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[RP] Le calme entre les tempêtes...

Cerridween
La Pivoine se tient dans la pénombre mouvante de la cave éclairée par le feu.

Elle regarde droit devant elle, sa proie, enchainée aux bras, à l'affut des bruits qui viennent de troubler le silence qui emplie les grandes voutes.

" J'vous ai ramené la sacoche. C'est... Pour quoi faire ? "

Elle n'avait pas répondu. Il va le découvrir bien assez tôt, le pouvoir de cette besace frappée de son emblème. Un pouvoir dangereux à celui qui le manipule tant il peut le mener comme celui contre qui il s'en sert vers la folie la plus destructrice. Il demande beaucoup ce pouvoir contrairement à ce qu'on pourrait penser. Une maitrise absolue de soi, un rejet de ses sentiments propres, des sens à l'affut de la moindre mouvance chez l'autre, de la moindre corde qui se rompt, du moindre vacillement de pensée. C'est un combat contre l'autre et contre soi même. Un combat d'autant plus âpre qu'elle a juré par mainte fois certaines choses que la proie ne sait pas et qu'il faut encore qu'elle ignore le plus longtemps possible.

Les émeraudes croisent le regard de l'écuyer, où se mêlent l'étonnement et l'incompréhension. La leçon ne s'expliquera pas tout de suite. La Pivoine se retourne vers lui et glisse à son oreille d'une voix qui murmure, fin filet à lui seul destiné.


Ne m'appelle pas par mon nom, ni par ma fonction, pour lui je suis tout autre. Ne parle pas si ce n'est pas hautement nécessaire. Ne souris pas, ne trahis aucune émotion. Regarde bien. Nous parlerons quand ce sera terminé.


Elle se redresse et adresse un regard confiant avant de se retourner vers l'homme toujours aveuglé par le fichu rouge qui se trouve sur ses yeux. Le masque composé pour lui retombe, implacable. Elle avise la table qui trône dans un coin, se met à un bout et fait signe à Adrian de se mettre à l'autre. Elle guide l'écuyer et ils posent la table en face des chaines et de l'enchaîné. A distance assez proche pour qu'il la voit, à distance respectable pour qu'il ne puisse pas la renverser ou l'atteindre avec le pied. La besace y est posée dessus et répercute le bruit métallique qui avait caractérisé son transport. La main de la Maitre d'arme se porte sur le couteau qui pend toujours à sa ceinture. Elle s'approche à pas lent de la créature qui tourne et retourne la tête selon les bruits qui parviennent à ses oreilles. La Pivoine s'arrête devant lui et passe la pointe du poignard sous le tissu rouge. Elle avance la tête pour pouvoir lui dire d'une voix suave et ironique.

J'espère que vous êtes bien installé....


Un coup sec déchire le tissu qui libère les yeux de l'enchaîné. Il se retrouve nez à nez avec les yeux verts plein de haine froide qui le fixe un instant.
Regarde donc un peu la mort dans les yeux... si tu oses. Regarde donc à quoi tu t'es frotté de trop prés, regarde donc ce qu'il en coûte. Au bout de quelques secondes où les yeux verts vrillent le regard globuleux, la Maitre d'arme tourne le dos, et s'en va se mettre derrière la table. Elle attrape la sacoche qui lui répond dans son cliquetis caractéristique et la pose devant elle. En silence, elle défait lentement les deux boucles qui la maintiennent fermée. Le rabat de cuir est soulevé avec lenteur et elle plonge une main dans la gueule de cuir ouverte.


Je crois que vous ne m'avez pas tout dit...


La voix vient frapper, catégorique, les pierres de la cave. Un petit paquet apparaît sur la table de chêne, démailloté avec dextérité, laissant apparaître une fiole opaque. La main se replonge, dans le sac de cuir ouvert.

Il y a d'autres choses que vous savez...

Une petite trousse apparaît sur la table. Un lacet est défait et d'un coup sec, la Pivoine l'ouvre. Cela pourrait être une trousse de chirurgie vue de loin. Cela n'aurait pas été incongrue pour celle qui est également la responsable de l'infirmerie et des soins à Ryes. Elle a un scalpel oui. Elle a aussi des écarteurs. Mais que font donc ces crochets dans cette trousse qui semble médicale ?
Le crochet est pris d'une main experte et brille un instant à la lueur furtive des flammes. Elle ne le regarde pas. Pas un coup d'oeil à son écuyer, qui se tient non loin. Elle ne regarde que le fer recourbé, levé devant ses yeux, l'examinant avec beaucoup d'attention.


La description de Granjolin ainsi que de la Camarde... et le véritable nom de la Camarde.

Les émeraudes froides se reportent vers la proie pour la vriller de leurs arêtes aiguisées avec soin. La main se baisse lentement pour se mettre le long du corps. Lentement le corps se met en marche vers les chaines sans cesser de fixer.
Prends garde...
Dans la vengeance et en amour, la femme est plus barbare que l'homme.

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--Langue_de_serpent



Il n'est plus seul. Non ELLE est là. La folle. L'ange de la Mort. Némésis...
Partir... Fuir loin d'ici. Mais non. Rien. Il ne peut rien faire. Elle l'a eu. Finement, sans effusion de sang. Une professionnelle. ELLE sait ce qu'elle fait. Ce n'est sûrement pas la première fois. Et pour lui ça doit être la dernière qu'il touche une femme allègrement...
A sa merci, plus rien ne peut l'arrêter maintenant, il est son esclave. Elle peut en finir avec sa misérable vie en un coup, un seul. Ses yeux le démontrent. Ils rendent fou.
Il croyait voir la Mort à travers, il n'y avait rien... Absolument RIEN. Froide comme la neige qui vous brûle si vous vous y attardez trop.
Qui était-elle ? Qu'avait-elle vécu ? Pourquoi ne pouvait-elle pas partir...

Des murmures puis plus rien. Qui est là ? Que lui voulait-on encore ?


J'espère que vous êtes bien installé....


Mais c'est la fin des réflexions. Soudainement il retrouve la vue ; et encore ces yeux... Ce regard hypnotise, le transporte une nouvelle fois dans cette dimension horrible. Qu'elle stoppe, qu'elle s'en aille, qu'elle le laisse seul !!!
Des émeraudes sans vie... La pomme d'Adam répète un mouvement de haut en bas.

Puis enfin elle lui tourne dos. Son souffle reprend un peu plus d'ampleur, son regard se pose sur la salle... Malgré le mal qui habite ses bras il évalue son taux de survie. En dessous de zéro serait une bonne moyenne, respectable, réaliste... Il est fini. Et puis il y a quelqu'un d'autre, qui a l'air aussi perdu que lui quoi que moins apeuré. Surtout surpris. Il n'arrête pas de fixer la table sur laquelle la belle pivoine s'attarde. C'est un gamin... que fait-il là ?


Je crois que vous ne m'avez pas tout dit...

La femme démon reprit parole pour son plus grand désarroi. La paix est loin d'être signée apparemment. Pourtant il ne peut pas dire grand chose de plus... Il lui avait tout dit sur l'affaire, même son propre ressentiment. mais après tout depuis quand croyait-on aux langues de serpent ?
Fichu, foutu langue et réputation.

Puis le regard azur se pose sur la table, un paquet, une fiole... Lui enchainé... Du poison ?!
La peur remonte d'un cran, aussi vicieuse que délicieuse surement pour les yeux de la rousse.


Il y a d'autres choses que vous savez...


Une trousse, puis elle s'étale, dévoilant son contenu à faire pâlir. Des instruments de torture... Elle va le torturer. Bras qui gigotent, faites moi sortir. Non non non je ne veux pas... Pas comme ça. Pas à petit feu. Mais c'est inutile, trop faible, trop bien ficelé, trop bien tombé dans le piège.

Némésis se retourne, ses griffes de fer en mains, les yeux émeraudes fixés à ces "merveilles". Elle s'approche...


La description de Granjolin ainsi que de la Camarde... et le véritable nom de la Camarde.


ARRÊTEZ ARRÊTEZ NOM DE DIEU, JE DIRAIS TOUT, TOUT SUR EUX. NE ME TORTUREZ PAS !!! JE VOUS AI TOUT DIS SUR L'AFFAIRE JE DIRAIS CE QUE JE SAIS SUR LES DEUX. MAIS JE VOUS EN PRIE NE ME FAITES PAS DE MAL NE ME TUEZ PAS...


Le regard fou azur, regard de folie apeurée, prêt à tout pour rester en vie, prêt à vendre cent hommes et femmes s'il le faut. Il ne veut revoir cette femme, ni cet endroit, ni cette ville, ni ce comté, ni ce... Ce royaume. On lui avait pourtant dit du bien du SRING... Pourquoi n'avait-il pas suivi les autres ?!

Mais la belle folle attend, mélange de patience et impatience...Vite, tout dire sur les deux, que risquait-il lui de toute façon ? Cela devrait suffire non ? Eux seraient trop loin pour le retrouver ensuite. Fais ton travail de langue de serpent. Front de cire dégoulinant de sueur, souffle de bœuf, il lui dit tout ce qu'il savait :


Je vous l'est déjà dit, La Camarde est Granjolin. Ernest Granjolin. Comme tout homme de l'ombre nous avons un nom de "code". Il serait trop dangereux de dire son vrai nom. L'autre est son compère Adonis, un bossu hideux mais puissant. Un idiot divin mais doté d'une force jamais vue. Le "boss" c'est Granjolin. C'est à lui que l'on s'adresse, il parle pour Adonis, c'est le cerveau. Mais son intelligence vaut sa beauté. Il n'a plus de nez suite à un "accident", les dents jaunis et noirâtres, le corps squelettique de nature, le visage plat. C'est une bête sans peur ni maître. Un excellent homme de l'ombre à qui j'ai fourni des clients. Le dernier était cet encapuchonné, mais je N'AI RIEN VU DE SON VISAGE, JE LE JURE JE VOUS EN PRIE FAITES MOI SORTIR JE NE VEUX PAS MOURIR, JE FERAIS TOUT CE QUE VOUS VOULEZ, MAIS LAISSEZ MOI LA VIE SAUVE.

Voyez ce dont est capable l'humain pour sa propre protection... Prenez garde à vos amis... Parfois ce sont ceux en qui vous croyez le plus qui vous font les pires des saletés pour leur survie. Soyez-en certain... La vie est sacrée.
Fauconnier
Bande sonore

Sursaut du coeur. Poils qui se hérissent, comme pâquerettes au lever du jour. Pour la première fois de sa vie, une goutte de sueur froide roule, sur une tempe. Message bref, mais clair, de son émoi. Le jeune garçon a les yeux écarquillés. Sa bouche, entrouverte, manque un petit cri de surprise. Ses genoux, plantés droit, tremblent quelque peu, ne permettant pas assurément une bonne stabilité. La main se porte au mur... Poisseux d'humidité. Main retirée. Est-ce du sang ?
Le feu de l'âtre fait danser les ombres, en une danse fantomatique, pareille aux feux de l'enfer. La chaleur fait suer les hommes, et les liquides purs, salive, sang, et... bile, se mêlent confusément. Ciprine ? Sperme ? Peut-être aussi, en une certaine mesure. Pas pour lui. Adrian découvre pour la première fois le corps d'un homme que l'on peut annihiler, pour le plaisir, pour le principe, rien que... pour une information. Il se souviendra toujours de son regard. A elle. De cette dureté de fer, de glace mêlée, qui se trouve au fond de ses yeux. Comme un chapeau ; un couvercle ; une épaisse gangue de froideur sur ses sentiments mêlés et confus, qu'il ne parvient plus à lire en son esprit ; le jeune garçon a peur ; le vicomte qui impose sa loi à plusieurs villages au Sud-Ouest de Limoges, soudain... Tremble. Elle a le regard de la Mort. Celui de celle qui sait ce qu'elle a à faire ; son travail ne lui plait pas ; mais elle doit l'accomplir, et ce, à n'importe quel prix. Ses yeux ne sont qu'un voile, placé sur ses sentiments ; elle se ferme ; elle se coupe ; elle se barricade ; parce que, pour faire ce qu'elle a à faire, il faut une logique froide, implacable, dénuée de logique, dénuée de spiritualité, dénuée de morale ; il faut un but, et être conscient que tous les moyens sont bons pour y parvenir. Elle doit savoir. Elle doit comprendre. Elle ne peut pénétrer son esprit ; alors, elle va le forcer. Lentement. Avec application. Avec soin. Une précision chirurgicale ; une conscience professionnelle ; un instinct de Mort. Thanatos...
Regard, à lui. Une peur si horrible, si prenante, si basse, si immonde, qu'elle n'a plus rien d'humain. Une envie de fuir, de se recroqueviller. Face à la torture, ce n'est plus un homme, qui s'oppose : mais un enfant. Le regard d'un enfant. La posture d'un enfant. La timidité peureuse d'un enfant. L'hésitation maladive. Le regard fuyant. La crainte à peine dissimulée. Le père fouettard de Noël. Le croque-mitaine. L'Ankou. Le monstre sous le lit. L'Angoisse, pure, simple, mortelle, qui dévore tout un chacun. La pire angoisse qui soit : celle de ne plus rien contrôler, mais de savoir que cela sera de toute façon à son détriment. Elle ne doit pas la laisser se fixer. Elle doit ne lui laisser qu'un seul objectif, qu'une seule porte de sortie : Le dire.


- " Ne m'appelle pas par mon nom, ni par ma fonction, pour lui je suis tout autre. Ne parle pas si ce n'est pas hautement nécessaire. Ne souris pas, ne trahis aucune émotion. Regarde bien. Nous parlerons quand ce sera terminé. "

Toujours les yeux exorbités, Adrian acquiesce. Peu à peu, il parvient à reprendre contenance. Pourtant... A quoi s'attendait-il d'autre ? Si tu savais, petit... Si tu savais ce que faisait ton père, dans les souterrains sous Montbarrey, ou même, lieux d'horreurs, à proximité des cachots qui se trouvent près des catacombes de Ryes, faisait. Lieux où l'on enferme toute personne dont on voudrait des informations ; si tu savais l'odeur qui s'en dégageait, voilà près de 30 ans, lorsque ton père avait pris ses fonctions de Prévôt de l'Ordre, Grand Imperceptible, et qu'il agissait dans l'ombre face à la mythique Pieuvre Noire, organisation criminelle si redoutable qu'elle faisait peur dans les tavernes, inquiétait les duchés, et pratiquait les représailles musclées ; si tu savais l'odeur de sang, de bile, de sueur, de bois brûlé, de chair carbonisée, de salive déversée ; le bruit des chairs s'entrouvrant par l'estrapade ; les hurlements de douleur des torturés... Et tout cela pour une bonne cause, par le Chevalier Noir mythique, que l'on disait même manger des enfants, à proximité de Ryes. Simple légende, bien entendu ; mais tellement simple, pour des esprits étroits, face à un homme qui ne recule devant rien.
Si tu savais ce que tu deviendrais. Si tu savais ce que serait ta vie. Peut-être reprendrais-tu tes cliques et tes claques, et repartirais-tu de Ryes aussi vite que tu n'étais venu. Car il n'est que peu enviable, le sort de ces hommes et de ces femmes qui se vouent, corps et âme comprise, à la défense du royaume et des leurs. Sacerdoce pour les uns ; malédiction pour les autres. Si tu savais.

Adrian se reprend. Le Faucon se replace droit dans ses bottes, et, assurant à son Maistre qu'il va bien, la laisse faire. Il tâche de ne pas regarder cette forme hideuse, ce corps d'homme que l'on s'apprête à éclater en plusieurs morceaux. Il attend ; il hantise ; il tâche de se barricader. Il observe le feu ; il observe les hommes ; il observe son Maistre, ce Chevalier qu'il haïssait voilà peu, mais qui lui parait désormais si... Comment dire ?

Humain.

La haine à son égard était muée en respect de ses capacités, en admiration sur certains aspects ; Cerridween de Vergy représentait à bien des égards bien des aspects du véritable Chevalier, dans sa forme la plus pure : le Chevalier Sombre, qui n'a pas peur de perdre son âme pour la défense du Bien. Ce fut ici, alors que Adrian Fauconnier de Riddermark, héritier des légendes de Almaric de Margny, dict le "Gros Condé", Prince du même lieu, et de Hubert Fauconnier, dict "Bralic", que le jeune garçon regarda ainsi son Chevalier réellement pour la première fois. Par-delà les masques mutuels. Par-delà les apparences. Qu'il était petit, son Chevalier. Une petite bonne femme que l'on aurait pu souffler par les premiers zéphyrs. Une coque de noix, sur l'océan de la vie, qui avait essuyé bien des tempêtes. Et qui, toujours vaillante, Santa Maria de l'impossible, poursuivait inlassablement son chemin, sans jamais renoncer ou reculer. Une femme couturée, qui était encore belle, mais d'une beauté adulte, féminine, confirmée, quasiment mystique : celle de la Volonté, qui transcende les pièces et les hommes. Adrian n'entend pas ce qu'il raconte au Chevalier. Il n'observe que cette petite bonne femme qui pourrait être sa mère, avec ses cicatrices, avec tous ses efforts déployés ; son masque d'impénétrabilité, un instant fissuré dans ses yeux quand elle lui avait parlé : il y avait lu de l'appréhension. Cela, il en était sûr. Pas pour elle. Ca, il en était sûr. Mais...

Pour lui.

Il réalise qu'il ne la connait que peu, et cela lui pèse. En manque d'une mère, Adrian, dans la situation extrême à laquelle il est confronté, découvre soudain que son seul rocher dans l'océan, désormais, que sa seule assurance-vie, que son seul passage possible vers la plage, pour éviter la noyade,

C'est elle. Et rien qu'elle.

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Cerridween
Les émeraudes scrutent le visage déformé par la peur.
Proche, dangereusement proche...
Impassible. Dure. Froide.

Elle lit chaque creux, chaque ride, chaque tressaillement de lèvres. Elle sent les effluves nauséabondes qui sortent de la bouche ouverte, qui hurle entre deux respirations entrecoupées, paniquées. Les gouttes de sueurs pointent et roulent le long du visage pâle, presque translucide tant il ne doit pas voir la lumière du jour et être habitué à la vie nocturne. Il transpire, il transpire l'effroi...

Elle suit chaque mouvement de rétine. Les yeux sont braqués sur le crochet qui luit là, dans sa main. Hypnotisé par la courbe métallique et la pointe en acier qui semble déjà vouloir se planter quelque part et faire son office d'extorsion. Elle est presque sûre... sûre qu'il dira tout... elle écoute sans broncher, sans ciller l'exposé affolé et crié à quelques centimètre d'elle.


C'est une bête sans peur ni maître. Un excellent homme de l'ombre à qui j'ai fourni des clients.

Les chaines s'agitent dans une mélodie désordonnée et dramatique. La phrase lancée réveille quelques notes oubliées... Un instant, elle revient, cette lointaine rengaine, cette mélodie d'acier grinçant qui fend l'air et qui déchire tout sur son passage. Il revient le sang, le sang qui colore une neige d'hiver, sur un chemin au loin dans ses souvenirs. Il aurait pu être des leurs. Avec cette tête déformée par le vice, décolorée par les nuits vécues sans connaître le jour. Il aurait pu être des leurs, les avoir renseignés. Il aurait pu les envoyer sur les routes. Il aurait pu les vendre, comme on vend du bétail. Il aurait pu peut être les armer. Il est comme eux. Comme ces cinq qui avaient trancher un pan de sa vie d'un coup de hache. Pour quelle raison elle n'avait jamais vraiment su. Mercenaires, brigands ou marauds. Commandités ou non. Cherchant l'homme ou sa bourse. Cherchant le sang ou les écus. Cherchant à se faire un nom ou prenant l'occasion pour s'appeler larron.

Elle revient la douce mélodie de la vengeance, celle jamais assouvie, logée depuis des années au fond de ses tripes, elle revient la hanter de ses notes perchées dans son inconscient. Celle qu'elle n'a jamais pu mener à bien, puisqu'étaient morts tous ceux qui auraient pu comme celui qu'elle tient là enchainer à cette cave lui donner ce qu'elle cherchait tant. Le pourquoi. Pourquoi. Pourquoi avoir attaquer un lieutenant commandeur. Pourquoi avoir tué cet homme, le seul, l'unique qui comptait dans sa vie. Ce tout, ce frère qui avait rendu son dernier souffle dans un sourire adressé du bout des lèvres. Pourquoi l'avoir amputée du coeur, pourquoi avoir changer sa vie, la passant du rouge au noir en un instant si infime, si insignifiant. Donner un sens à cette perte, un sens. Un sens et une raison pour elle de rester debout. Une raison pour détruire tout ce qui l'avait causé. Faire mal et rendre au centuple ce qu'on lui avait «donné», prendre autant et plus que ce qu'on lui avait ôté, faire mal au diapason du mal qui l'avait rongé. Elle sonne cette mélodie aux accents de folie qui monte, monte pour prendre possession de la Pivoine qui tient son crochet. Les émeraudes se voilent de haine. Savoir. Elle veut savoir. Elle veut savoir plus. Pour ne jamais plus passer de nuits blanches, pour ne jamais avoir de nouvelles questions qui viennent la houspiller comme des harpies, lui rappelant qu'elle aurait pu, qu'elle n'a pas su, qu'elle n'a pas pu... Le crochet se lève et vient souligner de sa pointe la joue de l'enchaîné au regard bleu qui s'est rempli d'horreur. Il descend, il descend, pour venir sur le menton... la poitrine et le ventre sont sous la chemise...

J'ai confiance en toi...

Murmure. Les ambres reviennent la regarder, avatar du jour précédent. Les paupières de la Pivoine se ferment. Que vas-tu faire là Pivoine... trahir ce que tu as juré... le trahir aussi... trahir ta vie... ce n'est pas ta vengeance. C'est la sienne. C'est la vôtre. C'est celle d'un ordre. Tu n'as pas le droit. Et tu sais qu'il ne dira rien de plus. Tu vas leur ressembler, Pivoine, est ce vraiment ce que tu veux... ravale ton haine. Ravale la. Tu auras ton heure, Némésis. Tu l'auras un de ces jours. Tu sais autre chose, il t'a donné de quoi te repaitre. Tu as de quoi chercher. Chercher encore. Quelque chose est resté coincé en travers de ta gorge et tu veux cracher c'est la moindre des chose. Mais tu peux Némésis, continuer cette fois. Car tout n'est pas encore perdu Pivoine, tout n'est pas perdu. De tes mythes d'aurore, il reste une issue. Ici le feu de la vengeance brillera cette fois, et tu peux y croire.

Le crochet s'écarte et la main retombe sur le côté. Elle fixe un instant l'abject créature, viciée de sueur et déjà amplement torturée par cet instinct de survie qu'il vient de vomir avec ses tripes en révélations. Elle tourne le dos, sans un mot et part ranger l'arme du crime qui aurait pu avoir lieu. La besace réingurgite les instruments un par un... la boucle est bouclée avec lenteur et la sangle arrive sur l'épaule. La Pivoine revient près d'Adrian et pose une main dans son dos en le dirigeant sans brutalité vers l'échelle et l'inviter à sortir. Elle le suit à son tour gravissant les échelons vers le monde feutré de l'hôtel endormi.

Son bras passe autour des épaules du jeune homme et elle le guide sans rien dire vers la grande salle où le feu décline. Une main lui indique la chaise qu'il a occupé auparavant pendant que la besace se pose près de la sienne. Elle le laisse s'installer pendant qu'elle s'empare d'un morceau de bois qu'elle pose aux milieux des flammes qui entreprennent de le lécher en ronronnant de plaisir. Le vin glisse ensuite dans les verres abandonnés et elle en laisse un dans la main d'Adrian. C'est seulement lorsqu'elle s'est assise et lorsqu'elle a bu une grande gorgée que la question, presque murmurée pour ne pas réveiller la maisonnée, sonne entre eux.


Qu'as-tu appris ce soir...
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Fauconnier
Tension qui baisse, comme bouteille vide. Rythme cardiaque qui diminue, comme tambour après le concert.

Adrian respire.

Il a été très perturbé par la scène qu'il vient de voir. Remontant de l'espèce de cave nauséabonde et chaude, si chaude, que l'odeur de la peur se mêle à celle de l'homme, il ressasse en esprit les moments qu'il vient de vivre, espérant qu'il n'aura plus à se retrouver devant la même situation. Lourde erreur, petit.

L'assise au bord du feu est peu sûre, le tremblement peu visible mais tout de même. La tension n'est pas encore évacuée, comme sourdant de chaque pore. Le vin est bu vite, sans précautions. Il n'a pas envie de pleurer, mais en est peu loin. Une seule question l'obsède, une seule.


- " Qu'as-tu appris ce soir...

Et la réponse/question fuse, si... candide, si... innocente, si... enfantine, qu'elle en ferait presque mal au coeur. Le visage du Faucon est mélangé entre tristesse et contenance, et seuls ses yeux laissent entrevoir l'état de son mental actuel. Pour une question, si simple. Si tu savais...

- " Com... comment pouvez-vous faire ça ? Comment faites-vous ? "

Question appliquée à bien des choses : comment faites-vous pour torturer ? Comment faites-vous pour vivre avec ça ? Comment faites-vous pour vous regarder dans une glace ? Tant de questions sans sens, mais qui exigent une réponse, malgré tout.

Adrian se resservit un verre, et le but cul-sec, regardant le feu mourant dans l'âtre de l'hostel de Lazare, en pleine nuit tombée sur ce XVe siècle à mi-parcours.

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Cerridween
Les émeraudes détaillent le visage d'Adrian, sur lequel se reflètent les lueurs vacillantes des flammes du feu qui crépite dans l'âtre. Sans dureté cette fois.

Il est touchant ce petit bout d'homme qui vient d'ouvrir les yeux. La question. Elle est là, la question, celle qui se pose inconsciemment sûrement depuis quelques temps. Elle a bien vu son regard quand elle a expliqué un matin l'entretien de sa lame de dague. Elle a bien vu les coups d'oeil d'interrogateurs sur les volumes secrets de sa bibliothèque, l'envie de savoir ce que sont certaines de ses escapades nocturnes, certains de ses courriers dont elle lui refuse la lecture. Elle sait les questions, les chimères qui doivent trotter dans la tête de l'adolescent, qu'elle sait souvent non loin de la porte quand elle parle parle à demi mot avec Enguerrand.

Comment faites vous...

Il croit encore aux contes de fées. Il croit encore aux chevaliers blancs, il croit encore à cette séparation entre le Mal et le Bien, entretenu par les étiquettes, par les titres, par le monde. Il croit à cette Justice immaculée de lumière blanche et douce, comme une sainte, comme une vierge, qui n'est pas touchée par la souillure, par les actes barbares, par le sang. Il croit encore à la Vertu sans tâche, à une vertu céleste, intouchable. Il met les chiens de garde du pouvoir royal, comme on les appelle avec mépris dans le Royaume, sur un piédestal. Chiens de garde... jamais... ils ne sont pas de cette race. Si on regarde bien, ils seraient bien plus des loups. Indépendants, montrant les crocs même aux Grands quand ils se fourvoient même si souvent leurs conseils et leurs invectives restent lettres mortes. Ils sont les ouvriers de l'ombre, ceux qu'on ne voient pas, parce qu'ils ont justement refusé la lumière, la belle lumière qui en apparence est couverte de bonnes intentions et qui parfois sous ses atours d'ivoire porte des habits de souillon . Pourquoi ? Parce qu'ils ont choisi de servir jusqu'au bout de l'âme, même à contre courant, surtout à contre courant. Avec cette fine limite, cette limite si tenue en apparence, mais qui est leur fil d'Ariane. Des valeurs. Des valeurs à respecter même s'ils doivent se perdre eux même. L'honneur de porter un tortil s'acquiert avec des sacrifices.

Comment faites vous...

La question est si simple et si difficile. Comment lui dire à ce petit homme plein d'illusions ce qu'est en vérité la voie de la chevalerie. La vérité crue peut-il l'entendre ? Épreuve du feu, Pivoine. Tu as eu la tienne, il doit avoir la sienne. Elle sait qu'elle vient de le faire chuter dans un monde inconnu, un monde inimaginable. Un monde loin des contes de fées. Il a choisi, Pivoine. Et ce n'est que le chemin que tu as continué à tracer pour qu'il marche en le suivant. Lui faire perdre ses illusions. Parce qu'on est jamais mieux armé que quand on sait. Qu'on peut faire des choix en conséquence. Et aujourd'hui il sait. Il sait sa part d'ombre. Celle qu'elle porte sur ses vêtements. Elle est un chevalier noir. De ceux qui acceptent de perdre leurs âmes, dans un pacte qui ressemble à une corde raide, sur le fil du rasoir, ceux qui touche le mal du doigt pour maintenir le bien.


Parce que j'ai fait un serment...

La voix est douce. La dureté de la cave s'est dissoute dans une nouvelle gorgée de vin. Elle s'approche doucement d'Adrian en tirant le fauteuil de son bras valide, réprimant une grimace quand son flanc lance des décharges de douleur dans son dos et s'assoie près de lui.

Crois tu que j'aurai pu apprendre quoi que ce soit en lui disant... «  Monsieur, je veux savoir qui a tué le chevalier Le Ray, et en vertu de la Justice je vous somme de me le dire ? ». Crois tu vraiment Adrian qu'il m'aurait répondu...

Sourire fin et fatigué qui se dessine sur les lèvres qui se closent un instant pour réfléchir à la suite.

Il fallait que je sache, Fauconnier. Il fallait que je sache. Alors j'ai agi, pour que ma mission soit remplie. Il a des réponses, à moi de lui arracher. Sais-tu là où j'aurai été parjure, là où j'aurai piétiné au sol les valeurs que je sers ?

Les émeraudes regardent un instant la tête de l'écuyer qui semble chercher dans ses pensées affolées une réponse et qui ne peut que secouer la tête pour avouer son ignorance.

Cet homme là est de ceux qui tiennent à leur vie plus qu'à autre chose. Ils ne servent pas d'idéaux, ils ne servent pas de cause. Leur bien le plus précieux est eux-même. Il suffit de leur faire assez peur, de leur promettre de leur ôter la vie pour qu'ils vendent père et mère. J'aurai failli Adrian, si j'avais planté ce crochet dans sa chair. J'en ai eu envie... j'en ai eu une envie irrépressible. Mais il aurait souffert sans justification. J'aurai joué de cruauté gratuite.

Une nouvelle rasade de liquide pourpre vient lentement couler dans la gorge de la maitre d'arme... il va t'être difficile de comprendre... mais tu dois entendre, Fauconnier.

Là est toute la difficulté... la limite, Adrian entre ce que tu peux faire ou ne pas faire est si mince. Si mince. Si glissante également. Tu auras de la haine souvent. Tu auras de la colère... contre ceux que tu combats, contre ceux que tu sers même parfois. La limite, Fauconnier, c'est la Justice crue, la Justice, la vraie. Celle qui tue, celle qui pend, celle qui châtie. Mais parce qu'elle est froide, parce qu'elle est aveugle, qu'elle ne fait que prendre ce qui a été pris, qui ne fait que rendre ce qui a été donné, elle est la vraie justice. Une justice mathématique. Pragmatique. Tu as droit à la colère, tu as droit à la haine, Adrian. Tu ne pourras jamais empêcher ses sentiments de t'emplir le coeur. Par contre, tu as le devoir de les faire taire. Les châtiments ne seront jamais en ton nom... ni en mon nom. Tu ne seras que le bras... tu ne pourras jamais être toi même le Juge.

Et là dans la tête de la Pivoine, revient ironique un des surnoms dont l'affublent les écuyers. Le Bourreau. Petit sourire en coin, qui s'immisce entre le discours et les pensées. S'ils savaient seulement... s'ils savaient comme il peut lui aller comme un gant... les émeraudes restent un instant à détailler le visage où s'accrochent les derniers voiles de l'enfance. La main pose le verre et vient un instant se poser contre la joue de l'écuyer. Il est dur de grandir n'est ce pas... Moment de flottement imperceptible, comme si le temps avait décidé de laisser en suspend un des grains de son sablier... puis la Pivoine exténuée, se lève avec difficulté de son fauteuil et se dirige vers la porte. Une phrase lâchée avec la voix de celle qui est redevenue celle de la Maitre d'arme qui l'instruit tous les jours...

Demain, tu as quartier libre...

Une précision qui trahit peut-être ce qui pourrait être de l'inquiétude avant qu'elle s'éclipse vers sa chambre...

Essaie de dormir...
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