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[RP Fermé] Rien ne sert de courir..

Thes
La nuit était déjà bien avancée et le village profondément endormi. Le chant des insectes nocturnes ricochait entre les arbres, si bien qu'il était impossible de savoir d'où il provenait. Une bruit sec, très différentiable des autres, fit écho.. puis encore un autre. Thes tentait, tant bien que mal, de quitter la forêt. Elle ne voyait pas où elle mettait les pieds et les faibles rayons de lune ne l'aidaient pas beaucoup. Elle soupira et porta les mains jusqu'à sa tête. Des aiguilles de pins étaient farouchement plantées dans sa chevelure de feu. Elle les enleva une par une et les jeta au sol. Chose faite, elle avança à tâtons et fini par mettre un pied sur le chemin qui menait au village. Avec un pincement au cœur, elle repartait vers la civilisation.

Thes avait les joues rouges mais le froid de ce mois de Février n'y était pas pour grand chose. Un tendre sourire s'affichait sur ses lèvres et son regard rêveur en disait long. Son corps était bien là sur ce chemin mais son cœur était encore logé dans les bras de l'homme qu'elle aimait.

La neige avait fondue depuis quelques temps déjà et ses pas résonnaient sur la terre durcit par le froid. Un nuage venait de couvrir la lune et le chant des insectes cessa. Thes avait ralenti la cadence et plissait les yeux pour mieux distinguer le fossé. Un vent glacial vint lui fouetter le bras traversant le maigre tissu de sa chemise et un frisson glissa le long de son dos... mais il n'était pas dû au vent. Son sourire s'était évanoui et elle s'arrêta. Son cœur venait d’accélérer et lui donnait de douloureux coups à la poitrine.

Elle fit doucement pivoter sa tête de gauche à droite. Ses oreilles se mettaient à bourdonner. On l'observait.. Thes en était convaincue. Il faisait trop sombre pour voir au delà des quelques pierres qui bordaient cette route. Un silence absolu régnait, le vent s'était arrêté... Thes ne bougeait toujours pas et continuait à scruter les alentours. Elle se mit à se mordre les lèvres pour les empêcher de trembler. Elle avait déjà eu cette peur au ventre, une unique fois.. quand cette Chose avait posé sur elle un regard qui l'avait épouvanté. Cette fois où elle avait prié pour pouvoir disparaître.

Le souffle coupé et le corps entièrement raide, elle ferma les yeux... non, elle ne devait pas céder à la panique. Elle devait affronter cette Chose qu'elle avait connu et presque oublié.. mais il était le Prédateur et elle la Proie.

Thes releva lentement les paupières et lâcha d'une voix rauque :


« Je sais que vous êtes là Eframm. »

Elle l'attendait..
_________________
--Eframm
Cela faisait déjà plusieurs semaines qu'il était parti à sa recherche, elle était désormais son Eldorado, et non des moindres. Il la ramènerait, quoiqu'il lui en coûte, elle devait être a lui, à ses côtés, c'était écrit ainsi. Il n'aimait pas que la situation lui échappe, alors quand il a su qu'elle était partit du village, il n’hésita pas un seul instant, sa fierté était engagée.

Eframm avait pour habitude de toujours avoir ce qu'il voulait et ne reculait devant rien. Peut-être un acquis de l'éducation presque militaire qu'il avait reçu de son père. Il était devenu quelqu'un de déterminé, tout ce qui ne lui plaisait pas il le faisait savoir, par tous les moyens en sa possession, il ne craignait rien, ni personne. Alors le départ de sa « poule au œufs d'or » eut un effet psychorigide sur lui, il était désormais perverti par l'idée de la retrouver.

Des lieues et des lieues de marches efforcées, et beaucoup de sondages souvent mouvementés ont eu raison de sa détermination, il savait maintenant où elle se trouvait...


Saint-Aignan

Déjà deux jours qu'il lui marchait presque dans les pas, sans qu'elle ne s'en doute. Mais cette fois un vent de malchance a eu raison de lui. Elle savait qu'il était là.

Tapit dans les fourrées il l'observait, elle était là, regardant autour d'elle, la peur se faisait ressentir sur son visage et il aimait ça, il savourait la crainte qu'avaient les gens pour lui.
Il sortit de la lisière du bois et se présenta, à quelques centimètres d'elle.


« Thessalys, cela faisait trop longtemps... Voulez vous continuer de jouer à ce petit jeu effréné encore longtemps? Dans ce cas là je peux vous assurez que vous perdrez, croyez-le ».

Il la regardait avec un large sourire, ses bras sur-musclés croisés sur son torse.

Il attendait ce moment depuis trop longtemps...
Thes
Encore une fois, elle pouvait prouver que son instinct ne la trompait jamais.. et pourtant, elle aurait tout donné pour avoir tord à cet instant là. Il s'était présenté juste en face d'elle, lui avait dit quelques mots et maintenant il se tenait là, lui barrant le passage avec un horrible sourire collé aux lèvres. Les menaces ne lui avaient rien fait mais elle avait frissonné quand il avait prononcé son nom de baptême. Thessalys.. cette Thessalys appartenait à une époque révolue. Aujourd'hui devant Eframm se tenait Thes et elle devait montrer qu'elle n'avait pas peur de lui.

Son cœur était encore douloureux mais les battements se faisaient moins rapides. Thes resta quelques secondes.. ou plusieurs minutes.. à le regarder sans rien dire. C'était un visage que l'on oubliait pas. Eframm n'avait pas changé, si ce n'est un air un peu plus cruel et une masse musculaire plus développée. Qui pouvait croire que c'est à cet homme qu'on voulait la marier. Elle était partie en pleine nuit pour lui échapper, avait régulièrement changée de ville pour brouiller les pistes et il fallait qu'il la retrouve maintenant quand sa vie se faisait plus douce. Tout ça pour des terres. On l'avait donné à Eframm pour des foutues terres..

Une boule de colère remonta dans sa gorge. Elle plongea son regard dans celui de son Cauchemar et lâcha un crachat à ses pieds. Elle fut elle-même surprise par son geste mais ne montra aucune émotion. Elle ne voulait pas perdre le contrôle, Eframm en tirerait trop de plaisir.


« Croyez pas que je vais me laisser faire. »

Elle aurait pu lui dire mille autres choses et pourtant, la seule phrase qu'elle avait pu prononcer était celle là. Elle ferma les yeux une fraction de seconde se maudissant d'être aussi idiote. Il fallait espérer qu'Eframm serait clément. Elle le connaissait.. malheureusement.
_________________
--Eframm
Eframm se tenait encore devant elle, les bras toujours posés sur son torse faisant office de bouclier face à la médiocrité de la répondante de Thessalys. Il affichait toujours le même rictus au coin de ses lèvres. La situation, bien que des plus étranges, l'amusait énormément.
Il aimait faire de ses proies, des pantins pour ses jeux machiavéliques.
Il faut dire qu'il gagnait souvent, même très souvent. La seule et unique fois où la défaite lui avait barrée la route fut justement cette nuit-là, où son présent avait pris ses jambes à son cou. Maintenant il tenait sa revanche, il avait en main tous les atouts, elle était la souris et lui le rapace. Il pouvait la faire mijoter un peu plus, il était en total osmose avec sa vanité, il était l'être le plus sûre de lui du royaume. Alors il pouvait se permettre de lui laisser lancer les dés, une dernière fois.


Il avança d'un pas vers elle, passa une de ses mains bourrues sur sa joue et lui donna une belle claque, symbole de sa puissance et de sa maîtrise totale de la situation.

« Vous voyez, Thessalys, je suis bon joueur, alors je vais vous faire un petit présent. Je vous laisse trois jours pour faire vos bagages et dire adieu à vos petits amis, dont vous ne serez pas prête de revoir, je peux vous l'assurer... »

Il la poussa en direction du sentier, puis la retint brutalement par sa chevelure de feu.

« Trois jours, pas un de plus. Ne m'obligez pas à venir vous déterrer de votre tanière, non pas que je n'en serait pas comblé, mais il faut tout de même que vous restiez présentable pour nos noces. »

Eframm affichait un sourire à en faire pâlir plus d'un. Au fond de lui, il espérait qu'elle ne respecte pas les règles, il était accroc à sa partie de chasse.

- La partie continuait-
Thes
Thes fit glisser ses doigts sur sa joue avec un mélange de colère et de honte. Elle la voyait encore rouge même si ce n'était plus le cas. Eframm l'avait giflé il y a maintenant 3 jours. C'était certainement le comportement le plus doux qu'il était capable d'adopter. Elle jeta le miroir qu'elle tenait dans la main avec une telle violence qu'il traversa la pièce et vint se fracasser contre la porte. Elle posa sa tête entre ses mains, silencieuse quelques minutes puis se leva et alla s'accroupir juste à coté de son lit.
Elle tâtonna d'une main fébrile le dessous de sa couche. Une lueur apparut dans ses yeux quand ses doigts entrèrent en contact avec ce qu'elle cherchait. Elle retira sa main en douceur tout en tenant fermement l'objet. Une dague. Elle la posa sur le lit presque religieusement et la contempla un long moment.

3 jours. Ce soir sonnait la fin des trois jours qu'il lui avait accordé.

Elle retourna devant ce qui semblait être un bureau et prit une liasse de parchemin, ce qui en réalité était son seul bien en comptant les quelques vêtements de rechange et la dague.

Elle posa les papiers sur le lit, juste à coté de l'arme et rassembla ses vêtements qu'elle roula en boule et alla déposer dans un coin de la chambre. Son regard hésitant vint ensuite se poser sur la dague. Elle soupira longuement, l'attrapa du bout des doigts et la fit glisser derrière sa ceinture. De son autre main, elle prit les parchemins et quitta la chambre en prenant soin d'éviter les fragments de miroir au sol.
La taverne était vide. Elle inspecta tout de même les recoins de la pièce. Parfait. Thes avança en direction de la cheminée et d'un geste souple y jeta les papiers sauf un, celui du dessus.

Son regard, plein de tendresse, glissa sur les lignes de ce parchemin. - Une écriture hachée et maladroite - Une lettre au contenu sans importance mais qui pour elle avait été son bien le plus précieux. Elle porta la main à son ventre et grimaça légèrement, l'hématome était encore douloureux et sa palette de couleur s'était étendue jusqu'en dessous de la poitrine.

Thes savait qu'Eframm ne la lâcherait pas. Elle avait donc tenté de chercher du réconfort auprès du Loup mais les choses n'avaient faites qu'empirer son état actuel et le tout s'était soldé par cet hématome. Malgré cela elle ne lui en voulait pas et bien que cet homme là avait porté la main sur elle, elle n'en avait pas peur. Il lui avait fait comprendre - ou bien , avait-elle cru comprendre. Disons que ses souvenirs de cette nuit là sont quelques peut flous – d'accepter son destin. Peut importe. « Tant pis pour moi. ». Elle mettait les personnes qu'elle aimait en danger et avait refusé toute aide de leurs parts après ça. Elle s'était éloignée de son filleul et avait laissé son Ely pleine d’inquiétude, ne répondant même plus à ses lettres de peur qu'Eframm ne tombe dessus et apprenne son existence.

Elle chiffonna le papier et lui réserva le même sort qu'aux autres. Elle n'attendit pas qu'il se consume, la voilà qui quittait déjà la pièce et entamait certainement son dernier voyage.

Elle marcha jusqu'à un endroit dégagé à la sortie du village.

Eframm la suivait bien. Elle se retourna et vit qu'il venait dans sa direction avec, sur le visage, une expression satisfaite.
Nous y voilà. Elle fit un pas en avant et ôta lentement la dague de sa ceinture et contre toute attente ne la brandit pas en direction du Monstre. D'un geste sûr elle posa la lame glacée contre sa propre gorge et lança avec un sourire narquois :


« Vous aviez tord.. »

Thes fit pression sur la dague et quelques gouttes de sang virent colorer la lame.

« Vous avez perdu. »

Un peu plus tôt, elle avait pensé qu'elle ne pouvait faire autrement, piégée et contrainte de respecter son engagement. Puis, avait réfléchi à la situation, c'était comme dans un cauchemar. Elle était bel et bien coincée, c'était clair mais il restait un choix.
Elle avait décidé de se réserver une dernière liberté, celle de choisir sa propre fin. Si quelque chose pouvait bien toucher Eframm c'était la défaite et c'est ce qu'elle s'apprêtait à lui donner. Il verrait sa proie rendre son dernier souffle sans qu'il n'ait eu le temps d'y toucher. Il perdrait tout ce qu'il avait espéré avoir. Fortune et.. Elle.

C'était le Loup qui, peut-être sans le savoir, lui avait soufflé la solution.

Eframm n'aurait ni l'une, ni l'autre.

_________________
--Eframm
Eframm eut un léger recul face à la situation. Ainsi elle avait abattu ce qui semblait être un atout caché, elle préférait s'ôter le vie que de la vivre avec lui. En tout cas c'est ce qu'elle voulait lui faire comprendre. Il s'effaça d'un pas en arrière, comme soufflé par l'explosion de cette étonnante réaction. Le sang qui ruisselait le long de sa dague lui fit prendre conscience que sa partie de chasse se finirait dans le deuil. Mais pas celui de Thessalys, et encore moins le sien.

Bien que la situation semblait critique, il détenait toujours une longueur d'avance.

A son habitude et pour montrer l'assurance qu'il avait, il croisa ses bras lourdement musclés sur son torse fièrement bombé. Sa cape flottait dans les murmures du vent, il s'assimilait ainsi à un homme invincible. Ses dents blanches s'affichaient au creux de ses lèvres, et jouissant du génie qui subsistait en lui, caressa le pommeau de son épée, qui semblait bercée par les battements aléatoires de la cape.


« Je ne crois pas que vous ayez réellement envie de faire cela ma chère.Voyez-vous, il y a quelques nuits, il m'a semblé vous voir partir crapahuter dans les bois avec une sorte d'infirme indéfini à trois pattes, qui, j'en suis certain, vous tiens particulièrement à cœur.Il serait donc fort déplaisant que votre geste, qui je dois vous dire m’enjôle un peu, cause de sérieux problèmes à votre apolon, si vous voyez à quoi je fais allusion. Et qui puis est, il me semble aussi que vous cotoyez une charmante demoiselle à la chevelure rose, je me ferai un plaisirs de lui tenir compagnie si vous faites l'erreur de croire en votre victoire. »

Il lâcha un grand sourire tout en continuant de lustrer la poignée de son épée avec la paume de sa main.

« Comme je vous l'ai dit, je ne perd jamais, et ce n'est pas une fille de bas-âge comme vous qui sera la première à me donner une leçon. Faites ce que vous avez à faire, mais je dois vous dire que dans les deux cas, la fin ne joueras pas en votre faveur... »

- Il était intouchable-
Lyantskorov
Un vent mordant soufflait, aux alentours de Saint-Aignan plongés dans le froid de l'hiver. C'était une de ces nuits où les nuages dissimulaient la plupart du temps la lune, mais parfois, la laissaient répandre une faible lueur qui donnait un vague côté irréel au paysage parcouru par le Slave. Cependant, lui qui se sentait d'ordinaire attiré par ce genre de spectacle déplorait en ce moment l'absence de luminosité; sans parler des douleurs causées par ses blessures qui risquaient à tout moment de se réveiller face aux efforts qu'il faisait.

Car Lyantskorov, qui parcourait seul ces lieux, ne s'aidant qu’occasionnellement de son bâton pour marcher, à un débit qui lui semblait bien trop lent, n'était pas parti errer sans but. Au contraire, bien qu'il ne savait pas où chercher, il savait ce qu'il cherchait. Et quelque chose lui suggérait étrangement qu'il lui était plus que temps de le trouver. De plus, suivre une piste avec ce manque manifeste de lumière n'était pas tâche aisée; cela devait bien faire la quatrième fois qu'il devait rebrousser chemin après avoir perdu la trace. Que n'eût-il eu une lanterne ...

C'est ainsi que, marmonnant, l'air sévère, une main resserrée sur le collier qui pendait à son cou, l'autre cambrée sur son bâton, il se retrouva à suivre un chemin bordé de pierres. Il ignorait si la vague piste qu'il suivait était la bonne quand ... quelque chose ... d'étrange dans l'air le mit en alerte. Il s'arrêta et arrêta son discret psalmodiement pour tendre l'oreille. Oui ... il percevait des voix diffuses, portées par le vent. Il lâcha son collier, et sa main ainsi libérée vint trouver le chemin dans un replis de sa tunique, replis où il dissimulait une dague et un poignard. Il s'empara de ce dernier, et s'efforça de le maintenir dissimulé, avant de s'avancer, sans faire le moindre usage de son bâton, tâchant de rester le plus discret possible.

Au bout de quelques mètres ainsi parcourus, il aperçut les formes; un homme, de grande taille, dont la silhouette n'était pas sans lui rappeler quelqu'un qu'il avait connu, et, l'autre ... ce ne pouvait être que ... Thes ! Il força un peu l'allure. Ce serait tout de même dommage d'arriver trop tard. L'endroit était dégagé, et il aurait du mal à passer inaperçu ... peu importait ! Ce n'était pas son but. Son front se barra, et ses lèvres se tordirent en un sinistre rictus tandis qu'il ressentait, comme on le lui avait appris, des envies de violence remonter. Par fierté, il n'utilisa là non plus pas une seule fois son bâton. Il distingua quelques mots, de plus en plus précisément à mesure de son avancée ...


" ... bois ... indéfini ... suis certain ... cœur ... déplais... geste ... m’enjôle un peu ... problèmes ... si vous voyez ... allusion ... me semble ... côtoyez une charmante ... rose, je me ferai un plaisirs de ... vous faites l'erreur de croire ... votre victoire. » "

Une autre série de phrases suivit celle-ci, que cette fois, le vagabond put comprendre dans son intégralité :

" Comme je vous l'ai dit, je ne perds jamais, et ce n'est pas une fille de bas-âge comme vous qui sera la première à me donner une leçon. Faites ce que vous avez à faire, mais je dois vous dire que dans les deux cas, la fin ne jouera pas en votre faveur... "


Le peu qu'il comprit, s'il n'était pas suffisant pour comprendre qu'il avait parlé de lui-même, Lyantskorov, ne lui plaisait pas. Qui plus est, il menaçait Thes. Son regard se porta à nouveau sur la jeune femme à la chevelure de feu et il distingua ... une lame, qui refléta un rayon de lune, et qu'elle appuyait contre sa propre gorge. Cela le fit hésiter un bref instant. Hésitation qui disparut lorsque ses yeux distinguèrent les traits du puissant homme; mal, certes, mais, cependant, malgré ses lointaines ressemblances avec l'Ancêtre ... le barbu se mit à éprouver une brutale et inexplicable répulsion pour lui en discernant ses traits. Il avait deviné que c'était lui dont la rousse lui avait parlé; qui d'autre ? Il fallait l'empêcher d'obtenir ce qu'il voulait. Et, à défaut de mieux ... c'était à lui qu'incombait cette responsabilité. Il lâcha son bâton, fit passer son poignard dans sa main gauche, toujours attentif de ne point le montrer; puis, il fit encore quelques pas en avant.

J'vois encore une suite possible; et cette fois, c'est pour toi, qu'elle tourne mal ! beugla le barbu.

Sa voix grave qui d'ordinaire parlait plutôt bas se fit cette fois-là tonitruante, voilant moins que d'ordinaire les restes de son accent slave. A présent, il ne pourrait plus faire machine arrière. Son front se barra sous la concentration; face à la carrure de celui qu'on appelait Eframm, sans parler de leur différence d'armement, il n'aurait que peu de chance dans un affrontement direct. Ses doigts se crispèrent un peu plus sur le manche de son poignard. S'il devait le jeter, il lui fallait faire mouche. De l'art d'être au bon endroit, au bon moment. Enfin ... espérons-le.
Thes
Ainsi donc, Thes n'avait pas été assez prudente. Le message était limpide.. Eframm savait pour Ely et Lyants. Elle laissa instantanément tomber sa mine provocatrice et avala difficilement sa salive, sa gorge était sèche. Pas le moment de flancher. Et s'apprêtait à lui lancer une réplique sanglante quand une voix très distincte s'éleva avec force dans les airs.

« J'vois encore une suite possible; et cette fois, c'est pour toi, qu'elle tourne mal ! »

Sous l'effet de la surprise, sa main se crispa ,Thes ne bougea pas d'un centimètre malgré la lame qui s'enfonçait un peu plus dans son cou. La douleur lui arracha une grimace qu'elle n'avait pas la force de masquer. Cette voix .. Lyants ? Mais comment.. ? Elle resserra sa main autour du manche de la dague et leva le coude un peu plus haut. Ce geste avait pour but de signifier à Eframm qu'elle était toujours déterminée à mettre sa menace à exécution, malgré cette intervention extérieur.
La tâche s'élargit autour de la lame et le liquide sombre goutta sur sa chemise. Avec cette luminosité, le sang était noir. Son corps se contracta et tout son intérieur se liquéfia. Une pellicule de sueur vint se coller dans le bas de son dos. Elle ouvrit la bouche pour hurler à Lyants de « fuir » mais aucun son n'en sortit.

Elle passa lentement son regard sur les deux hommes, leurs formes étaient floues. La douleur lancinante de sa plaie au cou lui remontait au visage, rougissant ses joues et brouillant sa vue. Ce qui semblait être une éternité ne dura en réalité qu'une fraction de seconde. Eframm était rapide, elle le savait. Elle s'attendait à ce qu'il dégaine son épée.. qu'il blesse Lyants ou pire.. qu'il le tue. Non pas Lui, pas à cause d'Elle. Thes se cambra et hurla à plein poumon :


« Nooon ! »

Pas maintenant. Pas comme ça. Elle avait trouvé l'aplomb nécessaire pour en finir mais rien ne se passait comme elle l'avait imaginé. Quelle réaction espérait elle avoir en lui disant cela. Qu'il rangerait son épée et qu'il partirait en faisant une courbette... ?
L'humidité glissait sur sa peau comme une main invisible, ses jambes avaient du mal à la maintenir debout et surtout Thes se sentait .. faible face à la situation.

_________________
--Eframm
Eframm restait de marbre face à sa promise, qui continuait malgré tout à vouloir lui montrer qu’elle ne sera jamais sienne. Il l’observait dans les moindres détails, attendant qu’elle commette le moindre signe de faiblesse, de détresse, d’abandon. A ce moment-là ça en serait fini pour Thessalys, elle n’aurait aucune chance d’en sortir la tête haute, elle serait condamné à demeurer à ses côtés, enfin jusqu’à ce que les vœux soient prononcés et leur mariage consommé… Malgré sa beauté des plus charmantes, il n’avait d’yeux que pour le magot qu’elle trainait derrière elle. Des femmes, il avait juste à claquer des doigts pour en avoir un tas à ses pieds, son physique athlétique mais surtout la classe innée qu’il possédait faisait de lui un vrai « don Juan » auprès de la gente féminine. Mais pas auprès de Thessalys, et c’est justement de là que venait toute la fureur d’Eframm…

La résistance ? A par la sienne, il ne l’acceptait pas… Le manque de respect ? Il ne le tolérait pas… La défaite ? Il ne la connaissait pas… Jusqu’à son dernier souffle il l’emmènerait devant le père de sa paroisse, même si, pour cela, il devait la faire respirer lui-même.

Le sang qui coulait de plus belle le long de la lame, luisante de sa virginité de la chair, procurait ce plaisir qu’aimait recevoir Eframm, le sourire se faisait plus ouvert et plus chaleureux. Il ne doutait pas un instant qu’elle irait jusqu’au bout de sa pensée. La mort, il l’avait déjà croisé à plusieurs reprises. Ce regard vide, et pourtant au travers duquel toute une vie défile, cette lueur qui s’éteint quand les derniers battements du cœur s’estompent, ce néant lorsque le dernier souffle de l’âme abandonne sa prison charnelle, et puis le silence, la froideur… la mort. Il connaissait bien ce passage inévitable entre les deux mondes, il s’en vantait d’être son complice.

Mais cette fois, il ne voyait pas en Thessalys ce regard funeste. Elle laissait apparaitre, bien qu’elle fasse tout son possible pour ne pas le montrer, la détresse, la peur et l’impossibilité de sortir de ce cauchemar. L’hésitation pourtant ne se faisait pas sentir… Il voulait mettre un terme à cette situation qui devenait un peu trop ridicule et enfantine pour lui. Sa main se serra sur la paume de son épée qui commençait à glisser le long de son fourreau.


« J'vois encore une suite possible, et cette fois, c'est pour toi, qu'elle tourne mal ! »

Une voix roque se fit entendre et un homme s’approcha sans se faire attendre.

L’homme, dans les souvenirs d’Eframm, était comme le reflet du parfait infirme que personne n’aimerait avoir dans son entourage… Barbu, boiteux, bourru dans l’âme… Qu’est-ce que Thessalys pouvait bien lui trouvait de si attirant ? A côté de lui, cet homme pouvait être assimilé à un pestiféré… Mais sa nature profonde demeurait encore un mystère pour Eframm, il se présentait là, face à lui comme si il avait en tête de faire ses preuves et de montrer à Thessalys sa bravoure. Cette pensée eut un effet hilarant sur Eframm et il décrocha un très distinct rire lorsqu’un « non » perçant sortant de la bouche de la femme, le ramena dans la situation qui se présentait.

Les mots de l’homme ne semblaient pas avoir résonnés dans le creux de son oreille, il n’y prêta aucune attention.


« Ainsi voilà la bête, je m’étonnais de ne pas encore l’avoir vu… Vous avez eu le cran de sortir de votre tanière, ou plutôt devrais-je dire la stupidité de venir jusqu’ici. Voyez-vous, maintenant que vous êtes là, nous allons pouvoir régler quelques petits détails… La très charmante rousse que vous osez côtoyer en douce est avec moi, alors vous comprendrez que je suis bel et bien forcé de vous donner la leçon que vous méritez… »

Le sourire d’Eframm vint à tanguer vers un regard provocateur, il s’attendait à ce que l’homme pousse sa folie à sa perte.

Depuis sa plus tendre enfance et sous les assauts répétés de son paternel, il avait appris à manier le fer avec une telle simplicité qu’il en était devenu un adversaire redoutable. Des masses de personnes foulèrent le bord tranchant de sa lame sans jamais lui arracher la moindre goutte de sang.

Alors la vue provocatrice de cet homme qui se battait déjà seul pour garder son équilibre l’amusait plus qu’il ne lui infligeait de la crainte.

Il sortit d’un geste brusque son épée de son fourreau ; de cette mise en scène épique il espérait que l’homme répondrait assez vite à sa provocation, il avait envie d’action, ses mains s’étaient engourdies depuis son dernier règlement de compte, et cela lui manquait.

Il ne manqua pas de surveiller la réaction de Thessalys qui semblait pour le moins déboussolée. D’un coup très rapide et très précis du bout de sa lame, il entailla suffisamment son bras pour que sa main s’ouvre et que sa dague lui échappe. Eframm la récupéra et d’un geste calculé, la lança en direction de l’infirme. Elle alla s’enfoncer dans le sol boueux, juste devant ses pieds, une manière pour lui de leur faire comprendre que c’est lui, et uniquement lui qui menait le jeu.


La raclée s’annonçait plutôt aisée…
Lyantskorov
Il riait ! C'était le seul effet qu'avaient ses parole sur lui; on se dressait contre lui, et lui s'esclaffait. Non pas que cela surprenne le jeune homme; son amoindrissement physique n'avait pas encore fini de guérir, et la stature de son adversaire était sans conteste supérieure à la sienne. Mais, susceptible comme l'était le Slave, il détestait qu'on lui rie ainsi au nez.Sa bouche se contorsionna en grimace haineuse. Oh, certes, cela rendait la ressemblance plus frappante encore entre l'Ancêtre et Eframm, mais ... il y avait quelque chose qui les différenciait, quelque chose qui le rendait encore plus haïssable à ses yeux, bien qu'il ne pût toujours pas trouver quoi. De plus, le cri, la protestation de Thes résonnait encore à ses oreilles. C'était comme si ... elle refusait son intervention. Mais il était trop tard pour se manifester; quand bien même, s'il avait pu lui répondre, il lui aurait fait sa réponse favorite; il n'appartenait à personne ...

" Ainsi voilà la bête, je m’étonnais de ne pas encore l’avoir vue… Vous avez eu le cran de sortir de votre tanière, ou plutôt devrais-je dire la stupidité de venir jusqu’ici. Voyez-vous, maintenant que vous êtes là, nous allons pouvoir régler quelques petits détails… La très charmante rousse que vous osez côtoyer en douce est avec moi, alors vous comprendrez que je suis bel et bien forcé de vous donner la leçon que vous méritez… "

La leçon qu'il méritait ? Il ne put s'empêcher de trouver cela risible ... De plus, sans faire cependant de comparaison avec sa propre situation, il jugeait la légitimité de l'homme pour prétendre s'approprier Thes pour le moins bancale ... Mais ce qui était sûr, c'est que l'infâme ferait tout pour avoir ce qu'il désirait. Et qu'il n'avait pas l'air décidé à laisser un éclopé l'empêcher de l'obtenir ... entre ses dents, sans détacher son regard du colosse, le vagabond adressa une discrète prière à Peroun, dans l'attente du probable combat qui s'annonçait. Chaque parcelle de son corps meurtri se préparait à un violent affrontement, le premier sérieux depuis celui qui avait causé les blessures qui l'avaient temporairement rendu infirme.

Soudain, Eframm tira son épée; le barbu se crispa affreusement. Cependant, il ne s'avança pas, comme il s'y attendait, vers lui, mais vers Thes, et, avec une rapidité prodigieuse qui lui fit un peu plus douter des possibilités d'une victoire, il frappa la jeune femme, qui fut contrainte de lâcher son arme. Puis, presque sans interruption, l'arme qui un instant plus tôt menaçait la vie de la rousse se plantait à ses pieds; il eut un mouvement de recul, mais ... la brute l'avait volontairement raté. Ses dents grincèrent. Ainsi, il voulait jouer avec lui. Il le prenait pour un faible. Il n'allait sûrement pas se laisser faire. Quelle que soit l'issue ... au moins l'un d'eux trois ne quitterait pas cette clairière en vie. Et il ferait tout son possible pour que ce soit Eframm. La lueur de la lune qui perça brièvement les nuages lui fit mieux apercevoir l'expression de l'homme. Et il comprit. Il avait beau être de haute stature, puissamment bâti, affreusement cruel, débordant de vices, tout comme l'Ancêtre ... il ne se rendait pas maître de ses pulsions ! Au contraire, il les laissait déborder, au point qu'elles n'étaient plus une partie de lui; elles étaient lui. Et, contrairement à l'Ancêtre ... il n'éprouvait pas une once d'admiration pour cet homme. Simplement un mélange de haine et de dégoût. Il ne retiendrait pas ses coups.

Pour la première fois, il trouva une utilité à son handicap; peu après le mouvement qui avait cherché à anticiper la dague qui s'enfonçait, il sembla tituber et tomber en avant, pour ne s'empêcher de tomber qu'en s'appuyant des mains sur le sol boueux, à côté de l'arme. Pour sûr, Eframm ne prêterait qu'un intérêt limité à cet adversaire pitoyable ... certes, simuler cette semi-chute titilla un peu certaines de ses douleurs mais, si ce qu'il voulait faire s'avérait fructueux, cela en vaudrait la chandelle. Tandis qu'il faisait semblant d'essayer de se relever, sa main droite, celle qui était restée libre, donc, se posa sur un caillou de taille relativement importante, comme si elle s'en aidait. L'autre main, pendant ce temps, dissimulant toujours le poignard, s'approcha de la dague, comme s'il voulait s'en emparer. L'attention devait donc vraisemblablement être tournée vers cette main, la gauche; et pourtant ...

Lyantskorov attrapa le caillou de sa main droite et donna une forte impulsion pour se relever, sans prendre l'arme plantée au sol. Au lieu de cela, il envoya le caillou en question vers son adversaire; assez fort et précis pour qu'il y fasse attention, mais pas assez pour le blesser. Car en réalité, il ne comptait pas sur ce ridicule bout de roche pour blesser le mastodonte. Oh, non, il ne pouvait rivaliser avec lui en force physique. Il n'était pas du genre à faire de grands discours, et il avait préféré agir plutôt que de chercher une réplique assassine. Il ne le dominait sûrement pas plus en maîtrise des armes. Il le prenait pour un chétif estropié. Là serait son erreur. Il le dépassait probablement même en atrocité, mais ... le vagabond avait un avantage sur lui. Sans attendre, sa main gauche fit un brusque mouvement vers l'arrière. Oui, il avait un atout qu'il ne devait pas sous-estimer. Sa main se rabattit violemment vers l'avant, et libéra le poignard, dont la lame fut reflétée par un rayon de lune. Car lui, Lyantskorov, contrairement à son rival, avait déjà connu la défaite. Mais ce soir, les rôles seraient inversés ...

La lame traversa implacablement la distance qui séparait les deux hommes et ... vint se ficher dans l'épaule du colosse. Le barbu retint un juron; au lieu de cela, il ramassa rapidement son bâton qui traînait toujours au sol ainsi que la dague de Thes, et s'avança vers son ennemi, le visage déformé par un rictus rempli d'aversion, l'esprit tout à ce combat, ses yeux cernés brillant d'une sinistre lueur désireuse de faire couler le sang de ce présomptueux. A présent, plus rien ne le détournerait de ce profond désir d'arracher à cet écœurant visage ce sourire narquois. Aucune pitié. Comme on le lui avait appris. Effram menait le jeu, il est vrai. Néanmoins, le Slave avait pour sale habitude de déformer les règles ...
Thes
L'obscurité se faisait plus épaisse et le froid plus mordant. Thes n'avait écouté qu'une partie de ce que disait Eframm. Le son de sa voix était devenu un vrai supplice si bien que, sans le vouloir, elle en faisait complètement abstraction. Son regard était tourné vers Lyants. Elle avait hurlé par peur.. peur qu'il lui arrive quelque chose, et pourtant, maintenant elle était soulagée de le voir et presque.. heureuse, bien que la situation n'était pas vraiment propice à ce sentiment. Elle ne comprenait pas ce qu'il était venu faire ici, un hasard ? .. il risquait sa vie.. pourquoi.. ?, le plaisir de se battre ou.. Si seulement il avait fait demi-tour.. tout serait terminé pour elle maintenant.

Thes ne vit rien venir. Une giclée de sang s'éleva dans les airs.

Elle pensait pourtant s'être mise à bonne distance d'Eframm pour qu'il ne puisse l'atteindre, mais c'était sans compter la longueur de son épée et le manque de luminosité. Tout ça pour finalement se rendre compte qu'elle demeurait à sa portée. Trop tard. Dans un souffle, l'épée vint fendre la chair de son bras et sa dague tomba à terre dans un bruit sourd. Un râle de douleur trouva le chemin jusqu'à ses lèvres. Elle recula de quelques pas, s'éloignant du « champs de bataille » et se laissa lourdement tomber sur le flan.

Elle n'eut pas le temps de faire le moindre geste pour récupérer la dague qu'Eframm la prenait déjà en main et la lançait en direction de Lyants. Thes émergea avec mollesse. Un premier réflexe avait failli la pousser à s'enfuir mais elle se redressa lentement s'appuyant sur ses coudes et sentit des perles de sels se figer au bord de ses yeux. Son regard affolé se posa sur sa blessure. Elle mit une main sur la plaie sanguinolente pour tenter d'arrêter le flot qui s'écoulait rapidement. Son bras était maintenant entièrement enveloppé d'un liquide sombre et la tache s'étendait jusqu'à rejoindre celles sur sa chemise. Elle retira rapidement sa main de la plaie et essuya ses yeux humides avec le tissu de sa manche. Les traînées sombres sur ses joues contrastaient avec la pâleur de son visage et des mèches de cheveux étaient collées au liquide noir qui, déjà, coagulait.
Elle jeta un regard par dessus son épaule et sa blessure au cou lui lança une décharge quand elle tourna la tête. Les traits de Lyants se dessinèrent sous ses yeux et elle le vit.. au sol. Une onde dévastatrice l'envahit. Elle releva la tête en direction d'Eframm, les lèvres retroussées et les yeux grands ouverts. Il avait commis une erreur en s'en prenant à Lyants.

« .. triste erreur. »

Thes serra les dents et prononça sa phrase dans un murmure rauque presque inaudible. La salive affluait, son cœur lui déchirait la poitrine, ses poils se hérissaient et elle ne sentait plus la douleur de ses propres blessures. Elle se leva.. pas assez vite pour faire attention à la pierre mais au bon moment pour voir le poignard d'une clarté cristalline fendre l'air. - Lyants.. était debout ! Son cœur explosa. - La lame vint directement se planter dans l'épaule d'Eframm, elle remarqua un léger recule de sa part sous le coup, il ne devait pas s'y attendre. Lyants s'avançait.. c'était le moment. Thes en profita pour se glisser doucement sur le côté afin de se retrouver derrière le Monstre.

Elle lâcha un hurlement bestial et en deux bonds lui sauta à califourchon sur le dos, son genou heurtant au passage la lame de l'épée qu'il avait toujours en main. Elle planta avec rage ses ongles dans le visage du Monstre et plaça rapidement les doigts de son autre main autour du poignard. Elle fit pression et tourna de quelques centimètres la lame dans la plaie. On entendait le bruit sec de la chair qui craquait. L'ombre d'un sourire passa sur ses lèvres. Même si elle savait que cette petite victoire serait de courte durée, elle aurait au moins eu le mérite de faire diversion. Peu importait le coup qu'Eframm lui porterait par la suite. L'important.. le plus important.. que Lyants, lui s'en sorte. Elle était venu ici pour une seule chose. En finir.. et elle comptait bien tenir la promesse qu'elle s'était faite à elle-même. Elle n'avait plus rien à perdre et c'était quand elle avait vu le loup tomber au sol qu'elle avait compris.. Elle ne pouvait rester les bras croisés.. elle devait arrêter d'être « une idiote » et se battre au moins une fois dans sa vie.. avant que..

Elle fit une ultime pression sur la lame et attira Eframm en arrière. Les pieds de ce dernier, avaient dû se prendre dans quelque chose car la force de Thes n'aurait pu à elle seule le mettre à terre et ils tombèrent tout les deux au sol. Son propre corps vint heurter le terrain en premier, suivit d'Eframm qui l'écrasa de tout son poids. Elle tenta de se dégager mais la pression du colosse lui coupa le souffle. Dans un dernier effort elle le repoussa de toutes ses forces mais il roula de lui même, la libérant.

Le lourd corps d'Eframm avait réveillé la douleur de son hématome au ventre. Elle poussa un long gémissement qui vida ses poumons du peu d'air qui lui restait et ses yeux se fermèrent, juste après avoir vu l'ombre du Monstre qui gisait à ses côtés. Thes ne bougeait plus. Les parties supérieures de son petit corps et son visage étaient noir de sang si bien qu'elle ressemblait à une écorchée vive.
Elle tomba dans l'inconscience, sa respiration n'ayant toujours pas reprise.

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--Eframm
Eframm ria de vive voix quand il vit l’homme trébucher au sol. Il se marmonna à lui-même

« Si la vue d’une simple petite dague l’envoie déjà compter les moutons alors quelle sera sa réaction quand il gouttera aux joies de ma tendre amie »

Il continuait d’afficher son sourire narquois, son regard se déposa sur la Rousse. Elle était posée par terre, inerte, comme accablée par la douleur mais surtout par le choc du coup, auquel elle ne s'était pas préparée. Il se disait que grâce à lui, elle savait désormais à quoi ressemblait la sensation d’être blessé. Il la voyait comme une toute petite fillette maigrichonne et candide ignorant tout de la vie, comme un être qu’il qualifiait lui-même de bas étage. La vue de la chemise absorbant le flot de sang qui s’échappait du corps de la jeune fille procurait une énorme satisfaction à Eframm.

Une pierre ricocha sur sa carapace de muscle et alla gentillement se poser à ses pieds. La bête s’était réveillée et avait… riposté…

Eframm affichait un air désespéré…

Il eut un grand moment de déception et l’on pouvait le déceler sur son visage… Il voulait se battre contre un adversaire digne de lui, digne d’avoir le droit de souiller le fer de son épée avec son sang, digne de pouvoir offrir à son épée une nouvelle gravure… Il avait pour habitude, à chaque rencontre, de faire une légère entaille sur le bas de la lame déjà bien striée de sa douce, une façon à lui de savoir combien de personnes ont eu le cran de venir frapper à sa porte…
Mais cette fois il en était autrement... Il était parvenu à dégoter le seul déjanté de la région lançant des petits cailloux pour répondre à ses menaces…

Eframm secoua la tête d’une façon nonchalante, histoire de faire comprendre au jeune louveteau que, même s’ils ne se battaient pas dans la même… catégorie…, il n’hésiterait pas à lui régler son compte une bonne fois pour toute.

La détente du barbu fut si rapide et inattendue qu’Eframm ne vit même pas la lame planer à travers la clairière. Ainsi, malgré l’air qu’il pouvait dégager, celui d’un homme qui arriverait très vite à sa fin, il détenait un effet de surprise…

La pointe d’acier n’eut aucun mal à s’enfoncer dans la chair de son épaule droite, libérant un mince filet de sang de sang et faisant reculer l’homme de quelques bons centimètres. Elle se logea juste sous la clavicule, arrachant un bout de l’os, créant une douleur perçante, handicapant très sérieusement la motricité de son bras d’arme, mais n’eut aucune conséquence vitale sur le mastodonte.

Il réalisa tout juste que l’homme venait de lui percer la peau, pour la première fois de sa vie, Eframm pouvait voir son propre sang… Il n’eut pas le temps d’ôter le poignard de sa poitrine que la Rousse, qu’il pensait agonisante, lui bondissait sur le dos, saisissant le poignard avec teigne. La lame tourna de quelques millimètres dans la plaie, infligeant une agonie éphémère au colosse. La douleur était insoutenable. Son attention était portée sur la main de Thessalys, envisageant de la lui retirer à bon coup d’épée, il se démena pour libérer son bras de sous le corps quasi squelettique de la jeune femme, si bien que la chute fut inévitable.

Ils tombèrent en arrière, le corps de l'homme vint recouvrir entièrement celui de Thessalys. Eframm ne tarda pas à se relever, la jeune femme restait inerte sur le sol. Cela lui ferait un problème en moins pour le moment.

Le loup s'approchait de lui à vives allures , il semblait déterminé à en finir.

Eframm retira d'un coup sec le poignard et le laissa tomber sur le sol... Un jouet pour lui...

Son sang se mit à couler le long de son bras, colorant sa cape blanche qui paraissait avoir des allures d'un drapeau en berne après de longs mois passés sur le front d'un champ de bataille.Il ramassa son épée à l'aide de son bras intact et se reconcentra sur son adversaire.

Il se tenait bientôt à la merci de son alliée.

Sous un grand cri de fureur, la lame trancha l'air, sa trajectoire fut nette et précise. Les feuilles qui jonchaient le sol furent balayées par le souffle de son geste, l'épée entama sa remontée avec un léger sifflement tout juste audible et alla finir sa course le long du torse de l'homme.
Elle scia littéralement sa tunique, trancha en deux le collier que l'homme dissimulait au dessous et alla pénétrer en douceur son menton.

Eframm regarda le bijou toucher le sol et un sourire réapparut sur son visage, il était fier de son geste...
Lyantskorov
L'inconsciente ... Il était trop loin pour agir directement lorsque, sans crier gare, elle s'était jetée sur le puissant homme. Il pressa encore un peu l'allure. Trop tard ... il vit les deux protagonistes s'effondrer. Et pesta. Que lui était-il passé par la tête ? Avait-elle perdu la raison ? Avait-elle renoué avec son désir d'en finir ? Ou, tout simplement, voulait-elle participer au combat ? A moins que ... non ... il y avait une autre hypothèse, mais son esprit refusait catégoriquement de s'y plier. Elle n'avait pas ... elle ne pouvait tout de même pas avoir fait cela pour ... lui ? Il lui fallut peu de temps pour se trouver une réponse à cette question, tandis qu'il poursuivait son avancée. Non, bien sûr que non. Elle avait toutes les raisons de haïr cet homme. Elle voulait le tuer elle-même; quoi de plus normal ? C'était évidemment pour cela; quoi d'autre ? Au moins cela lui était-il aisé à accepter; même s'il était peut-être le seul à être aussi dupe ... Son regard se porta sur Thes, écrasée par le poids de cette créature. Et qui, terrassée par la douleur, perdit connaissance. Eh bien, ce ne serait pas elle qui mettrait le doigt sur ses erreurs de jugement, pour l'instant ...

Mais déjà Eframm se relevait. A croire que la blessure qu'il lui avait infligée n'était qu'une plaisanterie, pour lui. Enfin, ce n'était pas le moment de se laisser impressionner ... La vigilance de Lyantskorov s'accrut encore un peu. Après ça, son adversaire n'allait pas lui faire de cadeau. Sa main se crispa sur son bâton; c'était à la fois son arme la plus longue, et encore celle qu'il maniait le mieux. D'où l'intérêt d'avoir cherché à l'affaiblir à distance, car ... l'issue du combat était sinon jouée d'avance. Le colosse ne se laissait pas démonter par ses blessures ... il fallait donc ... eh bien, en infliger d'autres. Être le plus rapide possible; la victoire excluait la prudence. Il ne devrait donc pas compter sur des économies d'énergie. Ses sourcils se froncèrent un peu plus. Il ne fallait pas flancher. Il ignora sciemment ce qui se trouvait autour de lui, pour ne plus voir que son ennemi. Il avait repris son arme. Il approchait. Le vrai combat allait démarrer maintenant.

Cet état de concentration fut cependant d'une bien courte durée. Il n'eut même pas le temps de frapper. Car son brutal opposant le devança. Il sentit la lame d'acier lui lacérer la tunique, ainsi que la chair, comme si elles n'avaient opposé aucune résistance. Du sang chaud se répandit sur son torse et sur ses vêtements, et son menton blessé teinta son abondante pilosité de pourpre, tandis qu'apparaissait une lancinante douleur, mais ... celle-ci fut cependant vite éclipsée par un autre événement. Car Eframm ne s'était pas contenté de le blesser. Ses yeux s'écarquillèrent d'horreur. Tout s'effaça autour de lui; la clairière, les arbres, son bâton, les blessures qui commençaient à guérir comme ses toutes nouvelles plaies sanguinolentes ... même le corps inanimé de la rousse disparut de ses préoccupations face à ce qui venait de se produire, quelque chose qu'il sentit au niveau du cœur ... mais pas comme un battement, non ... quelque chose de bien plus concret, de plus matériel, qui glissait contre sa peau, avec la froideur de la roche, pour finalement, quittant sa cachette sous ses habits, chuter au sol.

Peu importait au vagabond qu'il arrive malheur à sa maigre fortune ou à la plupart des objets dont il disposait, ou même à de nombreux autres êtres humains; mais il y avait une chose qu'il était prêt à garder jalousement, qu'il protégeait avec une ferveur souvent proche de la paranoïa ... pour laquelle il était fermement déterminé à se venger de toute personne qui y porterait atteinte, et à laquelle il tenait par-dessus tout. Et cette chose gisait à présent entre deux flaques de boue. Son regard, qui avait perdu son habituelle impassibilité de façade ne se détachait pas de ce qu'il portait d'habitude en pendentif ... qu'on venait de lui arracher. Pourtant, n'importe quel orfèvre qui se serait penché sur la grossière effigie de pierre ne lui aurait accordé qu'une valeur ridicule, et n'aurait pas compris la réaction exagérée du barbu.

Celui-ci, en effet, s'était mis à trembler fortement, pris d'une rage sans limite. Ses mains se crispèrent horriblement sur son bâton, au point que les veines du grincheux se mirent à saillir. Le Slave semblait avoir perdu tout sens commun. Ses yeux changèrent d'expression; à la stupeur fut substitué un sentiment bien plus violent. Dans son regard se lisait à présent une colère, qui refusait toute frontière de la rationalité; Lyantskorov semblait avoir laissé sa place à un détraqué dont le fanatisme frôlait la folie. S'il était resté une intention de se battre pour sauver Thes, la finalité avait à présent changé. Il ne se battrait plus pour sauver; uniquement pour tuer. Il allait se venger de cet être blasphématoire, de cette insulte à la vie qui prétendait être un homme ... Défiant la prudence qu'aurait dû lui imposer sa profonde entaille, il fit quelques moulinets avec son bâton. Il répétait en boucle les deux mêmes mots :
" Ti prokliatta ! Ti prokliatta ! ", d'abord entre ses dents, puis de plus en plus fort. Ti prokliatta ... "Tu seras maudit".

Son premier coup fut arrêté par son adversaire; il en fut de même pour le second. Cependant, sans discontinuer, le Slave attaquait, et lors de son troisième, un coup vers l'avant, il frappa là où il le voulait; à l'épaule, là où s'était fiché le poignard, et où Thes avait "insisté" sur la blessure. C'était plutôt satisfaisant; mais il ne s'en contenterait pas. Par rapport à la grande majorité des combats, celui-ci se faisait à main gauche contre main gauche ... or, Lyantskorov était gaucher ... pas son adversaire. Cela lui fut sûrement salvateur; même si, dans la furie qui l'animait, il ne prêta qu'une attention très limitée à ce détail. Immédiatement après, il fit un pas de côté pour éviter la puissante lame qui s'abattait, son bâton fouetta l'air, pour atteindre le colosse à la cuisse; au prix d'un désarmement. Les tremblements de son corps avaient en effet rendu sa prise instable, et il lâcha son "arme" sous la violence du choc. Mais, au lieu de chercher à le ramasser, il tira la dague de Thes qu'il avait récupérée, et se précipita vers son adversaire comme s'il voulait le frapper. Ses yeux ne lâchaient pas les siens, jetant des éclairs. Et, en un bond, il se planta juste devant Eframm, tandis que celui-ci bloquait le bras qui tenait l'arme de Thes ...

" Ia proklinaïou tièbiè, Eframm ... "

"Je te maudis, Eframm".

Ce que le colosse n'était pas censé savoir, c'est qu'il restait encore une arme au vagabond. Et, pendant que le seul bras valide de son adversaire bloquait son coup ... son autre main s'était emparée de sa propre dague. Il sentait le chaud liquide lui dégouliner sur les mains, s'échappant de la large entaille qu'il venait de faire au niveau de la poitrine de l'arrogant ... Il aurait pu viser la gorge, mais ... il ne voulait pas qu'il meure. Il fit un pas en arrière, prêt à encaisser une éventuelle contre-attaque. Non, avant cela ... il voulait qu'il souffre ...
--Eframm
Il savait qu'il venait de réveiller la bête qui somnolait en lui, son regard n'était plus le même, la fureur semblait prendre le dessus sur la raison, la lueur qui reflétait son âme s'était changée en un éclair foudroyant. Eframm avait enfin réussit à changer son adversaire aux allures penaudes en un soldat avide de sang, il pouvait enfin se battre dignement sans avoir la sensation d'infliger à cet homme une correction que l'on infligerait à un môme pour le punir de ses méfaits.
Non cette fois la punition serait sanglante et il avait pour optique de laisser l'infirme côtoyer le sol de la clairière pour le reste de sa misérable existence.

L'homme laissa déferler ses démons du bout de son bâton de bois, mais ses premiers essais ne furent pas en sa faveur, Eframm les para avec une facilité s'assimilant presque à de l'arrogance. Le sourire aux bords des lèvres était toujours présent, et la vision du sang qui s'échappait du torse de la bête lui donnait une entière satisfaction. C'était bien trop facile. Ainsi l'homme pensait l'accabler d'une quelconque... blessure... avec un simple bâton... Le poignard n'avait déjà eu aucun effet sur lui alors que pensait-il faire avec son arme végétale ?

L'homme avait pourtant cerné une faille, il porta un coup inévitable au centre de la cible de sang laissé sur la chemise d'Eframm.
Ses dents se crispèrent sous la résultante, des picotements déferlèrent dans tout son bras droit, le loup venait de mordre. L’extrémité du bois avait fini sa course sur le nerf brachial, l'obligeant à tirer un trait définitivement sur son atout majeur.

La réponse du jeune homme fut instantanée, la lame fouetta l'air à vive allure. Sa destination était pourtant calculée mais l'homme, bien qu'accablé par ses tristes années, en décida autrement.
Un pas sur le côté avec une rapidité étonnante lui suffit pour éviter de goûter aux joies de la puissance forgée. Eframm accompagna son geste jusqu'à la fin, une erreur qu'il n'allait pas tarder à comprendre.

Le coup fut d'une rare violence, le claquement du bois se fit entendre sur la chair, laissant apparaître très rapidement une marque qui resterait gravée sur sa cuisse pendant de long jours. Une fois de plus l'infirme avait infligé au corps d'Eframm sa signature.

La puissance de cet affront fit échapper les armes des deux combattants de leurs mains. Il était maintenant à sa merci. Mais contre toute attente, il n'en démordait pas pour autant. Avec une vitesse effrontée, il sorti une dague dissimulée dans sa tunique et se jeta sur Eframm. Les reflex de ce dernier furent capitales, il saisit violemment le bras armé de l'homme, il savait que si ce dernier venait à se dégager, la tournure des événements deviendrait pour le moins, dramatique.


" Ia proklinaïou tièbiè, Eframm ... "

Le loup lui aboya des mots incompréhensibles, sûrement une pensée obscène qui lui était promue.
Eframm ne tarda pas à prendre les rennes de ce bras de fer, la différence de force physique se fit vite savoir, le membre de l'homme commençait à se tordre...

Une éprouvante sensation de chaleur se dégagea instantanément de la poitrine d'Eframm, suivit d'une douleur stridente. Un coup bas vint entamer sa chair, la lame lui laissait une brûlure agonisante. Il porta son bras inerte à sa poitrine, le sang débordait de son corps avec abondance, lui colorant la main instantanément. La blessure était sérieuse, son regard se noyait dans une brume blanchâtre, le froid le gagnait.

Le Slave recula, il s'attendait sûrement à recevoir la déferlante bestiale du colosse.

Eframm ne pouvait s’empêcher de plonger son regard dans celui de ses adversaire, il aimait voir la peur s'afficher dans leurs yeux, et surtout il choyait cet instant où la dernière lueur de vie s’évapore de leurs enveloppes corporelles. Mais cette fois ci aucune peur ne s’échappait des pupilles du Slave, il n'arrivait pas à le comprendre... Personne n'avait avant lui oser souiller son corps, ni même lui adresser un tel regard. Il avait déniché l'être rare, l'âme ultime qui pourrait lui faire mordre la poussière.

Son regard se détourna du sien, son sourire qu'il affichait pourtant si naturellement s'était volatilisé, les veines de son front commençaient à battre la chamade, ses yeux se remplirent de la haine qu'il terrait au plus profond de lui, son souffle devint plus fort et plus rapide, ses poings se resserrent.

L'homme étant hors de portée, il se baissa avec fureur, saisit l'épée qui jonchait ses pieds, et commença à faire de grands cercles dans les airs avec. Il n'était pas gaucher, l'art du combat lui avait été instauré dans les règles de l'art, l'épée à droite et le contre poids à gauche. Mais il en était différent à présent.

Il fit abstraction au liquide qui continuait de se rependre le long de son buste, la rémission sera pour plus tard. Il s'avança à grand pas vers l'infirme avec la seule conviction que les choses avaient assez durée et qu'il était temps pour lui qu'il paye la note. La lame brassant l'air devant lui, lui garantissait un bouclier certain. Le premier jet de son fer fut évité par le Slave, mais son deuxième essai fut très satisfaisant, la lame entailla vivement la chair de son bras laissant jaillir un peu plus de sang, qui vint se mélanger à la flaque de boue rougeoyante. La dague qu'il tenait en main lui échappa.

Mais l'infirme se maintenait encore sur ses jambes branlantes, Eframm compris que la seule façon de l'accabler serait, tout comme il l'avait fait auparavant, de lui porter un coup bas, un coup auquel il ne s’attendrait pas. Il avait réussi à le blesser, physiquement, certes, mais surtout au plus profond de lui, il lui avait pris quelque choses qui lui tenait à cœur, la virginité de toute trace sur sa peau. Sa fierté en avait pris un sacré coup.

Un plan machiavélique s'était dessiné dans ses pensées en une fraction de seconde, bien que le Slave venait de perdre un précieux qu'il semblait chérir, un autre trésor était présent dans la clairière... Eframm avec une rapidité alarmante s'empara de la dague et d'un geste étonnement précis alla la déposer dans l'abdomen de la Rousse qui était étendue non loin des deux hommes. Les convulsions de la jeune femme la sortirent de son état léthargique.

Eframm leva les yeux vers le loup, le sourire réapparu sur le coin de ses lèvres. Son geste lui avait procuré à nouveau un sensation de plaisirs, et il espérait qu'il impacterait sévèrement sur l'état d'âme de son ennemi.

D'une voix glaciale il lança au Slave, étant certain d'avoir repris les commandes du jeu...


« Ainsi tu as choisit de mettre fin à ses jours, regarde la bien, observe la mourir et savoure. Si tu es avide de ta folie, achèves ton combat et laisses cette chienne périr ... »
Lyantskorov
Un rictus de torve satisfaction apparut fugitivement sur le visage du vagabond. Quel doux spectacle pour lui que de sentir le doute chez son si présomptueux adversaire, qui semblait il n'y avait pas deux minutes juger sa défaite impossible. N'importe quelle force, même la plus colossale, pour peu qu'elle soit mortelle, pouvait être vaincue. C'était un événement bien particulier qui le lui avait fait comprendre. S'il avait su à ce moment-là que cela l'aiderait par la suite ... oui, une puissance prodigieuse rendait difficile à tuer; mais pas immortel. Sinon, l'Ancêtre se serait encore tenu à ses côtés en ce jour ...

Il profita du répit de sa seconde petite victoire pour reprendre son souffle et son bâton, puis il passa quelques secondes à simplement détailler son adversaire, sentant que lui aussi l'observait; raison de plus pour donner une image d'assurance. Son âme s'emplit d'un plaisir pervers en voyant son ennemi qui le dominait tantôt se retrouver infirme à son tour. en lisant la souffrance dans son regard ... en le voyant comprendre qu'il avait affaire à presque aussi retors que lui. Le lugubre éclat dans les yeux du Slave se fit encore un peu plus intense. La suite était claire, dans sa tête. Son désir de verser le sang n'étais pas encore assouvi ... bien au contraire. Sa rage était trop intense pour retomber maintenant ... sans compter que cela l'aidait à ignorer sa propre douleur.

Il était temps d'en finir. Leurs blessures, à Thes et à lui, étaient trop graves pour être ignorées, et devraient être soignées au plus vite. Il s'apprêta à repartir une nouvelle fois à l'assaut. Mais s'arrêta. Dépité, il constata que le colosse n'avait pas été le seul à sous-estimer son adversaire. Il poussa un grognement furieux lorsqu'il vit Eframm qui, malgré la sévère blessure à son bras droit, ramasser son arme, et décrire d'amples cercles indéfinis, mais néanmoins dangereux, à l'aide de celle-ci. Comme il s'avançait, Lyantskorov mobilisa toutes les forces qui lui restaient pour se préparer à esquiver, et, éventuellement, à contre-attaquer. Le manque de pratique de son adversaire avec ce bras lui permit d'éviter sa première attaque, en se contorsionnant sur le côté. Mais il manquait cruellement de rapidité. Il se remettait à peine de sa convalescence, et la plaie sur son torse drainait sa force vitale.

Il ne fut pas assez habile. Telle un couperet, la lame d'Eframm s'abattit violemment sur lui. Sa tentative d'arrêter l'arme avec la dague fut bien dérisoire. Une douleur fulgurante lui traversa le bras, handicapant ses gestes. Il essaya bien de conserver son arme à la main, mais ... le mal causé était par trop insupportable. Il laissa choir sa courte lame ensanglantée, avec un cri de douleur et de rage. Son bras ... il le commandait toujours, mais chaque geste qu'il effectuait lui arrachait une grimace de souffrance. L'espace d'un instant, sa vue se brouilla. Il avait perdu trop de sang. Il aurait pu renoncer. Peut-être son adversaire aurait-il fait preuve de clémence à son égard ... malgré la situation, cette simple pensée lui arracha un petit rictus sarcastique. Décidément, les instincts de survie pouvaient parfois faire penser n'importe quoi. Il chassa très vite cette idée tandis que sa vision se redéfinissait, quoiqu'elle fût encore imparfaite.

Il scrutait le puissant homme. Il n'allait pas se laisser surpasser. Pas maintenant. Il acceptait parfaitement l'idée qu'il allait mourir un jour ... mais refusait celle que ce puisse être celui-ci. Tué par cet homme. Malgré la pressante agression de ses blessures et l'évidente supériorité d'Eframm, Lyantskorov ne se laissa pas démonter. Il devait gagner. Il devait l'occire. Ce qu'il avait fait - et désirait faire - à Thes était si méprisable qu'il doutait que lui-même pût s'être abaissé à cela. Et Thes faisait partie des rares personnes dont le sort lui importait. De plus, ce qu'il avait fait avec son collier était pour le barbu un sacrilège. Prémédité ou non, cet acte iconoclaste serait puni. Peu importait comment; la colère et la douleur l'empêchaient d'y réfléchir lucidement. Enfin, ce serait également un test. Il voulait se prouver à lui-même qu'il était capable de sortir vainqueur d'un combat de cette envergure. Qu'il était prêt.

Il commença à émettre un grondement furieux tandis qu'il s'apprêtait à repartir à l'assaut ... grondement qui mourut dans sa gorge. Il arrêta sa course. Que faisait-il ? Il avait ramassé sa dague ... à quoi bon ? Condescendance ? S'il voulait lui-même se priver de ses avantages, qu'il ne s'attende pas à ce que le vagabond en fasse de même. Il allait repartir, mais ... comprit brusquement, avec ire, la manœuvre du sournois. Trop tard ... le corps de Thes fut pris de violents spasmes. Elle ouvrit les yeux. Il ne put retenir un juron, cette fois; dans sa langue maternelle, toutefois. Même dans une situation aussi désespérée, il ne fallait pas lui montrer ouvertement qu'il avait pris le dessus. L'infâme avait repris son sourire vaniteux. Les yeux de Lyantskorov se plissèrent un peu plus, pour n'être plus que de petits fentes d'un vert sombre au milieu d'un océan de cernes noires, tandis que ses deux rangées de dents grinçaient l'une contre l'autre. La rage reprenait à nouveau le dessus. Mais cette fois, elle s'était faite plus impuissante.


" Ainsi tu as choisi de mettre fin à ses jours, regarde la bien, observe la mourir et savoure. Si tu es avide de ta folie, achève ton combat et laisse cette chienne périr ... "

C'était donc ainsi. Il préférait se priver de ce qu'il était venu chercher plutôt que de poursuivre ce combat jusqu'au bout. Faire perdre presque à coup sûr au Slave l'issue de cet affrontement plutôt que de tenter d'arracher une victoire totale. Il n'en montra rien, mais il fut surpris que son ennemi se mette à recourir à de telles extrémités. Cela voulait donc dire ... qu'il n'était plus aussi sûr de son imminente victoire. Dorénavant, il aurait plus de mal à le surprendre. Il se mit à réfléchir à toute vitesse. Il lui fallait un plan ... un plan, vite. Oui, il en avait. Les conséquences étaient hasardeuses, mais ... le temps pressait, et il n'avait rien de mieux. Il releva dignement la tête. Il était bien trop fier pour se laisser intimider. Même face au pire, il refusait de montrer un visage faible. Un bruit étrange, guttural et saccadé, se fit entendre, tandis que Lyantskorov était atteint d'une sorte de hoquet. Oui; à présent, c'était lui, qui s'était mis à rire. L'accumulation de la frustration due aux blessures qui l'avaient handicapé, à sa lassitude et à son agacements profonds pour Saint-Aignan et les gens qui la peuplaient, ainsi que les tous récents événements, dans cette clairière ... tout cela aurait pu être bien trop à supporter. Mais on lui avait fourni une arme ô combien efficace pour ce genre de situation ...

Cette arme, si son adversaire semblait la posséder également, il ne la soupçonnait peut-être pas, du moins pas autant, chez le vagabond. Son ricanement rocailleux se fit plus distinct, tel une provocation, une insulte jetée à la face du colosse. Eframm voulait mener la danse. Toujours avoir un coup d'avance. Obtenir ce qu'il désirait comme si cela lui appartenait de plein droit. Il était grand temps que quelqu'un fasse disparaître cet air suffisant. A jamais. Son bras droit, celui qui n'était pas blessé, était à présent affreusement resserré sur son bâton. Et, sans s'arrêter de ricaner, Lyantskorov s'avançait, sans se laisser perturber par son clopinement, vers Eframm, et Thes toujours au sol. Il voulait jouer à cela. Il refoula la douleur. Les barrières autour de son cœur s'étaient dressées au plus haut. Car cette arme, c'était le cynisme.

Cynisme auquel on l'avait astreint, et sans lequel il n'aurait pas pu supporter bon nombre de choses. Et lui en faisait voir beaucoup d'autres avec un détachement qui en horrifiait certains. En témoignait cette réaction qui semblait parfaitement décalée avec la situation. Cette farce avait assez duré. Eframm rendrait son dernier soupir ce soir-même. Quels que soient les sacrifices. Il força le pas, et poussa même à ses limites sa démarche claudicante. Il frappa sauvagement, cherchant à profiter de son potentiel effet de surprise. Sa frappe manquait cependant d'imagination, et le colosse l'avait bien anticipée. Ses quelques autres tentatives ne furent pas plus couronnées de succès. Les mouvements des deux protagonistes, qui avaient perdu beaucoup de sang, et ne pouvaient employer correctement leur main directrice, manquaient souvent de souplesse. Lyantskorov parvint à se fendre pour éviter de peu la lame; cependant, le geste ne s'arrêta pas là, et un bruit sourd se fit entendre lorsque le plat de l'épée l'atteignit à la hanche, tout proche de là où il avait l'un de ses bandages. De son côté, les rares coups qui atteignaient le corps fortement musclés étaient bien insuffisants pour causer de sérieux dégâts.

Alors le barbu tenta le tout pour le tout. Il bondit, réprimant une grimace, vers l'avant pour atterrir à quelques pouces à peine de son adversaire, et envoya de toutes les forces qui lui restaient le bâton vers sa tête. Néanmoins, l'autre fut plus véloce, et parvint à arrêter le coup. La tige de bois qui l'avait fidèlement servi ces derniers temps, et sans lequel, jusqu'à récemment, il arrivait à peine à marcher ... rencontra le tranchant d'acier. Une moitié du bâton s'envola en tournoyant pour retomber avec un bruit mat sur le terrain humide, tandis que l'autre continuait le mouvement entamé par le bras de Lyantskorov. Réagissant avec des réflexes qui le surprirent lui-même, il ne se laissa pas démonter, et modifia légèrement la trajectoire de ce qui restait de son bâton. Et cette fois, rencontra le succès. Le bout de bois s'enfonça avec un bruit écœurant dans l’œil de son adversaire. Cette attaque pernicieuse lui laissa le champ libre un instant.

Et, pendant cet instant, avec un cri de rage démente, au mépris de ses blessures qui commençaient à s'accumuler, il donna une impulsion à ses jambes pour sauter vers l'avant, directement vers son ennemi, forçant son bras droit, meurtri, à trouver le chemin du cou de l'abominable individu auquel il était opposé, et faisant peser de tout son poids contre le corps de son ennemi. Les deux hommes chutèrent sur le sol fangeux, le colosse en bas. En pleine frénésie, Lyantskorov lâcha le piteux reste de son bâton, et attrapa la tête d'Eframm à deux mains. Il employa toutes ses forces, et le força à la tourner. Puis, la respiration sifflante, le regard plein de haine, il lui enfonça impitoyablement le visage dans la boue, à laquelle se mélangeait le sang s'échappant de leurs multiples blessures.

Ses dents s'entrechoquèrent, tandis qu'il rajoutait la masse de son corps pour maintenir la tête dans son carcan visqueux. Enfin, le dénouement approchait ...
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