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[RP] Où est le patte' (ét)ernel ?!

Spirit_a.
    Trois chevaux aigus
    Sauf vers le nord
    Trois routes perdues
    Sauf vers l'aurore.

    Paul Eluard, Chanson complète


[Six mois plus tôt, Autun]

Mais Cillien ? Pourquoi j'ai pas de papa moi ?
T'en as jamais eu besoin jusqu'à présent. Tu vas pas commencer. Les hommes ne servent à rien.
Oui mais quand même tous les autres y z'ont un papa...
Bin tu n'es pas comme les autres. C'est tout. Discussion close.


Close, close... Il fallait le dire vite. Si Cillien semblait éprouver depuis toujours une certaine révulsion vis-à-vis des autres, et principalement des hommes, la mioche, elle espérait au fond d'elle que tous les gens n'étaient pas comme Cillien. Et elle savait qu'ils n'étaient pas tous comme elle. Elle avait rencontré Gypsi, et messire Thomas quelque temps après. Alors non, elle ne voulait pas abandonner. Peut-être que son père était un homme gentil. Qu'il s'occuperait mieux d'elle que ne le faisait Cillien... Des rêves plein la tête, la gamine harcelait sa mère, avec cette question répétitive : "pourquoi j'ai de papa ? Il est où Mon papa ?". Elle l'harcelait, et posait la question au moins une fois par jour, malgré les réprimandes, les punitions, et les fessées. Elle voulait savoir. Entêtée malgré ses six petites années. Entêtée malgré la peur que lui inspirait sa mère. Jusqu'à ce que sa mère lui avoue enfin la vérité : elle ne savait pas où il était. Alors la petite avait changé. Elle avait donc un papa. Comme tout le monde. Un vrai de vrai, en chair et en os. Il existait quelque part. Et dans sa caboche d'enfant, elle rêvait qu'il soit roi, ou prince, ou grand chevalier. Elle s'imaginait le père fantastique et idéal. Oui, elle voulait le retrouver, le rencontrer. Elle voulait vivre avec lui, parce que de toute façon, rien ne pouvait être pire que de vivre avec Cillien.

Elle ne savait rien de lui, la gamine. Elle ne connaissait ni son prénom, ni son âge. Ni à quoi il ressemblait - il ne pouvait être que beau. Elle ne savait pas comment il avait connu sa mère, ni pourquoi il les avait laissé toutes les deux. Pourquoi il l'avait laissé elle, seule avec Cillien. Non Spirit ne connaissait rien de lui. Et, si elle rêvait, elle ne pouvait pas empêcher une petite partie intérieure d'elle de lui en vouloir un peu. Un tout petit peu... Oui parce que si elle pouvait le voir, le rencontrer, pour de vrai, alors... Alors peut-être qu'elle le pardonnerait de tout ça. Peut-être qu'elle ne penserait même plus à lui demander. Peut-être... Peut-être qu'il était un preux chevalier qui la sauverait des griffes de sa mère... Ou non.

Cillien, Spirit et son père suivait depuis six ans au moins, trois chemins divergents. L'un vaquait bien loin à ses occupations. Et les deux autres se cotoyaient, et essayaient de vivre ensemble. D'apprendre ensemble. Sans y parvenir. Ayant une vision totalement différente de la vie, et un caractère opposé. Si l'une était une femme blasée, indifférente et froide, la seconde était une petite fille naïve, rêveuse, peureuse et timide. Trois chemins s'étaient perdues, depuis sa naissance. Et si elle n'en avait pas encore vraiment conscience, elle comprendrait bientôt...


[Epinal, Janvier 1461]

Par un petit matin glacial, aux portes d'Epinal une drôle de trio faisait son apparition. Une vieille enroulée dans maintes couche de tissu, et deux mômes, qui se tenaient parfois la main, ou se courraient après à grand éclat de rire pour se réchauffer à leur manière revenaient. Un petit péril... Simplement pour que la petite Spirit puisse dire au revoir, ou adieu à ceux - comme elle le disait - qu'elle aimait le plus. Sa petite famille de coeur. Et son meilleur ami le jeune Lénaïc, et la vieille nourrice Abdonie avait accepté de l'accompagner. Certain diront que la petite Spirit faisait des caprices qu'on exauçait sans rechigner. D'autres que la petite était sensible et qu'elle avait du mal à supporter les départs. C'était sans doute un peu des deux. Ils revenaient donc, de la frontière du royaume de France, l'air sans doute un peu fatigué. Mais les yeux n'étaient plus rouge d'avoir pleuré, et le sourire venait illuminé de temps à autre le visage de la petite.

Elle n'était plus seule. Elle ne le serait plus jamais. Du temps avait passé. Cillien était partie en quête de cet homme qui était son père. Et la môme s'était débrouillée seule. Et elle avait trouvé des gens au grand coeur, qui l'avaient accueillit, et aidé, supporté et conseillé, et lentement apprivoisé au fil des jours. Sa vraie famille à elle. Lilith la sublime et son fils le petit Thomas. Thomus le héros, le merveilleux, et aussi le menteur. Dom, le conteur taquin, l'ours au grand coeur et à la langue si bien pendue. Et Jenny sa meilleure copine. Le noyau dur. Ses amours à elle, petite puce de six ans. Et puis il y avait aussi Lénaïc son meilleur copain, son chevalier-pirate. Celui qu'elle ne voulait plus jamais quitté. Et sa mère Hellina la douce. Ceux qui s'occupaient vraiment d'elle. Comme le ferait une mère, et un petit frère. Et enfin, il y avait Thomas, le précepteur. Celui qu'elle admirait tant. Qui l'effrayait autant qu'il suscitait chez elle admiration et amour. Bref, sa vie solitaire avait disparu au profit d'un nombre immense de personnes qu'elle aimait. Qu'elle aimait vraiment. Et au fond d'elle, elle avait oublié qu'elle avait un père qu'elle ne connaissait pas.

A pas lourds, les deux mioches et la vieille défilèrent dans les rues de la ville qui ne se réveillait qu'à peine. A pas lourd, fatigués, mais heureux de rentrer chez eux. Jusqu'à arriver à la dite porte de la maison où elle se sentait désormais chez elle. Malgré le caractère impulsif du chef de famille. Spirit s'était fabriquée sa propre famille, lasse d'être seule et isolée. Elle s'était trouvé une grande soeur protectrice en la figure de Lilith. Une soeur, presque comme une mère, mais en plus jeune, plus proche d'elle que ne le serait une mère. Une soeur parce que parfois aussi vulnérable et fragile qu'un enfant pouvait l'être. Avec un neveu et un filleul sous peu. Thomas et le futur bébé qui pointait le bout de son nez. Elle s'était trouvé un tonton comme toutes les fillettes rêveraient d'avoir en la personne du conteur Dom. L'oncle à qui on peut tout raconter, qui rassure, met en garde parfois, mais fait aussi rire. L'oncle joueur que l'on peut embêter un peu sans qu'il se fâche. L'oncle qui rentre dans le jeu des enfants. Elle s'était inventé un père... En la personne de Thomus. Un père qui restait éloigné, lointain, absent. Parce qu'elle n'avait connu que ça. Mais un père aimant. Jenny c'était un peu sa jumelle. Complice dès le premier instant. Deux chipies. Sa Jenny. Elle s'était trouvé une maman plus douce en Hellina. Une maman présente, attentive, patiente, juste, et tendre. Une vraie maman. Une nourrice et un précepteur venait complété tout ça.

Sans oublier un petit blond, de deux ans son cadet. Un petit blond fûté, et curieux, à la langue bien pendue. Un petit blond qui ne connaissait strictement rien aux règles de bienséance. Qui parlait beaucoup - au moins autant qu'elle. Son chevalier. Parce qu'il était courageux Lénaïc. Il sauverait sa princesse contre une armée de méchants en bois. Au moins. Un petit blond inventif... Tant pour les bêtises que pour éviter les punitions. Ou pour convaincre les grands. Une petite tête de mule, qui n'écoutait presque rien sauf si les risques de punitions étaient trop grands. Un petit blond qui parvenait presque toujours à ses fins. Un petit blond : son meilleur ami. Certain disait que c'était son petit frère. Mais il était bien plus que ça. Frère, elle n'aimait pas ce mot. C'était trop... étrange. Lénaïc était son double. Son reflet du miroir. Avec toutes les ressemblances et les différences que cela implique. Lénaïc était à ses yeux, et malgré leurs innombrables disputes, la personne la plus importante dans tout ce petit monde qu'elle s'était créé. Et c'était pour cela qu'au départ de tous - ou presque - elle ne s'était pas trop effondrée. Parce qu'elle n'était plus seule. Son meilleur copain était là. Et au fond d'elle elle savait qu'il le serait toujours.

En rentrant dans la demeure familiale, les retrouvailles se déroulèrent. Embrassades, gros calins à la brune maman. Des tas de questions qui se posent. Et finalement les mômes montent dans leur chambre. Et, très rapidement, la petite tourne en rond. Elle n'a pas envie de dormir pour rattraper la demie-nuit de sommeil manqué. Elle n'est pas fatiguée elle. Au bout d'un moment elle va trouver LE Lénaïc et lâche :


'Naic ! j'm'ennuie... Tu veux pas qu'on joue ? Ou qu'on va se promener... Ou... j'sais pas...
_________________
Lenaic_
S'il est une chose que vous devez impérativement savoir s'il vous prenait l'envie de passer quelque temps avec le Naïc, ce serait celle là : ne l'emmenez jamais en voyage. Ho, il rêve de voyage, de terrains inconnus, de rivière sans autre côté que l'on appelle la mer, de chaleur éternelle et de dîner exotique, le problème n'est pas là, non, sur le principe il n'à rien contre. Au contraire même, il le réclame ardemment. Il veut retourner à Limoges pour voir son namoureuse, en Gascognie voir Jenny, Djaune et les autres, voir la mer, qu'il ne connait pas, l'Irlande, dont on lui dit qu'elle était magnifique, l'Espagne, où l'on parle cette jolie langue dont il connait maintenant quelques mots ou à Dijon pour tuer le méchant Roi. Mais surtout, ne cédez pas. Pour vous, pour votre santé mentale aussi bien que physique, il faut refuser. En effet, si vous cédiez aux sirènes, si, par faiblesse, vous acceptiez de l'emmener avec vous découvrir le vaste monde, vous vous rendriez compte assez vite d'un effet secondaire assez ennuyeux qu'ont sur lui les longues journée passées à ne rien faire qu'attendre qu'enfin la voiture accepte d'arriver à destination : la mauvaise humeur. Et c'est un euphémisme. Dés l'instant où il quitte la douce routine de sa vie Spinalienne, c'est un autre garçon : le bonhomme jovial, curieux et souriant, agaçant parfois avec ses questions sempiternelles devient alors un emmerdeur invétéré, un lascif sans joie et sans entrain, qui n'attend que l'arrivée et profite de chaque occasion de passer le temps sur le dos des autres. Et durant ce voyage, somme toute assez court puisqu'il ne duras que moins d'une semaine, il avait fait la découverte assez désagréable d'une autre joie : le voyage à pied. Sa mère, en effet, les avait finalement devancés de quelques jours et ils avaient donc du, sa nourrice, la petite Spirit et lui, découvrir les charmes des randonnées pédestres. Et le moins qu'on puisse dire est qu'il n'aimait pas cela. Et du soir au matin, on l'entendait pester, râler, maugréer contre ses routes trop longues, contre ce froid qui lui déchirait les entrailles malgré un manteau de fourrure récemment gagné, contre cette maladie qui lui déchirait, également, le ventre .. Par ce que oui, en plus de cela, il était malade. Et comme il faut. Il ne mangeait presque plus, de toute façon inutilement, et un mal terrible lui rongeait le ventre de l'intérieur. C'était une douleur lancinante, continue, que rien ne soulageait.Il arrivait à jouer, tout de même, de temps à autre, quand son ventre lui offrait quelque répits, et s'il riait quelque instants, mieux valait s'écarter lorsque qu'il en avait marre .. Et si l'Abdonie souffrait en silence ces sautes d'humeur, la gamine, elle, le vivait un peu moins bien. Elle avait été malade, elle aussi, mais s'en était manifestement déjà remise et supportait assez mal les écarts de langage du jeune garçon. Et c'est ce Lenaïc là, fatigué, malade, qui arrive à Epinal.

Enfin, ils passaient le seuil de la grande maison. Il arborait pour l'occasion une mine presque réjouie. Le calvaire prenait fin, il étaient là ! Les retrouvailles furent chaleureuse et la satisfaction du gamin se lisait sur son visage : revoir enfin sa mère, sa maison, le confort des gens de maison mais surtout de son lit, était la cause d'une joie profonde. Puis, très vite, tandis que la vieille était partie récupérer en bas d'un voyage aussi pénible, les deux gosses montèrent dans leur chambre. Aussi, après avoir chargé la Louise de lui remonter à l'étage un verre de lait chaud, il grimpait les escaliers quatre à quatre pour se jeter, avec un plaisir non dissimulé, sur le lit qui lui tendait les bras. Boire et dormir, c'était son programme pour les dix prochaines semaines. Mais tandis qu'il goûtait au plaisir jubilatoire de ne rien faire, attendant de boire son lait pour tomber dans le sommeil, il entendit la phrase fatidique, qui tomba comme est prononcé une peine de prison ..


'Naic ! j'm'ennuie... Tu veux pas qu'on joue ? Ou qu'on va se promener... Ou... j'sais pas...

Il la regarda quelque instants, les yeux vide, ébahis .. Elle voulait quoiii ? Non mais bien sur, se promener, ça faisait quatre jours qu'ils se promenaient ! Jouer .. Et puis quoi encore, elle ne voulait pas non plus qu'ils aillent courir autours de la ville ou, mieux encore, se baigner dans le lac de Luxueil ? Non, elle se moquait de lui, c'était absurde .. Il laissât filer un silence, le temps d'analyser, de comprendre comme il fallait ces mots qui semblaient venus d'un autre monde. Puis, son visage se fît l'écho de sa voix et des mots qui allaient suivre, plaintifs, presque geignard, tandis qu'il se retournait vers le mur, ..

Nooooon ... Je veut paaas moi .. Va voir avec Abdonie, ptêtre elle voudras bien elleuuh ..
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Ernst.
[Anjou - Compagnie d'Artus]

L'air glacé de l'hiver faisait claquer quelques dents. Les plus prévoyants se baladaient en mantel de fourrure, pour les tête-en-l'air et les moins aisés, il fallait, bien souvent, subir le froid sans rechigner. Le fracas des épées et des boucliers, le cliquetis des armures avaient fait place à un calme très relatif. Les étendards royaux flottaient dans tout l'Anjou. Le conflit semblait prendre fin mais un autre s'annonçait déjà. La guerre, les guerres, semblaient se propager telle une traînée de poudre. A la manière de cette maladie qui avaient touché tant de monde en si peu de temps. Par bonheur, cette dernière semblait se circonscrire d'elle-même.

Ces derniers jours, hormis les conflits, Ernst avait eu la joie de constater que les plaies n'empêchaient pas la félonie et le mensonge. Un peu partout sur les murs de la capitale angevine, ainsi que dans diverses villes et villages du Royaume semblait-il, des affiches de propagande anti-royaliste avaient éclos bien avant le Printemps. Des groupuscules de nobliots semblaient vouloir s'approprier le pouvoir en profitant de la crédulité du peuple. C'était ainsi de tout temps. La religion et la noblesse savaient s'allier pour servir leurs intérêts communs. Ernst, en regardant les affiches, ne pouvait que les déchirer. C'était un bien maigre effort. Il savait, pertinemment, que lorsque l'on fait entrer une information à coup de marteau, elle finit par entrer même dans la tête la plus dure, même malgré le mensonge.

Les ordres avaient été donnés. La Compagnie d'Artus reprenait la route. Aidé du petit Timshel, qui suivait les troupes royales depuis la Touraine, Ernst rangea ses affaires. Le germain laissa quelque temps le jeune garçon et profita de son affairement pour préparer son cheval. Ernst fit, tout d'abords, changer la selle. Il avait repérer certaines "double" qui servaient à transporter les blessés légers. Il profita de sa position de garde du corps de la Princesse pour s'en faire mettre une à disposition. Aux écuries de campagne, on le regarda d'un air interrogateur. Ernst se contenta de sourire et retourna près de son jeune aide.

Tout était près à présent. Un cheval avait été dédié au transport des quelques affaires du germain. Il avait donné des ordres pour que celles du petit Timshel suivent les siennes, discrètement. On amena la monture du germain qui grimpa en selle sans trop de difficulté. En voyant la double selle, le garçonnet écarquilla les yeux puis demanda, inquiet.


- Son Altesse Jusoor est blessée messire Ernst?

Le germain se mit à rire puis tendit la main au jeune Timshel.

- Non Tim, la Princesse va bien. Si tu le souhaites, je te prends à mon service particulier.

Le visage du petit page s'éclaira soudain. Une grande complicité était née entre les deux depuis le début du conflit. Ernst avait souvent fait appel aux services de Timshel, que ce soit pour l'envoi de missive, l'aider à enfiler son armure ou, du fait de sa petite taille, pour jouer les éclaireurs. Timshel avait suivi l'armée sans véritable autorisation. Il s'était, simplement, attelé à être au bon endroit et au bon moment afin de satisfaire les moindres besoins des soldats. Il avait été accueilli diversement parmi ceux-ci. C'était avec Ernst qu'il avait eu le plus d'échanges. Naturellement, petit à petit, Timshel n'avait plus fait que servir le germain. La main tendue n'était donc qu'une conséquence logique. Timshel l'attrapa et se hissa derrière Ernst avant que celui-ci ne dirige sa monture vers la reste des troupes royales.

Les deux compagnons rejoignirent leur lance. Ernst se plaça au plus près de sa protégée. Le petit Timshel gonfla le torse. La Compagnie se mit en branle sous les ordres de son capitaine.

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Jusoor
[Anjou - Compagnie d'Artus]

Elle chevauchait au milieu des autres membres de la Compagnie d'Artus. Et elle posait un regard absent sur ce qui l'entourait, l'esprit tiraillé sans relâche par diverses idées qui la laissaient d'humeur aussi froide que la neige sous les sabots de sa monture.

L'hiver était rude pour tous, le sien plus encore pour elle. Le froid ambiant n'était pas seulement autour d'elle à lui rosir les joues et lui gercer les lèvres, il lui semblait qu'un plus grand encore cristallisait, insidieux, chaque parcelle de son âme, la laissant épuisée de la lutte et morne.

Au devant, les gens des Lames d'Amahir leur traçaient la route. Elle entrevoyait par moment l'éclat froid d'un soleil blanc sur une armure, une épée ou un heaume, elle n'aurait su le dire. La troupe sombre se distinguait de la blancheur innocente et ennuyeuse du paysage environnant. Lassée de cette vision, elle baissa le regard sur la tête de sa monture silencieuse et dure à la tache. Balançant de haut en bas à chaque nouveau pas, la tête chevaline laissait ainsi parfois apercevoir la buée qui s'échappait des naseaux. D'une main, Ju ressera son mantel sur elle.

Bordel, quel était ce froid qui la glaçait ?

L'Anjou n'était plus l'Anjou connu jusqu'alors. Et c'était là le juste retour d'une forfanterie déplacée. Elle avait le sentiment du devoir accompli, qui malgré le froid, résistait et poussait celui du devoir à accomplir encore. Elle était à sa place ici. Elle serait à sa place encore dans quelques jours ou semaines, ou mois. Tant que cela durera.

Elle détacha son regard de la buée équestre et regarda autour d'elle, s'ébrouant ainsi volontairement de sa torpeur. Auprès d'elle, comme depuis bien des jours maintenant se tenait Ernst. Un léger sourire naquit tel un printemps sur les lèvres abimées.

Une rencontre relativement récente, une relation âgée de quelques semaines et néanmoins elle lui avait confié sa vie sans le moindre doute, et lui confiera encore. Ainsi chevauchait-il près d'elle, comme à son habitude, appui fidèle, allié de choix, soutien sans faille. Ersnt était les murailles solides qui rendaient la ville inattaquable. En général. Il y a peu il avait déserté la vie de Jusoor, bien involontairement. Il avait été blessé.
Elle avait retrouvé alors au fil des jours celle qui fut sa compagne d'il y a bien des années, revenant à pas de velours mais se faisant de plus en plus présente, la solitude. Peut-être était-ce celle-ci qui avait insufflé en elle ce froid dévorant. Et dans un Empire trop lointain, un autre creusait la solitude de Jusoor. Avisant le garçonnet monté derrière le germain :


Alors Ernst ? Tu t'es trouvé un écuyer ?

Voila qui la tiendrait éloignée de ses sombres pensées tandis que la troupe poursuivrait son chemin.
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Cillien
[Epinal, Janvier 1461, trois jours plus tard]

Cillien Kenway rentrait tout juste du petit tour de Lorraine qui l'avait occupée quelques jours. Thomas Sauveur, précepteur de sa fille lui avait proposé le déplacement, avec une jeune amie à lui, la petite Luisa Von Frayner. Spirit étant partie sans prendre la peine de prévenir sa mère ou son précepteur, l'Austère avait accepté de suivre le jeune homme dans ce petit voyage. Elle avait besoin d'air, de changer d'espace, de penser à autre chose. De ne plus rester dans cette ville où tous la jugeait comme étant une mauvaise mère. Finalement, le retour se faisait enfin. Et le jeune homme chez qui elle logeait avait réussi à obtenir des informations. Vraisemblablement sa fille était rentrée. La brune avait bien décidé d'en finir avec cette stupide histoire. A présent que la petite troupe qui faisait entrer n'importe quelle bêtise dans la tête de Spirit était partie, il ne restait à affronter que la brune Hellina. Et l'Austère comptait bien récupérer sa fille, et faire ce qu'elle avait prévu de faire depuis bien longtemps. Aussi, lorsqu'ils arrivèrent, ils rentrèrent se reposer un moment. Une petite maladie les avait frappé. La fatigue qu'elle avait apporté alors s'accumulait à celle du voyage. Ils avaient donc tous deux besoin de repos.

En fin d'après-midi, quand Cillien se réveilla, elle se remit en état : habit au point. Néanmoins, elle laissa ses cheveux détachés tombés en douceur sur ses cheveux. Cela lui donnait un visage moins sévère, plus agréable et délicat à regarder. Elle avait une petite idée en tête. Il fallait qu'elle arrive à se faire passer pour une mère douce... Qui a changé en soit. Hellina devait surement être une femme crédule. Elle l'avait déjà rencontré. Et comme elle semblait ne vouloir que le bien de la gamine, si Cillien parvenait à la tromper, alors, elle parviendrait à récupérer sa fille. Il fallait bien y croire. La brune prit une grande inspiration, et se décida à quitter la chambre. Elle prit alors la direction du bureau du précepteur, n'osant pas aller directement frapper à la porte de sa chambre. La pudeur possédait la Kenway. Une pudeur qu'elle cachait sous le sceau de la bienséance. Aussi, une fois arrivée devant la porte du bureau du beau jeune femme, elle reprit une inspiration et frappa, deux petits coups secs. Elle espérait qu'il se trouvait là... Elle avait hâte... Hâte d'en finir avec toutes ses histoires. Hâte de passer à autre chose. Hâte de voir sa fille.

Car oui, si elle venait voir Thomas, c'était qu'elle souhaitait lui demander un service. Elle souhaitait qu'il l'accompagne jusque chez la demeure d'Hellina, où logeait sa fille. Il parlait mieux aux enfants qu'elle. Aussi elle espérait qu'il puisse l'aider à convaincre ou persuader sa fille. Elle souhaitait également lui demander de les accompagner à la résidence du père de Spirit. Car oui, Cillien avait finalement réussi à retrouver la trace du dit père de sa fille. Le seul homme qui l'avait vu nue, et... le seul homme qui avait finalement pu la toucher. Car depuis, l'Austère refusait le moindre contact avec les hommes. Elle ne supportait même plus les baises-mains, ce que le pauvre Thomas avait appris à ses dépends.

Le père de Spirit, Ernst Von Zweischneidig. Elle avait appris qu'il résidait à Sémur. Et comptait bien s'y rendre. Il avait gâché sa jeunesse. Elle pourrait bien gâcher un peu son présent. Et Spirit l'avait si souvent agacée en lui demandant sans cesse qui était son père et où il se trouvait qu'elle se disait que finalement ce n'était pas une si mauvaise idée. Après tout, il devait lui aussi assumer ses pêchés. Et puis... proposer à Thomas de se joindre au voyage permettrait sans doute que Spirit soit moins méfiante et accepte plus facilement. Le tête à tête entre mère et fille n'était pas encore évident. Et comme Thomas avait les bonnes grâces de l'une et l'autre... Même si les retrouvailles risquaient de ne pas être si joyeuse que cela, puisque le précepteur en voulait vraisemblablement à l'enfant d'être partie sans le prévenir...

L'Austère finit par appuyer sur la poignée, pousser la porte et faire un pas à l'intérieur...


Excusez-moi de vous déran...
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Thomas_sauveur
Un voyage comme Thomas n'en oubliera jamais, il ignorait quelques moments de celui-ci l'avait rendu moins réticent à la Lorraine, mais quelques choses l'avait changer et il était à présent satisfait de vivre ici dans cette ville ou ce Duché. Il était complexe d'avoir appris que ses racines n'étaient pas celle qui avait toujours estimer ''sienne'', mais retrouver son Oncle et une famille qui cette fois était la sienne lui permis d'oublier les folies et le passé qui lui avait coupé les ailes. Alors bien que déçu de ne pas avoir profiter plus encore de cette petite escapade, l'homme était rentré à la maison comblé et vivant. Le Manoir n'avait rien de changé, les lettres attendaient sur son bureau qu'il daigne sans soucier, un vacarme rassurant provenait des cuisines et les quelques domestiques entretenaient le lieu dans une routine parfaitement orchestré par Sebastian – toujours absent-. Sebastian, voici qu'il commençait à manquer au ténébreux, son ami non pas qu'il était mort, perdu ou n'allait pas revenir, mais les parties de poker et d'échec semblaient avoir moins de saveur sans le 'vieux' pour le taquiner.

Ce laissant tomber sur la chaise devant son bureau, il s'étira et défit quelques boutons de sa chemise dans l'unique but de ce servir un verre de Mirabelle et s'assoupir ainsi confortablement installé, enfin ce fut sens compter la présence de Cillien dans le manoir. Il faut dire qu'elle était si discrète et effacée que l'homme avait tendance à parfois oublier totalement qu'il avait une invitée. Cillien ne s’occupait de rien, ne demandait pas à gérer les domestiques et il ce demandas parfois si ceux-ci étaient seulement courtois en sa présence. Ce comportement avait la raretés d'intriguer Thomas qui souvent souhaitait silencieusement l'entendre hurler et frapper du pieds sous la colère. Mais elle était comme lui dans le fond, pacifique et patiente.

Donc nous avions notre Ténébreux, torse découvert de moitié, la chemise retirée de ses braies et les pieds nus posé sur son bureau, un verre de Mirabelle à la main et l'autre main ce grattant un endroit oh combien intime, lorsque la porte fut ouverte devant l'invitée. A peine le temps de retirer la main mal placée que déjà les premiers mots furent prononcés et l'homme sans doutes sous le choque laissa ses pieds retomber sous le bureau avant de vider son verre et refermer très maladroitement sa chemise. Le tout en ce levant et s'inclinant pour garder la faible dose de convenance qu'il avait perdu.


Navré nous pensions que vous étiez là-haut à vous reposer.

Et ce fut sottise de penser cela, non seulement elle risquait de partir en courant, mais en prime pour une fois que Cillien demandait de l'aide à Thomas il était dans une position plus que négligentes. Bon bien entendu tout le monde avait des moments de détentes un croquants ou un grand Duc, mais tout de même ! C'était gênant et à la fois complètement naturel pour l'homme. Il pouvait bien être à l'aise dans son bureau n'est-ce pas ? Avec un fin sourire entre timidité et amusement il tira une chaise et lui présenta l'invitant ainsi à s'installer.

Installez-vous, de quoi avez-vous besoin?
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Spirit_a.
Le silence est Assourdissant.

[Quelques jours plus tard]

Le monde de la gamine se déconstruisait peu à peu... Un peu à peu bien trop rapide pour elle. Voilà quelques nuits qu'elle passait seule, enfermée dans une chambre d'un manoir qu'elle ne connaissait pas, avec Cillien et Thomas. Quelques nuits qu'elle pleurait à s'en noyer les yeux. Oui, tout le monde qu'elle s'était construit, toute sa petite famille qu'elle s'était créée, et constituée volait en éclat. Il n'y avait plus rien. Que des poussières. Du vent, et un chagrin profond. Elle pleurait en cachette, le soir, seule dans sa chambre, depuis que Thomas lui avait fait comprendre qu'il n'aimait pas voir les gens pleurer... Et la petite avait compris que cela l'agaçait... Alors elle tentait de ne plus pleurer devant lui... Elle se retenait du mieux qu'elle pouvait jusqu'au soir, où elle laissait son chagrin s'exprimer...

Tout avait commencé avec cette réplique innocente d'un blondinet fatigué :

Nooooon ... Je veux paaas moi .. Va voir avec Abdonie, ptêtre elle voudra bien elleuuh ..
Mais... elle voudra pas... et... c'est pas... drôle... tout seul...

Trop fatigué, il n'avait pas voulu jouer avec elle. Et c'était bien la première fois qu'il refusait. Il ne voulait jamais jouer à la poupée, mais, d'habitude... Ils jouaient tout le temps ensemble. Et là... Là... La gamine ne voulait simplement pas rester seule. Parce que cela lui rappelait le départ de ses amis les plus chers, bien loin d'elle. Jenny, Lilith, et le conteur... Alors, elle l'avait laissé se reposer, et était parti se promener dehors... Espérant rencontrer du monde. Pour s'occuper, se changer les idées... Et... Qu'elle ne fut pas sa surprise en découvrant une immense bande de brigands. Alors, elle avait parlé avec eux. Il connaissait sa presque marraine. Et, elle avait passé un bon moment avec eux, elle s'était finalement bien amusé. Oui, elle les aimait bien. Ils étaient très gentils avec elle. Et une d'entre elle lui apprenait un jeu marrant. Piquer les bourses des gens sans se faire remarquer... Elle apprenait plein de nouveaux mots aussi. Grâce à la délicatesse d'un certain rouquin qui n'hésitait pas à parler des parties génitales des hommes.

Et le drame était arrivé. On lui avait dit - tout comme à Lénaïc - de ne pas écouter ce que les gens disaient, de se faire son propre jugemet sur les gens. Oui mais voilà, alors qu'elle voulait justement faire ça, on la grondait de toutes parts : elle "décevait", à la fois Hellina, et Luisa, et Thomas... Elle décevait tout ceux qu'elle ne voulait pas décevoir, simplement parce qu'elle appliquait ce qu'on lui avait appris. Elle était une "égoïste". Les mots de celle qu'elle considérait comme sa mère l'avait rendu affreusement triste. Et finalement... Quand les brigands étaient partis, son précepteur lui avait collé deux claques. Parce qu'elle avait soit disant menti, parce qu'elle n'écoutait rien. Et parce qu'elle devait retourner vivre avec Cillien. Elle n'avait rien à dire parce qu'on se moquait de l'avis d'une enfant de 6 ans.

Alors la gamine était allée dormir chez lui, où logeait également sa mère. Elle avait peur, elle était triste et elle se sentait plus seule que jamais. Et trahie. Trahie par Luisa qui avait dit à tout le monde qu'elle voulait partir avec les brigands. Par Hellina qui ne l'aimait plus. Par naic qui l'oublierait si elle n'était plus sans cesse avec lui. Par Thomas qui n'était plus si gentil que ça. Parce que ceux qu'elle aimait étaient tous bien trop loin d'elle. Parce qu'elle était séparée de son double. Parce qu'elle se retrouvait de nouveau confronté à la vie aux côtés de sa mère... La mioche perdait son sourire, se renfermant sur elle-même. Elle avait déçu tout le monde. Il vallait sans doute mieux qu'elle reste seule. Alors, depuis quelques soirs, elle rentrait au manoir, mangeait le minimum, et allait s'enfermet dans sa chambre, serrant sa poupée contre elle, attendant que le temps passe, en regardant les étoiles, se racontant sans cesse son histoire du Grand Ours pour se donner du courage.

Les mots de Luisa résonaient dans sa tête infantile : "Tu ne serais pas triste si les membres de ta famille mourraient ?"... Et la réponse qu'avait rétorqué Spirit ne fut que : "non. J'ai pas de famille moi.". C'était typiquement ce qu'elle ressentait à ce moment là. Elle se sentait seule, abandonnée, fautive et mal aimée. Elle était désespérée. Elle ne comprenait pas les grands... Elle ne comprenait pas ce qu'elle avait fait de mal. Et en quoi discuter avec des hommes - brigands ou non - pouvait être dangereux tant qu'elle n'était pas seule avec eux. Elle ne comprenait pas pourquoi on voulait la séparer de son copain. Elle était envahi par le doute... Des hauts et des bas... Elle attendait que le temps passe, le nez collé contre sa fenêtre. Demain... Demain elle irait dormir chez Hellina, si celle-ci acceptait... Elle verrait son copain... Et peut-être... peut-être que cette fois, il accepterait de jouer avec elle... Encore une fois. Juste une fois...

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Cillien
Stupeur et... Tremblements*

[PROLEPSE : Quelques jours plus tôt]

La porte est poussée, et la phrase reste en suspend devant la découverte qui s'offre à ses yeux. Instantanément le rouge lui montre rouge aux joues. Pourtant, fière, la brune ne baisse pas le regard. Au contraire. Elle le fixe. Elle le fixe, tentant de réprimer la gêne qui s'insinue en elle. Il est là, chemise ouverte et balante, laissant apparaître son torse, les pieds nus, posés sur son bureau, dans une posture peu... protocolaire. Et le voici qui posait ses pieds sur le sol, vidait son verre - d'alcool certainement - et referma sa chemise d'une main habituée, et assurée. Il ne semblait pas si gêné qu'il aurait pu l'être. S'inclinant il parle, et l'Austère reste un instant silencieuse, le regard toujours fixé sur lui. Il était bel homme, et nulle femme ne pourrait le nier. Pas même l'Austère qui ne portait que mépris aux membres de ce sexe. Un bel homme et pourtant, même si elle ne l'avouerait jamais, le seul homme qui avait pu poser les mains sur elle lui paraissait plus bel homme encore. La voix de Thomas s'éleva. Se reposer... Cela n'était pas du tout dans ses habitudes. Mais la brune devait laisser là ses pensées et préoccupation quant à la situation dans laquelle elle se trouvait.

Il se redressa et afficha un fin sourire tout en l'invitant à s'installer. Et ce sourire troubla davantage encore l'Austèrienne. Elle n'avait décidément plus l'habitude de se trouver en compagnie d'hommes. Moins encore pour leur demander de l'aide. Et ce sourire... Elle avait sans cesse l'impression que les hommes se jouaient des femmes. Et principalement d'elle, puisque, égoïstement, Cillien se fichait pas mal des autres femmes. Ce qui expliquait sans doute sa solitude. Néanmoins, la brune se reprit. Se redressant, dans une posture bien droite, presque hautaine - une posture habituelle - elle alla prendre place sur la chaise tirée après un signe de tête en guise de remerciement. Elle devait se concentrer sur le présent, et son objectif du jour, et oublier la situation gênante qui avait précédé - puisque Thomas ne semblait pas s'en formaliser. Oublier sa peur d'être bernée à nouveau. Et tenter de faire confiance à la seule personne qui ne l'avait pas trop jugé ici. Et la seule personne qui pouvait l'aider.


Je souhaitais vous parlez de Spirit.

Elle laissa le silence s'installer un instant, tandis qu'elle laissait le jeune homme prendre place également. Le rouge de ses joues avait complétement disparu, elle avait retrouvé son aplomb, et sa placidité envahissante. Ses yeux avaient une drôle de couleur. Entre colère et désir. Le désir de récupérer sa fille. Son enfant. A elle, à elle seule. Et, maintenant qu'elle savait où trouver son blond de père, se venger de celui-ci. Comme elle le pourrait, à sa façon. Le mettre face à ses responsabilité. Son regard se perdit un instant, en même temps que ses pensées, et elle revient à elle au bout de quelques secondes, fixant à nouveau le précepteur.

Je crois qu'il est temps qu'elle revienne vivre avec moi. Elle ne cesse de faire des bêtises. Il faut la reprendre en main. Qu'en pensez-vous ?

Nouvelle petite pause pour le laisser répondre. Ou feindre de le laisser répondre et la brune reprend :

Je sais que ce n'est pas évident, mais j'aimerais que vous m'aidiez. Pour ceci... Et aussi...

A nouveau le regard se perd. Elle ne croit pas elle-même ce qu'elle va dire. Elle ne croit pas qu'elle puisse oser cela. Oser proposer ça. Demander une faveur comme celle-ci. Elle a peur aussi. Peur que le regard de la seule personne qui la soutienne un peu dans cette ville étrange change... Et pourtant, ... Pourtant... Elle n'a pas le choix et elle lâche sur un ton plus posé qu'elle n'aurait espéré y parvenir :

J'aimerais l'emmener voir son géniteur en Bourgogne. Et je pense qu'elle accepterait plus facilement si... Vous acceptiez, vous, de nous accompagner.

Ses prunelles fixent alors le précepteur, en attente d'une quelconque réaction. Qu'il accepte de les accompagner ou non, elle espérait qu'au moins il l'aide à convaincre Spirit. Et ensuite... Ensuite, la brune improviserait.

* Titre d'un livre d'Amélie Nothomb.

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Thomas_sauveur
Il écouta ce que la femme avait à dire et fut perplexe et heureux à la fois, enfin elle envisageait de reprendre l'éducation de la gamine en main, il n'y croyais plus le Percepteur après tout ce qu'il avait passé comme caprice. Approuvant la décision, il consentis à ne rien dire de plus et écouter ce qu'elle pouvait bien lui demander d'autres. La questions le cloua que place, plait-il ? Les accompagnées en Bourgogne voir le géniteur de la petite, l'idée était intéressante de l’emmener voir son père, mais avec Thomas. Il avait déjà tant à faire l'arrivée des filles prenait un temps fou, Luisa l'occupait aussi énormément, rajoutons ses clients et les gamins, il n'avait pas vraiment le temps pour dormir alors un voyage ?Il aurait sans doutes fallut qu'il soit présent, mais arrivera-t-il à tout coordonner, tout cela n'était que doute et complication supplémentaire.

Il posa ses azurs sur la femme et hésita longuement, trop longuement pour lui répondre directement en vérité, le mieux serait sans doutes qu'il pose la question à la blonde et s'informe de l'avancé des filles, autant dire, ne pas répondre de suite.


Nous devons voir si cela est possible.

La franchisse payait toujours et il ne pouvait être plus franc aujourd'hui, alors il ce leva pour servir un verre à Cillien et lui sourit un peu mal à l'aise, enfin jamais dans le contrat il y avait écrit qu'il devait la suivre n'importe ou. Bien entendu il le souhaitait, mais à quel prix. La fixant après avoir retrouvé sa place auprès de son bureau, il sourit donc.

Son père accepte-t-il de la rencontrer également?
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Cillien
Nous devons voir si cela est possible.

Et l'Austère de ne rien répondre. Finalement, elle n'était pas si surprise que cela. C'était entièrement normal comme réaction de la part du précepteur. Elle débarquait, dans sa vie - bien qu'elle n'ait que peu d'influence - et dans son manoir. Elle le payait pour qu'il donne des cours à sa fille. Mais finalement elle lui donnait un plus grand rôle. Un rôle qu'il semblait apprécié tenir. Du moins, elle ne l'avait jamais vu ou entendu s'en plaindre. Elle espérait que malgré son éducation et la convenance qu'il convenait d'appliquer, il serait suffisamment franc. Pourtant... Pourtant malgré ce rôle, malgré tous les évènements passés depuis son arrivée à Epinal, la brune attendait une autre réponse que "voir si c'est possible". Elle reste impassible, mais intérieurement elle bouillonne. Et si elle reste impassible c'est qu'en fasse se trouve le visage calme de Thomas. Thomas, homme qui avait le don à la fois de l'apaiser et de l'agacer. Alors elle reste sombrement muette, murée derrière cette façade que le jeune homme face à elle connaît si bien maintenant.

Le verre fut servi, sans que la brune daigne y toucher. Elle se contenta d'un hochement de tête. Remerciement, même si... elle ne buvait quasiment jamais. Et elle ne boirait pas. Elle sentait un léger trouble chez son hôte. Sans en comprendre véritablement les raisons. Après tout, c'était une façon courtoise de refuser. Et elle ne manquerait pas de lui faire comprendre qu'elle avait - justement - compris. A tort. Ou à raison. La question suivante fut posée. Et à nouveau, la brune laissa un long silence s'installer. Elle se remémorait l'histoire. Ernst, puisque c'était son prénom, le père de Spirit, enfin père était un bien grand mot. Le géniteur dirons-nous n'avait jamais connu sa fille. Il n'était d'ailleurs toujours pas au courant de son existence. Pour la simple et bonne raison qu'il avait disparu au lendemain d'une drôle de nuit. Et que trop honteuse et trop jeune encore pour essayer de retrouver sa fierté et son honneur, ou consentir à un mariage avec un homme dont finalement elle ne connaissait presque rien, elle n'avait pas cherché à le retrouver. C'est Spirit elle-même qui, en grandissant, réclamait la présence de cet être essentiel dans tout bon développement enfantin : le père, l'homme qui pose des limites.

Non, Ernst n'était pas au courant de la vie même de sa fille. D'un être qu'il avait engendré un soir de beuverie. Non Ernst ne savait même pas qu'elle existait et ne se rappelait certainement même plus de Cillien elle-même. Alors Non, Ernst n'était pas même au courant de leur venue sur Sémur pour le rencontrer. Il ne pouvait donc pas accepter la rencontre puisqu'il n'en savait absolumment rien. D'ailleurs comment aurait-il pu en avoir vent ? Tout ceci faisait d'ailleurs parti du plan de la brune. Le retrouver et le mettre brutalement face à la vérité. Ne pas lui laisser le temps de réfléchir, de penser à la chose. Non, voir sa réaction en direct. C'était ça qui l'amuserait. Pourtant, elle n'en dit rien à Thomas. Elle se contenta de répondre, enfin, d'une voix un peu sèche, un peu distante et froide - mais un peu habituelle aussi :


Oui. Pouvait-il réellement en être autrement ?
Quant au voyage... Ne vous embêtez pas. Je comprends. Aider moi simplement à en parler à Spirit. Vous saurez la convaincre plus facilement que moi.


Vexée du temps de réflexion demandée ? Non ! Si peu ! Oui, elle était comme ça Cillien. A ne jamais demander de l'aide, à vivre éternellement seule, on finit par s'enfermer dans cette solitude, et s'y complaire, au moindre petit imprévu. Remettre les autres en question, et jamais soi-même. C''est tellement plus simple. S'il ne voulait pas venir, soit. Elle irait seule. Elle avait l'habitude. Pourtant déjà la barrière qui se baissait lentement au contact du Sauveur venait de remonter à son sommet. Le retour de la brune austère et froide, qui parle le moins possible, et se lie le moins possible aux autres. Et maintenant, dans cet état d'esprit, elle devait convaincre Spirit ? Et faire des présentations du géniteur à sa fille ? Tout cela s'annonçait légèrement compliqué. Vous ne trouvez pas ?

J'ai assez attendu. Si nous allions lui parlez maintenant ?

Et sans attendre, la brune se levait de son siège. Plus qu'une proposition ou une demande, c'était un ordre. De l'employeur à son employé. Et sans prendre la peine d'attendre, ou de ranger sa chaise, de boire une petite gorgée du breuvage servi par Thomas, elle se dirigea vers la porte et l'ouvrit à nouveau, se retourna pour le regarder. L'attendre ?!
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Thomas_sauveur
Mais qu'avait-elle, le Ténébreux Sauveur ne comprenait pas pourquoi diable un instant elle était lumineuse, taquine, amusante et l'instant d'après elle ce refermait comme une huître que l'on veux gober. Cillien qu'avez-vous donc vécu, c'était un mystère, mais quelque chose murmurait à l'homme que cela était atroce pour qu'elle soit ainsi exagérée dans toutes ses réactions. Il n'avait pourtant pas refusé, cependant avec l'arrivée d'Aelis et Ambre, la charge de Lenaic, son amourette avec la Blonde et la rénovation du Manoir comment pouvait-il organiser son temps afin d'être partout à la fois ? Mordillant sa lèvre inférieur tic oh combien agaçant, il décida de balayer la remarque d'un révère de la main. Non Cillien nous ne laisserons pas tomber, vous avez misé sur le mauvais cheval en osant croire cela. Tenace le ténébreux qui cependant acceptera de ce redresser et l’accompagner à la porte.

Parler à Spirit hein ? Diable comment la gamine allait prendre ce soudain revirement de situation, et comment allait-il lui apporter la nouvelle de surcroît. Quittant donc le bureau calme et chaud, il s’engouffra dans le reste du manoir, la gamine était-là ? Espérons-le il n'avait pas remit ses bottes et ne souhaitait pas vraiment braver les rues d'Epinal pour discuter de cela. Suivant la mère à la trace ne voulant pas la contre-dire encore, il ce demanda vaguement si cela allait provoquer des larmes. Voir la gamine pleurer n'était pas quelque chose qu'il appréciait, encore moins quand cela était de sa faute. Compliqué cette histoire, trop sans doute.


Ou est-elle?

L'endroit était vaste et les moyens de ce cacher nombreux, alors lorsque ses pieds nus marchèrent sur le parquet du couloir, il passa une main dans ses cheveux et adressa un sourire encourageant à la mère. Diable ces femmes avaient le don de mettre du piment dans l'histoire de sa vie.
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Spirit_a.
Et l'on s'abandonne à la chair très tendre
Aux prestiges de la faiblesse.

Paul Eluard, Le Rôle des Femmes

[Tonnerre, Février 1461]

Trois jeunes gens entraient dans la dite ville. Clopin clopant. Une grande brune, avec un bras soutenu par un tissu tâché de sang. Une gosse blonde qui boitillait et se plaignait d'avoir mal à la tête. Tout comme le dit copain. Mal à la tête, larmes aux yeux, et un peu mal en point. Trois. A avancer à petits pas vers la ville. Le ventre de Spirit gargouillait. Et finalement elle en voulait à la terre entière. C'était pas juste. D'abord, les brigands normalement étaient gentils ! C'est Gypsi qui lui avait dit ! Et puis, Andrea, Louis, Eve ne lui auraient pas fait de mal. Elle en était sûre et certaine. Alors pourquoi eux, ils avaient été méchant. Elle en voulait aussi à Thomas. Parce qu'elle avait eu beau pleurer toutes les larmes de son corps il n'avait pas voulu venir. Elle avait utiliser tous les arguments qu'elle possédait pourtant. Qu'elle avait peur de Cillien, qu'elle ne voulait pas y aller seule avec elle, qu'elle voulait continuer d'apprendre à écrire pendant le voyage, que c'était sa faute si elle était là et qu'il avait pas le droit de l'abandonner maintenant. Mais rien n'y fit.

Elle avait alors parler à Hellina. Qui ne pouvait pas venir non plus. Et refusait de confier Lénaïc à Cillien. Bref, Spirit était dans une période noire. Si elle devait se construire - comme on construit une maison, pierre après pierre selon les dires du conteur - et que cela passait par la rencontre avec son père, elle ne voulait pas voyager seule avec Cillien. Parce qu'elle savait que si elle partait seule avec elle, elle ne reverrait plus jamais personne. Elle ne rentrerait pas à Epinal. Elle reprendrait sa vie comme avant. Et ça, elle n'en avait pas du tout envie. Pourtant elle voulait absoulmment rencontrer son père. Depuis le temps qu'elle le réclamait... Alors le dilemme était atroce. Et finalement, son meilleur copain chevalier servant était venu. Elle se moquait de la raison. Il était là. Elle savait bien qu'elle pouvait compter sur lui. Toujours. Son 'naic... C'était la personne la plus chère à ses yeux. Définitivement. Pourtant elle s'en voulait de l'avoir entrainé la-dedans. Il n'aimait pas les voyages... Et en plus un vilain pas beau méchant lui avait fait mal. Rien n'allait vraiment bien ce jour là dans la petite tête et le petit coeur de la petite blonde.

Elle avait peur au fond. Bientôt, ils seraient arrivés. Cillien disait que demain ils seraient arrivés. Et si son père ne voulait pas la voir, pas lui parler ? Et si il ne la reconnaissait pas ? Et s'il n'était pas là ? Et s'il ne voulait pas d'elle ? Et s'il était méchant - pire que Cillien ? Et si et si et si... Sa main venait serrée fortement celle de Lénaïc. Elle avait besoin de la force de son chevalier à elle. Même s'il râlait. Même s'il pleurnichait qu'il avait mal. Ils étaient ensemble alors, rien ne pourrait leur arriver de pire que ce qui s'était déjà passé non ? Les lèvres un peu fendue de Spîrit vienne poser un tendre bisou sur la joue du mini blond. Elle se souvient des coups... Mais elle est heureuse qu'il n'ait rien volé de ses jouets. Juste les sous, et la nourriture. Quelques vêtements. Les choses de valeurs... matérielles et non sentimentales. C'est peut-être pour ça que Gypsi disait que les brigands n'étaient pas méchants... Elle se souvient de Cillien qui se bat, de Lénaïc qui tente de la protéger. De ses petits coups de baton désordonnés à elle, et d'un poids énorme sur le crâne. Du flou qui brouille ses yeux, et d'une chute sur le sol, lente... Et puis plus rien. Cillien qui les porte.. Qui avance vaillamment en serrant les dents.

Et à présent la ville. Enfin. Un peu de repos, de quoi manger... Enfin c'est qu'elle croit. Mais Cillien explique tout de suite la situation. Se mettre au chaud dans un petit coin, ne pas se faire trop remarquer et attendre qu'elle revienne les chercher. Qu'ils se reposent un peu. Et le soir, un bout de pain de sec dans le ventre, et les voilà qui reprennent la route pour aller voir le fameux papa tant attendu. Pourvu que les espoirs ne soient pas déçus...

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Cillien
[Tonnerre, Février 1461]

Ils avaient finalement trouver Spirit, après l'avoir cherché un bon et long moment. Elle était chez Hellina, avec son fameux grand et inséparable copain, le dénommé Lénaïc - ou 'naïc pour les intimes qui imitait le surnom qu'employait Spirit. Alors ils avaient parlé. Elle avait pleuré. Refusé. Pleuré encore. Et cedé. D'aller dormir au manoir. Les arguments de Thomas avait été... cinglant. Cillien ne disait mot. Elle observait en silence. Impassible, imperturbable. Comme toujours. Et puis Spirit avait de nouveau fait une vie monstre pour le voyage. Elle ne voulait pas y aller avec Cillien. Elle ne voulait pas y aller seule avec Cillien. Elle voulait que Thomas, Hellina et Lénaïc les accompagne. Elle avait peur. Non c'était méchant, ils ne pouvaient pas l'abandonner ainsi. La laisser seule avec Cillien, et reprendre leurs petites vies tranquilles et l'oublier... Cillien comprenait finalement sa fille. Loin d'être si méchante et insensible qu'elle ne le montrait. C'est pourtant d'une voix dénuée de gentillesse qu'elle avait lâché :

C'est toi qui voulais à tout prix le rencontrer. Il faut savoir ce qu'on veut dans le vie Spirit. On ne dit pas un jour blanc et le lendemain noir.

Et elle s'était détournée, incitant Thomas à la suivre. Elle avait bien compris. Thomas ne voulait pas venir. Il avait certainement mieux à faire. Et l'Austère n'insisterait pas. Elle lui annonça donc que son rôle de précepteur prenait fin le temps de leur voyage. Qu'il était libre de faire ce que bon lui semblait le temps de leur absence. Et elle l'avait laissé ainsi pour retourner voir en toute discrétion Hellina. Elles avaient parlé. Longuement. Ni l'une ni l'autre ne s'appréciaient. Pourtant Cillien faisait un effort pour sa fille. Hellina ne pouvait pas venir. Ses fonctions la retenaient. Et elle ne voulait pas confier Lénaïc à Cillien. Si Thomas faisait le voyage, c'était envisageable mais sinon, un refus. Et pourtant, Cillien avait su convaincre la dite Hellina. Et Spirit s'était alors chargée de convaincre son copain. Ce qui n'était pas si dur. Ces deux là... Cillien ne pouvait s'empêcher d'esquisser un sourire - ou une grimace ?! - en pensant à la complicité qui liait les deux mômes. Un peu comme celle qu'elle partageait avec son amie d'enfance : Gypsi.

Finalement, le départ avait eu lieu. La route se faisait lentement mais surement. Jusqu'à ce que... Un, deux... Des hommes surgissent. Assoment les enfants. Elle n'avait strictement aucune chance. Pourtant elle voulait protéger les enfants. Alors elle s'était battu, comme elle avait appris à le faire au côté de son père... Et elle avait perdu. Mais personne n'avait été tué. Simplement blessé, mal en point, pauvre... Et la brune, qui avait certainement perdu un bras dans la bataille, et qui ne sentait plus sa main droite que son sang avait coloré sombrement s'était relevée. Plus pour l'envie de protéger les mômes, blessés un peu, eux aussi, et de les emmener se soigner, se reposer dans une ville et ne pas rester dans un endroit dangereux que pour aller voir le dit paternel, elle avait attaché le mini blond dans son dos, et portait sa fille de son bras valide. Et elle avançait, lentement, titubant. Jusqu'à ce que la première la petite princesse chieuse et insupportable reprenne conscience. Elle l'avait posé alors au sol pour qu'elle marche. Et peu de temps après elle avait déposé Lénaïc également. Ils n'avaient pas grand chose finalement. De la peur. Simplement.

Faible, ils arrivèrent en ville. Et la brune leur ordonna de se mettre au chaud, cacher dans un coin et de se reposer. De son côté elle était partie chercher et dérober de quoi bander son bras, à défaut de le soigner. Et de quoi grignotter quelques petites choses, pour reprendre un tant soit peu de force. Elle avait alors retrouvé les mômes blottis l'un contre l'autre, ensommeillés. Elle les avait contemplé un moment, avant de les réveiller et de leur tendre le pain sec. Et puis elle leur avait fait reprendre la route. La tête lui tournait. Sa vision se troublait. Ses jambes étaient faibles et parfois, sur un pas, manquaient de la lâcher. Pourtant la brune serrait les dents. Elle avançait. Au moins s'ils arrivaient à Sémur, et qu'elle trouvait le fameux Ernst, s'il lui arrivait quelque chose, les deux mômes ne seraient pas seul... Si... Le dit blond acceptait l'idée même qu'il ait pu enfanter une chieuse. Et qu'il se souvenait un tant soit peu de Cillien... Ce qui était fort peu propable vu l'état d'alcolisme avancé... Malgré tout, un sourire en coin étirait les lèvres de la brune. Enfin elle verrait sa réaction. Et si lui refiler Spirit et disparaître avait longuement été dans ses envies... Elle n'aurait peut-être pas le choix que de le faire. Au fond, c'était sans doute mieux ainsi...

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Ernst.
[Sémur, Février 1461]

Malgré les temps troublés, il y a quelques activités auxquelles l'on ne déroge jamais. Il en fut une qui ne faisait exception à aucune autre. Dans les rues de Sémur, une princesse tenait le bras d'un germain. Ils marchaient d'un pas lent, peut-être un peu moins léger qu'à leur habitude, et devisaient. Le premier sujet était, généralement, consacré au temps du jour. Etait-il assez sec? Allait-il encore neiger? Cela permettait, assez rapidement, d'enchaîner sur une passion commune, la médecine. On pouvait, alors, voir le germain se lancer dans de petits accès de passion. La chose était rare et avait le don de faire naître un large sourire sur le visage princier. Les grands gestes et, peut-être, un certain sens de l'auto-dérision, permettait au rhénan de sourire quand un léger éclat de rire jaillissait de la gorge protégée. A ce moment là, il n'était, la plupart du temps, plus question de médecine. Il s'agissait de souvenirs, de divagations.

Leur promenade les menait toujours à une taverne. Le nom importait peu. Le seul critère retenu était celui dit de "la-cheminée-qui-fume". Le germain ouvrait la porte, regardait rapidement à l'intérieur avant de faire entrer la princesse. Les mantels de fourrure étaient posés non loin. Souvent, ils étaient pris en charge par le tavernier qui les rangeait, à l'abris des regards, dans son arrière-boutique. Le blond installait sa protégée près du feu. Une boisson bien chaude arrivait sur la table. Un léger silence se faisait entre eux. De ces silences sacrés qui montrent à quel point l'esprit et le corps sont absorbés, accaparés par le bien-être d'une ambiance chaleureuse et la dégustation d'une boisson légèrement sucrée. De ces silences dont, seul, un sourire vient confirmer les bienfaits.

Puis, lentement, les corps se délassaient du froid qui les avait engourdis. La conversation reprenait son cour. Les activités récentes permettaient d'avoir matière à deviser. Parfois, un villageois entrait, un étranger, un voyageur. Ils amenaient des nouvelles avec eux. Qu'elles fussent locales ou étrangères, les nouvelles étaient, toujours, sources de réactions. Les visages s'assombrissaient ou s'éclairaient au gré du sentiment apporté. Parfois, les regards échangés étaient complices. C'était comme ça le plus souvent possible pour Jusoor de Blanc-Combaz et Ernst von Zweischneidig.

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Cillien
Quand surgis ta jeune revenante...

[Sémur, un matin de Février 1461]

La nuit avait été longue. Le chemin plus encore. Si bien que la brune avait cru ne jamais arrivé au bout. Elle s'était effondrée plus d'une fois. La blessure de son bras l'épuisant. Et puis finalement ils avaient réussi à rejoindre la dite ville. Ville de tant d'espérance pour Spirit. Ville de vengeance pour Cillien. Mais avait-elle encore assez de force pour se venger ? Ils arrivèrent à l'aube. Les enfants somnolaient tant qu'ils ne réagirent même pas au passage des portes. Et c'est une Cillien aussi blanche que la mort qui les avait guidé jusqu'à une taverne déjà ouverte, où ils s'étaient faufilés dans un coin pour dormir. Entassés, collés les uns aux autres. Et la brune avait récupérer ainsi un peu de force. Le bruit des rues s'éveillait lentement. Il réveilla l'Austère à pâle figure. L'Austère blessée. Avec tendresse - et c'était bien la première fois de sa vie qu'elle faisait preuve de tendresse à l'égard de sa miocharde - elle réveillait les deux mini blonds, les incitant à aller découvrir la ville. Et à ne venir la retrouver que lorsqu'ils auraient suffisamment jouer, ou que la nuit commencerait à tomber.

Elle les avait alors regarder filer, en commandant une tisane bien chaude. Elle la but lentement pour se laisser le temps de prendre courage. Son bras la lançait. La tête lui tournait. Et pourtant, elle ne laisserait personne lui enlever le plaisir de cette journée. Sadique la brune ? Elle aimait le penser. La tisane finit, elle était sortie, pour essayer de glâner de ci de là quelques renseignements sur le dit Ernst. Elle en profita pour dérober une miche de pain qu'elle entama en marchant pour se donner des forces. Elle ne volait que de quoi se nourir. Les jours étaient trop rude, elle n'était pas en état de travailler. Et elle ne comptait plus depuis bien longtemps sur la générosité des gens. Alors elle déambulait, elle demandait des informations. Elle croisait nombre de passants. Mais au fond, elle savait qu'elle ne reconnaîtrait pas nécessairement Ernst. En sept on doit changer... Elle aussi avait beaucoup changé. Surtout ce jour-là... Elle devait être assez méconnaissable. La mine toujours aussi sévère et stricte, fermé, n'offrant que très rarement de sourire. Mais pâle. D'une blancheur à faire peur, qui contrastait avec le marron sombre de sa chevelure qui ce jour là tombait mollement sur ses épaules.

La faiblesse la reprenait. Parfois elle trébuchait sans raison, ses forces l'abandonnant, et elle poussait les passants en tombant sur eux, repartant en titubant légèrement. De loin, on aurait pu croire qu'elle avait bu. Pourtant, rien de tout cela. Le mutisme qu'elle occupait le laissait d'ailleurs entendre. Elle s'adossa à un mur pour recouvrer son souffle, et sa vision. Avalant sa salive elle réfléchit. Une seule chose lui faisait tenir le coup. Elle voulait à tout prix trouver le grand blond aujourd'hui. Et... Un sourire las, et fin étirait brièvement les lèvres de la brune à chaque fois que cette pensée l'effleurait. Et soudain l'idée lumineuse fit son apparition. Elle avait grande tendance à caricaturer et amplifier follement tous les défauts d'Ernst. Et pour cause, elle avait souffert à cause de lui. De sa beuverie, de son abandon. De son ignorance. Ingrat. Comme tant d'homme. Et le murmure s'échappa, victorieux de ses lèvres :


Un ivrogne... devrait être en taverne...

Il était tôt pourtant encore. Mais rien ne perturbait l'Austérienne. Quand elle avait une idée en tête, comme le disait sa bohémienne, rien ne pouvait l'arrêter. Pas même des démonstrations plus que raisonnables qui prouvait entièrement qu'elle avait tort. Non rien. Pas même sa blessure. Pas même sa faiblesse. Pas même l'aspect ridicule que recouvrait sa vengeance, après tant d'années passées. Pas même la joie de sa gamine. Pas même le maigre lien qui commençait à se tisser entre la mère et sa fille. Rien ne l'arrêterait. Alors elle reprit la route demandant aux passants de lui indiquer les tavernes. Qu'importe si elle devait faire 10 fois le tour de chaque taverne, elle le ferait. Au bout d'un bon moment passé de taverne en taverne à chercher vainement un homme blond, elle finit par entrer dans une qu'elle n'avait pas encore visité. Ses vêtements sales et poussiéreux connotait la gueuse de base, et elle n'avait même plus de mantel chaud pour la couvrir et la protéger du froid - les brigands ayant tout pris. De maigres deniers s'agitaient dans un bout de tissu accroché à sa ceinture.

Elle entra, comme à son habitude, de façon nonchalante. Morne. Se contentant de saluer d'un mince hochement de tête sans parler. Elle avait abandonné l'idée de rencontrer le dit homme ce matin. Elle s'assit donc sur l'une des premières chaises qui passa sous ses fesses. Sans voir. Et puis le crépitement du feu attira son attention. La tête fut relever, elle aperçut deux silhouettes... Les yeux se plissent. Il est blond. Les yeux s'écarquillent. Serait-ce lui ? Un vague souvenir persiste dans la tête de Cillien. Ernst... Elle l'avait aimé, puis haït au plus haut point. Il était de ceux qu'elle ne pouvait pas oublier. Ses yeux se portèrent alors sur la seconde silhouette qui lui faisait face. Ainsi il était accompagné. Sourire carnassier, vite effacé. Et l'Austère se demande comment aborder le dit homme. Faire la fausse amie jusqu'à ce que... ? Miser sur l'effet de surprise ? Ou faire feu immédiatement ? Finalement, le bras droit replié contre elle, et presque inutilisable, elle se releva, prenant appui sur la table avec sa main gauche, et vacilla jusqu'à eux, s'affalant sur une chaise - et ce non par impolitesse mais par faiblesse. Une voix un peu atone, sans accent, sans intonation, une voix triste s'échappa alors de ses lèvres :


Excusez-moi de vous dérangez...

On pourrait presque s'attendre à une scène d'aumône vu l'état de l'une face à la stature des autres. Et Cillien laisse volontairement un silence s'installer. Elle ne rajoute rien. Un peu de pitié peut-être pour une pauvre brune blessée et malheureuse ? Son regard perçant fixe tour à tour les deux personnes qui lui font face. Elle voudrait vérifier qu'il s'agit bien de lui. Pourtant sans qu'elle s'en rende compte des mots s'échappent à nouveau de ses lèvres :

Je cherche un médicastre... Généreux si possible. Réplique accompagnée d'une légère grimace, voir moue dubitative quant à l'existence d'un tel personnage dans une ville...
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