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[RP] Le triptyque d'hyménée - Part III

Yolanda_isabel
Croyez-vous que Yolanda soit au courant ? Pas le moins du monde ! La seule chose qui l’obnubile à l’heure où son chaperon gravide s’apprête à donner la vie, c’est la toile qui se trouve devant elle. Attablée sur l’une des grandes planches montées sur tréteaux dans la salle à manger de l’hôtel particulier de sa tante, autrement appelée la Duchesse de Brissac ou pour les intimes, Calyce, elle peint, ou du moins essaie puisque son champ de vision est considérablement réduit depuis que son œil gauche a décidé de ne plus voir. Et plutôt que de s’apitoyer encore, Yolanda essaie de se convaincre que tout est pareil qu’avant.

Ce n’est pas le cas. Car en dépit d’une certaine maîtrise de sa main gauche, alors qu’elle étale les couleurs de la main droite, voilà que la senestre vient buter contre le pot de rouge qui s’étale au sol.


-« MERDE ! »

Oui ! Au moins tout cela ! Parce que faire venir de la garance en temps de guerre n’a rien de simple, et qu’il lui en a coûté d’en faire venir tant pour les créations d’Armelle que pour les siennes. Et ce qui la fait chier au plus haut point, c’est de devoir se tourner d’un quart de tour pour pouvoir contempler les dégâts.

Rouge.

Si tu savais Yolanda. Mais elle ne sait pas elle que c’est un présage, elle sait juste que c’est n’importe quoi cette nouvelle manie qu'elle a de tout faire tomber quand elle ne voit pas les choses, ou de se cogner dans les entournures de portes. Et de la cuisine arrive une des servantes de sa tante, pli en main qui vient à sa hauteur.


-« Ma Dame ! Pour vous dire que votre .. Anaon accouche. »
-« Ah .. C’est donc ça les bruits que j’entendais. Ca ira mieux dans quelques heures. »
-« Vous ne savez donc pas ce que c’est un accouchement ! On y perd la tête, on hurle, c’est comme si on vous enfonçait un tison brûlant dans le ventre, on saigne, tout ça pour mettre au monde un ingrat braillard ! On en meurt même des fois ! »

Tain la rancœur c’est moche ! Mais Yolanda ne voit pas la rancœur de la servante qui doit avoir un peu plus de son âge, elle n’a retenu que le sang et la douleur, et l’azur unique de fixer la mixture rougeâtre sur le sol. C’est donc cela un signe. La toile est abandonnée et Yolanda de se ruer, bon an mal an, canne en main, et jambe traînante et douloureuse vers les escaliers à son tour.

-« ANN ! JE VOUS INTERDIS DE MOURIR ! J’ARRIVE ! »
-« Non mais calmez-vous ! Ce n’est pas grave ! Cela ira dans quelques heures ! »
-« Oh la ferme vous ! AAAAAAAAAAAAAANNN ! J’ARRIVE ! »


Enfin.. Je fais de mon mieux avec une attelle à la jambe, une jambe cassée dans des escaliers. J’arrive qu’elle disait ! Avec égard et grand calme a dit le Chardon. T'as qu'à croire !

Commencez sans moi, je vous rejoins !

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Rosalinde
Le monde s'arrête, alors que Judas énonce sa sentence. Non. Cela est impossible. Elle n'est pas morte. Pas maintenant. Pas après tous les efforts déployés pour la mettre au monde, pas après toute cette tendresse prodiguée. Cet enfant, elle avait été sa mère d'une heure, tandis que l'autre se débattait avec son inconscient, allant jusqu'à oublier qu'il s'agissait de la progéniture d'une autre... Fallait-il que cette découverte d'instinct maternel, qui lui faisait si cruellement défaut jusque là, soit à ce point entaché par la nouvelle de la mort de ce petit être si frêle et innocent ?

Le temps reprend son cours suspendu. Les mains se tendent, et arrachent au jeune père le fruit de sa nuit de noces, cette graine de désamour qu'il avait semée par obligation et par orgueil, sans doute en pensant à une autre. Et, fendant l'air, un cinglant :


- Non !

Précipitée sur le fauteuil où elle était si tranquillement assise quelques instants plus tôt, le maillot de l'enfant est ôté. Sa poitrine ne se soulève plus, nul souffle ne s'échappe d'elle. Non, elle ne peut être morte. Elle va revenir à elle. Désespérée tentative de Rosalinde, qui se met à frotter frénétiquement la poitrine de l'enfant, tout en la compressant, vainement.

- Allez... Respire. Fais moi plaisir. Respire. Respire, s'il te plait.

Rien n'y fait, et c'est un faciès catastrophé qui se tourne vers Judas. Fin du déni.

- Elle... Elle est morte. Elle est morte là, dans mes bras, pendant que je vous parlais... Et je n'ai rien vu... Je n'ai rien fait...

Nuque courbée, mains tremblante, de nouveau elle l'emmaillote avec presque plus de soin que la première fois. Écrasée sous le poids de la culpabilité qu'elle s'apprête à faire sienne toute entière, remettant en question tous ces gestes qui lui étaient venus naturellement... Peut-être avait-elle eu trop chaud, ou trop froid... Elle aurait du la mettre au sein, la porter différemment, ne pas attendre autant pour demander à Isaure de pousser, ou ne pas aller l'extirper des entrailles de sa mère...

- Judas, je...

Les mots s'étranglent dans sa gorge, son regard ne peut se détacher de ce petit corps bleu. Adieu bébé, adieu, et si le Paradis existe, tu y as ta place au côté des âmes pures et innocentes. Adieu.
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Judas
Oui elle est morte. L'homme ne perçoit pas bien encore ce que cela lui fait... Lorsqu'il avait approché la petite créature, il avait immédiatement vu qu'elle ne pouvait pas être sa progéniture. Pas si frêle et si violacée, silencieuse et chevelue comme une vilaine gargouille de marbre. Un enfant fait par obligation qui semblait porter sur son visage toute la laideur du pourquoi de son existence.

Il laissa Rose s'apitoyer de cette demi perte, spectateur passif une main gantée couvrant ses lèvres et son menton, fataliste et prostré. Son enfant n'avait presque pas été, et n'était plus. La faute à Isaure, la faute à la guerre, la faute aux miasmes viciant l'air de la ville... Sa faute à lui aussi un peu sans doute... Lui qui n'avait jamais attendu cette venue que de loin, comme on attend qu'un fruit tombe d'un arbre sans daigner en prendre grand soin. Pourtant il refusait en bloc l'idée d'avoir une si grande part de responsabilité dans cet échec fulgurant.

C'était presque pathétique, cette conviction d'avoir un fils et d'obtenir une fille... Ce désir de faire naitre de sa personne l'avenir et la santé personnifiés lorsqu'autour tout n'était qu'incertitude et maladie. Ce besoin de montrer à la face du monde que Judas Gabryel Von Frayner obtenait toujours ce qu'il voulait, et avec succès. Cet enfant qui s'étiole et s'éteint comme une évidence lorsqu'il s'en vient le glorifier... C'est si... Pathétique... C'est si cuisant. Et voilà que Judas commence à ressentir, et à mettre un nom sur cette sensation...

Humiliation. On riait déjà de l'avoir vu épouser une femme qui n'en était pas une... Voilà qu'en plus, elle n'était pas capable de lui donner un enfant viable. A croire que le seigneur payait ses bévues, d'une manière ou d'une autre... Malheureusement Judas était mauvais payeur. Ma main quitta son visage pour venir saisir sa jumelle.


Débarrassez vous de cette enfant.


Très mauvais payeur...

Il s'approcha de Rose et posa une main sur son épaule rousse, comme pour mieux lui faire passer ses propos. A voix basse il intima:


Faites ce que vous voulez d'elle, mais ôtez-là de ma vue et de celle d'Isaure... Si jamais cette dernière daigne bien revenir à elle, dites-lui que sa progéniture se repose auprès d'une nourrice. Ne dites rien à personne qui trahirait sa mort, jamais...


Il chercha ses yeux une seconde, pour s'assurer qu'elle avait bien assimilé tout ce qu'il venait de lui dire. Rose, amie, amante, et désormais complice. Rose qui le connaissais désormais que trop, et qui sans doute, avait tout enregistré dans le moindre détail. Sa main glissa dans ses cheveux, réconfortant celle qui devait réconforter, à cela près qu'à ce jeu là malheureusement le grand perdant souffrait d'un cruel manque d'empathie. Lorsqu'il se détacha d'elles, il se tourna vers le lit qui ressemblait à une couche funeste. Son regard s'était durci, mais son visage semblait étrangement serein. Frayner s'approcha de sa jeune épouse, jusqu'à se pencher au dessus de son visage pour en baiser le front. Et c'est le plus naturellement du monde qu'il lui fit un aveu.


Je serai de retour demain... Vous n'imaginez pas ce que votre époux ferait pour votre mariage.

Car qu'elle passe de vie à trépas ou pas, Judas n'escomptait pas partager avec le tout France le fiasco de ses épousailles. Ne jamais s'attirer l'humiliation d'une entreprise ratée... Jamais.
Rosalinde
Se débarrasser...

Voilà ses prunelles qui en un saut quittent le corps tiédissant de l'enfançonne pour venir se planter dans celle de Judas. "Monstre", aurait-il pu y lire. Était-ce si important que cela, d'avoir un fils ? Au point de ne même pas sembler désolé de la perte de son enfant, même né femelle ? Oh, elle sentait bien le sien remuer dans son ventre, à cet instant précis, comme pour se rappeler à elle. Ce n'est pas sa fille qui repose sur ses genoux, non. C'est celle d'une autre. Sa progéniture à elle était encore bien vivante. Garce ou garçon, elle se jura sur le champ de l'aimer mêmement. Finn et elle auraient bien le temps d'en faire d'autres si le sexe ne convenait pas à Monsieur. Du moins le pensait-elle.

Pourtant, malgré sa consternation, elle écoute, alors que la main du seigneur de Courceriers annexe son épaule. Inapte à lui tenir tête, de toute manière. Et les propos de Judas l'intriguent. Pourquoi mentir à Isaure ? Pourquoi retarder l'inévitable ? La caresse au creux des boucles rousses se veut réconfortante, et pourtant elle ne fait naître chez Rose qu'un long frisson qui parcourt son échine de bas en haut. Satrape, que fais-tu... ? Malgré le poids des émotions et des événements, sous le crin auburn les méninges tentent d'être productifs. Et c'est alors qu'il se penche pour baiser le front d'Isaure qu'elle comprend, soudain.


- C'est folie. Vous ne pouvez.

Cependant il peut, et veut. Alors, à demain, Judas.

Et la Belle de retourner à l'enfant d'une heure. Pauvre petite... Ignorée par ses deux parents. Morte dans l'indifférence quasi-générale, et sur laquelle sa mère n'aura jamais posé les yeux. Il n'avait même pas pris la peine de la nommer. Elle n'avait jamais existé.


- Moi je me souviendrai de vous, cher ange. Vous serez ma petite Sybille.

Sybille, c'était le prénom auquel elle avait songé pour son propre enfant, s'il s'était agi d'une fille. Elle lui en fit don, spontanément, tandis qu'elle l'emmaillotait de nouveau dans la petite couverture brodée. Une dernière caresse sur ce crâne tout chevelu, un dernier baiser sur ce front bleuté, et elle l'emmène, pour l'enterrer sous la glycine.
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Judas
[ Sur la route menant à Angers ]

Vous ne pouvez. Vous ne pouvez! Foutue Rose, les conseilleurs ne sont jamais les payeurs...

Reprenant le chemin inverse l'homme s'était réfugié quelque part dans un coin de sa tête, loin des réflexions de son intendante et de tout cet aura mortifère. Là au devant il y avait encore la vie, l'interstice de lumière sans doute qu'il avait attendu sans avoir pu l'acquérir dans la légalité, l'officialité. Il y avait Anaon qui criait pour un fils qui venait, ignorant tout de l'affreux raté de cette vie conjugale qui lui avait volé "son" Judas. Il y avait cette descendance qu'il attendait plus que de raison, semée à la belle saison par plaisir et non par défaut. Isaure avait échoué là ou sans aucun doute, la Roide et sa force vaincrait. Confiant, serein même, il s'imagina que finalement le Tres Haut compatissait à son sacerdoce et lui permettait d'avoir le fils qu'il voulait, tout en gardant le doré de sa vie, en effaçant à sa guise les parties sales de l'histoire. Il se mit à pleuvoir. Frayner n'imagina pas que dieu pissait sur sa démentielle fierté.

Les sabots pressés foulèrent un petit tas de rien, retournant des monceaux de boue jusqu'à la ville, la nuit presque noire. Aveuglé par l'espoir d'enfin tenir en ses bras le seul fruit qui pouvait devenir un arbre Judas pria à voix haute pour le salut de feue sa femme. Morte, l'espérait-il, et cas échéant si elle n'en avait pas la décence... Tant pis pour elle. Après avoir vu de ses yeux l'incapacité d'être une épouse digne de ce nom qui la caractérisait, son désamour pour elle ne pouvait que se muer à l'avenir en un mépris plus profond.
Anaon

-Hôtel de la Duchesse de Brissac, Angers-


    Les minutes passent pour s'écouler en heure. Les réconforts fusent entre deux paroles. On égare une canine dans les bouts de viandes, on parle de tout et de rien. Des culs-bénis qui en prennent pour leurs grades, de quelques exactions qu'il faudra songer à reprendre. De Melchiore qui lui doit une robe et de Charlemagne qui devrait en faire autant. On parie sur le sexe de l'enfant et cherche à s'en convaincre : Tout ira bien.

    Le temps passe, marquant d'avantage les traits de la mère. Les éclats de rires se font plus nerveux, la sérénité : factice. L'ambiance est fébrile. On a à nouveau fait porter de l'eau et attisé le feu. L'Anaon en vient un instant à regretter la fraicheur hivernal. Un regard se porte sur la fenêtre obstruée qui ne trahit plus l'heure du jour. Elle a pris à nouveau sa place de parturiente, adossée aux coussin amassés contre sa tête de lit, condamnée à attendre.

    _ Dis-moi que çà y est.

    Les dents se serrent dans un frémissement de douleur. Il n'est plus temps des contractions éparses, non. A l'instant, c'est son corps qui scandent l'imminence dans sa rythmique convulsive. Le cœur s'est emballé, la respiration a suivit. Elle contemple le visage de sa ventrière. Cerdanne. Ces iris océaniques, sa jeunesse pourtant assagit par les méandres de la vie. Et dire que la première fois que je t'ai vu, j'ai décrété que je ne pourrais pas te piffer. L'Anaon s'apaise. Le visage se décrispe un instant dans un sourire.

    _ Aujourd'hui, t'as une chance sur deux de devenir maman, ma belle...

    Rire du risque plutôt qu'en pleurer. Habitude de l'Anaon qui a toujours préférer se payer la gueule de la mort que s'effondrer devant elle. Deux pieds sur la ligne du précipice ou bien la corde comme dernier fil de sa vie, elle serait encore là, à lui décocher son plus beau sourire. Arrogance? Non. Parade, parfois, pour déjouer la peur qui guète dans le creux de ses tripes. Accueil surtout. Comme on se réjouit du retour d'une camarade de longue date : "Bordel, ma vieille, mais t'étais où? J'ai bien souvent bu en ton nom dans l'espoir que tu vienne me border de ton repos au plus tard de la nuit... mais toi, tu m'as toujours laissé pioncer sur les pavé entre les bonnes mains de la gueule de bois. T'es pas venu acclamer mes exploits, non plus, quand je jouais de la lame, c'est pas faute d'imprudence et de raté, pourtant. Moins fidèle qu'un homme, moins franc qu'une femme. Un jour, ma vieille, faudrait tu m'accordes un peu plus de respect."

    _ J'avais dis... à Eik.... Que s'il était sage... Il serait peut être le parrain... Étrangement, je suis pas sûr de mon choix...

    Paroles lâchées les dents serrés. Les doigts se recroquevillent sur les draps alors qu'elle se plie sous l'assaut d'une énième contraction.

    _ Remarque... Avec une masse pareille... je me soucierai pas trop de votre sécurité...

    Dans une expiration brutale, elle se carre à nouveau dans ses coussins, les yeux qui retournent sur le visage du Chardon, le souffle qui cavale dans l'impression désagréable de piaffer comme une cheval.

    Avant de mourir, dis moi que je peux enfin mettre au monde.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III -Anaon dit Anaonne[Clik]
Cerdanne
Certains matins ont la fragilité
des choses naissantes.

La lumière entravée se libère
on éteint les feux qui éloignaient la nuit
les rives du fleuve s’éboulent
l’eau frissonne
la forêt s’ébroue.

Certains matins sont si délicats
que l’on craint d’en froisser
la porcelaine...
AGNES SCHNELL






-Hôtel de la Duchesse de Brissac, Angers-



Le temps file brodé de plaintes sourdes retenues entre les lèvres serrées de son ainée, de rires sourds, ironiques, de remarques sardoniques entre les siennes.
L’angoisse n’arrive pas à s’infiltrer pleinement entre les deux sœurs.
Chacune à son tour dévie d’un mot l’inquiétude qui rode dans la chambre.

La chaleur l’agace ? Peu importe.
L’instant d’après elle est en chemise.

L’obscurité ourle chaque chose dangereusement ?
Au diable les ombres, ses yeux marines captent la lumière qu’elle renvoie vers les azurs d’Anaon...

Vaincre.

Vaincre le sort, vaincre les réminiscences d’un passé maudit, douloureux et qui les poursuit.
Différemment pour chacune d’elle, mais pour un même résultat. Les faire plier et accepter un destin…

Vaincre.

Une main caresse doucement le ventre durcit, tandis que l’autre surveille, inquiète, l’avancée du travail…
Il se rapproche cet instant fatidique ou plus rien ni personne ne pourra intervenir.
Alors elle ironise une dernière fois avant que l’enfant engagé ne retienne toute son attention..


Eik?…
Tu n’as pas pris de risque en évoquant la sagesse. Quoique…
Il vieillit le colosse.
Imagine !
Une main, sera son berceau, l’autre …L’autre…abattra quiconque s’approche de trop près..
Mhhh… Je te préviens Ann, pas question qu’il prévaut sur le petit tout ça parce qu’il mesure deux fois ma taille…


Le corps d’Anaon s’arque un peu plus, comme pour approuver les jérémiades.
Ou tenter d’y mettre un terme…
Inexorablement les contractions s’accélèrent pour ne plus laisser un seul moment de répit à la parturiente.

La Provençale, tout en continuant sur le ton du badinage s’éloigne, le temps de nettoyer méticuleusement ses mains et de les oindre d’huile parfumée…


Et pas question non plus que je reste cantonnée au rôle de nounou, doudou et compagnie pendant que lui ne se tape que le bonheur de lui faire découvrir les balades à cheval et les festins de chasseurs…

Les mains se font douces lorsqu’elles vérifient ce qu’elles savent déjà fort bien l’une et l’autre.
Un bref sourire, un hochement de tête…


Faut te battre …Il est tout près..
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Yolanda_isabel
-Hôtel de la Duchesse de Brissac, Angers-
(pour pas faire original)


Elle a dit qu’elle arrivait. C’est ce qu’elle fait. Et pour ne pas plagier Anaon, voilà Yolanda qui s’accroche à sa canne en essayant de hisser sa carcasse abimée dans les escaliers en maugréant à qui mieux mieux.

-« Mais qui est le con qui a inventé les escaliers.. »

Non mais vraiment, ce gars n’avait donc que cela à faire ?

Il y a les grimaces sur le visage qui s’étirent à chaque fois que la jambe tout juste consolidée se pose sur une marche pour s’y appuyer mais là-haut, il y a Ann et cette bécasse de servante qui lui a dit qu’elle allait mourir en couches. Alors Yolanda de forcer de son mieux sans se soucier des conséquences et surtout sans se soucier d’une possible fracture. Et la porte s’ouvre sur une Yolanda déterminée, on pourrait presque s’attendre à un furieux « Police ! Que plus personne ne pousse ! Les mains en l’air ! » mais ce serait déplacé.

Alors l’uni-oculiste de rejoindre vivement Cerdanne.


-« Qu’est-ce que je peux f.. » Ne pas regarder déjà. L’œil unique de tourner dans son orbite alors qu’elle relève la tête vivement. « Alors je vais aller vers .. Plus vers là-bas. »

Plus loin de .. Ca avant de dégueuler sur la parturiente.

Et sagement appuyée sur la canne et livide, elle rejoint l’Anaon pour se laisser glisser au bas de la couche, non sans un craquement peu ragoûtant qui lui arrache une grimace, mais avec ce qu’elle vient de voir, allez savoir si cela ne vient pas surtout de ça. Les mains potelées se saisissent d’autorité d’une des mains de la mercenaire.


-« Vous avez .. Mal ? »

Ca, c’était la bonne question du jour.
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Anaon

-Hôtel de la Duchesse de Brissac, Angers-


    Les narines se pincent, les prunelles se voilent de leurs remparts de chairs. Crispation des mâchoires. Violence. La vie n'est que violence. Naitre dans la douleur, mourir dans la douleur. On aurait put imaginer plus bel Ouroboros. Mais la tension vole en éclat dans un rire qui se libère. Oui... Qui donc ne passerait pas pour une crevette aux côtés du colosse. Sergueï uniquement, sans doute.

    _ Vous formerez un sublime couple de parents...

    Le regard fouille un instant la pièce, vide du berceau qui aurait du s'y trouver. Au final... il n'y en a pas.

    _ Je ne suis pas sûr pourtant que le mot "bonheur"...soit celui qui lui convienne... Il me maudirait je crois... de ce "cadeau"... Ah! Quels beaux requiems... humf... seront ses injures le jour de ma mort! Ma berceuse d'outre-tombe...

    Ricanement aigre qui se perd dans un grondement enrayé pas les nacres. Un frémissement l'ébranle quand les doigts habiles se fondent dans leurs rôles d'accoucheurs. Et c'est bien vite un frisson douloureux qui lui parcourent l'échine. Aux derniers mots de Cerdanne, le regard se révèle. L'iris luit. La crainte se trahit. Se battre. Cette fois, ce ne sera pas contre Lui. Mais pour Lui... ou Elle... Souvenir, d'une même époque, un an auparavant...C'est la mort qu'elle rependait entre ses cuisses dans un flot écarlate. Un petit crime de chair. Amour d'une nuit d'été. Un petit être maudit qui a connu la mort avant de vivre la vie. Coupable de ses tourments, victime de ses travers. Existence avortée. Elle était mère infanticide. Mais aujourd'hui, son ventre ne sera pas une tombe.

    Si Cerdanne fronce les sourcils ce n’est pas d’inquiétude. Le travail est régulier et jusqu’à présent son ainée à l’air de bien maitriser chacune des contractions qui l’assaillent de plus en plus longuement et de plus en plus vite.


    …Te maudire, te maudire…j’y donne pas longtemps avant de ne même plus se souvenir du pourquoi du comment il a pu à un moment envisager de te ..maudire… et … Papa Eik tu m’en diras tant !

    Cerdanne laisse éclater un rire moqueur vite interrompu par ce qu’elle observe.
    Anaon, visage fermée, ne parait plus entendre....

    Une fois encore barricadée dans ses pensées, les yeux de l'Anaon se sont fermés comme si cela pouvait enrayer la douleur qui irradie ses chairs. Une esquisse de sourire vient pourtant brièvement répondre aux mots du chardon. Papa Eik... C'est fou comme il y a des hommes qui n'ont vraiment pas une tête à devenir père.

    Dans un énième soupir harassé, la balafrée se tend contre ses coussins.


    _ Cette-fois... je veux qu'il vive...
    Il ne demande qu’à vivre Ann. Il faudrait juste arrêter de le dire et de garder ton souffle pour pousser un tantinet plus fort…
    _Quoi?
    Non mais quand je dis plus fort, je dis Plus Foort!

    Les yeux de la mère s'écarquillent tout rond comme le dormeur que l'on viendrait bousculer en plein rêve. Oui. Trêve de bavardages. C'est maintenant. La balafrée relève les mains pour aller agripper le haut de sa tête de lit, là derrière sa nuque. Prise de bois solide, la tête en étau entre ses bras, les azurites se voilent une fois encore de leurs paupières. Penser la moindre de ses respirations. Entendre le sang qui pulse en cadence dans ses tempes. Et c'est alors que le corps commande le début de sa délivrance. Mâchoires vissées entre elles qui ne laissent filtrer qu'une expiration. Première poussée.

    C'est le début de la fin. L'accomplissement de neuf mois troublés de remord, de rancœur et de bonheur... ou le bout de course d'une mercenaire à la dérive qui aura signé la fin de sa vie du plus bel acte qu'elle aurait pu faire. Aux autres revendra le devoir d'écrire l'épilogue de son histoire et d'entamer le chapitre d'une nouvelle. Celle de son enfant. C'est une délivrance qui s'accomplit. Qu'importera sa forme.

    Elle inspire l'air comme une noyée, avant de livrer toutes ses forces dans chaque effort pour libérer le petit être qui réclame son premier souffle de vie. Et à qui rêverait d'entendre les plaintes de l'Anaon déchirer le calme pesant de l'hôtel, qu'il passe son chemin, elle ne crachera rien d'autre d'entre ses dents que quelques grondements noyés dans ses expirations brutales. Endiguer la douleur dans des flots de silence. On ne se refait pas.


    Je vois le bout de sa tête…

    Oui, mais y a des jours comme ça…
    On pense se faire un bébé tranquille, entre frangines, et l’instant d’après, un macaron fait voler en éclats l’intensité du moment…Coloré le macaron. Les doigts potelés mais ô combien écarlates pressent la main d’Ann devant la mine éberluée de La Provençale.

    La mine de Yolanda à peine remise de ses blessures l’inquiète quand même un peu. Pas le moment qu’elle tourne de l’œil…


    Mal ?...Mais quelle drôle d’idée…hein…Un peu rien qu’un peu. Continuez à lui tenir la main va…c’est une bonne chose que vous soyez là…. Pas vrai Ann ??


    Mais Ann, elle ne capte pas l'arrivée de Yolanda. Ann, c'est quand une main vient fermement saisir la sienne qu'elle rouvre subitement les yeux pour rester un bref instant figée sur le visage qui lui fait face. Un instant, elle revoit Nyam. Sa petite Nyam qui avait été là, le jour de son précédent... accouchement. Nyam dont elle était sans nouvelle. Nyam qu'elle aimait pourtant comme son enfant. Quatorze ans, comme Yolanda.

    Aux mots de l'adolescente, elle ne répond pas, bien vite rattrapée par la tâche qui est sienne. Senestre ne se défait pourtant pas des mains qui la tiennent. Petit nid de réconfort dans lequel elle se fond sans remord, elle, le chaperon, dans les paumes de sa protégée et ange gardien à sa manière. Et la gorge se déploie. Et le corps tremble.

    On est pas encore couché
    .


A quatre mains
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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III -Anaon dit Anaonne[Clik]
Cerdanne


-Hôtel de la Duchesse de Brissac, Angers-



Le temps n’est plus aux questions réponses et bavardages légers.
Cette tête qu’elle percevait et qu’elle voit plus distinctement maintenant ne demande qu’à prendre l’air.
Une chose l’intrigue, l’inquiète.
Elle pensait être une tête ressemble plus un truc pâlot et..



On dirait un oeuf !
Ana…par terre…à la cuisine…c’était la connerie de la servante pas la poche des eaux….


D’un geste nerveux, la provençale entortille ces cheveux et se dit que celui là de môme, il avait intérêt à glisser facile pour venir faire coucou à sa marraine.
Cerdanne ne se sentait pas de taille à affronter un enfant « coiffé » dans son ensemble.



Il manquait plus que le macaron en tombe son unique et néanmoins bel’œil et la naissance de ce môme qu’elle espérait paisible allait devenir cauchemardesque.
Pas question qu’une pâtisserie même de noble lignage vienne semer le trouble.



Yolanda ! Soutenez donc Ana... aidez là à se redresser.
Et toi Pousse !!


Il va mourir étouffé ce petiot si son ainée n’accentue pas ces poussées…

_ Quoi?!

Un instant, la mercenaire se fige.

Un œuf... Un œuf?
L'incarnat se fait blanc et sans vraiment percuter les paroles qui suivent, l'Anaon envisage le pire.
Qu'est-ce que ça veut dire?!
Un œuf..
Il est blanc?
Il est mort?

Qu’est-ce qu'il arrive à son bébé?
C'est une vague de panique qui la submerge et entre deux poussées, alors que la jeune blonde s'exécute et que la balafrée se redresse, elle arrive à hurler :

_ Qu'est-ce qu'il a Cerd?!


Il n’a rien. Parole...
Juste que...tu me fais un tit roi Frangine...


_ Hein?


Elle en chanterait presque la Provençale...ce môme elle l'aime déjà.


Rien je te dis...
Pousse et tout ira........bien



Latence. Un petit roi.
Comment-çà? Il serait... coiffé?
La poche des eaux ne s'est pas brisée.
Quoi?!
Impossible!
Elle l'a bien sentit ruisseler sur ses jambes, claire et si peu teintée et...

_ Mais....Att... humf...
Attends...Tout à l'heure.... c'était...Han...

Oooohhh!


Oui.... "Ooooh". C'est une blague?
Et bien non. Et mieux vaut ne pas savoir.
Pourtant l'Anaon, elle, a compris.
Elle n'est néanmoins pas en état de s'accabler d'une quelconque honte et de rougir de cet incident de femme enceinte.
Ça arrive, on vous dira.
Ça en ferait rire peu être, mais on en dira jamais rien. Et quand bien même, qu'importe, puisqu'aujourd'hui elle donnera naissance à un enfant bénit.

Mais il faut faire vite, oui.
Alors la mercenaire s'enhardit...
Non, ce n'est pas aujourd'hui qu'elle va se laisser abattre….

La seule chose qu’elle se demande la provençale, c’est comment le décoiffer…
Faut avouer que c’est pas banal… et que ce Petit là, avant même d’être né il fait déjà chier son monde à ne pas naitre comme tout le monde…

On va y arriver …On va y arriver…



Ann ..Encore une petit effort….



* A quatre mains encore plus un oeil mais quel oeil^^

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Anaon

-Hôtel de la Duchesse de Brissac, Angers-


    Se faire violence et redoubler de hargne, même si les membres tremblent, même si l'effort réveille les douleurs endormies des vieilles blessures. Une main ancrée dans le bois du lit, l'autre arrimée aux doigts de la Josselinière qui lui souffle des "Je vais mourir" entre deux de ses poussées. Mais non Yolanda, vous n'allez pas mourir, mais moi, ce serait plus probable. Non Yolanda, ne regardez surtout pas en-bas ! Et allez savoir à cet instant qui soutient qui.

    Trouver la force et le souffle de râler contre la blonde pour lui redonner un peu de sang-froid ne fait que renforcer le sien. L'instinct de mère réanime une rage qui lui est si rare, alliée à l'angoisse tenue muette pour la survie de son enfant. Craintes insensées ou fondées, cette fois la peur tue la fatalité.

    Petite graine de vie qui a mûrit au fond de mon ventre, un écrin de chair pour ton premier berceau. Viens, aujourd'hui, c'est ton heure. Toi que j'ai bercé des battements de mon cœur, de mes rires et de mes peines, toi que j'ai blessé parfois de mes rixes et ma folie, viens, que je te berce cette fois dans un nid de douceur. Enfant du chagrin, que j'ai pu mal-aimé, habitant inopportun qu'on n'a pas désiré, ou secrètement, peut-être, dans des rêves inavoués. Au fil de nos songes, on s'est tracé - qui sait ? - un avenir un peu fou qui ne pourrait être notre. J'ai souri de ma bêtise et de ma naïveté, quand je m'accrochais à ces pensées fugaces où je me plaisais à esquisser des petits bouts de toi. Chimère et sottise. Et pourtant... Aujourd'hui...

    Allez viens. Pardonne-moi, tu vivras dans un drôle de monde. Maman, elle est pas vraiment clean et c'est pas la plus belle. Maman, elle a la peau pâle, mais ses mains ne sont pas blanches. Marraine aussi, tu verras, elle est un peu louche, de toute manière, autour de moi, tu connaitras pas grand monde de bien louable. Tu apprendras le mot "mercenaire" bien malgré-moi. T'auras pas le choix, je crois, d'apprendre que la vie c'est pas le paradis. Mais je te promets, quand tu seras là, j'arrêterais les trucs pas nets. Tu verras, bientôt, y'aura plein d'enfants autour de toi. Parfois, elles seront un peu chiantes, mais je crains que tu ne sois-pire qu'elles. Excuse-moi, tu vivras dans un monde donzelle, m'enfin, si t'es une fille, tu auras des copines de poupée, et si t'es un garçon, tu joueras leur chevalier.

    Allez viens. Pour Papa, tu verras, ce sera un peu compliqué. A peine sauras-tu parler, que je devrais t'apprendre à te taire. Je sais, c'est pas facile, mais mentir, c'est notre avenir. Papa, il est comme il est, il sera peut-être pas toujours très tendre, faudra lui pardonner. Il serait peut-être un peu froid ou un peu dur. Au pire, qu'importe, si tu te fais engueuler, je serais toujours de ton côté et on le décrètera : c'est nous qui aurons raison. Surement, on ne le verra pas souvent. Je ne sais pas comment on fera... On verra.

    Mais d'abord, allez, viens...

    Elle ne mesure plus les secondes. Elle ne saurait dire si l'instant est une minute ou une éternité. La peau se fait écume, les azurites se brouillent.

    Sonnez l'hallali.

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III -Anaon dit Anaonne[Clik]
Judas
[Ange et...]

Allez viens... Viens.

L'appel plus que l'enfant touche le père, sans ralentir la cadence Judas se sent pousser des ailes. Laides, porteuses de la peste qu'a toujours porté l'homme. La monture frôle la tourbe, la corne la presse et l'éclate, il y a dans l'air une tension pré-létale. Pourtant la mort à déjà repris, et la vie donne.. Donne.. Donne. L'enfant est imminent, Frayner le sait, le sent. Son fils doit l'attendre... Pas comme cette vulgaire descendance au féminin, fauchée aux premiers vents gonflant ses poumons. Voilier de paille, faible embarcation. Cette erreur. Son fils lui fera honneur.

Attends-moi Anaon, garde la souffrance en ton giron!

Il la sait crier comme il se doit. Il la sait souffrir comme il se doit. Elle enfante, l'amante des nuits décadentes. Elle enfante pour lui... Et son fruit est l'unique, celui qui, subsidiaire à écrasé dans sa tête toute once d'empathie ou de peine pour la mauvaise graine que Rose met en terre quelque part, sous les planches, sous ses craintes, sous ses nuits blanches... Toute once de fatalité. Petite mémoire blessée. Parait-il que seul repose en paix celui qui meurt oublié*... Puisque la jeunesse a chu, l'expérience a corrigé. Rétabli sa revanche. La douce amertume de sa condition et de ses rêves irréalisables éclipse par sa victoire l'établi insipide et sans mérite de ses déceptions. Quelques heures ont passé, mais la détermination ne l'a pas quitté. Angers s'offre impudique, le laisse entrer en son sein puisque conquise. Dans son ventre aux maux divers ne semble triompher que cette venue. La naissance, et le père. Besoin irrépressible de voir, toucher, sentir. Cet enfant mi beau mi laid, par les circonstances de sa venue. Par les raisons d'icelle. Cet enfant qui sera toujours à ses yeux et pour tous l'enfant qu'il ne sera jamais vraiment. Engeance de chair, pour la chair et par la chair. Enfant d'hiver, à l'image de sa mère.

Château-Gontier, son pavé ruisselant et Judas qui souille son sol de bottes boueuses et fatiguées. C'est ici qu'il l'a retrouvée, la Roide maternelle. Errant dans des couloirs aux allures de venelles. L'aime-t-il, oui, l'aime-t-il vraiment? N'est-ce pas cette folle idée qu'on se fait de l'amour sans jamais avoir vraiment daigné y toucher? Des portes, des portes encore, Frayner que faites-vous là?! On le lui mandera... Sans doute, et puis foutre. Le castel est si silencieux... c'en est troublant. Quelques minutes encore à l'écoute d'un cri pour le guider mais rien. Chateau Gontier a été déserté...


PuteBorgne! aboie-t-il en passant près d'un portrait de Yolanda. Doux superlatif... Aliénor - un bel exemple de l'enfant dont il ne voudrait jamais - avait sans doute révélé à demi mot le fin mot de l'histoire, lorsqu'elle le rackettait. Les amitiés de CG et de Brissac... Et lorsque rien ne va, n'est-ce pas chez ses amis que l'on se réfugie? Yolanda et la marmaille de Chateau Gontier, victimes de la peur de la guerre seraient alors chez la duchesse Calyce...? Une amante qui met au monde chez la soeur d'une autre amante. Voilà l'ironie. Fou de rage, convaincu qu'il arrivera encore trop tard, Frayner quitte les lieux pour retrouver la route que personne n'a daigné lui donner. Ha t'es belle Cerdanne, avec tes plis obscurs qui n'ont même pas bon gout...

    -Hôtel de la Duchesse de Brissac, Angers-


Anaon!

Et Frayner de s'engouffrer comme chez lui dans l'édifice inconnu, sinon vaguement des bouches d'autrui. Suivre les cris... Jusqu'à leur seuil... Et retenir sa respiration, amorçant une fuite vers un recoin, dissimulation. Elle n'est pas seule.

Judas... Ta gueule.


* Verner von Heidenstam -
Cerdanne

« Ce n’est pas la bouche
qui parle
trop encombrée d’air pur
après trop d’asphyxie
ce n’est pas le regard
déshabillé d’images aveuglé de lumière
La parole est aux mains
passions immobiles
et leur chant est un cal
sur la peau des jours bleus
Enfouis »
francisroyo



-Hôtel de la Duchesse de Brissac, Angers-



Trouver les mots.
Trouver les rires.
Mais sa voix ne sait que murmurer entre les vagues de râles, de souffles rauques.
Et ce que ses mains retiennent, vibre doucement contre la pulpe de ses doigts.

La vie est là, elle la devine au travers de cette bulle rassurante qui entoure le fils roi.

Doucement, Ana, doucement…


L’enveloppe fragile se fraye un chemin, ondulante et ses mains lui semblent bien petites pour retenir le tout.
Petites et tremblantes.
Elle devine les cheveux, la peau diaphane et se mord les lèvres pour faire taire la frayeur qui l’envahit insidieusement.

Ses grognements furieux se joignent à ceux de son ainée tandis qu’elle s’acharne à tirer vers la lumière cette petite chose qui se planque dans son cocon.

Le regard marine s’obscurcit encore …


POUSSE !

Et elle pousse son Anaon et dans un dernier effort, l’enfant protégé dans son cocon se libère du ventre de sa mère et glisse doucement entre ses doigts fébriles.

M’énerve ce truc…

D’un geste sec sa main droite agrippe sa dague qui se faisait petite contre sa hanche. Le mouvement de la lame se fait tout doux tandis qu’elle transperce l’enveloppe qui protégeait l’enfant..
Le regard hypnotique, elle ne sent même pas la douce chaleur du liquide qui jaillit entre ses doigts.
La dague dans une main, levée, prête à s’abattre une deuxième fois, elle guette l’instant ou son filleul daignera enfin venir au monde. …

Plus tard, elle lui racontera.
Plus tard elle s’extasiera avec lui, pour lui, de cette naissance merveilleuse.
Plus tard.

Ce jour, elle n’a qu’une envie c’est de l’entendre hurler ce môme…
La dague jetée à la hâte, baigne dans les linges trempés et les doigts s’agitent, palpent, agace le minois fripé qui lui fait face.

Un vrai cri pour un vrai sourire.

L’enfant vit !
Et le prouve en hurlant de plus belle face à l’agression du froid, du bruit et des doigts provençal qui ne lui laisse aucun répit.

La marraine rit !
Et l’affirme bien haut, bien clair en brandissant une dernière fois la dague.

Le cordon est tranché sans l’ombre d’une hésitation et l’enfant entre ses bras vole, tout vagissant pour afficher bien haut ce qu’il est.


Un fils, Ana ! Un fils !

Le fils toujours coiffé de sa membrane, manifestait toujours son mécontentement et Cerdanne, détache doucement l'enveloppe des enfants Rois avant de blottir le môme dans les bras de sa mère.

Kenan, Voici ta mère…

Pendant un court instant, elle est heureuse. Béatement...
Elle n’a plus peur.
Anaon, le regard creusé mais lumineux est là , l’enfant est là, Yolanda les phalanges écrasées, émiettées, est encore là.

La terre peut s’effondrer, le ciel noircir, le vent geler les rivières…
Elle s’en moque.

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Anaon

- Hôtel de la Duchesse de Brissac, Angers -



    Il arrive. Toujours emmailloté dans ses langes organiques. Dans une dernière poussée, aidé par les mains de sa ventrière il se libère des chairs de sa mère. Les parois pâles et intactes le tiennent encore recroquevillés et protégé du monde. Alors que Cerdanne s'évertue à vider les eaux et à le libérer de sa matrice pour lui faire gouter l'éther, la mère tente de recouvrer le sien. Sa peau miroite de sueur, la chaleur lui a rougit les joues. Elle se détache un instant du monde. Elle sent son cœur qui martèle ses tempes et ne se rend pas compte que sa poigne s'est relâchée sur la main de Yolanda. Sensation de vertige. Les yeux se ferment. On pourrait parler, elle n'entend rait pas, mais c'est un cri qui vient déchirer sa latence.

    Les yeux s'ouvrent. Les azurites se posent sur une Cerdanne qui rit au pied du lit les mains qui s'affairent à lever un bébé.

    Son bébé.

    Sa respiration se coupe. L'échine s'ébranle d'un tremblement. C'était encore un songe, c'est une réalité. Elle est comme surprise de le voir, comme si jusqu'à présent, elle ne faisait que rêver, un rêve de neuf mois, qui aujourd'hui, crie et s'exprime. Elle en reste figée, tel sonnée par le coup de l'enclume. C'est son bébé. Il est né. Il est là, bien vivant. Sa mâchoire tremble. Elle est terrorisée à l'idée qu'il puisse ressembler à ses Premiers. Mais au fond d'elle, c'est pourtant ce qu'elle désire le plus dans un étrange paradoxe qui lui noue l'estomac. Et d'ailleurs, elle espère secrètement que ce soit une petite fille. Une petite opale... Un petit corps qui pourrait à nouveau accueillir sa Mélusine...

    Un fils, Ana ! Un fils !

    C'est un garçon. Frisson. Une tension nait à la base de son crâne. Des picotements se répandent dans ses narines. Inexorablement, une ligne translucide s'écoule de ses yeux. Puis une seconde.

    Elle pleure...

    Et pourtant elle sourit... elle sourit comme elle ne l'a plus fait depuis des années. La main de la Josselinière est lâchée pour se tendre avec sa jumelle vers son fils.

    Il passe de marraine à mère. Les bras se font cocon avec une tendresse qu'elle aurait cru oubliée. Les vagues de sels redoublent d'intensité quand elle contemple enfin le visage de son enfant. Il est si petit... Les yeux clos, mais la bouche bien grande ouverte. Un doigt tremblant parcoure la toute petite joue qui se tend sous les cris jusqu'à frôler la tempe recouvert d'un duvet sombre. Il aura les cheveux de son père.

    Dans le flot des larmes s'exhausse un rire de fatigue et de joie.

    _ Demat dit, ma Aelig... Degemer mat, bihanig-me.... Bihanig-me...Mammig eo...
    Bonjour à toi mon Ange.... Bienvenu mon tout petit... mon tout petit... C'est Maman...

    Sa voix se fait velours, tremblante d'amour et d'émotion. Elle quémande d'un geste chevrotant un linge posé sur la table de chevet et lave son fils de sa souillure avec une douceur incommensurable. Les yeux noyés de pluie se lèvent sur sa sœur de cœur. Vois Cerdanne, c'est mon fils et il est en bonne santé! J'ai mon enfant dans les bras. Il est là, Mon enfant. Et il est bénit.

    A cette pensée le visage se tourne pour voir le pied du lit puis aviser la Josselinière auprès d'elle, la courbe d'un sourire illuminant toujours ses traits tirés.

    _ Il faudra un coffret, pour sa coiffe... Qu'elle reste toujours près de lui.

    Puisqu'on croit que l'ange-gardien du nourrisson-coiffé, sommeille toujours dans sa matrice. Puis la main se tend pour qu'on lui donne le miel qu'elle avait fait mandé. L'index se plonge dans la texture sirupeuse pour en recueillir une infime quantité, avant de se porter aux lèvres de l'enfançon.

    _Bienvenu à toi Kenan, le Très-Beau... Je te présente au monde...

    Les lèvres de la mère se posent avec tendresse sur son front. Point de druide auprès d'elle pour exécuter le moindre rituel, alors Anaon fait comme son père lui a appris. Les azurites toujours nimbées de larmes caressent avec amour les traits de ce petit être qu'elle a mise au monde.

    _ Préviens-le, Cerdanne... Dis à Judas que son fils est né...

    Puisqu'elle ne peut se douter qu'il attend derrière la porte. A cet instant, elle oublie toute l'amertume qui l'a rongé ces dernier temps. Elle oublie ces maux et ces chagrins. Les fantômes du passé s'effacent face à la joie du présent. Son futur brodé par les pensées vengeresses se dissout. Elle ne remarque pas même Yolanda, blafarde qui a quitté la chambre. Il n'y a rien... rien qu'elle et son enfant.

    A cet instant, elle est heureuse.

Musique " Henry meet Anne Boelyn ", The Tudors Saison 1, par Trevor Morris
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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III -Anaon dit Anaonne[Clik]
Judas
L'attente est rude tapie dans l'ombre du spectacle. Frayner se tasse au passage de la jeune silhouette de la Josselinière, sans doute les jambes trop flageolantes pour tenir bien droit auprès de l'Anaon. Inaperçu, terré comme un intru il vit à l'aveugle l'avènement d'un sauvageon. Elle a rugi comme pour montrer à son fils la marche à suivre. Elle a crié, cette mère des souffrances, jusqu'à ce que l'enfant l'imite, rejeton fourbu comme elle d'embrasser la vie terrestre. Une goutte de sueur glisse sur sa temps sale où serpentent des cheveux collés de pluie et de poussière, s'il est homme ignare des maux et vertus secrets de la femme, il est assez attentif pour interpréter la délivrance.

Il a crié, son fils des souffrances. Et c'est un enfant mâle, comme s'il plaisait à dieu de remplir d'orgueil l'amant de la Roide. Amante porteuse de promesses, tenues celles-ci, informelles mais scellées de son admiration. L'émoi est palpable en ses pas qui résonnent au travers de la pièce dont la porte est repoussée comme le plus insignifiant des remparts. Sa profondeur difficilement mesurable, sinon proportionnelle à celle des sillons sous les yeux de l'Autre.

Elle, auprès de qui il s'agenouille comme on courberait l'échine devant les miracles de son dieu. Sans tendre les mains devant son fils, il ne le quitte pas des yeux. La rencontre est pétrie de pudique liesse, le tableau est saisissant de beauté. Voilà ce que devrait être... Voilà ce que devait être. L'enfançon est beau et vif, ses poings serrés de la rage de survivre à ce monde hostilement nouveau. De survivre aux folies de son père, aux faiblesses de sa mère. La Roide est rouge et chaude, l'hirsute au bout du front, ses souffrances sont discrètes car englouties par l'émotion de mettre au monde un autre être. Rien de comparable à l'anéantissement d'Isaure. Comme si toute la force de caractère l'ayant toujours définie se muait en une indicible force du corps.

Frayner observe les mouvements légers, la scène semble se bâtir sur des larmes et des sourires usés. Lentement il se relève, allégeance terminée. Ses lèvres sont scellées mais ses mains parlent pour elles, se signant frénétiquement. Cerdanne est là, il fait si chaud. Donne moi mon fils, donne... Et celles-ci de se tendre vers la manne de ses espoirs déçus. Il se saisit du nourrisson, l'arrachant un peu du sein nourricier, tendre. Diable que c'est léger... Aérien. C'est donc ça, aimer sa chair. Contre toute attente, Frayner devine ne l'avoir jamais fait correctement. Il est froid et mouillé, mais qu'importe, pour une fois son coeur semble pouvoir transmettre un peu de chaleur. Un linge fait office de rempart à son habit de voyageur, Judas serre son fils contre sa poitrine. Et le temps se suspend.


... Merci ...

C'est tout ce qu'il n'a jamais sur dire, et c'est une réplique presque incongrue. Pourtant c'est la dominante. La gratitude. La reconnaissance. Il regarde la mère, se penche pour baiser ses lèvres. Merci Anaon, tu n'as pas idée. Tu es belle, et je t'aime, oui.

Je t'aime. Mais je l'aime plus encore, je le crains.
    Ha! S'il a plu à dieu de nous donner un fils, alors... A nul il ne doit rester secret.


Un sourire fend son visage buriné, il berce imperceptiblement le poids plume tout en recommençant à l'observer. La voix cassée murmure, et le corps se rapproche de la parturiente, restant debout néanmoins à son contact. Contact du prolixe, preuve en était entre ses mains.

Tu vois je suis là. Je suis venu... Je t'aime. Tout ira bien maintenant.

confusion de destinataire, ou peut-être pas.
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