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[RP] Trouble nocturne...

Azrael.


    La lumière bleutée de la pleine lune éclairait le paysage macabre de son royaume. C’est le regard empli de fierté, que la Croque commença son office en se saisissant de sa pelle pour entretenir son œuvre. Les rangées de pierre tombale, les chrysanthèmes et les épitaphes étaient sont lot quotidien. La belle était fossoyeuse. Tous ici la surnommaient l’Azarel… L’ange de la mort. Les gens du village avaient toujours pris beaucoup de précaution pour ne pas la connaitre. Les rares fois où ses pas la menaient au bourg en journée, la croquemitaine ne croisait que des regards fuyants et des silhouettes hâtives. Elle faisait peur la veuve éternelle, avec sa peau d’albâtre et ses grands yeux verts. Certains la disaient même maudite…

    Et tout cela lui convenait parfaitement !

    C’est l’heure, minuit sonne au clocher. Le lot de veuve éplorée et d’orphelin désespérant a foutu le camp il y a bien longtemps. Les gens honnêtes ça ne traine pas dans les cimetières la nuit tombé. La donzelle pouvait donc commencer sa tâche. Un vioc avait passé l’arme à gauche il y a quelques jours au grand bonheur de la gamine. Un mort, une tombe, et donc un trou à creuser ! La faucheuse comme Pôle Emploi ! Creuser était ce qu’elle préférait le plus au monde. A mesure qu’elle vidait la terre, elle se vidait l’esprit. Elle respirait.

    Alors qu’elle avançait à l’aveugle vers le fond du cimetière ou était enterrer la gueuserie. (Les cimetières c’est comme les restaurants ont remplit d’abord la vitrine pour attirer du monde) Le grincement significatif du portail résonna dans le champ de pierre tombale. La logique de l’ange noir trouva tout de suite une réponse à cet élément perturbateur. Un couple de jeune puceaux venait une fois de plus s’encanailler aux milieux de son royaume macabre. Ils étaient plus nombreux qu’on le pense à se faire surprendre, les fesses à l’air en plein coït sur la pierre froide d’un inconnu. Aux regards en fuite de la journée, se rajoutait la honte au plus grand plaisir de la donzelle.

    Son royaume était vaste et elle ne pouvait pas surveiller la tranquillité de ses clients partout à la fois. Un sourire espiègle s’installa sur le minois de l’Azraël. Elle leur laissait le temps de se lancer pour leur faire peur au pire moment… Cependant au bout de quelques minutes, les gémissements ne se faisaient toujours pas entendre. C’était d’habitude à cela qu’elle se repérait pour faire son entrée au moment le plus inopportun. Mais là, rien. Prenant sa pelle et sa surprise à bras le corps, la mitaine s’en retourna vers les devants de son cimetière pour voir ce qui justifiait se silence. Et c’est là qu’elle le découvrit. Lui. Les yeux fixés sur l’une des tombes. Jusqu’à ce que son pas fasse craquer une branche. Croque repérée n’a plus qu’à s’annoncer ! Et ce n’est pas sans lâcher un imperceptible soupir qu’elle remonte le chemin qui mène à son observateur. S’arrêtant debout face à la tombe, elle resta quelques secondes silencieuse à lire l’inscription… Une femme. Une fiancé ou une épouse morte en couche sans doute.


    Je suis l’Azraël… Toutes mes condoléances.

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Judas
Me laisse pas, Marie
Entouré de cadavres
Enterré d'horizons
Qui ressemblent à des murs, elle est où l'aventure ?
Dis pas qu'c'est fini, Marie
Qu’on a plus rien à s'dire
Que c'est tant pis
Qu'y a plus rien à écrire
Qu’y a plus rien à s'aimer*


Ce n'est pas qu'il affectionnait particulièrement les cimetières ni qu'il ne cherchait à assouvir quelques fantasmes funestes... Judas avait pénétré dans le camp de la mort de nuit, le pas lourd et la tête pleine d'amertume. Comme si s'y rendre dans l'obscurité du soir le protégeait du regard de celui qui l'avait entendu jurer qu'il ne reviendrai plus. Mais le Très Haut sait tout. C'est presque courbé de fatigue morale qu'il met un genoux à terre devant la tombe de Marie, mi honteux mi soulagé d'avoir manqué à sa parole. Les doigts se déploient sur la stelle marmoréenne et de la racine des remords s'élève un arbre dont les fruits délicats ont chu, recouvrant le monument de pierre d'une courtepointe naturelle. Les sobres perles de bois d'un chapelet se sont entremêlées aux gemmes orgueilleuses de sa senestre qu'il referme en poing rageur sur la gravure de granit, le silence des morts n'apaise pas toujours.

Le recueillement fut de courte durée, voilà que le seigneur lui amenait présence prompte à le perturber. Un léger froissement de feuilles, Judas leva la tête vers son visiteur nocturne, l'oeil maussade et embué de reproches. Une femme, droite et sombrement vêtue. Le seigneur ne perçut pas réellement son visage, juste le drapé leste de sa robe de nuit, et ce n'était pas plus mal compte tenu des traits qui auraient tôt fait de le détourner du but premier de sa venue. Un reniflement orgueilleux fait ravaler au Von Frayner ses états d'âmes, avant que peut-être c'lui qui épie là haut s'en contente, avant que l'intruse n'en fasse des conclusions hâtives.

T'es trop jolie, Marie
Bien plus jolie que Paris, Marie
Bien plus belle que la nuit
Puis t'es si bonne, Marie
Avec tes seins qui pointent
Comme les cathédrales, on dirait Notre-Dame
Allez salut Marie
Allez salut Marie
Me dit pas qu'j'suis fini
Que j'suis là comme un con à parler aux statues
Auxquelles j'ai jamais cru*


Les cheveux longs de l'homme se meuvent fébrilement, jouets de la brise. Il se redresse, se détourne de l'objet de sa visite avec lenteur et déploie sa hauteur qui prédomine largement celle de la visiteuse. Azraël. En voilà une aussi mal nommée que lui. Il incline un peu la tête, se gardant bien d'asséner un quelconque baise main qui ne serait de circonstances. La raideur de cette dernière la laissait presque se confondre avec les silhouettes figées des madones pétrifiées.


Merci. Judas Gabryel Von Frayner. Je ne m'attarde pas...


Et l'oeil noir de parler pour lui, pour dire a voix muette... J'venais juste prendre ma came, juste avant que tu t'avances, j'venais perdre connaissance on en fera pas un drame. Non c'est pas ma femme même si t'en as cure, c'est pas non plus ma meyre, juste un péché un peu vieux, une erreur d'ma nature.

*D.Saez
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Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles...
Azrael.


    La pelle de la fossoyeuse retourne brutalement à la terre. Quelque chose ne va pas. Les jades de la professionnelle ne sont pas satisfaits. Les sourcils sombres se froncent de mécontentement. Elle n’aime pas être prise en défaut. L’ange de la mort, dans son orgueil, se veut parfaite. Irréprochable. Divine même… Et là, elle en est loin. La pierre se trouve maculée, recouverte d’une compote hivernale du plus mauvais effet. C'est insupportable...

    Visiteurs ou pas, la glacée soigne ses patients de l’autre monde et les pierres qui les hébergent. C’est une habitude, un certain sens du devoir. La main d’albâtre s’enfonce alors dans les replis de sa robe, snobant le visiteur qui vient troubler son office. Les morts d’abord, les vivants plus tard. L’Azraël ne fait pas dans le sentiment même avec les endeuillés. Surtout que celui-là, n’a pas l’air très mal en point. Il ne pleure même pas. Chiffon trouvé! D’un geste expert, la Croque se plie en deux sur la sépulture pour chasser les salissures d’un coup de poignet. Elle ne tient pas compte de la présence du spectateur. Il est ici chez elle, Mitaine fait ce qu’elle veut.

    Se redressant aux côtés de l’homme, la brune contemple son œuvre.


    Mieux.

    L’affirmation de la voix éraillée ne laisse pas place aux doutes.
    A ses côtés l’homme se présente. Il ne s’attarde pas…


    Vous pouvez rester.

    Les rétines lumineuses se lève sur la silhouette du visiteur et le regarde sans aucune précautions. Le Von Frayner porte quelque chose en lui qui n’est pas commun aux autres vivants venant ici. Elle ne serait vous dire quoi l’Azraël. Un sentiment étrange… Sa paume retrouvant la manche usée de sa pelle, l’ange le regarde une dernière fois. Sur la tombe, on lit désormais le nom de Marie. Elle n’aime pas ce prénom, c’est trop chaste et lumineux pour elle, une Marie. C’est un nom de vierge farouche. C’est un nom de fille qui pense aux autres… Ce n’est pas elle.

    Je vous laisse...
    Vous avez sans doute des choses à vous dire tous les deux.
    Je suis dans la cabane si besoin…


    ...Mais ne me fais pas trop chier, compris? La glaciale ne creuse pas en publique. C’est comme ça. Et le vioc mort peut bien attendre quelques heures de toute manière. C'est l'avantage avec les cadavres, c'est une clientèle qui ne se plains jamais. Sa pelle sur l’épaule, la môme se dirige donc vers son antre de bois et d’ardoise. Il fait froid. Elle sera mieux au chaud avec une gnôle pour attendre.

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Judas
Une fossoyeuse. Et maniaque en sus. Judas hausse légèrement les épaules et se remet à contempler les gravures, rejoignant en pensées l'image fraternelle. La mort tragique de Marie avait eu un impact définitif sur la vie du Von Frayner, éloignement de Théo, approche de ses relations avec les femmes flouée, repli sur soi. Trop brutale l'image du cadavre souillé de Marie, trop facile de tenir pour responsable le monde entier. Chaque pas fait en faveur d'un souvenir de l'âge d'or était douloureux, aussi avait-il juré de déserter les lieux trop chargés de ce passé révolu. Pour avancer il faut parfois s'alléger du poids des drames...

Putain partons damnés en lambeaux de souvenirs
Qui flottent, tristes drapeaux, au ciel de mon empire
Et qui sans toi n'est plus que cendre

Qu'avait-il à dire à l'âme soeur? Rien, c'était absurde. Il gardait en tête le meilleur de leur tendron, les initiations qu'elle s'était appliquée à expérimenter sur lui et toutes ces choses qui avaient fait de lui un homme. Il éludait la jalousie dévorante et le gout de la vengeance qui avait conduit l'amante six pieds sous terre. Quelques lambeaux de souvenirs qui flottent, tristes drapeaux, au ciel de son empire.

Le froid commença à engourdir ses jambes, trop raides de rester plantées là. La silhouette masculine se met en mouvement, il est temps de partir avant que l'Azrael ne le chasse, car il est certain qu'avec cette implacable détermination elle est de celle qui n'aurait aucun scrupule à le faire. Une dernière requête à formuler avant de s'en retourner, Judas fait un détour par l'antre Azraelienne, hasardant à voix basse par un carreau:


J'aimerai faire retirer la tombe de Marie Von Frayner.


voilà quinze ans que son ainée était passée à trépas, Judas avait de plus en plus de mal à ne pas se laisser hanter par son spectre délétère. Comme pour toutes les décisions du seigneur, il était question de la plus radicale. L'absence de monument stopperai les pèlerinages épisodiques, puis le retour de Théo aurait plus de chance d'aboutir à un renouement sans que l'objet du tourment ne soit a portée de main.

Regard circulaire sur le champs de mort baigné de sombre... Puisqu'ici plus rien ne veut rien dire quelle prétention avons-nous de nous dire que nous valons quelque chose ?

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Azrael.



    L'alcool emplissait peu à peu le verre de la demoiselle lorsqu'un poing agressif vint frapper aux carreaux de sa tranquillité. L'homme était là scrutant son antre. Cette bulle intime ou personne n'avait le droit de siéger. Mais l'homme était là en train de lire son «chez elle» de fortune. Rien n'était pas fabuleux dans la maisonnette de la jeune femme une seule pièce, un matelas de paille faisant office de lit et de canapé, une table nue ou trônait une chandelle, un cheminée et des étagères de livres poussiéreux souvenir antique d'une vie ou elle était une femme du monde.

    Passez l'agacement provoqué par l'intrus, la croque se rappela qu'elle lui avait elle-même dit de passer en cas de besoin. Ce n'était qu'une formule de politesse, elle n'avait absolument pas pensé qu'il la prendrait aux mots. Admettant intérieurement son erreur la brune se lève et lui ouvre la petite porte de sa tanière.


    Entrez !

    La voix ne transmet aucune émotion. Il fait juste froid, il faut qu'il rentre. Vu le prix du bois, on ne va pas chauffer avec la porte ouverte non plus! Tirant sur son unique chaise qui se dépaille allègrement. L'Azraël lui sert un verre de sa gnôle sans un mot.

    Sans doute qu'un sire de votre sorte mérite plus mais je n'ai que ça.
    Pour la tombe c’est 200 écus. A ce prix-là, feue votre épouse sera parfaitement traité.


    Pour les clients normaux c'était 50 pièces, mais pour lui une marge confortable s'imposait. Vu le cout de ses vêtements et la finesse de sa peau, l'homme avait très certainement les moyens. Et l'ange n'avait aucun scrupule à prendre un peu plus à ceux qui avaient trop. S'installant en tailleur sur sa couche de paille, la glacée regarde son ténébreux invité, son verre d'alcool à la main. D'habitude le genre humain ne l'intéressait guère, mais celui-là attisait sa curiosité. Et sous couverte de professionnalisme la brune ne put s'empêcher de mener l'enquête.

    Ou dois-je emporter la défunte ?

    Le corps, le cadavre, le macchabé, ou du moins ce qu'il doit en rester.
    Bien que peu usé, la pierre était là depuis plusieurs années avant
    qu'elle ne prenne son service dans ce royaume de pierre et de silence.


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Judas
Il ne comptait pas rentrer. Mais pris de court, il passa la porte, découvrant l'intérieur spartiate de la Croque. Décor sommaire, aussi froid que sa propriétaire, un feu réhaussant à peine le tout. L'impression était étrange, tel les castels aux courants d'airs glacés et aux pierrailles abruptes mais... En plus petit. En condensé. Ramené au strict nécessaire. Pas de meubles superflus, pas de tapisseries brodées, et pas de cheminée grande comme trois homme. En somme, être fossoyeuse devait pas rapporter des masses.

Merci...

Il prit la coupe de gnôle, restant debout et droit dans ses bottes, ne pouvant s'empêcher de scruter son environnement d'un oeil attentif. C'est qu'il en apprendrait plus sur sa voisine en observant son chez-elle qu'en l'écoutant. La femme semblait être aussi bavarde que lui... L'alcool échauffa sa gorge, puis son ventre, il se sentit mieux après avoir asséché le fond du récipient. Se tournant un peu vers elle, il ne put résister au besoin de la corriger.


Ma soeur. C'était ma Soeur ainée.


Et son amante aussi, mais ce genre de chose ne se confie pas comme cela. Voir pas tout court. Il lui tendit la coupe vide, n'osant la poser quelque part, comme si toucher ses affaires était interdit, ou malvenu. A la lueur plus franche des flammes il prit enfin le temps de la détailler. Elle avait des défauts, de ce genre qui embellit, plutôt menue, son tempérament de fer se lisait dans ses yeux. Des yeux vides.


Bien, 200 écus. Je vous porterai cela demain.

Même lieu , même heure... Croque ne semble pas avoir plus de choses à faire, hors le cimetière. Elle était de ces personnes qu'on ne voit pas vivre hors de leur élément quotidien, comme des pierres qui ne rentraient dans aucun autre creux au grand mur de la vie. Azrael, solitaire...

La dernière question le pris au dépourvu.


Je pensais... Je n'en sais rien. Je pensais que c'était vous qui vous en occuperiez, je paye pour tout faire disparaitre...

Et pour ne rien savoir. Effacer le tourment n'avait pas de prix. De Marie, que devait-il rester? Un peu de poussière... Beaucoup de malheur.
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Azrael.



    Sa sœur… Un sourire amusé étire, presque malgré elle, ses lèvres pâles. Un homme qui veut faire disparaitre la tombe de sa sœur c’est bien plus intéressant qu'un veuf qui veut récupérer les cendres d’une moitié morte en couche. Le visiteur en devenait presque intéressant. L’ange commençait à se demander quelle histoire de famille pouvait se cacher derrière pour que le Judas veuille enterrer l’aînée. Sans doute un truc pas très correct, ce qui explique aussi l’heure tardive. La nuit étouffe la culpabilité. Finalement les visiteurs de l’obscurité étaient peut être les pires. Pas ceux qui finissaient cul nu sur le marbre, non, les vrais visiteurs qui fixait la pierre froide d’un œil glacé. Ceux qui dans le silence du sommeil des autres venaient confier leur pensées les plus secrètes aux spectres de leur passé.

    Toujours assise sur sa couche de paille, la croque se saisit du verre vide qu’il lui tend. Sa peau est froide, désagréable. Les deux émeraudes se portent sur l’étain ouvragé. Sans doute, qu’une bonne hôte aurait dû le resservir avec un sourire flatteur. Mais pas l’Azraël… Pas le Judas, non plus. S’il avait voulu que cela s’éternise, il aurait pris la chaise qu’elle lui avait laissée. Elle ne le jette pas dehors non plus. Rare sont les vivants à l’intriguer pour autre chose que leur argent. Ce truc qu’elle n’explique pas, pèse toujours dans l’atmosphère… Etrange mystère qui enveloppe ce beau seigneur trônant fièrement dans son salon (qui fait aussi office de tout le reste).

    A l’énoncé du prix, l’homme ne tique pas. Le brun ne tente même pas de négocier. Il acquiesce et promet de revenir demain. Demain… La croque approuve, après tout pour 200 écus, elle veut bien faire un effort et être présente. Et de toute façon, elle n’a rien d’autre à faire, la corbeau n’ayant aucune vie sociale en dehors des quatre murs de son royaume. Il ne servait à rien de faire semblant. A sa dernière question, l’homme afficha une légère pointe d’affolement, ou d’étonnement. Elle ne savait pas trop. Lorsqu’il lui avait demandé de retirer la tombe de sa sœur, elle et ses préjugées avaient tout de suite pensé que c’était pour l’inhumé de nouveau. Dans un jardin mignonnet et écœurant à souhait. Un truc de noble que la pragmatique avait du mal à comprendre. Pour elle quand on est mort, on est mort. Elle n’avait jamais vu une âme venir dire merci quand on fleurissait sa tombe… Mais passons. Un truc de noble et de vivant tout ça, et Mitaine n’était ni l’un, et pas trop l’autre.

    L’homme lui explique que le jardin mignonnet ce n’est pas son truc à lui non plus.
    La bouche de Croque s’arrondit un instant, sous le coup de la surprise.
    Le Mystère Von Frayner s'épaississait encore…


    Je vois je n’avais pas compris cela. Elle disparaîtra dans ce cas.
    Vous pouvez compter sur moi...


    Et l’esprit bassement calculateur de la demoiselle se demande si le cercueil sera en assez bonne état pour être revendu à une famille bourgeoise qui veut faire comme les nobles en mettant les morts en boite. Son visiteur ayant l’air fortuné, l’Azraël ne doute pas que le bois sera de bonne facture, et si son prédécesseur a bien fait son travail, elle devrait pouvoir agrandir la marge de ses bénéfices déjà plus que confortable.



      [Lendemain, même heure, même endroit.]


    C’est le visage voilé par la contrariété que l’Azraël attendait le grand brun dans son antre. Dans sa tenue, un certain soin avait été apporté. Par orgueil plus que par coquetterie. 200 écus, ça méritent bien un effort. Elle n’avait pas non plus exagéré, ou changé de vêture exprès pour lui. Faut pas pousser non plus. Mais contrairement à l’ordinaire, la brune avait pris le temps de choisir sa robe. Noire en dentelle, comme les autres mais différente. En meilleure état surtout. Un vague relent de sa vie passé l’avait saisi en se voyant faire. Il fut un temps ou la môme savait se pomponner… Habitude perdue.

    Mais la mauvaise humeur qui se lisait sur son minois ne venait pas de sa tenue, mais de l’entaille profonde qu’une ronce venait de laisser dans sa chair. Pestant comme un charretier, Mitaine, s’appliquait a éponger le flot de sang sombre qui emplissait sa paume avec un chiffon dégoutant. Le premier qui lui était venu sous la main. L’Azraël, n’était pas douillette, aucune fossoyeuse ne pouvait se permettre de l’être, mais elle n’avait pas pour habitude de se blesser. Et encore moins de se soigner. C'est les dents serrées qu’elle entendit de nouveau le grincement du portail.

    Il était là.

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Judas
Il l'avait quittée avec l'impression désagréable d'être observé. Comme si tous ses pas rapportaient à la maitresse du cimetière des secrets qu'il voulait garder pour lui. C'était son regard, dérageant, qu'il trouvait inquisiteur et muet à la fois. Oui, c'était certainement une histoire de regard. Il le sentit couler dans son dos, comme un vilain frisson qui s'invite... Le portail avait été poussé avec empressement.

Lorsqu'il fut de nouveau sollicité le lendemain, Judas avait repris au cours de sa courte nuit tout le détachement dont il usait souvent pour ne pas avoir à faire plus de confidences amenant naturellement des questionnements. L'Azrael avait cette désagréable façon de jauger sa personne, comme pour regarder au travers. La noblesse orgueilleuse du VF ne le permettrait plus. C'est couard un homme...

Parfois.

Il la trouva vivotant dans son dédale de pierres, là, tenant compagnie à quelques statues au visage de pleureuses. Parmi son monde en noir et gris, le carmin de la blessure détonnait ostensiblement. C'est que le chiffon imbibé ne dissimulait plus le désastre, Judas vint à sa rencontre avec l'idée saugrenue que s'il n'avait pas eut l'occasion d'assister à l'ouverture d'une plaie béante en sanguignolente, il aurait composé avecl'idée qu'elle ne soit pas du même genre que le commun des mortels. Les légendes avaient la vie dure, on ne voyait jamais d'un bon oeil les âmes du charnier oeuvrant parmi les morts...Réputation oblige, pour un peu, il en avait presque été inquiété... Mais la main blessée remettait les choses à leur place. Fi des contes de vieilles sorceresses, le seigneur salua d'un baise-main-exsangue l'Azrael.


Voyons si la chair sait aussi s'émouvoir.

Le bon soir. J'ai ce que je vous dois.


Quelques écus sonnants, et beaucoup de manières intimidantes. Ramenons les rôles à leur juste place.
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Azrael.



    Il était là donc.

    Mais pas comme la veille. Le trouble et l’étrange lueur qui animaient ses yeux hier avaient disparu pour laisser place à une certaine assurance qui ne plaisait guère à la jeune femme. Le Judas semblait vouloir reprendre la place de seigneur qui lui revenait. D’homme aussi. Les femmes ne sont rien dans son monde se dit-elle. Déstabilisée, Croque fixait des yeux cet homme Tupperware qui se voulait hermétique à toute émotions. Elle avait beau ne pas apprécier les pleurnichards et les effusions théâtrale, Mitaine n’aimait pas plus les gens qu’elle ne pouvait cerner. Alors qu’il s’avançait la fossoyeuse détaillait sa démarche. Le mâle était là.

    Enfin à sa hauteur, mais une bonne tête plus haut, l’homme se saisit avec douceur mais fermeté de sa main d’albâtre. L’Azraël ne s’y attendait pas et le bras se raidit aussitôt, cherchant à fuir l’espace d’une seconde avant que l’esprit ne le raisonne. Elle s’attendait presque - à l’image d’une bête craintive - à ce qu’il lui en colle une. L’animal n’a pas l’habitude de la tendresse et des bonnes manières. Encore moins du souffle chaud d’une bouche masculine sur le dos de sa main. Elle se sent con de son manque de souplesse, de ce reflexe stupide d’auto-défense. Mitaine venait d’en dire beaucoup sur elle et sa peur des hommes. La brune ne s’était pas laisser toucher depuis bien longtemps, personne n’avait essayé d’ailleurs. Du coup, elle se sentait nue, mais ne perdait pas pied. Faisant fi de sa réaction, le VF la salua et l’informa que ça paye vient d’arriver.


    Bien… Vous tombez mal…

    Le ton etait sec. Elle lèva sa paume, pour lui signifier de quoi elle parlait.

    Suivez-moi. Je dois m’occuper de ça.
    Puis vous devez signer le registre pour la destruction de la tombe.
    C’est important.


    Les saignements ne s’arrêtaient pas, l’Azraël commencait à se tendre. Le regard noir de la glacé se posa une dernière fois sur les ronces. Les épines saillantes et le végétal tout entier lui payeraient cet affront. Demain. Ce soir elle avait des affaires à conclure. Poussant, une nouvelle fois la porte de sa tanière, la glaciale invita l’homme à rentrer dans l’unique pièce. Tenant la porte de la pointe du pied, elle lui désigna la même chaise que la veille, en espérant que cette fois il y prenne place. Elle n’aimait pas les gens debout. Surtout les grands. L’infériorité ce n’était pas son truc.

    Elle lui aurait bien dit de faire comme chez lui, mais vu qu’il avait tendance à prendre la politesse aux mots, elle s’abstient. L’oubliant un peu, lui et sa fortune, la fossoyeuse ouvrit une commode pour en sortir un chiffon à peine plus propre que le second et une bouteille d’alcool. Les verres, eux, étaient déjà sur la petite table au cas où. L’oiseau était prévoyante. D’un croc aiguisé, le chiffon se transforma rapidement en bandelettes qui s’imbibèrent d’alcool. Mitaine était maladroite et peinait un peu à se soigner. Mais malheureusement pour elle, la fierté était là. Petite voix stupide au fond de son crâne. Elle préférerait perdre sa main que de demander de l’aide.

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Judas
Tomber mal, oui, il le faisait souvent. Lorsque ses gestes inspirent la crainte, lorsqu'il sent les mains des autres trembler un peu le VF ne peut retenir une jubilation perverse qui s'étire en vagues folles dans son esprit tordu. Elle est rétive la Mitaine, c'est tout ce qui éveille le désir de la secouer un peu. On observera son besoin d'aller à contresens des sentiments d'autrui... Choquer les plus fragiles, ébranler les plus frêles. Plaisir personnel. Un murmure suave à l'oreille chaste, un geste caressant à la peau échaudée, une réplique gorgée de sous entendus à l'esprit étriqué. Judas quoi...

Cette main qui se retire, c'est simplement délicieux.

Il la suit sans mot dire, tentant de deviner à quoi pouvait ressembler le cuir de sa croupe. Les jupons sont de terribles ennemis de l'imaginaire masculin... Il imagina ses mains les froisser, son nez les fourrager et leur odeur de fripes trop portées.

Leurs pas les menèrent à l'éclaircie de l'antre menue où il entra comme diable en sa demeure et n'attendit pas qu'on le lui mande pour prendre place. Sans trop détacher ses yeux d'elle et de ses idées grivoises, il l'observa se dépatouiller avec ses bandelettes suspectes, amusé de la voir se retrancher plus encore dans ses murs de principes. Il joua de ses doigts sur les verres posés là, murmurant vaguement.

La destruction de la tombe, une fois les papelards fait sera faite promptement?

Et proprement? Il tenta de ne pas penser à ce qui se trouver dans ladite tombe, comme pour parler avec détachement de quelque chose qu'on tente de sortir de sa vie. Concentrant son intérêt sur les faits et gestes de l'étrange maitresse du cimetière il repoussa le contenant sec. Se relevant avec résignation, presque agacé de la voir se buter de trop il la rejoignit de nouveau et dégagea les tissus souillés. Ironiquement il marmonna un:

Vous allez attraper la mort avec ça. Laissez-moi faire.

Laissez-vous faire. Sans lui laisser le choix de quoi que ce soit, Judas avait dénoué le noeud de soie qui nouait ses cheveux en catogan et avait rattrapé la fuyarde pour cette fois ne pas la lâcher. L'étoffe douce et propre s'enroula savamment au creux de la paume.

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Azrael.


    Le regard de son invité pèse lourd sur son poignet alors que la fossoyeuse peine à panser sa plaie, mais la sombre demoiselle serre des dents et reste muette. Concentrée sur ses fichues morceaux de tissus qui ne veulent pas se faire docile. Qui ne souhaitent surtout pas l’aider à sauver les apparences face à son invité. Alors qu’elle réprime un grognement, la voix grave du Von Frayner retentit et résonne entre les quatre murs de sa maisonnette. Le décor aurait pu en trembler de surprise par manque d’habitude. Mitaine s’aime entourée de ce silence funeste alors une voix d’homme ça a de quoi surprendre. L’homme semble pressé de voir cette mystérieuse tombe détruite… Il y a des personnes qui même mortes vous gêne encore. Dans le grand monde on les appelle « les fantômes du passé », la Croque les appelait «erreur».

    3 ou 4 jours au plus, sire…
    J’ai les outils mais pas la force… La pierre est trop lourde pour moi.
    Je suis obligée de faire appel à un collègue du village voisin pour la soulever.


    N’est pas Goliath qui veut. N’est pas Goliath, l’Azraël. Et malgré sa forteresse, elle n’a pas honte d’avouer cette faiblesse-là. Les mirettes fixées sur le maudit nœud qu’elle tente de faire au creux de sa paume, la Glacée voit apparaitre dans son champ de vision de chausses, des jambes, un buste, puis un visage. L’étrange lui fait face. Ses cheveux détachés encadrent son visage si proche et si loin. Elle le sent irrité par son comportement quand sa main se saisit de la sienne. Le même soubresaut ramingue secoue de nouveau son bras mais l’homme tient bon et la maintien avec force et douceur cette fois ci. Besoin masculin, instinct protecteur ? Elle doute qu’il soit de ce genre là …

    - "Vous allez attraper la mort avec ça. Laissez-moi faire."


    L’idée n’est pas si mauvaise pour une fossoyeuse. Attraper la mort.
    En général je n’ai guère besoin de lui courir après.
    Les familles me l’amènent sur un plateau.


    Elle aurait pu dire merci. Mais à la reconnaissance, elle préfère l’humour. Et un sourire nait sur la bouche minuscule de l’ange. Alors qu’il s’occupe de sa paume avec une certaine délicatesse, la Mitaine le regarde. Le contemple. L’admire. Il est de ses hommes que le mystère rend attirant. Que la richesse rend désirable. Que le charisme rend magnétique. Il lui rappelle son passé mais cela, elle ne l'avouera jamais.

    Merci Judas.

    N’allez pas croire que l’Azraël devienne sociable ou amicale. Non. Mais bon, elle l’arnaque de 150 écus et en plus, il la soigne. Elle ne devient pas sociable ou amicale elle devient coupable, c'est tout. La glacée n'aime guère cela. Et ce prénom, sorti tout seul, malgré elle. Ça l'horripile.

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Judas
Tant de jours !?

Il n'a pas su la retenir, celle-ci. Ce doit être l'habitude de tout obtenir tout de suite, surtout lorsqu'il allonge l'écu... Mais l'idée que l'Azrael ne puisse pas faire la sale besogne seule est logique, et soudain judas se pare d'un masque de déception. Attendre... Bien qu'il ne soit plus à un jour près, l'idée de ne pas être exaucé le soir même le contrarie.

Même le "merci Judas" passe à la trappe, avalé par la perspective d'une tombe béante et mal fermée, dormant des jours à l'air du cimetière. Il maugréa dans sa barbe inexistante, pris au dépourvu.


Allons, pour deux cent écus de plus vous pourrez bien faire courir ce voisin... Dites-moi qu'elle disparaitra demain.

Sans appel, Judas ne lâchera rien. Il termine le bandage en silence, sourcils froncés sur la menotte de la Mitaine. L'index rejoint de pouce, pinçant avec douceur le menton de l'Azrael qui remonte vers le visage du seigneur.

Regarde-moi... Dis moi que tu vas panser ma plaie à ton tour.

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Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles...
Azrael.


    Dans l’antre ridicule de la Croque les deux silhouettes se font face. L’une est grande et puissante, l’autre délicate et fragile. C’est deux-là, ne sont vraiment pas fait du même bois et pourtant ils se ressemblent dans le fond. A l’exclamation qui s’envole, la sombre s’hérisse un peu. Un frisson d'agacement remonte son échine. Le délai, à ses yeux d’ouvrière, semblait raisonnable. Correct surtout. Dans l’état ou doit se trouver le corps, trois jours de plus ne changeront rien…

    Et ça l’ennui de devoir faire sa capricieuse au cimetière voisin parce qu’un riche seigneur semble avoir des problèmes avec sa conscience. Les iris émeraudes fixent les mains masculines qui prennent soin de sa paume pendant que son esprit cherche la bonne attitude à adopter. Sa première pensée fut de le renvoyer paître. Reflexe stupide aux vues de sa condition. Le seigneur a les pleins pouvoirs sur elle, Mitaine le sait parfaitement. Il fut un temps, elle aurait sans doute pu lui tenir tête. Lui dire non. Le repousser d'un sourire narquois ou d'un haussement d'épaule. Il aurait patienté. Mais désormais elle se savait bien inférieur à lui et l’acceptait comme elle pouvait. Sa seconde réflexion fut de lui proposer de le faire lui même. Mais l'évocation des 200 écus supplémentaires coupèrent vite court à ses idées saugrenues.Rien ne sert de l’énerver, il était riche. Elle serait docile…

    Mais la pince du Von Frayner vient alors emprisonner doucement son menton et la forcer a plonger son regard dans le sien. Les prunelles de l’ange se font assassines. Si elle fuit le genre humain c’est bien pour ne rien devoir à personne. Pour être une insoumise. Pour être son seul maître. Chose impossible dans cette société pourri au final. La seul vrai liberté c'est l'argent qui vous l'apporte. Les hommes, les âmes. Tout s’achète. Et le geste masculin la renvoie à ce qu’elle déteste le plus. Etre possédée… Lubie d’homme riche qu'elle exècre. Les égos masculins se flattent vite de leur emprise sur le sexe faible. Fichue monde.

    Mais bien qu’elle se répugne, l’Azarël n’a pas le choix. Sa main nue se porte à son menton. Les doigts à la peau claire recouvrent la dextre du nobliot sans pour autant s'en défaire. Elle ne veut pas le froisser. Juste signifié doucement qu’elle n’est pas à lui. On ne possède pas la Croque si facilement. Du moins c’est ce qu’elle aime à se dire.


    Soit… Demain.

    Le ton est sec. La voix est froide.

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Judas
Satisfait, l'ego repu, Judas hoche légèrement la tête d'un air entendu en scrutant les iris de celle de laquelle il relâchait son joug. Le regard qui soutient le sien n'est pas vide, il prend soin de ne pas trop y chercher de choses, l'échange n'est pas envisageable. Reprenant sa posture vaguement rigide, il clos la fausse négociation d'un:

Bien.

L'aumonière est déposée sur la petite table de fortune, mine de rien Judas y a versé plus d'argent que promis. Il ne faut pas croire à un élan de générosité, lorsqu'on fait des affaires avec le Von Frayner, on peut être certain de donner de sa personne bien plus que ce qui était initialement conclu. Mais ça, la gardienne de la mort s'en rendrait bien vite compte.

Les femmes sont de bien cruelles compagnes, elles marquent votre vie, votre lit, puis en sortent sans demander la permission. Un beau jour, on se retrouve à leur porter quelques chrysanthèmes, en sacerdoce, comme si elles le méritaient.

Mais qu'en sais-tu, toi?

Il l'abandonne, comme si leur proximité n'avait jamais engendré une certaine familiarité, comme s'il n'avait plus rien à prendre après avoir dejà tout obtenu. Judas ne sourit pas, il s'éloigne comme on déserterait le lit après l'amour, partagé entre apaisement et désabusement. Ce qu'il reste à faire ne le concerne plus, et la peine de la Croque ne sera pas la sienne. C'est toute l'ironie de la noblesse, payer la sueur des autres et savourer ses fruits sans jamais se poser plus de questions.

Avant de franchir le seuil, il fait une halte sans pourtant se retourner.

A demain, Azraël, je reviendrais aux complies.

Sur quoi il sort, retrouvant l'air glacé de l'extérieur, sa cape balayant un peu la poussière laissée derrière ses pas. Evanouit dans la nuit, ce soir Judas ira trouver un exutoire qui comme les autres prendra son argent sans se poser plus de questions, et il en fera le réceptacle de toute l'amertume qui l'anime... Pourvu qu'elle soit douce.
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Nous sommes les folles plumes des inspirations sans règles...
L_azrael


    Relâchant son emprise, le geôlier d’un soir murmure quelques mots pour lui-même. Une histoire de chrysanthème qu’elle ne comprend qu'à peine. C’est d’ailleurs pas plus mal car elle n'aurait sans doute pas retenue une réflexion acide sur le fait de rayer les défunts à la manière dont on tue un nuisible d’un revers de main. Mais peu importe, croque reste muette. La bourse est jetée sur la table, c’est bien là tout ce qui lui importe. L'antre menue est alors offerte au vent froid, l’ange se glace le temps d'un courant d'air.

    « A demain, Azraël, je reviendrais aux complies. »

    La bouche s’entrouvre, ronde de surprise. Pourquoi revenir ? A-t-il donc si peur qu’elle ne travaille pas correctement? La confiance n’était pas un trait de caractère courant chez les riches mais tout de même ! Une moue énervée vient déformé le minois féminin. Le Frayner a le don de l’agacer et de lui plaire en même temps. Les nerfs se font pelote. Sa solitude enfin retrouvée, la Glacée plonge ses doigts fragiles dans le cuir de la bourse et comptent méticuleusement chaque pièce. Le trop plein est mis de côté pour être rendu le jour suivant. Ce surplus de piécette d’or lui fait l’effet d’être une ribaude de bas étage, ou un mendiant qui fait pitié. Elle n’aime pas ça. C’est l’insulter. La fierté et l’ego de Mitaine sont des choses délicates qu’il est facile de froisser. Elle est froissée. Comptes finis, écus rangés, courrier envoyé. La reyne des lieux s’arrêtent enfin. La nuit déjà bien avancée finit par l'emportée dans un sommeil sans rêve, la soie du Frayner toujours au creux de sa paume...




      [ Le lendemain. Complies. ]


    Comme la nuit qui venait de s’achevée, le lendemain ne fut pas de tout repos. La matinée servit a déraciné la pierre que l'on allongea sagement sous l’appentis de l’antre. Puis il fallut descendre dans le caveau pour ressortir le cercueil et brulée ce qu’il abritait depuis quelques années déjà.

    L’odeur de la mort envahie alors le village au plus grand plaisir de la Croque. Le fumet des cadavres ne l’avait jamais rebuté, et l’idée d’être désagréable au nez de ses voisins l’enchantait grandement. La seule ombre à ce tableau merveilleux était les vents forts qui disperserait trop vite à son gout la gêne occasionnée. Tant pis, c'était quand même une belle journée.

    Le soir tombait doucement sur son royaume de marbre quand le grincement du portail se fit de nouveau entendre. Agenouillée sur la stèle, l’Azraël s’appliquait à effacer nom et prénom a coup de maillet bien sentie. Alors que la dernière lettre disparaissait, les bruits de pas se rapprochèrent dans son dos.

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