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[RP / IG - guerre] Devant Saumur, on marine...

Griotte
Tranquillement posée à faire luire les différentes pièces qui composent son armure, la jeune femme, assise à même le sol, jambes pliées, bouche plissées, marmonnait et pestait contre la froidure angevine, contre les angevins, contre tout les couillons qui avaient idée de s'opposer à son paternel Roy, et qui du coup, empêchait la jeune femme de retournait vaquer à ses occupations en Bourgogne, et plus précisément de retrouver sa fille à elle, toujours aux bons soins de la Saint Anthelme.

Elle se complaisait dans l'ambiance martiale ambiante, où elle trouvait toujours une tâche à accomplir, comme creuser des fossés autour du camp, comptabiliser les rations et autres, tâche qui l'empêchaient de faite de se morfondre sur l'absence filiale et qui mettait en exergue la carrière qu'elle comptait embrasser à l'avenir et qui lui permettrait de s'assurer toujours quelques bonnes bagarres, mais pour le coup, l’immobilisme des forces royalistes l'exaspéraient, lui interdisant d'exécuter la seule action qui lui rappelait qu'elle était vivante depuis la mort de son fiancé: Braver le danger, et justement, connaitre moult périls tous plus meurtriers les uns que les autres, tester sa bravoure, voir sa folie.

Alors, une fois que le Plastron est bien huilé, elle se lève lestement et rapière au flanc, décide d'assurer un tour de garde, ignorant du même coup les beuglements qui émanent des murailles et du camp.

C'était sans compter tomber sur les deux filles de sa Marâtre la Saint-Just, l'une ensanglantée, à laquelle elle n'avait jamais parlé, et l'autre plus véhémente, plus garçonne, dont le caractère n'était pas sans rappeler celui de la cerise dans son jeune temps.

Le regard se plisse tandis qu'elle s'approche des deux gamines, qu'elle pose genoux à terre et se saisit du bras de Laetitia, et qu'elle dévisage sa jumelle, Niria, le regard noir:


C'est toi qui à fait cela, jeune Dénéré?
Bertrade
[Sur les remparts de Saumur, parce que l'Histoire s'égaie des historiettes
Une nuit de janvier 1461]


Une nuit sur les remparts, une encore, une de plus. Accoudée sur le mur de pierre, à la faveur d’une trouée, elle observait la nuit. Un caillou, deux cailloux, trois cailloux. On fait passer le temps comme l’on peut, elle, elle faisait ricocher des graviers sur les flaques d’ombre.

Qui dit la nuit silencieuse n’a pas d’oreille. Derrière elle, les rumeurs de la ville, joyeux tapages d’ivrognes buvant pour oublier qu’ils ont faim… ou peur. Ou les deux. Face à elle, la campagne enneigée, baignée d’une sourde clarté blafarde. Des feux de camps éparpillés, le bruit des armes, les interjections. Une troupe qui crève d’ennui et ronge son frein. Plus proche, les échanges entre assiégés et assiégeants.

Ridicules. Tromper l’ennui hein. Idiots qui n’savent que brailler leurs frustrations et leurs colères. Se retournant elle se laissa glisser le long de pierres irrégulières, jusqu’à se retrouver accroupie, en équilibre sur ses talons, menton posé sur ses genoux. Les yeux dans le vague, elle étira un sourire. Tous pions d’un échiquier géant, acteurs d’une partie dont ils n’avaient pas même connaissance, sauf lorsqu’on leur pressait le cou. Autant être un pion orgueilleux, choisir la case qui vaut d’être défendue dans celles qu’on nous laisse. Saumur plutôt qu’Angers, les souvenirs plutôt que des rêves de gloriole éphémères. Revêtir le masque du bouffon, traîner d’un siège à l’autre et amuser la galerie.

Les ombres s’étiraient. Il était temps. Se relevant tranquillement elle entreprit de redescendre des remparts pour rejoindre la poterne, quelques mètres plus loin.


Ne pas glisser, ne pas glisser.

Pestant contre les maçons bourrés, le gel, et l’espèce de machin en ferraille qui lui servait d’épée elle finit par rejoindre le petit groupe qui constituait sa section pour la nuit, assemblage hétéroclite de villageois dont elle ignorait pour la plupart le nom. Peu lui importait d’ailleurs, comme lui importait peu les noms et les visages de ceux qu’ils allaient occire cette nuit. Passer l’temps, doit bien y avoir un ou deux royalistes dans l’tas.

Sifflotant un air d’un autre âge, elle traîna sa section à l’ombre protectrice des remparts, veiller sur la porte qui leur était confiée pour la nuit.


Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme.
Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes*

Attendre… Silencieux, aux aguets, ils attendaient. Rituel de quelques jours déjà, la manœuvre était rodée. La nuit fut agitée. Ils passèrent au fil de l’épée une demi-douzaine de péquenauds, voyageurs malchanceux ou téméraires suicidaires, se contentant de laisser les corps là où ils tombaient. Le nuit tirait à sa fin. L’aurore aux doigts de rose, tout ça tout ça, commençait à se pointer dans le champ de ses mirettes. Bert s’étira en baillant. Répétitif.

Elle allait donner l’ordre à son petit groupe de regagner les murailles lorsqu’ils entendirent les bruits furtifs d’un homme qui tentait sans doute l’approche discrète. La mine bien mise quoique discrète. La jeune femme leva brièvement les sourcils et marmonna tout bas


Qu’est-ce tu viens fout’ ici mon joli ?

Si réponse il y eut, elle fut perdue dans le fracas des armes, le sieur ne ressemblant bientôt plus qu’à un cochon de lait préparé pour le rôti. Haussant les épaules elle s’en détournait lorsque son regard fut attiré par un éclat doré accroché par la lune mourante. Le moribond portait un sceau.

Le pas vif elle lui saisit la main et regarda les armoiries. Une mort utile cette fois-ci ? Les yeux plissés elle blêmit soudain. Cette couronne…


« Vous périrez lorsqu’vous aurez tué un duc ». Ces mots, elle n’les oubliait pas. La superstition… On en riait jusqu’à c’qu’elle vous prédise la mort.
Elle regarda l’amas sanglant et murmura
« z’êtes qui mon mignon… ? » Bague empochée lentement… Elle devait s’assurer. Mais avant toutes choses. Le bocal !

* le chant des partisans
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L.i.a._de_denere
[Hors les remparts de Saumur, camp de la Compagnie d'Artus, toujours quelque part du côté de la section de la Garde Royale.]

Ça saignait un peu plus et Laetitia commençait à s'inquiéter de la façon de cacher ça à l'inquisition de la nourrice royale quand une voix fielleuse se fit entendre. D'abord figée, Laetitia comprit tout de suite qu'il s'agissait de son double et que la situation allait pas tarder à dégénérer.

La présence de cette jumelle étrangère la mettait tout le temps mal à l'aise; c'était peut-être le fait qu'elle avait le même visage qu'elle, ou bien cette lueur indéfinissable qui semblait toujours trembler dans son regard quand elles étaient une en présence de l'autre. Ou bien elles étaient simplement pas des amies. En tout cas, c'était jamais très agréable d'être face à Niria. Mais là c'était pire.

Laetitia leva des yeux assassins vers sa soeur. La pique moqueuse lui avait fait bien plus mal que le fil de sa dague. Deux mains gauches... Deux mains gauches! C'était vraiment, vraiment méchant! Comment Niria osait-elle rire de son handicap? Qu'est-ce que Laetitia avait bien pu lui faire pour qu'elle soit aussi vicieuse?

Mais il fallait surtout pas montrer à quel point sa jumelle avait fait mouche.


Chouchoute de Mère, mais de quoi tu parles? Tu délires ou tu es juste folle?

Et puis là, une drôle d'idée vint déranger Laetitia. C'était comme une tache d'encre sur un drap blanc, une tache qui serait toute petite, à peine visible au début, mais qui grandirait. L'idée s'incrustait, devenait plus qu'une intuition.

Chouchoute de Mère.

Han.

Niria avait toujours vécu avec leur mère. Toujours.

Laetitia, elle, savait même pas qu'elle avait une mère jusqu'à récemment.

Ni une soeur jumelle, d'ailleurs.

Han.

Niria avait deux mains.

Laetitia n'en avait qu'une.

Niria avait eu la belle vie avec sa famille.

Laetitia avait grandi cachée dans un grenier.

Leur mère avait gardé Niria auprès d'elle.

Leur mère avait fait faire une promesse à Dame Arielle.

Han.

Chouchoute de Mère, hein?

Lentement, très lentement, Laetitia se dressa de toute sa hauteur sans quitter son double des yeux. Elle fit face à cette méchante fillette qui osait rire d'elle. Sans rien dire d'autre, elle infusa dans son regard la haine naissante qui brûlait dans son ventre. Sa main était crispée sur sa dague.

Il y eut un silence. Le monde était devenu immobile et froid.

Et puis une dame arriva et vint saisir le bras de Laetitia, qui cligna des yeux, comme ramenée sur Terre. Ses doigts arqués sur le manche de son arme se détendirent, mais ses prunelles ne quittèrent pas sa jumelle une seconde. Un bref instant, elle eut envie d'accuser cette petite vicieuse, mais ça aurait été aussi vil qu'icelle. Alors d'une voix sourde, elle dit:


Non, c'est moi. Je me suis accrochée. Je... Une inspiration. J'ai besoin d'un maître d'armes.

Edit pour ajouter un petit détail.
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Ingeburge
[Hors les murs, campement de la compagnie d'Artus, dans le crottin]


Son attention fut rapidement attirée par quelque chose, ou plutôt, par quelqu'un. Et il n'était nul besoin qu'elle détournât les yeux des bâtiments saumurois qui se découpaient sur l'horizon pour savoir qui approchait inexorablement sans qu'elle n'ait la moindre possibilité de fuir. Cette rencontre-là, elle l'avait crainte, d'où sa claustration volontaire, mais comme elle n'avait pas encore eu la tout aussi mauvaise qu'agréable surprise de tomber sur lui, l'appréhension s'était peu à peu estompée; il était possible d'être au même endroit que lui sans avoir à endurer sa présence, il était possible d'être tout à côté sans se marcher sur les pieds. Erreur, erreur de débutante même, était-ce la première fois qu'elle se faisait ainsi surprendre par lui? Et dans les bruits du campement avec lesquels tout doucement, elle commençait à se familiariser, ce brouhaha fait du choc du marteau des forgerons réparant les armes, des hennissements des chevaux, des appels de la soldatesque, du claquement des étendards contre les mâts de bois, des rires gras des écuyers, du froissement des étoffes, du ronflement des foyers, du cliquetis des armures, du choc des timbales reposées sur les tables une fois vidées d'un trait, des chants pour se donner du courage, des provocations adressées aux assiégés, elle n'entendait que son pas, puissant et implacable et plus que jamais, elle se sentait environnée par la guerre, par une guerre qui tout intime qu'elle fût, n'en était pas moins assassine. Il y aurait deux combats à mener, le premier contre les marauds angevins, le second contre le tourmenteur languedocien. Et puisque l'on ne semblait pas près de s'inviter à Saumur, il faudrait commencer par la lutte privée. Alors, si elle l'avait nettement perçu, elle ne se tourna pas vers lui, elle revint à son cheval et continua à le mignoter.

Ne pas le regarder, ne pas lui parler étaient des résolutions qu'elle avaient prises et qu'elle se faisait fort de tenir. Jusque lors, il lui avait été aisé de les honorer mais la tâche lui avait été facilitée : à la faveur du déplacement de la Compagnie d'Artus vers l'ouest, ils avaient été séparés et entre leur dernière rencontre et la présente, près d'un mois s'était écoulé. Une trentaine de jours plus tôt, ou un peu moins, elle était alitée et il était venue lui rendre visite à l'hôpital de campagne. Là elle l'avait à peine observé, ne lui avait rien dit; l'échange avait été bref et en apparence, anodin. Il avait en fait porteur de conséquences désastreuses. Par le passé, il l'avait accusée de mentir et n'avait quelques fois rien tu de ses reproches. Elle, en désaccord total, avait nié, se trouvant au contraire d'une belle et saine honnêteté. Mais en Champagne, alors qu'elle se remettait des soins administrés par les médecins s'étant occupés d'elle, elle l'avait sciemment trompé, sachant bien que si elle se contentait de le recevoir et d'effacer le malaise insidieusement revenu, elle serait prête à céder, oubliant ce qu'elle avait clairement compris avant de sombrer dans l'inconscience : ils ne pouvaient pas, leur relation était plus que jamais empreinte du Mal. Ce mensonge savamment monté et non moins génialement interprété, elle l'avait payé au prix fort, ne se remettant finalement pas de s'être montrée malhonnête avec lui. Si la fièvre couvait et aurait fini par la prendre tout à fait, l'agitation dans laquelle elle était tombée après le départ de l'Euphor n'avait fait que précipiter la survenue du trouble et alimenter celui-ci. Et elle avait chaud tout à coup maintenant qu'il était tout proche, elle frissonnait à nouveau, écrasée par cette comédie qu'elle lui avait jouée et étouffée par cette présence qu'à nouveau il lui imposait.

Dans la clameur de l'installation militaire, un tintement argentin attira son attention. L'oreille accrochée par ce bruit qui lui semblait avoir perçu, elle tourna la tête? Ses yeux interrogatifs le frôlèrent, l'instant dura un peu moins d'une seconde. Etait-ce la cloche que l'on sonnait? Les prunelles pâles détaillèrent les entours, agrandies, à la recherche d'un signe démontrant que le tintinnabulement n'était pas le fruit de son imagination fébrile. Si seulement... Pourtant, il ne semblait pas y avoir davantage de mouvements ou davantage d'échanges verbaux, certainement ce qu'elle avait cru entendre n'était qu'une illusion. Un appel au rassemblement, ou au départ, ou même au combat l'aurait pourtant arrangée. Tout à coup, la perspective de se découvrir trop faible pour passer à nouveau son armure et soulever son épée ne l'apeurait plus; sauter en selle, chausser les étriers ne l'effrayaient plus; participer à une charge ne la tétanisait plus. Elle se sentait prête, bien plus prête que la confrontation qui se profilait en même temps que les traits du Phœnix auxquels son regard irrassasié était revenu se faisaient plus précis : oubliées les cicatrices qui tiraient son flanc, oublié ce bras gauche affaibli et douloureux. Face à lui, ses seules armes étaient son silence et la nécessité de préserver sa vertu, moyens certainement bien dérisoires. Gênée, elle baissa la tête et observa ses bottes enfoncées dans le sol boueux. Ça, il n'y avait pas à dire, elle était bien dans le crottin, au sens propre, et au sens figuré.

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Niria_helene
[Hors les murs -campement de la Compagnie d'Artus ]


Chouchoute de Mère, mais de quoi tu parles? Tu délires ou tu es juste folle?

Une envie soudaine d'égorger sa jumelle, ou tout du moins de lui asséner une bonne fois pour toute ses quatre vérités.
Pour Niria, à qui on n'a jamais rien expliqué, lui demandant juste d'accepter et de tenir son rang, la petite manchote est l'Intruse, celle qui n'aurait jamais du exister, celle avec qui elle doit soudain partager l'affection, si tant est que l'on puisse parler d'affection la concernant, de leur Reyne Mère. Elle a du digérer l'irruption de Nolan, ce demi petit frère venu de nul part, puis tout juste après, l'arrivée de cette étrangère qui lui ressemble tellement ... trop ...

Mais ... quand le regard jumeau croise le sien, la brunette se sent tout à coup prise d'un malaise et vacille sur ses appuis, au point de reculer d'un pas.

Cette lueur dans les azurs soudain devenus glace, cette haine ... En une fraction de seconde, c'est comme si Niria pouvait lire en Laetitia, comme si face à elle se reflétaient ses propres démons. Troublée tout autant qu'apeurée, c'est à peine si elle s'aperçoit de l'arrivée de leur demi-soeur Griotte, sa question ne lui parvenant que totalement diffuse.

Ce n'est que lorsque sa jumelle reprend la parole pour lui répondre que Niria sort enfin de sa torpeur et se détourne pour regarder son aînée.


Griotte ! Je ... Oui ... Non ... Je ne lui ai pas fait mal !!

Enfin ... pas avec une lame en tout cas.

Peu à peu elle réalise que Laetitia aurait pu à loisir saisir cette chance de se venger de son coup bas, l'accusant de tous les maux en la faisant passer pour la pire des pestes aux yeux de leur grande soeur.
Et pourtant ...
Pourquoi diable n'a-t-elle pas saisi cette occasion ?

Prise de remords, Niria reporte alors son regard sur celui de sa soeur, avant que de lâcher dans un hoquet étranglé :


Je ... je suis désolée Laetitia ... Je ne voulais pas ... Je ...

Et la mini Altesse de se mettre à courir dans la direction opposée, afin de s'éloigner le plus possible des deux autres Princesses, tout en éclatant en sanglots.
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© Crokie
Actarius
[Hors les murs, campement de la compagnie d'Artus, non loin de la divine Prinzessin et donc dans le crottin aussi]

Mais le tintement n'était pas une illusion, il avait résonné au grand dam du Comte. Puis, il s'était répété, encore, encore, ralentissant la progression, l'alourdissant, car il avait l'écho de la culpabilité, si profonde, si sincère qu'elle en éteignait petit à petit l'instinct euphorique, qu'elle embrasait le doute et l'indécision. Le Mendois se trouvait suffisamment près pour lui parler, à une distance convenable, ainsi qu'il l'était demeuré des jours auparavant dans cette chambre de Troyes. Il s'arrêta, la contempla un instant, ne sachant que dire, quand soudain une main ferme se posa sur son épaule. Alors seulement la réalité dont il avait tenté de s'affranchir envers et contre tout le rattrapa. Quelques mots d'occitan furent prononcés, ils ne trouvèrent en réponse pas même un regard, juste un hochement de tête résigné, car ses iris ne pouvaient plus abandonner l'incomparable et gracieuse Bourguignonne. De cette icône, ils se nourrissaient et cela suffisait déjà au Coeur d'Oc qui aurait passé une vie à la regarder sans jamais se lasser.

Cela n'en restait pas moins inconvenant. Il renvoya son escorte d'un geste suffisamment éloquent, il leva ses yeux au ciel, désemparé mais soulagé. Au moins, il ne parlerait pas pour ne rien dire, il savait désormais en quel sens se faire entendre et briser ce silence glacial qui imprégnait leur réalité au-delà de toutes les interférences extérieures. Malgré lui, malgré la logique compliquée de ses sentiments enchevêtrés, il sourit ainsi qu'il le faisait si souvent. Il sourit généreusement, il sourit parce que cette situation, cette relation lui semblait tellement complexe et pourtant être non loin d'elle lui donnait une contradictoire impression d'évidence. Il sourit parce qu'il aimait intensément et qu'au-delà de sa faiblesse ridicule face à elle, de ses errements, il existait cette certitude, ainsi qu'il l'avait évoquée la première fois maladroitement. Elle était immuable, irremplaçable, un repère, un phare même dans une vie si tortueuse, si sombre. Sa logique implacable, ses raisonnements brillants, son intelligence foudroyante, son attachement et sa fidélité à ses valeurs, elle estompait tout autour d'elle, tant elle était un être sublime, un don du ciel. Il sourit de ce qu'il avait le privilège de côtoyer une si grande dame, lui, le fils de paysan gévaudanais, lui, le fruste languedocien, simple et chaleureux.

Ce rictus n'effaçait pas la culpabilité, elle demeurait prégnante, mais il lui offrait un répit heureux, complet, tout en s'en rassasiant avec un appétit féroce au point de finalement disparaître de par sa propre existence. Un peu bêtement peut-être, il s'était laissé emporter par cette joie soudaine, allant jusqu'à imaginer une scène différente, un partage parfait d'un homme surprenant son épouse occupée. Un homme qui se serait approché doucement et qui dans un élan de tendresse aurait abandonné un bras protecteur autour de la taille idéalement découpée. D'un homme qui aurait déposé un baiser sur une joue. Un partage entier, épuré, sans passé, ni avenir. Juste elle et lui dans un monde idéal. Oui, cette rêverie-là avait quelque chose de bienheureux de par sa simplicité. Elle fut d'autant plus précieuse qu'elle ne dura pas et se dissipa sous les assauts d'un concret de plus en plus bruyant. Le campement s'ébranlait. Cette fois, assurément, un événement se préparait.


Nous quittons Saumur Votre Altesse, lâcha-t-il sérieusement avec la retenue de celui qui se sait au-devant d'un long chemin de repentance. Il se détourna alors et commença d'arpenter ce sentier sinueux et incertain. Du moins, il essaya. Car ainsi qu'Orphée il se retourna soucieux de ne pas tout à fait l'abandonner. Je suis heureux de vous avoir revu un peu. Et cette fois, il n'interrompit plus son retour dans son refuge de toile. Il y avait des ordres à donner, un combat à mener, contre les Angevins et surtout contre lui-même. Car il ne pouvait exister de tâche plus ardue que de se pardonner d'avoir laissé saigner l'être le plus précieux qui fût.
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