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[RP] Ouvert - La Dentelière-Maison de Haute Couture Epicée

Soren
« Flashback »

Dehors le vent s'était déchainé soulevant des étoupes entières de neige folle, faisant tourbillonner ces cristaux à son gré avant de les rejeter contre des dunes de leurs semblables plusieurs pieds plus loin. Dans cette tempête, il était impossible d'y voir à plus de dix pieds. Rentrer au castel cette nuit eut été de la folie même pour les danois qu'ils étaient. Quand à rester ici jusqu'au petit matin, c'était courir tout droit vers le courroux parental. Au moins ici, ils étaient à l'abri. Sans nourriture. Sans eau. Sans aucune possibilité de faire du feu pour se réchauffer et ce n'était pas la petite lampe-tempête qui pourrait lutter contre les températures glaciales de cette froide nuit de février. Chacun d'entre nous s'était recroquevillé dans un coin de la cabane de fortune, s'emmitouflant du mieux que possible dans nos peaux de loups, de renards, d'ours. Les visages étaient fermés, les traits soucieux. Pour la plupart d'entre nous, c'était sans doute la première nuit loin du confort familial, dans une nature hostile. Seul lui et moi avions déjà dû être confronté à pareille situation. Lui, c'était...

- Père m'a dit une fois que les tempêtes par ici pouvaient facilement durer 7 jours et 7 nuits et...

- Tais-toi! Qu'est-ce que tu cherches à faire? Nous effrayer?

- Seurn a raison. Mieux vaut parler d'autre chose.

- Dis-moi Jørgen, de quoi as-tu le plus peur? De rester coincé ici à cause de la tempête? De mourir de froid? De faim? De faire dans tes braies devant tes amis ou...de la rouste que ton paternel va te donner quand il s'apercevra que tu n'es pas rentré de la nuit?

- Tu te crois le plus fort hein?

- Jørgen!

- Sveeeeen? Ainsi c'est donc toi la nourrice de Jørgen? Le bruit courait au castel mais je n'osais y prêter attention. Il faut croire que je suis trop naif.

Morten s'était levé d'un bond, les traits déformés par la colère. s'apprêtant à se ruer sur l'orgueilleux. Mon bras s'étant interposé, il interrompit son mouvement. Son regard s'emplit de points d'interrogation alors qu'il croisait le mien. Ce n'était pas le moment de se déchirer, de régler ses comptes ou d'affirmer sa supériorité sur les autres. C'était plutôt le moment de se serrer les coudes. Morten était intelligent. Il était sans doute le plus réfléchi de notre bande. Il n'y avait nul besoin de paroles, il avait sans doute compris ce que je voulais dire.

- Et maintenant on fait quoi? On rentre?

- Thomas a raison: on ne peut tout de même pas rester ici jusqu'au petit matin?

- Et on ne peut pas sortir dans cette tempête. On n'arrivera jamais à faire les 3 lieues qui nous séparent du castel dans ces conditions-là! Il faut prendre notre mal en patience et espérer que la tempête ne fera que passer. Au moins, on a...

Je n'ai même pas eu le temps de terminer ma phrase qu'un bruit de verre se fit entendre au milieu des sifflements du vent. La faible lumière qui éclairait la pièce se dissipa instantanément. La flamme de la lampe s'éteignit dans un pschiiiitttt éloquent. Pas de nourriture, pas d'eau, pas de feu et maintenant plus de lumière. Pas même celle des étoiles ou de la lune. Rien. Et ce cri de loup, au loin, porté par les rafales de vent? Était-il sorti de mon imagination ou...?

- Faites attention où vous mettez les pieds les gamins! Il ne manquerait plus qu'on doive soigner des entailles aux pieds dans ces ténèbres.



« Paris, par une nuit froid et venteuse »

- Faites attention où vous mettez les pieds. Il ne manquerait plus qu'on doive soigner des entailles aux pieds dans ces ténèbres.

Une femme. La silhouette dessinée par la lampe avant qu'elle ne se brise vient d'être confirmée par le timbre de la voix. Je me suis imaginé mon hôte sous une multitude de formes différentes: petit, gros, replet, balourd, rusé, pernicieux, sanguinaire, violent, artistique... mais jamais sous des traits féminins. Tendant la main vers la petite table basse, je récupère ma canne. Dans la noirceur de la nuit, trois tocs se font entendre alors que je m'approche de la porte d'entrée. Le bout de la canne repousse un morceau de verre en face de moi. Mon hôte est en face de moi mais je n'arrive pas à percevoir ses traits. Quand à sa voix, elle ne me dit rien d'autre. Une femme...

- Étrange question que la vôtre! Vous attendez-vous à ce que je vous montre l'invitation que vous m'avez envoyé pour que vous ayez connaissance de mon identité? Ou alors avez-vous donné rendez-vous à plusieurs personnes? Ou...Vous a t-on vous aussi invité ici?

"Après tout danois, qu'est-ce qui te fait croire qu'elle est celle qui t'a invité ici?". Du revers de la manche, j'extirpe le message que j'ai reçu. Le froissement du vélin se fait entendre dans la pièce. Le tendant dans sa direction, je cherche à croiser les prunelles de ses yeux.

- Si vous n'êtes pas celle qui m'a convié ici, mon nom ne vous dira rien...Et si vous êtes l'auteur de ce message, alors nul doute que vous le connaissiez déjà. Aussi, comprenez que je trouve votre question étrange.

Pivotant d'un quart de tour vers sa droite, j'espère ainsi trouver un angle où je puis mieux discerner ses traits. Il parait qu'un visage en dit long parfois sur une personnalité.

- Mais puisque je suis bon joueur... et dans une période magnanime...Seurn Eriksen! C'est comme ça que la plupart des personnes me nomment. Maintenant dites-moi: pourquoi m'avez-vous convié à cet étrange rendez-vous? Que me voulez-vous?
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Charlyelle
Voyager c'est être infidèle. Soyez le sans remords. Oubliez vos amis avec des inconnus. - Paul Morand - Eloge du repos.

On m'a dit un jour que le monde est toujours plus vaste qu'on ne le pense.

J'ai depuis ma plus tendre enfance, gardé un profond respect pour celui qui m'a soufflé cette phrase : mon grand-père. Ilug. L'homme qui venait de l'extèrieur, comme il se disait dans le clan des McAlayg.
Nul n'a jamais su de quelles contrées il venait vraiment. Il n'était pas Ecossais.

J'appris plus tard qu'il ne faisait pas non plus partie des terres paternelles. Mais à ce jour, ses origines sont toujours restées un mystère pour moi. La seule chose qu'il m'ait dite une fois, c'est que je tiens mes pierres de lune, mes yeux d'un gris opalescent si pâles et délavés, de sa famille. Je suis comme la nuit, captivante et troublante. C'est ce qu'il aimait toujours à dire. Mais jamais il n'a nommé de quel endroit il venait autrement qu'en parlant du Nord. Et le Nord, c'est vaste aussi.

Je me demandes même si ma grand-mère sait d'où il vient. Et si elle le sait, pourquoi elle n'en parle jamais. Ma grand-mère Kaolyn McAlayg, vit en Ecosse, elle est restée là-bas. Le jour où elle a appris le décès de ma mère, elle s'est crevée les yeux. Depuis, elle vit dans la cécité. Dans la nuit.
Mon grand-père pour qui j'ai acquis cet endroit, a disparu depuis plus d'une année. Lui qui a veillé sur moi depuis ma naissance, s'en est parti rejoindre un autre monde.

Pourquoi est-ce que je penses à eux, à cet instant précis. Sans doute parce que l'obscurité s'est faite profonde.


- Faites attention où vous mettez les pieds. Il ne manquerait plus qu'on doive soigner des entailles aux pieds dans ces ténèbres. 

" - Tout le monde peut se faire surprendre par les éléments."

Le verre, répandu à terre, reflétait la faible lueur de la chandelle que je venais d'allumer. J'en allumais d'autres, méthodiquement, connaissant chacun de leur emplacement dans cet endroit qui était la façade honnête de ce qui me servait de boutique.

Mes pieds avaient su se déjouer des entailles, et désormais, la lumière tamisée illuminait la pièce de petits points dorés et diffus.
Je me penchais, pour ramasser les morceaux et les mettre en tas. Lorsque j'eus fini, je me relevais pour aller chercher de quoi les envelopper.

Une sueur froide me glaça le dos aux paroles de cet homme. Qui donc avait bien pu inviter ce Nordique ici, alors que les lieux m'appartiennent ? Je n'osais toujours pas lui faire front, laissant le temps à mon esprit de se calmer et retrouver sa lucidité habituelle. Il n'avait rien à voir avec le Danois de mes souvenirs, depuis lesquels je me complaisais à vivre dans ce carcan de glace que je m'étais forgé. Devenu mon élément familier et quotidien.

 "- Vous êtes ici chez moi, et je n'y ai invité personne. Pas même vous. Mais puisque vous êtes là, il ne sera pas dit que l'hospitalité est un vain mot en ces lieux. Charlyelle Ileana McAlayg".

Mon instinct me disait de ne pas me présenter plus avant et je taisais donc volontairement la filiation paternelle et tout ce qui pourrait en découler.

Mes pierres de lune se figent enfin dans les prunelles du Danois, captant son regard, quand j'entends des coups frappés à la porte. Et tout en prenant entre mes doigts le vélin qu'il me tend, je demandes


"- Aurions-nous d'autres invités ?"

Je n'esquisses néanmoins aucun geste pour aller vers la porte. Après tout, celle-ci est ouverte à qui se présente, la boutique ayant pignon sur rue. Et les clients ne frappent jamais à la porte, se contentant de l'ouvrir directement.

Skyrim - Lindsey Stirling & Peter Hollens
Soren
Les morceaux de verre crissent sous mes pieds alors que je tourne sur moi-même pour suivre son mouvement. L'obscurité cède peu à peu du terrain au fur et à mesure que les chandelles s'allument. MacAlayg? Vraiment? Une écossaise? Dans mon esprit, toutes les escotes sont rousses. Enfin toutes...exceptées ma mère parce qu'elle était prédestinée à épouser un sale danois... et ma soeur qui aurait dû être blonde comme toutes les descendantes des Eriksen...jusqu'à ce que le sang MacFadyen la fasse dévier du chemin établi. Elle? Quelle malédiction porte t-elle en elle pour ne pas être une rousse escote? Méfiance. C'est ce que m'inspire la situation actuelle. Elle prétend ne pas m'avoir inviter et pourtant elle ne s'offusque pas plus que cela de ma présence. L'hospitalité implique t-il de ne pas s'étonner qu'un individu ait envahi son chez-soi sans crier gare? Ramasser les débris de verres est-elle la priorité absolue en pareille situation? Elle ne me craint pas...ou du moins pas assez. Pourquoi? Si j'étais à sa place, hospitalité ou pas, les questions auraient fusées...et mon regard n'aurait pas quitté un seul moment les mouvements de ses mains et la place de ses armes.

Dit-elle vrai? N'est-ce pas elle qui m'a convié ici? Elle n'a même pas daigné jeter un coup d'oeil sur le vélin que je lui tend. En connait-elle le contenu? Si non, comment expliquer un tel manque de curiosité? Cette femme est une énigme. Ce lieu est nimbé d'une aura de surnaturel. Ce rendez-vous est une incongruité. Je commence à regretter de m'être laissé aller à la curiosité, surtout lorsque l'on vient frapper à la porte. Tout mon visage doit trahir la suspicion que je ressens en cet instant précis. Un guet-apens! Le piège va se refermer peu à peu sur moi. Voilà ce qui explique sa trop grande tranquillité. Les sourcils froncés, mon regard va de ses prunelles à la porte, et de la porte à ses yeux. Elle ne cherche même pas à aller l'ouvrir. Mieux même, elle prend désormais mon vélin, un geste que j'interprète comme une invitation à me débarrasser du superflu et à aller moi-même ouvrir la porte. C'est ce qu'elle veut? Eh bien, il ne sera pas dit que je serais un invité difficile! Lui laissant le message entre les mains, je m'approche de la porte à reculons. Pas question de lui tourner le dos. Pas maintenant. La main droite se pose ostensiblement sur la poignée de ma dague danoise. geste naturel d'auto-défense chez moi.

Instant d'incompréhension, de stupeur. Non! Ce n'est pas possible. Mon esprit refuse d'accepter les messages que mes yeux s'obstinent à lui envoyer. L'homme en face de moi, celui qui frappait à la porte il y a peu encore, se peut-il vraiment que ce soit lui? En cet instant, toute ma raison est concentrée à combattre cette impossible qui devient de plus en plus tangible à chaque instant. J'en viens même à oublier la présence de Charlyelle Ileana MacAlayg dans mon dos tellement l'apparition que j'ai en face de moi vient puiser avec une extrême indécence dans mes souvenirs les plus anciens. Même mes lèvres se refusent à prononcer son nom.


- Toi?

- Voilà bien une drôle de façon d'accueillir et de nommer un vieil ami... Seurn Eriksen!

Je ne sais plus quoi faire. J'ai l'impression de flotter dans des nuages de souvenirs, de plonger dans une sorte d'introspection brutale et soudaine dans mon enfance. Cette voix... Son timbre a changé mais le ton assuré de chacune des syllabes ne trompe pas.

- Ni...Niels? C'est...t...toi?

D'un geste assuré du bras, le danois m'écarte du bras pour pénétrer à son tour dans la pièce. Se dirigeant vers la MacAlayg, il s'arrête devant elle, la salue d'un hochement de tête et d'un baise-main distingué. Les questions se bousculent dans mon esprit. Niels...mon ami d'enfance, une personne que je n'ai pas vu depuis mon bannissement du Danemark. Niels...Celui-là qui fut le porteur de la proposition de mon oncle...Niels...Ici? Pourquoi? Dans quel but? Est-ce lui qui m'a invité ici? Et quel est le rôle de cette...MacAlayg? Tout s'embrouille encore plus dans mon esprit.

- Tu es compliqué à suivre Seurn. Et surtout, tu ne sais pas lire!

S'emparant avec autorité du message que Charlyelle tenait dans sa main, il me le montre comme une évidence, comme si cela devait dissiper mes questions. Son regard porte au delà de mes épaules. Un hochement de tête. Rien de plus.

- Heureusement, je t'ai fait suivre depuis ton départ du Périgord...

Une douleur fulgurante, brutale, soudaine, violente. Elle part du haut de la tête et se diffuse dans la moindre fibre de mon corps. Ma vision se teinte subitement de rouge avant qu'un voile noir ne l'obscurcisse totalement. Le rouge et le noir. Une fois de plus. Toutes mes forces m'abandonnent subitement. J'ai l'impression que tout mon être se liquéfie. Mes jambes ne me soutiennent plus. Une masse s'effondre alors sur le sol, inconsciente.

Niels se retourne alors vers Charlyelle pendant que les silhouettes de quatre hommes d'arme font irruption plus en avant dans la pièce, venant prendre position de part et d'autre de leur chef.


- Un plan ne se déroule pas toujours comme on le prévoit. Un homme avisé se doit de toujours savoir faire face aux imprévus. Vous n'aviez pas de rôle dans toute cette mise en scène...jusqu'à ce que cet imbécile par son inattention en décide autrement.

Son regard masque presque un sentiment d'excuse lorsqu'il se pose sur l'escote mais le ton de sa voix est sans appel lorsqu'il s'adresse à ses hommes de main.

- Emparez-vous d'elle! Elle en sait trop, je ne puis lui laisser sa liberté!
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Charlyelle
La Dentelière se sent épiée de manière scrupuleuse et sent bien que l'inconnu Danois ne se sent pas en confiance. Elle ne sait ce qu'il craint mais il semble être aux abois, tel un animal sauvage.

Et sa stupéfaction va crescendo lorsque se présente à la porte un autre Danois, un vieil ami au premier à ce qu'elle peut comprendre. D'instinct, elle n'aime pas cet homme et sa dextre se porte dans le creux de sa hanche, se saisissant de sa dague qu'elle dissimule d'une main rapide et habile derrière son dos, perdue dans les étoffes des jupons.

Et c'est alors qu'elle voit le Danois investisseur de boutique s'effondrer au sol. Elle se précipite vers lui pour venir à son aide mais des hommes d'armes surgissent et se postent de manière à l'empêcher de le rejoindre.

Elle peste alors intérieurement, pour une fois où les hommes de son père lui aurait servi à quelque chose d'utile, elle leur a faussé compagnie en les laissant dans la campagne Toulousaine ! Ce n'est pas d'eux cette fois qu'elle obtiendra le moindre secours.


Elle se sent de plus en plus mal à l'aise, l'homme a un comportement étrange en découvrant les armoieries sur sa dague. Le regard se fait de nouveau respectueux, de la même manière étrange qu'en arrivant, il s'est incliné devant elle en lui baisant la main. Par quel invraisemblable hasard ce Danois pourrait-il éventuellement la connaître ? Car il ne fait aucun doute pour elle qu'il la connait ou tout du moins, il connait les armoieries de sa famille. Personne ici ne pourrait la traiter avec tant de déférence puisque tous ou presque ignore qui elle est.

- Un plan ne se déroule pas toujours comme on le prévoit. Un homme avisé se doit de toujours savoir faire face aux imprévus. Vous n'aviez pas de rôle dans toute cette mise en scène...jusqu'à ce que cet imbécile par son inattention en décide autrement.
- Emparez-vous d'elle! Elle en sait trop, je ne puis lui laisser sa liberté!


Une douleur vive à la cuisse droite lui arrache alors un cri perçant. Le dénommé Niels, tout en lui jetant comme un regard d'excuse, vient de lui lacérer la cuisse. Rassemblant ses forces, elle se dégage de l’emprise de Niels. Dans la semi-pénombre, elle tâtonne son corps jusqu’au lieu de douleur. Là, sa main tremblante touche  quelque chose de dur qui lui sort du côté de la jambe droite.

Le soit disant vieil ami du Danois écroulé au sol, découpe le jupon autour de la blessure. Charlyelle jette un œil lucide et là c'est la Dentelière qui observe les faits et gestes.
La lumière vacillante du feu lui permet de constater que la lame du poignard s’est planté dans sa cuisse et y est toujours logé. Le Danois lui colle un mouchoir  en tissu dans la bouche en annonçant 
: « Mords là-dedans ! ». Sans prévenir, il arrache d’un coup sec le corps étranger. Il part alors dans un rire moqueur avant de fondre sur elle, comme un rapace sur sa proie affaiblie. Pas le temps de décocher un direct du droit ou même de se servir de sa dague, qu’elle se retrouve maintenue au sol. Les yeux bleus, presque translucides, de Niels la contemplent. Sans la quitter du regard, il se met à presser de sa main charnue la cuisse droite de la jeune femme, juste là où ça fait mal ! Elle hurle de douleur et pourtant, elle n'est pas du genre douillette l'héritière.

« Vas-y. Hurles autant que tu veux ! Kallipare ! Personne ne peut t’entendre ici ! Et surtout pas lui !»

Il relâche son étreinte et attrape le corps de la brune qu'il jette sur son épaule comme un vulgaire sac de pommes de terre.

Charlyelle perd connaissance alors qu'elle vient de comprendre que ce Danois sait parfaitement qui elle est. Le seul nom qu'il vient d'employer est stupéfiant et ne peut la faire douter..


Dans un endroit inconnu, quelques heures plus tard.

Elle ouvre peu à peu les yeux.

Le dernier souvenir avant son évanouissement lui revient. Elle tâtonne sa cuisse et constate, avec soulagement, que la lame a été remplacée par un gros pansement. Elle est maintenant sèche et en robe de nuit longue.
Il faut qu'elle vérifie ce qui se cache sous ce pansement, elle n'a confiance qu'en sa propre médecine à elle. Et surtout, il faut qu'elle comprenne pourquoi cet homme l'a appellé par un nom que seul les sujets de Valahia connaissent. Par quel étrange mystère, ce foutu Danois connait-il son appartenance à cette famille ?

La Dentelière observe la nouvelle pièce qui s’offre à elle.

Il s’agit d’une chambre d’enfant. A la lumière de la lune qui s’immisce par la fenêtre, elle aperçoit des poupées anciennes qui l’observent de leurs yeux de porcelaine. Une maisonnette en bois leur semble consacrée. Sur la table de nuit, un vieil ours en peluche a été disposé. Il la contemple du seul œil qui lui reste. Son pelage élimé évoque un passé riche de partages avec un jeune enfant.

L’horloge à balancier affiche trois heures. Il faut qu’elle se repose même si la douleur lancinante semble vouloir l’en empêcher.

Elle décide de vérifier si une fuite, même lente, est envisageable. A deux mains, elle soulève sa jambe droite et pivote, non sans serrer les dents. La voilà assise. Elle tente de se mettre debout, appuyée sur sa jambe gauche. Son équilibre est précaire. Elle essaie de faire un pas mais le sol semble se dérober sous elle et elle se retrouve nez à nez avec la descente de lit poussiéreuse. 

Et c'est là qu'elle découvre à même le sol, toujours inconscient, le Danois. Celui qui s'est invité dans sa boutique.

Avec difficulté, elle se laisse choir près de lui, déposant la tête du blond sur sa jambe valide.

Comment s'appelle -t'il déjà ? Elle a le souvenir qu'il s'est présenté. Seurn Eriksen.

Le premier réflexe qu'elle a est de tater sa nuque et d'observer ses tempes afin de vérifier qu'il n'y pas trace de coups. Puis ses doigts décollent quelques mèches blondes qui se sont collées au front.
Elle s'apprêter à lui soulever l'une de ses paupières afin de vérifier la dilatation de sa pupille lorsqu'elle le sent bouger imperceptiblement.

Geste se suspend, se demandant s'il est en train de reprendre conscience.
Soren
      « Ils sont là. Tous. Autour de moi. Cachés derrière une pierre, un arbre, un buisson. Ils m'observent, se gaussent de moi. Croient-ils que je ne les ai pas remarqué? Que je suis si niais? Là-bas, un oiseau siffle. Un autre lui répond. Ils se parlent en imitant la faune pour me tromper. Ils me prennent pour un fat. Devant moi, le chemin tortueux disparait dans l'ombre de cette forêt aux arbres vieux, si vieux qu'ils sont tous biscornus, ratatinés sur eux-même, ridés comme le serait un vieillard qui n'a plus ni un corps vigoureux, ni toute sa tête. Ma main se raffermit sur la poignée de mon épée à la lame fine et longue. Cela fait longtemps que je n'ai pas danser avec les lames, entre les lames. Ce soir pourtant, il le faudra bien. Peut-être. »


Quelques part dans une maison parisienne, une tête blonde dodeline de gauche à droite. Les yeux sont fermés, plissés comme si l'âme se faisait rôtir petit à petit sur un feu de camp du Sans-Nom.

      « Ils sont là. Tous. Autour de moi. Intangibles. La lumière du jour passe au travers de leurs corps diaphanes. Un sourire narquois est ancré à la commissure de leurs lèvres et leurs yeux pétilleraient presque de malice s'ils n'étaient pas fixes et sans vie. Ils me narguent. Ils vont et viennent autour de moi. Ils me frôlent, emmenant avec eux le froid glacial des abysses qui est désormais leur univers. Ils se nomment Jørgen, Sven, Morten, Thomas. Un rire fuse. Un autre lui répond aussitôt. L'écho répercute cette funèbre cacophonie. Un coup d'épée à droite. Un autre à gauche. Je tourne sur moi-même tentant de faucher tout ce qui se trouve sur mon passage. En vain. Les rires s'amplifient, les visages prennent vie à l'exception de leurs yeux, toujours aussi morts. Mon épée passe au travers de ces visions comme s'il ne s'agissait que d'un simple brouillard, une distorsion de la réalité, une apparition. Rien d'autre... Mais une apparition qui me glace le sang, qui s'est emparée de mon esprit, qui m'obnubile. Avez-vous déjà ressenti l'effet de cette pente glissante? Celle qui vous fait perdre le contact avec la réalité, celle qui vous entraine irrémédiablement au seuil de la folie? Je crie à m'en déchirer les cordes vocales et pourtant aucun son ne sort. A leurs rires répond un silence, mon silence, non désiré, comme si tout mon environnement se liguait contre moi. Comme si la nature avait pris partie. Comme si les lois de la physique avaient elles aussi décidé de se rebeller contre moi. Pourtant, mes coups s'accentuent. Je me bats comme un beau diable. Contre des chimères. Contre les fantômes de ceux qui jadis étaient mes amis. Les amis les plus proches que je n'ai jamais eu. »


Les paupières s'émeuvent. Elles cherchent à se séparer mais on aurait dit qu'une force mystérieuse les en empêchent. Les lèvres, elles, ont trouvé la solution mais elles n'émettent qu'un borborygme infâme et incompréhensible, des sons à la limite de l'humain.

      « Ils sont là. Tous. Lui est devant, eux derrière, légèrement en retrait pour respecter un ordre hiérarchique qui n'a jamais existé. Des esprits servant un maître. Voilà ce qu'ils sont. Lui se détache du lot. Les autres se contentent de sourire en m'observant. Lui est pesant. Ses pas laissent des marques profondes sur le seul meuble. Il me sourit, me donne l'accolade comme le feraient deux amis d'enfance. Il m'étreint de manière virile, à la façon des danois. Lui, c'est Niels, l'ami, le confident, mon bras droit tout comme j'étais son bras droit. Mon complément. Celui en qui je puis (ou pouvais) avoir toute confiance. Lui qui est à l'origine de ce sentiment de malaise qui grandit au creux de mon ventre, ce trou immense qui absorbe tout, qui semble si puissant qui rien ne peut lui résister, un peu comme si le centre de l'univers s'était niché au plus profond de mes entrailles. Lui pose ses mains sur mes épaules, me fixant d'un regard intense d'un vide mortel. De son index, il décolle quelques mèches de mon front en sueur.»


- Niels... Froid... Vivant?...Ou mort? ... Niels...

Du noir à l'obscur. Un halo de lumière. Mes yeux s'entr'ouvrent lentement. La peur s'empare de moi. Danger. C'est le seul mot qui glisse à la surface de mon esprit, se diffusant dans toutes les fibres de mon corps pour leur signaler qu'il faut agir avec célérité. L'instinct du guerrier. La main se porte à ma ceinture pour m'emparer d'un poignard et le porter à la gorge de mon agresseur. Elle n'y trouve que du vent. geste futile et ridicule d'un homme désarmé, pris au dépourvu en constatant qu'il est sans conteste à la merci de l'autre.

- Haaaaaaaaan!

Quand on ne peut porter un coup fatal, il ne reste qu'une solution : l'esquive. Le corps se détend comme la corde d'une arbalète et l'instant suivant, je me retrouve à deux pas de mon assaillant. Il ne faut guère plus de temps pour me remettre sur les pieds. Un peu plus pour analyser les signaux confus que me transmettent mes yeux. Et encore un chouia de plus pour que mon esprit envoie aux muscles l'ordre de se relâcher pour cause de manque de danger.

- C'est vous?

Quelque chose ne va pas. J'ai besoin de rassembler mes idées. Niels...L'ai-je vraiment vu ou n'était-ce qu'un cauchemar? Non. Il était bien là. Je m'en souviens désormais: elle m'avait donné rendez-vous chez elle. Il a frappé à sa porte. Il m'a donné l'accolade. Je crois même qu'il a parlé. J'ai reconnu sa voix. C'est lui, cela ne fait aucun doute. Et puis ensuite, plus rien. Le grand vide. Mais quelque chose ne va pas dans tout ceci.

- Où sommes-nous? Je...Je ne reconnais pas ces lieux.

Non. Ce n'est pas ici que j'ai rencontré Niels. Ni elle d'ailleurs. Elle? Elle porte un nom écossais. Mac quelque chose....MacAlayg? Je ne sais plus. Charlyelle. Elle a dit s'appeler Charlyelle. Mon regard se porte sur les meubles, sur la poupée d'enfant à qui il manque un oeil. On dirait la chambre à coucher d'une jeune bourgeoise, une enfant bien née. Qu'est-ce que l'on fait ici? Et qu'est-ce que...

...vous faites en robe de nuit? Ici dans cette chambre?

Machinalement, mon regard se porte sur mon propre accoutrement. Une robe de nuit. De celle dont s'entiche la bourgeoisie. Qu'est-ce que tout cela veut dire? Et ces traces au sol? Mon doigt s'humecte de cette substance visqueuse que je porte à mes lèvres. Elle a un gout âcre et métallique. Du sang?!?!?! Du sang! Mes mains exécutent une brève inspection de mon corps. Suis-je blessé? A part la tête qui résonne comme la cloche d'une église, aucune autre douleur ne parvient à mon esprit. Relevant les yeux, j'aperçois une tâche sombre sur la robe de ma compagne d'infortune...ou de la complice de Niels. Elle est...

- ...blessée à la jambe?

Tout est confus dans mon esprit. Qui lui a fait ça? Niels? Pourquoi? Elle s'est débattue? Ou...est-ce une blessure volontaire pour donner le change? Est-elle une amie? Une ennemie? Ni l'un ni l'autre? La bienséance aurait voulu que je prenne soin de m'enquérir d'elle, de lui demander si elle avait besoin d'assistance. En temps normal oui, c'est ce que j'aurais fait.

- Que faites-vous ici? Qui êtes-vous? Que voulez-vous?
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Charlyelle
« Quand deux êtres doivent se rencontrer un jour,
tout peut arriver à chacun d’entre eux, et ils peuvent suivre des chemins divergents ;
au jour dit, inéluctablement, ils se retrouveront dans le cercle rouge. »

(Krishna)

Je restai un instant à regarder cet endroit sans comprendre. Je serrais violemment les dents lorsque le Danois, d'un geste brusque, se redresse alors, s'éloignant de peu de moi, de nouveau sur ses deux pieds.
Moi, je réprimes un gémissement quelque peu grognon, parce que dans sa brusquerie involontaire très certainement, ma cuisse blessée vient de morfler.

J'écoutais ses questions, tout en suivant son regard qui se fixait soudain au niveau de ma cuisse. C'est ainsi que je m'aperçus que le tissu était sanguinolent. Je me redressais légèrement, calant mon dos contre le mur et je commençais à décoller l'étoffe de ma peau. Je voulais voir ce qu'il en était de ma blessure.

Mais lorsqu'il se met à m'interroger, comme s'il m'estimait coupable de ce qui nous arrivait, je commençais quelque peu à perdre mon sang froid légendaire. Parce que j'avais mal. Parce que je ne comprenais pas comment l'autre homme qui se disait son ami semblait me connaitre pour m'appeller ainsi par un nom qui n'était prononcé que sur les terres de mon père. Et parce que là tout de suite, je me sentais impuissante.


"- Non mais. Vous en avez terminé avec vos questions ? Je vous rappelles que c'est vous qui vous êtes invité dans ma boutique ! Vous et votre vieil ami !
Ami qui au passage, m'a lacéré la cuisse à coup de dague et par le plus étonnant des hasards, cet homme me connait alors que je ne l'ai jamais vu de ma vie !
Ma dague a disparu, et étrangement en regardant les armoieries, il m'a appellé par le nom de mon père !"


Je sentais la colère qui commençait à gronder en moi et j'en venais à me demander si les deux Danois n'avaient pas formentés ce coup là ensemble.


"- Qu'est-ce que vous voulez ? Une rançon pour m'avoir enlevée ? Aussi riche soit-il mon père ne versera jamais un seul écu en échange de sa fille. Parce que personne ne peut le faire chanter ! Non. Personne ne fait chanter l'un des princes de Valachie !"

Je pris une bonne goulée d'air avant de continuer entre deux grognements de douleur.

" - Je suis Charlyelle Ileana McAlayg de Kallipare ou la Kallipari, héritière princière en Principauté de Valahia. Et je serai curieuse d'entendre vos explications et savoir comment il est possible que votre ami puisse me connaitre ! C'est plutôt à moi de vous demander ce que vous voulez !"


Je commençais à perdre patience, réalisant que j'avais certainement du tomber comme une débutante dans un piège.
Je savais bien qu'il ne fallait pas accorder la moindre confiance à un Danois !

Et dans un geste à la fois de colère et de panique, persuadée que personne ne pouvait rien pour moi, j'attrapais l'espèce de poupon à l'oeil pendant et je l'envoyais voltiger avec force en direction du Danois.


" - Pourquoi votre ami nous a trainé jusqu'ici ? Et pourquoi m'a t'il dit que j'en savais trop ? A quel sujet ? Vous êtes son complice c'est ça ?"
Soren
- Terminé? Comment voulez-vous que j'en aie terminé avec mes questions alors que vous ne me donnez jamais de réponse?

Essayer de calmer le maelstrom qui gronde dans ma tête. Retrouver mon calme et analyser avec lucidité les évènements qui viennent d'arriver. Un, cet étrange rendez-vous dans une maison que je ne connais et qui appartient à une personne que je ne connais pas non plus. Deux, l'arrivée impromptue de Niels. Trois, le coup sur la tête. Quatre, ma présence ici avec elle, blessée à la cuisse. Question : toutes ces pièces font-elles vraiment partie du même jeu? Si je me pose cette question, c'est parce que j'ai l'impression qu'elles s'emboitent tellement mal ensemble.

A ses gestes, je puis en déduire qu'elle a l'habitude des blessures. Cela ne l'inquiète pas. La "princesse" en a vu d'autres. Une "princesse" serait pourtant déjà tombée en pâmoison. Est-elle vraiment ce qu'elle prétend être? N'est-elle pas une simple...mercenaire? Autant habituée à prendre des coups qu'à en recevoir?

Je me sens ridicule dans cet accoutrement. Je déteste ça. Niels le sait. Il sait beaucoup de choses sur moi, sur mes gouts, mes forces, mes faiblesses. On cache peu de choses à un ami véritable. Enfin... à quelqu'un que l'on prend pour un ami véritable! Mieux vaut aller trouver un coin dans l'ombre, sur cette paillasse trop petite pour que je puisse m'y étendre sans que mes longues jambes ne dépasse du bout.


Belle lacération! Beau coup, exactement à l'endroit où il faut pour que ce soit impressionnant sans que cela mette votre vie en danger. Le sang coule mais seules les chairs sont tuméfiées. Aucune artère n'a été sectionnée.

L'idée avait germée. Et plus je parle, plus elle semble réaliste.

- Imaginons voulez-vous que Niels, pour une raison que j'ignore encore, désire obtenir de moi certains renseignements. Il sait que je ne suis pas prêt à lui faire le moindre cadeau depuis sa trahison au profit de mon oncle. Alors, il feinte, il entourloupe. Il cherche à obtenir ma collaboration ...indirectement. Comment? En plaçant dans mon entourage une personne qui a pour objectif de gagner ma confiance. Sa stratégie pour y arriver? Nous mettre tous les deux dans le même pétrin. Si je suis un brin retors...et en vérité, je le suis autant que Niels... je m'arrangerais pour que la personne en charge de ce sale travail ait des raisons apparentes d'en vouloir à Niels comme par exemple...

Marquer un temps d'arrêt dans une conversation, c'est comme sortir deux ou trois arguments massue mais sans avoir besoin d'user de sa salive.

- ...une blessure! Et puis voyez-vous, il se trouve que par hasard, les hommes de main du danois...car je ne doute point qu'il en eut... se chargent de me faire perdre connaissance avant que Niels ne vous inflige cette soi-disante blessure. Ensuite...Il suffit de placer le pigeon et son garde-chiourme dans la même chambre et de s'arranger pour qu'ils ne puissent pas en sortir...Leur ôter leurs habits peut-être? Les mettre en robe de nuit? Il ne manque plus que la bière, la charcuterie et quelques chandelles pour que l'oisillon passe à table, n'est-ce pas?

C'est une hypothèse. Ça vaut ce que ça vaut. Une possibilité parmi sans doute un ensemble d'autres. Sa réaction par contre, pourrait s'avérer intéressante. Hum...Je me demande ce qui peut bien la motiver pour travailler avec Niels. Elle n'a rien de scandinave. Où se sont-ils rencontrés? Fait-elle cela pour quelques écus? A t-elle d'autres motivations? Que lui a t-il promis? Trésor? Terres? Ou bien...est-elle simplement sa maitresse? Il y a tout de même quelques points que je ne m'explique pas : que vient faire dans l'histoire son histoire de dague? Ce détail sur le fait que Niels l'aurait appelé par le nom de son père? Quand je parlais tout à l'heure de pièces qui semblaient rapportées d'un autre jeu, en voilà deux beaux exemples! Ce sont le genre de détails que je n'aime pas, des petits rien qui sont à même de vous mettre par terre les théories les plus solides. Déjà que la mienne ne repose pas sur grand chose...Mieux vaut ne pas lui répondre sur ce point. Attendre sa réaction. Oui. Attendre. Son histoire de rançon, c'est classique. Voilà une pièce qui s'emboite bien dans ma théorie : me mettre sur la défensive, me faire sentir coupable pour finalement attirer ensuite ma sympathie. "Voyez? Je ne vous en veux pas. Par contre, maintenant..." . Maintenant, montrez-moi vous aussi que je puis me fier à vous. Répondez à mes questions s'il vous plait... que je puisse porter à Niels les réponses qu'il attend sur les sujets qui le préoccupent.

- Répondre? Que voulez-vous que je réponde? Je n'ai nullement l'intention de vous enlever. Je n'ai aucun intérêt en Valachie. D'ailleurs, c'est à peine si je connais où cela se situe. Tant qu'à faire, si je voulais devenir riche, je pense que j'aurais enlevé la Reyne de France...ou l'une de ses dames de compagnie si je révisais mes ambitions à la baisse. Quand à être le complice de Niels, sachez que lui et moi avons été un temps les meilleurs amis du monde mais que tout ceci est révolu désormais. Je lui dois un séjour haut de gamme dans la plus sordide des prisons de mon oncle. Vous savez? Le genre de prison que l'on construit en terrain inondable pour pouvoir lire la peur sur le visage des prisonniers au printemps. Grâce à Niels, je ne puis plus mettre les pieds dans mon pays. Quoi? Il ne vous a pas raconté tout ça? Tsss...Il manque à tout ses devoirs le petit. Ou alors, il estime que moins vous en savez, mieux c'est. Ça, c'est bon pour vous. Ça veut dire qu'il reconnait en vous des talents indéniables...et qu'il s'en méfie comme de la peste "Princesse" ! Alors complice, je crois que...

Pas le temps de finir ma phrase. Un grincement lugubre vient de se faire entendre. Il vient du côté de la porte qui s'est entrebâillée? Est-on écoutés? Vraiment? Pauvre Niels, soit il est impatient de savoir ce que je raconte, soit il n'a décidément pas confiance en elle. Le bois du lit grince quand je me lève et m'approche subrepticement de la porte. Va t-elle lui signaler mon mouvement d'une façon ou d'une autre? Ma main se pose sur la poignée de porte et je l'ouvre violemment, prêt à me retrouver nez-à-nez avec l'un de ses sbires..ou le Castral-Roc ou personne! Mais...personne! Le vide! Le noir! Les ténèbres! Rien! Curieux. Incompréhensible. Sourcils froncés, je tourne la tête vers ma compagne d'infortune, cherchant à trouver une partie des réponses qui se refusent à moi.

- Il veut que je sorte? Ou que je reste?

Pile ou face? Je fais quoi? Enfin, il y a au moins une chose qui est clair dans mon esprit: jamais je ne sortirai de cette bâtisse dans cette tenue. Lors de mes crises rouges, il est déjà arrivé de me retrouver totalement débraillé, les vêtements en lambeaux, le corps tuméfié ou encore recouvert de coulisses de sang et de suie, puant la fumée ou les excréments de porcs. Mais sortir dans la rue en robe de nuit, ça non! Jamais! Reportant mon regard vers l'extérieur je distingue les contours d'un couloir. De part et droit, plusieurs portes qui semblent toutes fermées. Au fond, qu'est-ce? Un escalier? Et cette odeur qui vient me chatouiller les narines? Qu'est-ce? D'où vient-elle? On dit que la curiosité est un vilain défaut. Et après? Qu'ai-je à perdre réellement en franchissant le seuil de cette porte? Hum?
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Charlyelle
Non mais là, malgré la situation dans laquelle nous nous trouvons, à écouter l'analyse qu'il me raconte, j'hésite entre le rire et la colère.
Ah nul doute que son ami ou ancien ami est très fort dans l'art de la manipulation. Il en arrive à ce que ses deux victimes, qui ne se connaissent pas, doutent chacune l'une de l'autre. Et qui est le grand gagnant dans l'histoire ? l'ami en question.

A entendre le Danois, j'étais l'odieuse complice du Niels en question. Et moi, l'idée avait traversé mon esprit que les deux hommes pouvaient être de mèche et avoir formentés un complot contre ma personne.
Enfin l'un des deux l'avait fait, cela, je n'en démordais pas. Et si le Danois qui se retrouvait à partager cette chambre enfantine avec moi commençait à me sembler au moins innocent sur le fait qu'il aurait pu me connaitre, il n'en restait pas moins que j'avais vu l'expression d'hallucination fugace mais bien réelle qui avait courrue dans les yeux de l'autre Danois , lorsqu'il avait vu les armoieries familiales sur ma dague. Son regard s'était alors posé sur le Danois au sol, puis sur moi, et je n'avais pas non plus rêvé cet odieux sourire qui avait alors étiré les lèvres de notre ravisseur et la manière dont il avait prononcé mon nom.

Personne hormis Ilug, mon père, et les gens de nos terres, ne pouvaient savoir que j'étais là-bas nommée La Kallipari ou La Kallipare.

Alors comment ce Danois pouvait-il connaitre un détail aussi intime de ma personne. Il y avait là un mystère, j'en étais certaine, et j'étais bien décidée à faire la lumière là-dessus.

Je me masses les tempes en écoutant ses élucubrations. Sa manière de douter de moi commence sérieusement à me contrarier.

Hey Danois ! apprends donc à me connaitre et tu verras que je ne suis nullement ce que tu crois ! D'accord, j'ai une méfiance naturelle envers les hommes de tes contrées mais ce n'est pas une raison pour aller t'imaginer que je veuilles attenter à ta vie ou que je complotes avec d'anciens amis à toi qui me sont complètement inconnus et qui par dessus-le marché, connaissent mon nom et savent qui je suis apparemment !


" - Je ne suis pas votre ennemie."

Moi qui était bien décidée la prochaine fois que je verrais mon père à marquer un nouveau départ dans nos relations, lui montrer que je suis devenue une femme capable de prendre mes propres décisions. Et bien j'étais mal barrée alors que je me retrouvais prisonnière dans un endroit qui m'était totalement inconnu. Et je savais déjà quelle serait la réaction de mon père.
Je ne me souvenais que trop bien de notre dernière altercation. Mon père s'était montré inflexible une nouvelle fois. La question de mon mariage avait fait de lui un étranger, un étranger froid et calculateur qui avait complètement occulté l'homme que j'avais naguère essayé d'aimer lorsqu'il m'avait révélé le secret de ma naissance. Il avait tonné d'une voix qui m' avait glacé le sang que c'en était assez, que je devrais épouser l'homme qu'il m' avait choisi depuis des années, parce que nos familles réciproques y comptaient. Et il avait rajouté qu'il remuerait ciel et terre pour que ce mariage ait lieu et que si pour cela il fallait qu'il me batte, qu'il m'enlève ou qu'il m'affame, il n'hésiterait pas une seule seconde.
Oui. Ainsi était mon père. Et j' avais pris ma décision depuis et en arriverait à une situation extrême si je me voyais dans l'obligation d'épouser cet espèce de sauvage à qui mon père m'avait promise.

J'avais quelque peu les nerfs à vif du fait que ma blessure me faisait souffrir et voilà que le Danois en mettait une autre couche.


Belle lacération! Beau coup, exactement à l'endroit où il faut pour que ce soit impressionnant sans que cela mette votre vie en danger. Le sang coule mais seules les chairs sont tuméfiées. Aucune artère n'a été sectionnée.

Mes paupières se plissent jusqu'à laisser filtrer deux pupilles lunaires qui s'assombrissent dangereusement d'une lueur sauvage alors que j'entends les propos du Danois.
J'avais relevé l'étoffe, mettant ma jambe et ma cuisse à nu, afin de vérifier par moi-même ma blessure. La justesse de ses paroles me frappent.


"- Il s'y connait dans l'art du dépeçage votre ami ? Je veux dire, il sait frapper exactement à un endroit précis pour obtenir ce qu'il veut ?"

Il ne faisait aucun doute pour la Dentelière que je suis, que le coup porté l'a été fait à dessein. Et non au hasard.
Pour blesser. Non pour tuer.

Voilà qui est encore plus étrange. Et qui me conforte dans la pensée que c'est inquiétant. Très inquiétant. D'autant plus qu'il ne fait aucun doute qu'il me connait. Mais comment !

Et là tout de suite, une seule question dansait dans mon esprit.

Puis-je avoir confiance en lui ?

Je me sentais glacée, bien que la sueur me coulait sur le front. Il fallait que je trouves un moyen de soigner ma blessure. Je n'avais aucune confiance en ce que l'autre Danois ravisseur avait pu me faire.


- Il veut que je sorte? Ou que je reste?

Le souffle court, je m'armais de courage pour me redresser, m'aidant du mur. Et je me rapprochais de la porte, alors qu'il était prêt à s'engager hors de la chambre.

Je ne dis rien, mais d'un simple geste du menton, je lui indiquai que nous devions sortir de cette chambre.
J'avais dans l'idée de trouver la cuisine et de tout y retourner s'il le fallait pour trouver quelque chose que je pourrais appliquer sur ma blessure afin de la soulager le temps de pouvoir enfin m'en occuper sérieusement.

Si nous arrivions à sortir du piège tendu assurément par l'ancien ami de ce Danois.

Mon regard par dessus l'épaule du Danois, s'habituait rapidement à la pénombre et je lui soufflais


" - Il y a des marches au fond du couloir, vous les voyez ?"


A quelques mètre devant nous, une longue volée de marches s'enfonçait dans l'obscurité. En bas, je vis quelque chose étinceler brièvement, comme une luciole, puis je distinguais ce qui me paraissait être une colonne de pierres. Toute une rangée en fait, avançant dans l'ombre telle une armée de sentinelles muettes.
J'entrevoyais un autre alignement, et un autre encore.

Je restais muette un instant avant de murmurer plus pour moi-même que pour mon compagnon


" - On dirait la salle de garde d'un château...."

En équilibre sur une jambe, je m'engageais dans le couloir.
Soren
- Niels s'y connait en beaucoup de choses. En anatomie, surtout féminine d'ailleurs. Dans l'art du combat et de la rhétorique et je l'ai appris à mes dépens la dernière fois que nous nous sommes vus, il maîtrise par dessus tout l'art de la fourberie.

Au couloir avant succédé les escaliers. Aux escaliers, un autre couloir. Encore et encore. L'inconnue suit toujours et moi je ne sais toujours pas si je peux lui faire confiance ou si je suis le plus sombre abruti que le monde ait porté. Soyons honnête : elle avait raison au moins sur une chose. La salle d'où émane une lumière est bien une salle de garde. La porte est largement ouverte. Des rires fusent à l'intérieur. On se tape le dos. Des godets s'entrechoquent.

- Ils jouent au ramponneau.

Comme si ce détail avait une importance cruciale pour la suite des opérations. Non, ce qui est crucial en vérité, c'est de savoir si elle va alerter les gardes ou si nous allons pouvoir continuer notre balade romantique au clair de l'une.

- Accent danois. Accent françoys et...accent inconnu! J'hésite entre une réunion de comploteurs internationaux, une compagnie de mercenaires venant de tous les horizons et...Hum... Le cercle des fermières de Bergerac!

Impossible de continuer notre chemin en passant devant cette porte. Je ne connais pas le taux d'alcoolisation de ces gentils hommes. Sur notre droite, la porte d'une autre pièce se découpe dans l'ombre. Cette fois-ci elle est fermée. J'attire l'attention de ma compagne d'infortune sur ce petit détail, me dirigeant dans la foulée vers cet endroit.

- Dites moi, une princesse d'habitude, ça a une dot. Elle est bien remplie la vôtre?

L'oreille collée à la porte, j'estime nos chances de passer par là. Rien. Il n'y a aucun bruit qui provient de de derrière. Seuls le brouhaha des joueurs de ramponneau parvient encore à mes oreilles. Dans la vie, il faut parfois savoir prendre des risques...même quand on est en robe de nuit devant une inconnue qui doit avoir l'habitude de dormir dans des draps composés des tissus les plus précieux. Crispant les mâchoires pour éviter que la porte ne grince (oui, je sais, c'est stupide...mais suis-je vraiment le seul à faire ça?) lorsque je l'entr'ouvre, je jette un coup d'oeil à l'intérieur. Par la fenêtre qui donne sur une cour, j'entrevois la journée qui commence à se lever. A l'intérieur, il n'y a pas âme qui vive. Mieux vaut ne pas trainer ici.

L'endroit s'avère être une cuisine. Une grande cuisine. Il y a là de quoi faire à manger pour une belle quantité de personne. Enfin...s'il y avait abondance de victuailles. Une première recherche rapide m'amène à la constatation que ce n'est pas le cas. Visiblement, l'endroit n'est pas occupé à sa pleine capacité. La vision que j'ai de dehors me donne une meilleure idée de l'endroit où nous sommes.


- Vous aviez presque raison. Nous ne sommes pas dans un château mais dans un immense hôtel particulier. Et là, nous nous trouvons dans les dépendances. L'endroit parait un tantinet désert. Je me demande combien de personnes vivent ici actuellement. Les ivrognes au ramponneau sont-ils les seuls maîtres des lieux? En entendant leur dialecte, on peut en douter. Nul doute qu'ils n'ont pas de quoi se payer une telle demeure. Surtout...en plein Paris!

Par la fenêtre, mon doigts pointe vers ce clocher qui domine tout le quartier à quelques centaines de pas de là. N'Est-ce pas là ce que l'on nomme la cathédrale Notre-Dame?

Hâtez-vous! Je ne tiens à rester ici une éternité!

...même si j'aurais bien aimé des vêtements à me passer sur le dos pour enfin me débarrasser de cette indécente tenue de nuit. La pièce dispose encore de deux portes que nous n'avons pas utilisé. Va t-il falloir que je me trouve une plume et de l'encre pour faire un plan des lieux? "Dans la vie, il faut risquer danois. Vas-y, laisse ton intuition parler. "A droite ou à gauche? D'un côté comme de l'autre, tout semble calme. Aucun bruit ne parvient à mes oreilles. La vue par delà les fenêtres me donne une idée de ce qui se trouve derrière. A droite, j'ai l'impression que la porte doit finir par donner sur la cour intérieure quelque part. A gauche, on dirait qu'elle donne accès à des appartements privés...ou à une salle de bal que j'ai l'impression de voir là-bas au fond du bâtiment.

- Vous êtes prête? On peut y aller?

La porte de gauche mène à nouveau sur un long couloir étroit. À peine deux personnes peuvent s'y croiser sans trop se bousculer. A intervalles irréguliers, des portes se découpent dans les murs de chaque côté. Je ne suis pas venu pour visiter, pour savoir si je vais acheter. Je n'ai qu'une idée en tête: trouver des vêtements et sortir le plus rapidement possible d'ici. Je n'ai guère envie de tomber nez à nez avec Niels. Surtout dans cet accoutrement : je n'ai pas envie qu'il me prenne pour une petite servante qu'il lui prendrait l'envie de trousser! Depuis combien de temps progressons-nous? Une autre éternité non? Soudain, des bruits métalliques se font entendre en face de nous. Des bruits de pas qui martèlent le sol de pierre. Plusieurs pas différents.. Plusieurs personnes. Je n'hésite pas un instant : poussant Charlyelle au travers de la première porte qui nous tend les bras, nous nous réfugions dans une chambre. L'oreille collée à la porte, la respiration suspendue, j'écoute ce qui vient du dehors. Les bruits montent crescendo puis redescendent tranquillement. Les hommes s'éloignent. Le danger aussi. Appuyant mon dos contre la porte, je pousse un soupir de soulagement. J'ai besoin de retrouver mon calme. L'endroit dans lequel nous nous trouvons est une chambre. Vu sa décoration, je pourrais même ajouter que c'est chambre de femme. Bah! Qu'importe! Ce n'est pas ici que je peux trouver des vêtements. A moins que l'amant de la dernière maitresse des lieux n'ait du quitter la pièce à la hâte alors qu'il s'adonnait à des jeux d'une grande sensualité. Je suis sur le point de sortir lorsque je me ravise. D'un pas décidé, je me dirige vers la cheminée. Pourquoi? Je n'en n'ai fichtre aucune idée. Appelez ça l'instinct masculin si vous voulez. M'accroupissant près de l'âtre, je passe un bon moment silencieux à regarder le foyer éteint. Mes yeux tentent de percer quelque chose. Mais quoi? Et puis je passe à l'action. Je retire le chenets, déplace quelques pierres qui semblaient mal scellées, retire une lourde grille métallique. J'ai des cendre plein les mains et le bas de robe. Devant nous, un passage secret descend dans le conduit de cheminée. Un sourire illumine alors mon visage et alors que je me retourne vers Charlyelle, je lui lance...

- Si vous le permettez Princesse, je vais passer devant. Il y a des barreaux scellés aux parois. Je ne sais pas sur quel distance tout cela s'enfonce et...je ne tiens pas à ce que vous en profitiez pour reluquer sous ma robe pendant l'exercice!

Trois chambres plus loin, un danois songeur mais satisfait pose un regard sur Paris qui s'éveille doucement. Sur son bureau, un vélin bouge au rythme du vent qui s'engouffre par la fenêtre ouverte.

Citation:

    De Niels de Castral-Roc
    A Lars Eriksen

    Jonction effectuée. J'ai balancée la petite dans les bras de votre ex-protégé. Ils devraient maintenant pouvoir faire plus ample connaissance. Je vous tiens informé de la suite des opérations.

    N de C-R

_________________
Charlyelle
« Nous ne connaissons pas le vrai si nous ignorons les causes » - Aristote.

Et je ne m'étais pas trompé. C'est bien une salle de garde que nous découvrons. Le Danois se tourne alors vers moi pour me souffler quelques mots.

- Accent danois. Accent françoys et...accent inconnu! J'hésite entre une réunion de comploteurs internationaux, une compagnie de mercenaires venant de tous les horizons et...Hum... Le cercle des fermières de Bergerac!

Je le regarde, et tente de percevoir alors moi aussi quelques bribes de mots dans la conversation de ces gens. Et là. Une silhouette m'interpelle. L'homme est de dos mais sa vesture est plus que reconnaissable à mes yeux. Il porte l'uniforme des hommes de la garde de mon père. Je me fige, les yeux écarquillés d'horreur. Une colère indescriptible est en train de monter en moi.
Je fais alors un pas en direction de la salle de garde bien décidée à aller interpeller l'homme et lui demander ce qu'il fait là, après tout, c'est peut être une simple coïncidence, peut-être même pourrait-il m'aider.

Mais le Danois m'a déjà fortement tiré par la main pour continuer notre progression. Comme une automate je le suis, mais mon esprit est lui, complètement sous le joug de ce que je viens de découvrir. Et tente d'emboîter les morceaux du puzzle.
Un Danois qui me fait un baise-main et me salue avec déférence. Un Danois qui semble se pétrifier en découvrant les armoieries sur ma dague familiale. Un Danois qui me blesse à une cuisse et qui me déleste de ma dague. Ce réveil dans un endroit inconnu avec un autre Danois qui semble aussi peu au fait que moi de ce qui nous arrive. Et là. J'entends un accent qui m'est familier et je découvre que l'un des hommes de mon père se trouve sur les lieux.
Je garde ma découverte silencieuse pour l'instant, et je profite d'arriver dans ce qui est sans aucun doute une grande cuisine pour essayer de dégoter de quoi soigner correctement ma blessure.
Je retourne et renverse les tiroirs sans discrétion aucune, passant ma nervosité dessus. Je finis par m'emparer d'un couteau, de quelques épingles nichées au fond d'un tiroir et d'un rouleau de fil servant certainement à lier la volaille. Mais mes yeux ont beau chercher, je ne trouve rien d'autre qui puisse me servir. Il y a bien quelques denrées qui trainent mais qui ne me seraient d'aucune utilité.

- Dites moi, une princesse d'habitude, ça a une dot. Elle est bien remplie la vôtre?

Il en a de bonne lui ! Nous sommes en train d'essayer de nous échapper d'un endroit où nous sommes sans aucun doute séquestrés par son taré d'ami d'enfance et voila qu'il veut savoir le contenu de ma dot. Du coup, il ravive mes doutes et je le regarde avec méfiance.

" - En quoi ça vous regarde si ma dot est conséquente ? Vous voulez m'épouser ? Je suis dotée oui. A un point tel que je plains le fou qui s'aviserait de tenter l'expérience."


Sans dire un mot de plus, je continues à le suivre et nous finissons par arriver dans ce qui semble être une chambre aux accords féminins. Je me retrouve surtout poussée par une masse Danoise dans les lieux sans comprendre ce qui m'arrive.
Je perçois un peu mieux la chose lorsque je le vois coller son oreille à la porte. Il devait sans doute y avoir quelqu'un dans les parages.
Je le vois se diriger vers la cheminée. Quant à moi, je fais l'inspection d'une armoire et je pousse une exclamation presque de joie en découvrant toute une garde robe féminine.
J'aime ce qui est beau. Et ce sont des jupons et corsets d'une qualité certaine qui se profilent sous mes yeux. J'en attrappe quelques uns que je fais mine d'essayer mais je déchante vite. C'est qu'ils ne sont pas de ma taille. Je suis plus menue assurément que la personne à qui appartiennent ces corsets.
Tant pis pour la coquetterie. Je me rabats donc sur une robe et passant derrière le paravent, je me contorsionnes pour ôter cette horrible chemise de nuit et enfiler une robe aux tons pourpres. Tant qu'à faire j'ai choisi une couleur qui ne me déplait pas. Hormis le fait que j'ai l'air d'un sac à patate là-dedans j'ai au moins l'avantage d'avoir sur le dos quelque chose de plus décent que ce que je ne portais jusque là.

- Si vous le permettez Princesse, je vais passer devant. Il y a des barreaux scellés aux parois. Je ne sais pas sur quel distance tout cela s'enfonce et...je ne tiens pas à ce que vous en profitiez pour reluquer sous ma robe pendant l'exercice!

Je m'aperçois alors en le rejoignant qu'il a semble t'il ouvert un passage. Je fais demi tour vers le lit ou j'ai aperçu sur la table de chevet quelque chose qui ressemble à une besace en peau travaillé avec un art certain. Je m'en saisis et y glisse dedans tout ce que j'ai pu trimballer entre mes mains depuis la cuisine.
Je regarde alors le Danois encendré qui m'adresse un sourire qui vient me frapper de plein fouet.


" - C'est cela. Faites. Passez devant. Quand vous serez en bas faites moi signe, je descendrais à mon tour. Et vous vous retournerez le temps que je descende, sinon je vous en colle une à mon arrivée."

Ouai. Je n'ai aucune confiance quand un Danois traine non loin de moi. Et celui-là ne déroge pas à la règle.

Cela va être épique de descendre là-dedans avec ma cuisse estropiée.
Soren
L'endroit est humide. Les premiers frimas de l'hiver qui s'approche suintent par les pierres dures et irrégulières, couverts de mousse. La lumière créée par cette torche de fortune que nous avons bricolé à la hâte avant de plonger dans la cheminée est faiblarde. C'est à peu si je puis distinguer là où je mets les pieds. En entendant le bruit de chacun de mes pas, peut-être vaut-il d'ailleurs ne pas savoir sur quoi l'on marche. Derrière moi l'inconnue, celle qui est soit une victime collatérale soit une espionne à la solde de Niels, traine la patte. Ai-je oublié sa blessure? Oui et non. De toute façon, il n'y a pas le choix si l'on veut sortir de là. Passer par la grande porte? Elle ne serait pas capable de courir. Si elle est une victime, je doute qu'elle apprécierait de se faire reprendre par nos geôliers. Si elle est une espionne aussi d'ailleurs...

- Faites attention où vous mettez les pieds. L'endroit est glissant et...hum...humide!

Humide? C'est le moins que je puisse dire! Depuis que nous sommes descendus par la cheminée, nous pataugeons dans une sorte de fange dont je n'ai même pas été capable de prédire la couleur à la lueur de la torche. Il doit bien y en avoir pour un pouce ou deux. Les bottes sont trempées. Le cuir se gorge d'eau. Elles s'alourdissent. Chacune de nos paroles, même étouffée résonne en écho le long des parois de ce couloir dont je ne sais où il va nous mener. Vers la liberté ou vers l'enfer? L'ambiance ici contraste avec celle du dessus, dans cette chambre confortable qui a sans doute vu des générations d'amants s'ébattre dans le confort d'une chambre chaude, bien éclairée, pas humide et où si des cris résonnaient, ils reflétaient une toute autre façon de trouver la sortie. Amours passionnés, amours licencieux, amours interdits, débridés ou réservés, amours libérateurs d'un désir trop longtemps contenus ou amours obligés par un mariage forcé? Tant d'histoires, tant de petites histoires qui construisent parfois la grande histoire, tant de choses à raconter par une simple chambre qui a vu passer bien du monde. Et dire que quelque temps auparavant, moi aussi j'étais dans cette chambre. Pourquoi je vous raconte tout cela? Sans doute parce que quand on est un homme normalement constitué, ni eunuque ni vouant sa vie à servir le Très-Haut, la vue de vêtements féminins qui volent au dessus d'un paravent ne peut que contribuer à stimuler un imaginaire débridé. Sans doute aussi que lorsque l'on se trouve dans une chambre féminine, et que le hasard fait que l'on tombe sur des vêtements masculins, un ensemble, un seul, on ne peut s'empêcher de s'imaginer que ceux-ci ont manifestement appartenu à un amant audacieux surpris en plein échange charnel et désireux de filer au plus vite, fut-il même dans le plus simple appareil. J'espère pour lui que ce passage secret souterrain ne servait pas à cela. J'espère aussi pour lui que la scène n'a pas eu lieu en hiver...même si le froid a l'efficace tendance à refroidir les ardeurs les plus tenaces.

- Je commence à me demander si nous avons bien fait de prendre ce passage. De l'eau, de la mousse, des rats qui couinent dans l'ombre et je ne sais encore quelle sale créature pouvant se tapir dans l'ombre... Par certains côtés, tout cela me rappelle le faste et le confort des geôles de mon oncle. Puisse t-il pourrir en enfer celui-là!

Les vêtements sont un peu courts. Je me sens engoncé dans cette chemise, trop à l'étroit. Le pantalon ne couvre pas mes chevilles non plus. Bah! C'est mieux que de sortir en robe de nuit. Que voulez-vous! On a tous nos petites faiblesses. Enfant, mon pire cauchemar se déroulait pendant les cours de Grec. Dans la salle de cours, nous étions une petite dizaine, tous issus de la noblesse du coin, petite ou grande. Dans mon rêve, je n'écoute plus celui qui m'explique les déclinaisons. Une chose m'inquiète: j'ai oublié de mettre mon pantalon. Je ne suis vêtu que d'une chemise de nuit et elle est courte, bien trop courte pour moi. Il me faut tirer dessus pour masquer ces jambes nues que la décence m'interdit d'exhiber. Et ce qui devait arriver arrive. Inexorablement. Le précepteur demande de me lever et de venir le rejoindre. Devant toute l'assemblée, devant des amis, des personnes que je fréquente de temp à autre, devant tous ceux qui peuvent me croiser en d'autre circonstances, je m'exhibe dans cet accoutrement ridicule. Pire même: aux pieds, je porte de vieilles chausses de laine rembourrées avec de la fourrure de mouton, le genre de chausses que l'on porte chez soi quand on ne cherche rien d'autre que le confort et la chaleur d'une présence au coin du feu.

- La première chose que je fais en sortant d'ici, c'est me rendre chez un tailleur. Avant même de prendre un bain!

    "Tu parles trop fort danois. D'habitude on n'exprime pas ses pensées oralement. Ressaisis-toi et oublie tes chimères: tu ne sais se qui se venir en face de toi!"


- Attendez!

Le bruit infernal de nos bottes qui pilent dans l'eau s'arrête immédiatement. Au loin, il est remplacé par un plic-ploc significatif, le bruit d'une goutte qui tombe régulièrement dans une flaque. Les couinements eux aussi se sont amplifiés. Ça grouille ici bien pus que là-bas. Je sens des "choses" frôler mes chevilles nues, se faufiler entre mes jambes à vive allure. Et puis il y a cette odeur âcre, infernale, une odeur de pourriture, une odeur qui m'est malheureuse familière.

Les rats. Ils sont noirs, gris, velus ou sans poils. Ils ont un point en commun: ils sont gros. Ils vont tous dans la même direction, pressés comme le mendiants affamé à qui l'on offre une miche de pain rassis. La halo de ma torche n'éclaire pas encore assez loin mais il y a bien quelque chose par là.


- Un cadavre...

Il est là, gisant dans l'obscurité, les tripes...enfin ce qu'il lui reste, indécemment offert à la vue des passants du coin. Il ne reste presque rien de son visage. Le temps et mes amis les rongeurs ont fait leur oeuvre. Non, ça ne doit pas être mon amant imaginaire. Lui est vêtu. Je dis lui car si j'en crois les vêtements et la stature, ça devait être un homme. La nuée de rats se dissipe alors que je me penche vers cette découverte et bien vite, elle comprend qu'elle n'a pas à se gêner pour moi. L'odeur de pourriture vient bien de là. Ça n'est pas très joli à voir. Toi, j'espère que tu n'es pas un oiseau de mauvais augure. Je n'ai pas vraiment envie de finir comme toi. Pas encore tout au moins.
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Charlyelle
J'étais finalement descendue dans cet endroit sombre et humide. Des galeries s'ouvraient de part et d'autre, mais je suivais le Danois. L'endroit semblait tout de même avoir été étayé, ce qui était malgré tout un brin sécurisant.

Je tentais d'avancer du mieux que je pouvais, avec ma cuisse blessée. Heureusement que l'endroit n'était qu'humide et que l'eau ne montait pas. J'en aurai été quitte pour une infection de ma plaie, ça c'est certain.

J'écoutais sans vraiment lui répondre les paroles de l'étranger qui m'accompagnait. Jusqu'à ce que ...sacrilège ultime pour l'ancienne hydrique que je suis, il commence à faire part de son opinion sur les rats.

- Je commence à me demander si nous avons bien fait de prendre ce passage. De l'eau, de la mousse, des rats qui couinent dans l'ombre et je ne sais encore quelle sale créature pouvant se tapir dans l'ombre... Par certains côtés, tout cela me rappelle le faste et le confort des geôles de mon oncle. Puisse t-il pourrir en enfer celui-là!

Je m'immobilise alors et d'un air buté, je le regarde. Malheureux. Que viens-tu de dire là. Puis tranquillement, je lui rétorque.

" - Les rats sont des animaux qui sont très propres ! Certainement même plus que certains humains ! Quand j'étais au sein de l'Hydre j'en possédais un. Et dans la forteresse hydrique ils étaient même bichonnés."

Oui. Elle possédait un rapport particulier avec les rats la Dentelière. Et cela me faisait sourire, car la plupart des gens en avaient peur ou trouvaient cet animal dégoûtant. Et pourtant, il n'en était rien. Et les Hydriques que nous étions alors, nous amusions de manière régulière, à épouvanter ou énerver certaine population avec ces rongeurs.
Je souris en repensant à l'épidémie que nous avions déclenchés en Franche-Comté, lorsque la région s'était trouvé infestés de rats hydriques.

" - Je vous assure. Ces bestioles ont beaucoup plus d'éducation que d'autres."

Puis je continues d'avancer du mieux que je le peux. Tant bien que mal. Odeur nauséabonde ne tarde pas à se faire sentir mais j'ai reconnu l'odeur de la mort. Et mon regard au sol happe la horde de rats qui semble déferler en direction de la répugnante odeur.

Alors que le Danois semble s'arrêter à la découverte de ce cadavre, je hausse pour ma part les épaules.
Mon principal souçi étant de trouver un moyen de sortir de cet endroit. De me retrouver à l'air libre dans un premier temps.
D'aviser ensuite.

Je souris alors avec plus d'ardeur lorsque je découvre l'échelle de corde et de bois qui semble mener droit sur l'emplafonnage des lieux. Sans doute une trappe en hauteur qui mène soit dans une autre excavité. Soit avec un peu de chance directement à l'air libre. Il fait néanmoins trop sombre pour en être certain.

Je tends le bras en direction de ce que je viens de voir. Lui désignant le sésame fait de corde et de bois.


" - Il s'agit très certainement d'une galerie de fuite dans laquelle nous nous trouvons. Parce que s'il s'agissait d'un lieu de stockage, il n'y aurait certainement pas d'issue de sortie.
Je vous laisse passer devant."


Comme cela si c'est un piège, c'est toi qui trinquera en premier Danois.
Soren
Je ne sais pourquoi mais les mots me reviennent à l'esprit alors que, penché au dessus du cadavre, j'essaie de deviner les causes de la mort. Une hydre... Elle a appartenu à l'hydre. Appartenu oui car si je peux me fier au temps du verbe qu'elle a utilisé, elle n'en fait plus partie. Hydre un jour, Hydre toujours? Dans mes esprits, cela ne fait guère plus de doute : Niels l'a embauché. Dans quels desseins? Je n'en sais rien. Elle a été bien maladroite de me parler de son passé.

- Poignardé. Mais cela fait très longtemps. Regardez...Ces traces sur le sol. Indubitablement du sang séché. Et cette trace macabre se poursuit jusqu'aux pieds de échelle de corde. On peut donc supposer que l'homme cherchait à entrer...ou à sortir de manière incognito de ces lieux et qu'il y a été attaqué. L'espace est trop petit pour manier l'épée et je vais éliminer de facto l'hypothèse de la créature monstrueuse. Le poignard est donc l'arme la plus probable.

Pas de sac, pas de ceinture à la taille, pas d'armes. Les vêtements sont de belles factures : sans doute un noble. Tous les signes distinctifs ont été soigneusement ôtés: bague, armes, aucune possession personnelle d'aucune sorte.

- Sans doute un des vos semblables princesse. Un noble. Encore que je ne savais pas que l'Hydre recrutait dans la noblesse. C'est plutôt...inhabituel non?

Dites-moi princesse hydrique, me pensez-vous né de la dernière pluie? Pourquoi me mentez-vous? Niels vous a payé combien? Et dans quels desseins? Il me déçoit le Castral-Roc vous savez? La couverture de son espion laisse à désirer. Il bâcle. Pourtant, ce n'est pas dans ses habitudes. Et puis cette rencontre fortuite Niels? Tu crois vraiment que j'allais mordre à l'appât? Dis-moi Niels, tu me laisses croire que c'est moi qui mène le jeu n'est-ce pas? Alors qu'en réalité tout est prévu d'avance. Elle connait ces lieux. Toi et elle m'emmenaient où? Hum? Et ce cadavre? Quel est sa signification? Quel est le message que tu veux me faire passer? Celui qui git à terre au milieu des rats, est-ce que je le connais? Ou est-ce un simple maraud qui a eu la malchance de tomber entre tes pattes et qui ne sert simplement qu'à me signifier comment tout ceci va se terminer pour moi. Tu sais Niels, il faudra un jour que tu m'expliques comment on peut être si proche quand on est enfants et se détester aussi forts une fois devenus adultes.

Le mort? Il ne me dit rien. Elle? Peut-être...Debout devant elle, je laisse mon regard percer son mystère. Il parait que l'on peut apprendre beaucoup en lisant les yeux d'une femme. Les siens seront-ils bavards? Éloquents? Chauds ou froids? Et sa blessure? J'y pense: se pourrait-il que ce soit une simple égratignure? Juste pour donner le change? Les prunelles dardées dans ses clairs de lune, le visage fermé, inquisiteur me révèlera t-elle la vérité? Ma main se pose sur sa cuisse soit-disant blessée l'empoignant juste ce qu'il faut pour voir sa réaction, déceler une première parcelle de vérité. L'autre main? Elle explore: sa taille, sa jambe, son dos.


- Tiens, tiens....Vous n'avez vraiment pas d'armes? Étonnant! Je m'attendais à autre chose de votre part.

Portant le regard par dessus son épaule, je jette un coup d'oeil sur l'échelle de corde qu'elle a repérée il y a quelques instants.

- Alors, je veux bien prendre le risque de passer devant vous. Comme ça, que je lève la tête ou que je la baisse, vous ne craindrez pas que mon regard se fasse impudique!

Il fait presque clair quand la dalle grince contre sa voisine, laissant passer un mince filet de lumière blafard. Le crissement de la pierre contre le pierre se répercute en écho dans la pièce où nous émergeons alors. Il fait froid ici. L'humidité se fait sentir avec force. Autant de nous des alcôves dans lesquelles sont déposées des urnes, des statuettes, un calice. Une église. Nous nous trouvons dans la crypte circulaire d'une église.

- Que Dieu me pardonne! Tout ça pour arriver au paradis? For fanden! Je savais que je n'aurais pas du vous faire confiance!
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Charlyelle
- Sans doute un des vos semblables princesse. Un noble. Encore que je ne savais pas que l'Hydre recrutait dans la noblesse. C'est plutôt...inhabituel non?


" Alors si vous ne le savez pas Danois, continuez-donc à l'ignorer."

Il me scrute, je vois bien qu'il doute de moi. Il tente de pénétrer mon esprit. Mais alors mon Danois avant d'y arriver il va t'en falloir des heures et des heures voire des années d'entraînement. Ne pénètre pas l'esprit d'une druidesse qui le veut, comme il le veut. Mais ce qu'il cherche il ne le trouvera pas, sauf s'il est du genre à se forger son opinion dans le néantissime. Dans ce cas là Danois, même moi, je ne pourrai rien pour pour toi. Si tu es incapable de déceler ton allié au beau milieu d'un troupeau d'ennemis.

L'ancienne Hydrique que je suis a gardé un devoir de réserve ne serait-ce que par respect pour Fernand qui m'a un jour sauvé la vie. Si tu t'imagine que c'est avec moi que tu vas connaitre les croustillants petits secrets bien cachés que recèle mon ancienne forteresse tu peux toujours courir Danois. Je sais être une tombe.

J'essaie de respirer calmement en me persuadant que rien ne peut influencer mon esprit. Pas même ce regard clair qu'il possède à vous faire chavirer tout un navire de pucelles ou pas au fin fond des océans.

Et maintenant il faut croire qu'il a complètement perdu toute notion de pensée relative. Ma cuisse est déjà plus que bien amochée et voilà que ce soudard est en train de l'empoigner, la torturant un peu plus.
Je blêmis sous la douleur et je le repousse violemment.


" - Si vous voulez soigner le mal par le mal, trouvez-vous un autre cobaye. La prochaine fois que vous touchez à ma blessure, je me charge de vous en faire passer l'envie !"

Je mets du temps à le suivre vu l'état de ma cuisse et son intervention n'a rien arrangé. Lorsque je réalise l'endroit où nous émergeons je ne peux m'empêcher de pousser un grognement et sans vergogne, je m'approche de l'autel, tirant d'un coup sec sur les linges immaculés qui l'ornaient.
Je récupère dans une petit niche quelques fioles d'alcool et sans plus un regard pour l'endroit, je me traîne aussi vite que je le peux hors de ce lieu.

A l'air libre je m'affale enfin au sol et entreprend de m'octroyer les premiers soins, enfin, sur la charpie de la chair qui prend forme sur ma cuisse. Les linges blancs ne tardent pas à être souillés et l'alcool dégouline à volonté, me faisant serrer les mâchoires sous la douleur.
Je n'ai qu'une hâte celle de retrouver ma boutique et filer loin de ce lieu de perdition.


" - Avez-vous une idée de l'endroit où nous sommes ? Je veux rentrer me soigner à ma boutique et me coucher !"

Puis avec un peu de chance, au réveil, je m'apercevrai que ce n'était qu'un mauvais rêve et que rien de tout cela n'était réel.
Oui enfin, ça, c'est mon moyen de défense à moi depuis que je suis gamine lorsque je veux échapper à des situations qui me perturbent.

Parce qu'il est indéniable que dans l'immédiat, je me trouve face à un problème insoluble. Et que si je me mets en oeuvre de le résoudre, quelque chose me dit que je ne suis pas prête de quitter mon compagnon d'infortune.

La cathédrale où ils se trouvaient, c'est Notre-Dame. En sortant du lieu saint, ce que l'on peut apercevoir, c'est l'hôtel particulier des houx-rouges. Mais ça, ni Charlyelle, si Søren ne le savent.
L_aconit
Le gant de cuir arpente les courbes satines, suivant la huileuse grâce , méticuleux. La senestre enserre les noeuds, les pleins et les déliés et l'oeil implacable évide son attention sans fond à la lente auscultation. Le palefroi s'agace, et claque du sabot, échappant à la poigne d'un seigneur incertain. Le temps n'est pas beau , l'animal est meurtri. L'entrée en Capitale a émoussé son panache sur un pavé déchaussé. Palefroi bon à abattre . Sa jambe a déserté.

Le pas paraitrait tranquille sous la botte courte, il est déterminé, guidé par le déplaisir d'embrasser la Paris, et le désir concupiscent d'en trouver les chemins de traverses. La boutique est sans doute par là, il faut se fier au chaland , meilleur indicateur qui soit. La bouche mince crache un âcre nuage fumeux aux relents de sauge, tandis que le chef se découvre pour saluer une ravissante. Judas n'est jamais démuni où qu'il soit, lorsque parfois l'argent est dans les gestes. Frayner sent le musc et l'herbe sèche, et d'un faux sourire galant emboite le pas à une riche passante à qui il apprête le pouvoir d'acheter le luxe de la Dentellière.

De celle-ci d'ailleurs, l'homme gardait les dernières lettres en mémoire, de ses histoires de vent du nord et de ce qu'il apporte, de ce qu'il enlève aussi, par lien de cause à effet. Sereins, les mots s'étaient trouvés aux lueurs matinales comme déjà connus et anticipés. Charlyelle s'apaisait de rassurer là où c'était inutile, démarche futile à celui qui sait tout posséder sans avoir besoin d'avoir peur de perdre. Car si le vent du nord 'tolérait', Judas lui pardonnait de penser qu'il puisse accéder à la brune ovate ce qu'il avait eut bien avant lui, et possédait toujours, et possèderait encore... On n'apprend pas au libertinage l'art de se mettre en cage.

Prenant la filature d'une nouvelle cliente, le seigneur semblait avancer vers une destination qui l'appelait, phare dans la nuit, loin de sa monture abandonnée. Evidente finalité. La commande était précise, minutieusement dosée. Harponné par une entrée associée, la cape épaisse et trop brodée se froisse sur le pavé avant de se figer. Une ruelle, perdue dans le quartier de l’oubli. La surprise de passer le pas de sa porte n'en serait pas une, un mois précisément après l'avoir quittée, voilà que comme entendu le seuil de la petite échoppe l'accueillait . La silhouette s'immisce,la table ronde, le sol de bois, et la senestre fine repousse le rideau pourpre pour en dévoiler ses secrets.

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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
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