise et s'avance vers le gosse vitement attrapé par l'épaule et remonté de quelques marches dans un coin plus discret.


Tu n'as pas le droit d'être là....tu le sais! Qu'est ce qui t'amènes?

La phrase dite à mi-voix tombe sèchement et pourtant sans méchanceté, le môme semble tellement déboussolé qu'un peu de fermeté ne lui fera pas de mal.
Et après quelques balbutiements, l'enfant se décide à parler.


C'est Désirée, mam'zelle Lucrèce! M'as dit d' trouver quelqu'un vite! Alors j' courais...

D'un geste elle stoppe l'enfant qui s'apprêtait à lui raconter une histoire longue d'une demi lieue au moins, et l'envoie prestement voir la Rouge...autant gagner du temps, sa...comment l'aurait elle définit d'ailleurs...Peu importait à ce moment là, Désirée semblait avoir quelques soucis...Tout le monde savait à la Rose qu'elle était grosse, après le retour fracassant auquel tous ..ou presque avaient assisté...Cela n'augurait rien de bon...en serait elle arrivée à la paturition*?

Lucrèce relève ses jupes et monte alors les marches quatre à quatre, qu'importe si elle loupe du client, elle est comme ça, elle ne recule jamais quand quelqu'un est mal en point...Elle se dirige vers la porte de la chambre de sa blonde consoeur, encore entrouverte du passage du bambin et passant son nez, tombe face à celui de la catin effondrée dans son fauteuil.
La Borgia se précipite, n'attendant pas même une invitation à entrer, le travail commençait sans nul doute...


Depuis combien d' temps es tu dans cet état?

Pas de fioritures, pas de formule de politesse, on va à l'essentiel...parce que ce qui l'attend là, elle le sait, ce sont les premières couches d'une jeune catin...Le premier enfant, c'est le plus long et le plus douloureux...enfin, il paraît!

* accouchement


--La_dame_rouge
[Bureau de Rouge]

Dans son bureau comme chaque soir, Rouge comptait. Ses pensionnaires, son argent, ses bouteilles ou le plaisir pris chez elle. Rouge prenait toujours un moment pour se replier et compter, avant de ressortir jouir de la soirée. Et contrôler qu’elle se déroule bien.

Elle s’apprêtait à sortir lorsque l’enfant parut. D’un hochement de tête elle le renvoya vers l’étage, et le suivit placidement. Elle traversa le salon de son pas olympien, observant la salle et saluant les habitués. Un mot fut glissé au gardien, un bras serré un peu trop fort, signe de sa préoccupation, et elle monta. Discrètement. Rouge ne montait jamais.

Elle poussa la porte de la chambre un instant après Lucrèce. Ainsi la Sulfureuse était de la partie.
Rouge referma soigneusement la porte et s’approcha des blondes.
Un hochement de tête ponctua son envie de connaitre la réponse à la question de Lucrèce.

Depuis combien de temps. Et pour combien de temps.
--Desiree



Non... Oui... Je sais paAAAAAH !

Le dernier mot est tué par un cri, brusquement interrompu. Elle se concentre. Elle souffle. Et malgré elle, elle a plaqué les mains sur son entrejambe. Elle ne sait pas bien ce qui est en train de s’y dérouler, mais il s’y passe quelque chose.
Un regard éperdu se pose sur la blonde, l’alter ego sulfureux de la Rose.
Elle se concentre. Elle respire. Encore. Lentement. Et elle murmure, les mots entrecoupés de halètements :


Avec le… dernier client. Au… Début. Il… est resté… Longtemps… Je crois… Je crois…

Nouveau regard, vers la Rouge, qui vient d’entrer. Elle voudrait ne pas pleurer, mais cette douleur qui lui vrille les reins est presque insoutenable. Qui aurait cru qu’avoir un enfant fut si douloureux ?
Inspirer, expirer, encore, et serrer les dents le temps que la douleur s’estompe. Même si elle le sait, le répit ne sera que de courte durée. Juste pouvoir inspirer calmement, une minute ou deux, avant de se tordre à nouveau.

Les perles se lèvent à nouveau vers Rouge. Rouge saurait ce qu’il fallait faire. Rouge savait. Il fallait que Rouge sache. Parce que cette chose dans son ventre, qu’elle peinait à qualifier d’enfant tant il la faisait souffrir, elle, elle avait l’air de savoir très bien. Il se passait décidément quelque chose au niveau de ses cuisses. Quelque chose de douloureux et terriblement angoissant.
Une larme roula au coin de son œil alors que, malgré elle, une plainte s’échappait d’entre ses dents serrées.


__________
Baudouin.
[Rouge, Noire, Sang]

Il avait emboîté le pas à la Rouge, tout aussi soucieux qu'elle. Geoffroi gardait la porte d'entrée et c'était parfait comme cela. Le gardien n'avait rien à faire là-haut, surtout après les évènements qui s'étaient déroulés entre lui et la blonde catin.

Aucun mot ne fut échanger entre la maquerelle et le cerbère lors de la montée des marches. Seuls quelques coups d'oeil échangés suffisaient pour être éloquents. C'est qu'un enfant qui naît dans un lupanar, ce n'est tout de même pas si courant. De plus, le bambino était en avance... forcément, à trimer comme elle trimait, la petite Désirée. Baudouin aurait aimé pouvoir lui parler, l'apaiser, être là pour adoucir ses craintes. Mais depuis qu'il avait quitté le bordel sans prévenir avant d'y revenir trois mois plus tard, quelque chose s'était brisé. La jeune fille lui en voulait et le charme de la complicité était rompu. En bon vieux soldat, il n'avait rien dit, il avait juste accepté la situation.

Lorsque la Rouge eut franchi la porte de la chambrée de Désirée, Baudouin se posta devant. Personne n'y rentrerait sans son accord. La jeune catin avait besoin d'être au calme et bien entourée et la naissance d'un enfant n'était pas heure de foire.

Croisant les bras devant la porte, il serra légèrement la mâchoire. Ses pensées s'envolèrent vers Amy et l'enfant qu'elle portait. Son enfant. Un autre accouchement à venir...

Il secoua la tête pour revenir à la réalité. Si la Rouge avait besoin de quoique ce soit, elle le ferait mander. Ainsi tout était en place.

_________________
--La_dame_rouge


Une baguette de petit bois est récupérée près de la cheminée ronflante, et examinée de près lorsque parle la catin. Assurée qu’il ne s’y trouve point d’échardes, la baguette est glissée entre les dents de la blondine.

Mords ceci, si tu veux t’empêcher de crier.

Et tu dois t’en empêcher, pour ne point troubler la sérénité de mon bordel.
Rouge hoche légèrement la tête, et s’agenouille, écartant sans pudeur les cuisses de sa protégée. Il n’est plus vraiment temps d’être pudique, et accoucher une catin a ça d’avantageux, c’est que leur intimité est si publique que l’invasion d’une main n’est pas un grand viol.


L’enfant arrive déjà. Du linge, Lucrèce, et de l’eau. Demande aux bains. Vite.

Le regard se porte à nouveau sur la catin parturiente, et les lèvres s’ourlent d’un sourire qui se veut rassurant.

Tu as de la chance, l’on dirait qu’il se présente bien. Respire correctement. Quand tu sens venir une contraction, tu bloques, et tu pousses.

Et il faudra se contenter de ce peu d’explications. La nature fera le reste.
____________
--Lucrece


Les réponses ne sont que souffrance pour Désirée constate Lucrèce, mais déjà la Rouge prépare le terrain, elle la fait mordre dans un morceau de bois pour éviter les hurlements de la blonde.
Mais déjà..on l'envoie chercher du linge et de l'eau, l'itinérante, file sans demander son reste en direction des bains.

Quelques tâtonnements au coeur des vapeurs du lieu avant de trouver une servante et d'obtenir ce qu'on lui a dit de rapporter, linge et eau chaude. Revenant avec précautions, l'empoisonneuse fait un léger détour par sa chambre, elle attrape un bocal contenant une poudre et reprenant son voyage avec le seau bien plein et fumant en prenant garde de ne pas renverser, elle arrive de nouveau chez Désirée. Tout ça ne lui a pas pris plus d'un quart d'heure, mais le temps presse pour la future mère.


Le linge et l'eau...J'ai ramené la poudre d' matrice d' lièvre...si on a du vin, ça a des vertus efficaces qu'on dit, c'bestiau accouche vite et bien, alors si ça peut aider...

Tout en parlant, elle dépose le seau au pied du lit, le linge pendant sur son bras et sa main cramponnée au bocal. Le regarde se fait observateur comme à l'accoutumé pour trouver une bouteille ou à défaut un verre de vin...Faut absolument qu'elle se détende la petiote, quitte à employer les grands moyens...

--Desiree



Déjà ? Déjà ?
Les perles apeurées se lèvent vers la Rouge redressée. L’enfant arrive
déjà ?
La blonde souffle, les dents serrées sur le bâton. Deux larmes tracent leurs sillons, muettes, sur les joues de la catin.
Elle souffle, elle souffre et elle patiente. Les minutes sont longues, et elle a beau appliquer à la lettre les conseils de sa Mère, on dirait que rien ne se passe.

Mais Lucrèce arrive, et avec elle une superstition à laquelle s’accrocher pour supporter la douleur. Les yeux gris se tournent vers la Rouge, suppliants.


Du vin… Sur la table… Mère… S’il vous plait !

La dernière supplique est impérieuse, parce que vite, il fallait qu’elle morde à nouveau, et souffle, encore. Un regard vers Lucrèce, un autre vers leur Mère, elle ne sait plus à quelle sainte se vouer, pétrifiée d’angoisse à l’idée de ce qui est en train de lui arriver. Elle voudrait serrer les cuisses, renvoyer tout le monde d’où il vient, et rester ainsi. Et même retrouver un client encore plus glauque que celui d’avant, tant pis. Tout était bon à prendre, rien n’était pire que l’écartèlement dont elle était victime. A l’instant présent, elle en était persuadée.

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--La_dame_rouge


Les minutes passent. Le temps s’égraine, et la frêle catin se fatigue pour rien. Et Lucrèce qui ne revient pas ! Impassible, Rouge observe sa protégée s’escrimer à expulser son enfant. Il semblait bien gros, pour une si petite bonne femme. Le fils d’un géant…
Le regard dardé sur la putrelle en souffrance, Rouge s’interrogeait. Se pourrait-il que le Gardien de sa plus grande rivale ait engrossée une catin chez elle ? Son assiduité aux faveurs de la catin blonde le laissait penser. Cela confirmerait les dires du Désir. Et peut être les traits de l’enfant parleraient-ils.

L’arrivée de Lucrèce et la supplique de la parturiente interrompirent le fil de ses pensées. D’un hochement de tête, elle acquiesça. La matrice de lièvre était fort connue pour ses vertus. La Rouge se saisit d’une bouteille sur la tablette, et versa le carmin liquide dans un verre délicat. Le tout fut tendu à Lucrèce qui se chargerait surement de doser la matrice.

Rouge, elle s’accroupit de nouveau pour sonder le ventre de la catin.

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--Lucrece


Le verre de vin qu'on lui tend est vite remplit avec deux doses de poudre de matrice de lièvre, que la blonde empoisonneuse touille avec soin, avant de l'avancer vers la bouche de Désirée.

Allez, bois!

Oui, ma belle tu va devoir lâcher le bois pour prendre cette mixture qui ne dis rien qui vaille...Et comme elle est à proximité, Lucrèce en profite pour ouvrir les narines bien grandes,l'haleine est neutre....aucun signe de ce qui va arriver. Soupire, Désirée semble si...crispée.
Et pendant ce temps, ça bout sous les méninges de l'autre coureuse de remparts, pourquoi ne pas tenter des fumigations après tout..ça n'a jamais fais de mal à personne...enfin si on oublie les hallucinations de certins clients riches qui avaient voulu en abuser.Bref, revenons à nos contractions et nos fumigations...


Faudrait qu'elle s'détende...

Lance comme une évidence la Borgia alors qu'elle trempe un linge dans l'eau pour éponger le front pâle de la jeune femme aux traits tirés sous la douleur.

--Desiree



La mixture est avalée, vite, et immédiatement elle se sent mieux. Superstitieuse ? Effet placebo ? Bien sur ! Mettez vous deux secondes dans sa peau et vous aussi vous verrez que vous serez prêt à croire n’importe quoi pourvu que ça vous permette de croire que vous ne passerez pas de vie à trépas trop vite.
Elle expire lentement et reprend un semblant de contrôle sur elle-même. Elle replace seule le bâtonnet entre ses dents. Cette fois, ça y est. Et elle obéit mot pour mot à la Rouge, respirant sur son ordre, presque.

L’opération ne prendra pas plus de quelques minutes. Être catin a donc quelques avantages. Comme celui de provoquer des accouchements rapides.
Mais ça, la blondine ne le sait pas encore, toute concentrée qu’elle est à inspirer, pousser, expirer. Pour faire sortir l’enfant qui, elle en est toujours persuadée, lui en veut pour quelque chose. Il lui fait déjà payer d’être né putasson.
Inspirer. Expirer. Inspirer. Pousser. Expirer.
Elle va y arriver, il faut qu’elle y arrive ! Et que tout ça finisse ! Vite !

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--La_dame_rouge


Elle est brave, la petite catin. Et bravement elle met son enfant au monde. Une poussée après l’autre, l’enfant s’approche.

Elle est assez détendue. Je vois les cheveux. C’est bien Désirée. Reste concentrée.

Elle n’est pas capable de bien mieux en matière d’encouragements, la maquerelle. Mais elle suit avec application les efforts de sa protégée pour expulser ce bébé. Le regard se lève un bref instant vers l’autre blonde.

La tête est là. Marie, du linge pour l’envelopper. Prépare toi à l’emporter.

Pour lui donner un bain, bien entendu, mais Rouge s’abstient de le préciser. SI l’on requiert de l’eau chaude lors des couches d’une femme, ce n’est pas pour le décorum. C’est pour la toilette de la mère et de l’enfant.

Respire, mon petit. Les épaules sont passées, le plus dur est fait.

Et de fait, quelques instants plus tard, le petit être vagissant était remis dans les bras de Lucrèce, et le fil de vie le reliant à sa mère soigneusement coupé, d’une petite lame d’argent. La maquerelle saurait quoi faire et quels filtres distiller avec le précieux cordon.

Lave le et rapporte le à sa mère. C’est un fils, Désirée. Repose toi quelques instants.

Quelques instants de repos, oui, avant que de se détacher de la secondine, et d’être définitivement mère, en plus d’être catin.
La maquerelle, elle, sondant les chairs malmenées, calculait déjà son manque à gagner.

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--Lucrece


Les cheveux...ça se présente bien alors...la délivrance devrait être assez aisée. On se prépare, la tête apparaît, Lucrèce récupère une des serviettes qu'elle a ramené des bains prête à emmitoufler le petit corps à l'intérieur.Un signe de tête à la Rouge, elle est opérationnelle!
Le terme approchait, et quand le cri de l'enfançon retentit, la blonde pousse un soupire de soulagement, il était sauf, Désirée...libérée.

Voilà qu'on lui confie le garçonnet, encore plein de glaire pour un bain, l'empoisonneuse, s'empresse de se retirer pour débarasser le petit être de cette enveloppe gênante et crasseuse. Direction les bains, elle trouvera certainement son bonheur, le mioche continue de hurler dans ses bras et elle berce comme elle peut trouvant la traversée du couloir interminable.

Arrivéeà destination, elle s'empresse de trouver une des bassines de cuivre qui traînent toujours dans le coin, puis un broc remplit d'eau tiède, qu'elle dépose tour à tour dans la réserve où l'on chauffe le transparent liquide, il y fait chaud puisque l'on alimente le fu pour maintenir la température de l'eau. Un petit détour lui a aussi permit de récupérer de la poudre de rose pilée qui sert à parfumer les bain, un pot de miel et du sel, une deuxième bassine sert pour mélanger le tout qui forme une pâte gluante et avec lequel, après avoir déposé le bébé dns la bassine, elle s'applique à frotter la peau pour en resserrer les pores, Lucrèce connaît toutes les croyances de bonnes femmes, elle a été à bonne école durant son séjour à Cahors avec la vieille Dangerosa sorcière réputée du duché de Guyenne.

Alors, s'appliquant à reproduire les gestes de la "guérisseuse", elle lave, frotte tout en maintenant la tête bien relevée, débarassant le petit corps des glaires et du sang qui le recouvre. Elle termine en enveloppant le garçonnet dans une autre serviette propre qu'une des servantes qui la suivait de près lui a apporté, elle lui laissera d'ailleurs le soin de ranger tout son attirail, là elle doit rendre le marmot à sa mère. Le chemin à travers du couloir se fait en sens inverse, entre les bruits étouffés de luxure provenant des chambres et le son des pas empressés de la Borgia qui pénètre de nouveau la chambre de Désirée.

Un sourire à chacun des occupants et les bras se tendent vers la blonde pour lui rendre son bien.


Beau travail, il n' lui manque rien! Mais ne le nourris pas avant d'main... ce soir, il devrait boire d' l'eau sucrée, c'est ce qu'on m'a t'jours dit. Je t'en ais fait mander...

Lucrèce ou l'ancienne apprentie d'une sorcière...comme quoi les apprentissages sont tenaces!


Baudouin.
A la porte, le gardien n'avait pas bougé d'un iota. Spectateur fortuit des allées et venues de Lucrèce qui passe les bras chargés. Attente. Angoisse. Ce gosse n'est pas sien mais c'est un futur pensionnaire de la Rose et comme tous les pensionnaires, pour Baudouin, il fait partie de la famille.

Le temps s'écoule. Lucrèce repasse, portant un bambin braillard et babillard, encore trempé du liquide maternel. L'enfant est né, le cercle de famille applaudit à grands cris*. Baudouin a entendu la voix de la Rouge à travers la porte. C'est un garçon... Un léger sourire sur le bord des lèvres. Tudieu, un bébé garçon dans un bordiau! ça va être bien beau!

Mais il en a le coeur qui chante, le vieux cerbère, lui qui a perdu un fils, fut un temps...

Une fois, un peu de calme revenu, il passe la tête par l’entrebâillement de la porte, sourire ravi, un peu déconfit, il lâche à l'attention de la blonde Désirée.


Félicitation ma belle, pour ton joli poupon!

Il passe la porte et s'avance vers la Rouge, posant sa main sur le bras de la maquerelle, comme il le fait si souvent, lui souriant tendrement, murmurant à son oreille.

Comme toujours, tu fais des merveilles, ma Rouge.

Le regard sonde celui de la matronne, il se fait bienveillant.

L'arrivée de ce gamin est un bon présage, ne crois-tu pas ma Rouge?

La main donne une légère impulsion au bras qu'elle caresse doucement. Haut les Coeurs dans la Maison Close! L'heure est aux réjouissances!

*Clin d'oeil à Victor Hugo
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--Desiree


Se reposer ? Alors que son enfant vient de lui être retiré ?
Paniquée, elle regarde sortir l’autre blonde sortir. La chair de sa chair emporté loin d’elle aussitôt libéré. Elle frémit. Et finit par se plier aux ordres de la Rouge, subissant la délivrance presque passivement, les yeux rivés sur la porte close.
Elle ne respire librement que quand son enfant – son fils ! – est déposé entre ses bras.
La Rouge, comme une mère, l’a lavée a dégagé les traces de l’accouchement dans un coin, hors de la vue de la jeune catin. Elle, elle a vaguement souri à Baudouin entrant, impudique dans sa nudité, femme dans sa maternité. L’enfant au creux de son bras, fatiguée mais pas aussi épuisée qu’elle ne l’aurait cru, elle ne peut détacher ses yeux de cet enfant contre sa peau. Son fils. Elle écarte les pans du linge qui l’enveloppe, elle vérifie. Un fils. Dix orteils, dix doigts minuscules.

La panique, la peur de ne pas savoir s’en occuper, elle l’aura après, quand elle sera seule avec lui, et qu’il faudra qu’elle apprenne, dans les larmes et la fatigue, à être mère. Pour l’instant, les yeux gris rayonnent, et les lèvres sèches déposent un baiser sur le duvet brun qui couvre le crâne de l’enfant.
De son fils. A elle.

Elle n’écoute plus rien, ni plus personne. Juste le souffle braillard de son enfant. Qui s’endort. Ses respirations. De son fils. A elle.

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