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[RP]Secret d'enfance à l'adulte se révèle...

Charlyelle
Quelque part dans une campagne françoyse isolée.

Ilug la regardait d'un air on ne peut plus sérieux. Et les brumes de la jeune femme restaient aux aguêts. Elle savait que ce qu'il allait lui dire lui déplairait fermement. Il suffisait de regarder le visage du vieil homme pour le déceler. Et Charlyelle n'était pas de celle que l'on manipule à sa guise.

"- Non, non et non !"

Pallikari. Vous n'avez pas le choix. Ne faites pas votre entêtée et suivez-moi, Il vous attend.

"- Je t'ai dit non. Il ira voir ailleurs si j'y suis. Durant vingt-trois années Il ne s'est pas soucié de ma personne, j'en ferais autant mais à l'inverse, je le ferais jusqu'à ma mort."

Allons Pallikari. Vous savez bien que c'est faux. Votre oncle n'a jamais cessé de vous avoir à l'oeil, la preuve c'est que j'étais là à toujours veiller sur vous. Et cette histoire entre votre père et lui ne les concerne qu'eux. Il souhaite désormais vous voir, vous allez donc me suivre et venir avec moi, je vais vous y conduire.

"-Ilug. Cesse de m'appeller ainsi ou bien je ne viens pas. C'est parce que c'est toi. Mais je te préviens, à la moindre plainte de sa part je fais demi-tour. Il me fait part de ce qu'Il a à me dire et je repars. Il a forcé mon père à l'exil, il en est mort alors ne compte pas sur moi pour faire preuve de la moindre compréhension ou pitié. Si je pouvais je le tuerais de mes propres mains. Tu sais que tu prends un risque énorme en me conduisant à lui ?"

Ilug ne répond rien. Le druide avait l'air soucieux. Le vieil homme était fort intelligent et d'une loyauté à toute épreuve envers la jeune femme. Tout comme il l'avait été avant avec son père. Puis il se tourne vers elle. Calmement.

C'est en effet ce que vous m'avez déjà dit et redit à maintes reprises. Mais en raison des circonstances, il est devenu indispensable à présent que vous le rencontriez. Et ce au plus vite.

Il disait cela de telle façon que Charlyelle reste quelques secondes à le regarder avant de poursuivre.

"- Qu'est-il donc arrivé que tu ne m'aies dit ?"

Il a des ennuis. Il souhaite vous rencontrer je ne peux en dire davantage. Maintenant Pallikari, suivez-moi.

Pour la première fois de sa vie, Charlyelle se sentait piégée. Comme si une lourde grille allait se refermer sur elle. Et toutes les fibres de son corps se révoltaient.

"- Je ne veux pas...Bien. Allons y. Après tout plus vite nous y serons, et plus vite nous reviendrons."

Le ton s'était fait cassant, signifiant âprement son agacement à Ilug.
Elle avait revêtue une longue redingote agrémentée de cartouchières d'argent et d'un lourd ceinturon de cuir. En dépit de tous ses efforts, elle ne pouvait dissimuler sa taille frêle, ni la magnificence de ses cheveux couleur de nuit, ses grands yeux gris frangés de noir et son teint diaphane.

Quelques minutes plus tard, ils étaient partis. Bien que le soleil fut déjà chaud, elle n'avait pas pris la peine de se changer. Elle avait complété sa tenue avec une tunique de soie bleue et un bonnet de fourrure, le plus léger qu'elle ait pu trouver. Celle-ci encadrait son visage, mettant en valeur la pureté de son teint et l'éclat de son regard. Et elle avait enfilé une paire de bottes souples. Cédar, l'étalon noir qu'elle montait, représentait à la fois un défi et une source de joie. D'un tempérament fougueux, elle en avait fait son compagnon de route depuis quelques années.

"Où sont-ils ? Et que font-ils ?"

Ils venaient de s'arrêter et la jeune femme ne voyait strictement rien.

Ils campent sous les tentes et dans les grottes. Ils chassent la chèvre et le chamois. Ils entrainent les chevaux.


" Des chevaux ? Ils ont des chevaux ? "

Le ton devient intéressé. Soudain. C'était là quelque chose de nouveau. Ilug ne lui en avait jusqu'à présent jamais fait mention. Et pourtant comment pouvait-elle s'en étonner alors qu'elle même vouait une passion sans nom à l'animal.

Oui. Leurs chevaux sont réputés pour leur beauté, leur vigueur et leur rapidité. Ils sont dressés dans le climat montagneux. Ce sont des cavaliers de première ! Plus jeune j'ai vu des courses dans la vallée. Cela vous aurait plu. Des rapides ces gars-là.

Charlyelle retient son souffle. Une idée lui était venue, encore plus extravagante que d'habitude. Elle lève les yeux vers le sommet majestueux qui lui fait face. Imposant certes, mais semblant tellement paisible et serein. Deux aigles planaient haut dans le ciel.

"-Emmène moi dans la montagne. Juste assez haut pour que je puisse les voir."

Et bien qu'elle ne l'ait plus fait depuis longtemps, c'était un plaisir pour elle que de marcher à pas souple dans le champ de pierres et de rochers qui s'étendaient devant eux. Ils parvinrent à la roche lisse qu'il fallait aborder avec prudence car elle n'offrait que peu de prise. Ilug paraissait gravir la paroi sans effort. C'est lui qui lui avait enseigné comment progresser sans prendre de risque. Comment ne pas faire un pas si l'on n'était pas sûr de sa stabilité.
Le soleil brillait haut dans le ciel et il leur fallut plus d'une heure pour atteindre l'endroit qui dominait la vallée sur l'autre versant. Aucun bruit n'était perceptible, seul le pic d'Ilug troublait le silence des hauteurs. Ils se taisaient.
Durant toute leur ascension, la jeune femme avait pu voir les aigles planer au dessus de leur tête. Cette vision la rassurait. Elle se disait que tant qu'on les verrait, cela signifiait que l'endroit était désert.
Ilug s'arrêta tout près du sommet, se retourna et tira sur la corde pour attirer Charlyelle à son niveau. Il lui tendit la main pour l'aider à le rejoindre. Et ils poursuivent le reste du chemin en rampant. Ils se trouvaient sur une étroite saillie : d'un côté le sommet s'élançait à pic, de l'autre c'était une pente abrupte qui plongeait jusqu'à la vallée.
C'est alors qu'en tendant la tête, Charlyelle les vit.....

_________________
Ilug


Soudain, un bruit d'armes et de pas se fait entendre. Le vieil armatole se retourne, pliant les cordes calmement mais se rapproche néanmoins de Charlyelle. Sa chevelure toute blanche s'échappe de son feutre de couleur pourpre et tombe en boucles épaisses sur ses larges épaules. La poignée de son pic, frappe ses genoux.

Pas un souffle n'agite l'écho silencieux, le torrent seul gronde au bas de la montagne. Sur la cime de chaque rocher, à l’entrée de chaque défilé, d’invisibles sentinelles veillent. Un silence. Un silence d'esclave régnait alors que quelques chiens se faisaient entendre. Et deux hommes s'avancent.

Vous garçon ?

Tout en parlant, il désigne la brune.

Vous venir avec nous. Vous dire au Général pourquoi vous être ici.

Ilug avait suivi le regard de l'homme.

Charlyelle, prenez mon manteau.

La voix était sans appel. Il était attaché dans son dos, le druide l'attrappe et le débarasse de la mousseline destiné à le garder de la poussière. Il dégage les cordes qui enserraient les épaules de la Kallipari. Et lui fait enfiler rapidement le manteau.

Suivons les maintenant. Et montrez-vous respectueuse avec eux. Il s'agit de votre peuple.

Ilug entame donc la marche et ne peut retenir un sourire en entendant le sifflement qu'émet discrètement la jeune femme.

Charlyelle
...

Ils étaient nombreux. Très nombreux. Les hommes s'agitaient, telles des fourmis. Juste en dessous, on apercevait leurs multiples tentes, vastes, aux couleurs éclatantes. Près d’une fontaine, des hommes armés sont assis. À leur fière attitude, à leur longue chevelure, à leur poitrine, à leur terrible regard, on voit bien qu’ils sont tous de ces hôtes vaillants des montagnes, hommes libres, effroi de leurs ennemis.
Mais ce qui la surprit par dessus-tout, ce furent leurs chevaux dans la vallée. Ils étaient eux aussi beaucoup plus nombreux qu'elle ne s'y attendait. Et en y regardant de plus près, elle se rendit compte qu'ils manoeuvraient de lourds canons, qui même vus de loin, étaient plus gros que ceux qu'elle avait déjà pu voir dans sa jeune vie.
Elle en dénombra dix. Avant de s'apercevoir que si ceux-là étaient tirés par un équipage de six chevaux, il s'en trouvait d'autres, installés de part et d'autres du terrain.
Les hommes assis suivaient la manoeuvre. Et sans même le voir, elle savait qu'ils avaient des poignards glissés dans leurs ceintures.
Elle en eut le souffle coupé. Ainsi c'était eux. Ainsi, elle était de ceux-là. Ils étaient tels, pire encore , que ce qu'elle avait imaginé : grands, robustes, tout hérissés d'armes, vêtus pour la plupart de peaux de mouton. Et l'homme qui était la cause de la mort de son père était leur chef. Cet homme là était son oncle. Le propre frère de ce père qu'elle n'avait pas connu par sa faute.

Son coeur bondit de rage dans sa poitrine. Elle parvint pourtant à se maîtriser en les suivant, émettant un sifflement poussif entre ses dents.

"- Bonjour messieurs. Montrez-nous le chemin".

L'un des hommes obéit aussitôt, suivi de la jeune femme, puis d'Ilug et l'autre fermait la marche. Le chemin était difficile mais sur ce versant, les cordes étaient inutiles. Il suffisait de sauter d'un rocher à l'autre et de temps en temps, de se laisser glisser en se retenant par les mains. C'est ainsi qu'ils parviennent sans encombre à la plate-forme.
Là, se dressait devant eux une des tentes aux couleurs vives aperçues d'en haut. Au fond de la vallée, les manoeuvres se poursuivaient.

A sa gauche, les chevaux tiraient les canons, avançaient groupés, tournaient dans un sens, puis dans l'autre. Cependant, l'homme avait atteint l'entrée de la tente. Elle était beaucoup plus vaste, plus imposante qu'elle ne s'y attendait.


Vous attendre ici !

"- Mais certainement" de répliquer Charlyelle le plus aimablement du monde alors qu'intérieurement, elle n'était que bouillonnement intempestif.

La dentellière en profite aussitôt pour se tourner vers la vallée. D'ici elle pouvait dénombrer les armes sans problème. Elle se mit aussi à compter les hommes assis à l'ombre des canons ou allongés derrière les rochers. Certains se pavanaient de long en large, sûrs d'eux, affichant un air de supériorité qui en disait long.
Elle ne pouvait détacher ses yeux de ce spectacle, alors que la haine grandissait en elle.
Ces hommes avaient une allure indiscutable et il émanait d'eux une force farouche et impressionnante : c'était en fait de superbes guerriers.
L'homme revient, interrompant le cours de son observation.

Le général voir vous. Venez.

Il lui fit signe d'entrer sous la tente mais retient Ilug lui faisant un signe de négation silencieuse de la tête. L'invitation ne s'adressait qu'à elle seule. De nouveau, la haine qui monte d'un cran encore.

Pendant quelques instants, elle fut incapable de rien discerner. Il régnait sous cet abri une pénombre à laquelle ses brumes eurent du mal à s'accoutumer après la vive clarté du dehors. Puis, elle distingue à l'autre bout, un homme assis à une table, en train d'écrire.

Lorsqu'elle s'approcha de lui, il se leva. Il ne correspondait pas du tout à l'image qu'elle pouvait se faire de cet homme. Grand, large d'épaules, c'était un très bel homme. Sans doute comme avait du l'être son père. Et dans le regard qu'il pose sur elle, Charlyelle vit qu'il toisait le monde avec le même sentiment de supériorité que ses hommes.

Grincement de dents. Elle se tenait devant lui, hésitant à prendre la parole la première.

_ Mais quelle surprise Kallipari, ma nièce en chair et en os ! Mais c'est un plaisir de t'avoir parmi nous !

L'homme s'exprime d'une voix joviale et forte et lui tend la main. Sous l'effet de la surprise, Charlyelle est incapable de répondre...
_________________
Vlad



_ Veux-tu t' asseoir ? Après ton ascension dont on m'a parlé en terme fort élogieux je pense que tu aimerais boire quelque chose.

Il la scrutait du regard, d'une manière quelque peu impertinente puis il s'assoit à côté d'elle et verse le vin apporté par l'un de ses hommes. Mais la dévisageant, il se relève tout aussitôt.

_ Viens. Je veux te montrer quelque chose.

Il se dirigea vers l'entrée de la tente puis sans prêter attention à elle le moins du monde, le général se dirige vers un groupe d'homme et donna quelques ordres avant de venir la rejoindre.
Il accélère alors le pas, jusqu'à un terrain de manoeuvres. De chaque côté, des canons tirés par des chevaux et des centaines de caisses emplies de munitions ou de victuailles s'entassaient.
Des hommes étaient assis, poignards à la ceinture. Grands, bien découplés, exceptionnellement robustes, ils observaient Charlyelle avec curiosité.
Sans un mot, le général s'arrêtait tantôt devant un canon d'un type spécial, tantôt devant un autre engin que la jeune femme ne pouvait pas même identifier.
Ils arrivèrent à l'emplacement où se déroulaient les manoeuvres. Sans rien dire, il la prit par le bras et la fit avancer de quelques pas, pour qu'elle put voir, un peu plus bas, au bord d'une rivière qui traversait la vallée, des dizaines de chevaux tout aussi magnifiques les uns que les autres.

_ Maintenant que je t' ai montré ceci, je souhaite te parler. Je suggère donc que nous retournions sous ma tente.

Et d'autorité, comme si elle n'avait pas son mot à dire, il tourna les talons et prit le chemin du retour. Et une fois arrivé sous la tente, la voix claque sans aménité.

_ Comme il se fait tard, tu seras mon invitée pour la nuit. Si tu désires repartir, je ne te retiendrais pas bien entendu mais je veux d'abord te faire part de certains faits. Et d'une proposition que je te prierais d'étudier avec attention.

Elle s'assit mais lui resta debout face à elle. De toute évidence, il savait ce qu'il voulait et pourquoi il avait intimé l'ordre à Ilug de l'emmener en ces lieux.
Charlyelle
Pas à peine entrée qu'il fallait déjà ressortir. La jeune femme sentait la grogne monter en elle, mais elle la retient et suivit son hôte jusqu'à la sortie de la tente. Tout d'abord le soleil aveuglant lui fit cligner les yeux mais elle a tôt fait de remarquer Ilug, en compagnie de deux des hommes qui les avaient menés jusqu'au repère du général. De son oncle.
Non. Décidément non. Elle ne pouvait nommer cet homme ainsi.

Arrivés sur la plateforme de manoeuvres, la première chose qu'elle remarque, ce sont ces chevaux qui tirent les canons. Ils étaient superbes.

Charlyelle était une cavalière émérite, que nul ne pouvait battre lors de ses chevauchées farouches à travers landes ou bois. Et elle montait carrément à califourchon, se moquant bien des réactions que cela pouvait provoquait lorsque les gens la voyait passer.
D'une intrépidité farouche, elle aimait à dresser les chevaux. Et elle se choisissait souvent les plus bouillants destriers, ceux dont même les plus ardus palefreniers ne voulaient pas.

_ J'étais certain qu'ils te plairaient.

Affirmation d'un homme sûr de lui, comme s'il connaissait d'emblée ses pensées.

"- Ils sont splendides ! " s'exclama t'elle avec un brin d'enthousiasme dans cette voix rauque qu'elle avait, non dissimulée.

_ Et très vigoureux pour faire le travail qu'on leur demande.

"- Où avez-vous trouvé d'aussi belles montures ? Et en aussi grand nombre ? "

_ J'ai fait venir des juments de lointaines contrées, il y a quelques années.

"- Ce sont donc des chevaux arabes !"

L'oeil de connaisseuse de Charlyelle ne lui faisait apparemment pas défaut.

_ Les plus rapides du monde, comme tu dois le savoir. Mais je possède également d'autres races qui, j'en suis certain, ne manqueront pas de t'intéresser.

"- Montrez-les moi."

Voix qui se fait d'un ton presque suppliant et gourmand.

_ J'ai déjà donné des ordres en conséquence mais tu les verras plus tard. Comme je te l'ai dit, j'ai à te parler.

Une fois rentrée sous la tente, c'est alors là que l'invitation à passer la nuit sur les lieux tombe. Et de nouveau, une Ecossaise sur la défensive.

"- Je vous remercie de votre hospitalité, mais vous comprendrez certainement que je ne puis rester trop tard pour ne pas susciter des inquiétudes. Même si Ilug est un excellent guide, il faut se méfier de la montagne quand le soleil descend."

_ C'est également mon avis, c'est bien pour cela que je te garde ici pour la nuit.

"- Non ! C'est...c'est absolument impossible !"

Sourire et haussement volontaire des sourcils du Pallikare.

_ Sais-tu que tu es encore plus belle lorsque tu te mets en colère ? Impossible. Voila un mot que je ne connais pas dans mon vocabulaire. Ecoute moi avant et tu seras libre ensuite d'agir à ta guise.

Les brumeuses fustigent celui dont elle ne veut pourtant rien entendre, ni rien savoir. Les narines frémissent, le petit nez fier se retrousse alors que le menton se redresse, volontaire en sa direction.

"- Certainement Général - et elle insiste bien en le nommant par son titre-. Je suis tout à fait disposée à vous écouter."

Oui Charlyelle n'est pas digne descendante de ce peuple de mercenaires et de brigands que par son ascendance. Elle en porte les gènes et les vices.

_ Je ne commettrais certes pas la bêtise, maintenant que je t'ai auprès de moi, de te laisser repartir au loin. Soit tu restes ici de ton plein gré cette nuit, soit tu y restes sous bonne escorte. Mais sache ma nièce que tu ne bougeras pas d'ici cette nuit !

Elle aussi sait faire preuve de mensonge et de haine. Et l'assurance avec laquelle il vient de lui asséner ces mots finissent de la faire monter en rage. Charlyelle le regarde d'abord les yeux écarquillés avant de lui cracher son mépris à la figure, rouge de colère.

"- Je n'ai jamais rien entendu d'aussi scandaleux ! Laissez-moi vous dire que vous avez là un comportement intolérable ! Bien qu'on ne puisse rien attendre d'autre de la part d'un homme tel que vous ! "


_ Qu'on ne puisse rien attendre d'un brigand ? C'est cela que tu veux insinuer ma chère petite nièce qui se promène avec ce groupuscule hydrique ? Mais tu as parfaitement raison, je suis un mercenaire, un brigand, et ce, depuis des années. Et mes propres hommes ont leurs états de services à présenter !

Sifflement qui se fait entendre. La Succube sort les griffes. Elle va frapper là où ça fait mal, là où elle sait qu'une fois enclenché, le moteur de la haine qui la pousse à provoquer cet homme sera indestructible.

"- Je m'en moque que vous soyez un brigand, ou mercenaire, ou la pire lopette qui existe. C'est de mon père que je vous parle. Vous vous souvenez, cet homme, ce frère que vous avez vous-même envoyé à l'exil. Il en est mort. Et par votre faute, et uniquement la votre, je n'ai connu ni père, ni mère. Car ma mère l'a suivi de peu dans la tombe."

La colère qui bouillonnait en elle depuis le début de l'entretien venait d'exploser. Sans écouter un mot de plus, elle tourna les talons et sortit de la tente. Elle voulait s'en aller retrouver Ilug et insister pour qu'ils repartent immédiatement par le même chemin d'où ils étaient venus.
Or, juste devant l'entrée de la tente, de superbes chevaux attendaient.

Et la Succube n'hésita pas une seconde. Les yeux emplis de larmes de haine, aiguillonnée par la colère, elle saisit la selle de l'étalon qui se trouvait à sa portée et grimpa dessus.
L'homme qui gardait les bêtes, pris au dépourvu, n'essaya pas même de résister lorsqu'elle s'empara des rênes.

L'instant d'après, elle était partie. Elle avait repéré le chemin pour sortir de la vallée. Elle pouvait foncer tout droit sans risque d'obstacles immédiats. Sa monture était fraîche et fringante, elle bondissait dès qu'elle effleurait ses flans. Elle l'emporta dans un galop endiablé qui aurait ravi Charlyelle, si l'enjeu n'avait été si grave.
Et ses craintes se révèlèrent justifiées. Elle entendit bientôt un bruit de sabots derrière elle. La Dentellière savait, sans se retourner, que son oncle la poursuivait. La jeune femme avait de l'avance mais pas assez. Il avait suffi que le général enfourche un autre cheval dès qu'il avait compris ce qu'il se passait.

Mais n'était-elle pas la cavalière la plus rapide ? La bête était magnifique, avec son sang arabe, et Charlyelle, enivrée, se sentit des ailes. Non il ne la rattraperait pas !
Elle se pencha en avant, le plus possible, et talonna son étalon tant qu'elle put. Mais le bruit du galop se rapprochait inexorablement. Et elle eut beau faire, il la rattrapa. Mais la brune s'obstina. En pure perte. Les deux montures étaient si proches maintenant qu'elles pouvaient se percuter et créer des dégâts irréversibles à l'allure folle où elles galopaient.

Son oncle accomplit alors un exploit peu banal. Celui qui suscite une admiration unanime chez les cavaliers. Sans ralentir le moins du monde, il la souleva de sa selle alors qu'elle poussait un long cri de rage et de peur mêlés et la fit passer sur la sienne. Une seconde, elle eut l'impression de fendre l'air avant d'atterrir sur la selle de son aïeul. Un instant étourdie, par la brutalité du choc.

Il serra la bride et fit demi-tour. Nièce captive et capturée. Mais lorsqu'elle l'entendit siffler entre ses dents, ce fut pour Charlyelle, l'humiliation suprême, le coup de grâce.
Elle réalise qu'il aurait pu arrêter sa monture d'un simple sifflement. Ce seul son aurait suffi pour que l'étalon qu'elle chevauchait tourne bride et suive son maître. Il aurait donc pu l'arrêter à tout moment et sans effort. Mais le Pallikare avait préféré lui montrer sa supériorité ainsi que ses talents de cavalier en la ramenant sur sa propre monture.

Et voila qu'elle entendait des acclamations maintenant. Ses hommes se réjouissaient de le voir ainsi affirmer son autorité sur sa propre nièce, qui avait tenté de le défier.

Mais le plus humiliant pour Charlyelle, ce fut le sourire qu'Ilug lui adressa. Peut- être enfin, la bouillonnante jeune femme allait être prendre conscience de tout ce qu'implique l'enseignement du vieil homme.
Le regard semblait, sans reproche aucun la remettre en place et lui dire, "je t'avais mise en garde Pallikari, de ne pas provoquer ton oncle."....

_________________
Vlad


Elle était bien la fille de sa mère. De cela, Vlad s'il en avait douté aurait été rassuré. Mais elle semblait lui vouer une haine plus que tenace. Elle ignorait tant de choses la Kallipari élevée loin des siens. Et lui avait été si lâche à l'époque. Il fallait qu'il remédie à cette terrible erreur qu'il avait commise autrefois. Car aujourd'hui, c'est bien la Kallipari qui en portait les cicatrices et le mal. Et avec ce qu'il avait à lui dire, il ignorait quelle serait sa réaction. Sans doute allait-il faire encore plus de mal qu'il n'en avait déjà fait.

Il sauta à terre sans la lâcher et pénétra dans sa tente. Il la posa puis prit un ton sévère et dur. Comme s'il réprimandait une enfant bornée qui ne paraissait pas vouloir saisir le sens de ses paroles.
Il lui avait coupé tous ses effets semblait-il. Ou bien alors était-elle en train de lui en préparer une autre de la sorte. Il ferait doubler la garde cette nuit. Cette Charlyelle était sans nul doute capable du pire comme du meilleur.

"- Je vous hais ! Vous n'êtes qu'un charognard !"

Comme lui. Elle portait toute la fierté et toute l'histoire de leur peuple dans ses veines. Il allait falloir qu'elle l'admette.
Il remplit son verre et but quelque gorgée de vin avant de reprendre la parole.

- Allons. Cesse de jouer ce petit jeu là avec moi. Et assez de balivernes. Au pire plus tu me haïras et plus tu m'en verras fier. Cela signifiera que Kallipari porte haut et profond les armes de son peuple. Il va être l'heure de servir le repas. Je t' ai fait préparer de quoi te changer. Va te changer !

Il se dirige vers une autre partie de la tente dont il soulève une tenture.

- Viens te changer. Je suis sûr qu'après tous tes exercices de cette mémorable journée , tu apprécieras un bon bain. Car j'en ai loin d'en avoir fini avec toi.
Charlyelle
"- Si vous croyez que je vais me changer pour vous faire plaisir, vous vous trompez !"

- Comme je n'ai aucune intention de partager mon repas avec une espèce de garçon déguisé tu vas te changer ! Sinon je te préviens que j'ai des talents cachés de femme de chambre !

Elle passa devant lui, se demandant comment elle allait de nouveau pouvoir lui fausser compagnie. Mais il n'y avait plus de chevaux dehors, et il prenait bien soin de se tenir près de l'entrée de la tente avec dans les yeux une lueur qui en disait long.
La tête haute, faisant de son mieux pour avoir l'air digne malgré ses longs cheveux flottant sur ses épaules, elle lui rabat la tenture au nez.
Là, il y avait deux femmes qui plongèrent dans une profonde révérence dès qu'elles l'aperçurent.


"- Aidez-moi ! Je ne veux pas rester ici, comment puis-je m'enfuir ? Aidez-moi, je vous récompenserai bien."

La consternation qui se lit sur le visage des deux femmes. L'une d'elle la regardait avec stupéfaction, comme si elle n'en croyait pas ses oreilles. Et enfin elle lui répondit à voix basse.

_ C'est impossible. Il est impossible de faire autre chose que ce que nous demande notre maitre.

"- Vous en êtes bien sûre ?"

En guise de réponse elle soulève le pan de la tente qui masquait l'entrée de ce côté ci. A travers la fente, Charlyelle aperçut deux hommes, aux silhouettes massives. Il avait posté des gardes ! La jeune femme laissa retomber la lourde toile.

_ Votre bain est prêt Votre...Demoiselle.

D'un air suspicieux, elle les regarde. Mais se tait obstinément. Comme son ascension sous le soleil et sa tentative de repli l'avaient rendue moite, elle se laissa déshabiller sans résistance. Mais quand rafraichie et revivifiée, elle se fut essuyée dans une serviette luxueuse et odorante, elle se souvient que le général lui avait fait préparer une robe. Quelle impudence ! Ce détail ranima la rage en elle. Et c'est avec un regard sombre qu'elle contemple la robe somptueuse que les femmes l'aidaient à enfiler.
La robe dans laquelle se glissait le corps souple de Charlyelle, était blanche, brodée de fleurs éclatantes autour de l'ourlet, du corsage et des manches.


_ C'était celle de votre mère. Ce fut, à ce que dit notre maître, une très belle femme.

Les lèvres de Charlyelle frémirent. Ses brumes orageuses virèrent à l'ouragan. Aucun son n'émanait d'elle. Non. Elle avait du mal comprendre. Il ne pouvait avoir connu sa mère qui venait des îles du Nord. Son père l'avait connu là-bas.

La servante partagea ses cheveux par une raie centrale. En fit deux lourdes tresses qu'elle arrangea en chignon sur la nuque.

"- Je le déteste. Je le hais pour m'avoir fait une chose pareille !"

Elle avait brusquement l'envie d'arracher la robe qui avait appartenu à sa mère et de tout piétiner. Mais à quoi bon. Il n'avait pas élevé la voix, il ne s'était pas emporté et pourtant, elle s'était senti contrainte de lui obéir.
Elle n'était pourtant pas faite comme les femmes de son peuple. Non pas elle. Ces femmes qui étaient en train de la raccompagner de l'autre côté.

Le général pose son regard sur la jeune femme et reste un temps muet. Puis ils se mesurèrent du regard.

- Mes compliments. Me permets-tu de te dire que tu es infiniment plus belle en femme que lorsque tu essayes de te faire passer pour un homme ?

Les dents de l'Ecossaise se plantent violemment dans la chair de ses joues et haineuse lui répond.

"- Je n'essaie pas de me faire passer pour qui que ce soit et je ne prétends pas être ce que je ne suis pas !"

Elle crachait les mots et ses brumeuses lançaient des éclairs aussi semblables à ceux sur une mer déchainée par une nuit de grosse tempête.

Comme s'il comprenait l'allusion, il eut un de ces espèces de sourire qui donna l'envie à la brune de le gifler. Le général ne la quittait pas des yeux. Elle détourna les siens. S'il voyait toute la haine qu'elle lui portait, il risquait d'être sur ses gardes. Mieux valait qu'il ne se doutât de rien.

- Il faut attendre à présent que le banquet soit prêt. Affamée comme tu dois l'être j'imagine que tu ne seras pas trop difficile. Pardonne-moi, j'ai oublié que tu as l'habitude de prendre repas en milieu de journée. En voyage, mon peuple et moi ne mangeons que deux fois par jour. A l'aube et à la nuit.

Attablée, elle ruminait. Jamais elle ne l'autoriserait à prendre la place de son père. Et pendant ce temps, elle regardait la truite nappée d'une sauce subtilement parfumée aux herbes sauvages de la montagne. Ensuite, il y avait eu de l'agneau, si tendre, qu'il fondait dans la bouche. Des perdrix, préparées comme seul eux savent le faire. Peuple chez qui la chasse de ce volatile constituait un sport national.
Elle avait mangé à satiété. Mais lorsque surgit un plat de fraises sauvages, mûres à souhait, mélangées à d'autres baies inconnues et plus savoureuses encore, la jeune femme s'en délecta sans retenue.

Alors que la majorité des hommes se balançaient, captivés au rythme des violons qui se faisaient maintenant entendre, Charlyelle vit que le général avait quitté sa chaise. Il surgit soudain à ses côtés et lui tendit la main pour l'aider à se lever. Et sans un mot, il l'entraine au-dehors en direction d'une autre tente.

- C'est ta tente pour cette nuit.

Elle se retourna vers lui, occupé à rabattre derrière eux les pans de l'entrée qu'il noua solidement, lui rendant difficile toute tentative d'échappatoire. Il se pencha pour nouer le lien inférieur et l'une de ses dagues tomba à terre.
Aiguillonnée par la haine, Charlyelle s'en empara avec une vivacité étonnante. Elle leva la lame vers lui d'un air menaçant.


- Est-ce pour te défendre ou bien as-tu l'intention de me tuer ? Tuerais-tu ton propre père Kallipari ? Tu es tellement imprévisible que je ne sais si je dois te battre ou te serrer dans mes bras ma fille !

Elle essayait de parler du même ton dur et implacable qu'auparavant, mais elle en était incapable.

"- Non ! Non ! Non!" murmura t'elle tout bas d'une voix éteinte...
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Vlad



"- Je vous tuerais un jour. Vous mentez !"
Le général la regarde. Elle semble piquée au vif et perdre quelque peu de son sang-froid. Les yeux se plantent l'un dans l'autre. Il est alors frappé par ce qu'il sait déjà. Elle porte la même hargne que lui et le même amour pour ce peuple qui est le leur. Ses yeux font partie de cet héritage. Il l'avait abandonnée, sans un mot d'excuse ni aucune explication. Il était sans doute temps de lui dire maintenant. Et s'il devait le faire sous le joug de la lame qu'elle semblait décidé à lui enfoncer dans la jugulaire, soit, il le ferait.

- Au moins nous savons exactement où nous en sommes. Mais je crois que tu as oublié de vérifier ce qui se trouve derrière toi !

Et Vlad a le sourire tortueux. Car elle tourne la tête sans réfléchir et cela lui suffit pour se saisir de son poignet et de le lui encercler d'une poigne sans équivoque.

- Maintenant tu vas m'écouter. Et je vais me présenter. Je ne suis pas que général. Je suis le prince Vladilas, fils aîné de celui qui fut son Altesse Royale le prince Alexandre de Zokalie. Et j'avais un frère cadet. Milko. Nous habitions au château familial, près de la frontière roumaine, à l'Ouest du pays. Malheureusement, mon frère et moi, qui étions à l'époque très proches, nous nous disputâmes à l'âge adulte. Il va de soit que ce fut pour l'amour d'une femme venue du Nord. C'était ta mère Pallikari.J'avais traversé de multiples pays et j'avais rencontré Ileana. Ta mère était l'incarnation même de la beauté, du charme et de la douceur et j'aurais voulu que tu la connaisses.

L'éclat de rire se fait alors amer chez le général.

- Finalement, j'obtîns ce que je voulais et j'avais décidé de faire d'elle ma femme. Mais elle ne m'avait cédé que par obligation. C'est mon frère qu'elle aimait. C'est lui qu'elle voulait. Je leur ai alors ordonné de quitter les lieux et de ne plus y remettre les pieds. Mais Pallikari, je ne m'attendais sûrement pas à être obéi. Mais mon frère, profondément blessé, s'exila. Oui ma fille, il s'est exilé de son propre gré, jurant qu'il ne reviendrait jamais sur ces terres d'où je venais de le chasser. Et ils sont partis dans le Nord.
Oui j'en ai eu le coeur brisé ! Mais comme tu n'es pas sans le savoir, je pense qu'Ilug te l'a enseigné, nous avons le sens de l'honneur et ne tolérons pas d'être humiliés. Or c'est ce que mon propre frère avait fait en s'octroyant l'amour de celle qui était promise à devenir ma femme.

Il fit une pause, la regardant intensément.

- Ilug savait et est parti avec eux. A ma demande. Bien sûr, ils ne s'en sont jamais douté. Et grand bien me prit puisque tu es née. Et les saisons ne mentent pas. Les quart de lune non plus. Que cela te plaise ou pas, je suis ton père. Tu crois que nous ne vivons qu'en dépouillant autrui ? Cela est vrai quelquefois. Mais notre peuple est fier. Et nous n'avons subtilisé que des idées durant nos voyages en essayant de proposer des projets rentables à certains régnants qui n'y ont jamais rien compris. Les idées ne manquent pas. Nous en avons volé certaines je le reconnais. D'autres sont nées de la nécessité. Maintenant, elles contribuent pleinement à la prospérité de nos terres. Terres dont tu es la seule et unique héritière. Terres qu'un jour tu devras toi seule défendre et perpétuer.
Et je ne t'ai pas trompé. Jamais. Tu as pris pour argent comptant tout ce que tu as vu et entendu. Je suis brigand et voleur oui. D'un genre un peu spécial quelquefois, c'est vrai mais je suis fier en te regardant car tu es de la même veine que moi.


Un léger rictus se forme sur ses lèvres alors qu'il la regarde, la soupèse.

- Lorsque cela te paraitra intolérable, tu pourras toujours retourner galoper de temps en temps. Mais notre terre est ancrée en toi Pallikari. Elle t'attend. Et tu apprendras ma fille, que je parviens toujours à mes fins.

Charlyelle
C'est une campagne où je suis née
C'est un rivage où tout a commencé
J'en ai vu bien d'autres mais celui-là
Jamais rien ne l'effacera
C'est une langue qui m'a bercée
Ce sont des notes qui m'ont emportées
Vers toutes les autres mais sans jamais
Risquer de se faire oublier

-Je sais où aller- Patrick Fiory.

***
Les larmes qui lui piquèrent les yeux, tracèrent des sillons froids sur ses joues. Elle aurait voulu lui dire qu'elle était heureuse qu'il soit en vie, qu'elle l'aimait, qu'elle l'aimerait toujours quoi qu'il lui ait fait et quoi qu'il advienne.

Mais non, elle ne pouvait pas. La haine. La fureur ancienne qu'elle croyait reléguée au plus profond de son être flamboya alors. L'injustice du fardeau lui irrita l'âme jusqu'à la brûlure. Revigorée par la colère, elle se dressa de toute sa hauteur.

"- Jamais ! Tu m'entends bien j'ai dit Jamais !"

Elle avait l'impression que quelque chose s'était arraché en elle. Un lien s'était rompu et l'emplacement de la déchirure était plus douloureux qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Lui faire mal à lui aussi. Le tutoiement était venu d'instinct. Comme si ce qu'elle s'apprêtait à faire les rapprochait. Signature d'un pacte odieux entre ces deux-là.
L'instant fut bref. Mais la lame vînt s'enfoncer dans la chair alors que son père poussait un grognement d'ours enragé.
Et elle triture Charlyelle. Elle remue bien la lame à l'intérieur des chairs alors que ses brumes pluvieuses glissaient sur son visage.

Vois comme ça fait mal. Apprécies, supportes, endures donc la haine que je te voues.

D'un geste brusque et aussi soudain, elle retire la lame des chairs ensanglantées de la joue paternelle. C'est sa signature. Une joue lacérée et on peut être certain que la Dentelière est passée par là.
Elle se croyait être immunisée contre les manifestations de la douleur. Elle avait entendu tant de cris différents : les hurlements d'une femme lors de son premier accouchement, si facilement oubliés lorsque le bébé rejoignait les bras de sa mère ; les cris plus inspirés par la peur que par la souffrance du gamin dont il fallait recoudre la lèvre vilainement coupée ; l'exclamation involontaire que ne pouvait retenir un homme courageux au moment où les deux extrêmités brisées d'un membre fracturé se rejoignaient. Mais tout cela n'était rien en comparaison du pitoyable miaulement qui s'échappa alors du souffle paternel.

- Palli...!


"- Garde tes terres et je garde la dague. Ce n'est rien, juste des chairs à remettre en place, Ilug saura t'arranger ça."

Ilug a entendu, il est là le vieil homme et d'un coup d'oeil embrasse la scène. Le regard se fait dur et réprobateur sur la jeune fille.

Non Charlyelle, tu n'aurais pas du faire cela. Pas à lui. Pas à ton père.

Les brumes ne sont qu'un abime gris profonds et sans fin lorsqu'ils se posent sur Ilug et sur cet homme qui se dit son père avant de s'éloigner au dehors.


"- Je vais m'entraîner à la solitude".

Elle ne pouvait pas être plus claire.


_________________
Ilug


Il avait entendu le ton des voix monter. Le vieil homme, resté non loin au dehors, assis devant le brasier, s'en imprégnait. Les prunelles usées fixaient les flammes. Oui. Bien sûr que oui, il comprenait. Il savait combien la vérité serait dure à accepter pour Charlyelle. Il avait pourtant prévenu le général maintes et maintes fois. Lui conseillant de ne pas taire cette vérité à l'enfant qu'elle était alors. Mais il n'avait rien voulu écouter. Et l'enfant était devenue chrysalide. Aujourd'hui le papillon avait éclos. Bordé de noir et de gris. Sombre. Rebelle. Haineux. Derrière tout cela, Ilug savait comme nul autre ce que cachait la Pallikare.
Vlad avait fait l'erreur de sous estimer la haine que sa fille serait en mesure de lui porter. Lui aurait-il appris bien plus tôt la vérité que la vie de Charlyelle en aurait sûrement pris une autre tournure.
Mais la belle brune était brisée par la haine qu'elle vouait à cet homme. Celui là même qui l'avait conçue. Comment pardonner le mal enduré. Comment accepter ce qui ne l'est quasiment pas.

C'est alors qu'il entendit le cri étouffé du général. Et en l'espace de moins qu'il n'en faut pour le dire, il était dans la tente et ébahi, le visage empreint de stupéfaction, il regardait la face ensanglantée de son souverain. Les prunelles glissent alors jusqu'à la responsable du carnage et Ilug, d'un mouvement promptement leste pour son âge, se dresse alors devant Charlyelle, lui coupant toute retraite.
Le regard qu'il lui lance est à couper au couteau. Froid et la colère y danse comme jamais encore.

Non Pallikari ! Vous n'allez nulle part, vous restez ici. Ou bien il vous faudra m'abattre pour passer.

Il s'est violemment saisi alors de son poignet, dont la dextre tient toujours la dague criminelle. Et le vieil homme le lui secoue sans aucun ménagement.

Vous allez donner soins à votre père. Vous allez vous repentir pour votre geste. Vous allez assumer vos actes. Et ensuite seulement et seulement si je le décide, vous pourrez partir. Et je ne tolèrerais aucun écart de votre part. Vous venez d'avoir une conduite intolérable.
Soignez votre père et tout de suite avant qu'il ne se vide de son sang !

Le ton est sans appel.

Fais !
Charlyelle
"Cet ennemi barbare, injuste, sanguinaire, songez, quoi qu'il ait fait, songez qu'il est mon père."Jean Racine ; Iphigénie, III, 6,

***

C'est un torrent mêlé d'incompréhension qui s'échappe des embruns de la jeune femme. Pourquoi Ilug m'empêches tu de fuir ? Laisse moi partir Ilug, ce n'est qu'une crevure ! Je préfère que l'on m'arrache les tripes une à une plutôt que de devoir porter ses terres et son nom !

Mais les hurlements silencieux de la Pallikare n'ont aucuns effets sur son hencher qui la regarde comme si elle venait de commettre le crime le plus abject de toute une vie. Et bien au contraire de la soutenir, il lui enjoint de réparer le mal qu'elle vient de faire ou de le tuer lui.
Les narines frémissent de rage, les lèvres de myrtes se pincent et les mâchoires claquent. Les doigts s'imprègnent des courbures de la dague en son pommeau, jusqu'à lui en faire mal aux jointures des phalanges. Pourquoi Ilug m'imposes tu cette torture ? Sifflement entre les ourlées.

"-Kac'heri !"*

Elle voudrait ne pas le faire. Mais il y a des serments qui ne peuvent être reniés. Il y a les rituels ancestraux que l'on respecte, il y a ce don que l'on a en soi, il y a que malgré tout et bien qu'on y crache dessus on est fille de roy et que pour son peuple elle se doit de réparer l'affront commis. Que personne n'en sache jamais rien en dehors des trois personnes ici présentes. La propre fille du souverain. Geste ignoble. Alors parce qu'elle ne lèverait jamais la main sur Ilug, elle s'exécute. La honte monta en elle, la disputant à la colère. Mais la lassitude l'emporta sur tout le reste.
Parmi les herbes qu'elle avait, certaines, infusées en tisane, calmeraient la douleur et d'autres, agiraient plus efficacement une fois pulvérisées et incorporées à un baume. Elle s'était saisie d'un petit coffret en bois et en extirpait des herbes qu'elle lui montre.


"-Mets en un peu dans de l'eau bouillante, laisse tremper jusqu'à ce que les feuilles soient molles puis prends en une tasse pas plus. En prendre trop te ferait du mal. Tu as de la graisse d'ours ? Du lard de loup ? Ajouté à mes herbes j'en ferais un remède pour que tu puisses te frotter la joue avec. Afin que la cicatrisation se fasse correctement."

Puis dans sa paume, elle fait courir trois aiguilles les observant chacune tour à tour avant de s'en saisir d'une. Neuves, pointues, elles avaient été fabriquées avec habileté. Charlyelle hoche la tête en signe d'approbation avant que son index ne vienne s'en saisir d'une.
Les brumes se portent alors sur le visage ensanglanté de son père. Sans ciller, mâchoires serrées, elle prend conscience du carnage qu'elle vient de provoquer. La lumière de la lune modelait d'ombres douces les traits du général, mais révélait également les ravages que venait de subir son visage. La mâchoire inférieure pendait de travers et quelque chose de sombre gouttait de sa bouche ouverte pour aller tâcher le devant de sa chemise. Il tendit le bras vers sa fille. Le clair de lune révéla un instant la blancheur des os de ses doigts. Puis la main retomba doucement le long de son corps.

Satisfaction de la brune non dissimulée. Voilà, maintenant tu sais ce que c'est que de souffrir, et de ne rien pouvoir faire pour atténuer ce charnier. Peut-être ainsi vas tu comprendre que l'on ne joue pas avec les sentiments de son enfant. Elle regarde les jambes de son père flageoler, indiquant ainsi à la jeune Pallikare toute l'étendue de sa souffrance. Et malgré son envie encore ancrée en elle de lui crier sa haine, aucun son ne sortait de la gorge de Charlyelle. Puis soudain. Elle entre en action. Mais différemment. Et la voix rauque claque alors, sûre d'elle, dans la tente.

"- De l'eau froide. Des linges propres pour les bandages. Il tremble, il faut le couvrir. Ne bouge pas, reste tranquille, je vais réparer."

Oui, réparer ce qu'elle venait de détruire dans un accès de rage et de haine sans nul équivalent à ce qu'elle ait pu ressentir jusqu'à ce jour.
Un lambeau de chair s'était détaché entre la joue et la commissure des lèvres. Le sang avait teinté la figure de rouge et dégouliné sur la tunique. Elle dut réfréner son impulsion de lui refermer cette bouche, lui remettre cette mâchoire en place. A chaque expiration un petit son atroce en sortait. Mais c'était la confiance qui brûlait dans les yeux de son père malgré le geste d'horreur qu'elle venait d'avoir, qui ébranla les dernières résolutions de Charlyelle. Avec effort, elle se concentra alors sur sa tâche. Elle avait appris à craindre les maux secrets, ceux qui endommageait les endroits inacessibles du corps et mettait les soins en échec. Là où les yeux ne pouvaient voir, ni les doigts palper.
Elle voulait être sûre.
Une fois elle avait eu affaire à un enfant qui avait dégringolé un flanc de colline et s'était cogné la tête contre une pierre. Une autre fois il s'agissait d'un homme, un soldat frappé au combat. Elle n'aimait pas s'en souvenir, car pour l'un et l'autre, leur agonie avait été longue. D'abord les yeux avaient commencés à saillir légèrement, signe qu'elle venait de reconnaitre chez son père. Ensuite la pression augmentait à l'intérieur du crâne et faisait gonfler le visage.
Compresses froides et cataplasmes chauds qu'elle applique d'une main légère afin de nettoyer les blessures et voir au mieux comment recoudre les chairs. Fallait-il qu'elle lui donne ou non un soporifique avant de commencer ? Elle serra les mâchoires et n'en fit rien. Avec réticence. Mais il y avait peu de chance, que le général arrive à boire la potion s'en s'étouffer.Là, tout de suite. Les doigts exercés de la Dentellière manipulèrent alors les chairs afin de leur faire retrouver leur place initiale, et l'aiguille pénétrant ces chairs boursouflées, elle se mit alors à l'oeuvre, hâtivement mais précautionneusement. Le geste était régulier, la dentelle se faisait ajourée mais avec une précision insoupçonnée au travers des doigts de la Pallikare. Au fur et à mesure de son avancée, elle relavait précautionneusement les blessures à l'eau chaude, ignorant les gémissements et les grognements étouffés de son père. En ayant terminé avec son oeuvre de refaçonnage et modelage, couture terminée, elle dépose alors avec une extrême douceur les bandages qui allaient maintenir les chairs perforées. En regardant les yeux de son père, Charlyelle eut le coeur au bord des lèvres. Elle comprit que celui-ci, bien loin de lui en vouloir, la regardait avec fierté et amour malgré ses souffrances et ce qu'elle venait de lui faire endurer. Elle ne se demandait plus maintenant pourquoi Ilug avait tant insisté pour que ce soit elle qui le soigne et non lui. Le vieil homme aurait fait tout aussi bien qu'elle puisque tout son savoir, elle le tenait de lui. Un coup d'oeil vers son Hencher. Il la regardait, un léger sourire sur les lèvres et ses prunelles s'étaient adoucies.
Honteuse, elle dévia alors son regard. Pour le reporter de nouveau sur son père. Puis elle se déplace vers l'âtre. Elle déroule une pièce de peau bien grattée et décolorée. Elle y trie dessus des paquets et des fagots d'herbe, jetant les fragments inutilisables dans le feu, en empilant d'autres en deux petits tas. Ses doigts et son nez reconnaissaient chaque feuille sèche, chaque copeau d'écorce. Il y avait l'achillée mille-feuille au parfum puissant, qui faisait couler le sang d'une femme ou soignait les blessures, et les longues langues-de-cerf qui servaient d'émétiques. Là ; c'était l'écorce enroulée du buisson de raisin-d'ours, bon pour les désordres urinaires et la racine de pissenlit, tonique ou légèrement laxative. La Brune choisit avec soin. La première pile réunissait ce qui servait à nettoyer les blessures et apaiser les douleurs dues aux coupures ou aux éraflures. La seconde pile elle, contenait ce qui agissait contre la douleur en général et facilitait le sommeil.
Elle se tourna vers son coffret. Après l'avoir ouvert, elle rassembla les outils qui allait lui servir. Pilon et mortier et elle transféra le contenu de la première pile dans le récipient. Elle réduisit les divers éléments en une poudre homogène qu'elle mélangea ensuite à de l'eau tiède. Puis elle trempa un bandage propre dans la potion et déposa le tout sur la première couche de bandages qu'elle avait déjà déposé sur la joue de son père. Ainsi, le mélange pénètrerait en douceur.
Au moment de composer le second mélange elle hésita et leva ses brumes sur Ilug. La sévérité des blessures nécessitait une mixture assez puissante pour avoir un effet quelconque. Mais une dose trop forte...Elle reporte son regard sur ses gestes. Elle avait pour don de réparer les corps et guérir les maladies, aider à donner la vie tout en aidant à la reprendre aussi parfois. Pour exercer sa vocation, elle devait toujours être convaincue de la survie de ses patients. Et elle ne passait pas de marché avec le Très Haut. Sa dextre plana un instant au-dessus des herbes de sa réserve, proprement alignées. Après une longue hésitation, elle se saisit de deux baies-de-nuit et les ajouta à la petite pile située devant elle. Son peuple les appellait graine-de-mort. D'autres les nommaient sommeil-amer. Et elle se mit cette fois en oeuvre de préparer potion calmante pour son père. Elle broya les baies avec quelques herbes qu'elle mélange à un peu d'eau tiède. Puis elle pose le récipient près de l'âtre, afin qu'il en recueille la chaleur.

Elle posa ses paumes à plat par terre et poussa pour se relever. Elle alla alors s'asseoir près de son père qu'Ilug avait emmené sur la couche.

"- Repose toi maintenant. Repose toi".

Et elle remonte les couvertures sur lui. S'apprêtant à veiller sur cet homme que sa haine a manqué tuer de peu. Mais il est son père. Et elle pousse un profond soupir. Puis elle referma les mâchoires d'un coup sec et ses brumes se durcirent de nouveau. Un mal de crâne commençait à l'envahir. Et elle savait que c'était dû aux larmes qu'elle avait versé. A chaque fois qu'elle pleurait, c'était ainsi.
Son père s'étant endormi, elle se lève et de nouveau trifouille dans son coffret de bois. Y trouvant ce qu'elle cherche. De la camomille et du doux-sommeil, de la racine de bilin et des copeaux d'écorce de saule. Pendant qu'elle mesurait et mêlait l'ensemble, de l'eau chauffait jusqu'à ébullition. Charlyelle y ajoute alors le mélange et laisse le pot de côté pour infuser. La tisane favorisait le sommeil et soulageait les maux de tête causés par le trop plein de larmes laissé couler. L'infusion avait pris une couleur de miel sombre.
Finalement, à peu de distance du foyer, elle se ménagea une place. Découvrant le sol tapissé de rameaux de bouleaux en prenant une des peaux au sol pour se recouvrir. Elle fixa les braises quelques instants, puis ferma ses yeux, laissant son esprit glisser jusqu'à la frontière du sommeil, l'oüie en alerte, à l'affut du moindre gémissement de son père.

*fais chier !
_________________
Vlad


Après avoir lutté plusieurs jours, il avait repris lentement conscience. Sa douleur physique s'était doublée d'une souffrance morale. Qu'il possédait déjà depuis que la mère de Charlyelle était morte mais voir sa fille lui refaisait vivre ses propres cauchemars. Touché était-il sans vraiment chercher à creuser tout les pourquoi et les comment. Il détaillait la frêle silhouette auprès de lui. Elle l'avait veillé alors qu'elle avait tenté de le tuer. Envoûtant paradoxe que la chair de sa chair. Ses yeux étaient vraiment étonnants et lui rappellait douloureusement ceux de son amour perdu. Les mêmes mais avec une férocité qu'Ayleen ne possédait pas. Il n'avait pas besoin de chercher bien loin pour savoir d'où sa fille tenait cette lueur dans ses splendides yeux gris. Même si la vision de ceux de sa mère l'empêchait d'en apprécier tout l'éclat. Il s'efforce de chasser de son esprit cette vision pénible et se concentre sur le visage de sa fille. Elle avait beau avoir ce caractère entier, il émanait d'elle une fragilité qui lui donnait envie de la protéger...Après tout. Il en a le droit et le devoir car elle est sa fille. Le devoir oui...Celui qu'il a renié durant 23 années. Celui dont il a relégué à son plus loyal serviteur la charge, sans se soucier des conséquences que cela aurait plus tard. Et ce plus tard. C'était maintenant.

"Cette enfant est le portrait vivant de son grand-père. Elle va nous attirer des ennuis. C'est une vraie Pallikari. Un charme machiavélique aggravé par une fâcheuse tendance à dépasser les bornes du tolérable. Que vais-je faire d'elle ?"

Ainsi allait la préocupation du général princier à l'encontre de celle qui venait chambarder toute sa vie bien réglée.

- Pallikari ? J'ai fait prévenir ta cousine de ta présence en ces lieux dès que j'ai eu vent de ta visite. Elle ne devrait plus tarder, je te demanderais vu mon état de bien vouloir lui prêter accueil cordial. Il s'agit de la fille de mon défunt frère. Vous n'avez d'ailleurs que très peu d'écart toutes les deux.

La froideur et l'incompréhension des deux prunelles grises qui se posent sur lui le rende alors muet.
Charlyelle
"- Oh triple zut!

Son exclamation un peu leste, soulignée par cette pointe d'accent écossais, dénonçait une éducation rustique coloniale. Elle considéra son ...père...avec consternation. Puis, elle jura de nouveau. Sans remords. Persuadée que le mauvais sort s'acharnait sur elle et qu'à sa place, un Saint, n'importe lequel soit-il aurait témoigné de la même exaspération.
Bondissant sur ses pieds elle réprime un soupir. Pourquoi fallait-il qu'elle soit si soupe au lait quand la bienséance exigeait au contraire la plus grande diplomatie de la part d'une jeune femme telle qu'elle. En dépit de quelques efforts répétés, elle n'était jamais parvenue à maîtriser ses réparties souvent trop vives. Habituée depuis toujours à agir selon son gré, elle se révoltait aujourd'hui violemment de ce qu'elle considérait comme une aliénation de sa liberté.


- Ton désappointement me désole !

"- Oh ne prenez pas vos grands airs de martyrs avec moi ! Je suis bien placée pour savoir que les blessures les plus profondes ne sont pas forcément causées par un canon ou une flèche."

Sa voix faiblit. Et un long silence s'installe entre eux, alors que de son oeil avisé elle vérifie que la guérison se fait doucement.

- Peut-être pourrions nous instaurer une sorte de trêve si ce n'est une paix entre nous ?

Et le princier paternel de tendre sa main face à cette fille au caractère trempé qu'il a engendré. Les mâchoires serrées, hésitante, elle glisse sa main dans la sienne. Puis renifle, alors que son regard semble s'embuer. Et forcément, cela n'échappe pas à l'oeil perspicace paternel.

- Je suis désolé.

Une brune qui relève fièrement le menton tout en soutenant le regard de son père. Ce regard si semblable au sien. Frappant comme des yeux peuvent prendre les gènes tout autant maternels que paternels.

"- Je sais que les hommes méprisent les femmes qui pleurent. Aussi moi je ne pleure jamais..enfin presque. C'est seulement que...je ne suis pas habituée..à rencontrer..mon père."

- Des iris couverts de rosée.

"- Je vous demande pardon ?"

- Tes yeux. Quand tu tentes de retenir tes larmes. Ils ressemblent à des iris couverts de rosée.

"- Comme c'est joliment dit. Vous êtes vraiment le meilleur des...pères".

Le ton est railleur bien évidemment que la Dentellière n'en pense pas un traitre mot.

-Bientôt Pallikari, je t'emmènerais voir les Balkans et cette terre d'où tu viens en partie. Tu verras la herse de notre château familial avec ses épais murs de pierre et son donjon couvert de lierre. Et tu verras l'ancienne salle d'armes. Quand nous étions enfants, mon frère et moi adorions nous cacher dans les armures pour effrayer le personnel. Nous avons plus d'une fois manqués mourir asphyxiés et ton grand-père a fini par les faire sceller définitivement.

"- Non, je ne veux pas. Je préfère de loin les cachots de celui où vivait ma mère. Ilug m'a raconté que des fantômes continuent à s'y promener la nuit ! Et...il est mort il y a longtemps votre père ?"

- Il a été tué en combattant voila quelques années contre les françoys. Mon frère est décédé mais tu connais bien les conditions, en Ecosse.

A ce souvenir, une ride profonde barra son front, lui arrachant une grimace de douleur. Mais Charlyelle regarde posément le Général. Et nul apitoiement dans la voix. Mais comme un reproche.

A mon avis, les françoys ont une dent contre votre famille. Quelle idée aussi que de passer son temps à se battre.

- Ce n'est pas une passion mais un devoir envers nos terres Pallikari. Nous devons savoir nous sacrifier pour elles et accepter les pertes des êtres qui nous sont les plus chers, même si cela peut nous sembler injuste et odieux. Dans la famille, le titre de prince est transmis de père en fils. Or je n'ai que toi et la tradition serait brisée s'il arrivait malheur.

"- Vous n'avez qu'à engendrer un fils !"

- Non. Tu vas m'engendrer un petit-fils.

> résonna soudain une voix aigre.

Charlyelle fit volte face et sa bouche s'arrondit. La vieille dame qui venait d'entrer semblait tout droit sortie d'un autre âge. La seule réflexion que put se faire la brune écossaise sur le moment était que cette femme là, ce n'était certainement pas la cousine attendue par son père.


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--Kaolyn_mcalaig





Kaolyn Mc Alayg. La Matriarche du clan. Inconnue encore de Charlyelle. Kaolyn Mc Alayg se refusait obstinément à porter les toilettes en vogue dont elle dénonçait l'indécence. Austère et rétrograde, elle affectionnait les robes empesées du siècle précédent et s'entêtait à opter pour des tons peu flatteurs. Pour l'occasion, pour la rencontre avec cette petite-fille dont il lui avait fallu vivre éloignée sous le joug de son père, même si cela lui avait déplu ; elle avait choisi un des modèles les plus démodés de son impressionnante collection. Une lourde jupe violette en velours qui lui rendait incommode la position assise. Son bustier trop serré était surchargé de dentelles défraichies et un énorme turban mauve surmontait son visage osseux. Enfin, une multitude de broches, breloques et bracelets étaient censés agrémenter l'ensemble.
Charlyelle n'était pas sa seule petite-fille, mais elle tenait à voir la tradition se perpétuer. Aussi estimait-elle que le père de Charlyelle aurait du privilégier ses devoirs familiaux bien avant au lieu de ses devoirs patriotiques. Et il n'était pas rare de l'entendre se répandre en termes méprisants sur la poltronnnerie des femmes de la noblesse. Alors puisque son "beau-fils" n'envisageait pas d'avoir d'autre descendance que Charlyelle, il devenait urgent que celle-ci leur fasse un héritier. Elle passait donc l'essentiel de son temps dans ses appartements pour marquer son mécontement envers le père de Charlyelle. Car la matriarche s'était délibérément crevé les yeux à la mort de sa fille. Et si cela n'avait tenu qu'à elle, il y a longtemps qu'elle aurait gardé sa petite-fille auprès de sa personne, mais le père de la Pallikari l'en avait empêchée. Silence glacial avant de tenter une manoeuvre de déstabilisation de sa petite-fille.

- Que contemplez-vous donc aussi fixement ma fille ?

En effet, le premier instant d'étonnement passé, Charlyelle semblait n'avoir d'yeux que pour la profusion de bijoux de la vieille dame.

"- Vous ! Vous ressemblez à un arbre de la Nativité !"

- Oh !

La Matriarche s'en étranglerait d'indignation si Ilug, n'avait un geste apaisant envers Charlyelle.

Kaolyn, je te présente ta petite-fille. Charlyelle. Si tu lui en demandes l'autorisation, elle te permettra peut-être de l'appeller Charlye.

Ilug sourit, tentant d'apporter apaisement car il sait que la situation n'est aisée pour personne. Ni même pour lui. Et il ne doute pas que Charlyelle va très certainement trouver bizarre qu'il emploie une telle familiarité envers la grand-mère de la jeune fille. Il lui expliquera plus tard le pourquoi.
L'irascible vieille dame assène alors un vigoureux coup de canne sur le sol.

- Je n'ai pas d'autorisation à lui demander ! J'ai été engendrée par un Duc et mariée à un Marquis cela me donne des droits !Vraiment Ilug tu as du perdre la tête pour me parler ainsi !

Charlyelle est ta petite-fille. Tu sais très bien qui est restée auprès d'elle depuis sa naissance et tu pourrais te montrer polie à défaut de lui témoigner quelque sympathie, voire un amour quasi-filial.

- C'est trop fort ! Par ailleurs tu devrais savoir que je n'ai jamais supporté la vulgarité de ces jeunes filles du peuple. Ce n'est pas à mon âge que je vais changer d'avis. Petite-fille ou pas !

Elle arborait son expression la plus hautaine, et sentait la tension de la jeune fille qui montait. Un test. Une épreuve. Voir comment elle allait s'en tirer. Charlyelle porte t'elle les gènes de leur famille qui font ce qu'ils sont.

"- Quand je pense que la noblesse se targue d'avoir des manières irréprochables ! Et bien si le fait d'avoir un titre de noblesse doit rendre aussi acariâtre, vous savez tous où vous pouvez vous le mettre ! Je suis bien aise de ne pas le porter et je ne le porterais pas !"

- Péronnelle !

"- Bigotte !"

Charlyelle ! Je t'en prie ! gronde alors Ilug, bien ennuyé de voir ainsi la grand-mère et la petite-fille s'invectiver. Les visages courroucés de Charlyelle et Kaolyn pour toute réponse, il décide alors de garder un silence prudent. Partagé entre l'amour qui le liait à la grand-mère de la jeune fille - et dont elle ignorait là encore tout- et l'affection qu'il avait pour Charlyelle, lui qui ne l'avait jamais quitté depuis sa naissance. Le moment était mal venu pour lui de choisir son camp.

- Bien. Où en étions-nous ?


"- Je vous ai traité de bigotte !"

- Ah oui...Pimbêche !


Et la Matriarche de penser ainsi s'être assuré le dernier mot.
Charlyelle
La petite-fille, face à cette grand-mère maternelle qui à son sens, mérite tout autant son mépris et sa haine que l'engeance de père qui lui avait donné la vie. Aussi fautifs l'un que l'autre. Pas de pardon. Ils sont autant l'un que l'autre, en ce qui concerne la Pallikari, à mettre dans le même panier. Elle ne veut pas même chercher à comprendre, foudroyée par la colère. Pimbêche ! C'en est trop pour l'Ecossaise qui plante des emperlées dangereusement houleuses dans celles inertes, de la matriarche. Lui claquant ce qu'elle pense être pour elle la suprême injure.

"- Maudite évangéliste !"


- Maudite quoi ?!!!

Les bijoux émettant un cliquetis comme jamais.

- Comment osez-vous m'associer à cette bande de dévots hypocrites ? Je ne fréquente pas cette race là moi !

"- Alors je vous demande pardon. Je n'avais pas l'intention de.."

Elle est coupée par la vieille dame, visiblement ébranlée. Là pour le coup Charlyelle, tu peux te dire que tu as cogné fort. Peut-être bien trop fort même. Le retour risque d'être corsé.

- Pourquoi pensiez-vous que j'étais évangéliste ?

"- Parce que eux non plus ne m'aiment pas ! Ils sont persuadés que je suis l'incarnation du diable !".

Le visage de la Matriarche s'illumine.

- Sornettes ! Après tout peut-être n'êtes vous pas une mauvaise fille si cette troupe de tartuffes vous déteste.

"- Ce n'est pas une raison pour me prendre sous votre aile !"

- Si telle était mon intention ma petite, vous pourriez vous estimer heureuse ! Mais ne croyez pas, petite-fille que vous m'êtes, m'avoir si vite conquise. Ilug. Tu ferais mieux de ramener cette demoiselle. Nous ne pourrons rien en tirer de bon. A l'avenir tâche de t'en souvenir !

La Matriarche prend son air le plus pincé et un ton courroucé, la tête penchée vers celui auquel, en son temps, avant que de devenir ce qu'elle est, avait toute sa confiance et bien plus encore.

Ilug quant à lui sourit mais dans le ton de sa voix, elle pouvait très certainement l'entendre.


Je te confirmes que oui, il s'agit bien de ta petite-fille. Et qu'elle pourrait presque être la mienne.

Charlyelle en reste sans voix, cherchant à comprendre. Elle secoue la tête, pose un regard empli d'interrogation sur son père, un autre sur Ilug et pour finir regarde cette vieille femme qui vient de lui être présentée comme étant sa grand-mère. Mais c'est sans compter la curiosité de la jeune fille.

"- Comment cela vous auriez pu être mon grand-père ? Vous voulez-dire que cette vieille bique et vous.."

Charlyelle ! Il suffit maintenant !

- La fille d'un duc courtisée par un marquis ne s'unit pas à un homme sans le sou. Druide de surcroit.

"- M'enfin Ilug et vous ne lui dites rien à cette vieille bique ? Comment pouvez-vous être ma grand-mère ? Quelle importance cela a t'il ? Ilug est un vieil homme charmant et je suis certaine qu'il l'était tout autant étant jeune. Même une princesse aurait été fière de l'épouser ! Ah ah ah !!! Vous l'aimiez et il n'a pas voulu de vous pour ça qu'il dit qu'il aurait presque pu être mon grand-père ? A moins qu'il ne vous ait abandonné après une idylle ?"

- Abandonnée !

La Matriarche tempête, le visage congestionné par la fureur.

- Cet inconscient s'est sauvé avec moi au contraire !

Mortifiés de s'être trahis, les deux ancêtres observent l'un et l'autre un silence mortifié alors que Charlyelle, toute colère subitement envolée les regarde l'un et l'autre avant d'éclater de rire. Le visage se transfigure et elle battrait presque des mains si les prunelles de son père en pétard ne l'incitait à quelque prudence.

"- J'adore les histoires d'amour qui se terminent par une fugue. Cela a t'il fait un gros scandale ?"

- Non, non. N'en parlons plus, tout cela est ridicule.

Drapée dans sa dignité, la vieille dame refusait d'en révéler davantage. Mais l'intuition de la brune lui dicta le reste.

"- Vos parents s'opposaient à cette union car ils devaient juger Ilug trop excentrique à leur goût. Mais comme il était votre seul amour, vous vous êtes enfuie avec lui. Malheureusement on vous a retrouvés à temps et séparés de force. Et Ilug est resté soigner son coeur brisé avec moi puisque mon père incapable de m'assumer avait décidé que ce serait donc à lui de le faire pendant que vous on vous mariait contre votre gré à un odieux personnage très certainement."

Le Vladimissime éclate alors de rire, faisant un clin d'oeil à Ilug. Geste qui n'échappe pas à la brune qui ne sait néanmoins pas comment interpréter cela.

_Il me semble que ton grand-père jeune fille, n'ait jamais été odieux. Un peu emporté certes, mais tout à fait supportable.

"- Ne craignez rien, votre secret sera bien gardé. S'il y a une seule personne ice-lieu en qui j'ai une confiance absolue, ce n'est ni vous mon père, ni vous ma grand-mère, mais bel et bien Ilug."

Le ton s'est fait tranchant et acéré, sans aucune pointe de pitié ou d'une quelconque absolution. Néanmoins, un seul regard jeté sur le visage de sa grand-mère, l'incita à penser qu'elle faisait fausse route en lui tenant rigueur à elle du passé. Non. Le seul fautif, c'était son père. Rassemblant tout son courage elle finit par se tourner vers sa Matriarche.

"- Je suis désolée de vous avoir traitée de bigote. Je ne vous ai témoigné ni la gratitude que vous étiez en droit d'attendre, ni le respect du à votre rang. Veuillez me pardonner."

C'est bien Charlyelle.

Approbation tacite d'Ilug, toujours fort calme.

Mais refusant d'avouer la satisfaction que lui procure ce semblant de reddition de sa descendance, la vieille dame se contente de rétorquer d'un ton maussade.


- Ne croyez pas réussir à m'amadouer avec de telles excuses. Mais je reconnais que je suis au moins aussi coupable que ton père. Nous n'en serions pas là s'il n'avait pas eu ces idées déplorables et si j'avais su lui tenir tête. Mais Ilug n'a rien fait non plus pour nous en empêcher !

Et c'est d'abord muette de stupeur qu'elle reste. Puis les bonnes intentions de l'Ecossaise disparurent dans un accès de fureur. Comme mue par un ressort invisible, elle repousse brutalement son siège et assène un vigoureux coup de poing sur la table de bois, retenant un cri de douleur.

"- Comment pouvez-vous proférer de telles sottises ! Ilug est au contraire un modèle de générosité. Quant à vous, je retire les excuses que je viens de vous faire...Vous n'êtes qu'une mégère et un dragon en jupon !"

Charlyelle !!

C'est un Ilug catastrophé qui s'adresse à elle. Un silence lourd de menaces qui s'installe, suivant l'empoignade. La Matriarche parut un instant au bord de l'apoplexie, puis soudain, ses traits se détendirent. Contre toute attente, Charlyelle venait de monter considérablement dans son estime.

- Dragon en jupon. Quelle injure originale. On ne me l'avait encore jamais dite celle là. Je pensais pourtant les connaitre déjà toutes...Asseyez-vous donc petite. Je vous remercie d'avoir enrichi mon vocabulaire.

Et pour la première fois depuis son entrée dans les lieux, elle ébauche un sourire à l'intention de Charlyelle. Mais la brune elle, ne se déride pas. Et c'est humblement qu'elle se tourne vers Ilug, le visage grave.

"- Que dois-je faire à présent Ilug ? Si vous regrettez de m'avoir emmenée ici, n'hésitez pas à me le dire et je partirais sur le champ."

Tout le monde a toujours été terrifié à juste titre par les éclats de voix de votre grand-mère. Vous l'avez habilement contrée et amusée malgré elle. Ne vous sauvez pas maintenant en me laissant à sa merci. Je préfèrerais affronter toute une armée françoyse.

"- Et moi je suis prête à combattre une armée de douairières comme elle pour vous défendre !"

Le vieux druide sourit et la força doucement à se rasseoir. Il pose la main sur son épaule en un geste inconscient de protection. puis se tournant vers la Matriarche il lui déclare posément

Vous m'obligeriez en cessant de harceler votre petite-fille. Elle a déjà du faire face à assez de calomnies comme cela, sans compter le fait qu'elle vient d'apprendre que son père est bel et bien vivant lui. Et que les évènements passés ont fait de la situation ce qu'elle est advenue aujourd'hui.

- Tu oublies les injures dont elle m'abreuve depuis son arrivée Ilug !


Il ne faut pas t'étonner de voir tes propres armes parfois utilisées contre toi. C'est la règle du jeu que vous avez souhaité imposer toi et ton beau-fils il y a des années de cela. Je demande que vous fassiez une trêve afin de la laisser respirer.

La vieille dame se tait et écoute sa petite-fille, qu'elle considère elle, comme responsable de cette fâcheuse situation. C'était d'elle qu'Ilug prenait la défense et non plus la sienne. Bah la pauvre petite n'avait à son avantage que des yeux remarquables et un teint velouté si elle en avait bien saisi la description de son père. A moins que..Si Charlyelle possédait le charme irrésistible de son grand-père et l'art de s'en servir, elle était peut-être plus dangereuse qu'elle n'y paraissait.

- Ilug. Tu n'as pas fait ça ? Tu ne lui a pas enseigné...

Et elle se tait entendant le rire du vieil homme. Ainsi elle a vu juste. De sérieux ennuis allait se préparer si Charlyelle n'était pas surveillée attentivement. Très attentivement.

- M'imagines tu Ilug, moi qui n'ait pas la réputation d'être charitable, m'ériger en protectrice de cette petite impudente ? Ne trouverait on pas cela étrange ?

C'en était trop pour Charlyelle qui cette fois, décida de tourner les talons pour de bon, sans se souçier de personne. Elle n'entendit jamais la suite de ce qui se dit, et refusa plus tard d'écouter Ilug sur le sujet. Se bornant à ne pas en savoir davantage que ce qu'elle venait d'entendre.

Elle ne vit pas non plus ni n'entendit la colère de son père s'élever contre la Matriarche, alors qu'elle était déjà au grand galop à repartir sur les chemins.

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