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[RP] Ainsi font, font font,...

Heloise_marie

Les yeux clos, elle écoute l'histoire, passionnée... Comme si elle la vivait vraiment. Étrange sensation en fait, et léger murmure qui rappelle une situation à ses oreilles délicates. Héloise se laisse bercer par la voix de son cousin, comme si elle revenait des années en arrière. Elle a 8 ans. Elle est heureuse. Innocente, elle ne souffre pas, elle ne comprend pas tout de sa vie, mais se laisse vivre. Une histoire, le soir, une histoire, pour un cauchemar, une histoire pour un coup de cafard. C'était le bon temps, c'était la joie et les plaisirs de l'enfance.

Maintenant elle est presque une adulte. Et même si elle a toujours son corps d'enfant elle en a perdu l'âme. Elle ressent, elle pense comme une adulte. Elle agit quelque fois, comme une adulte. Mais là elle a juste envie de se laisser aller. Les tremblements se calment, elle est toujours en sueur, les yeux un peu fous et les cheveux collés sur son front, mais son esprit est paisible.

A la fin de l'histoire, elle ouvre les yeux et sourit à son cousin.


Ça nous a plus oui.

Héloise se redresse un peu dans ses oreillers puis prend le livre des mains de son cousin, le ferme et le pose sur le coin de son lit puis lui prend la main pour y déposer un baiser, sur sa paume. Son cousin à elle. Elle l'adore, elle l'adule, elle le chérit. Il est trop adorable que pour penser le contraire. Et cette histoire lui laisse comme un arrière goût étrange dans le fond de sa bouche. Un nouveau sourire à son cousin, puis l'on frappe à la porte et la comtesse dirige ses azurs sur le visage d'Archimède, son valet, qui entre, paisiblement.

Et bien? J'avais interdit tout dérangement sauf pour urgence.
Oui, mademoiselle pardonnez moi, mais vous aviez classé tous courriers de Gwenaelle Marie dans les urgences. Tout comme, heuu... si on avait enfin rattrapé le canard du père Maurice.
Poursuis...
Nous avons enfin rattrapé le canard du père Maurice, il vous remercie et vous envoie son plus grand respect.
Bien bien.. fiche le camps, maintenant.
Et bien, heuu désolée votre Altesse il y a encore ceci... Un courrier de votre soeur. Gwenaelle.
Humm, lis le nous.
Heu devant...
Oui, oui, Beren peut tout entendre!


    Mon adorable Loïse !

    J'ai ouvert ta missive avec beaucoup d'entrain. J'ai entamé la lecture avec non moins d'enthousiasme. Tu sais à quel point te lire est un plaisir.

    Cependant, après quelques lignes, je me suis vite rendue compte que mon Héloïse si enjouée était mise à rude épreuve. Inutile d'essayer de me prouver le contraire ou de faire bonne figure. Je sens bien quand tu es chagrine.

    Je ne sais si je dois apprécier ou détester cet Ersinn. Car les sentiments qui t'animent à son contast sont particulièrement contradictoires ! Joie de le revoir, plaisir des retrouvailles, soporifique attente, phrases malheureuses ! Est-ce là l'amour dont tout le monde prône les vertus?

    J'aimerai tant te savoir heureuse. Je voudrai tellement qu'il comprenne quel joyaux il tient entre ses doigts ce freluquet ! Morbleu ! Pardonne moi de jurer ! Mais qui est-il pour te faire souffrir ?

    Non tu n'es pas sotte. Tu es une jeune femme dont le coeur s'émeut. Si tu savais comme je te comprends ma Loïse ! Crois-tu réellement qu'il puisse te manipuler ? Le penses-tu sincère ? Peut-être a-t-il simplement la trouille. Après tout ce n'est qu'un homme ! On connait leurs faiblesses ! Avez-vous discuté ? Il sait qui tu es n'est ce pas, et quel est ton statut ? Peut-être qu'il craint de déchanter rapidement... Il n'est pas stupide et une altesse royale n'épouse pas un seigneur. Quels sont ses espoirs ? Ses attentes ? Peut-être avez-vous simplement besoin d'une bonne discussion pour mettre tout cela au clair ?

    Tache de ne pas te laisser aller à la mélancolie. Mange davantage. Fais-moi le serment que tu prendras soin de toi. Aucun homme, que ce soit Ersinn ou cet ami de Guyenne, ne mérite que tu te rendes malade ! Ca non !


"Adorable notre frangine. Mais trop franche, gaffe à ce que tu dis toi, tu veux pas qu'on sache hein?"
"c'bon y a que Beren et il est au courant."

    Tu es irrésistible ! Une jeune femme admirable. Toutes ces fleurs que tu as récemment reçues prouvent à quel point tu es convoitée. Alors de grasce, ne t'arrête pas à Ersinn. Oh je sais, c'est si simple à dire et tellement compliqué à appliquer.


"Elle a pas tord."
"Elle n'a pas raison pour autant."
"Tu devrais lui répondre qu'on fait ce qu'on veut"
"Tu devrais la fermer"


    Je t'aime et te veux en pleine santé. Et n'oublie jamais qu'il vaut mieux être seule que mal accompagnée. Ne laisse pas ta santé se dégrader au profit de chimériques promesses. Tant de gens t'aiment et t'apprécient : famille, proches et amis. Ce sont là tes meilleurs appuis.

    Quant à moi, que te dire ? Il n'y a pas grand chose à raconter. Ma vie est calme et réglée comme du papier à musique.

    Je me suis emballée, comme toi, il y a peu, pour un jeune homme avec qui j'avais énormément d'affinités, de nombreux points communs. Hélas le plaisir fut fugace et les promesses éphémères. Tout cela m'aura définitivement convaincue que lorsqu'on aime, on souffre.

Raclement de la gorge d'Archimède et Héloise qui s'impatiente pour avoir la suite. Sa soeur? Son coeur en miette? Qui osait !!!! Qu'il paye, ce crevard !!
    Tu contribues malgré toi à cette conclusion dramatique mais lucide. Jamais plus je ne me laisserai envahir par de doux sentiments. Ils n'apportent que désolation et tristesse. J'ai le coeur en miette... Mais ce qui ne tue pas nous rend plus fort, à n'en pas douter ! Ne t'inquiète pas pour moi. Je suis capable de chasser les idées noires. Il me faudra simplement quelques jours ? semaines ? mois ? Peu importe ! Je m'en sortirai et je jure qu'on ne m'y reprendra plus !

    Ta soeur qui t'aime plus fort que tout,
    Qui pense à toi,
    Qui prie pour toi,
    Qui espère que tu vas bien,
    Gwenaelle Marie


Merci Archimède, laisse la sur mon bureau et laisse nous.
Han, Beren, je vais trouver ce pourceau qui a osé faire du mal au coeur si pur de Gwenaelle et le pourrir. L'as-tu vues, Naelle? Non!... Enfin!! Il n'y a pas moyen ! Non non non.

"Heuu Héloise, regarde la tête de Beren"
Oui quoi qu'est ce qu'il...
Regard qui se tourne sur Beren et froncement de ses blonds sourcils.
Oh... Mon....Di...Beren... tu ... !

Le puzzle se met enfin en marche dans la tête blonde. Déjà qu'elle est un peu attardée, blonde et en plus malade, alors faut pas demander. Mais tout se colle. Le baiser. L'homme. Beren. Le départ. Le retour en retard. Tout ! Elle jette un regard horrifié à son cousin, et, apeurée, trahie, souffrante, en colère, son autre voix hurlant dans son cerveau, elle perd la moindre touche de couleur sur son visage déjà blanc et crache entre ses lèvres pincée...

Sors d'ici...
"Insulte le, tue le, crache lui dessus, griffe le, aller, BOUGE !"
Tout de suite...

Elle ne le regarde pas. Elle n'y arrive pas. Elle perçoit juste la porte qui claque alors qu'Archimède sort. Elle, est perdue. Elle ne sait plus quoi penser. Elle ne pense pas, au fond. Coincée dans ses couvertures, elle est perdue dans un mélange de pensées et de colère et de tristesse. Pis un peu contente pour le canard.
_________________
Beren
Heloise_marie

Le spectre de la jalousie. Ou plutôt de la colère. En tout les cas celui de la souffrance. Il s'enroule, paisible autour de ses épaules, oppresse son coeur et fait palpiter son sang dans son cerveau! Il lui susurre, doucereux ces mots qui font si mal au creux de son oreille. Que quelqu'un fasse souffrir Naelle était déjà, à ses yeux, un crime atroce. Que ce soit son cousin, CE cousin, n'était plus un crime, mais un suicide. Naelle, perle de l'innoncence, petite fille encore à ses yeux, bredouillant son prénom alors qu'elle commençait à parler. Perle blonde. L'ange si bien nommée par Gregor. C'était inconcevable. Des dizaines de scénarios lui traversaient l'esprit tous certainement plus improbables les uns que les autres, mais néanmoins tous présents.

Il lui parle, mais sa voix ne fait que traverser l'engluement subit dans lequel ses oreilles l'ont plongée. Elle n'entend pas. Elle ne voit pas. Elle sent, cependant, cette main qui prend la sienne, douce et maladroite.


"Gifle-le"

Sa main a un sursaut. Elle pose enfin ses yeux sur la main de son cousin, laissant apercevoir la cicatrice. Souvenir mémorable, souvenir improbable, qui l'eut crut, que ce petit garçon joueur, rieur, cajoleur puisse un jour devenir homme, puisse un jour devenir amant, puisse un jour briser des coeurs. Ce n'était que mensonge, ce n'était qu'une rude mise en scène. Qui était cet homme face à elle qui lui parlait. Où était parti son cousin? Celui qui lui lisait l'histoire, celui qui l'aimait, celui qui était si maladroitement adorable.

"Il n'est pas Beren, il nous ment"

Pourtant, la cicatrice l'atteste. Elle ne répond pas. Elle doute. Tout va de travers et son esprit hurle. Mais son corps ne bouge pas, et petit à petit, c'est la fièvre qui s'en empare. Celle qui était contenue par toutes les potions, celle qui était tombée alors que son esprit, reposé, écoutait paisiblement l'histoire, celle qu'elle contenait en vain pour ne pas avoir à souffrir, celle qui l'emplissait depuis son absence. Tout revient. Elle lève les yeux vers Beren...

Qu'as-tu fais...

Ses yeux se font clairs, autant que sa voix. Elle le regarde, le détaille, mais ne reconnait pas son cousin. La chaleur se repend de plus en plus, faisant trembler ses jambes. Elle n'était plus cette petite fille de 8 ans qui croyait à tous ses rêves, était persuadée que les licornes existaient et que les dragons vivaient dans les caves du château. Elle était Héloise. Femme.

Loin sont les pseudonymes, les rires et les pleurs d'enfants.

Ses mains quittent les siennes, comme si elles allaient brûler ses paumes si délicates. Mais ses yeux ne quittent pas les siens, ils scrutent le visage de son cousin. Froids. Cette fois c'est oublié, l'histoire du canard du père Maurice. Un jour je vous la raconterai, oui oui, mais pas là y a des choses plus importantes.


Qui êtes-vous?
Qui a parlé? Elle ou son elle intérieur? Aucune idée. Mais les paroles sont sorties. Après tout, on est cinglée, ou on l'est pas!
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Beren
Là, il est mal, les amis. Elle a l’air éteinte, un instant, en proie à des pensées qui doivent se résumer à « je vais le découper, ce sale petit mécréant, d’avoir osé embrasser ma petite sœur, mon innocente petite sœur » ou bien « le brûler », ou « le poignarder », ou « lui abattre une des buches de la cheminée sur le crâne », ou bien… tout cela à la fois. Et il la regarde, avide de ses réactions. Elle est tendue, trop tendue. Là, il est mal, les amis.

Elle ne bouge pas, et Beren reste silencieux. Elle n’a pas encore tourné le regard vers cette cicatrice qu’il lui montre, elle ne semble pas réagir, et lui bout d’inquiétude. La main délicate enfin a un soubresaut, si faible soit-il. Là, elle va voir, elle va se souvenir, elle va lui comprendre, et, peut-être, elle va pardonner ? Elle va réaliser que tous deux sont grands, maintenant, et qu’il n’a pas voulu faire de mal à Gwenaelle sciemment, n’est-ce pas ? Elle va forcément comprendre que c’est Beren qu’elle a en face d’elle, et qu’il n’a pas changé d’un iota, qu’il lui est toujours aussi loyal, qu’il l’aime toujours autant, hein ? Hein, dites ?

Mais elle reste désespérément silencieuse et immobile. Tout au plus ses yeux observent et semblent détailler la marque au dessous d’eux. C’est bien qu’elle saisit, n’est-ce pas ?

… Ou pas. Parce que là, ça n’a pas vraiment l’air d’aller, hein. Plus que le teint qui s’altère, tantôt blêmissant, tantôt se parant d’un rosé trop prononcé, c’est le regard qui change. Il semble « habité » d’un feu nouveau. « Habité » est peut-être le mot. Elle a ces prunelles-là qui provoquent chez lui une espèce de sentiment de malaise ; il n’a d’ailleurs pas pu d’abord répondre à son « Qu’as-tu fait ? ». Déstabilisé, incapable de faire autre chose que bredouiller, il est resté à la merci des iris d’Héloise, qui le captivent.

Mais tout prend un tour nouveau comme elle ôte sa main, vivement, et qu’elle détaille son visage d’adolescent. Aucune chaleur, aucune fièvre dans ce qu’ils transmettent ; éteints, presque, s’ils ne bougeaient pas légèrement comme ils le dévisagent, littéralement. Littéralement, oui, car bientôt, après que les yeux ont eu tôt fait d’arracher presque la peau de ce qu’ils observent si ardemment, c’est la voix qui choisit d’ôter son identité à Beren, comme elle prononce «
Qui êtes-vous? »

Il sursaute, moins de surprise que de peur. D’où vient cette voix-là qu’il ne lui connaît pas ? Gutturale, presque d’outre-tombe, elle est dure, étrangère. Et il panique soudain, écarquillant les yeux. D’instinct, il recule, bascule même de sa chaise, dans un demi- cri d’effroi. Elle est possédée ! Elle ne le reconnaît pas, lui, son couin, lui, son Beren ?!

Il la regarde, interdit, d’en bas, comme il est assis sur le sol. Il fouille dans ses poches, en sort une petite fiole qui ne le quitte jamais et qui contient de l’eau bénite. Décapsulé, le contenant est prêt à être lancé comme il entame :


- Héloise ! Mais que se passe-t-il ?

Si elle est possédée, évidemment, le liquide finira sa course sur le démon. Mais lancer de l’eau bénite sur sa cousine pour rien… Attendons la réponse, donc !
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Heloise_marie
C'est elle. C'est elle qui a parlé. Est-ce elle qui a parlé? Est-ce la fièvre qui lui joue des tours? La voix est aigüe, ne ressemble en rien à la sienne et pourtant, c'est bien elle oui, c'est sa voix, c'est la sienne.
"Frappe le"
Son regard se pose sur Beren qui s'est éloigné elle ne sait trop pourquoi, et a sorti une fiole de sa poche! Son air à elle est perplexe. Elle l'observe sans comprendre. Il tombe, assit sur le sol. Elle le voit à peine, son esprit est embrouillé elle ne se rappelle pas de tout, mais semble perdue et perplexe.
Non...
Sa voix est faible, mais lui répond tout de même, il n'était pas question de le frapper, non, pourquoi le frapper, il est son cousin, elle l'aime il est Beren il est toujours lui et ce depuis toujours, n'est-ce pas?
"Non, il nous ment, frappe le! Insulte le! Envoie le aux cachots. N'as-tu aucun courage? Idiote!"
C'était vrai, ça il avait osé toucher à sa soeur, à sa Gwen. Il n'avait aucun droit de faire ça, aucun. Personne n'en avait le droit. Elle aurait souffert de mille mort que sa soeur soit blessée. Et elle l'était actuellement à cause de...
"A cause de lui! Torture le, frappe le, tue le,..."
Non!
C'est son cousin, elle ne lui ferait jamais ça, quoi qu'il fasse, il n'en était pas question, elle ne voulait pas, on avait rien à lui dire, même pas elle-même, même pas elle. Non, Beren elle y tenait plus que tout au monde, il comprenait tout d'elle il ne la jugeait pas, quels que soient ses choix, bon sauf peut-être pour Ersinn mais bon, il y avait parfois de quoi. Mais elle lui pardonnait de ne pas la comprendre sur ce point. Le coeur à ses raisons que la raison ignore. Mais sa tête à des raisons qu'elle et que Beren ignore.

Héloise se redresse dans ses draps et sort de ses couvertures, faible et pâle. Blanche et maigre. Elle ne se sent pas bien, elle résiste, elle souffre, la fièvre, son corps, ce froid, cette douleur au coeur, Gwen, Beren, son absence à son foutu Lorrain.
"Ouiiiii allleeeeeer, plante lui ton pied dans le ventre, fait lui mal ! "
"Non, non, je ne veux pas. C'est... "
" Bien, super, top mortel, gogogo poulette, tu DOIS"

Non, non... laisse-moi... je ne... je ne veux pas...

Ses bras s'agitent, comme si elle voulait chasser un fantôme invisible, le spectre de sa folie, douce et agressive. A souhait. Si la fièvre fait délirer, la fièvre fait augmenter cette voix dans sa tête, aigüe mais sienne. La fait paniquer. Lui laisse un gout de sang dans le fond de sa bouche. Ses yeux bleus lancent à Beren un regard paniqué, un cri d'alarme pour qu'il l'aide, alors que son corps faiblit. L'esprit prend le dessus. Elle tend ses bras vers son cousin et tombe sur le côté, pantin inerte et sans conscience, dans les méandres du noir. Transie de fièvre. Préférant l'oubli à la folie, pour une fois. Inconsciente, mais paisible.

"Héloise! Héloiseeee! Héloiiiiseeee... "
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Beren
La fiole débouchée et son contenu prêt à être déversé, voire franchement lancé, il l’observe, complètement décontenancé par ce qu’il voit. Sa cousine adorée semble en proie à un dialogue plus ou moins intérieur ; il comprend bien que ce « non » répété, d’abord en suspens, ensuite affirmé, n’est pas dirigé à son endroit. A qui l’est-il ? A la fièvre, à elle-même ? Ou bien à l’idée qu’il ait embrassé Naelle, lui ait fait du mal ?

Peut-être tout cela à la fois, en fait. Peut-être aussi qu’elle en a après lui ? Peut-être qu’elle est vraiment possédée ? Cette voix-là qui a prononcé ces mots et l’a terrifié au point qu’il a perdu toute la stabilité de son assise pour se retrouver au sol, cette voix-là était si différente de la sienne, habituellement. Peut-être même que c’est le démon qui parle à sa place, et refuse l’approche du liquide béni ? Peut-être que…

Mais l’expression qu’elle affiche maintenant lui fait hausser les sourcils et baisser inévitablement le bras. Evidemment qu’elle n’est pas possédée, elle est juste sous le choc, et sa fièvre n’arrange rien. Il s’en veut, évidemment, pauvre fou qui lui aura fait comprendre par son regard que la lettre de sa petite sœur chérie parle de lui alors qu’elle était souffrante, affligée de tourments. Fou ! Et sa voix a été si faible, avec ce « non… » ; fou, qu’as-tu fait, Beren ? C’est à cause de toi si elle souffre, c’est à cause de toi si elleS souffreNT. Quel genre d’homme es-tu pour faire souffrir celles qui te sont le plus proches ? Tes cousines, tes sœurs, tous ceux qui t’aiment et attendent de toi que tu leur rendes la pareille quand tout ce que tu fais est râté et gâté par tes allures malhabiles et tes gestes maladroits. « Imbécile ! », te crierait Guillaume, et il aurait raison.

Quel idiot, vraiment ! Rendre malheureuse sa cousine, SA cousine, son Héloise, sa douce Héloise ! Celle qui le comprenait mieux que personne, depuis leur plus jeune âge ? Sa première amie, sa première « namoureuse », son double au féminin, son Héloise ! Beren, tu es un crétin !

Il la regarde, dévore chacun de ses gestes des yeux, avide de ce qu’elle dira ou fera ; finalement, elle se redresse et quitte sa couche, avec davantage l’allure d’un fantôme que d’une Altesse. Mortifié, effrayé, inquiet de son état, il l’observe avec attention, jusqu’à ce qu’elle lui demande une nouvelle fois de le laisser. Là, tout s’enchaîne, elle est prise d’agitation, ses bras ballotant dans tous les autres, singeant un combat avec une force invisible ; le regard qu’elle lance à Beren, appel au secours plein de panique, doublé d’un véritable cri cette fois achèvent de faire reprendre contenance au jeune Fiole, qui a juste le temps de se précipiter pour glisser ses mains sous sa tête comme elle s’écroule.

Transi de peur, affolé, il hurle la maisonnée à l’aide, et se redresse, sa frêle cousine dans ses bras. Il a juste le temps de l’allonger que les premiers domestiques arrivent dans la pièce, ameuté par ses cris d’alarme. Tourne un regard grave, sourcils froncés, vers eux tous, et ordonne bien plus qu’il ne parle, criant presque, la main sur le front de sa cousine :


- Allez chercher un médecin, et vite ! Je crois qu’elle a besoin d‘une saignée, et je ne suis pas sûre d’y parvenir. Elle est brûlante de fièvre, qu’il se hâte !

Tentant de mesurer le pouls d’Héloise, le temps lui semble infiniment long pour que les domestiques exécutent ses consignes, et se tourne vers les femmes :

- Faites sortir les hommes, et aidez-moi à la délester de ses vêtements trop chauds, apportez des linges, et de l’eau, chaude, et froide, nous devons tenter de provoquer un choc thermique. DEPECHEZ !!

Ca ne ressemble pas à Beren d’être odieux, encore moins autoritaire, mais… « Qui s’expose au péril veut bien trouver sa perte »*, et Dieu sait comme il se refuse à l’idée qu’Héloise succombe à ce mal d’Ersinn.


*Pierre Corneille.

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Heloise_marie
Combien de temps elle a dormi?

Des heures? Des jours? Des mois? Des années? Elle attend le baiser du prince charmant? Nan ce ne sont que des histoires et elle, est confrontée à la réalité. Cette réalité là qui lui fait mal de tête, qui étouffe ses muscles et a raidit son corps le temps d'une crise. C'était de sa faute! Il n'arrêtait pas de l'engueuler, de l'insulter, elle le détestait. Mais ne savait pas le faire taire.

Beren. Que Beren soit encore là. Il doit encore être là!

"Ouvre les yeux"
"Oh non, s'il te plait, laisse moi, je n'en peux plus, laisse moi, juste aujourd'hui, pitié"
" Depuis quand tu demandes pitié? Faible!"
" Laisse moi être normale, une fois."
" Comme tu veux. "

Ses yeux bleus s'ouvrent. Ils fait sombre dans la pièce, il fait silence, il y a juste le feu qui crépite tout doucement dans un coin de la pièce. Il y aussi la pluie qui tape contre les carreaux. Il y a qu'il fait chaud dans cette pièce et que ça lui permet enfin de réaliser que la fièvre l'a quittée. Il y a qu'elle est nue sous ses couvertures et que ça, ça l'inquiète. Il y a qu'elle a terriblement mal au bras. Ses doigts tâtonnent le creux de son bras droit d'où la douleur émane et elle grimace alors qu'elle rencontre une croute toute jeune.

Du reste, elle ne se souvient de rien. Faiblement, d'un courrier, faiblement, de Naelle, faiblement de deux trois détails. L'histoire de Beren, le courrier qu'il a écrit,... Elle hésite à se lever, se sentant toujours faible et vulnérable, mais attrape tout de même son peignoir pour le glisser sur ses épaules, assise sur le bord de son lit. Héloise pose un pied à terre, un deuxième et se lève doucement, les yeux papillonnant et sa tête lourde, si lourde. Ses yeux parcourent sa chambre pour chercher Beren. Etait-il parti?

Héloise fait quelques pas vers la porte avant de tomber sur le grand fauteuil qui trône au milieu de la pièce et de se voir accueillir un sourire attendri. Beren était affalé dessus, endormi, tel un gros bébé, paisible. La jeune fille vint s'accroupir devant lui, face à son visage et glisse doucement sa main le long de sa joue. Il était toujours là, lui, pour prendre soin d'elle, et il serait toujours là, pour prendre soin d'elle, quels que soient ses sentiments envers sa soeur.


Beren?

Petite voix fluette... Qui raisonne dans le silence.
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Beren
Trois jours, trois interminables jours, à la veiller, à mourir d’inquiétude, à petit feu. A se consumer d’angoisse, heure après heure, de réaliser que son état ne s’améliore pas. Il a failli tourner de l’œil, à la saignée, mais le médecin a eu besoin de lui, pour la tenir, pour ne pas qu’elle bouge ; aurait-elle bougé, d’ailleurs ? Alors il a hoché la tête, et s’est installé, en bras de chemise, pour aider, comme il le pouvait.

Les domestiques mâles sont sortis quand il a fallu dévêtir Héloise, et Beren, lui, a rejoint un coin de la pièce, tournant le dos à la scène, respectueux. Ensuite, une fois couverte par un drap léger mais suffisamment opaque pour ne pas qu’elle ait à rougir après coup d’une telle situation, le jeune Fiole et le médicastre ont été dirigés vers la couche, et la phlébotomie a eu lieu, le carmin récolté s’échouant au creux d’une coupelle chauffée pour le recevoir.

Quand le liquide sirupeux a perlé, il a failli bondir sur son bras, et s’écrier « refermez ! Refermez ça, pauvre fou ! », et il lui a fallu tout son courage pour se répéter, encore et encore, que l’opération était bénéfique pour elle, et que, sans doute, elle parviendrait à améliorer son état, puisque le médecin le lui martelait, comme pour rassurer le cousin au teint blafard, ponctuant ses explications par un « n’est-ce pas ? », ça et là.

Il ne répondait pas à ces questions rhétoriques, pas plus qu’il ne prêtait attention au verbiage étrange de l’homme de science, qui partait dans des envolées lyriques incompréhensibles sur une théorie des humeurs, ou il ne savait quoi ; peu importait, en fait. L’eau, la terre, le feu, le ciel, quelle importance ! Son monde souffrait devant lui, inconsciente, et l’univers tout entier ne suffirait pas à habiller sa vie, sans sa présence à elle, cette autre lui, cette complice de toujours, son Héloise à lui.

Le traitement fini, le médecin s’en fut, et la longue attente de Beren commença. Prévenu qu’il faudrait du temps à Héloise pour se remettre de cet incident tragique, il prit place dans un large fauteuil, à quelque distance du lit. Penché en avant, les coudes appuyés sur ses cuisses, ses mains jointes, le bout de ses doigts recueillant son menton, il fixa le sol, tantôt priant, tantôt se remémorant chaque souvenir d’avec elle, mort d’inquiétude. La perde elle serait terrible ; pas avec toutes ces pertes. Non, c’était impossible. Tiraillé entre colère et tristesse, entre inquiétude et révolte, les heures s’égrainèrent ainsi, interminables. Le repos fut rare, le sommeil furtif. C’est bien au bout de trois jours qu’affligé de torture nerveuse, il sombra dans un lourd sommeil.

Et comme chaque fois, c’est là qu’elle s’éveilla, sans qu’il le remarque. En proie à un rêve où il se remémorait leurs jeux d’enfants, il pensa à ce jour-là où elle avait glissé son visage contre sa paume ; il sourit dans son sommeil, mais c’est bien sa voix qui l’éveilla tout-à-fait. Reprenant conscience, il sursauta et la regarda avec avidité, bredouillant comme ses yeux brillaient encore de sommeil :


- He… Heloise, c’est bien toi ? C… Comment te sens-tu ?
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Heloise_marie

Héloise regarde son cousin, attendrie et ravie de le voir s'éveiller dans un sursaut. Il est resté, il a veillé, combien de temps? Elle ne sait pas, mais il est toujours là, n'est-ce pas là la preuve d'un amour indéfectible? Indestructible? Sans fin? Il était méchant, vil, briseur de cœur, atrocement cruel et lui avait fait énormément de mal avec cette histoire qu'il avait avec sa petite soeur, mais elle y remédierait avec le temps, elle arrivait toujours à ses fins.

Il fait nuit, tout le monde dort certainement en Champagnole, tout le monde sauf eux deux. Comme avant, quand elle faisait un cauchemar, il était là. Comme avant, quand elle ne trouvait pas le sommeil, il était là, comme avant, quand elle avait peur, seule dans sa grande chambre, il était là. Ce qu'il s'était passé, ils n'en parleraient plus, ou pas. C'était toujours comme ça entre eux, ils vivaient avec et s'en accommodaient.

Il lui parle. Comment elle se sent! Comment elle se sent? Elle n'en savait rien, elle ne se sentait pas bien, c'était un fait, faible et sans force. Chose normale puisqu'elle n'avait presque rien mangé depuis 7 jours et restait alitée tout ce temps. Mais elle se sentait pour la première fois depuis bien des années, seule. Comme si quelque chose l'avait quittée, quelque chose ou quelqu'un. Elle pensait seule, elle agissait seule, elle bougeait seule et c'était quelque chose de merveilleux mais de terriblement effrayant. Et qui n'allait pas durer, c'était certain.

Bref, première chose, intimer son cousin au silence. Elle glisse son index sur ses lèvres à elle affichant un sourire derrière. Son autre main toujours le long de la joue de son cousin, elle se penche vers lui et dépose un baisser sur ses lèvres. Souvenir d'une année perdue, souvenir de leurs 8 ans, souvenir de ce qui les lie et ne se brisera jamais. Elle qui haïssait les choix, elle avait décidé. Décidé de laisser certaines choses derrière elle. Mais elle n'allait pas lui en parler, du moins pas tout de suite.

Alors qu'elle se redresse doucement, tentant de ne pas vaciller et en prenant appuis sur le fauteuil, elle lui tend la main et dans un murmure de voix rendue rauque...

Je meurs de faim.
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Beren
Il lui sourit en retour ; comme il lui a toujours souri à elle, dans un mélange d’attendrissement, d’amour, de complicité et d’affection. Chacun des sourires qu’il lui a adressé, depuis ce premier jour où ils avaient été présentés avait eu cette forme-là, inspirée par un élan du cœur inexplicable, celui d’avoir rencontré celle qui lui correspondait tout-à-fait. Héloise était et resterait la seule femme qui le comprendrait parfaitement, parce qu’elle était aussi décalée que lui.

Elle a son monde, ses passions, sa propre façon de voir les choses, si spéciale aux yeux des autres, si inhérente à son propre esprit… comme lui. Elle a ses fantômes, ses absences, ses présences… comme lui. Ses plaisirs, ses rêves inaccessibles… comme lui. Ses fragilités, ses forces insoupçonnées… comme lui. Ces deux-là sont tous simplement les mêmes, bien que Beren affirmerait à quiconque qu’Héloise, c’est lui, en mieux. En beaucoup mieux, même. Enfin… formulons-le ; c’est lui, en version parfaite.

Il est méchant, oui ; il est cruel, sans doute ; il est briseur de cœur, surtout le sien ; méchamment innocent, cruellement timide; il est terrible, dans tout ce qu’il fait, mais il aime. Beren, c’est un amant des autres, dans ce qu’ils ont de plus pur ; un amoureux des innocences jumelles, un passionné des mots, un chanteur des sens, surtout olfactif, un époux loyal en amitié. Il n’est nulle vile intention en lui, son cœur en est bien incapable ; mais il arrive parfois qu’il blesse, et il se sait responsable de l’état précédent de sa cousine, de ces trois jours horriblement inquiétants, de cette courte éternité dont le repentir hantera jusqu’à ses jours derniers.

Pour autant, la main sur sa joue lui fait comprendre que l’épisode est passé ; cette petite mort qui l’a prise est derrière elle maintenant, elle vit à nouveau, et sentir son petit pouls battre au creux de son poignet, tout contre sa mâchoire, c’est autant de battements de cœur du jeune Fiole, maintenant. Ils n’en reparleront pas. Ils n’en reparlent jamais. Restera seulement, du côté Bérénien, ce sentiment de culpabilité lancinant sur lequel elle pourra et saura, si elle le veut, jouer pour le faire ployer, chaque fois qu’elle le voudra ; les femmes ont cette capacité innée à se servir de leurs faiblesses comme des armes. Et si son corps a flanché, nul doute que son esprit, lui, aura enregistré l’épisode, et ne manquera pas de le réutiliser à bon escient.

Elle est si jolie, même blafarde ; son teint laiteux de poupée de porcelaine a toujours rendu soyeux chacun de ses regards, chacun de ses sourires. Elle est si jolie, toujours. Belle, il le voit bien. C’est drôle, presque risible, il le sent, d’avoir passé sa vie aux côtés d’un trésor, et de ne se rendre compte de sa valeur que lorsqu'on l'a perdu, ou qu’on mesure l’étendue de sa richesse alors qu’il a failli nous échapper. Il y a quelque chose de paisible dans cette main qui réchauffe sa joue, sur cette légère barbe qui habille maintenant ses joues, et qu’il n’a pas pris soin d’entretenir durant ces trois longs jours. Ses yeux pétillent, malgré la fatigue, ses cheveux brillent comme un soleil, ils l’éblouissent presque. Elle est merveilleuse, comme elle l’a toujours été.

Plus encore, sa sérénité est palpable sans qu’elle ne prononce rien ; son regard a toujours su dire davantage que ses lèvres, ou taire plus que les plus longs silences. Elle est de ces gens qui exaltent et exhalent bien plus qu’ils ne prononcent, c’est ainsi, ça l’a toujours été. Héloise. Ce prénom qu’il a répété en tenant sa main, pendant son sommeil forcé, ce prénom qu’il a tant marmonné dans ses périodes de repos furtif, où, somnolant bien plus qu’il ne dormait, quelque mauvais rêve lui laissait présager le pire à son endroit. Héloise.

Il relève les yeux vers elle comme elle place son index sur ses propres lèvres, sur son sourire qu’il aime tant à revoir, et dont il a conscience de la valeur. Elle est captivante, il dévore ses traits, affamé de ses gestes ; et, sans qu’il ne le réalise même, un sourire jumeau pare bientôt ses lèvres, comme il se tait. Il répond à son baiser, comme lorsqu’ils étaient enfants, ou comme ce soir, en taverne, où il lui avait offert un baiser, à genoux devant elle. A ses pieds, toujours, fidèle et loyal qu’il est envers elle plus qu’en quiconque – sa jumelle exceptée, peut-être, mais au même niveau.

Rien de passionné, mais tout est intentionné, comme il est attentionné. Il l’aime, il l’a toujours aimée, il l’aimera à jamais. A quel niveau ? Difficile à dire, les limites sont toujours si floues en matière d’amour ; il n’est pas d’amitié ou d’affection, cela n’existe pas. Il n’est qu’amour, à divers degrés.

Il la regarde se redresser, silencieux, et porte doucement sa main à son poignet, comme son équilibre semble un instant précaire, pour la soutenir, et rendre ses gestes plus sûrs. Dans le même temps, et tandis qu’elle parle, il se lève et sourit. Manger, geste si vital, mais si renié par nos deux protagonistes, jusqu’à maintenant :


- Nous devrions peut-être prendre quelque repas, il est vrai ; je vais te faire monter un potage. Tu n’as pas mangé depuis des lustres, il te faut reprendre des forces, peu à peu. Si tu es assez en forme, ensuite, nous pourrions aller prendre un peu l’air dans les jardins ? Je suis même certain de pouvoir installer de petites roues sous l’un de tes fauteuils, pour que tu te promènes sans te fatiguer.
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Heloise_marie

"Je n'allais pas te lâcher longtemps, Héloise. "
Allons donc, tant pis, elle ignorerait, elle s'ignorerait le temps passé avec Beren, elle le pouvait, elle le devait, juste profiter du moment juste profiter de sa présence. Un baiser en impliquait mille autres, elle le savait, combien de fois ils n'avaient pas dû se séparer après grands pleurs et cris! Après avoir joint leurs lèvres en un chaste mais plaisant baiser. Innocence. C'était le traitre mot de leur relation. Aucun désir physique, juste de l'amour, juste un échange de pensées, de sentiments, un accord entre eux, que seul un regard pouvait comprendre.

Elle lui prend la main et ils partent tous deux, non pas demander qu'on leur monte quelque chose à manger, mais elle l'emmène, vers les cuisines, vers ces pièces si peu fréquentables et fréquentées par son illustre personne. Tout est vide, il fait nuit, tout est calme, seules quelques servantes qui, dès le début de l'aube, se lèvent pour se ravitailler avant de commencer leur journée de dur labeur.

Dur labeur, que la comtesse n'avait jamais connu, étant née dans la poussière d'or et d'étoile, bercée par des berceaux en or massif et diamants, bref, la classe totalos mieux y a pas de toute la terre. Elle jouissait donc d'avantages certains, comme ne pas devoir travailler la journée, autre que son boulot de procureur, ou de pouvoir se glandouiller aux jardins des heures durant.

Ils sont assis dans la grande cuisine. Les odeurs y sont fortes, présentes, agréables, senteurs de bois brûlé, de viande cuites d'herbes surprenantes et de toute sorte de reste paisibles. Une table énorme et couverte de mets et de légumes et mets divers trône au milieu de la salle voutée et deux cheminées gigantesques ferment le mur derrière eux. Elle a pris pain, viandes séchées, légumes divers et de saisons, et elle mord à pleine dents dans la mie blanche ou les salaisons.

"Tu vas devenir énorme".
Tant pis. Tant pis. Je veux manger, manger pour ne pas avoir à aimer. Pour ne plus avoir à réfléchir. Juste être là et une fois le ventre plein, rire et discuter, de tout, de rien. Chose pensée, chose faite. Ils terminent leur course folle dans un salon du côté Est du Castel. Salon privé, attenant à un autre, dont la porte n'était connue que d'elle seule, perméablement imprimée dans le mur et invisible pour des yeux fatigués. Bavardant de tout et de rien, oubliant la mésaventure de ces trois derniers jours, se souriant lors des silences mais appréciant ces silences pour mieux se comprendre.

Dans un fauteuil, long, confortable, il est assit.

Dans un fauteuil long et confortable, il est assit et elle est assise contre lui, allongée, collée, proche, les yeux dans les siens et leurs mains entrelacée. Ils viennent de parler de robe, car oui Beren est un peu confident robe, comme une amie, comme une soeur, mais en garçon quoi. Parler robe impliquait de parler mariage.


Je ne sais pas, Beren, entre le devoir et l'amour c'est difficile de savoir ce que je veux réellement..
Penses-tu qu'une robe bleue serait convenable pour un mariage?
J'aime le bleu.
Mais je ne sais, tu sais, si je trouverai un époux qui parviendra à m'aimer ou à se faire aimer assez longtemps de moi.
Je suis exigeante tu trouves?

"Il n'y a que de Beren, que tu ne te lasses pas, sotte, c'est ton cousin, tu l'aimes, même s'il n'est pas aussi beau qu'il le devrait hein"

Puis après l'avoir observé et après un instant de réflexion intente, elle ajoute, toute sereine, toute contente de sa conclusion, comme une enfant émerveillée...
Il devra être beau.
Que penses-tu du bleu nuit et coutures d'argent, ou d'or?

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Beren
Le baiser qu’elle lui a donné est, à l’instar de tous ceux qu’ils ont échangé depuis leur plus tendre enfance, aussi asexué et innocent que toujours ; Beren est un homme en devenir, Héloise est presque une femme mais jamais, ô grand jamais, ils n’ont imaginé pouvoir unir leurs corps dans une étreinte passionnée, fougueuse, romantique, ou tout cela à la fois. Non, leur amour est chaste, parce que pur ; innocent parce que naturel ; parfait, parce qu’entier.

Elle est pourtant si jolie, bien que frêle ; il l’a déjà dit, il le répètera jusqu’à son dernier souffle : elle est tout simplement parfaite. Si Beren ressentait de la jalousie pour un homme qui courtiserait Héloise, ce serait plutôt par peur de la perdre, de voir le lien qui les unit depuis leur plus jeune âge, disparaître, être altéré par la passion des sentiments amoureux. Possessif, il l’est aussi, assurément ; mais ce n’est que parce qu’il est à elle, depuis toujours.

Il sourit quand elle prend sa main, et la suit ; elle connaît la maison sur le bout des doigts, et, en guide hors pair, elle le mène, à travers le dédale des couloirs, vers les cuisines. Seuls leurs pas résonnent légèrement sur les dalles, mais leurs chausses feutrées leur permettent de ne pas attirer l’attention des gardes, fort heureusement ; même leur conversation ne fait venir personne. Peut-être, si on les entend, croit-on qu’il s’agit là de domestiques ; théoriquement, les deux adolescents n’ont rien à faire là… Et pourtant ! Et pourtant, ils s’enivrent d’odeurs, s’empiffrent de ripailles, boivent goulument, comme s’ils n’avaient mangé depuis des lustres. Ils remplissent leurs vides respectifs, savourant en silence les bouchées de l’autre, s’en rassasient comme leur inquiétude pour leur vis-à-vis s’estompe, comme ils reprennent des couleurs. Ah voir celui ou celle qu’on aime manger, se nourrir… vivre… Qu’y a-t-il de plus précieux ?

On dit souvent que le repas est un moment de partage ; ne partage-t-on alors que des plats ? Evidemment, si les mets sont divisés en portions, et servis, c’est bien le geste qui importe le plus ; et il y a dans les silences des deux jeunes gens une béatitude qu’eux seuls ressentent : leurs présences respectives, complices et tendres, apaisent nos deux protagonistes. Et ils s’abreuvent tour à tour de silences et d’éclats de rire, prenant bientôt, sous son égide, la direction d’un salon, dans une autre aile du bâtiment.

Il a pris place, elle aussi ; et les yeux pétillants de Beren se fondent dans les siens, autant que ses doigts s’entremêlent aux siens quand elle lui prend les mains. Il aime qu’elle lui raconte ses secrets, ses tenues, ses envies et ses projets, comme elle le ferait avec sa meilleure amie ; il aime découvrir ce qu’elle aime, ce à quoi elle rêve, partager ses confidences, et s’ouvrir à son tour. La plupart du temps, il l’écoute, avide de ses mots et de ses expressions. Evidemment, comme tenue égale occasion… leur discussion a vite évolué sur « LE » sujet épineux qu’est celui de l’union maritale.


- Héloise, mon trésor, bien sûr que le bleu est convenable, et puis, tu décides, tu ES la mode… Exigeante ? Non, tu es parfaite ; c’est à ton futur époux de s’adapter, et de se rendre assez intéressant pour que tu y trouves toujours de l’intérêt après quelque temps. Les gens sont d’un creux…

Oui, parce que, forcément, quand une fille vous dit « je ne sais pas si je suis assez… », ou « tu trouves que je suis… », il faut TOUJOURS répondre respectivement « oui », et « non » à ces interrogations ; déroger à cette règle vous attirerait des foudres que vous ne soupçonnez pas, messieurs, vraiment. Un sourire plus tard, il ajoute :

- Beau, oui, forcément. Et je trouve le bleu nuit et les coutures d’argent vraiment joli. Et intelligent, aussi, mais pas trop. Pourquoi pas du crème et blanc, avec des fils d’or ? Cela irait bien avec ton teint et tes cheveux. Tu t’es déjà imaginée mariée, toi ? Moi… Non. Mais le pourpre et or serait joli, aussi.

Oui, oui, il saute du coq à l'âne... Mais quelle meilleure façon de se confier, pour deux pudiques ?
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Heloise_marie
Acte VI : Mes regrets

- Champagnole 28 avril 1460, après une discussion en taverne-

Souffrance. A tous les niveaux. Le puits est devant-elle, mais le spectre de la souffrance est sur ses épaules, l'enlace de ses griffes, écailleux, rocailleux, néfaste à son coeur et son corps. Il enserre quelque fois son coeur en plantant, voluptueusement, ses ongles dans son muscle palplitant.

"Je te l'avais dit, tu allais souffrir".
Le jour le plus beau, son jour le plus beau était en fait une farce. Rien n'était beau dans ce monde, rien n'était vrai, ce n'étaient que mensonges et peines, que douleurs et fourberies. Elle était mauvaise, elle avait tout raté, elle récoltait les germes de ses semences de mensonges et de bêtises. Sa main la faisait souffrir d'avoir écrit autant. Son esprit était noir d'avoir pensé autant. Son autre main serrait, inlassablement, le médaillon devenu brûlant.
"défection quoi, tu joues si mal tes pions, Héloise, laisse moi prendre le contrôle, laisse moi les manipuler."
Non! Stop! Je n'en peux plus, je ne veux plus, manipuler, je capitule, je n'en peux plus. Je n'en veux plus.
Spectre, qui plante cette fois ses griffes et se frotte à son esprit, clivé, et perdu. Elle aurait aimé, capituler, dire oui, assume mes actes, assume mon coeur si fragile, assume mes écarts et mes doutes, assume parce que moi je n'en ai plus la force, mais elle refusait de laisser un "tiers" assumer ses erreurs ou ses regrets. Cette voix, cette elle, lui disait des mots, des mots tellement évidents, tellement forts.

Non, ses décisions étaient prises. Elle assumerait, elle avancerait, forte, toujours. Le trône de Franche Comté avait au moins cet avantage, il lui apprenait à se contrôler à dire les choses calmement, posément, à peser le pour et le contre, à ne pas s'énerver et surtout à ne pas trop vite baisser les bras. Ce soir, malgré tout, elle était lasse de se battre. Lasse mais seule.

"On doit arrêter de compter sur les autres pour que tu te redresses. Ersinn. Beren. Pjotr. Aurore. Arrête! Reprend toi mortecouille, tu vaux rien là."
Encore une fois c'était vrai, et le spectre ronronnait d'entendre cette vérité dont elle avait honte et qui prouvait sa faiblesse. Le regard de la comtesse se durcit. Elle prenait ses marques, elle prenait confiance, elle osait de plus en plus, s'affirmant, assumant, se battant. Un pas, et la robe rouge fut collée au bord du puits tandis que la blonde se penchait en avant, la main tendue au dessus du vide, le médaillon pendant au bout d'une chaine. Son portrait la regardait, impassible.
"Jette le" , lui murmure la voix, mêlée au rugissement du spectre qui lui prenait désormais les tripes. Ses yeux bleus continuent de fixer le médaillon. Un bref coup de vent vient déranger la coiffe de la jeune fille d'où s'échappe une pince de perle, qui valse dans le trou profond du puits et tombe... tombe... tombe... chutant sans un bruit.

"C'est comme ça que ça doit terminer."
Sa main relâche un peu ma chaine qui glisse doucement entre ses doigts. Le vent fait balancer le médaillon de droite à gauche. Non, non. Non ! Il ne va pas m'oublier. Il va répondre. C'était évident, ça ne pouvait pas terminer comme ça.
"Si, ça doit, jette le, obéis. Retourne chez toi et écris à Pjotr. Il t'aidera à y voir plus clair. Ou a Beren, même si j'aime pas beaucoup quand il nous regarde comme s'il voul..."
Elle ressert sa main, s'empêchant de penser plus loin dans ces bêtises, et s'écarte du puits. Son choix était fait. Depuis longtemps. Il ne restait plus qu'à le voir, pour le lui dire. Luttant contre les cris, les douleurs et les peines infligées par son esprit contre son corps, elle s'en retourne vers son château, la main serrée sur le médaillon qui resterait, comme une promesse de "un jour".
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Heloise_marie
Acte VII Franche Comté : le retour. La nuit du 22 juin 1460.

Elle n'avait pas quitté Epinal en belle et bonne forme. La journée de hier avait été pesante et affreuse. Mais lourde de sens et d'idées. Si ses blessures et ses trop nombreuses maladies la clouait quelques fois au lit pour des crises non moindres, son esprit était sans cesse torturé par diverses autres choses de la vie. Les aléas de l'adolescence, diront certains. Le fait qu'elle est complètement cinglée, diront d'autres. Ou encore les ancêtres comme son parrain qui, d'un mouvement de la main et une bière à la main, affirmeront haut et fort que le fait d'être une sale blondasse joue forcément. Bref, elle ne sort pas d'une très belle journée, douce et amère folie levaient enfin tout doucement les voiles de sa tête et, pelotonnée dans le fond d'un carrosse Arboisien, la jeune Comtesse, la tête posée contre la vitre, ne voit pas tout de suite qu'on ralentis le convoi.

Convoi Comtal. Ses gens, ses domestiques, quelques gardes et puis elle. Lorsqu’enfin il est à l'arrêt et qu'elle entend des voix à l'extérieur, elle sut qu'ils étaient attaqués. Si habituellement la panique la gagne quand, sur les routes, et après chaque arbre, un voyou tentait de s'en prendre à elle, cette fois, ni panique ni cri. Elle se contentait de regarder le noir de l'extérieur, le front contre la vitre, un peu blasée. Quelques cris, les voix se font plus fortes une épée sort de son fourreau, une autre et les coups de fers commencent. La jeune fille change de place, pestant contre la buée qui s'étend au contact de son souffle. Elle s'assoit droite, un peu plus digne et pose sa tête en arrière sur le rebord du siège. Les minutes passent, les coups se font plus faibles. Les voix reprennent. Et enfin, Archimède vient aux nouvelle en passant sa tête par la porte du carrosse entre-ouverte.


Votre grandeur, votre grandeur !!
Viens en au fait, Archimède.
Un malfaiteur nommé Lordzardoff a tenté de nous détrousser. Nous lui avons infligé une bonne correction, et il est parti en boitant, après s'être excusé à genoux.
Ah, bien... bien...Tu donneras un quelque chose à chacun des hommes de ce trajet. Dont toi.
Merci votre Grandeur.
Allons, maintenant.

La porte se referme sur un Archimède ravi et elle entend les autres personnes pousser un râle-heureux alors qu'il leur annonce la nouvelle. Le convoi se remet en marche et la jeune fille reprend sa position lovée pour regarder par la vitre. Si cette attaque ne lui avait fait ni chaud ni froid, les lumières des chaumières qui bordaient Luxeuil lui martelait le coeur. Enfin. Enfin elle était de retour dans sa Franche Comté. Sa patrie. Sa région. Enfin elle allait retrouver Arbois, Champagnole et pouvoir visiter Lure. Et puis enfin elle aurait une chance de revoir toutes ces personnes qui lui sont tant importantes. A commencer par sa mère, malade. Ensuite son père adoré. Chon et les quelques villageois de Vesoul. Et puis peut-être plus, si la chance lui sourit à Vesoul. Si d'emblée ses courriers n'ont pas été interprétés au sens propre, mais pensés à l'envers. Fermant les yeux avec la conviction que oui, ils seraient compris à l'envers, apaisée par un soupir, mais ballotée par les cailloux de la route, elle se laisse un peu dériver.

Quand enfin, ils s'arrêtent, elle en profite pour écrire une lettre, une seule.

Citation:

A Beren,
Mon amour, mon cousin, ma vie et mon tout,


Je suis partie de Epinal hier soir un peu comme une voleuse. J'espère que personne ne m'en voudra de là-bas. J'ai tout de même eu le temps de prévenir Guillaume en le croisant en taverne et de laisser un mot à Ersinn. Je t'attendais au monastère, j'avais prévu de rester cloitrée pour les quelques jours avant ton arrivée, mais une fois sortie de la fièvre qui m'avait prise, il me semblait plus adapté pour ma santé de m'en retourner chez moi, à Vesoul.

J'y serai donc demain, si tout va bien sur les routes qui sont en fait, assez mouvementées. Nous avons été attaqués cette nuit, mais nous n'avons rien eu, le brigand a été mis en déroute.

J'espère que tu te portes bien. Tu ne m'as pas répondu, du coup j'ai un peu peur qu'il te soit arrivé quelque chose ou que tu ne te portes pas bien. J'ai hâte de te retrouver, de retrouver tes bras, tes sourires, tes baisers et ta voix.

Je t'embrasse avec tendresse,

Ta cousine,
Héloise Marie.

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Beren
Ah, lassitude, quand tu nous tiens ; regret, quand tu nous fais tiens... La vie est bien morose à un Beren bien esseulé, ces temps-ci. La tension, celle qui vous vrille et vous prend dans un tourbillon, pour vous marteler de toutes parts. La résolution, aussi, celle de se rendre à l'évidence : à vouloir satisfaire tout le monde, on ne satisfait qu'à demi, et personne n'est heureux. Pas même lui. Lui, d'ailleurs, qui s'en est soucié ? Il n'en connaît que trois, trois femmes, trois proches, et non des moindres. Deux cousines, sa femme ; trois repères, trois piliers. Car Beren est un hommes à femmes, mais pas comme l'entendent le commun des morteles ; il a grandi autour de femmes, il a accedé à la vie par une, a poussé avec une deuxième, est devenu homme par une troisième. Et encore, les deux enfants qu'il élève, ce sont des représentantes du sexe féminin. Oui, décidément, Beren est un hommes à femmes, et à filles. C'est ainsi.

Quand il reçut un nouveau pli de son deuxième double, alors qu'il était plongé au milieu de ses préparatifs pour quitter le Comté, il mit un moment avant que de prendre la plume mais enfin, profita d'un moment de calme pour s'attabler à son bureau, et d'étrenner ce nouveau nécessaire à écrire qu'il avait acheté les jours précédents :



Citation:
A Héloise Marie,
Mon amour, ma cousine, ma sœur,
Mon trésor adoré et éternel,



Si tu savais comme tes mots à toi savent m’atteindre ; j’y lis chaque sourire, chaque larme, chaque intention - toi et moi savons ce qui nous lie, à quel point nous sommes à la fois semblables et différents, à la fois distincts et complémentaires. Ton dernier pli a un arrière goût de résolution qui ne me plaît guère, car je m’inquiète de ce que tu auras décidé, sur un coup de tête. Je connais ta propension à l’impulsivité, elle est jumelle à la mienne, et tu sais que toi et moi n’avons pas pris nos meilleures décisions sous celle-là. Mais je te soutiendrais, quand bien même un jour tu déciderais que je suis un vilain et méchant cousin, quand bien même alors, tu aurais la certitude que tu dois t’échapper de moi. Mais je t’aime, et j’espère ce moment ne viendra jamais ; je crois qu’il me tuerait, tu sais ?

Te lire si sombre me fait froncer les sourcils du souci que cela me cause – tu sais ce froncement là que tu n’aimes pas voir sur mon visage, et que, petite, tu t’évertuais à défaire du pouce, avec acharnement. Tu sais, Héloise Marie, ma douceur à moi… Rien n’est jamais parfait. La perfection, ça fait perdre ce petit goût de magie qu’ont les choses ; dis-moi, mon adorée : quelle splendeur aurait la clarté du jour, si la nuit n’existait pas ? Quel bonheur pourrait-il y avoir au monde, si la douleur n’y avait pas elle aussi sa place ? Tu cours après une chimère, si tu veux trouver la perfection. Et la perfection, de surcroît, t’ennuierait… Elle ne serait donc pas parfaite. Tu vois, il ne faut pas chercher cela. Pour être serein, il faut accepter que la vie nous surprenne, qu’elle joue un peu de nos destins, qu’elle nous fasse faire des rencontres, et croire, oui croire, qu’un jour, tout ira mieux.

Tu dois manger et dormir. Et arrêter d’écouter l’opinion des gens ravis, ravis, de donner leur avis sur la vie*. Mais c’est ce que j’ai fait, n’est-ce pas ? Sans juger, néanmoins. Je refuse de te juger, comme tu as toujours refusé de me juger, moi. Qu’importe les autres, Héloise Marie ! Ils ne comptent que s’ils tentent d’apaiser les choses, pas d’ajouter de l’huile sur le feu. Guillaume a forcément une part de vérité dans ses propos : nous tous, à un moment donné de nos existences, tentons, un peu, de penser à nous. Juste pour une fois, une toute petite fois. Faire les choses pour soi, ce n’est pas les faire contre les autres… Les gens oublient parfois cela. Et dans ces cas-là, se montrent eux-mêmes égocentriques. Alors tu vois… Pense à toi, et à toi seule. Tu fais bien. Et ne laisses personne te dire le contraire. Tu n’as pas le droit de te faire subir cela à toi-même.

Quant à moi, je ne saurais te dire si je vais bien. Je ne sais plus qui je suis. Lara est partie quelque temps avec Gabriel, pour lui dire au revoir ; un dernier voyage, somme toute. Tu sais que j’ai abandonné la politique, pour mes sœurs, pour ma fratrie… Et je ne sais plus qui est Beren. J’élève mes enfants, et voilà. Peut-être reprendrai-je mon projet de parfumerie, peut-être, qui sait… Je n’ai plus envie de rien, je me sens vide de ne plus savoir qui je suis, fondamentalement. Sarani est inquiète, je crois. Il ne faut pas ; un jour, sûrement, peut-être, je ressentirai, à nouveau. Pour l’heure, je dois te quitter, Elisette pleure, c’est l’heure pour moi de la nourrir. Je suis passé expert dans l’art de lui donner du lait de chèvre. Dis aux nonnes de prendre soin de toi, ou bien ton barbu de cousin leur dira de ses nouvelles.
Ecris-moi, s’il-te-plaît. Vous n’êtes que quelques-unes à me maintenir en vie.

Je t’aime.

Tendrement,

Beren.



Missive enfin cachetée, il la confia à un page, direction H&M, et sur le champ.



*Alain Souchon, La vie ne vaut rien.

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