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[RP] A la vie, à la mort

Catterine


«Le voyage est un retour vers l'essentiel.»Proverbe Thibétain

Le voyage, ou plus exactement la fuite de Craon fut assez singulière.
Déjà de par les membres qui composaient le petit groupe hétéroclite ; une vieille apothicaire, un grand garde bourru, une petite brune muette et un convalescent en danger. Et pourtant, tout ce petit monde s'était mis d'accord, à l'exception du brun inconscient, pour faire route vers le Poitou et plus précisément vers La Rochelle. Le garde avait semblait-il de la famille là-bas et les deux femmes n'avaient rien de mieux à proposer pour ôter l'ancien maire des griffes des royalistes.
Catty, quant à elle, avait tellement eu envie de voyager que finalement, la destination lui était égale tant qu'elle pourrait veiller son ami. La première ville, Laval, fut traversée le plus discrètement possible pour ensuite passer par la Bretagne.
C'est dans ce duché qu'Adess, son ami, rouvrit enfin les yeux et rassura ceux qui l'avaient veillé. Il allait bien en dehors de ses côtes qui avaient encore besoin de repos mais la principale inquiétude les avait quitté.
Néanmoins, il fallut par la suite expliquer la situation au brun de nouveau éveillé, celui-là même qui ne souhaitait pour rien au monde quitter sa ville, quitte à mourir avec et la brune, qui fut chargée du message, fut prise par son ami, comme la principale bouc-émissaire de cette fuite involontaire.

L'ambiance, dans le groupe, s'était dégradée et était devenue tendue par les deux amis qui ne se "parlaient" plus.
La brune avait de nouveau réussi à prononcé quelques mots, sa réticence à parler s'estompant lentement mais sûrement mais les reproches qu'elle avait reçus de son ami lui avait rendu son mutisme.
Ce ne fut que quelques jours après, alors qu'ils traversaient la morne campagne marécageuse entre la Bretagne et le Poitou que les choses s'arrangèrent et les deux amis se réconcilièrent, au soulagement de tous.
De nouveau plus souriants, Catterine et Adess continuèrent donc la route en compagnie de Bertin et de l'ancienne.
Ce voyage fut finalement salutaire et Adess put répondre à la promesse qu'il avait faite à la petite brune qui avait recouvré la parole.
La mer, ils purent aller la voir ensemble et cette journée de découverte du brun et de redécouverte de la brune fut des plus agréables, échangeant une simple bonne humeur ponctuée de giclées d'eau, de rires et de drôles maladresses.
Cette journée, aussi banale puisse-t-elle paraître aux yeux de bien des gens fut pour les amis, une découverte plus importante encore, celle d'un amour qu'ils ressentaient déjà sans jamais l'avoir exprimé jusque-là.
Pour cela, il fallut deux jours de plus, après cette mémorable journée pour que chacun avoue ses sentiments.
Catterine, elle, bien qu'elle ressentait cet amour depuis un moment, avait gardé cela au fond d'elle. Par pudeur, par respect. Elle n'avait pas voulu le tourmenter alors qu'il était, peu de temps avant encore, amoureux de la blonde de Craon.
Et quand il lui déclara ses sentiments pour elle, elle eut du mal à y croire, mettant cela sur le coup d'une nouvelle vie, d'une gaieté passagère mais il était sérieux et elle finit par lui avouer les siens.
Depuis ce jour, les amis se découvraient sous un nouveau jour, celui d'un amour sincère qui avait été forgé par les épreuves et le soutient réciproque qu'ils s'étaient apportés l'un l'autre pour les traverser, chacun étant l'un pour l'autre comme cela devrait toujours l'être dans un couple.
Finalement, peut-être que les éhontées rumeurs qui avaient courues tout le temps pour les dénigrer n'étaient pas si éloignées de la réalité ; une réalité qu'ils ignoraient encore alors.

De ce fait, ce fut une nouvelle vie qui débuta pour Catterine. Une vie qu'elle n'avait pas cru avoir un jour et qu'elle avait arrêté d'espérer avoir.
Elle qui pensait partir, quitter définitivement le royaume de France pour l'Irlande, restant solitaire, se découvrait à présent un autre choix de vie ; celle d'une véritable vie de couple, faite de respect et de partage.

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Geoffroy_de_lignerac
[Quelque part en Bourbonnais Auvergne, dans le château de la famille Robert de Lignerac]

« La petite brune, dis-tu ? »

« Ouais, la p’tite Catt’rine est ‘vec lui, M’sire. »

Le blondinet, la bouche tordue en un fin rictus, les yeux brillants de malice, se frotta longuement les mains. Des semaines qu'il guettait une telle occasion ; des semaines qu'il attendait l'opportunité de faire payer son vieil ami, Justin - ou Adess, peu lui importait - pour la cuisante punition qu'il lui avait infligé ; des semaines qu'il évitait de croiser son image dans un miroir...
Se redressant sur son fauteuil, Geoffroy se saisit d'une bourse de cuir puis se leva avec une lenteur toute mesurée.


« Serais-tu prêt à t'en charger ? »

L'homme qui lui faisait face hésita un instant et le jeune nobliau en profita pour le détailler davantage. Grand, massif, une trogne patibulaire et quelques minces balafres... bien plus minces que les siennes en tout cas. Voilà donc à quoi ressemblait l’espion qu’il avait engagé afin de surveiller les déplacements de Justin. Imposant, un phrasé de pécore et des manières de rustre… Même si le style lui déplaisait, préférant la subtilité et le raffinement, Geoffroy du admettre que le "machin" avait fait un bon travail.
Ledit machin s’ébroua et secoua finalement le chef. Prévisible. Et quand bien même il aurait accepté, le blond n’était pas sûr qu’il fût taillé pour ce genre d’embauche.


« Fort bien, comme tu veux... Voilà ta paie ! »

Il lui lança la bourse puis fit un geste de la main.

« Maintenant, va-t’en. »

Et sans attendre de voir si l'homme partait bel et bien, Geoffroy se retourna et s'avança jusqu'à la commode qui ornait l'un des murs de son bureau. Au-dessus de celle-ci trônait un miroir, recouvert d’une lourde étoffe grise. Lentement, le blond avança sa main jusqu’à tenir le tissu puis tira dessus.
Devant lui se dressa alors son reflet. Hideux, monstrueux, honteux reflet que le sien depuis cette funeste nuit !
Il avait retrouvé son vieil ami, dans une moribonde ville fortifiée dans le nord de l’Anjou. Quel était son nom déjà ? Craon… Oui, cette petite ville où avait eu lieu un banquet pour il ne savait trop quoi. Il avait déclamé quelques poèmes, chanté quelques chansons, avait marché avec la délicieuse Catterine, pensant en faire son « dessert » et s’était finalement retrouvé sur la placette du village face à celui qui le détestait le plus dans tout le Royaume… Justin, à qui il avait tout pris lorsque ce dernier avait menacé son train de vie d’enfant unique chéri par ses nobliaux de parents.
Il se souvenait également de la lutte qui s’était engagée puis… plus rien. Le trou noir. Il se rappelait seulement s’être réveillé dans une ville Bretonne, le visage enrubanné dans quelques linges. Il se rappelait encore de l’atroce douleur irradiant dans tout son faciès.

Posant d’abord un doigt sur la glace, il parcourut minutieusement le reflet des sillons laburant son - anciennement - si agréable visage. Sa mâchoire se serra soudainement, si soudainement que ses dents s’entrechoquèrent, lui procurant une vive douleur. Qu’importe ! Il posa sa dextre sur son faciès meurtri. Un frisson parcourut son échine tandis qu'une vague de haine montait vivement en lui, dévorant âprement ses entrailles.
Il posa alors son index sur la naissance d’une balafre et le fit lentement glisser dans la crevasse, ressassant les sombres idées qu’il nourrissait depuis cette nuit, quand soudain, il entendit la porte s’ouvrir.

Il se tourna lentement vers le battant, arquant un sourcil d'intérêt. Le gaillard était bien parti, toutefois, à la place de celui-ci se tenait désormais un petit homme aux cheveux gris-blanc et au dos légèrement bombé. Le chambellan. Courbé, les traits impassibles, il attendait que Geoffroy lui donne le droit à la parole… Depuis que le blondinet était à la tête de la maison "famille", il se délectait de ce pouvoir qu’il possédait sur ses gens. Certes il n’en avait pas beaucoup, car la maison Robert de Lignerac n’était qu’une "humble" maison mais tout de même, ce pouvoir était appréciable.


« Et bien ? Parle, bougre d’âne ! »

Le demi-bossu releva son buste, tout en tâchant de garder contenance face aux rabrouements incessants dont il était victime depuis que le Seigneur blond avait hérité du domaine. Il se racla la gorge puis énonça clairement :


« Votre deuxième "visiteur" est arrivé, Messire. »

« Et qu’est-ce que tu attends pour le faire entrer, le bossu ? »

C’est vrai quoi… Pourquoi donc le dérangeait-on pour rien ? Pourquoi donc lui servait-on sans cesse du protocole ? Les choses ne pouvaient décemment pas se passer simplement, sans être obligé que l’on annonce sans arrêt les différents visiteurs, les différents mets qu'on lui servait aux repas ?
Le chambellan s’inclina brièvement puis, à reculons, regagna la porte et laissa entrer le visiteur.
Catterine


Entre temps…
Le jeune couple était né à La Rochelle, cette ville portuaire Poitevine où bien des tensions avaient été laissées de côté.
Un court voyage en Anjou fait par le brun, acheva de reléguer au rang définitif du passé tout ce qu'ils avaient pu connaître du duché angevin et ce n'était pas pour leur déplaire.
Après cet épisode où la brune et le brun s'étaient retrouvés séparés, ils durent se rendre à un mariage, ou plutôt une union entre une de ces anciennes connaissances, Faith et sa compagne.
Séraphie, une autre ancienne connaissance de Catterine était également présente et lorsque l'heure du départ de la Rochelle sonna enfin, la jeune blonde, se retrouvant seule, par de malheureuses circonstances, accompagna le jeune couple.
Ni Adess ni Catty ne souhaitent la laisser seule sans personne et ce, malgré leur envie depuis quelques mois d'être enfin seuls tous les deux.
Ils avaient, quelques temps avant, gardé la vieille roulotte avec laquelle ils étaient arrivés en Poitou et l'avaient faite retaper puis décorée si bien qu'elle était devenue leur futur nid douillet.

Cependant, avec cette présence, malgré eux, importune, le début de leur voyage en amoureux ne fut pas à la hauteur de leurs attentes. Le couple se sentait frustré, partagés qu'ils étaient entre le désir d'être seuls ensemble et le désir d'aider leur amie.
Ce fut après un soir où la brune, avec gentillesse, fut tout simplement honnête avec son amie qui elle-même, sentait bien être de trop, que le couple se trouva de nouveau seul pour continuer leur voyage vers le sud.
"La belle mer du sud" comme l'appelait Justin, alias Adess, avait été le premier objectif de leur voyage et la brune était ravie à l'idée de faire découvrir sa ville natale à son aimé. Cependant, encore une fois, les choses ne se déroulèrent pas comme prévu. Justin avait été un peu marri de la "brutale honnêteté" de Catterine qui avait agi un peu comme à son habitude et, les deux furent presque fâchés.
Néanmoins, un incident de parcours, ou plus précisément, un brigandage en bonne et due forme, rapprocha de nouveau les deux bruns, Justin s'étant inquiété pour sa chère et tendre. Mais en dehors du vol, ils n'eurent rien d'autre à déplorer et purent enfin profiter de cette intimité souhaitée par brune, un peu crainte par le brun mais désirée tout de même.

Au regard de Catterine, pour elle, c'était la dernière étape à franchir qui les rapprocheraient encore mais le brun semblait pensif après l'acte charnel enfin partagé ; cela arrachait bien des soupirs silencieux à la brune qui se demandait ce qu'elle avait pu faire de mal mais ne trouvait pas de réponse.
Ils étaient enfin arrivés à Nîmes et la brune redécouvrait la ville qui l'avait vue naître et grandir et biensûre, elle partit rapidement arpenter les rues de la ville, retrouvant également les fameuses arènes qu'elle n'avait pas vue depuis des années.
La journée s'était bien avancée et Catty n'avait pas vu à quel point. Justin, lui, était parti très tôt trouver du travail et n'était pas encore revenu. Alors, pour tenter encore une fois de remettre de l'ordre dans ses pensées, elle avait été sur la plage s'installer, jambes repliées contre elle, entourée de ses bras, son regard lavande perdu dans l'horizon qui voyait le soleil quitter ce monde pour la journée… Un nouveau soupir s'échappa de ses lèvres.

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Le_spadassin
[Sur la route de Nîmes]

Entre Alais et Nîmes serpentait un petit sentier, à l’écart de la route principale. Couvert par une épaisse canopée d’épines de pin, cette route était protégée d’un soleil, qui se montrait chaque jour un peu plus rude, par une ombrée bienfaisante.
Sur la terre nue et fraîche de ce tortueux chemin, un cheval Alezan, d’une belle robe cuivrée, trottait paisiblement. Et sur celui-ci était perché un homme. Seul, sobrement vêtu, armé d’une simple lame courte, rien ne le distinguait véritablement des autres. Rien en dehors de son regard de cendre quasi inexpressif. Le regard d'un homme qui a vécu tous les revers de la vie, d'un homme qui connaît bien la mort.

Capuche rabattue, la senestre posée sur la garde de son épée, le spadassin se laissait aller à une réflexion devenue coutumière. Depuis le temps qu’il arpentait le monde, il n’avait de cesse que de se questionner au sujet de ses - nombreux - commanditaires. Sujet de nobles ou de simples gens, il accomplissait ce que les faibles ne pouvaient se résoudre à faire. Tuer.
Seulement, au nom de quoi souhaite-t-on la mort ? Au nom d’une haine ? D’un ego ? D’une peine ? D’une peur ?
Dans ce cas présent, par exemple, il était chargé de trouver un couple voyageant dans une sorte de maison mobile - peinturlurée d'azur et de blanc, ce qui, il faut bien l'avouer, n'était pas fait pour rendre son passage inaperçu - qui semblait se trouver en la ville de Nîmes.
Ledit couple était formé d'une petite brune - très longue chevelure « aile de corbeau », yeux lavandins, quelques formes -, ainsi que d'un homme - brun lui aussi, de taille moyenne, souvent vêtu d’une pèlerine et arborant un bouc. Jusque là, même s'il était en droit de se demander ce qui valait à ces deux-là de s'être attiré le courroux d'un noble d'Auvergne, rien n'était toutefois singulier. Nonobstant, on lui avait expressément demandé une chose bien précise : mettre fin aux jours de la brune et ramener le brun - vivant - à son commanditaire.
Ce genre de demande était fort rare. Bien souvent, on lui demandait de simplement trancher une gorge ou d’empoisonner un plat… Or là, on lui demandait de livrer quelqu’un - et a fortiori, quelqu’un de vivant – ce qui constituait indubitablement un sujet d’interrogation pour la Lame.
À bien y réfléchir, il était d’avis qu’il s’agissait d’une histoire de vengeance. Tuer la femme et laisser le brun en vie... C’est à lui que son commanditaire voulait du mal, c’est lui qu’on voulait faire payer. Mais lui faire payer quoi ? Pourquoi donc méritait-il un sort si terrible, un sort pis que la mort même ?

Soudainement, alors qu’il avait les yeux fixés sur l’encolure de sa monture, perdu dans ses réflexions, le chemin arboré déboucha sur ce qui lui parut tout d'abord n'être qu'une simple clairière. Puis, il se rendit compte qu'il était finalement arrivé à destination. Le temps avait filé à toute vitesse alors qu'il réfléchissait, tant et si bien qu'il ne s'était guère rendu compte de sa progression.
Toujours est-il que les murs de la ville se tenaient devant lui, à - toutefois - une bonne centaine de coudées de distance. Sans réduire l'allure de son Alezan, le spadassin se dirigea donc vers les portes de la cité Nîmoise.


***

Attablé devant une belle pièce de viande, noyée sous une épaisse sauce, le coupe-jarret mettait en place les différents scénarii qui s'offraient à lui. Quelques instants auparavant, il avait, au détour d'un virage, aperçu cette étrange maisonnée, stationnée au milieu d'une sorte de champ en jachère. Il savait désormais où elle se trouvait.
Toutefois, rien ne lui permettait de s'y risquer discrètement. Il y avait bien cet arbre fruitier, un peu plus loin, mais autour de la "roulotte" néanmoins, s'étendait un vaste terrain découvert.
Il découpa alors vivement une bonne tranche du morceau de bœuf qu'on lui avait servi et l'enfourna avidement dans sa gueule puis essuya ses lippes du revers de sa manche et poussa un profond soupir.

Il pouvait bien se présenter à la porte, tout bêtement. Selon les informations qu'on lui avait transmises, le couple ne s'attendait certainement pas à son arrivée. Aussi pouvait-il sans doute se risquer à s'approcher de la "maison sur roues" sans craindre de trop alerter ses cibles. D'autant plus qu'une telle maisonnée était faite pour attirer regards et curiosité... Ils devaient être habitués à ce qu'on examine leur bien sous toutes les coutures, qu'on leur pose des questions sur cet étrange moyen de locomotion.

Arrachant un bout de pain à la miche qui se trouvait non loin de son écuelle, le spadassin statua. Soit, il agirait de la sorte.
Si la brune était seule, alors il s'en occuperait sans perdre de temps. Si seul le brun était présent, il devrait le maitriser, l’assommer, puis le réveiller une fois le travail avec la brune terminé. Les consignes étaient claires.
Enfin, si les deux étaient à l'intérieur...


« Humpf ! »

... Si les deux étaient là, il aurait plus de difficulté. Maitriser d'abord le brun semblait la priorité, toutefois il faudrait également se méfier de sa petite compagne.
Le spadassin était tout de même fort confiant. Après tout, ce n'était pas un contrat très risqué... Mais il devait rester prudent. Sa prudence l'avait mené loin dans un métier où l'espérance de vie n'est pas bien élevée. Alors il devait s'en tenir à ses bonnes habitudes.

Finalement, il déposa quelques pièces sur sa tablée et se leva. Puis, il s'étira longuement et prit enfin le chemin du champ et de la roulotte qui s'y trouvait.
Catterine


Le soleil s'était couché lentement mais avec une certaine fatalité sur cette nouvelle journée passée dans sa ville natale.
La brune avait regardé l'horizon marin sans réellement le voir, principalement perdue dans ses pensées pour tenter une meilleure compréhension de celui qui depuis quelques temps, partageait sa vie et son cœur.
La petite jeune femme s'était relevée du sable où elle s'était posée plus tôt, devant le bleu naissant de la nuit pour regagner la roulotte.
Sur le chemin du retour, bien des choses parcouraient ses pensées et elle ne pouvait se retenir de sourire en repensant au brun. Au comment de leur rencontre, repenser aussi à tout ce qu'ils avaient traversés ensemble sans pour autant être alors en couple, à ce moment-là ; puis ce voyage.
Un voyage qui avait débuté de façon mouvementée en quittant l'Anjou, puis la découverte et l'aveu d'un amour réciproque.
Oncques, elle n'aurait pensé trouver cela de cette façon ; comme quoi le hasard faisait parfois aussi bien les choses. Parfois.

Levant son regard lavandin vers le ciel qui s'étoilait peu à peu, arborant principalement l'étoile du berger, toujours la première, plus brillante et bleutée que les autres.
Peu à peu d'autres souvenirs revenaient aussi avec l'odeur de l'air du soir qui se rafraichissait un peu. Les odeurs se décuplaient doucement avec la condensation végétale alentour.
Elle repensait aussi à l'ancienne demeure qu'elle avait habitée dans son enfance avec ses parents, demeure qu'elle avait récemment revue avec Justin, à sa demande. Encore une fois, un sourire se dessina sur sa fine bouche.
Catty, toujours rêveuse, réfléchit à présent au repas qu'elle préparera en rentrant et optera, dans tous les cas, pour une aromatisation aux herbes de Provence.
Une ratatouille, c'est décidé et, tournant la rue de terre battue qui mène au petit pré, elle se dirige vers la roulotte en faisant déjà, dans son esprit, la préparation des différents légumes qui la composeront.
Elle approchait de la masure ambulante peinte de bleu et de blanc, en traversant le petit pré. Une grosse clef forgée sortie de sa poche, la brune monte la première marche et la tourne dans la serrure puis ouvre la porte.
S'apprêtant enfin à entrer, elle se retourne un peu surprise, en entendant du bruit derrière elle, pensant voir Justin arriver mais ce n'était qu'un lièvre qu'elle aperçut traverser le champs derrière elle dans les hautes herbes.

Elle rentra donc à l'intérieur, attiser les braises qui ronronnaient doucement dans le petit poêle à l'aide du tisonnier car la pièce, unique, s'était un peu refroidie. Une flammèche en fut prise pour allumer la lampe à alcool qui éclairait la roulotte d'une douce lueur.
En regardant le reste du petit bois, elle nota que celui-ci avait bien diminué et il en faudrait du sec pour le matin qu'ils n'auraient sans doute plus après la nuit.
Ainsi, alors qu'elle avait commencé à poser les quelques légumes nécessaires sur la table pour préparer son plat, elle ressortit de la roulotte, couverte de son châle habituel sur les épaules et "armée" de sa petite lanterne, à la recherche de quelques branchages dans le bosquet adjacent…

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Le_spadassin
Il parcourait les venelles, sans trop d’empressement, profitant du temps de cette fin d’après-midi. Le soleil n’avait point encore entamé sa descente et ses rayons procuraient encore une douce chaleur à la cité toute entière. Le vent, lui non plus, ne semblait guère décidé à abandonner et soufflait donc encore une légère brise embaumée de doux parfums. Nîmes était une fort belle ville et le Sud en général respirait la vie. Un agréable soleil, des senteurs parfumées, le bruit du ressac et des cigales en fond sonore… Oui, c’était une bien belle ville.

« Ah… »

Le soupir fut long et empli d’une sorte de nostalgie. Qu’il était loin le Nord du Royaume et sa grisaille permanente ! Elle avait parfois une utilité – cette grisaille – et était bien souvent de circonstance lorsqu’il devait effectuer un contrat, néanmoins, il préférait de loin le ciel ensoleillé du Sud. Aujourd’hui, il était heureux et prenait donc son temps. De toute manière, le spadassin n’aimait jamais se presser plus que de raison. Et puis, si la brune ne trépassait pas aujourd’hui, ce ne serait pas un drame… Il n’avait pas d’impératif de temps après tout.
Toutefois, quelque chose le tracassait âprement, quelque chose tiraillait sa conscience, faisait appel à sa compassion. Non, cet assassin-là n’était pas de marbre, il était humain, il était comme tout le monde – dans une certaine mesure, tout du moins. Il ne taisait pas ses sentiments car il aimait ressentir peine et déception, tristesse et morosité, joie et légèreté, amour et passion… C’était un homme de la vie, qui en connaissait toutes les aspérités, des plus joyeuses aux plus sombres, et qui s’en nourrissait.
Toujours est-il que cette chose le harcelait depuis qu’on lui avait transmis les termes de son contrat, depuis que cet homme, ce noble balafré, lui avait commandé une prestation. Tuer une femme, voilà ce qui lui causait soucis et tracas… Il avait toujours eu du mal à ce faire, d’autant plus que dans ce cas, on lui avait demandé un « service spécial » qu’il lui déplaisait d’accomplir. Il le ferait - car il ne refusait jamais un contrat et qu’il avait un sens du devoir développé – mais cela troublait son esprit.

Levant les yeux au-devant, il aperçut enfin la roulotte qui se dressait au milieu du champ en jachère, perdue au milieu d’une mer d’herbes et de plantes folles de moult coloris. De blanc et d’azur parée, elle jurait quelque peu dans le paysage mais en cet instant, nimbée d’un soleil qui se faisait de plus en plus rougeoyant, elle resplendissait.
Curieux devant cette « chose à roues », le spadassin se risqua à l’approcher pour la détailler de plus près. Caressant le bois de sa senestre, il examina d’abord les roues et les essieux renforcés, puis le toit et sa drôle de cheminée. Enfin il jeta un œil par la fenêtre. Un rideau masquait une grande partie de l’intérieur toutefois, de ce qu’il put en voir, celui-ci semblait coquet et confortable.

« Un vrai petit nid douillet… quel dommage… »

Il patienta ainsi quelques longues minutes, sans que personne ne se montrât. Les deux étaient absents et ne semblaient visiblement pas pressés de rallier leur petit nid d’amour… Soit. Il s’éloigna lentement de la roulotte et se dirigea vers l’arbre bordant le champ puis s’adossa à son large tronc. Un chêne, épais et haut, un chêne au majestueux ramage… Le parfait compagnon pour une attente prolongée.
Perdant alors son regard dans le mordoré que renvoyait le reflet du soleil déclinant dans les feuilles, le spadassin se laissa surprendre à une nouvelle rêverie.


***

Une heure - peut-être un peu plus – était passée et le soleil fleurtait désormais avec la ligne d’horizon. Le soleil laissait place à sa compagne blafarde, les cigales – épuisées d’avoir chanté toute la journée – tiraient leur révérence pour saluer l’arrivée de leurs cousins grillons et le vent sembla – lui aussi – se retirer dans ses quartiers insubstantiels. Le spadassin, lui, était toujours à son poste et guettait paresseusement l’arrivée de l’un des bruns. Cependant qu’il était encore adossé à l’arbre, quelques centaines de fourmis prenaient progressivement possession de ses jambes. Maugréant quelque peu, lorsque la gêne fut à son paroxysme, il se mit en mouvement. Se redressant lentement, il exécuta plusieurs séries de flexions rapides puis s’étira afin de conserver souplesse et vivacité.

Tout à coup, du coin de l’œil, il perçut enfin un mouvement à l’autre bout du champ. Une petite silhouette se hâtait vers la demeure mobile et, après un instant, s’y engouffra. Au vu de la taille de cette silhouette, il s’agissait de la brune, sans aucun doute. Le moment était donc venu…
Il observa la silhouette qui se découpait à travers la fenêtre qui lui faisait face, se demandant encore comment il allait procéder, puis, finalement, fit un premier pas en direction de la roulotte. Mais avant même qu'il ait pu en faire un second, il s'arrêta net. Sa cible était ressortie et se dirigeait paisiblement vers le petit bosquet d'arbre - situé à l'est de sa propre position -, une lanterne à la main. Si le fait qu'elle se mette en mouvement avait de quoi lui faire penser qu'ils étaient décidés à lui rendre la tâche difficile, la présence du bosquet sur le chemin de la brunette était indéniablement une chance, une opportunité à saisir.
Il se glissa alors plus avant dans les ombres, se protégeant du tronc de l'arbre pour voir évoluer la petite femme à travers les hautes herbes, puis, lorsqu'elle fut à bonne distance, lui emboita discrètement le pas. Il la suivit ainsi furtivement jusqu'au bosquet et au bienheureux couvert qu'il fournissait. Enfin, une fois parvenue au milieu du petit bois, elle se mit - sembla-t-il - à la recherche de branchages, sûrement destinés à la préparation du repas.

Le spadassin, qui était d'abord resté à la lisière de ce haut buisson, se glissa en silence jusqu'à elle, telle une ombre, telle la mort rampant vers la jeunesse insouciante qui se pense immortelle. Il était concentré à l'extrême, comme à chaque moment qui précédait l’exécution de ses contrats. Ses sens étaient en alerte. Son odorat percevait désormais le parfum délicat qui se dégageait de la petite brune ; son ouïe devinait le faible souffle qui exhalait de sa bouche ; sa vue se nourrissait de la vision enchanteresse de cette lourde et soyeuse chevelure... Il était à présent dans son dos, immobile durant un instant qui lui parut être une heure. Tel était l'effet de l'adrénaline précédant l’exécution d’un contrat. C'était cette incomparable sensation, cet éveil inégalable qui lui faisait « apprécier » son métier. Néanmoins, il revint bien vite à la dure réalité. Il allait tuer une frêle et innocente damoiselle afin de contenter un nobliau craintif et haineux, qui se prélassait sûrement dans un agréable bain chaud parfumé à l'heure qu'il était...

Profitant encore un dernier instant du calme, de la sérénité des lieux, l'assassin faillit se prendre à soupirer tant il était de nouveau morose, néanmoins, bien vite, il se reprit et passa subitement à l'acte.
En quelques secondes à peine, sa senestre se plaqua à l'épaule droite de la bonne femme et la fit pivoter face à lui, tandis que sa dextre se colla presque simultanément à la gorge offerte. L’empoignade, aussi vive que brutale, serait fatale, il le savait bien... d’autant plus que la surprise de cette strangulation soudaine avait attendri la chair de ce cou déjà si frêle. La belle lâcha la lanterne qui chut sur la tranche - mais demeura toutefois intacte - et, alors que les coruscations vacillantes et orangées dansaient sur le visage de sa future victime, le spadassin put entrevoir ce qu’il redoutait tant de contempler... Un faciès fin, délicat, paré d’une peau opalescente et de grands yeux d’une teinte aussi singulière qu’envoûtante ; un joli minois déformé par la surprise et l’horreur.
Un instant, sa prise faillit se relâcher, mais aussi soudainement que ce sentiment – quel qu’il fût – était arrivé, il repartit dans les tréfonds de son âme tourmentée, son sens du devoir ne laissant jamais place à l’indécision. Cependant, la brune commença à s’agiter et, en de vaines tentatives, tenta d’échapper à l’étreinte funeste qui, chaque seconde passant, la rapprochait d’un trépas pourtant certain.

Ainsi, face à face, reliés par un bras puissant auquel la jeune femme s’était agrippée, ils restèrent quelques poignées de secondes à se dévisager en un silence sépulcral, seulement troublé par quelques râles étouffés et par le faible crissement provenant des ongles de la belle s’acharnant sur le cuir des gants qui lui ôtaient la vie.
Celle-ci d’ailleurs, quittait peu à peu les sombres iris de Catterine, ses menottes abandonnant progressivement leur prise, pour finalement retomber mollement à ses flancs... Elle abdiquait. Enfin.


« À quoi penses-tu, toi qui te meurs ? Penses-tu à ton homme que tu ne reverras plus jamais ? Penses-tu à tout ce que tu n'as jamais fait et que tu aurais dû faire ? As-tu des regrets, belle brune ? »

Devant le regard vitreux et les traits éteints de la jeune femme, l'homme cessa son vain questionnement et, basculant alors le corps quasi-inanimé de sa victime, l’étendit lentement au sol, la main toujours rivée à son cou. Puis, après un dernier soubresaut, ponctué d'un ultime soupir, l'assassin relâcha son emprise sur la gorge meurtrie de la défunte.

Ne lui restait désormais plus qu’une chose à accomplir…
Adess
Progressant dans l'obscurité humide de ce début de nuitée, le jeune homme ne musardait point. Harassé qu'il était par une journée de labeur particulièrement éprouvante, il n'avait qu'une hâte : retrouver Catterine, sa tendre Catterine. C'est donc d'une prompte démarche qu'il parcourait les rues de Nîmes, sous le regard froid de l'astre nocturne qui étendait peu à peu son emprise sur le paysage.
Il s'imaginait déjà, au chaud, fixant l’envoûtant vacillement du poêle, la petite brune lovée dans ses bras... C'est cette pensée réconfortante qui lui avait donné courage tout au long de cette journée passée à la mine, dans la poussière et le bruit ; c'est cela même qui lui mettait du baume au cœur, chaque fois qu'il se sentait las. La simple idée d'être avec elle le rendait plus fort qu'il ne l'avait jamais été, il était conscient de cela, de ce lien puissant qui les unissait à présent ; il était conscient de ce qu'était l'amour, plein et entier, l'amour de l'esprit et du corps. Cette compréhension nouvelle, bien qu'encore teintée de doutes, il la lui devait... C'était elle son premier amour, en quelque sorte.

Sourire aux lèvres, il accéléra encore le pas lorsqu'il sentit les pavés de la grand-rue sous ses bottes crottées... La Rose n'était plus très loin.


***

« Catty ? Vous êtes là, ma douce ? »

Le brun grimpa les trois marches qui menaient à la porte de la roulotte, puis resta quelques instants sur le pas de cette dernière. Un feu agonisant crépitait encore dans le poêle, projetant, ci et là, quelques éclats incandescents, mais en dehors de cela, la sombreur régnait en leur demeure. En sus, il n'y avait d'autre trace de Catterine que quelques légumes délaissés sur un coin de table.
Adess se tourna alors face aux ténèbres qui entouraient la Rose et fixa profondément son regard dans l'horizon obscur, à la recherche d'une quelconque source lumineuse, susceptible de provenir de la lanterne de la brune. Rien. Ou presque... En effet, en changeant légèrement de point de vue, il parvenait à entr’apercevoir une faible lueur parvenant du bosquet situé non loin de là. Intrigué par l’absence de Catty, il décida de s’y rendre afin de constater d’où provenait cette lumière, s’il s’agissait bel et bien de la lanterne de sa belle. Ôtant simplement sa précieuse pèlerine ainsi que son écharpe – tricotée par la brune elle-même –, le jeune homme se retourna alors vers la couche et s’en approcha afin d’y laisser ses fripes.

Subitement, un avant-bras puissant, sorti de nulle part, se resserra sur sa gorge et l’empêcha de respirer. Tentant de se débattre, de se libérer de cet assaut soudain, Adess ne put que se renverser en arrière, précipitant ainsi son agresseur dans sa chute. Toutefois, et même si ledit agresseur eût sûrement le souffle coupé à l’impact du brun sur sa cage thoracique, sa prise ne se relâcha nullement et, alors que le brun se cabrait en tentant de placer quelques coups de coudes dans les côtés de son assaillant, une voix lui susurra à l’oreille :


« Arrête donc de te débattre, jeune homme… Ta Dame a besoin de toi. »


S’immobilisant à ces mots, Adess resta interdit lorsqu’un courant glacé parcourut son échine. Cette voix, si posée, transpirant l’assurance… avait-elle prononcé ce qu’il craignait qu’elle ait prononcé ? Avait-elle fait mention de Catterine ?
Sans davantage avoir le temps de réfléchir, il se sentit brutalement tiré par le col de son pourpoint, tiré en dehors de la maison sur roue. Puis, l’homme le saisit par le coup et, de sa poigne extraordinaire, le traina ainsi jusqu’au bosquet et à cette lumière vaporeuse.


« Qui… qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous avez fait à… »


Le nom de sa bien-aimée resta dans sa gorge car, alors qu’il pénétrait déjà dans le sous-bois, il aperçut une masse inerte trônant parmi le petit-bois et les herbes folles… Il la voyait. Et, alors qu’au fur et à mesure de leur progression il semblait reconnaitre la forme du corps de sa Catterine, un sentiment tumultueux commençait à poindre en lui, en ses entrailles. Les secondes s’égrenaient lentement, le temps se distordait d’une lancinante et douloureuse manière, comme pour souligner l’atrocité de la vérité qui commençait à naitre.
Et, lorsqu’enfin ils s’arrêtèrent, à quelques pas à peine du corps allongé, le doute ne fût plus permis. Le petit corps de la brune était étendu là, au milieu du bois ; ses yeux étaient clos et ses traits bien que légèrement crispés ne laissaient point transparaitre toute la souffrance de sa mort. Mais, ce qui attirait le regard du jeune homme, ce qui l’hypnotisait presque, c’était les balafres parcourant son doux visage, zébrant de rouge sa peau diaphane… Sa si belle peau…


« Regarde ! »

Le ton se voulait inquisiteur et posé à la fois, mais la voix - pour une oreille experte tout du moins – laissait transparaitre un infime semblant de colère ou de peine, un faible tressautement, un trémolo furtif. Le regard du jeune homme, lui, était à la fois fixe et vague ; son esprit à la fois présent et lointain... Tout lui semblait irréel, comme un rêve, ou plutôt un cauchemar. Peut-être en était-ce un, peut-être allait-il se réveiller en sursaut, dans le lit de la Rose. Toutefois, il ne put s'empêcher - dans un mouvement qui lui parut mu par la seule mécanique de son corps - de s'approcher de la défunte afin de la prendre dans ses bras, de sentir le contact de sa peau, de humer son parfum, de... Un bruissement se fit entendre, comme le son d'un objet fendant l'air. Puis, une sourde douleur prit naissance derrière son crâne pour s'évanouir aussitôt, submergée par une sensation d'engourdissement et de chute. L'instant d'après, le noir fût total et le jeune homme sombra dans un sommeil de plomb, hanté par les fantômes des êtres chers disparus.
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