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[RP] Ouvert - La Dentelière-Maison de Haute Couture Epicée

Charlyelle
Un mois jour pour jour depuis qu'il avait quitté le Périgord. Et pas un seul jour où je n'ai eu une pensée pour lui. Aujourd'hui il allait venir. Chercher cette commande qu'il m'avait passé, le jour même de son départ.
Dix-sept perles noires. Les plus belles et les plus chères que je puisse avoir. La Pearly Gate que je suis s'était alors mise à l'oeuvre. Ces trésors que l'on ne trouve que sur mes terres paternelles, dans cet océan apprivoisé qui amène l'une des richesses de ma famille des Balkans.

Elles reposent dans leur écrin de satin pourpre, chacune précautionneusement disposées par mes soins. Elles exhalent cette pureté et cette beauté sauvage quasiment introuvable qui font d'elles cette luxueuse exception.

Je m'étais bien gardée de lui demander qui il comptait honorer avec cette commande. Dans mon esprit néanmoins, s'échafaudait un scénario des plus rocambolesques et romantiques.
Oh non pas pour ma propre personne, mais j'avais imaginé offrande à une Vindicative, mère cachée de la descendance du Seigneur. Cette inconnue avec laquelle j'ai tant de similitudes selon lui.
Seigneur qui m'avait confié lors de sa dernière visite quelques pans de sa vie et non des moindres.
Seigneur qui par une récente missive, m'annonçait une nouvelle visite en mes terres d'accueil, mais cette fois il serait accompagné. De qui ? De la mère de son fils ou bien de son limier ? Lorsqu'il m'avait appris ce qu'il avait fait, c'est de cette inconnue que je m'étais inquiétée. Peut-être parce que je connais le sort qui m'est réservé le jour où j'enfanterai l'héritier de mon père. Peut-être parce que je sais que mon propre fils me sera arraché pour être élevé loin de moi. Et encore une fois, je me suis dit que Judas Gabryel a bien lui, des points communs avec mon propre père.

L'espace d'un instant à la lecture de ces lignes, j'ai souri en m'imaginant que peut-être, cette visite serait la prolongation de la commande à livrer ce jour. Et que malgré tout, il aurait peut-être alors suivi les conseils que je lui avais octroyés. Et qui semblait l'avoir ébranlés dans ses convictions ce jour-là.
Allons donc. Ce n'est pas tous les jours que maîtresse se propose d'unir l'Amant à l'Amour d'une vie. Sauf quand la maîtresse en question devient aussi l'amie particulière, la confidente, la source de vie auprès de laquelle le Seigneur vient se ressourcer.

Je secouais la tête, chassant de telles idioties de mon esprit.

Il ne le ferait pas. Ce serait indécent et fou de sa part.

Et pourtant, lorsque cette proposition m'avait échappé des lèvres, je n'avais aucune arrière-pensées.
Seule, cette dévotion que je lui vouais m'avait amené à le faire. C'est peut-être cela le véritable amour, le véritable don de soi. Etre prête à sacrifier une partie de sa raison afin que l'Autre soit heureux. Accepter ce qui pour beaucoup pourrait paraitre inacceptable. Avoir la conscience en paix en se disant qu'il est heureux, apaisé. Et savoir que néanmoins ils seront toujours là l'un pour l'autre. Parce que c'est inéluctable, parce que c'est ainsi.

Et dans un même temps, découvrir un Vent du Nord qui se veut rare,glacial mais étrangement protecteur et même prêt à souffler à contre-courant pour moi. Un vent du Nord qui se dit prêt à braver mes ouragans paternels. Un vent du Nord qui serait capable de m'accorder ce qu'il a semble t'il toujours refusé par le passé. Un vent du Nord que je sais frappé d'amnésie et dont je redoute que l'esprit retrouve toutes ses facultés un jour. Ce vent du Nord qui par des manoeuvres connues que de lui seul, tente d'apprivoiser mes peurs, mes craintes, mes douleurs, craquelant insidieusement l'iceberg qui m'héberge.

Je sais. Tu sais. Il sait. Nous savons...et c'est ainsi que passent les cycles.

J'ai senti un mouvement, une présence dans la pièce où j'attendais depuis l'aube. Je m'immobilise en voyant la haute stature se profiler. Mes perlées de lune empreintes de cette même lueur de joie contenue comme à chacune de ses apparitions, ou chaque missive que je peux recevoir émanant de sa main.

Ce n'est pas un inconnu qui se trouve sur mon perron.
L_aconit
Non, il ne le ferait pas. Mais la Dentellière avait toujours été d'une lucidité terre à terre , sous l'ourlet de son velours. Les perles étaient pour la Roide. Une façon de se faire pardonner des absences répétées, une indépendance trop égoïste, une paternité en pointillés. Des perles pour toutes caresses, et pour tout pardon. Judas n'avait jamais su mettre des mots, préférant la facilité des gestes. Les présents , ou les coups. Pire encore. Le Sybarite depuis le Périgord ressentait l'inattendue culpabilité de s'être abandonné avec la Dentellière à ce qu'il n'avait su donner à la Roide jusqu'ici. Qui lutte contre sa part d'humanité lorsqu'elle émerge enfin? La dix huitième perle, première en vérité, ornait désormais sous le gant sa main gauche. Montée en chevalière comme un caillou précieux, Judas appréciait de la laisser prendre le soleil parfois , arrimée à son doigt trop fin pour être viril, en appréciant les reflets mystérieux.

La senestre abandonna le rideau pour venir chercher le contact des mèches brunes de la princesse, contact bienheureux et rassasiant, quoi que moins que les lèvres qui finirent par subir la morsure seigneuriale. L'odeur du cuir se mêla aux épices , célébrant le retour fugace d'un voleur. Toutes les fois où il avait pu posséder sa chair ne valaient sans doute pas les premières secondes rassasiant l'attente féconde... Peut-être comblait-il l'absence d'une autre, pansait-il des blessures que lui seul savait, peut-être que le ressentiment venait avec l'âge, ou peut-être rien. Juste la sentir à portée de doigts, le coeur battant la mesure, la lente ascension de sa poitrine à la recherche d'un air qui se raréfiait.

Il n'est pas nécessaire de mettre un mot sur ce ressenti. Les mots sont interprétables à diverses mesures, selon qui les perçoit. Mais une chose était certaine. Judas tuerai pour cette mercenaire là. Quiconque viendrait ébranler et lui voler cette quiétude replète, ce rituel établi. Ces années secrètes.

Les doigts noueux comme un vieil arbre vinrent arrimer le menton, pour y laisser les yeux inspecter le visage. Elle l'avait beau, apanage de la jeunesse et de quelques largesses de la nature. Il se souvint qu'une fois, en Bourgogne, la main humaine y avait laissé des stigmates. Trop bleutées. Judas depuis procédait consciemment ou pas à une minutieuse vérification à chaque fois qu'il la retrouvait après l'avoir laissée aux soins d'autrui, où à elle même. Possessif, protecteur. Attentif.


Bonjour...

Reservé.
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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
Charlyelle
Apprends-moi le jour, mon pêcheur de perles
Dis- moi le vent de la mer
Et l'éclat vive des perles noires
Joue-moi des détours
Ouvre mon océan
Une perle noire attend
- Anggun -La perle noire-

Bonjour... a t'il dit.

Chaque jour, chaque heure, chaque minute avait son idée.

Mon esprit, jeune et riche était empli de fantaisies. Je m'amusais à me les dérouler sans fin, les unes après les autres, sans ordre, brodant d'inépuisables arabesques en cette mince et rude étoffe qu'est la vie.

Et depuis que Judas Gabryel était venu me rendre visite dans le Périgord, depuis qu'il m'avait sollicité cette commande et depuis que dans l'une des dernières missives reçues de sa part, je savais qu'il reviendrait me voir et accompagné cette fois...j'habitais avec ces pensées.

Je me demandais aussi si quelque chose en moi aurait changé puisqu'il y avait eu ces dernières semaines quelque nouveauté dans ma vie. En la personne d'un Danois, qui, patiemment, avec légèreté et en prenant tout son temps, tissait sa toile autour de moi. S'escrimant à faire tomber ces défenses que j'érigeais toujours même lorsqu'il prenait alors l'avantage.
Le Danois avait trouvé une arme, une à laquelle je n'étais pas habituée. L'écriture, les palabres, les longs monologues qu'il avait pris pour habitude de me déposer au réveil.

Mais j'avais de la ressource. Beaucoup. Et s'il avait une petite idée de la princesse ou la druidesse que je pouvais être, il ignorait encore ce qu'était la Mercenaire. La Dentelière.

Judas Gabryel. Lui ne se fait pas quémandeur, il obtient, il se sert, il dérobe. Mais mon esprit alors exangue, ne perçoit que l'offrande que le Maître offre. Et qui est assez rare pour être d'exception. Qui fait partie de mon ordre établi, de mon rituel. Que personne ne peut venir détruire.
En lui je me refuse de voir le moindre mal. Je l'idéalise, je lui voue cette vénération sans condition.
Et je réalise, sous l'offrande de la morsure de ma chair, que mon ordre établi n'a pas été chamboulé. Je suis la source à laquelle le chasseur vient s'abreuver. En toute liberté. Sans arrière-pensée. Parce qu'il en est ainsi du cycle éternel dans mon monde.

Quand bien même je sais que lorsque le vent du Nord se parera de sa noirceur et de ses vestales, et que je le combattrai alors sans relâche jusqu'à le sauver de lui-même.

Je sens alors les doigts gantés sur mon menton et je me prête à son inspection bienveillante et toujours aussi perspicace. Troublante de possessivité. Mais tellement naturelle pour moi, qui n'oublie pas le maître que je vois en lui.

Je l'entraîne avec moi, derrière un second rideau pourpre. Là, nous descendons un escalier en colimaçon, nous passâmes un corridor dans lequel je ne m'arrête pas, un second où nous longeons la salle où repose mes trésors empoisonnés et leurs antidotes, puis encore un troisième. Et j'ouvre une porte basse.

Je venais de l'entraîner dans l'antre des lieux, dans cet endroit pour lequel j'avais alors acheté la bâtisse entière pour l'offrir à mon grand-père : l'atelier d'alchimie.

Et là, nichées dans leur écrin de bois précieux et de velours pourpre, se trouvent à la vue de Judas Gabryel, les dix-sept merveilles. Ces 17 perles noires, joyaux de mes mers du sud paternelle, qu'il m' a commandé. Les plus rares et les plus difficiles à trouver qu'il soit. Et pourtant, leurs cultures est l'une de mes richesses familiales.

Elles se déclinent dans toute leur gamme de noirceur suivant comment elles perçoivent la lumière : toute une gamme de couleurs rayonnantes allant du blanc argent au noir de jais, en passant par le rose, le mordoré, le bronze, le cuivre, le vert-paon, le bleu, le violet et toute une palette de gris métallique. Tout cela est le reflet d'une seule perle selon la texture de la peau et de la lumière qu'elle perçoit.

Dix-sept petits êtres vivants. Celles-ci sont régulières et homogènes. Leur surface est absolument parfaite. Leur lustre également.


" - A manier avec délicatesse Judas Gabryel".

Un silence solennel avant de rajouter, sur un ton serein.

"- Et de temps en temps, leur faire prendre un bain à base d'eau et de savon."
L_aconit
Le seigneur laissa poindre un vague sourire , avant qu'elle ne l'entraine dans les dédales de son antre.

Alors c'est ici que tu viens , lorsque Paris t'appelle ...


Les corbeaux ne ratèrent rien des détails dans leur progression, bien que happés par le mouvement des hanches, des cheveux , et les ombres que quelques lampes sur leur chemin lui dessinaient sur le corps. Lorsqu'elle retira les perles de leur écrin, Frayner acquiesça , plus que satisfait de cette vision. Il les lui fit remettre d'un geste à l'abri de l'air, comme s'il pouvait altérer par son mystérieux pouvoir l'éclat des noires. La senestre au gant vint sortir de sa poche un petit sac de tissus presque grossier, dont le contenu ferait office de remerciement.


Je savais que tu ferais des merveilles. Remarquable ... Voici pour toi. C'est un peu... Nos "perles" d'ici. Très demandées par les temps qui courent . Porte-les... A l'endroit que j'aime tant.


Puis une bourse détachée de la ceinture ouvragée vint s'écraser un peu sur elle même, posée près de la brune Dentellière.


Et voici pour les perles.

Il vint l'embrasser furtivement, d'un baiser sec et fauve, retenant la morsure suave que la moindre parcelle de sa peau lui inspirait.

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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
Charlyelle
« Chasseur, sachez chasser. »
Anonyme

Des merveilles. J'aimerai être apte à lui en procurer chaque jour que la Mère fait, si j'en avais le pouvoir. Parce que cet homme là, il est tout simplement ce que je qualifierai de l'Exception de ma vie. Mon Repère. Mon Equilibre. Mon Sauveur. Mon Maître-amant.

Alors si aujourd'hui il estime que je lui en ai octroyée une, cela suffit à me combler. Et pourtant le Seigneur est décidé à me gâter davantage encore en glissant entre mes doigts un petit sac qui je le comprends vite, recèle un trésor de beauté. Il termine à peine sa phrase que j'entrevoies déjà ce que cela peut être. Parce que je sais quel est cet endroit qu'il aime tant.

Le baiser se fait furtif et fauve, m'arrachant une plainte animale que je tais au fond de ma gorge.

Je sais bien qu'il y a un vent du Nord qui s'est mis à souffler dans ma vie depuis que le Seigneur a quitté le Périgord mais rien ni personne ne cassera ce lien qui nous unit. Et le Danois le sait et ne semble pas m'en tenir rigueur. Mais mes rapports au Vent du Nord sont différents de ceux que je peux entretenir avec le Satrape.
Je ne me suis pas mise en tête de perpétrer ma vengeance sur mon père avec Judas Gabryel alors que je n'hésite pas à le faire avec le Danois. Ce qui implique que cette nuit qui s'annonce dans quelques semaines, sera très certainement le début d'une nouvelle vie.
Celle où j'offrirai au Danois ce que je n'ai jamais offert à personne. Celle aussi qui me mettra entre les mains de quoi m'opposer plus que jamais au dessein que mon père me réserve. Ce qui implique aussi que Seurn est en train de se frayer une place irréversible dans mon existence. Une place qu'il se fait doucement, avec ténacité et de manière insolente et grisante. Il veut tout, il me l'a dit. Le vent du Nord se fait Lui, Evidence.

Mais une chose ne changera pas et reste indéfectible. Personne ne tranchera dans le vif ce lien qui m'unit à Judas Gabryel. Je tuerai de mes propres mains quiconque s'y essaierait. Et je ne m'imagine même pas qu'il puisse en être autrement.


" - Je les porterai. Entremêlées à mes perles noires."

Je vois la bourse qu'il dépose près de moi et je retiens le geste de refus que je m'apprête à faire. Je lui ai promis à Sarlat de ne rien refuser.

Alors je pose ma tête au creux de l'épaule du Chasseur.
L_aconit
Bien. Parfait.

Le gaucher effleure le fil de la peau de soie d'un index satisfait. Le bras offrira son frisson, étiolé en petits grains ébranlant sa surface. Dentellière semble s'épanouir dans sa tanière , sous le drapé. Un environnement qui lui sied.


Tu es belle. Qu'est-ce qui te rend si heureuse?


Reine de Sabba, ce n'est pas les perles et l'or à des poignets . Ce n'est pas ta coiffe façonnée au secret de la nuit. Et ne me parles pas de vents et marées, tu n'as jamais eu besoin d'autrui pour t'accomplir. J'espère que ce n'est pas moi, l'inconstant orgueilleux que tu ne sais pas voir. Embrasse tes lèvres aujourd'hui, mordra ta joue demain, pour une constante qui déraille, un ressenti qui tiraille... Si tu trouves l'autre impétueux , tu n'imagines pas l'absolutisme ... Que tu es belle, ma dentellière.


Sa voix est paisible, aux notes presque brisées sur le fil de rocaille que ses chuchotements prennent toujours en écueils. Judas est un mort dont Charlyelle est le linceul, enveloppante et gardienne de ses rares démonstrations d'affects. Avisée sans savoir, de ce qui est et n'est pas. Car si derrière tout homme se cache une femme, Judas est un grand saule qui donne son ombre à dix mille âmes...

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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
Charlyelle
Je suis dans ses rivières, les pierres et l'eau qui coulent, son Océan, ses mers, la vague qui l'enroule.

Qu'est ce qui me rend heureuse ? En voilà une drôle de question entre les lèvres de mon Maître-amant. Il y a longtemps que la vie m'a appris à me contenter de ce qu'elle m'offre, sans rien demander en retour et encore moins vivre de chimères ou d'illusions.

Je me saisis de sa senestre gantée d'autorité, et silencieuse, prenant tout mon temps, j'ôte le cuir. Je libère la peau et je découvre ainsi la perlée noire qui trône à l'un de ses doigts. De mon index, je l'effleure avant que mes bouts de doigts laissent leurs effluves sur la peau de la main Judaesque. J'en effleure les contours, ma paume ne fait plus qu'un avec sa paume, l'espace d'un délicat instant.

Cet homme m'a sauvé par le passé d'une mort certaine et il l'ignore. Sans lui, je ne serais plus.
Je relève mes emperlées lunaires sur son visage et accroche ses onyx.


" - Sais-tu Judas Gabryel ce qui me rendrait vraiment heureuse ?"

Judas Gabryel, tu dessines les mots, découvre les nuances, change mon laid en beau, efface nos absences. Tu mets de la couleur, des rouges, des bleus intenses dans mon âme.

Je le lui ai déjà dit dans l'intimité d'une taverne Périgourdine. Mais je ressens ce besoin de le lui dire encore. Parce que je ne sais que trop ce que peut ressentir cette Autre à laquelle selon Lui je ressemble tant. Parce que ce qu'il a fait à Anaon, mon propre père est bien décidé à me le faire subir. Parce que dans les mois qui viennent, lorsqu'il sera là pour sa visite annuelle, je vais encore devoir m'opposer, supplier ce despote dont je partage le sang. Parce que je ne sais que trop ce que c'est de grandir sans mère.

Je laisse planer un silence avant de laisser mes mots prendre leur envol dans l'esgourde de Judas Gabryel.


" - Fais de ta Sénéchale, la Mère qu'elle est aux yeux de tous. Ote lui cette souffrance que rien ne peut égaler. Fais le pour votre fils. Fais le pour Anaon. Fais le pour toi. Fais le pour Vous. Epouse là. Peu importe la manière. Si tu n'arrives pas à lui dire que tu l'aimes avec des mots, uses des actes pour le faire."

Je sais qu'il va vouloir me frapper pour lui dire ces mots là de nouveau. Mais il sait aussi que que je sais lire dans son âme.

" - Ce qui me rend heureuse, c'est de te savoir heureux Toi, Judas Gabryel."

Les éléments viennent de se déchainer au plus profond de mon être.

Libre inspiration de je ne sais pas son nom - Chimène Badi
L_aconit
La main enserre les joues, elle pourrait les broyer comme elle ne sait que trop bien le faire, elle les repousse pour toute réponse, contenant l'impulsion délétère . S'il déteste l'idée qu'un bleuet fleurisse sur sa peau, il n'en reste pas moins Judas. Et il taira avoir fait des bouquets sur d'autres joues. Anaon. Nyam. Iris. Katina. Chimera. Isaure. Rose. Le nain hargneux, Sabaude, le laquais du Ried. la liste ne mérite pas d'être plus déroulée. Judas pouvait entretenir un calme de marbre en défoulant ailleurs et autrement la violence qui l'habitait. Nécessité vitale à un équilibre sinistre.

Ne t'approches pas des lignes Meine Liebe...


Avant, elle le vouvoyait. Elle n'aurait jamais osé lui parler d'une autre. Judas aimait cela. Avant, lorsqu'il ne lui avait encore jamais parlé de l'Anaon. Leurs similitudes et leurs points si communs avaient fini par briser l'omerta et maintenant... Maintenant.. Que de désolation. Judas détestait avant tout que les femmes qu'il fréquentait puisse se connaitre, reconnaitre, s'apprécier. Diviseur par nature, régnant sur des liens qui jamais ne s'unissaient, le satrape se faisait un manteau de cent laines qui jamais ne croisaient. Parfois si proches sans le savoir... Un tissage bien secret qu'il tenait à conserver en l'état, pour éviter les écorchures...

Dentellière a l'art de détourner les questions.


Je vais m'en aller.


Judas a l'art de détourner les réponses.

Il épouserait la Roide, un jour ou un autre. Mais comme sa Suzeraine avait toujours eu l'art détestable de lui dicter la bonne vie, Judas n'acceptait pas qu'une femme lui parle d'une autre, surtout si les deux pouvaient partager son lit. Il serait fâcheux que les mailles du manteau dans lequel il s'enroulait imaginent qu'elles se doivent mutuellement leur situation. Il pointa un index bagué sur la Dentellière.


Et ne me parle plus jamais de cela.

Elle détesterait cela. Je saurai te rendre heureuse d'autres façons.

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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
Charlyelle
e ne bouge pas d'un iota lorsqu'il enserre mes joues sous sa main. Et elle n'a rien de douce. L'espace de quelques secondes, je sens cette essence brute jaillir en lui. Avant qu'il ne s'en éloigne, en les repoussant sèchement.
Je ne frémis pas. Je ne lâche pas son regard. Je ne cille même pas. Mes embrumées lunaires fixent sans broncher les onyx.
Je sais que je l'ai contrarié. Qu'il n'a pas apprécié ce que je viens de lui dire. Et pourtant, qu'aurai-je du dire lorsqu'il m'a narré, durant son séjour Sarladais, combien je ressemble à Anaon. C'était la première fois qu'il me parlait d'Elle. Car de ces quelques années partagées, autant il m'avait parlé d'Isaure, autant le nom d'Anaon n'avait jamais franchi ses lèvres. Et ce jour là, dans cette taverne des Amazones, il l'avait fait.

Cette journée là. J'ai compris que Judas Gabryel lui, avait quelques points communs avec mon père. Parce qu'en me disant ceci, il ne s'est pas aperçu de la gifle qu'il m'a balancé. Je ne lui ai pas donné le loisir de déceler qu'il avait pu me mettre à mal en m'assénant une telle chose.
Et je reste persuadée que nous sommes différentes Elle et moi. Même si quelques similitudes peuvent nous animer.

Je n'ai pas eu besoin de me mettre à la place de sa Sénéchale. Car il est une douleur que j'ai connue par le passé. Je suis une écorchée vive qui fut rescapée. Je sais ce que c'est que d'être l'Officielle et se savoir mise à mal pratiquement toutes les nuits. Je sais le poison distillé pour avoir été la compagne d'un Sapineux qui ne pouvait s'empêcher de chasser ses proies inlassablement. Cela avait fait de moi cette femme que je suis devenue et que Judas Gabryel apprécie tant. Il ne m'a pas connu avant.
Je ne lui en ai jamais parlé. Parce que sans le savoir il m'a sauvé et m'a aidé à m'affranchir de souvenirs qui m'étaient devenus insoutenables.
Et pas plus tard que la nuit dernière, j'en ai pris de nouveau conscience lorsqu'à Bergerac, au sein de cette taverne des Cavaliers Illuminés qui est devenue mon antre, je me suis trouvé face à l'une des Sauterelles que le Sapineux avait allègrement consommé. Le Danois pensait me voir sauter à la gorge de cette femme et pourtant il n'en fut rien. Je lui ai simplement sourit et offert un godet de mon eau de feu qu'elle a de plus apprécié. Et la conversation fut chaleureuse. Plus tard, Seurn m'a fait part de son étonnement parce que j'étais restée très calme. Je lui ai simplement dit de penser un jour à remercier Judas Gabryel pour cela.

Aujourd'hui encore, je garde ma sérénité. Mes joues me brûlent sous l'empreinte de la retenue des doigts dévastateurs.

" - Je ne t'en parlerai plus puisque tel est ton désir. Mais au moins, tu m'auras entendue. Je croyais que toi et moi pouvions tout nous dire."

Je reste silencieuse quelques instants tout en regardant son index pointé sur moi. Un semblant d'avertissement.

Je pense à la missive reçue de ma grand-mère. Son arrivée prochaine. Celle de mon père. Je sens que le mois de mai qui se profile va être long et éprouvant pour moi.

Je repense aussi aux paroles de Judas Gabryel lorsqu'il m'a souhaité de ne jamais me marier, parce qu'il est possessif.

" - Durant la prochaine nuit de Beltaine, je vais me marier. Durant un an et un jour."

J'ai les oreilles qui bourdonnent et je me sens envahie de sueurs froides. J'ai à peine conscience d'avoir prononcé ces mots. C'est le meuble derrière moi qui me soutient. Mais j'avais pris la décision de l'en informer avant et non après.
Je ne précisais pas pourquoi un an et un jour. Je ne mentionnais pas non plus qui j'allais épouser.

J'avais le sentiment que je venais de signer mon arrêt de mort face à lui. L'ire que ressentirait et pousserait mon paternel me semblait à ce moment précis prendre des allures de douceur infinie.Et pourtant. Je voulais que Judas Gabryel soit le premier à l'apprendre.

Je ne voulais pas l'imaginer me tourner le dos, s'en aller, et ne plus jamais souhaiter me revoir.


Je saurai moi aussi te rendre heureux.
L_aconit
Il sent bien la pointe d'agacement dans les mots soigneusement choisis. Charlyelle n'est pas Dentellière pour rien. Maitresse d'assemblages heureux à l'harmonie piquante , vivante. Judas est un maraud qui se drape de ces étoffes précieuses et s'en va, se les appropriant. Le timbre se fait cinglant, presque blessé de la conjoncture des choses.

Seuls les sourds ont besoin de se voir répéter deux fois les choses, pour la certitude.


Pour un Maitre, le voilà mal respecté, comme si d'un caillou le scélérat pouvait se faire rivière... Chantante, bavarde, fluide et limpide... Frayner lui en veut soudain de s'aventurer sur les sentiers qu'il s'est contenté de lui montrer du doigt. Et pas assez de l'agacer, elle le bouscule , de maux qu'il sait déjà. Intuitif , Judas a toujours su assembler des bribes de l'histoire... Quitte à en inventer parfois. Paranoïaque plausible.

La surprise n'en est pas une. Lorsqu'un berger arrive, c'est lui qui fait le troupeau. Le loup, lui, reste maitre de ses talus, de son observation passive et de ses illimités repas. Rétablissant un équilibre nécessaire de façon naturelle, opportuniste de ses propres envies. Frayner ne sait pas observer la raison. Loin de se recroqueviller, les indiscrétions le galvanisent et le poussent au cynisme, franc et abrupt.


Et moi durant la prochaine nuit de Beltaine, je baiserai à ta gloire. Lorsque l'on se marie, ce n'est jamais que pour toujours. N'oublies jamais cela.



Un double époux peut le dire. Chimera sera toujours là, cousue de fil rouge, menottée à son poignet par une nature d'ouest narquoise. Morte de trop être aimée. Isaure sera toujours là, épouse martyr violentée de silence et d'indifférence. Morte de trop être haïe. Mortes, mais à jamais reconnues comme épouses. Quoi qu'il en soit advenues.

Acteurs du pire... Peu importe qui tu épouses, il aura autant de valeur que qui je trousse.


J'ai mal pour ton époux de t'entendre gémir à chaque fois que l'on se reverra.

Puisque l'on peut tout se dire.
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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
Soren
La dernière fois que j'étais venu ici, c'était pour répondre à un rendez-vous mystérieux. Une lettre non signée et me voilà à parcourir les lieues qui séparent Bergerac de Paris. Ce que j'y avais récolté? La rencontre avec un vieil ami d'enfance devenu un ennemi intime assez récent. Niels, celui avec qui je partageais tout, celui qui s'est rangé du côté de mon oncle, du côté du plus fort. A ce rendez-vous, j'y a aussi gagné des coups sur la tête, une balade romantique avec celle que je croyais à l'époque une espionne à la solde du Castral-Roc. Au cours de cette balade, nous y avons croisé des danois, des sauvages parlant un dialecte inconnu, nous avons trouvé quelques connexions d'intérêts dans une chambre à coucher ce qui nous a amené à l'église devant l'autel. Quoi? Non, je ne vous parle pas ici d'une "Love Story" comme disent les angloys... mais plutôt de l'étrange rencontre de Charlyelle Ileana MacAlayg avec Søren MacFadyen Eriksen. L'histoire d'amour, c'est plus tard. Saison deux : quand l'hiver vient. Ce qui les attend dans la saison trois : un mariage en principe. Ouais, je sais, vous me direz: ça manque d'originalité cette histoire. Mais allez voir les détails et vous m'en direz des nouvelles! Bref, ce soir, j'ai toutes les raisons du monde d'être suspicieux. J'ai fait le tour du paté de maisons. Au dessus des toits, il me semble apercevoir l'église de laquelle nous sommes sortis Charlyelle et moi, lors de cette rencontre. Eglise, cathédrale...peu importe. "Édifice religieux" dirait un avocat féru de déblatérer pendant des heures sur l'étymologie d'un mot. Rien. Je n'y ai rien trouvé. Aucun indice qui puisse me donner la moindre explication sur ce qui s'est passé cette nuit-là. D'ailleurs, je vous avoue que je ne sais même pas ce que je cherche.

A l'intérieur, Charlyelle a du en avoir terminé avec Judas. Elle devait lui remettre des perles précieuses et rares, spécialité familiale. Judas... L'homme qui restera toujours entre elle et moi, de manière plus ou moins effacée. Son lien passé avec elle est trop fort pour qu'il disparaisse à jamais. De toute façon, je ne désire pas qu'il disparaisse car je sais que cela la ferait mourir un peu. Cette situation, c'est à moi de la gérer au mieux comme elle doit le faire avec l'Autre. Ce sont deux conditions essentielles pour que le handfasting qui se profile le jour de Beltaine puisse être reconduit l'année prochaine.

Des portes...des escaliers... Sa boutique. Son chez-elle, un lieu qui respire elle. Un refuge aussi. Un endroit qui se révèlera à moi petit à petit. Peut-être. Si elle le désire. Devant, des éclats d'une voix masculine. Judas? Sans doute, c'est avec lui qu'elle avait rendez-vous. La porte s'ouvre. L'épaule est appuyé contre le chambranle. Lui...


- Bonsoir Judas. Les perles sont-elles à vôtre gout?

"Suffisamment pour orner un cou sur lequel vos lèvres déposent des jumelles d'une autre forme? Plus...sensuelles encore?"
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L_aconit
Judas adorait se voir coupé dans ses conversations au moment le plus intéressant . Il n'eut pas besoin de tourner le faciès vers Seurn pour le reconnaitre, préférant figer son regard sur son interlocutrice.

Quand on parle du loup.

Judas tendit la senestre chargée de son acquisition à la vue de ce client particulier avant de se tourner finalement vers lui dans un infime - infâme ? - sourire retenu. Visiblement , il savait déjà tout de cette entrevue et de son objet. Seurn était bien moins surpris que lui. Il n'était donc pas utile d'épiloguer et de s'attarder. Il hocha vaguement la tête en guise de salut, courtois au possible, faisant abstraction de tout . Du pourquoi Soren n'était pas en Périgord, par exemple.

Soren. Les yeux accrochèrent ceux du Danois. Aux miens? Pour celles-ci, elles doivent l'être d'autrui, de préférence. Vous êtes bien bon de vous en inquiéter.

Il se pencha sur le front de la Dentellière , y déposant ses lèvres, et au seul secret de son oreille un murmure :


Tous mes voeux de bonheur.


La silhouette Judéenne étira sa présence jusqu'au perron, où il demeurait l'inconnu des années passée, laissant à Soren pour tout au revoir une virile tape derrière l'épaule.

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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
Charlyelle
Un jour, on entre dans ce monde, comme ça, sans n'avoir rien demandé à personne. Et puis, on nous dit ce qu'il faut faire et surtout ce qu'il ne faut pas faire ! Alors on fait ou ne fait pas ! On fait son petit bonhomme de chemin jusqu'au matin ou,pour la toute première fois l'on se réveille "vraiment!" Comme d'habitude on vaque à ses occupations mais, pour la première fois, on ose crier à voix haute :-« J'en ai marre ! » Et c'est alors, que même devant sa glace, on ne se reconnaît plus... C'est maintenant qu'il y a urgence de prendre rendez-vous avec soi-même…

Il n'y a pas de baume pour guérir les blessures de l'âme. Brisée en millier d'éclats. Il est des paroles que je me remémorerai bien longtemps après encore. Mais je me tairai, je n'en dirai rien.

Il est des matins qui ne devraient jamais se lever. Quand on a le coeur aussi lourd que du plomb, l'âme en peine et que déjà on sait que la journée s'annonce mal. Mais la vie n'est pas un jeu, elle se moque bien de nos états d'âme, et toujours elle nous pousse à aller plus loin, plus loin encore. Parfois tellement loin qu'elle nous mène directement au bord du gouffre !
Dans le fond il me semble que les moments heureux passent en jouant à cache-cache avec le temps qui nous manque pour pouvoir en profiter pleinement et s'en imprégner suffisamment pour que leurs souvenirs rejaillissent et soient plus forts que nos moments de peine. Parfois j'ai le sentiment de n'avoir encore rien vécu alors que d'autres fois il me semble avoir cent ans ou même davantage encore lorsque le poids qui pèse sur mes épaules se fait si lourd que j'en ai même peine à marcher.
La vie nous fait courir sans cesse, courir, courir encore et toujours, courir jusqu'à épuisement !

Je voyais dans l’ombre le grand balancier en cuivre de l’horloge, métronome impitoyable qui égrène le temps dans un tic-tac lancinant. Cette horloge comtoise était une vraie pièce d'art avec ses poids et contrepoids. Elle était magnifiquement ornée avec des scénettes de chasse-à-cour travaillées au contrepoint sur toutes les parties cuivrées.

Mais je n'entendais que le temps qui s'égrenait dans un silence assourdissant alors que je venais tout juste de m'apercevoir, que je m'étais ensanglantée la paume de ma senestre alors que je m'agrippais au comptoir derrière moi.

Je ne saurai dire lesquelles des paroles de Judas Gabryel étaient responsables de ce sang qui coule. Et je regardais les gouttes de sang s'égrener au sol, tel un chapelet, comme dans un état second. J’étais silencieusement malade, noyée dans l’absence de Judas Gabryel. Parce qu'il avait cette place à part si particulière.

Mes embrumées se relèvent enfin, et se font interrogatives sur le Danois. Mais aucun son ne sort de ma bouche.


J'ai bien fait de le lui dire n'est-ce pas ?
Soren
      « Sur la route du couvent d'Eymet, proche de Bergerac »


La brise fraiche du matin finissait de me dégriser. Les pensées reprennent peu à peu de leur lucidité, laissant la place à un grand vide: celui causé par l'alcool. Au galop, le cheval m'emmène en direction des ruines du couvent d'Eymet. Pourquoi Eymet? Parce que c'est un lieu qu'elle aime, elle me l'a dit. Elle veut l'acquérir, en faire sa tanière loin du regard des autres. Loin du mien aussi? Que s'est-il passé hier pour qu'elle disparaisse ainsi? L'alcool sert à oublier. Hier il a fait son oeuvre, ce pourquoi justement j'en ai abusé. Le problème maintenant, c'est que je ne sais fichtre pas ce qui a pu se passer et de facto où je puis espérer la retrouver. Mon esprit est empli de point d'interrogation que ma réflexion n'arrive pas à lever mais je sais ce dont je suis capable: abject, injurieux, violent, pervers, pernicieux. Vous en voulez encore des adjectifs qui décrivent mes belles qualités héritées de ma famille paternelle, entretenu avec soin par l'éducation que l'on m'a donné et par les vicissitudes de la vie?

Le cheval a les naseaux dilatés. Le voyage jusqu'à Eymet s'est fait à fond de train. Il souffle. De la buée sort de sa bouche avec l'air frais du matin. Une fine rosée recouvre l'herbe de la clairière où je débouche enfin. Un regard circulaire balaie les environs et une moue sceptique vient se dessiner sur le visage. Pas de cheval, pas de bruit. Au sol, aucun trace de sabot qui puisse appartenir à une monture, pas de trace de pas. Mes chances de la retrouver ici sont minces. A combien se chiffrent les chances de la retrouver tout court? Où es-tu Charlyelle Ileana MacAlayg?Les ruines du couvent n'ont pas changé depuis notre dernière visite. Les travaux n'ont pas encore débuté tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.


- Charlyelle?

Les paroles se répercutent sur les froides parois grises de ce lieu abandonné. Personne... Il n'y a personne. Peut-être ne peut-elle pas me répondre? Peut-être s'est-elle endormie de fatigue?

- Charlyelle?

Pourquoi n'es-tu pas ici? Ça n'est pas logique. Tu aurais dû être là! Tu aurais dû... Drôles de réflexions. Ce sont celles d'un homme qui doute, qui ne comprend pas, qui n'arrive pas à atteindre son but. Lancer des reproches aux autres, voilà un autre trait bien Eriksen celui-là aussi. Ce n'est pas moi qui raisonne mal, c'est elle qui manque de logique. Qu'a t-elle dit for fanden! Qu'a t-elle dit avant de quitter les cavaliers illuminés hier soir? Rappelles-toi danois! Il faut que tu te rappelles! Allongé sur le sol froid de cette pièce où nous avons maintes fois discuté elle et moi, j'essaie de rassembler mes idées. Les images du passé ressurgissent dans mon esprit. Ici même dans cette pièce, je l'ai embrassé. Elle prétendait que ses gardes du corps la surveillaient en permanence. Je lui ai volé ses lèvres, moi le danois issu du peuple de ses ennemis. Mon baiser s'est fait plus intime et elle s'est laissée aller dans mes bras. Autre temps, autre période, celle où les nuages noirs dans le ciel n'avaient pas encore fait leur apparition.

Au loin, ma monture s'est mise à brouter l'herbe de la clairière. Monture...À Bergerac pourtant on m'a bien confirmé que son cheval avait disparu. Elle ne s'est pas réfugié dans la ville. Elle l'a bien quitté, j'en donnerais ma main à couper... ou mes jambes au Sans-Nom! Avant de partir, elle a ramassé ses affaires, remis ses armes sur elle. Et puis quoi encore? Les souvenirs me fuient. Rappelle-toi danois for fanden! Rappelle-toi! Elle a mis son mantel, elle a ramassé ses herbes médicinales. Elle a dit qu'elle allait denteler. Ouais...Denteler...Appelez cela inspiration divine, coup de pouce du destin ou raisonnement logique, l'important c'est le résultat. J'ai été stupide! J'aurais dû y penser avant. Il y a un autre endroit où elle peut aller se réfugier et si ce choix se confirme, il dénote du fossé qui s'est creusé entre elle et moi, un fossé bien plus grand que je ne l'avais évalué. Eymet est bien trop près. Elle veut mettre plus de distance entre elle et moi. Où pouvait-elle en même temps trouver du réconfort et se livre sans retenue à son art dentelier? Si j'ai raison, il va me falloir plusieurs jours de voyage pour y arriver et si je me trompe, j'aurais perdu un temps précieux. D'un autre côté, ai-je vraiment d'autres pistes? Les doigts entre les lèvres, je siffle en direction de la monture.


- Eh toi! Fini de brouter! Amène-toi par ici, on a un long voyage à faire!



      « Paris, du côté de la boutique de la dentellière, le 15 mai 1463 au soir »


J'avais erré trop longtemps dans la campagne bergeracoise. Il me fallait rattraper le temps précieux que j'avais perdu. J'avais abandonné ma monture au relais d'Angoulême. Elle avait assez donné et désormais elle ne pouvait que me ralentir. Dans la ville du nord du comté, j'avais pris un repas hâtif et quelques provisions pour la route. Paris était encore loin et je comptais bien crever homme et bête sur le trajet. La monture pouvait être changé à chaque relais, l'homme lui devait tenir. A Orléans, j'avais eu une altercation avec la maréchaussée qui ne voulait pas me laisser entrer parce que soit disant j'étais arrivé trop tard et que les portes des remparts étaient closes. Le problème avec les maréchaux, c'est la solde. Avez-vous déjà vu un maréchal fermer les yeux sur quelques écus de plus pour un travail minime? Il faut croire que malgré la poussière et la barbe plus que naissante désormais, je ne devais pas encore avoir une mine assez patibulaire pour laisser à penser que je faisais courir un danger à la ville. Au relais d'Orléans, j'avais eu une autre altercation. Il faut croire que cette ville ne m'aime pas... ou que la fatigue du voyage commençait à se faire sentir. L'homme avait voulu régler l'affaire par un duel judiciaire en lice. Le temps me manquait pour ce genre de sauterie. Nous avions convenu de nous retrouver au même endroit dans un mois et un jour pour régler le différend. Enfin les abords de Paris commencèrent à se dessiner sur l'horizon...

La ville est plongé dans le noir de la nuit lorsque j'arrive à la boutique de Charlyelle. Le quartier Lafayotte est peu fréquenté à cette heure. Sous un porche, un mendiant la tête recouverte d'une capuche quête sa pitance pour le lendemain. En face, un couple d'amoureux badine en déambulant. Une porte claque, un volet vient boucher une fenêtre. Paris la nuit. La porte de la boutique est entr'ouverte.


- Charlyelle?

Je ne sais pas où elle met sa monture quand elle vient ici mais cette porte mal fermé me rassure quelque peu. Quelqu'un est passé par ici il n'y a pas si longtemps. Quelqu'un de pressé ou quelqu'un qui a l'esprit ailleurs. La pièce principale est plongée dans l'obscurité. Pas une lampe à la flamme vacillante n'éclaire les lieux. Les rayons lunaires qui parviennent jusqu'ici au travers de la fenêtre me permettent cependant d'apercevoir un indice : un mantel jeté précipitamment sur une chaise. Il est poussiéreux et légèrement humide. Cette nuit, en arrivant sur Paris, moi aussi je me suis pris une petite bruine pénétrante...
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Charlyelle

Tout a une fin...

A présent, j'avais vu la façon dont il avait attaqué ce petit bout de Nous que je portais, au nom de la malédiction qui selon lui, frappe sa famille Nordique. La rage et la violence explosive dont il était capable. J'avais été témoin de son humeur sombre. Cet enfant ne pourrait jamais être en sécurité auprès de lui, j'en étais certaine, sa manière d'être venait de m'en persuader. Certes il n'avait pas levé la main sur moi. Il ne m'avait pas porté de coups, ne m'avait pas jetée à terre, ni fait quoi que ce soit pour me blesser physiquement. La blessure était Autre.
Il avait demandé. Oui il avait osé. S'enquérir si cet enfant était le sien et n'était pas plutôt celui de Judas Gabryel. J'en avais eu le souffle coupé et je l'avais regardé avec horreur avant de m'enfermer dans un redoutable mutisme. Et je lui avais simplement rétorqué, lorsque j'avais repris assez de contrôle sur moi-même qu'il devrait sans doute apprendre à compter. A moins qu'il ne s'imagine que je n'ai vu Judas Gabryel ces derniers temps, ce qui n'était pas le cas.
Le mal était fait. Après ce qui s'était passé ce soir là, je ne pourrais jamais être certaine qu'un jour ce n'est pas sur moi qu'il passerait sa colère. D'ailleurs ne m'a t'il pas dit de rester toujours armée en sa présence. Je n'étais plus sûre qu'il ne sortirait pas de nouveau de ses gonds et ne me frapperait pas que ce soit des poings ou de ses paroles.
Ce serait comme marcher chaque jour au bord d'un précipice plein de dangers invisibles qui me guettaient. Mes décisions étaient prises. Oui deux. Je n'oubliais pas ce qu'il était sensé advenir de mon premier-né s'il s'avérait que ce soit un héritier mâle. Et non seulement, pesait sur moi le joug de la folie de mon propre père qui n'hésiterait pas à me l'arracher puisque tel était son dessein, mais même le propre père de l'Enfant, je ne pourrai pas compter sur lui. Ne me restait alors qu'un seul moyen de mettre un terme à tout cela. Faire en sorte que cet enfant ne voit jamais le jour.
Et rester auprès du Danois durant un an et un jour. Sans enfant auprès de nous, à ce moment là les liens et les vœux n'auraient pas besoin d'être reconduits.

Je savais ce que je devais faire. Par La Mère, par Saint Daffyd, Sainte Bridget et tous les Saints de mes terres des Highlands, je venais de me jurer que j'allais le faire.

J'ai pensé à aller me terrer dans cette garçonnière parisienne dont j'ai toujours la clef. Mais ce serait alimenter un peu plus l'erreur du Danois et je ne veux pas impliquer Judas Gabryel en aucune façon. Je veux l'éloigner de Seurn, je me suis promis de ne plus prononcer son nom devant le Danois afin de faire cesser la moindre provocation de celui qui est devenu mon époux à l'encontre du Von Frayner.

Et après m'être munie de toutes mes armes, avoir ramassé toutes mes affaires, j'avais éperonné Orpheus, la bouche aussi sèche qu'un tonnelet vide de mon eau de feu, la tête douloureuse, et l'estomac révulsé. Mieux valait d'ailleurs ne pas considérer mon estomac qui me jouait des tours depuis quelques semaines.

Je m'étais mise en route pour Paris. Il n'y avait qu'un seul lieu où je pouvais agir et c'était dans l'atelier d'alchimie de mon feu grand-père. Dans les sous sols de ma boutique.

J'avais lancé mon Lipizzan dans une course folle. Orpheus avait l'habitude des longues lieues et était robuste.

Le ciel était d'un gris morne et j'évitais plusieurs grandes flaques d'eau à l'entrée de la ville Puante. Il ne pleuvait pas mais une fine bruine s'infiltrait jusque sous mes vêtements, laissant le froid s'insinuer en moi. Aussi je gardais les yeux rivés sur le sol. Cela me permettait d'esquiver les regards qui pouvaient se poser sur moi.
Finalement je venais d'apercevoir les contours de ma boutique. J'en fis le tour par l'une des ruelles adjacentes et mettant pied à terre, j'ouvrais une petite porte de bois qui ne payait pas de mine mais derrière laquelle se trouvait l'écurie que j'avais faite aménager pour que mes montures soient en sécurité lorsque je venais ici.
M'étant assuré qu'Orpheus avait sa ration d'avoine et du foin propre, je le dessellais. Nous resterions ici quelques jours, le temps que je puisse me remettre de ce que je m'apprêtais à faire.
Malgré les gestes instinctivement protecteurs qui me démangeait, je me refusais à toucher mon ventre. Et harnachée de ma sacoche que Dentelière que je suis je ne quitte pas, je refais le tour des lieux afin de pénétrer dans ma boutique.
Je ne prête pas attention si la porte s'est refermée derrière moi ou pas, et d'un geste qui ne me ressemble pas, j'ôte mon mantel, le gris qui porte les couleurs de mes terres paternelles et je le jette avec désinvolture sur le premier dossier que je trouve.

Je n'ai qu'une seule chose qui m'importe. Descendre dans l'atelier d'alchimie. Je m'arrêtais dans l'une des pièces plus discrètes que possédait l'endroit, et après quelques instants, j'en ressortais, portant en main un bocal.
Mon cœur lui est transpercé d'une douleur vive quand je descends les dernières marches qui me mènent dans ce qui fut l'antre de mon grand-père. Il me manque. Terriblement. Aujourd'hui plus que jamais.
Je me laisse glisser à même le sol. Je dépose avec précaution le bocal près de moi. Me délestant de ma sacoche, je l'ouvre et en extirpe quelques graines. Un bol dans lequel je me mets à piler les graines et les plantes contenues dans mon bocal.

Je me relève et j'active la forge selon les us que m'avait enseigné mon grand-père. Et les premières flammes ne tardent pas à rougeoyer. Dans un petit chaudron j'ai versé la mixture que je viens de préparer, mélangée à de l'eau, et je laisse chauffer le tout.
Le feu des torches accrochées au mur venait relever la lueur pâle de la lune qui avait émergé des nuages, formant un halo par la petite fenêtre de l'atelier.

Et je me penche au-dessus de la mixture, humant les nauséabondes effluves qui s'en échappe, avant de m'en servir un bol. Préliminaire de ce qui sera, substance qui va aliéner mon esprit afin que je puisse ensuite passer à l'acte en lui-même et supporter les heures à venir qui vont être les plus douloureuses.
Je recule violemment contre le mur pour me retrouver au sol, et je restais immobile, le regard aveugle.Lorsqu'un chuchotis enfle dans ma tête pour se faire plus percutant, la voix d'Ilug se fait entendre de la même manière qu'il s'est manifesté dans cette clairière, au lendemain du jour où j'ai appris sa mort.


«  - Que fais-tu Kallipari ? »

Son regard exprime une inquiétude et une colère non dissimulée, mais c'est bel et bien Ilug qui est là, penché au-dessus de moi.

Au même instant j'entends au loin l'écho de mon prénom...
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